NATIONS

UNIES

CRC

 

 

Convention relative aux

droits de l'enfant

 

 

Distr.

GÉNÉRALE

 

CRC/C/SR.808

8 octobre 2002

 

Original: FRANÇAIS

 

COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Trente et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 808e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le mardi 17 septembre 2002, à 15 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Argentine (suite)

 

 

 

 

 

 

______________

 

          Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

 

          Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

 

          Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.


La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Argentine [CRC/C/70/Add.10; HRI/CORE/1/Add.74 (document de base); CRC/C/Q/ARG/2 (liste des points à traiter); réponses écrites de l'Argentine distribuées en séance] (suite)

1.       Sur l'invitation du Président, les membres de la délégation argentine reprennent place à la table du Comité.

2.       M. LIWSKY (Argentine) indique que le Conseil national des mineurs, des adolescents et de la famille, de nombreux segments de la société civile et la plupart des gouvernements provinciaux voient d'un œil critique l'immobilisme du Sénat quant à la promulgation définitive de la loi de protection intégrale des droits de l'enfant et de l'adolescent, restant persuadés que ce texte devrait constituer une priorité pour le pays et s'opposent vigoureusement à toute initiative législative visant à abaisser l'âge de la responsabilité pénale, dans l'attente de l'adoption de ce texte.

3.       S'agissant de l'impact de la pauvreté, selon les estimations au mois de juin 2002 quelque 19 millions des 36 millions d'Argentins vivaient en dessous du seuil de pauvreté, dont 8,4 millions d'indigents ne parvenant pas à subvenir à leurs besoins alimentaires de base et 8,6 millions d'enfants ou adolescents. Dans les zones les plus urbanisées de la province de Buenos Aires, 4 enfants sur 10 vivent dans l'indigence et les chiffres empirent plus l'on s'éloigne des régions fortement urbanisées. Ces deux dernières années, 80 % des mineurs de moins de 18 ans sont passés à un moment ou un autre en dessous du seuil de pauvreté et on estime à 83 % la proportion de foyers pauvres comptant des enfants de moins de 18 ans à charge − contre 50 % pour les foyers à revenus «normaux» − et à plus de 20 % la proportion de familles monoparentales (mère) pauvres.

4.       Les mesures prises au cours des sept derniers mois pour remédier à la situation s'articulent autour de trois grands éléments: le programme fédéral d'urgence alimentaire (près de 7 millions de bénéficiaires); le plan dit des chefs de foyer (près de 2 millions de ménages au bénéfice d'une allocation mensuelle de 150 pesos); le programme médical (garantissant en particulier aux familles indigentes l'accès gratuit aux médicaments). L'assistance alimentaire comporte trois volets essentiels, à savoir la prise en charge renforcée des mères enceintes et des enfants jusqu'à l'âge de 2 ans, la mise en place de cantines communautaires pour enfants et l'ouverture de cantines scolaires. L'alimentation précaire et limitée dont souffrent des milliers d'enfants risque de perturber leur développement, la pauvreté et le manque de ressources alimentaires ayant du reste déjà des répercussions sur l'âge de la scolarisation et le processus éducatif dans son ensemble.

5.       Dans un certain nombre de poches de pauvreté, des menaces pèsent sur la continuité de l'enseignement. Selon les statistiques officielles concernant tant les zones rurales qu'urbaines, il y a un an le pays comptait environ 250 000 enfants de moins de 14 ans travaillant et la Commission nationale sur le travail des enfants a récemment indiqué que dans les mois à venir quelque 1,5 million d'enfants pourraient se retrouver au travail. Selon les estimations, la nuit quelque 50 000 «cartoneros» parcourent les rues de Buenos Aires pour fouiller les poubelles à la recherche d'objets réutilisables et force est de constater que ce phénomène touche principalement les enfants et atteint des proportions inconnues jusqu'alors.

6.       Le projet de loi approuvé voilà plusieurs années par la Chambre des députés et qui portait création d'un poste de défenseur national des droits de l'enfant et de l'adolescent est malheureusement resté lettre morte mais comme il est prévu que la loi de protection intégrale consacre un chapitre à la question, le Conseil national des mineurs, des adolescents et de la famille a bon espoir de voir ce poste institué prochainement. Seize provinces se sont au demeurant déjà dotées d'un défenseur des enfants.

