Distr.

GENERALE

CAT/C/SR.443
21 novembre 2000


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la première partie (publique) de la 443ème séance : Armenia. 21/11/2000.
CAT/C/SR.443. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 443ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 15 novembre 2000, à 15 heures

Président : M. BURNS

SOMMAIRE


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Arménie (suite)

________________

* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.443/Add.1.

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.


La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Arménie (CAT/C/43/Add.3) (suite)

1. Sur l'invitation du Président, la délégation arménienne reprend place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT invite la délégation arménienne à répondre aux questions qui lui ont été posées à la séance précédente.

3. M. NAZARIAN (Arménie) indique que les différents membres de la délégation vont s'efforcer de répondre, en fonction de leurs compétences, aux questions posées.

4. M. KAZHOYAN (Arménie), évoquant la façon dont les rapports de l'Arménie ont été établis jusqu'à présent, précise qu'à l'époque où le rapport initial a été rédigé, alors que l'Arménie venait tout juste d'accéder à l'indépendance, les responsabilités en matière d'établissement de rapports n'étaient pas encore bien définies; c'est donc un seul spécialiste qui, en consultation avec d'autres, en avait été chargé. Or, c'est désormais à un groupe de travail, où sont représentés les différents services concernés ainsi que des organisations non gouvernementales locales, qu'est dévolue cette tâche : ce changement explique que nombre de recommandations formulées par le Comité à l'occasion de l'examen du premier rapport n'aient malheureusement pas été prises en considération dans le deuxième rapport périodique, mais ces lacunes seront comblées dans le rapport suivant.

5. M. GRIGORIAN (Arménie) se réjouit, en tant que juriste, de pouvoir dialoguer avec le Comité et le remercie de l'intérêt qu'il porte aux problèmes de son pays; il s'efforcera d'apporter les réponses et clarifications attendues, notant au préalable que certains problèmes de traduction et de terminologie ont pu gêner la compréhension.

6. Tout d'abord, M. Grigorian souscrit entièrement aux critiques constructives qui ont été faites au sujet des carences du rapport présenté (CAT/C/43/Add.3); il en sera tenu compte pour l'établissement des rapports à venir. En second lieu, il a été reproché au rapport de faire beaucoup référence au code pénal en préparation, c'est-à-dire à des dispositions qui ne sont pas encore en vigueur. On notera cependant que les dispositions générales du code ont maintenant été adoptées en troisième lecture, c'est-à-dire de manière définitive, par le Parlement arménien. Si la partie consacrée aux dispositions particulières ne l'a été qu'en deuxième lecture, c'est uniquement en raison de l'absence de quorum au Parlement. Quant au contenu de ce nouveau code pénal, il est résolument tourné vers la modernité et si le code en vigueur depuis 1961 est totalement dépassé, le texte en voie d'adoption est conforme aux exigences de l'Arménie nouvelle. Il faut aussi préciser que l'Assemblée nationale vient d'adopter en première lecture une nouvelle loi sur la police.

7. Un membre du Comité a émis des doutes quant à la façon dont la torture est définie dans la législation arménienne. Il est vrai que l'article 110 du code pénal en vigueur ne comporte pas de définition de la torture en tant que qualification pénale; il y est simplement question d'actes pouvant être caractérisés comme des actes de torture. En revanche, l'article 132 du nouveau code pénal définit la torture et les sévices comme le fait d'infliger des souffrances physiques ou psychiques de façon systématique, et de frapper ou de brutaliser quelqu'un. Si la législation pénale ne reprend pas littéralement la définition de l'article premier de la Convention, elle comporte des dispositions extrêmement complètes concernant ces actes et leurs sanctions, qu'ils soient commis par des particuliers ou par des agents de l'État. Le paragraphe 11 de l'article 60 du nouveau code pénal, en particulier, traite de la responsabilité et de la répression s'agissant d'actes commis avec une cruauté particulière, de manière prolongée et humiliante. Toute une série de dispositions de la législation pénale traitent de la responsabilité des auteurs d'actes particulièrement cruels portant notamment atteinte à la santé des victimes, commis avec ou sans préméditation, actes qui sont qualifiés de crimes. Le nouveau code pénal établit explicitement la responsabilité pénale des agents de l'État qui auraient commis de tels actes et notamment des abus de pouvoir, violences ou sévices. Ledit code institue une responsabilité pénale aggravée en cas de menaces, de violences ou d'actes de torture dont se rendraient coupables des agents de l'État en vue d'extorquer des aveux ou des témoignages. Ainsi, la législation pénale arménienne reprend effectivement tous les éléments de la définition de la torture consacrée par la Convention.

