LEBANON

 

CAT Article 20 Examinations Concerning Systematic Torture

 

CAT/C/47/R.5 (2011) [French]

 

Observations du Liban concernant l=examen de renseignements transmis au titre du paragraphe 1 de l=article 20 de la Convention contre la torture

 

1.  Les spécificités sociales et la diversité religieuse du Liban font qu=à maints égards, il occupe une place à part dans le cortège des pays de la région, ce qui a fait dire que *plus qu=une nation le Liban est une mission+. Il est en outre membre fondateur et actif de l=Organisation des Nations Unies et partie à ses conventions et, notamment, à la Déclaration universelle des droits de l=homme, comme le stipule sa Constitution. Le Liban a participé à l=élaboration de la Déclaration par l=intermédiaire de M. Charles Malik et a signé et ratifié les différents instruments internationaux relatifs aux droits de l=homme.

 

2.  En réponse à la lettre que lui a adressée M. Claudio Grossman, Président du Comité contre la torture, le Liban tient à affirmer qu=il ne voit aucun inconvénient à coopérer à l=examen des renseignements reçus par le Comité et à faire des propositions à ce propos, conformément à l=article 20 de la Convention. C=est cependant avec un certain étonnement que les autorités libanaises ont reçu les rapports de l=organisation Al-Karama, d=autant plus que certaines informations figurant dans ces rapports remontent à plus de dix ans dans certains cas et à plus de quatre ans dans d=autres. On se souviendra que le Liban passait à l=époque par une phase extrêmement difficile, marquée par une agression flagrante contre son intégrité territoriale, son armée et la sécurité de son peuple et des actes qui avaient semé la terreur au sein de sa population civile et des personnes qui résidaient sur son territoire.

 

3.  Dans le présent document, nous examinerons la situation des droits de l=homme au Liban et le Plan national adopté par les autorités libanaises dans ce domaine, le but étant de faire la lumière sur les nombreuses contre-vérités que renferment les rapports susmentionnés de façon à donner une image exacte de la réalité.

 

Évolution de la situation des droits de l=homme au Liban

 

4.  En dépit de tous les événements qu=a vécus le Liban sur le plan politique et sécuritaire ! et chacun sait, à cet égard, que pendant les crises et les guerres on assiste à un recul du respect des droits de l=homme et des libertés publiques, lorsque le désordre s=installe et que les violations des lois et des règlements en vigueur augmentent !, le Liban s=est employé résolument à améliorer la situation des droits de l=homme sur divers plans, tant au niveau du pouvoir exécutif en général qu=à celui des organes sécuritaires et militaires, dont il a essayé d=améliorer le comportement par les mesures décrites ci-après:

 


$                   En 1992, le Liban a tenu ses premières élections parlementaires après l=Accord de Taef et une commission dite de l=ordre intérieur et des droits de l=homme, qui est devenue ultérieurement la Commission parlementaire des droits de l=homme, a été créée. Comme son nom l=indique, cet organe s=occupe de toutes les questions relatives aux droits de l=homme notamment celles des prisons, de la torture et des libertés publiques. Il joue dans ce domaine un rôle efficace et tient, à l=initiative de son président, des réunions auxquelles sont invitées toutes les parties concernées, à savoir les militants des droits de l=homme, les juristes et les juges, les organisations non gouvernementales et des responsables des services de sécurité. Au cours de ces réunions, les affaires courantes sont examinées et des recommandations sont adressées aux autorités compétentes;

$                   Le Liban a adhéré à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2000 et au Protocole facultatif s=y rapportant en 2008;

$                   Un nouveau Code de procédure pénale a été adopté en 2001. Ce texte pose les principes de la présomption d=innocence, du respect des droits de l=homme et de la protection des individus;

$                   Une section des droits de l=homme a été créée par décret en 2008 au sein des forces de sécurité intérieure et s=est vu confier de nombreuses tâches, dont la principale consiste à sensibiliser les membres de ses forces et à diffuser parmi eux la culture des droits de l=homme;

$                   En 2009, le Ministère de la défense nationale (commandement de l=armée) a créé un bureau du droit international humanitaire et des droits de l=homme dont les tâches consistent à assurer la formation de son personnel et la surveillance des comportements allant à l=encontre des droits de l=homme dans l=exercice des fonctions pendant les opérations, à mener des enquêtes judiciaires et à rechercher des moyens efficaces d=éviter toute violation.

