Distr.

GENERALE

E/C.12/1994/SR.32
29 novembre 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 32ème seance : Argentina. 29/11/94.
E/C.12/1994/SR.32. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Onzième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 32ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 22 novembre 1994, à 15 heures


Président : M. ALVAREZ VITA


SOMMAIRE

Examen des rapports

a) Rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 16 du Pacte (suite)

Rapport initial de l'Argentine (suite)


La séance est ouverte à 15 h 25.

EXAMEN DES RAPPORTS :

a) RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 16 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l'Argentine (suite) (E/1990/5/Add.18)

1. Le PRESIDENT invite les membres de la délégation argentine à continuer de répondre aux questions orales des membres du Comité.

2. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) indique que la part des dépenses de l'Etat consacrées aux secteurs sociaux est passée de 50,8 % en 1990 à 68,2 % en 1994. Grâce au processus de désengagement du secteur public, l'Etat a pu consacrer davantage de ressources à la politique sociale. Il convient de souligner notamment que la part des ressources publiques consacrée aux retraites a augmenté, et que la pension de retraite moyenne est passée de 220 dollars E.-U. par mois en 1989 à 308 dollars E.-U. par mois en 1994. Ces chiffres montrent que la politique mise en oeuvre en la matière par le Gouvernement argentin a donné des résultats positifs.

3. M. Sanchez Arnau dit que 74 % de la population argentine bénéficient d'une couverture sociale dans le cadre d'organismes de protection sociale relevant des syndicats et des associations professionnelles, des autorités provinciales ou municipales, du Parlement, ou encore des forces armées et des forces de sécurité. Les 26 % restants sont généralement des travailleurs indépendants couverts par des assurances privées.

4. Répondant à une question de Mme Jimenez Butragueño, M. Sanchez Arnau précise que l'âge de la retraite est actuellement de 65 ans pour les hommes et de 62 ans pour les femmes.

5. Enfin, l'intervenant précise que l'Argentine est un des pays les plus avancés en ce qui concerne la promotion de la femme. Evoquant les nombreuses mesures, législatives et autres, prises pour favoriser la participation des femmes à la vie publique, il indique que 30 % au moins des mandats électifs doivent être détenus par des femmes et que les listes présentées par les partis politiques aux diverses élections doivent par conséquent comporter au moins 30 % de candidates.

6. Mme JIMENEZ BUTRAGUENO dit que le processus de privatisation rapide actuellement en cours en Argentine ne lui paraît pas rassurant. Les entreprises privées ne sont pas des philanthropes et une privatisation à outrance peut avoir des conséquences néfastes pour la vie quotidienne de la population. Dans ce contexte, il serait intéressant de savoir comment les autorités argentines ont oeuvré pour le maintien des droits acquis par les salariés. Dans le même ordre d'idées, Mme Jimenez Butragueño rappelle que la taxe sur la consommation est payée par l'ensemble de la population et elle se demande si, parallèlement à cet impôt, le Gouvernement argentin a pris des mesures pour veiller à ce que les entreprises participent comme il convient au financement de la sécurité sociale et pour éviter l'évasion fiscale.

7. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) précise que, dans le cadre de la privatisation du régime des pensions, tous les droits acquis ont été préservés. Le système de répartition a fait l'objet de modifications, en vertu desquelles deux éléments sont pris en compte : le premier consiste en une prestation de base fixe, à laquelle a droit toute personne qui atteint l'âge de la retraite; le deuxième est un élément variable, établi en fonction du rapport entre le montant des contributions versées et la période de cotisation.

8. D'autre part, lorsqu'il est question de mettre un terme au régime des pensions excessivement élevées ("jubilaciones de privilegio"), il ne s'agit pas de s'attaquer aux retraites des salariés ayant exercé un travail à haut risque mais, bien au contraire, de ne pas permettre que des fonctionnaires qui n'ont fait qu'un passage éclair dans la fonction publique bénéficient d'une pension de retraite qui coûterait extrêmement cher aux autres travailleurs. Quoi qu'il en soit, l'Argentine est un Etat de droit et les travailleurs qui s'estimeraient lésés par les modifications apportées au régime des pensions auraient tout loisir de saisir les tribunaux. Il convient de signaler que, jusqu'à présent, il n'y a eu ni action en justice ni, à fortiori, décision de justice en la matière.