8. Diverses questions ont été posées au sujet de l'arrestation et du placement en détention en tant que mesures prises pour une courte durée à titre préventif. Tout d'abord, il convient de faire la distinction entre ces deux notions, distinction qui n'est pas assez nette dans le rapport. Il est indiqué en effet au paragraphe 73 que les mesures préventives ne peuvent pas être appliquées pendant plus de sept jours, mais aucune explication n'est donnée sur ce que sont ces "mesures". Le Code de procédure pénale fixe les modalités permettant de placer quelqu'un en détention, de le traduire devant le magistrat instructeur et de le mettre en détention. Il en ressort qu'on ne peut détenir une personne que si elle est soupçonnée d'une infraction passible d'une peine privative de liberté, de l'envoi dans un bataillon disciplinaire ou d'une peine de prison de longue durée, ou encore si cette personne a déjà enfreint des mesures préventives prises auparavant. La décision de placement en détention n'est prise que lorsque de fortes présomptions pèsent sur le suspect, qui ne peut être retenu plus de 96 heures à compter du moment où il a été arrêté pour une infraction. Durant ce laps de temps, la personne doit être inculpée, faute de quoi elle est libérée immédiatement à l'expiration du délai et ne pourra plus être arrêtée pour la même infraction. Il semble que le terme russe utilisé au paragraphe 73 du rapport à l'examen a été traduit à tort par "mesures préventives", car cela ne correspond pas à la procédure et à la législation arméniennes. Ce que l'on a traduit par "mesures préventives" désigne des mesures appliquées à un suspect ou à un inculpé dans une affaire pénale, afin d'empêcher qu'il ne fasse obstacle à la bonne marche de la justice. Il s'agit de l'arrestation, de l'interdiction de quitter le territoire, de l'assignation à résidence, du placement des mineurs et de mesures spéciales applicables aux militaires. Quant à l'arrestation, elle est possible sur mandat d'un juge, d'un procureur ou d'un magistrat instructeur. La personne arrêtée ne peut être retenue au-delà de trois jours. La détention avant jugement ne peut excéder deux mois, sauf cas spécifiés par la loi. En fonction de la complexité de l'affaire, les juges peuvent proroger ce délai jusqu'à un an.

9. Il peut être fait appel devant un tribunal de l'arrestation et de la détention à court terme décidées en vue de faire cesser un comportement délictueux. La dernière phrase du paragraphe 73 du rapport est donc à cet égard à la fois vague et non conforme à la réalité. Il s'agit probablement d'une erreur qui sera corrigée dans le rapport suivant.

10. De multiples précisions ont été demandées à propos de la garde à vue. Tout d'abord, en vertu de l'article 262 du Code des infractions administratives, une personne ayant commis une infraction de cette nature peut être arrêtée et retenue pendant une durée maximale de trois heures. Avant expiration de ce délai, elle doit être présentée à un juge, ou bien une plainte officielle doit être établie par le commissaire de police. Le Code des infractions administratives prévoit la possibilité de prendre une mesure d'internement administratif; seul un juge peut prendre une telle mesure, qui concerne les infractions à caractère administratif visées par ledit code, et ce pour une durée maximale de 15 jours. La loi actuelle dispose que la personne détenue ou gardée à vue a le droit de recevoir de la nourriture et des articles de première nécessité, de la correspondance, de l'argent et des visites. Les personnes détenues pour des infractions administratives ont les mêmes droits, à l'exception du droit de recevoir des visites. En tout état de cause, une nouvelle législation est en préparation dans ce domaine.