7.       Ces dernières années l'Argentine a accueilli des migrants, en provenance de pays voisins comme la Bolivie, le Paraguay, le Pérou et, dans une moindre mesure, de pays d'Europe centrale. La Patagonie connaît une forte immigration chilienne. L'Argentine fait son possible pour accueillir au mieux ces migrants et les intégrer et a déjà conclu un certain nombre d'accords avec les pays limitrophes pour mieux maîtriser les mouvements migratoires transfrontaliers et gérer les tensions susceptibles de porter préjudice aux enfants immigrés. Suite aux plaintes de diverses ONG, le ministère public est intervenu pour mettre un terme à l'exploitation d'enfants immigrés (notamment boliviens et paraguayens) travaillant. L'Argentine a connu des cas ponctuels de discrimination, notamment en termes d'accès à certains services (d'éducation et de santé) et elle entend donc rester vigilante et adopter toute loi, mesure ou procédure propre à offrir les meilleures garanties de protection possibles aux enfants de migrants et à faciliter leur intégration sociale.

8.       L'essentiel de la communauté mapuche se concentre en Patagonie et dans le litige de la région de Pulmari, dans la province de Neuquén, portant sur l'éviction de Mapuches de leurs terres ancestrales, c'est le Défenseur général de la nation en personne qui a assuré la défense du cacique Antonio Salazar.

9.       La législation argentine a fixé à 16 ans l'âge de la responsabilité pénale partielle et à 18 ans celui de la pleine responsabilité pénale.

10.     Le PRÉSIDENT, en sa qualité d'expert, voudrait connaître les mesures prises ou envisagées pour lutter contre le recours par la police à la violence ou à la torture sur des enfants, ainsi que pour combattre l'impunité des agents des forces de l'ordre qui commettent de tels actes.

11.     Mme SARDENBERG demande comment l'État partie entend lutter contre le phénomène de criminalisation de la pauvreté.

12.     Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ voudrait savoir qui sera responsable de l'application générale de la loi de protection intégrale des droits de l'enfant et de l'adolescent, une fois ce texte adopté par le Parlement.

13.     M. LIWSKY (Argentine) souligne que l'objectif fixé lors du Sommet mondial pour les enfants en matière de réduction de la mortalité infantile a été respecté en Argentine, avec un taux d'environ 17,5 pour mille actuellement, même si cette moyenne nationale masque des écarts très marqués entre les régions allant de 7 pour mille dans le centre de la province de Buenos Aires à 35 pour mille dans la province du Chaco. On constate que la mortalité néonatale a diminué moins rapidement que celle des enfants de moins de 5 ans et que les décès sont principalement attribuables à des facteurs sociaux, environnementaux et économiques, en particulier: l'insuffisance des réseaux d'assainissement, l'absence d'eau potable dans les foyers et les difficultés d'accès à des services de santé appropriés; la Société argentine de pédiatrie estime ainsi que 60 % des décès d'enfants auraient pu être évités grâce à des mesures de prévention avant l'accouchement.

14.     Face à cette situation, qu'accentue encore la grave crise économique actuelle, le Ministère de la santé et le Conseil national des mineurs, des adolescents et de la famille préconisent de renforcer la stratégie de soins de santé primaires et de faire participer l'ensemble de la société civile à l'élaboration et à l'exécution des programmes, en étroite collaboration avec les professionnels de la santé. Il faut en outre redéfinir les politiques sur la base desquelles les programmes sanitaires sont formulés. Les services de santé ne devraient pas être considérés isolément et des mesures devraient être prises en vue de réaliser les travaux nécessaires pour assurer l'évacuation des eaux usées, généraliser la distribution d'eau potable dans les foyers et assainir les logements insalubres, dans lesquels vivent 25 % des Argentins. Même si les capacités économiques et organisationnelles nécessaires existent aux niveaux national et provincial, rien ne pourra être réalisé sans une véritable volonté politique d'œuvrer de façon solidaire pour prévenir les maladies et promouvoir la santé publique. Il faudrait aussi pouvoir compter sur la participation réelle des ONG qui, bien souvent, agissent en dehors du cadre des initiatives gouvernementales.

15.     L'épidémie de VIH/sida se propage puisque selon les données du Ministère de la santé 8,7 % des enfants de 0 à 19 ans seraient touchés actuellement, cette situation étant imputable à la lenteur de la réaction de l'État et des provinces face à ce fléau qui touche des personnes toujours plus jeunes, principalement parmi les femmes et les populations pauvres. Les foyers critiques se situent dans la zone urbaine de Buenos Aires et sa banlieue de La Matanza. Aucune action durable n'a été engagée en vue d'enrayer la progression de l'épidémie, ni aucune campagne d'information permanente menée auprès des jeunes − qui forment pourtant le groupe le plus exposé.

