Distr.

GENERALE

CCPR/C/SR.1710
17 décembre 1998


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1710ème séance : Armenia. 17/12/98.
CCPR/C/SR.1710. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CCPR

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME


Soixante-quatrième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1710ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève, le lundi 26 octobre 1998, à 10 heures


Présidente : Mme CHANET


SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial de l'Arménie


La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l'Arménie (CCPR/C/92/Add.2; HRI/CORE/1/Add.57; CCPR/C/64/Q/ARM/1)

1. Sur l'invitation de la Présidente, M. Melik-Shahnazarian, M. Nazarian, Mme Gevorgian et Mme Dedeyan (Arménie) prennent place à la table du Comité.

2. La PRÉSIDENTE, au nom du Comité, souhaite la bienvenue à la délégation arménienne qu'elle est d'autant plus heureuse d'accueillir que c'est la première fois que l'Arménie présente un rapport au Comité.

3. M. NAZARIAN (Arménie) dit que sa délégation attend avec intérêt le dialogue constructif qu'elle aura avec le Comité, dont les observations aideront son gouvernement à affiner sa politique en matière de protection et de promotion des droits de l'homme. Il laisse au chef de sa délégation le soin de présenter les grandes lignes du rapport initial de l'Arménie et de donner au Comité des renseignements à jour sur l'application des articles pertinents du Pacte.

4. M. MELIK-SHAHNAZARIAN (Arménie) dit que le rapport initial de son pays a été établi par un groupe de travail spécial comprenant des représentants de plusieurs ministères et d'un certain nombre d'ONG ayant pour vocation la protection des droits de l'homme et la défense des intérêts de différents groupes de la population. Le rapport est basé sur la Constitution en vigueur, adoptée à la suite d'un référendum le 5 juillet 1995. L'Arménie, à l'instar des autres pays de l'ex-URSS, est confrontée à de nombreux problèmes en matière de respect des droits de l'homme : transition d'un système planifié à une économie de marché, chute du niveau de vie, crise énergétique, blocus imposé par un certain nombre d'États voisins et tentatives visant à l'entraîner, par divers artifices, dans le conflit entre l'Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh. Dans un contexte aussi difficile, le Gouvernement arménien n'a pas toujours été en mesure d'assurer à sa population l'ensemble des droits fondamentaux, notamment le droit à la vie.

5. Toutefois, l'Arménie peut se prévaloir de l'existence d'un État de droit, ce qui la distingue des autres pays de l'ex-URSS, où le processus de construction de l'État s'est souvent accompagné de guerres civiles et de multiples modifications de la Constitution. Forte d'une culture trois fois millénaire et d'une application séculaire des principes de justice et de démocratie, l'Arménie a pu trouver une solution démocratique et civilisée à la crise qui l'a secouée au début de l'année et qui a entraîné la démission du Président de la République. Un nouveau Président a été élu parmi 12 candidats, lors d'un scrutin qui s'est déroulé dans le calme et devant des centaines d'observateurs étrangers. Aujourd'hui, la vie politique en Arménie repose sur des bases démocratiques et constitue un exemple pour les jeunes nations issues de l'éclatement de l'ex-URSS. À cet égard, il faut souligner que les poursuites contre le parti Dachnaktsoutsyoun ont cessé, et le dirigeant de ce parti, après un an et demi en prison, a participé aux dernières élections et est devenu conseiller politique du nouveau Président. Aujourd'hui, aucun parti politique n'est interdit et l'Arménie ne compte pas un seul prisonnier politique.

6. Au cours de son histoire, l'Arménie a souvent été le théâtre de violations massives des droits de l'homme, notamment du droit à la vie, ce qui a contribué à rendre le peuple arménien particulièrement sensible aux notions de justice. On peut ainsi citer l'épouvantable génocide de 1915-1923, au cours duquel des millions d'Arméniens ont été massacrés et dont l'une des conséquences est qu'aujourd'hui les deux tiers de la population arménienne, soit 9 millions de personnes, vivent à l'étranger. C'est dans ce contexte qu'à l'initiative de l'Arménie la Commission des droits de l'homme, à sa cinquante-quatrième session, a adopté par consensus une résolution relative au cinquantenaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

