Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.178
14 octobre 1994

FRANCAIS
Original: ANGLAIS
Compte rendu analytique de la 178ème séance : Argentina. 14/10/94.
CRC/C/SR.178. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 178ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 11 octobre 1994, à 15 heures.

Président : Mme Badran


SOMMAIRE



Examen des rapports présentés par les Etats parties

Rapport initial de l'Argentine (suite)



__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

La séance est ouverte à 15 h 25.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES

Rapport initial de l'Argentine (suite) (CRC/C.8/Add.2)

1. Sur l'invitation de la Présidente, la délégation argentine reprend place à la table du Comité.

2. La PRESIDENTE invite la délégation argentine à répondre à la question relative à la définition de l'enfant dans la liste des points à traiter àl'occasion de l'examen du rapport initial de l'Argentine (CRC/C.6/WP.1) :
"Définition de l'enfant
(art. premier de la Convention)

3. M. ALVAREZ (Argentine) précise que la République argentine considère que toute personne, depuis la conception jusqu'à l'âge de 18 ans, sans aucune exception pour cause d'émancipation avant l'âge de 18 ans, est un enfant. La République argentine a par conséquent adopté la conception la plus large possible de la définition de l'enfant.

4. Mlle MASON souhaite avoir des informations précises quant à l'âge minimum du mariage, à l'âge minimum d'admission à l'emploi et à l'âge minimum d'enrôlement dans les forces armées.

5. M. MOMBESHORA demande également quel est l'âge minimum d'accès aux soins médicaux sans le consentement des parents et l'âge minimum pour le consentement sexuel.

6. M. ALVAREZ (Argentine) précise que la majorité civile est fixée à 21 ans mais que l'émancipation d'un jeune âgé de plus de 18 ans est possible, avec l'autorisation de ses parents. En outre, lorsque des enfants se marient avant l'âge de 18 ans, ils sont automatiquement émancipés, même si les dispositions de la Convention continuent de s'appliquer à eux jusqu'à l'âge de 18 ans. Par ailleurs, à l'heure actuelle, l'âge minimum du mariage est fixé à 16 ans pour les filles et 18 ans pour les garçons. Cela étant, une jeune fille de 16 ans ne peut se marier qu'avec le consentement de ses deux parents. Avant l'âge de 16 ans, le consentement des parents n'est pas suffisant; il faut, en outre, une dispense judiciaire.

7. S'agissant de l'enrôlement dans les forces armées, le représentant de l'Argentine tient à souligner que le service militaire obligatoire vient d'être aboli dans son pays et rappelle, en outre, que l'Argentine a formulé une réserve interprétative concernant l'article 38 de la Convention, aux termes de laquelle elle déclare "qu'elle aurait souhaité que la Convention ait formellement interdit l'utilisation d'enfants dans les conflits armés, comme le stipule son droit interne - lequel continuera de s'appliquer en la matière en vertu de l'article 41". Cela étant, il convient de signaler que, dans les écoles militaires, la formation militaire et le maniement des armes font bien entendu partie du programme d'enseignement.

8. Aucune disposition ne fixe un âge minimum pour consentir à des relations sexuelles. Cependant, le Code pénal stipule que toute relation sexuelle avec un enfant de moins de 12 ans, qu'il y ait ou non consentement exprès de l'enfant, ou qu'une violence soit exercée ou non, est un viol. En outre, toute relation sexuelle avec un enfant âgé de 12 à 15 ans correspond au délit de débauche de mineur, le consentement éventuel de l'enfant étant considéré comme "imparfait"; une relation sexuelle avec un enfant âgé de 15 ans et plus, pour autant que ce dernier ait donné son consentement, ne donne lieu à aucune sanction pénale. S'agissant de l'âge requis pour choisir un traitement médical, il convient de signaler que le système juridique argentin estime qu'un enfant âgé de plus de 14 ans a pleine capacité pour accomplir des actes licites, même sans le consentement de ses parents. Cela étant, des problèmes peuvent se poser dans certaines circonstances. Lorsqu'il s'agit de transplantation d'organes, avec ablation, la jurisprudence argentine prévoit qur nul ne peut être donneur avant l'âge de 18 ans. Lorsque la transplantation ne suppose aucune ablation, comme c'est le cas d'un don de moelle osseuse, elle peut être effectuée avant l'âge de 18 ans au sein de la famille. En cas d'amputation, ou de modification de l'intégrité physique de l'enfant, la jurisprudence prévoit que le consentement des parents ou, à défaut, une intervention urgente de la justice est obligatoire. Enfin, la jurisprudence considère que la liberté de conscience des parents ne peut mettre la vie des enfants en danger. S'agissant des cas où des adolescents demanderaient une intervention médicale en exigeant le respect du principe du secret professionnel, comme par exemple en cas d'infection par le virus HIV, il n'existe encore aucune jurisprudence en Argentine. Il semble que l'opinion dominante soit que les parents doivent être tenus informés de l'état de santé de leurs enfants.