 

5.  Quant à la Direction générale des forces de sécurité intérieure, elle s=est dotée de plusieurs groupes de travail et commissions dans le but de renforcer et de promouvoir le concept des droits de l=homme dans une optique stratégique visant à améliorer l=image de l=institution et à garantir le respect des instruments internationaux que le Liban a ratifiés dans ce domaine. On notera en particulier:

 

$                   La constitution, le 5 mars 2009, d=un groupe de travail sur la planification stratégique dans le domaine des droits de l=homme et des relations avec les citoyens, qui a pour mandat de doter l=institution d=un plan stratégique multidimensionnel axé sur le respect des droits de l=homme;

$                   La constitution, le 27 juillet 2009, d=un groupe de travail aux fins d=élaborer un code de conduite pour les membres des forces de sécurité intérieure. Le groupe de travail vient d=apporter la dernière touche à ce document, qui tient compte des normes internationales et qui a été établi en totales coopération et coordination avec les services du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l=homme à Beyrouth. Le groupe de travail s=emploie actuellement à élaborer un plan pour l=application de ce code, à définir les modalités d=une formation des membres des forces de sécurité intérieure à ce plan et à mettre en place un mécanisme de plainte transparent;


$                   La création, le 14 septembre 2010, d=une commission de suivi des cas de torture dans les prisons, les cellules disciplinaires et les salles d=interrogatoire des forces de sécurité intérieure; cette commission est présidée par un médecin et composée d=officiers issus des différentes unités des forces de sécurité intérieure. Elle a officiellement entamé ses travaux en février 2011 en lançant une invitation aux médias et aux organisations de la société civile actives dans le domaine des droits de l=homme.

 

6.  La Commission a pour principale tâche de suivre de près les cas de torture, de recueillir les témoignages des particuliers et d=effectuer, dans les différents centres des forces de sécurité intérieure, des visites périodiques avec ou sans préavis. La Commission a déjà entamé ses travaux et a examiné minutieusement de nombreuses plaintes et proposé l=adoption de mesures appropriées à l=encontre des auteurs des violations en cause. Il ressort des travaux de la Commission que le nombre de plaintes portant sur des cas de torture a diminué de moitié ce qu=a d=ailleurs reconnu Justice et Miséricorde, une des organisations actives dans ce domaine. Par ailleurs, il a été récemment décidé d=élargir la composition de la Commission, dont fait à présent partie un officier de la Direction générale de la sûreté publique, en sorte que son champ d=action englobe désormais tous les organes de sécurité relevant du Ministère de l=intérieur.

 

7.Comme le requiert l=article 10 de la Convention contre la torture, le Liban accorde une attention particulière à la formation des fonctionnaires chargés d=appliquer la loi dans le domaine des droits de l=homme en général et notamment en ce qui concerne l=interdiction de la torture. Dans cette optique, le droit international humanitaire et les droits de l=homme font partie des matières principales figurant au programme de formation des instituts et des écoles militaires, à tous les niveaux. En outre, des stages de formation annuels, des conférences et des colloques sur la question sont organisés pour les différentes unités de l=armée. Quant aux officiers, ils peuvent suivre des cours de formation à l=intérieur du pays et à l=étranger.

 

8.  Les forces de sécurité intérieure bénéficient, de leur côté, de programmes de formation à longueur d=année, dans la plupart des cas en coordination avec les organisations de la société civile et les organisations non gouvernementales qui s=occupent des droits de l=homme. Un programme de formation a été élaboré à l=intention d=un millier d=officiers et de fonctionnaires de la police judiciaire, des services d=enquête et des centres de détention. De même, des préparatifs sont en cours, en entière coordination et de concert avec les services du Haut-Commissariat aux droits de l=homme à Beyrouth, pour le lancement d=un programme à long terme portant sur la formation de tous les membres des forces de sécurité intérieure aux dispositions d=un code de conduite inspiré des principales normes relatives aux droits de l=homme et au respect des libertés publiques et individuelles consacrées par les instruments internationaux. On notera également que les forces de sécurité intérieure s=apprêtent à établir un plan stratégique global multidimensionnel axé sur les normes relatives aux droits de l=homme.