9. L'évasion fiscale constitue par ailleurs une des préoccupations majeures du Gouvernement argentin, résolu à lutter contre ce fléau. Il convient de signaler, s'agissant du régime fiscal, que 35 % du revenu de l'Etat proviennent de la TVA, qui constitue un impôt équitable, puisque les personnes qui ont les moyens de consommer beaucoup y contribuent largement. Dix pour cent du revenu de l'Etat proviennent de l'impôt sur le revenu, appliqué selon un taux progressif, qui peut atteindre 36 % du revenu, déduction faite des exonérations autorisées. Enfin, 1 % du revenu de l'Etat provient de l'impôt prélevé sur les actifs immobilisés, qui ne sont pas consacrés à la production économique. Comme les membres du Comité peuvent le constater, l'Argentine applique donc un régime fiscal très équitable.

10. Répondant à une question de M. Alvarez Vita concernant les décrets d'urgence, l'intervenant rappelle que le pouvoir exécutif peut prendre des "décrets de nécessité et d'urgence" lorsque le Parlement ne siège pas. A l'heure actuelle, le Parlement tient des sessions plus longues que par le passé et, lorsqu'il ne se réunit pas, le pouvoir exécutif a, en outre, la possibilité, avant d'adopter de tels décrets, de convoquer des sessions parlementaires extraordinaires. En outre, si le pouvoir exécutif adoptait un "décret d'urgence et de nécessité" en dehors des conditions prévues par la Constitution, un recours en amparo serait immédiatement déposé devant la Cour suprême.

11. Le PRESIDENT rappelle qu'une ONG a fait mention d'un décret d'urgence qui aurait été adopté alors même que le Parlement était en session. Par ailleurs, la délégation argentine a fait observer que "les droits reconnus par le Pacte n'étaient pas absolus". On pourrait dès lors se demander si le Gouvernement argentin est en mesure d'agir comme il l'entend en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels.

12. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) rappelle que l'Argentine est un Etat de droit, où la justice, les tribunaux et la presse opèrent dans des conditions normales, et que le pays est doté de tous les mécanismes de contrôle propres à une démocratie. Toute violation de la Constitution par les pouvoirs publics serait immédiatement attaquée dans la presse, par l'opposition et devant les tribunaux.

13. L'intervenant précise enfin que les droits reconnus dans le Pacte sont relatifs, en ce sens que leur mise en oeuvre nécessite l'adoption de règlements d'application et surtout des moyens financiers.

14. Le PRESIDENT demande si une étude de l'impact sur les droits économiques, sociaux et culturels de l'intégration de l'Argentine dans le MERCOSUR (le marché commun de l'Amérique du Sud) a été entreprise. Il note aussi que, selon des rapports internationaux, 20 % de la population argentine se partageraient près de 50 % des richesses du pays, alors que les 20 % constituant la fraction la plus pauvre s'en partageraient à peine 5 %, et il demande si ces informations sont exactes. Il voudrait savoir aussi pourquoi l'Argentine n'est pas partie au Protocole de San Salvador.

15. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) dit que le Traité d'Asunción instituant le MERCOSUR prévoit la coordination des politiques macro-économiques des pays parties à ce Traité ainsi que l'harmonisation de leur législation du travail et de leur législation sociale. Pour le moment, si l'on excepte le cas des employés du secteur public en Uruguay, l'Argentine est en avance sur ses partenaires en ce qui concerne le droit du travail et la protection sociale. La compétitivité des entreprises argentines s'en trouve donc amoindrie. Mais ce handicap devrait être contrebalancé par la croissance économique et la création d'emplois qu'entraînera la mise en place du MERCOSUR.

16. En ce qui concerne la répartition des revenus, l'orateur dit qu'il a lui-même mené, en 1980, une étude sur cette question, d'où il ressortait qu'en Argentine, la répartition du revenu était de loin la meilleure d'Amérique latine. La situation de l'Argentine à cet égard était comparable à celle de l'Italie. Les chiffres cités par M. Alvarez Vita portent la marque de l'inflation galopante que connaissait l'Argentine à l'époque et qui rendait impossible l'établissement d'une pyramide des revenus. M. Sanchez Arnau ne dispose pas de chiffres récents dans ce domaine mais ne pense pas que la concentration des richesses, d'une part, et de la pauvreté, de l'autre, soient aussi marquées.