7. Sur le plan institutionnel, une commission présidentielle étudie la possibilité de créer la fonction d'ombudsman en Arménie. Un accord dans ce sens devrait intervenir sous peu. En outre, il a été créé, au sein du Ministère des affaires étrangères, une section des droits de l'homme, qui a compétence pour coopérer avec les organisations nationales et internationales de protection des droits de l'homme, les ONG, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, le HCR et le Conseil de l'Europe, notamment. Cette coopération a permis au Gouvernement de diffuser, en langue arménienne, un manuel sur les droits de l'homme. De même, tous les instruments internationaux signés par l'Arménie ainsi que les observations et recommandations des différents comités institués en vertu de ces instruments ont été publiés. Ces activités entrent dans le cadre de la sensibilisation de la population et des ONG aux efforts qui restent à faire pour que les normes relatives aux droits de l'homme soient mieux respectées.

8. Une réforme administrative exhaustive est en cours, et dès février 1999, entrera en vigueur tout un ensemble de lois et de codes, notamment le nouveau Code pénal. Dans son prochain rapport, le Gouvernement arménien pourra donc se référer non plus aux lois héritées de l'ère soviétique, mais à une législation moderne. À cet égard, M. Melik-Shahnazarian dit que les observations que fera le Comité à la présente session aideront le Gouvernement arménien à mieux préparer son prochain rapport. Il assure le Comité que sa délégation est à sa disposition pour tout complément d'information.

9. La PRÉSIDENTE invite la délégation arménienne à répondre aux questions 1 à 9 de la Liste des points à traiter (CCPR/C/64/Q/ARM/1).

10. M. MELIK-SHAHNAZARIAN (Arménie) dit que la place du Pacte dans le droit interne est régie par l'article 6 de la Constitution, en vertu duquel les traités internationaux auxquels l'Arménie a adhéré sont applicables après ratification. Étant donné que le Pacte a été ratifié, il fait partie de l'ordre juridique arménien. La délégation arménienne fournira par écrit des informations complémentaires sur les cas où les dispositions du Pacte ont été directement invoquées devant des tribunaux et où les instruments internationaux l'ont emporté sur le droit interne ainsi que sur les mesures prises pour instituer un organe des droits de l'homme compétent pour recevoir et instruire les plaintes présentées par des particuliers pour atteinte à leurs droits.

11. En ce qui concerne l'état d'urgence (art. 4 du Pacte), M. Melik-Shahnazarian précise que même sous un régime d'exception certains droits et libertés ne peuvent faire l'objet d'aucune restriction, notamment le droit à la vie, l'interdiction de la torture, le droit à la vie privée, la présomption d'innocence, le principe de la non-rétroactivité des lois et le droit de ne pas témoigner contre soi-même, son conjoint ou ses proches. S'agissant du droit à la vie (art. 6 du Pacte), la Constitution arménienne prévoit que la peine de mort est une forme de sanction destinée à être abolie. Une disposition dans ce sens doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain. L'Arménie envisage d'adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte et attend, pour ce faire, l'entrée en vigueur officielle du nouveau Code pénal.

12. Répondant à la question relative aux possibilités de réparation offertes aux victimes d'actes de torture, M. Melik-Shahnazarian cite la loi du 14 juin 1994, qui dispose que l'État alloue gratuitement aux victimes de la répression et à leurs héritiers du premier degré une parcelle de terre dans leur précédent lieu de résidence, le droit à une double action de participation dans la privatisation, la gratuité des transports et d'autres privilèges. En ce qui concerne les conditions de détention (art. 10 du Pacte), le Gouvernement arménien a organisé, avec l'aide d'institutions internationales, plusieurs séminaires à l'intention de représentants d'ONG, qui ont pu constater que, contrairement à ce qui se passait à l'ère soviétique, les détenus ont aujourd'hui des droits qui sont effectivement respectés. D'importantes mesures ont été prises contre la surpopulation carcérale, si bien que l'Arménie, sur une population de 3,5 millions d'habitants, ne compte que 5 500 détenus environ. Ceux-ci ont non seulement le droit de recevoir des colis et de rencontrer leurs proches, mais aussi, une fois par semaine, la possibilité d'utiliser un téléphone. Dans les prisons pour femmes, les détenues ont le droit de rentrer chez elles le samedi et le dimanche. Toutes ces dispositions ont été renforcées dans le nouveau Code pénal.