11. En vertu de l'article 40 de la Constitution, toute personne, à partir du moment où elle est arrêtée, détenue ou inculpée, a le droit d'être assistée par un défenseur. Le Code de procédure pénale donne effet à cette règle constitutionnelle puisque, en vertu de l'article 63, l'avocat a le droit de s'entretenir avec son client aussi souvent que nécessaire, sans limitation de durée et de manière confidentielle, et de participer à la procédure judiciaire sans aucune restriction. Cet article du Code de procédure pénale est capital et à cet égard, M. Grigorian partage entièrement l'avis de M. Yakovlev, qui a souligné que la possibilité pour un inculpé ou un détenu de rencontrer son avocat est la plus importante des protections qui lui sont offertes. Par ailleurs, en vertu du même article du Code de procédure pénale, le détenu doit être autorisé, 12 heures au plus après sa mise en détention, à faire connaître à ses proches le lieu où il se trouve; s'il s'agit d'un étranger, c'est l'ambassade de son pays qui est informée. Dès que les charges retenues contre lui sont signifiées, le détenu a le droit de s'assurer les services d'un défenseur et d'être interrogé en sa présence. Le défenseur a le droit de participer à l'instruction, d'être présent à l'audience, de poser des questions et de faire des déclarations oralement ou par écrit. Bien sûr, il n'est pas question de prétendre que tout est parfait dans ce domaine en Arménie. Les droits des suspects et des inculpés sont certes consacrés par les textes, mais il incombe aux organes d'État compétents de veiller à ce qu'ils soient pleinement respectés dans la pratique.

12. La législation arménienne en matière de procédure pénale ne comporte aucune disposition en ce qui concerne le droit des personnes arrêtées ou détenues d'être examinées par un médecin de leur choix avant et après l'interrogatoire; mais absolument rien ne s'y oppose. D'ailleurs, l'article 5 de la nouvelle loi sur la police stipule que les policiers sont tenus de veiller à ce que les personnes qu'ils retiennent puissent bénéficier d'une assistance médicale.

13. M. GRIGORIAN (Arménie) indique que l'extradition est régie par l'article 16 du nouveau code pénal, en vertu duquel les nationaux arméniens auteurs d'une infraction sur le territoire d'un autre État ne peuvent pas être extradés vers cet État. En revanche, les étrangers et les apatrides ayant commis une infraction hors des frontières de la République d'Arménie peuvent être extradés vers l'État requérant, conformément aux accords internationaux conclus par l'Arménie. En cas de conflit de lois, ces accords priment le droit interne. L'extradition n'a cependant pas lieu s'il existe des motifs fondés de croire que l'intéressé serait soumis à la torture ou exécuté dans l'État requérant, sauf si ce dernier donne l'assurance que la peine de mort ne sera pas appliquée. À ce jour, ce cas de figure ne s'est pas encore présenté. L'Arménie a conclu des traités bilatéraux d'extradition avec la Bulgarie et la Géorgie et s'apprête à en passer avec d'autres pays. De source officielle, ce processus est en bonne voie.

14. Étant donné que le nouveau code pénal n'a pas encore été promulgué, la peine de mort demeure applicable, conformément à l'article 21 du Code pénal en vigueur. Toutefois elle n'est prononcée que pour les crimes les plus graves, notamment les crimes contre l'État, le crime organisé, l'homicide volontaire avec circonstances aggravantes et les crimes de guerre. Dans la pratique, même si les tribunaux ont prononcé la peine capitale depuis 1991 et si une trentaine de personnes sont sous le coup d'une condamnation à mort, le moratoire sur ces exécutions est institué de facto et aucune exécution n'a eu lieu. Le projet de code pénal porte abolition de la peine de mort, qui sera probablement remplacée par la réclusion à perpétuité.

15. M. KAZHOYAN (Arménie) dit que l'Institut de médecine d'Erevan offre aux étudiants la possibilité de se spécialiser pendant trois ans en médecine légale. La première année, les étudiants acquièrent les connaissances nécessaires pour pouvoir distinguer les cas réels de torture des allégations fallacieuses. Un manuel portant sur cette question a été publié par des médecins qui se sont inspirés de leur expérience de praticiens. Il existe donc en Arménie des spécialistes familiers avec ce domaine et à même de prévenir ou de faire cesser des mauvais traitements.

16. L'attitude des autorités face aux informations émanant des organisations non gouvernementales a considérablement changé depuis quelques années. Les organisations non gouvernementales sont aujourd'hui perçues comme des partenaires et le Département des organisations internationales et des droits de l'homme, que dirige M. Kazhoyan, travaille en collaboration avec elles. Le Ministère des affaires étrangères a également coopéré avec ces organisations lors du lancement d'une campagne de sensibilisation aux droits de l'homme, à laquelle le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont participé. À cette occasion, des brochures ont été publiées sur différentes questions relatives aux droits de l'homme et des documentaires ont été réalisés et diffusés, notamment sur les droits des détenus, question qui avait totalement été négligée en Arménie jusqu'alors. L'enregistrement vidéo de ces documentaires a été distribué aux chaînes régionales de télévision ainsi qu'aux associations de défense des droits de l'homme.