 


9.  La Direction générale de la sûreté publique organise de son côté des stages continus de formation aux méthodes d=enquête pénale dans lesquels les droits de l=homme et le traitement des détenus figurent parmi les principaux modules. D=autre part, les méthodes de police scientifique ont beaucoup évolué ces dernières années grâce aux grandes avancées technologiques enregistrées en matière de criminologie, d=analyse d=empreintes génétiques (ADN), de balistique et de techniques de la communication, en sorte que dans bien des cas la culpabilité d=une personne peut être établie avec certitude par des moyens scientifiques, sans qu=il soit nécessaire d=obtenir des aveux ou des informations du suspect.

 

Respect par le Liban de ses engagements internationaux

 

10.  C=est un fait que le Liban est en retard dans la présentation au Comité contre la torture du rapport qu=il doit lui soumettre en application de la Convention et qu=il a aussi tardé à créer un mécanisme national de prévention de la torture, comme le requiert le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

 

11.  Pour ce qui est des rapports, le Liban s=étant engagé pendant l=Examen périodique universel à les établir et à les présenter aux organes compétents, les autorités ont franchi un grand pas dans cette voie en constituant un groupe de travail composé de coordonateurs issus de différents ministères compétents aux fins d=élaborer lesdits rapports de façon professionnelle, conformément aux directives émises par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l=homme. Plusieurs réunions de coordination ont déjà eu lieu et les travaux touchent à leur fin.

 

12.  Pour ce qui est de la création d=un mécanisme national de prévention, le troisième rapport de l=organisation Al-Karama signale que l=ancien Ministre de la justice, M. Ibrahim Najjar, avait constitué en 2009 une commission aux fins d=élaborer un projet de loi portant création d=un mécanisme indépendant de prévention et avait désigné Al-Karama comme représentant des organisations non gouvernementales au sein de cette commission.

 

13.  Le retard enregistré en la matière est dû à deux facteurs: il y a, d=une part, des avis juridiques divergents sur la question de savoir s=il faut créer une organisation nationale indépendante des droits de l=homme, dont les fonctions correspondraient en partie à celles d=un mécanisme national de prévention, ou plutôt un mécanisme s=occupant exclusivement de prévention et, d=autre part, les circonstances par lesquelles était passé le pays qui ont entravé l=action gouvernementale et parlementaire en la matière.

 

Opérations militaires du camp de réfugiés Nahr Al-Bared

 

14.  Les rapports d=Al-Karama mentionnent les événements ou les opérations militaires de Nahr Al-Bared. Pour cette raison, nous tenons à donner des précisions sur ces événements et leur ampleur pour lever toute ambiguïté.

 


15.  Le camp de Nahr Al-Bared, un des camps de réfugiés palestiniens du Liban, se situe dans la province du Nord, près de la ville de Tripoli. Dans la matinée du 20 mai 2007, des terroristes, appartenant à une organisation armée qui s=était installée dans le camp de Nahr Al-Bared, ont attaqué des postes de l=armée libanaise se trouvant à proximité du camp et dont la seule tâche était d=assurer le maintien de l=ordre. Les assaillants ont ouvert le feu sur des patrouilles de l=armée et des véhicules servant à transporter des hommes de troupe vers leur lieu de déploiement. Dans un acte prémédité, ils ont tué et égorgé plus de 25 militaires. Auparavant, ils avaient attaqué une banque dans la région du Nord pour financer leurs activités terroristes. À la suite de ces événements l=armée libanaise a dû mener une dure bataille pour venir à bout du terrorisme, d=autant plus que les terroristes avaient pris comme otages des habitants du camp et les utilisaient comme boucliers humains pour commettre leurs méfaits.

 

16.  Puisqu=il est question ici des droits de l=homme et du droit international humanitaire, il convient de noter que le comportement de l=armée libanaise au cours de ses opérations antiterroristes est à montrer dans toutes les écoles militaires en tant qu=exemple de respect du droit international humanitaire, tel qu=il est consacré par les Conventions de Genève. L=armée a tout fait pour évacuer non seulement les civils mais aussi les familles (femmes, personnes âgées et enfants) des terroristes du camp pendant qu=elle était la cible des tirs de ces derniers. De ce fait, les forces armées libanaises - officiers et hommes de troupe - ont subi de lourdes pertes s=élevant à 171 morts et 2 593 blessés, dont 167 handicapés à vie, payant ainsi au prix fort leur volonté de protéger coûte que coûte les civils. Dans l=opération aucun civil n=a d=ailleurs été tué.