17. Grâce au coup d'arrêt qui a été donné à l'inflation, le salaire mensuel moyen a augmenté ces dernières années de façon spectaculaire, puisqu'il est passé de 215 dollars en 1990 à 635 dollars en juin 1994. Force est de reconnaître cependant que, parallèlement, le chômage a augmenté.

18. Le PRESIDENT invite la représentante de l'OIT à présenter ses observations sur l'application des articles 6, 7 et 8 du Pacte.

19. Mme HODGES-AEBERHARD (représentante de l'OIT) dit que l'OIT a été saisie de quatre affaires concernant l'Argentine. Le Comité de la liberté syndicale a notamment été saisi d'une plainte émanant de l'Association des employés de banque argentins (affaire No 1723), dans laquelle cette association proteste contre le non-respect par les employeurs d'un décret ordonnant la réintégration d'employés qui avaient été licenciés pour des motifs syndicaux. Comme il n'est pas possible de réintégrer ces personnes, notamment en raison de leur âge, le Comité de la liberté syndicale a demandé aux employeurs de les dédommager équitablement aussi rapidement que possible. Mme Hodges-Aeberhard ajoute que, dans ses observations, le Gouvernement argentin a interprété très correctement la doctrine de l'OIT touchant le droit de grève.

20. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine), se référant au point 10 de la liste des points à traiter (E/C.12/1994/WP.10), dit que, selon l'OIT, la CGT (Confédération générale des travailleurs) rassemble environ 90 % des personnes syndiquées et compte 2,5 millions de membres, mais que d'après une étude menée par deux spécialistes espagnols du droit du travail, le taux de syndicalisation en Argentine était, en 1990, de 51,3 %.

21. En ce qui concerne le droit de grève, il convient de souligner que c'est à la justice qu'il appartient de statuer, en toute indépendance, sur la légalité ou l'illégalité d'une grève. En effet, même si l'exécutif peut, dans des cas exceptionnels, notamment lorsque les dispositions de la loi définissant la procédure de conciliation n'ont pas été respectées, déclarer une grève illégale, les intéressés ont la possibilité de faire appel de cette décision auprès de la juridiction compétente, qui tranche en dernier ressort.

22. M. TEXIER aimerait savoir pourquoi le gouvernement a refusé l'enregistrement d'un nouveau syndicat qui a été formé en 1993 par des syndicalistes issus de la CGT.

23. Il souhaiterait également avoir des précisions sur la nature des restrictions au droit de grève énoncées dans le décret No 2184 de 1990 ainsi que sur la nature du service minimum, qui a fait l'objet d'une plainte devant l'OIT.

24. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) dit qu'un petit syndicat, la Confédération des travailleurs argentins, a effectivement demandé à être inscrit au registre des associations professionnelles, mais que sa demande a été rejetée au motif que ses statuts n'étaient pas conformes à la loi No 2355. Cette inscription pourra se faire dès que les modifications voulues auront été apportées à ces statuts.

25. S'agissant du droit de grève, il est vrai que les grévistes sont tenus d'assurer un service minimum. Le syndicat des transports routiers a saisi l'OIT de cette question, mais le dossier de l'affaire n'a pas encore été communiqué au Gouvernement argentin. Quant à la justice argentine, M. Sanchez Arnau croit savoir qu'elle n'a pas été saisie de l'affaire non plus.