9. Mlle MASON constate que le principe de non-discrimination n'est pas appliqué dans toute sa rigueur, puisque les jeunes filles sont autorisées à se marier plus tôt que les jeunes garçons. Or, il est de notoriété publique qu'un mariage précoce peut avoir des conséquences négatives pour l'avenir des personnes concernées. Par ailleurs, Mlle Mason relève une contradiction entre le fait qu'il soit possible d'être considéré comme un adulte suite à un mariage, avant l'âge de 18 ans, tout en continuant d'être protégé par les dispositions de la Convention.

10. D'autre part, étant donné que l'Argentine déclare que le mot "enfant" doit s'entendre de tout être humain depuis le moment de sa conception, Mlle Mason souhaite savoir quelle est la politique des autorités en matière d'avortement et de maternité précoce. Par ailleurs, elle estime qu'à 14 ans un enfant est sans doute un peu jeune pour prendre des décisions relatives à sa santé. A cet égard, l'enfant âgé de plus de 14 ans a-t-il accès à la contraception ?

11. M. ALVAREZ (Argentine) estime que la différence d'âge minimum du mariage entre les filles et les garçons constitue plutôt une restriction imposée aux garçons qu'une discrimination à l'égard des filles. Cela étant, il s'agit d'une tradition juridique basée sur le fait que les jeunes filles atteignent plus rapidement la maturité que les jeunes garçons.
12. D'autre part, M. Alvarez souligne que la possibilité accordée à l'enfant âgé de plus de 14 ans d'accomplir des actes licites n'est pas liée au principe du respect de l'opinion de l'enfant; celui-ci a la possibilité, en réalité, de s'exprimer bien avant l'âge de 14 ans, en cas de divorce ou de séparation de ses parents ou d'adoption, par exemple.

13. La PRESIDENTE invite ensuite la délégation argentine à répondre aux questions de la section "Principes généraux" :

"Principes généraux
(Art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

14. M. ALVAREZ (Argentine) attire à nouveau l'attention des membres du Comité sur le document publié sans cote qui contient les réponses écrites des autorités argentines à la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen du rapport initial de son pays (CRC/C.6/WP.1). S'agissant de la non-discrimination, il rappelle qu'au cours de l'histoire de l'Argentine, les notions d'enfant adultérin et d'enfant né hors mariage ont été supprimées. Cette évolution a abouti, en 1985, à la réforme du régime de filiation, opérée conformément au texte de la Convention tel qu'il a été communiqué aux Etats en première lecture. En vertu de cette réforme, les effets de la filiation dans le mariage, hors du mariage et par l'adoption plénière sont parfaitement identiques.

15. S'agissant de la question 12, l'intervenant précise que, comme le souligne le document susmentionné, l'Argentine a adopté 24 indicateurs et espère que l'ensemble des pays de la région adopteront ces indicateurs afin de pouvoir se livrer à des études comparatives. Il semble, selon les experts de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, que ces indicateurs permettront, en effet, d'évaluer les transformations subies sur le plan social par la famille en Argentine.

16. M. ALVAREZ (Argentine), répondant à la question 13, explique qu'il est prévu dans la Constitution que tous les Argentins ont le droit à la participation sans différence fondée sur l'âge, pour autant que ce droit soit exercé dans les conditions légales. A titre d'exemple, la participation politique, qui est le plein exercice de la citoyenneté, commence à 18 ans, âge dont l'abaissement à 16 ans est envisagé. De plus, tous les programmes concernant l'enfance contiennent des objectifs pour parvenir à la pleine participation, par exemple les programmes de prévention du SIDA ou de la prostitution des enfants et des adolescents, les programmes relatifs au droit à la santé ou de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie, de vaccination préventive, de prévention de la malnutrition et des effets des maladies mentales, ainsi que les programmes de prévention des accidents au foyer.

17. La République argentine organise des rencontres de jeunes âgés de 12 à 18 ans dénommées "Por Nuestros Derechos", au cours desquelles les jeunes étudient et proposent différentes formules pour assurer l'application de la Convention. Par exemple, la rencontre de Termes de Rio Hondo a porté sur le droit à la vie et à l'identité, à la liberté d'expression et de pensée, à la liberté de conscience et de religion, le droit à l'éducation, au repos, aux loisirs, au jeu et aux activités récréatives, le droit à une protection contre l'exploitation économique et les conditions de travail dangereuses et, enfin, le droit à la santé.

18. S'agissant de la question 14, le représentant de l'Argentine déclare que le rapport initial n'a pas fait mention, par erreur, de l'existence de programmes de jardins d'enfants pour les enfants en situation de risque (mauvais traitements, exploitation économique) et de diverses situations de risque liées à l'état des parents biologiques. Il est néanmoins indiqué dans les réponses écrites de l'Argentine à la liste de points CRC/C.6/WP.1 (document distribué sans cote) que 23,76 % des enfants jusqu'à trois ans et 48,11 % des enfants de quatre ans sont accueillis dans des jardins d'enfants. De plus, 72,69 % des enfants de cinq ans, soit 483 000 enfants, fréquentent les centres préscolaires. A partir de l'année prochaine, en vertu de la nouvelle loi sur l'éducation, cette fréquentation deviendra obligatoire et son pourcentage devrait prochainement atteindre 100 %. Il existe en outre des programmes spéciaux pour les enfants particulièrement menacés.