17. L'Arménie collabore aussi étroitement avec des organisations non gouvernementales internationales comme Amnesty International et Human Rights Watch. Actuellement, le rapport d'Amnesty International et le questionnaire du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la question de la torture sont examinés. Les réponses au questionnaire seront envoyées avant la mi-décembre.

18. Les centres de détention sont inspectés non seulement par des fonctionnaires de l'administration publique mais aussi par des représentants du Comité international de la Croix-Rouge, de la Commission arménienne des droits de l'homme et d'autres organisations non gouvernementales nationales. Par souci d'efficacité, les visites d'inspection sont organisées après consultation des représentants de ces organisations ainsi que des Ministères de l'intérieur, de la justice, des affaires étrangères et de la santé. Toutefois il ne suffit pas de vérifier la situation dans les prisons; il importe de chercher à améliorer le sort des détenus dans la mesure du possible. À ce sujet, on peut signaler que, grâce à l'appui de l'ambassade du Royaume-Uni en Arménie, des salles de classe dotées d'ordinateurs ont été créées dans quelques prisons.

19. En ce qui concerne l'enseignement des droits de l'homme et, en particulier, de la Convention contre la torture, les Ministères des affaires étrangères, de l'intérieur et de l'éducation ont fait réaliser une enquête dans l'unique école de police du pays, d'où il ressort que les futurs policiers ont une connaissance relativement satisfaisante de ces sujets. Conformément à la recommandation qui a été faite par la suite, la Convention contre la torture fait désormais l'objet d'un cours obligatoire. Depuis le démantèlement de l'URSS, la demande de manuels scolaires relatifs aux droits de l'homme, inexistants durant l'ère soviétique, est énorme. Tout récemment, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE a appuyé l'initiative du Ministère des affaires étrangères concernant la publication d'un manuel relatif aux droits de l'homme à l'intention des enfants de 8 à 10 ans.

20. M. NAZARIAN (Arménie) donne l'assurance que des enquêtes vont être menées sur les cas de défenseurs des droits de l'homme qui auraient été torturés et que des éclaircissements seront fournis dans le délai imparti par le Rapporteur spécial sur la question de la torture.

21. M. KAZHOYAN (Arménie) indique que les demandeurs d'asile et les réfugiés ne sont jamais placés en détention avec des prisonniers de droit commun. Les demandeurs d'asile, au demeurant très peu nombreux, sont hébergés dans un foyer relevant du Département des migrations et des réfugiés. Les réfugiés, au nombre de 350 000 environ, sont des Arméniens qui ont fui l'Azerbaïdjan en 1988 à la suite des massacres perpétrés dans ce pays. Ils ont trouvé à se loger dans des hôtels ou des pensions, notamment. Depuis l'indépendance, qui a été accompagnée de privatisations, les réfugiés ont pu acquérir des parcelles de terrain et des logements. Actuellement, ils ont les mêmes droits que les Arméniens, à l'exception du droit de vote.

22. M. NAZARIAN (Arménie) dit, en ce qui concerne l'indemnisation des victimes de tortures, que l'État arménien a pris des mesures pour venir en aide aux réfugiés d'origine arménienne provenant d'Azerbaïdjan, dont beaucoup avaient subi des sévices, et a adopté plusieurs décisions et décrets pour établir une base juridique permettant de les indemniser et de les reloger. Le Gouvernement a travaillé en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés, le Programme des Nations Unies pour le développement et la Banque mondiale pour trouver des solutions afin d'améliorer les conditions de vie de ces personnes. Alors que le Gouvernement a versé 110 millions de dollars d'indemnisation aux Azerbaïdjanais qui avaient dû quitter le pays sans avoir pu vendre ou échanger leurs biens, l'Azerbaïdjan n'a pris aucune mesure de ce genre à l'égard des Arméniens qui ont été forcés de partir. Par ailleurs, l'Arménie coopère avec le Comité international de la Croix-Rouge pour organiser les échanges d'otages. Il convient de rappeler qu'un grand nombre de personnes appartenant à la minorité arménienne sont encore détenues dans les prisons azerbaïdjanaises, dans lesquelles les conditions sont effroyables, comme l'attestent de nombreuses organisations non gouvernementales. Il serait souhaitable que le Comité recommande au Gouvernement azerbaïdjanais de respecter pleinement les droits fondamentaux de l'homme.