26. Abordant la question du chômage, M. Sanchez Arnau dit que le taux de chômage est passé de 4,1 % en 1984 à 11,1 % en 1994. Les causes de cette augmentation sont multiples. Premièrement, le pourcentage de la population active est passé de 37,5 % en 1983 à 43,3 % en 1994. Deuxièmement, le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté, surtout pendant les trois dernières années, c'est-à-dire depuis que l'inflation a été jugulée. En effet, lorsque l'inflation était très élevée, le niveau réel des salaires était très bas et le pouvoir d'achat subissait une érosion constante, ce qui dissuadait certains de chercher du travail. Troisièmement, la privatisation et la déréglementation ont entraîné la suppression de dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public. Il faut préciser à ce propos qu'une prime de 15 000 dollars a été octroyée aux 120 000 personnes qui ont choisi de partir volontairement. Quatrièmement, l'Argentine doit faire face à une concurrence internationale de plus en plus rude en raison de l'abaissement des tarifs douaniers et de la suppression des barrières non tarifaires décidés dans le cadre du GATT et du MERCOSUR. C'est pourquoi de nombreux emplois ont disparu dans les secteurs les moins concurrentiels. Cinquièmement, le niveau relativement élevé des salaires en Argentine attire de nombreux travailleurs des pays voisins : leur nombre s'élève à 1 300 000. Il faut préciser à ce propos qu'en 1994, 450 000 personnes qui travaillaient illégalement en Argentine ont pu régulariser leur situation. Enfin, la création d'un poste de travail est de plus en plus coûteuse. Il est donc nécessaire de maintenir les investissements à un niveau élevé.

27. Pour répondre au problème du chômage, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont mis sur pied un système d'allocations et des programmes de formation destinés aux chômeurs, ainsi que des programmes sociaux visant à venir en aide aux secteurs les plus vulnérables de la population.

28. M. GRISSA, constatant que l'évolution de l'économie et les programmes d'ajustement structurel conduisent à une modification du marché du travail, les secteurs les moins rentables n'embauchant plus du tout de main-d'oeuvre, aimerait savoir quelles mesures ont été prises pour "recycler" les chômeurs venant de secteurs en perte de vitesse et favoriser leur réinsertion professionnelle.

29. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) confirme que l'Argentine connaît une restructuration de ses activités économiques et dit que de nombreux programmes ont été prévus pour faire face à cette situation. Cent deux programmes d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes ont été mis en place par les deux plus grandes provinces du pays, celles de Buenos Aires et de Mendoza. Au niveau national, des crédits destinés à la création d'emplois de courte durée sont attribués par le Ministère du travail depuis 1992 aux provinces où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale. Toute une série de mesures sociales sont également prises en faveur des familles et des groupes les plus touchés par les difficultés économiques, et notamment, bien sûr, des chômeurs.

30. L'important est de bien comprendre le mécanisme général du chômage et de la création d'emplois : lorsque le pays connaissait une très forte inflation, l'Etat consacrait une large part de ses ressources à financer le déficit public. La dette publique était immense. L'absence d'investissements se traduisait par le manque d'emplois. Seuls certains secteurs de l'administration publique embauchaient, mais cette embauche se faisait souvent sur la base du clientélisme. Aujourd'hui, le pays ayant retrouvé la stabilité monétaire et le marché des capitaux se portant bien, les investissements réalisés dans le secteur privé engendrent de nouveaux emplois.

31. M. PAZ (Argentine) indique que, depuis 1993, cinq grands programmes d'aide à l'emploi ont été mis en place. Les programmes et les aides institués en 1994 représentent un montant total de 160 millions de dollars, destinés à faciliter la création de 96 000 emplois.

32. M. GRISSA précise que sa question concernait surtout les mesures prises pour réadapter et réinsérer dans la vie active les personnes ayant exercé un métier dont l'économie n'a plus besoin et qui doivent se recycler et il demande s'il existe des écoles professionnelles qui dispensent des formations de recyclage.

33. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) répond que le système de formation professionnelle argentin existe de longue date et qu'il est très complet. De nombreuses écoles professionnelles ont été créées au cours de la période d'industrialisation accélérée qu'a connue le pays à partir de 1945. Par rapport à cette période, le nombre de ces écoles est en diminution car aujourd'hui les jeunes sont moins nombreux à les fréquenter et leur préfèrent la filière universitaire. L'Argentine compte 26 universités nationales financées par l'Etat fédéral, de nombreuses universités provinciales et des universités privées. Nombre d'écoles professionnelles, notamment celles dispensant une formation dans des domaines de pointe tels que l'informatique, sont privées. On peut donc dire que le problème aujourd'hui est moins de repenser la formation professionnelle que d'assurer la croissance de l'économie et le financement de la création d'emplois.