13. Concernant la violence domestique, il y a lieu de souligner que contrairement à ce qui a été dit dans certains rapports rédigés peu après la création de l'État arménien par des observateurs internationaux peu au fait de la situation en Arménie, rapports dont les Arméniens eux-mêmes n'ont pas pu prendre connaissance parce qu'ils étaient rédigés en anglais, il n'est pas de tradition que les Arméniens frappent leur femme. En réalité, les femmes sont très respectées au sein de leur famille. Le taux de divorce en Arménie est le plus faible au monde. Une loi sur les femmes est actuellement en projet et diverses mesures sont prises pour protéger les femmes. Il existe un département chargé des questions féminines au sein du Ministère des affaires sociales et il a été décidé de créer une commission spécialement chargée de ces questions en 1997, à la suite de l'examen du rapport de l'Arménie par le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.

14. Les dispositions du Pacte ont été prises en compte dans la rédaction de nombreuses lois, mentionnées dans le rapport, qui entreront en vigueur le 1er janvier 1999 et visent à assurer une meilleure protection des droits de l'homme. M. Melik-Shahnazarian signale aussi que l'élaboration du nouveau code du mariage et de la famille, évoqué au paragraphe 226 du rapport, est achevée. Si le Comité le souhaite, l'Arménie pourra lui communiquer la liste de toutes les nouvelles lois adoptées, qui ne sont publiées à ce jour qu'en langue arménienne, mais qui devraient à l'avenir être également publiées en anglais, français et russe.

15. Revenant à la question 1) e), M. Melik-Shahnazarian annonce qu'il détaillera ultérieurement et par écrit les activités des services du Procureur général. Concernant les mesures prises pour instituer un organe des droits de l'homme indépendant, il précise qu'après les élections présidentielles de mars 1998, une commission des droits de l'homme a été créée, à titre transitoire, pour recevoir les plaintes en la matière et préparer la création d'une commission nationale définitive, qui sera au service du futur ombudsman. Suite au séminaire tenu à Varsovie sur la question de l'ombudsman, l'Arménie envisage en outre la possibilité d'instituer des ombudsmen plus spécialisés, par exemple pour les prisonniers, pour l'armée ou pour les réfugiés. Quant au Centre pour les droits de l'homme et la démocratie d'Erevan, c'est effectivement un organe des droits de l'homme indépendant. Il a été créé avec l'appui d'institutions et organismes internationaux (HCR, Haut-Commissariat aux droits de l'homme, universités, instituts indépendants), publie des instruments internationaux et organise des colloques et séminaires sur les droits de l'homme.

16. M. NAZARIAN (Arménie) précise que le Centre pour les droits de l'homme et la démocratie d'Erevan a pour mandat de définir les droits et libertés fondamentaux, d'analyser les textes législatifs soumis au Président, de formuler des conclusions sur la mise en oeuvre des droits de l'homme et d'examiner les plaintes individuelles déposées pour violation des droits de l'homme. La Commission des droits de l'homme est, quant à elle, habilitée à demander des informations aux pouvoirs publics et à procéder à des enquêtes. Elle peut constituer des groupes de travail en vue de l'élaboration de textes, organiser des séminaires et fournir des services consultatifs.

17. M. MELIK-SHAHNAZARIAN (Arménie) dit, en réponse à la question en ce sens formulée au point 4 de la Liste, qu'il n'y a pas, à ce jour, d'organe indépendant chargé de recevoir des plaintes pour torture et que c'est au futur ombudsman qu'incombera à l'avenir cette responsabilité. Cela ne signifie pas pour autant qu'il soit actuellement impossible de porter plainte. Ainsi, à la suite de plaintes, des enquêtes ont été menées et deux policiers accusés de tortures ont été condamnés à une peine d'emprisonnement. Si le Comité le souhaite, des renseignements détaillés sur ce point pourront lui être communiqués. En tout état de cause, les cas de torture sont rarissimes et il n'y a plus de prisonniers politiques en Arménie.