 

Actes de torture

 

17.  Les auteurs des rapports d=Al-Karama ont bien fait de parler à plusieurs reprises d=*allégations de torture+. Le fait est que l=allégation de torture demeure une simple présomption tant qu=elle n=est pas étayée par des indices et des éléments de preuve. Nous nous référons à cet égard aux activités de la Commission chargée de recueillir des informations sur les cas présumés de torture et de suivre ces cas, qui avait été constituée à la fin de 2010 par la Direction générale des forces de sécurité intérieure et qui a entamé ses travaux en février 2011. Cette commission s=est jusqu=à présent acquittée de ses tâches de manière professionnelle et objective, et il s=est avéré que dans bien des cas les allégations en question avaient été formulées par des personnes qui avaient commis des crimes dans le but d=échapper au châtiment. Il importe de souligner à ce propos que ce n=est pas la pratique de la torture qui est généralisée ou systématique au Liban mais plutôt le fait que certains criminels affirment de mauvaise foi avoir été victimes d=actes de torture, revenant sur leurs déclarations dont l=exactitude avait pourtant été établie. Les autorités judiciaires n=ont pas hésité à ouvrir des enquêtes pour vérifier le bien-fondé des accusations lancées contre des organes de sécurité chaque fois que des personnes qui comparaissaient devant elles avaient affirmé avoir été victimes d=actes de violence et de mauvais traitements. Dans chaque cas, ces autorités ont laissé la justice suivre son cours jusqu=au bout. Il s=est avéré que souvent les allégations de torture étaient fausses et que les déclarations qui avaient été faites auparavant par les accusés étaient exactes. Cela dit, dans certains cas, des enquêtes ont été annulées en raison du recours à la torture et des condamnations ont été prononcées contre les coupables.

 


18.  Il y a lieu de signaler que toutes les enquêtes menées par les différents organes de sécurité sont supervisées par le Procureur général et que ce n=est pas la police judiciaire mais l=autorité judiciaire compétente qui décide du placement d=une personne en garde à vue. On notera à cet égard que la durée de la garde à vue est, selon le nouveau Code de procédure pénale de 2001, de quarante-huit heures pouvant être prolongée d=une période identique sur ordre du Procureur général alors que dans l=ancienne loi le délai de garde à vue n=était pas précisé.

 

19.  D=autre part, le style adopté dans les rapports, qui est fondé sur la répétition, amène à se poser des questions sur leur contenu, s=agissant notamment de l=accent mis sur l=idée que la torture est systématique au Liban. Ce qui étonne le plus ce sont les remarques faites au paragraphe 26 sous le titre *Stratégies de torture+ et à la page 28, où il est question des méthodes de torture et où il est dit que le Ministère de l=intérieur recherche méthodiquement le meilleur type de torture à infliger aux victimes.

 

20.  Nous tenons à exprimer ici notre rejet catégorique de ces remarques que nous considérons comme totalement inacceptables. En effet, les mauvais traitements ou les peines cruelles ou humiliantes ne peuvent être que le résultat d=actes individuels dus à l=ignorance ou à l=absence de culture des droits de l=homme et ne relèvent en aucun cas d=une stratégie suivie méthodiquement en application d=instructions données par des supérieurs hiérarchiques. La preuve en est que les autorités politiques et l=ensemble des responsables de l=armée et des forces de sécurité qui accomplissent des tâches de police judiciaire ont pour principe de respecter les droits de l=homme et de ne pas porter atteinte à la dignité des détenus, leur mandat consistant à appliquer la loi aux auteurs d=actes criminels quelle que soit la nature de ces actes. La stratégie en place est non pas une stratégie de torture mais de diffusion des droits de l=homme et de renforcement des compétences des fonctionnaires de police judiciaire, dont le niveau s=améliore lentement mais sûrement.