19. En ce qui concerne le point 15, M. Alvarez explique que la loi de 1985, qui a institué l'exercice de l'autorité parentale du père et de la mère, régit les décisions judiciaires en cas de conflit entre les deux parents. L'article 264 du Code civil prévoit effectivement que c'est en cas de désaccord entre les parents dans toute matière exigeant leur consentement mutuel que le juge décide de trancher dans l'intérêt de la famille. Cette disposition ne signifie pas, toutefois, que l'intérêt supérieur de l'enfant est sacrifié. Comme tous les pays latino-américains, l'Argentine, en tant que partie à la Déclaration de l'Organisation des Etats américains, souscrit àla Charte des droits de la famille, qui affirme qu'il n'existe pas d'opposition réelle entre l'intérêt supérieur de l'enfant et les droits de la famille. En tout état de cause, l'article 3 de la Convention a été intégré dans le droit national le 22 août 1994 à l'effet de garantir que les magistrats prennent leurs decisions en tenant compte avant tout de l'intérêt supérieur de l'enfant dans le cas où ce dernier serait contraire à l'intérêt de la famille. Dans tous les cas, c'est la Convention qui prime.

20. En ce qui concerne la question 16, M. Alvarez indique que le ministère public des mineurs est une institution ancienne qui existe dans plusieurs systèmes juridiques de pays latino-américains. Le défenseur ou l'assesseur des mineurs compétent est chargé par la communauté de défendre l'intérêt supérieur de l'enfant avec, sans ou contre ses parents. La réforme constitutionnelle a eu pour effet d'instituer la "Defensoria General de la Nación", organe indépendant jouissant de l'autonomie technique et financière qui pourra aboutir à l'adoption par le Congrès d'une loi spéciale protégeant mieux l'enfant si son bien-être se trouvait menacé par suite de la négligence de ses parents ou de leur attitude. Cette disposition, qui a été incorporée dans le Code civil de 1970, est l'un des éléments qui concourent à l'exercice de la responsabilité à l'égard des enfants en cas de suspension de l'autorité parentale.

21. La PRESIDENTE revient sur la réponse du représentant de l'Argentine à la question 13 pour rappeler que le droit à la participation figure parmi les dispositions les plus originales de la Convention, qui sont aussi parmi les plus difficiles à appliquer faute d'être bien comprises ou de confiance dans les capacités des enfants à exercer ce droit. Elle n'est pas sûre d'avoir bien saisi quelles structures étaient prévues en Argentine pour permettre aux enfants d'exercer leur droit à la participation, ni comment ils exerçaient concrètement ce droit. Elle déclare que quelques exemples seraient les bienvenus.

22. Mme SARDENBERG s'intéresse au respect du droit à la non-discrimination conformément à l'article 2 de la Convention qui garantit l'accès des enfants àtous les droits énoncés dans la Convention, sans aucune discrimination. Elle demande, à propos du paragraphe 93 du rapport de l'Argentine, quelles nouvelles formules sont envisagées par le gouvernement et les ONG au lieu du placement des enfants abandonnés dans des établissements d'assistance. Elle aimerait en outre avoir des données statistiques sur la situation des enfants autochtones et les programmes de santé et d'éducation favorisant la survie, la protection et le développement de ces enfants et savoir s'il existe des programmes pour combattre la discrimination à l'encontre des filles.

23. S'agissant enfin des crèches-garderies, Mme Sardenberg aimerait savoir où en est le projet d'adopter un texte de loi stipulant que des crèches-garderies doivent être créées chaque fois qu'un certain nombre de travailleuses a été atteint.

24. Mme BELEMBAOGO revient elle aussi sur le principe de non-discrimination, qui reste souvent lettre morte faute de mesures d'accompagnement ou de programmes de développement bien ciblés. Elle déplore que les filles ne bénéficient pas autant que les garçons des programmes d'éducation et de santé et que les groupes les plus vulnérables et nécessiteux sont souvent largement laissés pour compte. Elle demande si cet état de fait est dû au manque de moyens ou à des obstacles socio-culturels.

25. Rappelant que certaines sources d'information ont indiqué que 40 % des enfants argentins naissent dans la pauvreté et que 25 % des nouveau-nés sont les enfants de mères célibataires âgées de moins de 17 ans, l'intervenante demande quelles sont les causes de ce problème, comment le Gouvernement argentin envisage la question des filles-mères et quelles mesures il compte prendre pour améliorer les conditions de vie de toutes les communautés partout dans le pays, ainsi que la situation des jeunes, en particulier celle des jeunes filles.

26. M. KOLOSOV, rappelant que l'article 3 de la Convention stipule que tous les organes de l'Etat doivent concourir à la sauvegarde de l'intérêt supérieur de l'enfant, demande si le processus de privatisation des établissements scolaires en cours a été conçu pour atteindre cet objectif.

27. Mme EUFEMIO demande des précisions sur le statut des enfants nés hors mariage et aimerait savoir si ces enfants subissent des pratiques sociales discriminatoires en raison de leur situation. Jugeant inquiétant que 23 % seulement des enfants d'âge préscolaire fréquentent les jardins d'enfants elle demande des informations sur les solutions offertes aux autres enfants. Elle demande enfin de nouveaux éclaircissements sur la prise en considération de l'intérêt de la famille par rapport à l'intérêt supérieur de l'enfant.