18. Revenant plus en détail sur les points 5, 6 et 7 de la Liste, M. Melik-Shahnazarian dit, à propos des violences à l'égard des femmes, que de nouvelles lois ont été adoptées et incorporées aux nouveaux codes. Il faut maintenant veiller à leur application. Étant donné la mentalité arménienne, il semble pour l'instant difficile d'inscrire le viol conjugal dans la loi. Aucune plainte pour viol conjugal n'a été déposée à ce jour. Concernant la garde à vue et la détention avant jugement, l'intervenant rappelle que les nouveaux codes prévoient un délai maximum de 24 heures pour la garde à vue et de trois mois pour la détention préventive. De plus, le prévenu, qu'il soit en garde à vue ou en détention préventive, peut immédiatement consulter un avocat, ce qui représente une avancée considérable par rapport aux lois de l'ancienne Union soviétique. A propos des conditions de détention, M. Melik-Shahnazarian signale qu'au début de l'année 1996, l'Arménie a passé un accord avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en vertu duquel les représentants du CICR peuvent, sans notification préalable, se rendre dans n'importe quelle prison et rendre visite à n'importe quel prisonnier. L'Arménie est le seul pays d'ex-URSS à avoir signé un tel accord. Les représentants des ONG peuvent eux aussi effectuer des visites. L'Arménie enverra une réponse écrite au Comité pour indiquer dans quelle mesure les dispositions de l'article 10 du Pacte et l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus sont incorporées dans les lois et dispositions régissant les conditions de détention. On peut d'ores et déjà affirmer que les normes internationales l'emportent sur la législation nationale depuis la création du nouvel État, en 1991-1992, conformément à l'article 6 de la Constitution arménienne, qui stipule que "les traités internationaux que la République d'Arménie a ratifiés l'emportent sur les lois de la République d'Arménie".

19. Concernant l'indépendance de la justice, M. Melik-Shahnazarian dit que les juges, qui, traditionnellement, dans le système hérité de l'ex-URSS, n'étaient pas élus, le seront à partir du 1er janvier 1999, pour une période de quatre ans. Le problème qui se posera sera d'offrir à ces juges un salaire suffisamment élevé pour assurer leur indépendance. En attendant que le nouveau système soit mis en place, les juges sont désignés par le Conseil national. Enfin, au sujet des procédures évoquées au point 9 de la Liste, l'intervenant précise que le processus d'examen des plaintes est lent, mais se poursuit. Des résultats détaillés seront communiqués au Comité une fois les enquêtes terminées.

20. La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité qui le souhaitent à poser des questions complémentaires à la délégation arménienne.

21. M. WIERUSZEWSKI demande si l'Arménie, suite à l'examen de son rapport par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, prévoit de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et, de même, si elle a l'intention de reconnaître la compétence du Comité contre la torture. Par ailleurs, il se félicite de la création de la Commission des droits de l'homme, mais se demande si la population en connaît l'existence et le r_le.

22. M. Wieruszewski n'est pas sûr d'avoir compris la présentation de la délégation arménienne sur l'état d'urgence. Quand, exactement, l'état d'urgence a-t-il été proclamé pour la dernière fois en Arménie et quelle a été alors la portée des limitations imposées aux droits de l'homme ? La liberté de religion, en particulier, a-t-elle été restreinte ?

23. Pour M. Wieruszewski, le problème majeur de l'Arménie, qui a été soulevé par de nombreuses ONG, est celui des violations des droits de l'homme commises par des représentants des forces de l'ordre, tant avant qu'après jugement. Il aimerait donc savoir si l'Arménie prend des mesures pour remédier à la situation et quelles sont les procédures pour porter plainte. Au paragraphe 144 du rapport sont présentées les dispositions actuelles en matière de garde à vue et de détention préventive. Il serait utile d'avoir des informations sur les évolutions prévues. L'Arménie envisage-t-elle, par exemple, comme les autres pays de l'ex-URSS, de raccourcir le délai entre l'arrestation et la présentation du prévenu au juge ? Le Comité a reçu de nombreuses informations selon lesquelles les détenus seraient au secret de fait : même lorsqu'ils ont des contacts avec leur avocat, ils subiraient des ingérences de la part des forces de l'ordre. M. Wieruszewski constate, au vu du rapport, que l'Arménie est consciente de ce problème, mais se demande comment elle compte le régler. S'appuie-t-elle uniquement sur des mesures législatives ou pense-t-elle également que des programmes de coopération technique et de séminaires peuvent efficacement contribuer au changement des mentalités au sein de la police ?