16.     Il faut donc mettre en œuvre une politique beaucoup plus active et formuler des propositions et programmes respectueux des particularités culturelles et locales et des convictions religieuses, afin de mieux faire comprendre l'utilité des mesures de prévention et d'en favoriser l'application. La concertation engagée entre le Conseil national des mineurs, des adolescents et de la famille, la Société argentine de pédiatrie et l'Église catholique semble devoir aboutir à un consensus sur la nécessité de mettre en œuvre des moyens efficaces de prévention pour protéger la population, en particulier les jeunes. Un plan d'action contre l'infection au VIH/sida a certes été formulé, mais jusqu'à présent un élément moteur faisait défaut et des mesures sont actuellement prises pour le relancer, en collaboration avec des donateurs étrangers − dont la Banque mondiale.

17.     Au début de 2002, les cas de grossesse précoce concernaient 0,5 % des filles de moins de 15 ans et 14,7 % de celles de 15 à 19 ans. Ces chiffres sont plus élevés dans les zones de pauvreté critique; dans un hôpital de district de l'agglomération de Buenos Aires, on a ainsi constaté que 47 % des femmes y accouchant étaient mineures. Des programmes de santé sexuelle et génésique et de promotion d'une sexualité responsable ont été mis en place par la majeure partie des provinces, mais le Congrès tarde à introduire un tel dispositif au niveau national.

18.     Mme KHATTAB demande si des mesures ont été prises pour associer les adolescentes au débat relatif à ce phénomène et si, vu les taux de scolarisation très élevés observés en Argentine, on a prévu d'inscrire dans les programmes éducatifs des activités de sensibilisation portant sur le VIH/sida, la toxicomanie et la prévention des grossesses précoces. Elle aimerait également connaître le rôle des médias dans ce domaine.

19.     Mme KARP demande jusqu'à quel point les parents font valoir leurs convictions religieuses pour s'opposer à l'éducation sexuelle à l'école et si les enseignants sont dûment formés pour dispenser un tel enseignement.

20.     M. LIWSKY (Argentine) souligne que les programmes d'éducation sexuelle et génésique et de promotion d'une sexualité responsable n'auront d'impact véritable que s'ils s'accompagnent d'un effort plus large de formation de l'esprit citoyen des jeunes. Il s'agit notamment de promouvoir tant le droit des adolescents d'être informés que leur droit de participer à l'élaboration de cette information. De nombreuses expériences ont été menées dans ce domaine, sans toutefois s'inscrire dans une véritable stratégie d'ensemble et bénéficier d'une publicité suffisante; elles n'en reflètent pas moins une nouvelle tendance à associer les jeunes et leurs familles aux activités de sensibilisation. Les parents peuvent certes exprimer leurs convictions religieuses mais cela ne doit pas affaiblir les dispositions qui garantissent la jouissance de droits inscrits dans la Constitution.

21.     Après avoir obtenu confirmation de la persistance de la violence dans la majeure partie des institutions s'occupant d'enfants et d'adolescents malgré l'arsenal juridique en vigueur et avoir même constaté avec inquiétude une certaine régression, avec par exemple la suppression de programmes de prévention de la violence dans les écoles, à Buenos Aires notamment, le Conseil national des mineurs, des adolescents et de la famille a récemment décidé de lancer un plan national pour la prévention et l'élimination de la violence institutionnelle. Ce plan prévoit l'adoption de mesures concrètes et quantifiables visant à réduire progressivement toutes les manifestations de violence institutionnelles. Il faut tout d'abord lutter contre l'impunité qui entoure cette forme de violence, en reconnaissant qu'il s'agit là de l'un des facteurs tendant à la perpétuer.

22.     Mme KARP note que l'Argentine semble disposer d'une excellente législation contre la torture et les mauvais traitements mais qu'il importe avant tout de modifier les comportements. Par exemple, les policiers ne coopèrent guère avec les juges lorsqu'il y a enquête et elle rappelle à ce propos que deux rapports publiés par des instances nationales de protection de l'enfance font chacun état de plus de 600 cas de torture et de mauvais traitements infligés à des enfants par des membres des forces de l'ordre. Elle demande si les enquêtes ouvertes ont abouti et combien de policiers ont effectivement été traduits en justice.

23.     Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ se demande pourquoi il y a tant de cas de violence en Argentine et si les causes en ont été étudiées. Il ne s'agit pas simplement de mauvais traitements infligés dans le secret des commissariats mais aussi de violences commises en public, comme lors des manifestations de juin 2002, qui se sont soldées par des pertes en vies humaines, un grand nombre de victimes étant des jeunes.

24.     Le PRÉSIDENT, en sa qualité d'expert, demande si l'impunité dont jouissent les coupables est un problème se situant au niveau de la législation ou à celui des comportements.