28. M. HAMMARBERG revient sur les aspects du point 14, se rapportant àl'exploitation des enfants, pour constater qu'il ressort du rapport initial de l'Argentine que les principes généraux ne semblent pas avoir été bien compris, en particulier les quatre principes fondamentaux de la Convention qui doivent sous-tendre la mise en oeuvre de ses dispositions, à savoir les articles 2, 3, 6 et 12, qui portent respectivement sur la non-discrimination, l'intérêt supérieur de l'enfant, la vie, la survie et le développement de l'enfant et le respect de l'opinion des enfants. A ce sujet, il demande à la délégation argentine d'indiquer comment ces questions ont été discutées dans son pays, et de préciser de quelle façon le Comité pourrait aider l'Argentine par ses avis et conseils, et à quels problèmes on se heurte pour combattre la discrimination à l'encontre des filles. M. Hammarberg souhaiterait notamment savoir quelles mesures ont été ou sont en voie d'être prises pour que les écoles deviennent un lieu d'apprentissage de la démocratie.

29. Mlle MASON note que l'Argentine envisage de modifier et de mettre à jour les lois relatives au droit à la participation. Il ne peut s'agir, à son avis, que d'un premier pas car c'est l'attitude de la société qui est réellement déterminante. C'est pourquoi elle aimerait savoir de quelle façon le droit àla participation est exercé au sein de la famille, qui est aussi un lieu important de l'exercice des droits, et demande si l'Argentine envisage de remplacer l'autorité parentale par la responsabilité parentale.

30. Mgr BAMBAREN GASTELUMENDI relève que les réponses écrites (document distribué sans cote) de l'Argentine insistent beaucoup sur les dispositions juridiques relatives à l'exploitation de l'enfant. En revanche, il fournit peu de renseignements concrets sur les effets de l'application des programmes en faveur des enfants, notamment les enfants des rues. Il demande en outre des éclaircissements sur les mesures qui sont prises à l'égard de l'infanticide et de l'abandon d'enfants.

31. M. ALVAREZ (Argentine) dit que ce sont effectivement les événements quotidiens qui permettent de mesurer la mise en oeuvre concrète des droits de l'enfant dans la société. Il est donc d'accord avec le Comité pour reconnaître que ce ne sont pas tant les dispositions juridiques relatives au droit à la vie, à l'identité, à la non-discrimination ou à la participation qui importent mais les comportements et l'attitude de la communauté. Il précise à cet égard que les différents droits susmentionnés étaient déjà énoncés dans la législation argentine que la ratification de la Convention a permis de la compléter tout en donnant un nouvel élan à l'action en faveur de l'enfance. Il explique en outre que la situation de l'Argentine en matière de lutte contre la discrimination est proche de celle des pays européens, en raison des forts courants d'immigration qui, à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècles, ont introduit en Argentine les modèles d'organisation de la famille et de la société propres à l'Europe. Comme chacun sait, si ces modèles favorisent à la fois l'ouverture sociale et la lutte contre les discriminations, ils n'ont pas réussi à éliminer toute différence. Toutefois, ces différences sont principalement d'ordre social, économique et culturel et peu liées au sexe ou à l'âge. La vraie lutte à mener pour les enfants doit donc avoir pour but de garantir l'égalité des chances à la famille tout entière et aux groupes sociaux pris dans leur ensemble. C'est pourquoi la discrimination à l'égard des enfants et des filles en Argentine apparaît comme relativement surmontable. A titre d'exemple, en matière d'éducation, de participation et de carrière professionnelle, les jeunes filles argentines ont autant, sinon plus de possibilités que les garçons. Les statistiques de l'éducation montrent d'ailleurs que l'absentéisme est plus prononcé chez les garçons que chez les filles, que les diplômés d'études secondaires sont plus nombreux parmi les filles que parmi les garçons et que la grande majorité des carrières universitaires sont promises aux femmes. Il est donc évident que les filles ne subissent aucune discrimination dans le domaine de l'éducation.

32. Répondant à la question de M. Kolosov, M. Alvarez déclare que l'Argentine n'applique pas une politique de privatisation à outrance de l'éducation et que les systèmes d'éducation public et privé y coexistent depuis toujours. L'Etat supervise le fonctionnement et les programmes d'enseignement des établissements privés. De plus, les différentes classes sociales ont accès aux établissements privés en fonction de leurs capacités et de leurs souhaits.

33. Le représentant de l'Argentine ajoute que la loi fédérale relative àl'éducation ou loi No 24195 respecte toutes les dispositions de la Convention relatives à la formation de l'enfant, de l'homme et de la femme et vise donc àfavoriser leur épanouissement culturel, social, esthétique, éthique et religieux en fonction de leurs capacités. Les dispositions pertinentes, notamment l'article 60 de la loi fédérale, sont donc conformes aux objectifs définis dans la Convention et il n'existe aucun projet de privatisation qui pourrait avoir pour effet d'empêcher l'accès d'enfants à l'éducation. Bien au contraire, la législation récente a élargi l'étape de la scolarisation obligatoire.