24. Diverses sources indépendantes font également état de mauvais traitements et de tortures infligés aux conscrits par des membres des forces armées. Il semblerait également qu'un membre de la famille d'un appelé soit parfois retenu en otage par les autorités militaires pour obliger l'intéressé à accomplir ses obligations. Des cas de détention arbitraire ont ainsi été signalés dans ce contexte. M. Wieruszewski souhaiterait entendre la délégation arménienne sur ce point et savoir quelles mesures le Gouvernement a prises, ou entend prendre, pour améliorer la situation.

25. En ce qui concerne l'indépendance de la justice, la délégation arménienne a indiqué que, à l'avenir, les juges seraient élus pour quatre ans. Il est important de savoir qui les élira. En outre, quelle que soit la réponse à cette question, l'élection des magistrats pour une durée déterminée n'est sûrement pas le meilleur moyen de garantir leur indépendance, et M. Wieruszewski voudrait savoir sur quelles considérations s'appuie la décision des autorités à ce sujet. Enfin, il souhaiterait savoir si, dans la procédure de nomination des juges, il est tenu compte de leurs antécédents.

26. M. ZAKHIA note que le rapport ne contient pas suffisamment de renseignements sur les cas dans lesquels la loi prévoit des dérogations à la règle. Or, la connaissance de ces dispositions particulières est indispensable pour l'évaluation du respect des droits de l'homme. Par ailleurs, l'application de la loi et la protection des droits de l'homme ne vont sûrement pas sans difficultés et le Comité souhaiterait savoir quels moyens le Gouvernement emploie, ou envisage, pour surmonter ces difficultés.

27. En ce qui concerne la magistrature, M. Zakhia s'étonne que les autorités arméniennes aient adopté le principe de l'élection des juges, qui est progressivement abandonné un peu partout dans le monde, car il n'est guère compatible avec celui de l'indépendance du pouvoir judiciaire.

28. S'agissant de la situation des femmes en Arménie, le paragraphe 139 du rapport énonce les peines prévues par l'article 149 du Code pénal dans les cas de prostitution, sans préciser si elles s'appliquent également aux clients des prostituées et aux proxénètes. En outre, la dernière phrase du paragraphe 139, dans laquelle il est dit qu'il n'a été signalé aucun cas de viol lié à la prostitution, n'est pas claire, et M. Zakhia souhaiterait avoir des éclaircissements sur ces différents points. Enfin, il constate que la proportion de femmes occupant des postes de direction diminue très nettement depuis 1994 et que le nombre des femmes députés est passé de 121 à 12 entre 1980 et 1997. Il aimerait donc savoir comment les autorités arméniennes expliquent ce phénomène et quels moyens elles envisagent pour enrayer cette tendance.

29. M. KLEIN relève tout d'abord que l'indépendance de l'Arménie constitue un nouvel exemple de réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Il n'ignore cependant pas que la période de mutation dans laquelle ce pays se trouve aujourd'hui est source de multiples difficultés, et la communauté internationale se doit d'encourager son Gouvernement dans les efforts qu'il déploie pour les surmonter.

30. Cela étant, les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme créent des obligations aux États qui y sont parties, et il conviendrait de savoir quelle autorité le Gouvernement arménien considère comme responsable de la situation des droits de l'homme dans le Haut-Karabakh, soit la région autonome elle-même, l'Azerbaïdjan ou l'Arménie, et si les autorités arméniennes exercent un pouvoir ou font un usage de la force sur le territoire qui serait susceptible d'engager de toute façon leur responsabilité à ce titre.