 

21.  En outre, le Ministère de l=intérieur, qui a ouvert ses portes à toutes les organisations non gouvernementales à des fins de coopération et de concertation dans le domaine des droits de l=homme et dont les organes sont soumis à une surveillance permanente, n=a jamais suivi et ne suivra jamais une politique de torture qui varie selon l=identité des victimes, sachant qu=en vertu du décret no 8800 en date du 4 octobre 2002, les délégués du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont été autorisés à visiter les prisons et à rencontrer librement, en privé et à toute heure, les prisonniers avec lesquels ils souhaitent s=entretenir. Ce décret est annexé au Protocole que le CICR et les autorités libanaises, représentées par le Bureau du Procureur général près la cour d=appel, la Direction générale des forces de sécurité intérieure et la Direction du renseignement ont signé le 20 février 2007. Cet accord régit les visites effectuées par le Comité dans les prisons et les lieux de détention relevant du Ministère de la défense, de la Direction générale des forces de sécurité intérieure et de la Direction générale de la sûreté publique, visites qui ne sont soumises à aucune condition ni restriction. De même, la Direction générale de la sûreté publique a conclu un accord intitulé *Beit al-aman+ avec Caritas, organisme qui a une présence permanente au centre de détention provisoire pour étrangers, qui est situé sous le pont d=Al-Adliyeh.

 


22.  Quoi qu=il en soit, le Gouvernement libanais a pris connaissance des cas cités dans les rapports qui lui ont été adressés et les transmettra aux autorités judiciaires compétentes pour enquête nonobstant les difficultés que comporte cette tâche au vu de leur complexité, de leur nombre et du fait que les incidents mis en cause remontent à bien longtemps. Au cas où ces allégations se révèlent bien fondées, des mesures seront prises à l=encontre des responsables. Les autorités judiciaires poursuivront sans distinction toute personne qui aura commis des actes de torture.

 

23.  Il convient de signaler que toute victime présumée d=actes de torture peut se prévaloir des moyens de recours disponibles. Ces moyens sont de différents types: il est possible par exemple de saisir les autorités judiciaires compétentes ou d=adresser une plainte aux différents organes d=inspection en place dans l=ensemble des centres des forces armées et des forces de sécurité qui sont ouverts à tous.

 

Tribunal militaire et prison du Ministère de la défense

 

24.  Les rapports à l=examen évoquent maintes fois le tribunal militaire et la prison du Ministère de l=intérieur et les services du renseignement militaire. Cette question ayant pris une dimension internationale, nous avons tenu à apporter les clarifications nécessaires pour que les choses soient bien comprises.

 

25.  Force est de signaler tout d=abord qu=au Liban les juridictions militaires ne sont pas composées uniquement de juges issus de l=armée comme c=est le cas dans de nombreux pays du monde, elles représentent un modèle unique en son genre caractérisé par la présence de magistrats civils et de magistrats militaires siégeant dans un même organe judiciaire aux fins d=assurer la justice et de préserver les droits des deux parties au procès, notamment ceux de la défense, compte dûment tenu de la spécificité des affaires qui sont du ressort de la justice militaire. Les lois fondamentales appliquées devant cette justice sont les mêmes que celles qui régissent les procès pénaux ordinaires, que ce soit sur le plan de la procédure (Code de procédure pénale) ou sur le fond (Code pénal). À ces règles s=ajoutent les dispositions de certaines lois spéciales, telles que la loi sur la justice militaire, la loi sur les armes et les munitions et la loi sur le terrorisme.

 

26.  D=autre part, le législateur libanais a veillé à ce que les lois appliquées devant le tribunal militaire comprennent des dispositions propres à garantir le respect des droits de la défense et à protéger le défendeur et, partant, à assurer la régularité de l=enquête et des décisions de justice qui en résultent. Ces dispositions peuvent être résumées comme suit:

 

$                   Le principe de base qui régit les procès pénaux au Liban est qu=*il n=y a pas d=infraction ni de peine ni de mesure préventive ou correctionnelle en l=absence d=un texte de loi (art. 1er, 6 et 12 du Code pénal), à ce principe s=ajoute celui de la non-rétroactivité des lois pénales sauf si un nouveau texte est plus favorable à l=accusé;

$                   Les libertés publiques, l=intégrité des personnes et les droits de la défense sont garantis à toutes les phases de la procédure, de l=enquête et du procès. La loi punit quiconque viole les droits de la défense, prive arbitrairement une personne de sa liberté ou porte atteinte à son intégrité, actes qui frappent de surcroît de nullité la procédure;