34. M. ALVAREZ (Argentine), en réponse à Mme Eufemio, rappelle, comme il l'a déjà dit, que 23,76 % des enfants jusqu'à trois ans fréquentent des garderies. En effet, les mères salariées ont droit à un congé de maternité. Ces garderies, nombreuses, fonctionnent dans des entreprises ou dans des services municipaux, dans les principales villes du pays, sans oublier celles rattachées à des services d'aide sociale d'urgence. La moitié des enfants de quatre ans et 72 % des enfants âgés de cinq ans fréquentent des garderies. Chacune de ces tranches d'âge représente environ 700 000 enfants. Par ailleurs, les pouvoirs publics vont rendre obligatoires la maternelle pour les enfants de quatre ans et l'école préparatoire pour ceux de cinq ans.

35. Répondant à la Présidente, l'orateur signale que la législation argentine interdit toute discrimination fondée sur l'âge ou le sexe. De fait, les mineurs peuvent faire valoir directement leurs droits constitutionnels, tant en matière administrative que judiciaire, mais ils doivent être accompagnés par le défenseur des mineurs ou leur tuteur. Répondant à Mme Sardenberg, l'orateur énumère les divers types d'abandon ou de négligence dont les enfants sont victimes. La législation distingue l'abandon qui constitue un délit pénal; la situation d'abandon objectif, lorsque l'enfant est privé de soins par ses parents; la situation d'abandon subjectif, lorsque l'un des parents seulement abandonne son enfant; enfin, la négligence et le manque de soins àl'égard d'enfants. La loi de 1985 relative à la réforme de l'autorité parentale et de la filiation sanctionne ces cas d'abandons. Quant à la négligence de la part des parents, il y est remédié par des mesures d'aide àla famille, d'ordre administratif, social et thérapeutique. Le programme de 1991 pour la prévention de l'abandon relatif et la protection de la mère en situation de risque, qui s'inspire de la Convention, protège la mère dès sa grossesse lorsqu'il s'agit de mères adolescentes, malades mentales, toxicomanes ou porteuses du virus VIH. Ces mères sont alors prises en charge, en particulier au moment de l'accouchement. Ce programme donne d'excellents résultats puisqu'on ne déplore que six abandons sur mille. Le Conseil fédéral vise à étendre à tout le pays des programmes similaires et à mettre en place des programmes d'aide à la famille ("Programas de tratamiento familiar"). Les programmes de placement familial transitoire sont destinés à confier des enfants abandonnés, pendant une courte période, à des couples ou à des femmes seules, en attendant de renvoyer l'enfant dans son foyer ou de le placer dans une autre famille. C'est le cas des enfants dont la mère a été arrêtée, internée dans un hôpital psychiatrique ou hospitalisée, ou hésite encore àgarder son enfant. Dans le cadre des programmes de foyers ("Programas de Hogares") les enfants sont confiés à une famille pour une période plus longue. Ces programmes permettent également de placer une adolescente avec son enfant chez un couple plus âgé, qui joue ainsi le rôle des grands-parents, et concernent les adolescents, les handicapés mentaux et les jeunes qui ont fait l'objet de poursuites pénales. Enfin, il existe d'autres programmes qui visent à confier l'enfant à des fins d'adoption. Selon les dernières statistiques, on dénombre dans tout le pays 699 foyers d'enfants qui accueillent 40 000 enfants. L'un des buts ("Metas") du Conseil fédéral est de réduire progressivement le nombre d'enfants qui bénéficient de ces aides, publiques ou privées, en renforçant la famille et en développant un programme de solutions autres que le placement ("Programa alternativo a la internación").

36. S'agissant d'enfants autochtones, M. Alvarez précise que l'objectif ("Meta") No 17 du Conseil fédéral vise à formuler et à exécuter des programmes qui permettent de garantir la promotion de la famille dans les communautés autochtones en respectant les particularités culturelles de chaque ethnie et en luttant contre la discrimination sous toutes ses formes. La Constitution, récemment réformée, a reconnu le caractère originel des autochtones et leur plénitude de droits. Des programmes, menés par les autorités provinciales, s'occupent des enfants de ces familles qui, comme d'autres ethnies en Amérique latine, n'ont pas coutume d'abandonner leurs enfants.

37. En réponse à Mgr Bambaren Gastelumendi, l'orateur précise qu'il existe de multiples programmes destinés aux enfants de la rue, dans chaque ville. Toutefois, ces programmes restent insuffisants et les autorités ont mis en oeuvre d'autres programmes contre l'exploitation d'enfants, destinés àidentifier les adultes qui exploitent ces enfants afin de les libérer de leur joug. S'agissant d'infanticide, l'orateur informe que le Code pénal de 1921 en cours de réforme, accorde des circonstances atténuantes aux mères qui, aussitôt après leur accouchement, en proie à l'égarement, auraient tué leurs nouveau-nés pour sauvegarder leur honneur. Quant au cas d'"exposiciòn", qui est en droit pénal une forme moindre de l'abandon, il n'a aujourd'hui guère de sens car, au regard de la loi, l'adoption existe depuis 1947 et la mère peut bénéficier de services publics et donner son enfant en adoption. L'orateur estime cependant que le Comité contribuerait à améliorer le sort des enfants argentins en recommandant aux autorités de son pays de réformer la législation relative aux cas d'infanticide, d'"exposición" de trafic d'enfants.