31. Revenant sur les questions qui font l'objet du point 1 de la Liste, M. Klein fait observer que les réponses qui ont été apportées par la délégation arménienne n'ont pas permis de lever toutes les zones d'ombre. Il relève que, conformément à l'article 6 de la Constitution, les traités internationaux que l'Arménie a ratifiés l'emportent sur les lois internes, et qu'en cas de conflit avec la Constitution, celle-ci doit être modifiée au préalable. L'Arménie ayant ratifié le Pacte avant l'entrée en vigueur de sa Constitution, peut-on considérer que cette dernière est nécessairement conforme au Pacte ? S'il n'en est pas ainsi, le Pacte prime-t-il dans tous les cas ? Par exemple l'article 22 de la Constitution arménienne garantit le droit de libre circulation à tous les citoyens tandis que l'article 12 du Pacte étend ce droit à toute personne, et non pas seulement aux ressortissants de l'État partie. Il y a là une apparente contradiction entre les textes et M. Klein aimerait savoir si en pareil cas le Pacte l'emporte, autrement dit si un étranger se trouvant légalement sur le territoire arménien jouit des droits visés à l'article 12 du Pacte. De même, le Pacte prévoit qu'il ne saurait être dérogé, entre autres, aux droits énoncés dans l'article 18, mais l'article 23 de la Constitution arménienne dispose que la liberté de religion et de conviction peut être restreinte par les dispositions constitutionnelles relatives à l'état d'urgence (art. 45). Là encore, ces dispositions ne semblent guère compatibles et M. Klein souhaiterait que la délégation arménienne explicite la situation et précise quels droits ne sont pas susceptibles de dérogation sous l'état d'urgence.

32. Toujours à propos de l'article 18 du Pacte, M. Klein aimerait savoir pour quelle raison les organisations religieuses sont tenues de se faire enregistrer et pourquoi seuls certains types d'association religieuse, semble-t-il, peuvent être enregistrés. Il paraîtrait que les organisations qui ne sont pas officiellement enregistrées ne puissent pas recevoir de fonds de l'étranger et M. Klein se demande si cette situation est conforme à l'article 23 de la Constitution et surtout à l'article 18 du Pacte.

33. En ce qui concerne le service militaire, il semble qu'il n'existe pas de service de substitution pour les objecteurs de conscience. Là encore, si tel est bien le cas, ne peut-on pas considérer que la situation est contraire à l'article 23 de la Constitution et surtout à l'article 18 du Pacte ? En outre, étant donné que le Pacte l'emporte apparemment sur la législation interne, les autorités devraient offrir aux objecteurs de conscience la possibilité d'effectuer un service de substitution. M. Klein serait reconnaissant à la délégation arménienne de fournir de plus amples renseignements à ce sujet.

34. En ce qui concerne les garanties de la liberté d'opinion et d'expression, M. Klein note que l'article 6 de la loi sur la liberté de conscience du 8 octobre 1991, mentionné au paragraphe 209 du rapport, dispose que la presse et les autres médias ne peuvent révéler ou publier des informations contenant des secrets d'État, dont la liste est établie par le Conseil des Ministres et que par ailleurs il est interdit de diffuser des informations erronées ou non vérifiées. À son avis une telle formulation renvoie à une époque révolue et n'est pas digne d'une démocratie libérale. De plus, si le Pacte prime les lois internes, la loi sur la liberté de conscience devrait être nulle car elle est manifestement contraire au Pacte. M. Klein remercie par avance la délégation arménienne de fournir des renseignements sur le statut actuel et l'application concrète de la loi en question.

35. On peut lire au paragraphe 139 du rapport qu'aucun cas de viol lié à la prostitution n'a été signalé. Le fait qu'aucun cas n'ait été signalé aux autorités compétentes ne veut pas dire qu'il n'y en ait pas, et si le Gouvernement arménien ne dispose pas de renseignements sur la situation effective dans son pays, on voit mal comment il peut garantir pleinement la protection des droits énoncés dans le Pacte.

36. M. Klein conclut en insistant sur la nécessité, d'une part, de diffuser le Pacte dans la population et, d'autre part, de donner une formation en matière de droits de l'homme à tous les agents chargés de faire appliquer la loi. Certes, ce type de programme coûte cher, mais c'est un bon investissement pour l'avenir et l'autorité du Gouvernement s'en trouvera renforcée.

37. M. EL SHAFEI reprend à son compte bon nombre des questions qui ont été posées par M. Klein, en particulier sur l'application du Pacte dans le Haut-Karabakh et la détermination de l'autorité chargée de faire rapport sur la situation des droits de l'homme dans ce territoire. M. El Shafei relève aussi comme M. Klein que l'article 22 de la Constitution arménienne ne paraît pas conforme à l'article 12 du Pacte, et il invite les autorités à se pencher sur la question de façon à mettre la Constitution et la législation en conformité avec les instruments internationaux auxquels l'Arménie est partie, compte tenu notamment de ce qui est dit au paragraphe 85 du rapport.