25.     M. LIWSKY (Argentine) explique qu'en cas de violence ou de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l'ordre, un «cordon de protection» se tisse rapidement autour des coupables et qu'il devient alors extrêmement difficile de recueillir les éléments de preuve nécessaires pour établir les faits et les responsabilités. Un dossier − consultable sur Internet − établi à partir de renseignements fournis tant par des sources officielles argentines que par des ONG fait ainsi apparaître que lorsque les enquêtes aboutissent les auteurs ne sont jamais condamnés pour mauvais traitements ou torture mais pour délit d'homicide, car les preuves attestant que les décès sont dus à des mauvais traitements sont tout simplement éliminées.

26.     Interrogé récemment à propos des mesures prises pour lutter contre les actes de torture commis dans les commissariats, le Ministre de la sécurité de la province de Buenos Aires a rappelé qu'en vertu de l'arrêté no 925, les mineurs privés de liberté devaient être détenus dans des locaux qui leur étaient réservés. La présence de mineurs dans les commissariats est donc strictement illégale. Cette situation n'est pas due à un vide juridique mais bien à une pratique institutionnelle qui doit être entièrement modifiée. En conséquence, l'État et les provinces n'ont d'autre solution que de s'attaquer résolument au problème de l'impunité et de la violence institutionnelle afin d'éradiquer totalement ce vestige du régime dictatorial.

27.     Mme KARP demande si les autorités envisagent d'instaurer un système fondé sur la notion de responsabilité hiérarchique, qui tiendrait les fonctionnaires des forces de l'ordre ou d'autres institutions pour responsables des actes commis par leurs subordonnés.

28.     M. LIWSKY (Argentine) convient que la responsabilité hiérarchique est un outil essentiel de lutte contre l'impunité et mentionne à ce sujet une décision récente selon laquelle tout commissaire de police ayant affaire à un mineur doit en notifier immédiatement le ministère public, qui devient alors coresponsable.

29.     L'action doit être engagée sur plusieurs fronts. Aucun degré de violence institutionnelle ne doit être toléré et il doit être bien clair que de tels actes sont passibles de sanctions pénales. Des mécanismes permettant à la justice de faire son travail doivent donc être mis en place. Les mentalités des policiers doivent en outre absolument évoluer et c'est pourquoi il est indispensable d'intégrer le principe du respect des droits de l'homme dans les programmes de formation qui leur sont destinés. Quant aux adolescents, il faut leur donner les moyens de défendre leurs droits, notamment en veillant à ce qu'ils soient suffisamment informés. Enfin, d'autres institutions que la police sont en contact étroit avec des jeunes et il faut donc créer une nouvelle culture institutionnelle fondée sur le dialogue, car la violence est trop souvent le seul moyen de communication employé face à un adolescent en difficulté.

30.     Le PRÉSIDENT, en sa qualité d'expert, souhaiterait en savoir davantage sur la violence dans la famille; dans le rapport figurent certaines indications sur ce point mais des renseignements plus précis seraient utiles.

31.     Mme SARDENBERG prend note avec satisfaction, au sujet des châtiments corporels dans la famille, que des mesures ont été prises en vue d'intervenir rapidement dans les situations d'urgence, mais souligne qu'il est indispensable d'entreprendre une action à long terme pour associer à cette lutte l'ensemble de la société, notamment en organisant des campagnes d'information et de sensibilisation ainsi que par le biais de l'éducation.

32.     M. LIWSKY (Argentine) dit que l'augmentation du nombre de cas de violence familiale est en partie imputable à la crise économique que traverse le pays. Le chômage entraîne non seulement une diminution du revenu mais aussi une dévalorisation de la figure paternelle. On constate que des hommes qui n'avaient, en 30 ou 40 ans, jamais eu de démêlés avec la justice, se retrouvent soudainement impliqués dans des affaires de violence familiale, aggravées par des problèmes liés à l'alcoolisme ou à un état dépressif. Les centres de protection s'efforcent d'intervenir en cas de contextes familiaux potentiellement générateurs de violence. C'est une question de solidarité car ces problèmes intéressent la société tout entière. Il est donc urgent de mettre en place des stratégies communautaires et d'appuyer les initiatives déjà prises.

33.     Mme KARP aimerait savoir si la proposition tendant à créer des tribunaux des affaires familiales mentionnée dans le rapport a abouti. Elle s'interroge sur la viabilité des nouvelles mesures visant à mieux coordonner l'action des centres communautaires de protection des victimes de violence familiale et se demande si toutes ces initiatives survivront aux prochaines élections.