38. M. KOLOSOV, se référant à des informations contenues dans le rapport d'un groupe non gouvernemental pour l'application de la Convention, selon laquelle les autorités argentines tendraient à privatiser le système éducatif public, demande au délégué argentin s'il est en désaccord avec ces informations. Par ailleurs, les bas salaires versés aux enseignants, le manque de matériel pédagogique et d'infrastructure éducative nuiraient à l'éducation de base. Ainsi, le budget alloué à cet égard est plus faible que celui de 1980 et le taux de redoublement des enfants de familles pauvres serait de 52 %, soit quatre fois plus que dans les familles riches. Enfin, du fait des bas salaires versés aux enseignants, début 1993, plus de 400 000 enfants n'avaient pas de maîtres d'école.

39. M. PAZ (Argentine) rétorque que, dans son pays, le système éducatif public ne peut être privatisé. De tout temps, il a existé des instituts privés et publics qui délivrent des diplômes de valeur équivalente. L'enseignement public est gratuit. En fait, il ne s'agit pas de privatiser ce secteur, mais bien plutôt de confier certaines responsabilités qui incombaient autrefois àl'Etat aux provinces, notamment en matière de rémunération et d'entretien des équipements. Les ministères de l'éducation, de l'intérieur et des finances ont décidé de mieux répartir les impôts collectés dans toutes les provinces, au bénéfice des provinces les plus pauvres. Ainsi, la province de Buenos Aires, l'une des plus riches de l'Argentine, reverse 60 % des impôts perçus auprès des exploitants agricoles à d'autres provinces.

40. La PRESIDENTE invite la délégation à répondre aux questions qui figurent dans la section "Libertés et droits civils" de la liste des points à traiter (CRC/C.6/WP.1) :


"Libertés et droits civils
(Art. 7 et 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

41. M. ALVAREZ (Argentine) signale que, depuis le 22 août 1994, tous les droits et garanties des personnes, sur tout le territoire national, sont incorporés dans la Constitution, ainsi qu'un nouvel ensemble de nouveaux droits civils et sociaux qui apparaissent aux articles 36 à 43. Ainsi, les garanties politiques et démocratiques permettent d'établir un cadre social respectueux de la liberté et de l'égalité des chances. S'agissant de l'enregistrement de la naissance de l'enfant, ce droit, qui provient de la Déclaration internationale de 1959 sur les droits de l'enfant, et se trouve mentionné à l'article 7 de la Convention, ainsi que le droit à identité, que l'article 8 consacre, sont prévus dans la législation de même que la protection contre la privation illégitime d'identité, la rétention de mineurs, et la disparition de mineurs. Ces trois derniers points, qui sont traités dans le Code pénal, font actuellement l'objet d'un processus de réforme. L'orateur rappelle que tout enfant né en Argentine devient argentin, que tout enfant argentin ou étranger résidant en Argentine dispose d'un document national d'identité. Par ailleurs, grâce à la révision de l'article 242 du Code civil, le fait de constater qu'une mère a accouché de son enfant permet d'établir la filiation maternelle. En vertu de l'ancienne législation, la mère devait reconnaître expressément son enfant, ce qui était impossible lorsqu'elle était malade mentale, avait abandonné son enfant ou était morte à la suite de ses couches. Cette réforme, mise en oeuvre le 20 novembre 1985, constitue une défense de l'enfant et permet de lutter contre le trafic d'enfants.

42. S'agissant du point 19, l'orateur rappelle que les dispositions des instruments internationaux pertinents ratifiés par l'Argentine sont reflétées dans la nouvelle Constitution, notamment aux articles 41 à 43. Il souligne de plus qu'aujourd'hui en Argentine on n'enregistre pas de violation systématique de ces droits.

43. Mme BELEMBAOGO dit qu'il serait bon de rappeler la méthode de travail du Comité afin que le dialogue soit fructueux. Pour l'examen des rapports, le Comité est tout à fait en droit de recueillir des renseignements auprès d'autres organes. Cela lui permet de comparer les informations dont il dispose et d'avoir une vision objective des efforts que déploie le gouvernement. Il peut ainsi formuler des propositions concrètes pour aider le gouvernement àaméliorer ses prestations en faveur du plus grand nombre d'enfants argentins.

44. A propos de la préservation de l'identité de l'enfant, l'experte note que le Comité reconnaît les efforts du gouvernement pour résoudre le problème des enfants disparus. Mais, selon les informations disponibles, beaucoup reste àfaire, notamment au niveau des procédures d'indemnisation des familles d'enfants disparus qui sont trop lentes. La délégation argentine ayant signalé que les familles argentives acceptaient volontiers d'accueillir des enfants abandonnés, même étrangers, et que le gouvernement faisait tout pour faciliter l'adoption, l'experte voudrait savoir si l'Etat argentin envisage, s'il ne l'a pas déjà fait, de signer et de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et l'adoption internationale. Vu les possibilités d'accueil évoquées par la délégation argentine, comment expliquer le problème des enfants des rues, qui selon certaines estimations sont très nombreux. Il semble que ce soient surtout les organisations religieuses qui s'occupent de ces enfants. L'UNICEF fournit une assistance dans le domaine de la formation des travailleurs sociaux, mais un long chemin reste à parcourir. Le Comité encourage par conséquent le gouvernement à persévérer dans ses efforts, notamment en matière d'éducation et de prévention du chômage et de la criminalité.