$                   La comparution devant le tribunal militaire ne prive pas les justiciables et, en particulier, la partie défenderesse du droit de bénéficier du double degré de juridiction. Ils peuvent donc contester les décisions émanant de ce tribunal selon les règles fixées par la loi;


$                   Les procès sont en principe publics (art. 54 et suiv. de la loi sur la justice militaire);

$                   Le tribunal militaire permanent a toujours veillé à respecter, pendant les procès, les droits de la défense même lorsque le défendeur n=est pas représenté par un avocat, en faisant appel à l=ordre des avocats ou désignant des avocats issus de l=armée, et c=est ce qui se fait généralement. Ainsi, en 2007 des conseils appartenant à l=ordre des avocats ont été chargés de défendre des personnes qui s=étaient livrées à des actes terroristes, ce qui montre clairement le souci de la justice militaire de respecter strictement les droits de la défense.

 

27.  Pour ce qui est des enquêtes menées par la Direction du renseignement de l=armée libanaise, force est de signaler que cet organe est considéré comme faisant partie de la police judiciaire militaire chargée d=assister le commissaire de l=État auprès du tribunal militaire, qui est un magistrat de rang élevé officiant à la tête du parquet militaire, sachant que les organes d=enquête de la Direction sont placés sous son autorité et soumis à toutes les lois applicables en la matière, notamment aux dispositions du Code de procédure pénale qui régissent la durée de la garde à vue et la garantie des droits des détenus, tels que celui d=être assisté par un avocat, d=être examiné par un médecin, d=informer un membre de sa famille et de bénéficier des services d=un interprète pendant l=enquête, dans le cas d=un détenu qui ne maîtrise pas la langue arabe.

 

28.  La prison du Ministère de la défense est un établissement légal indispensable dans certains cas graves où il est nécessaire de protéger l=intégrité des détenus et de les maintenir sous bonne garde. En outre, cette prison obéit à toutes les règles applicables aux prisons libanaises pour ce qui est notamment d=autoriser le CICR à y rendre visite aux détenus conformément au Protocole évoqué plus haut que cet organisme a signé en 2007 avec les autorités libanaises. De même, les personnes incarcérées dans cette prison n=y sont pas détenues secrètement ou de manière arbitraire puisque la détention dans ce lieu est soumise aux règles générales applicables à tous les autres centres d=interrogatoire ou de détention.

 

Plan national relatif aux droits de l=homme

 

29.  Les autorités libanaises compétentes s=apprêtent à élaborer, avec la participation effective d=organisations de la société civile, un plan national indépendant pour la protection des droits de l=homme. Ce plan a pour base plus de 20 études sectorielles effectuées de manière scientifique et professionnelle par des spécialistes ayant par exemple pour thème les règles d=interrogatoire et de détention, la torture, les disparitions forcées, les droits de la femme et de l=enfant.

 

30.  D=autre part, les organes chargés d=appliquer la loi poursuivront leurs efforts en vue d=élever le niveau de compétence des membres des organes sécuritaires et militaires par des activités de formation axées notamment sur les droits de l=homme et la protection contre la torture. En outre, un code de conduite sera diffusé et un mécanisme de plainte, qui opérera en toute transparence pour faciliter la tâche des personnes souhaitant déposer une requête contre une violation des instructions données au personnel dans ce domaine, sera créé.

 


31.  Par ailleurs, les autorités libanaises étudieront la possibilité d=apporter des modifications au Code pénal pour y incorporer une définition de la torture conforme à celle qui figure à l=article premier de la Convention contre la torture. En outre, elles s=emploieront énergiquement à édicter les lois requises pour mettre en place un mécanisme indépendant de prévention de la torture, comme le prévoit l=article 17 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Enfin, les autorités libanaises feront le nécessaire pour assurer le suivi des recommandations formulées par le Sous-Comité contre la torture ainsi que de celles issues de l=Examen périodique universel que le Liban a acceptées.

 

Conclusions

 

32.  Au terme du présent exposé, force est de mettre l=accent sur les activités susmentionnées aussi bien celles qui ont déjà été exécutées que celles qui le sont actuellement pour en finir avec certains comportements individuels hérités du passé qui ont été parfois accentués par les guerres et les violences qu=a connues le Liban.