34. M. TEXIER demande quelques précisions sur la loi No 24013 (loi sur l'emploi), qui porte notamment sur la protection des travailleurs contre les licenciements arbitraires. Tout en réaffirmant que le mode normal d'embauche est le contrat de durée indéterminée, elle institue de nouvelles formes de contrats, qui sont des contrats de durée déterminée. Ceux-ci, on le sait, sont moins protecteurs. D'après certaines informations, ils devaient faire l'objet d'une négociation collective entre le pouvoir exécutif et les centrales syndicales et M. Texier voudrait savoir si tel a bien été le cas.

35. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) dit qu'aucune forme de négociation n'est prévue; en effet, l'objet de ces nouvelles formes de contrats est de faciliter la création d'emplois compte tenu des contraintes économiques. Pour bien comprendre la situation actuelle, il faut considérer l'évolution du droit du travail au cours des dernières décennies. Dans les années 40 et 50, avec l'apparition d'une nouvelle classe sociale née de la croissance industrielle et du développement du marché intérieur, les syndicats ont acquis un rôle essentiel dans les relations de travail et un fort pouvoir de négociation. Ils ont obtenu de nombreux avantages pour les travailleurs. Cet état de choses a eu pour conséquence économique que, longtemps, le coût de la main-d'oeuvre a été relativement élevé et que tout licenciement est devenu extrêmement coûteux pour l'employeur. Si ce système fonctionne bien en période de haute conjoncture, il crée des tensions en période de crise. Ses conséquences économiques ont été l'augmentation du marché noir, la préférence donnée aux activités à faible intensité de main-d'oeuvre et la multiplication des conflits du travail. Actuellement, il est apparu nécessaire d'assouplir les relations de travail et c'est pourquoi le gouvernement a institué de nouvelles formes de contrat de travail, permettant à la fois à des chômeurs de trouver un emploi et aux employeurs d'embaucher sans redouter de devoir payer des indemnités de licenciement exorbitantes. L'institution des contrats de durée déterminée contribue également à réduire le marché noir et à régulariser le marché du travail.

36. M. TEXIER dit que sa question a été suscitée par des informations émanant d'un ensemble d'ONG.

37. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) en vient à l'application de l'article 10 du Pacte, qui porte sur la protection des familles, des mères et des enfants, et précise que l'essentiel des informations sur les mesures et programmes mis en oeuvre par le Conseil national des mineurs et de la famille figure dans les paragraphes 386 à 393 du rapport. Tout récemment, les autorités argentines ont en outre communiqué au Secrétariat un document d'information sur la situation des enfants et des adolescents, qui était destiné au Comité des droits de l'enfant mais qui répond également aux préoccupations des membres du Comité touchant l'application de l'article 10 du Pacte. Un exemplaire de ce document pourrait bien entendu être mis à la disposition des membres du Comité.

38. Le PRESIDENT pense qu'il serait utile que le Comité ait connaissance de ce document.

39. Mme JIMENEZ BUTRAGUENO aimerait, elle aussi, prendre connaissance de ce document; elle est très préoccupée par certaines informations selon lesquelles des adolescents seraient l'objet d'actes de violence de la part des forces de sécurité. Il serait intolérable que des policiers, agents de l'Etat, se livrent à des actes de torture et infligent des violences à des enfants et à des adolescents et l'intervenante voudrait savoir si les membres des forces de sécurité reçoivent un enseignement sur les droits de l'homme dans le cadre de leur formation.

40. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) dit que l'Argentine est aujourd'hui un Etat de droit : si des abus d'autorité, des actes de torture, de violence ou de persécution se produisent, ils sont sanctionnés par les tribunaux. La situation en Argentine aujourd'hui est toute autre que dans le passé et la législation pénale donne aux juges les moyens de réprimer sévèrement les actes de violence commis par des agents de l'Etat. En ce qui concerne la formation des policiers, M. Sanchez Arnau indique qu'un stage de formation sur les droits de l'homme a récemment été organisé en Argentine par le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme à l'intention des forces de la police fédérale; le contenu de ce stage était excellent, mais il n'a pas apporté à ses participants beaucoup plus que ce qui leur avait déjà été enseigné dans leurs propres écoles et instituts de formation.