23. M. KAZHOYAN (Arménie) précise qu'il n'y a plus que sept otages azerbaïdjanais en Arménie et qu'il s'agit de personnes qui refusent de retourner dans leur pays, craignant d'être poursuivies pour désertion. L'une d'elles a même demandé la nationalité arménienne.

24. En ce qui concerne le bizutage des jeunes soldats dans l'armée, l'Association des mères de soldats a été la première à dénoncer ce problème, qui a pris de l'ampleur en Arménie. Elle a réussi à rendre les autorités attentives à la question en rencontrant le Ministre de la défense, le Président de la République, le Premier Ministre. Elle a élaboré en outre une brochure à l'intention des futurs conscrits, afin de leur faire connaître leurs droits et les difficultés qu'ils pourraient rencontrer et de leur indiquer les moyens de les éviter. La liste des maladies qui justifient l'exemption du service militaire y figure également. L'Association a établi une permanence téléphonique pour les soldats et leurs parents, afin qu'ils puissent dénoncer les mauvais traitements subis à l'armée.

25. Les prisons sont, il est vrai, assez surpeuplées et les conditions pénitentiaires parfois difficiles. Les autorités sont conscientes de ce problème, tout comme de celui de la recrudescence de la tuberculose, qu'elles espèrent résoudre rapidement avec l'aide de la coopération internationale. À cet égard, il faut signaler le lancement d'un programme interministériel – Ministère de la santé, Ministère de la justice et Ministère de l'intérieur – auquel participe également le Comité international de la Croix-Rouge et dans le cadre duquel on a entrepris la construction d'un hôpital pour les détenus, qui pourra accueillir les prisonniers atteints de tuberculose. Il existe un seul établissement pénitentiaire pour femmes, surveillé exclusivement par des gardiennes et où les conditions de détention sont tout à fait satisfaisantes. L'établissement est doté d'une unité spéciale destinée aux femmes ayant eu un enfant en prison. La délégation arménienne est malheureusement dans l'impossibilité de fournir des chiffres sur les cas de violence sexuelle dans les prisons. Ce problème, qui ne revêt pas des proportions alarmantes, est cependant étroitement suivi par le Ministère de l'intérieur et bientôt par le Ministère de la justice, qui sera chargé de l'administration du secteur pénitentiaire. Enfin, le droit de ne pas être soumis à des actes de torture, même en temps de guerre, est absolument intangible et consacré comme tel dans la Constitution.

26. M. NAZARIAN (Arménie) dit que la non-recevabilité des aveux ou des témoignages obtenus sous la torture ou par la coercition est prévue dans la Constitution et dans le Code de procédure pénale. Dans la pratique, les membres de l'appareil judiciaire et surtout les avocats veillent à ce qu'aucun aveu ou témoignage obtenu illégalement ne soit retenu et l'on peut se féliciter aujourd'hui de constater que les tribunaux ne sont plus saisis de cas de ce genre. Par ailleurs, une erreur est à rectifier au paragraphe 44 du rapport, où il aurait fallu parler de jugement "inéquitable" ("unfair") et non pas de jugement "injuste" ("unjust").

27. Une question a été posée au sujet de l'article 6 de la Constitution, qui porte sur la conclusion d'accords internationaux. Comme il a déjà été souligné, les traités internationaux ratifiés par l'Arménie font partie intégrante du système juridique interne et, en cas de divergence, l'emportent sur la législation nationale. En outre, la nouvelle législation pénale prévoit une répression universelle pour les infractions aux normes impératives du droit international général, parmi lesquelles figure la torture.

28. La teneur du paragraphe 43 du rapport doit aussi être précisée : ce n'est pas seulement le recours à la force physique par un représentant de la police ou de l'autorité judiciaire qui sera sanctionné par le nouveau Code pénal, l'utilisation de moyens de coercition psychique le sera aussi. Une peine d'emprisonnement de 6 à 12 ans est prévue pour cette infraction et l'usage de la torture constitue une circonstance aggravante. Enfin, M. Nazarian attire l'attention du Comité sur la loi sur la police, actuellement en préparation, qui stipule - en son article 29 et non pas 16 comme il est indiqué au paragraphe 78 du rapport - que l'agent de police est tenu, avant d'avoir recours à une arme, à des moyens spéciaux ou à la force physique, d'en avertir l'intéressé en lui laissant suffisamment de temps pour qu'il puisse se conformer à la loi, sauf dans les cas où tout retard mettrait immédiatement en danger la vie de l'agent de police ou lorsqu'il est impossible de donner un tel avertissement.