45. M. HAMMARBERG dit que les questions qu'il souhaite poser sont fondées sur des informations supplémentaires que le Comité a obtenues, notamment des renseignements provenant du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, qui s'est occupé d'un certain nombre de cas en Argentine. Il est vrai qu'il s'agit d'une question délicate. Les années ont passé et beaucoup d'enfants disparus sont à présent des adultes. Il a été notamment question de deux cas au Paraguay. M. Hammarberg se demande dans quelle mesure il a été possible de leur trouver une solution, surtout que le problème nécessitait une coopération entre deux pays. Le Comité dispose en outre d'informations provenant du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la torture qui, dans un rapport publié en 1993, mentionne le cas d'un mineur âgé de 17 ans mort dans les locaux de la police. Il serait utile de voir comment le système argentin réagit face à un tel cas.

46. Mgr BAMBAREN GASTELUMENDI, revenant sur la question 19 de la liste des points à traiter (CRC/C.6/WP.1), dit qu'il est préoccupé par le comportement des forces de police. Souvent, lorsque des membres de la police ont opéré sous un régime militaire, ils gardent leurs vieilles habitudes même lorsque le régime change. L'expert rappelle en particulier le cas de l'adolescent qui a trouvé la mort pendant qu'il était détenu au secret. Le certificat médical produit par la police indiquait qu'il n'y avait pas eu de torture alors que l'autopsie a prouvé le contraire. Dans ces circonstances, quelles mesures concrètes ont été prises pour changer le comportement des forces de police ?

47. Mme SARDENBERG, se référant à la question 17 de la liste des points àtraiter, demande de plus amples informations sur la manière dont les droits garantis aux articles 13, 14, 15, 16, 17 et 37 a) de la Convention sont protégés, surtout que dans de nombreux pays l'application des normes internationales pose des problèmes.

48. M. PAZ (Argentine), répondant aux questions de M. Hammarberg et de Mgr Bambaren Gastelumendi, dit que l'Argentine est dotée d'un système démocratique pluraliste fondé sur le respect des droits de l'homme; cependant, comme dans tous les appareils d'Etat, les forces de police commettent des violations des droits de l'homme. L'important est que tout est fait pour que les atteintes à ces droits ne restent pas impunies. Le système judiciaire est là pour recevoir les plaintes et punir les coupables.

49. Durant la dictature, de nombreux enfants ont été arrachés à leurs parents et placés dans des familles qui, en acceptant de les accueillir, sont devenues complices des violations commises. De nombreuses organisations non gouvernementales ont aidé le gouvernement à retrouver ces enfants. Il convient en particulier de rappeler le rôle joué dans ce domaine par l'organisation des "Grand-mères de la Place de Mai". Pour éviter que de telles pratiques se reproduisent, l'Argentine a créé en coopération avec le Centre pour les droits de l'homme un centre sous-régional d'information sur les droits de l'homme qui assure une formation aux forces de police argentines ainsi qu'à celles des pays voisins. Le Gouvernement argentin espère que la communauté internationale continuera d'appuyer ses efforts.

50. M. ALVAREZ (Argentine) dit que M. Hammarberg et Mgr Bambaren Gastelumendi ont mentionné des cas que connaissent tous les Argentins et qui constituent une bonne illustration de la manière dont le système argentin réagit face àdes violations. Le cas en question a trait à l'enlèvement de deux enfants qui ont été emmenés au Paraguay. Le Gouvernement argentin a obtenu des autorités paraguayennes l'extradition de l'auteur de l'enlèvement, qui a été jugé et condamné. Les enfants enlevés ont quant à eux pu retrouver leur famille encore que leurs hésitations entre leurs véritables parents et la famille paraguayenne dans laquelle ils avaient été placées aient compliqué le cas. S'agissant du cas de Walter Gulasio, cet adolescent de 17 ans qui est mort dans les locaux de la police à la suite de son arrestation durant un concert de musique rock, une enquête a été menée et le commissaire responsable a été inculpé et relevé de ses fonctions. Le cas de Walter Gulasio a permis de revoir complètement le régime de détention des adolescents et de ramener à six heures au maximum le délai de détention préventive des personnes âgées de moins de 17 ans, quel que soit le motif de leur arrestation.

51. Pour ce qui est des enfants des rues, les organismes ecclésiastiques ne sont pas les seuls à s'occuper du problème, comme le montrent les activités décrites dans une des annexes au rapport. Au nombre des mesures prises pour faire face à ce phénomène, il y a lieu de mentionner la création de centres d'hébergement de jour et de nuit et d'ateliers d'apprentissage.