34.     Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ demande quelles sont, outre la protection de l'enfance et de l'adolescence, les priorités du Gouvernement argentin pour les années à venir.

35.     Mme SARDENBERG aimerait savoir si l'on peut encore espérer que des enfants disparus pendant la dictature puissent être identifiés et retrouver leur véritable identité, comme cela a été le cas pour 70 des 500 enfants enlevés entre 1976 et 1983, et s'il existe des éléments nouveaux dans ce dossier.

36.     M. LIWSKY (Argentine) indique que 70 % des provinces se sont dotées de tribunaux aux affaires familiales, lesquels jouent un rôle déterminant en aidant à la définition du système de protection des droits de l'enfant et de l'adolescent au niveau régional.

37.     Pour remédier à la situation du pays, le Gouvernement argentin entend, entre autres priorités, renforcer le rôle de l'État qui s'est déchargé d'une partie de ses responsabilités en matière de protection des droits de l'homme en général et des droits de l'enfant en particulier, la société civile et les ONG s'étant en effet à un certain point substituées à l'État dans le domaine social. L'amélioration de la situation passe par une affectation plus équitable des ressources, notamment en faveur des politiques sociales de protection de l'enfance et de l'adolescence et c'est pourquoi le Gouvernement a demandé à ce que le budget alloué aux politiques sociales en 2003 soit doublé par rapport à l'exercice précédent. Le budget national alloué au programme visant à favoriser la protection intégrale des droits de l'enfant et de l'adolescent a quant à lui enregistré une hausse de près de 73 %. Le Gouvernement a recommandé aux gouvernements provinciaux de suivre une démarche similaire.

38.     Le Gouvernement argentin fera son possible pour que les enfants disparus lors de la dictature − aujourd'hui adultes − puissent connaître leur véritable identité. La loi sur le devoir d'obéissance et la loi d'amnistie ne s'appliquant pas dans les cas d'enlèvement d'enfants, aucune disposition légale n'entrave le droit de chacun de chercher à établir la vérité par la voie d'une action en justice. C'est à cette fin qu'ont été institués les «jugements pour la vérité» qui visent à élucider le sort des personnes disparues sous la dictature militaire et à établir les responsabilités. Conscient du devoir qui lui incombe de favoriser ce processus, le Gouvernement a, entre autres, indiqué à l'Association des grands-mères de la place de mai et aux diverses institutions chargées d'enquêter sur les disparitions qu'il leur était possible de recourir à la Banque nationale de données génétiques, qui collabore avec le laboratoire de l'ADN. Lorsque le moindre doute persiste dans un dossier ou que l'on suspecte un vice de procédure, ce dossier est rouvert.

39.     Mme SARDENBERG aimerait savoir si le Gouvernement veille à la diffusion du texte de la Convention à l'échelle du pays afin de faire connaître aux enfants leurs droits et si la délégation a prévu d'informer la population de la teneur du dialogue instauré avec le Comité à l'occasion de l'examen du rapport, par le biais d'une conférence de presse par exemple.

40.     M. LIWSKY (Argentine) dit qu'une bonne partie de la population connaît l'existence même de la Convention sans pour autant en connaître la teneur exacte et que l'on pourrait certainement faire appel aux ONG pour informer le public des grandes lignes du dialogue avec le Comité. Le Gouvernement s'efforce de mettre en œuvre la Convention de manière intégrée dans tous les grands domaines institutionnels et culturels du pays, mais à de nombreux égards, ce processus mériterait d'être intensifié.

41.     Mme SARDENBERG prend note avec satisfaction des progrès intervenus, s'agissant en particulier des affaires de disparitions forcées et des programmes d'éducation aux droits de l'homme et aux droits de l'enfant au niveau provincial. Il serait souhaitable que le Gouvernement accorde davantage d'importance à d'autres problèmes majeurs, comme le sida, la mortalité infantile, la violence ou encore la torture. Il est regrettable que le projet de loi portant création du poste de défenseur national des droits de l'enfant soit resté lettre morte et elle se demande dans quelle mesure il serait possible de faire pression sur les parlementaires pour qu'ils accélèrent le processus d'adoption de ce texte.

42.     Elle attire l'attention de la délégation sur la nécessité de lutter plus efficacement contre la pauvreté et sur le phénomène toujours plus répandu des abus sexuels. En matière de justice pour mineurs, l'Argentine gagnerait à mettre à jour sa législation en se fondant sur la Convention. Certains programmes pourraient être appuyés par des institutions spécialisées des Nations Unies, qui allouent des fonds à des programmes nationaux menés dans leurs domaines de compétences respectifs.

La séance est levée à 18 heures.

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