29. M. KAZHOYAN (Arménie) revient sur les efforts engagés pour améliorer la situation des détenus et donne un exemple positif. Un documentaire sur les conditions pénitentiaires en Arménie a été réalisé et pendant le tournage les détenus avaient pu exprimer leurs doléances : ainsi, dans une prison, certains s'étaient notamment plaints du manque d'appareils de télévision. Les journalistes ayant reçu une télévision en récompense pour leur documentaire en ont fait cadeau à la prison et, à la suite de cela, une campagne de dons au bénéfice des prisons a été lancée par des associations de défense des droits de l'homme.

30. Pour des raisons historiques, qui remontent au génocide de 1915, l'Arménie est très sensible au problème des violations des droits de l'homme car tous les Arméniens ont perdu au moins un membre de leur famille durant ces événements tragiques. Plus récemment, l'afflux, en Arménie, de dizaines de milliers de victimes des massacres perpétrés en 1988 en Azerbaïdjan a suscité beaucoup d'émotion parmi la population. Il a fallu s'occuper de leur réadaptation, notamment psychologique, et former du personnel spécialisé dans ce domaine.

31. Répondant à une autre question, M. Kazhoyan confirme qu'une action civile peut être engagée contre un agent de l'État accusé d'actes de torture, parallèlement à des poursuites pénales. Cependant, en droit arménien, c'est l'auteur des actes incriminés - et non pas l'État - qui est considéré comme responsable et lui seul peut faire l'objet d'une action civile.

32. Enfin, les auteurs du rapport périodique suivant veilleront à traiter séparément les articles 12 et 13 de la Convention.

33. M. YAKOVLEV (Corapporteur pour l'Arménie) relève tout d'abord que l'emploi, dans les traductions du rapport, du terme "mesures préventives" est erroné car il s'agit en réalité de mesures préliminaires, avant jugement. Il est d'une manière générale très satisfait des réponses fournies par la délégation et ne reviendra donc que sur un seul point. Les articles 126 et 328 du projet de nouveau code pénal ne donnent que partiellement effet à l'article premier de la Convention car ils ne prévoient pas expressément une sanction plus lourde si l'auteur de l'acte de torture est un agent de l'État. En outre, selon l'article premier de la Convention, le terme "torture" désigne aussi tout acte par lequel des souffrances mentales sont infligées à une personne pour la punir ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit. Ces notions ne sont pas couvertes par le projet de nouveau code pénal et il serait bon que le législateur élabore des dispositions complètes pour la prévention et la répression de la torture.

34. Mme GAER demande où en est le projet de créer un mécanisme indépendant chargé de vérifier la situation dans les prisons.

35. M. GRIGORIAN (Arménie) dit que, dans le cadre de l'élaboration d'une nouvelle législation pénale, le Gouvernement arménien tiendra compte des observations formulées par les membres du Comité. À cet égard, il demande si le Comité pourrait faire une recommandation concernant l'opportunité d'incorporer tel quel l'article premier de la Convention dans la législation et, dans cette perspective, quel chapitre serait le plus indiqué. Enfin, M. Grigorian précise qu'un poste de médiateur sera créé prochainement. Une bonne évaluation du système de surveillance des prisons a d'ailleurs récemment été réalisée, avec le concours d'une organisation de défense des droits de l'homme.

36. Le PRÉSIDENT dit que la délégation arménienne ne pourra pas se présenter devant le Comité pour prendre connaissance de ses conclusions et recommandations et invite M. Nazarian à faire les remarques finales au nom de sa délégation.

37. M. NAZARIAN (Arménie) se félicite du dialogue constructif instauré avec le Comité et de l'occasion unique qui a été donnée à la délégation arménienne de prendre l'avis du Comité sur toutes les questions touchant à la prévention de la torture et à la promotion des droits de l'homme en général.

38. Le PRÉSIDENT remercie la délégation des réponses très détaillées qu'elle a fournies.

39. La délégation arménienne se retire.


La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 10.


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