 

33.  Il convient de mentionner que dans un autre pays du monde qui aurait connu ce qu=a vécu le Liban, la situation des droits de l=homme serait sans aucun doute catastrophique. Le fait est qu=il n=est pas facile d=éviter pendant les guerres et les crises une culture de la violence qui s=instaure et qu=il faut des années d=efforts constants d=éduction, de formation et de sensibilisation pour dépasser une telle situation.

 

34.  Nous pensons également qu=il est nécessaire de rappeler certains éléments essentiels sur lesquels sera bâti l=avenir, à savoir:

 

$                   Le respect total par le Liban des dispositions des grands instruments internationaux relatifs aux droits de l=homme;

$                   Le fait que le Liban est le premier État arabe et le premier État du Moyen-Orient à adhérer au Protocole facultatif et le premier État de la région à recevoir le Sous-Comité de la prévention de la torture, lequel a mentionné dans son rapport avoir bénéficié de la pleine coopération des autorités libanaises et avoir eu l=occasion de visiter tous les lieux de détention. Il en aurait été tout autrement s=il n=y avait pas de la part du Liban une volonté de coopérer dans ce domaine;

$                   La ferme volonté du Liban de présenter ses rapports en retard, comme cela a été indiqué plus haut;

$                   La réforme de la législation pour la mettre en totale conformité avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l=homme;


$                   La poursuite de la formation des membres des organes chargés d=appliquer la loi aux principes des droits de l=homme, en coopération avec les organisations de la société civile actives dans ce domaine qui sont liées aux organes sécuritaires et militaires par des liens étroits fondés sur le respect mutuel, ce qui a contribué à briser la glace entre les deux parties et à améliorer la situation des droits de l=homme en général. À cet égard, une mission européenne, qui a séjourné récemment au Liban, a souligné que la relation entre les organes chargés d=appliquer la loi et les organisations non gouvernementales était exemplaire et qu=il fallait la généraliser à l=ensemble des États arabes;

$                   L=affichage des dispositions de l=article 47 du Code de procédure pénale en arabe, en anglais et en français à des endroits visibles dans les centres d=interrogatoire et de détention relevant de l=armée libanaise et de la Direction générale des forces de sécurité intérieure; ces dispositions énoncent les droits des suspects et des accusés devant les services de police judiciaire; le détenu peut ainsi être informé de ses droits, dont il lui est donné lecture et dont il prend acte en signant une décharge;

$                   La recherche active de nouveaux locaux pour le centre de détention des étrangers relevant de la Direction générale de la sûreté publique afin que les locaux actuels situés sous le pont d=Al-Adliyeh puissent être fermés.

 

35.  Il convient aussi de signaler au Comité contre la torture que si le Liban a tardé à s=acquitter de ses engagements internationaux dans le domaine des droits de l=homme, ce n=est pas en raison d=atermoiements délibérés ou d=une volonté de ne pas respecter les obligations qui lui incombent. Cette situation s=explique par certains facteurs que nous avons déjà exposés plus haut. Ce ne sont pas de simples prétextes. Le Liban doit en effet, malgré lui, faire face à une réalité douloureuse qui le place souvent devant de véritables cas de force majeure.

 

36.  Le Liban estime que les rapports qui ont été présentés au Comité contre la torture relèvent de la liberté d=expression, qui est une des bases élémentaires de la démocratie. Nous tenons cependant à relever que ces rapports nous font l=effet d=un verre à demi vide. Or, comme le montrent les contrevérités, les exagérations et les distorsions des faits que contiennent ces rapports, une demi-vérité peut être l=ennemi de la vérité.

 

37.  En conclusion, nous tenons à réaffirmer l=attachement du Liban à ses engagements et sa volonté de coopérer avec le Comité contre la torture et d=aller de l=avant dans l=amélioration de la situation des droits de l=homme au niveau des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif car il est pleinement convaincu de la justesse de cette démarche. Nous espérons que toutes ces questions seront abordées de manière impartiale et objective, surtout dans le cas d=un pays considéré comme une exception dans sa région, s=agissant de la jouissance de la démocratie et du respect des lois et qui a franchi résolument de grands pas vers la mise en place de structures complètes de protection des droits de l=homme, car pour reprendre les termes du Préambule de la Déclaration universelle des droits de l=homme, nous sommes d=avis que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits inaliénables et égaux constitue le fondement même de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

 

 



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