41. En ce qui concerne plus précisément la question des mesures prises en faveur des enfants des rues, M. Sanchez Arnau cite le programme de cantines scolaires dont bénéficient 1 714 000 enfants, le programme de petits foyers pour accueillir les enfants abandonnés, le programme de familles de substitution, la mise en oeuvre au niveau provincial de la loi sur la tutelle des mineurs et les efforts que déploie le Conseil national des mineurs et de la famille. Il renvoie les membres du Comité aux paragraphes 401 à 412 du rapport de l'Argentine (E/1990/5/Add.18), qui contiennent des informations plus détaillées sur cette question. Au surplus, M. Sanchez Arnau communiquera volontiers les renseignements complémentaires qui figurent dans le rapport de son pays au Comité des droits de l'enfant.

42. Mme JIMENEZ BUTRAGUENO dit que les informations qu'elle a évoquées sont récentes, et que le sort d'enfants sans défense qui seraient victimes d'actes perpétrés par des membres des forces armées la préoccupe vivement.

43. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) souhaiterait obtenir à cet égard des données concrètes, s'il en existe, afin de pouvoir en vérifier le bien-fondé et apporter au Comité les précisions voulues. Quoi qu'il en soit, il rappelle que l'Argentine est un Etat de droit, et que le pouvoir judiciaire veille à ce que toute violation de la loi soit sanctionnée.

44. M. PAZ (Argentine), répondant à la question concernant les critères sur lesquels repose la disposition de la loi 235/5 qui fixe l'âge minimum du mariage à 18 ans pour l'homme et à 16 ans pour la femme (question No 17 du document E/C.12/1994/WP.10), dit que la législation argentine, comme celle de nombreux pays d'Amérique latine, s'inspire du droit romain, qui fixait la majorité à 16 ans pour les hommes et à 14 ans pour les femmes. L'Argentine, lorsqu'elle a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant, a incorporé les dispositions de cet instrument dans sa législation interne et a, en conséquence, porté l'âge de la majorité à 18 ans pour l'homme et à 16 ans pour la femme.

45. M. GRISSA constate que si le Gouvernement argentin donne, dans son rapport, de nombreuses informations sur les dispositions législatives concernant l'article 10 du Pacte, il ne dit rien de leur application et des difficultés rencontrées à cet égard. Il est muet sur le problème des enfants des rues. Or, le Comité voudrait précisément savoir pourquoi ce phénomène existe dans un pays relativement prospère, comme l'Argentine, quelle en est l'ampleur et si les autorités ont trouvé des remèdes. Ces renseignements pourraient être utiles à d'autres pays confrontés à ce genre de situation.

46. M. CEAUSU constate lui aussi que le rapport de l'Argentine se concentre sur la législation et les programmes. Il cite à ce propos le paragraphe 366, qui concerne six programmes appliqués par le Conseil national des mineurs et de la famille pour maintenir, renforcer et protéger la famille. Il rappelle que le groupe de travail qui a examiné le contenu de ce paragraphe a demandé au Gouvernement argentin des renseignements, notamment des données statistiques, sur le nombre de bénéficiaires des programmes mentionnés dans ce paragraphe et sur les dépenses budgétaires correspondantes. Ces donnés concrètes témoigneraient des efforts déployés pour mettre en oeuvre ces programmes.

47. Mme BONOAN-DANDAN aimerait savoir quelles sont les difficultés que le gouvernement a rencontrées dans l'application des lois garantissant les droits économiques, sociaux et culturels de la famille, compte tenu notamment des problèmes qui se posent actuellement dans toutes les sociétés, à savoir la drogue, la prostitution et le SIDA. Elle souhaiterait que des informations concrètes soient fournies sur ce que fait le gouvernement pour lutter contre ces problèmes.

48. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) tient tout d'abord à préciser que le problème des enfants des rues en Argentine n'est pas d'aussi vastes proportions que les membres du Comité paraissent le croire. C'est un problème marginal, qui concerne un petit nombre d'enfants. Son pays a exposé clairement, dans le présent rapport et dans celui qu'il a présenté au Comité des droits de l'enfant, toutes les mesures prises par les autorités nationales et provinciales à l'intention des enfants. Les dispositions législatives et les programmes mentionnés sont bien appliqués.

49. M. GRISSA, prenant la parole pour une motion d'ordre, dit que le Comité souhaiterait des précisions sur le nombre d'enfants abandonnés, la raison de ces abandons et les efforts que fait le gouvernement pour régler ce problème.

50. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) rappelle, à titre d'exemple, les données indiquant que 1 714 000 enfants bénéficient d'un programme de cantines scolaires.