52. Les dispositions de la Convention trouvent leur confirmation dans la nette tendance à la démocratisation des relations familiales au sein de la société argentine, processus qui se traduit par une participation accrue des enfants à toutes sortes d'activités (clubs de voyages, clubs artistiques, etc.). Cela dit, l'attitude de certains parents tend à limiter la vie sociale des enfants. Ce comportement s'explique par une certaine crainte alimentée par des faits divers relatifs à des meurtres commis par des enfants dans d'autres pays. Il y a aussi le problème de l'exploitation des enfants par les adultes dans le domaine des loisirs. Cette pratique existe mais est condamnée par la grande majorité de la population.
53. Mlle MASON note que l'article 25 de la Constitution (voir paragraphe 25 du rapport initial CRC/C.8/Add.2) stipule que "le Gouvernement fédéral encourage les migrations européennes". Elle demande de plus amples précisions sur cette disposition qui lui semble discriminatoire. A propos de l'état civil dans les zones rurales, faut-il comprendre que tous les Argentins sont inscrits et si tel n'est pas le cas, qu'en est-il des personnes non inscrites ? Quelles sont, d'autre part, les mesures législatives qui ont été prises pour protéger les mineurs contre l'influence néfaste des moyens d'information ?

54. Pour M. KOLOSOV, s'il semble que les cas d'atrocités commises par la police ne sont pas très fréquents, c'est peut-être parce qu'ils ne sont pas tous rapportés par les médias. Il se peut qu'il y ait des cas non signalés dans des régions éloignées du pays. L'Argentine a amélioré sa législation et traduit en justice les membres des forces de police qui ont commis des crimes contre les enfants, mais cela ne répond pas à la question soulevée par Mgr Bambaren Gastelumendi lorsqu'il a demandé des informations sur les mesures concrètes prises à tous les niveaux de la société pour changer l'attitude des agents de police. En effet il ne suffit pas de donner des instructions pour que les choses s'améliorent.

55. Mme EUFEMIO demande de plus amples précisions sur les craintes des parents qui ont pour effet de restreindre la participation des enfants à la vie sociale. A-t-on déployé des efforts pour changer cette attitude ? D'autre part, chacun sait qu'il existe en Argentine des lois pour prévenir la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Comment ces lois sont-elles appliquées dans le cadre de la famille ? Existe-t-il des moyens de contrôle ?

56. M. PAZ (Argentine) dit que sa délégation ayant déjà répondu à la question posée au sujet du comportement des forces de police, il souhaiterait seulement ajouter que le Ministère argentin de l'intérieur consacre des millions de dollars à la formation du personnel en contact avec les enfants. Cette formation est dispensée aussi bien à l'échelle des provinces qu'au niveau fédéral. Des services de formation sont aussi fournis par le Centre sous-régional des droits de l'homme et par les écoles de police.

57. M. ALVAREZ (Argentine), répondant à une question de Mlle Mason, dit que s'il est question à l'article 25 de la Constitution de l'immigration européenne, c'est parce qu'en 1853, date à laquelle cet instrument a été promulgué, tous les immigrés venaient d'Europe. A l'époque, il n'y avait aucune immigration en provenance des pays voisins. La référence àl'immigration européenne ne dénote aucune attitude discriminatoire. Il suffit pour s'en convaincre de se reporter aux annexes 3 à 5 du rapport de l'Argentine qui contiennent des renseignements sur la répartition selon l'origine des enfants étrangers. Leur faible pourcentage (1 % de la population enfantine du pays) tient au fait qu'un enfant né en Argentine est automatiquement argentin. Selon les provinces, 60 à 90 % de ces enfants sont originaires de pays voisins, ce qui tend à démontrer que la politique du Gouvernement argentin en matière d'immigration est exempte de toute discrimination.

58. L'inscription à l'état civil se fait par le biais des hôpitaux, dans les centres ruraux, et dans le cas des populations vivant dans des régions reculées, au moyen de services mobiles. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas en Argentine de grands problèmes dans ce domaine, la non-inscription d'un enfant étant un phénomène rare. L'Argentine est d'ailleurs un pays où le taux d'accouchement à l'hôpital est très élevé ce qui facilite la tâche des services de l'état civil. S'agissant de certaines attitudes qui tendent àlimiter les activités sociales des enfants, il convient de préciser que certains parents hésitent à laisser leur progéniture fréquenter les lieux où il y a une forte concentration d'adolescents par crainte de certains fléaux sociaux comme la drogue.

59. L'Argentine a modifié en 1985 son Code civil et, en particulier, l'article 178 relatif au droit du père de punir son enfant. Les nouvelles dispositions excluent tout châtiment corporel excessif. Grâce à la contribution des hôpitaux et des établissements d'enseignement les cas de mauvais traitements sont rapidement détectés. Il n'y a pas de statistiques précises, mais tout porte à croire que le public est de plus en plus conscient du problème et plus disposé à signaler les infractions. Cependant, l'acceptation du principe que l'enfant n'est pas la chose des parents dépend du degré d'évolution des mentalités, et un grand effort d'éducation reste àfaire dans ce domaine.

60. La PRESIDENTE invite à poursuivre l'examen du rapport de l'Argentine à la séance suivante.


La séance est levée à 18 heures.

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