51. M. GRISSA, prenant à nouveau la parole pour une motion d'ordre, dit que les cantines scolaires concernent les enfants qui fréquentent l'école, ce qui n'est pas le cas des enfants des rues.

52. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) répond que le programme de cantines scolaires a précisément pour objet, d'une part, d'attirer les enfants des rues vers l'école, et qu'il a, d'autre part, un but préventif : celui d'empêcher les enfants de quitter l'école. L'Argentine fournira les données statistiques voulues concernant le problème des enfants des rues à la prochaine séance que le Comité consacrera à l'examen de son rapport.

53. Mme BONOAN-DANDAN rappelle qu'elle n'a pas reçu de réponse à sa question concernant les obstacles rencontrés par le gouvernement dans ses efforts pour assurer la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de la famille. Elle espère que cette réponse lui sera donnée lorsque le Comité reprendra l'examen de son rapport.

54. M. CEAUSU dit que le Comité ne met aucunement en doute les efforts du gouvernement. Bien au contraire, il a constaté l'intérêt de plusieurs programmes en faveur de la famille, des enfants et des personnes âgées et il souhaiterait connaître les résultats de leur mise en oeuvre. S'agissant par exemple du programme de prévention pour les familles subventionnées, M. Ceausu aimerait savoir notamment combien de familles ont bénéficié d'une aide économique et quel est le montant des crédits qui ont été consacrés au financement de ce programme.

55. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) s'efforcera d'apporter les précisions demandées lorsque le Comité reprendra l'examen du rapport de son pays.

56. M. TEXIER, revenant à l'article 7 du Pacte, souhaiterait avoir des informations concrètes sur la prévention des accidents du travail et, si possible, sur les maladies professionnelles. Il demande s'il existe un corps spécialisé d'inspecteurs du travail et, dans l'affirmative, comment il fonctionne et quels sont ses pouvoirs; si les contentieux sont portés devant les tribunaux et s'il existe une jurisprudence sur les questions d'hygiène et de sécurité au travail.

57. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine), évoquant l'écart qui peut exister entre la législation et la pratique, dit que, si la législation du travail est très complète en Argentine, en revanche la société argentine n'a, d'une manière générale, guère conscience des problèmes de sécurité dont elle accepte mal les contraintes. Les autorités ont réussi récemment à rendre obligatoire le port de la ceinture de sécurité dans les véhicules, mais dans d'autres domaines, tels que l'hygiène et la sécurité au travail, les normes ne sont pas respectées comme il le faudrait. Il existe bien entendu un organe officiel, la Direction nationale de la sécurité et de l'hygiène du travail, qui relève du Ministère du travail et de la sécurité sociale, chargé de coordonner et d'exécuter les politiques et d'appliquer la loi sur l'hygiène et la sécurité du travail (No 19587); mais il est difficile de contrôler l'application des dispositions de cette loi car la société n'est pas prête à accepter les obligations qui en découlent. Des progrès sensibles ont cependant été accomplis, notamment en ce qui concerne la manipulation de certains produits alimentaires, pharmaceutiques et chimiques.

58. M. Sanchez Arnau déclare, pour conclure, qu'il est prêt à répondre à toutes questions complémentaires éventuelles sur l'article 11 du Pacte, déjà examiné, et aura l'occasion de revenir sur l'article 12 lorsque le Comité reprendra l'examen du rapport de son pays.

59. Mme BONOAN-DANDAN estime que le Comité n'a pas achevé l'examen de l'application de ces articles et que les préoccupations du Comité à leur sujet n'ont pas toutes été dissipées, notamment celles relatives aux violations du droit au logement.

60. Mme JIMENEZ BUTRAGUENO partage cet avis et souhaiterait, elle aussi, un complément d'information sur la question du logement.

61. M. SANCHEZ ARNAU (Argentine) voudrait avoir plus de précisions sur les violations du droit au logement qu'évoque Mme Bonoan-Dandan.

62. Le PRESIDENT remercie la délégation argentine de ses déclarations et croit comprendre que Mme Bonoan-Dandan transmettra à cette délégation les documents dont elle dispose sur la situation du logement en Argentine afin que celle-ci puisse les examiner et apporter au Comité les précisions voulues.


La séance est levée à 18 heures.


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