38. En ce qui concerne les dispositions régissant les états d'exception, M. El Shafei voit mal en quoi les restrictions énoncées dans le paragraphe 95 du rapport sont compatibles avec les dispositions de l'article 4 du Pacte, et souhaiterait des éclaircissements à ce sujet. Il aimerait d'autre part que la délégation arménienne indique si le projet de nouveau code pénal a bien été adopté et quelles mesures concrètes le Gouvernement a prises, ou entend prendre, pour abolir effectivement la peine de mort.

39. Mme MEDINA QUIROGA dit que le rapport initial de l'Arménie reflète une volonté de changement de la part des autorités de ce pays, ce qui est très encourageant. Toutefois, les réponses qui ont été apportées oralement à la Liste des points par la délégation arménienne ne permettent pas de se faire une image précise de la situation des droits de l'homme.

40. En particulier, il est dit au paragraphe 109 du rapport que 18 personnes qui avaient été condamnées à mort sont encore en vie. On suppose qu'elles attendent leur exécution. Si tel est le cas, les autorités pourraient envisager de commuer leur peine avant même que le nouveau code pénal soit adopté. Mme Medina Quiroga ne comprend d'ailleurs pas si la peine capitale est déjà abolie, et elle serait reconnaissante à la délégation arménienne de bien vouloir l'éclairer sur ce point.

41. Mme Medina Quiroga souhaiterait également en savoir davantage sur les recours disponibles en cas d'arrestation. De plus, il semblerait qu'en vertu du nouveau code pénal, toute personne arrêtée pourra être assistée d'un avocat dès son arrestation et Mme Medina Quiroga ne comprend pas pour quelle raison il n'en est pas déjà ainsi. Enfin, il ressort de la lecture du rapport que toute personne a le droit d'être assistée par un avocat dès son inculpation, mais le délai dans lequel elle doit être informée des charges retenues contre elle n'est pas clair, et Mme Medina Quiroga souhaiterait des éclaircissements sur ce point.

42. En ce qui concerne l'application de l'article 14 du Pacte, il conviendrait d'en savoir davantage sur les garanties prévues actuellement en Arménie. En particulier, il ressort de la lecture du paragraphe 171 du rapport que le procureur peut se pourvoir contre un jugement pour des motifs de procédure, mais la personne condamnée peut uniquement se pourvoir en cassation. Qu'en est-il exactement ?

43. À propos de la torture, il est dit au paragraphe 133 du rapport que de tels actes sont encore effectivement commis par certains responsables de l'instruction et de l'enquête préliminaire. La délégation arménienne a indiqué que ces cas étaient néanmoins rares, mais le rapport offre une image différente de la situation. Mme Medina Quiroga voudrait savoir s'il existe un organe habilité à recevoir et traiter les plaintes dans ce type de situation.

44. Enfin, Mme Medina Quiroga s'associe aux questions qui ont été posées par les autres membres du Comité concernant, en particulier, les violences faites aux femmes, et voudrait se voir confirmer que le viol conjugal sera réprimé dans le nouveau code pénal. Elle fait siennes également les questions qui ont été posées sur l'application des articles 18 et 19 du Pacte, ainsi que sur la situation au regard de l'obligation d'accomplir un service militaire. Mme Medina Quiroga croit comprendre qu'il existe bien une procédure légale permettant aux objecteurs de conscience de ne pas servir sous les drapeaux, mais que son application reste problématique. Elle aimerait notamment savoir s'il est exact qu'une personne puisse être contrainte d'effectuer un service militaire et, en cas de refus, traduite devant la justice militaire sous l'inculpation d'infractions graves.

45. Mme GAETAN DE POMBO note avec satisfaction que l'Arménie a ratifié le Pacte dès le début de la transition vers la démocratie et l'économie de marché. Cela étant, elle partage les préoccupations qui ont été exprimées par MM. Klein et El Shafei. De plus, comme Mme Medina Quiroga, elle souhaiterait des précisions quant à la situation au regard de la peine capitale en Arménie. Est-il exact qu'elle sera pleinement abolie à compter du 1er janvier 1999 ? En outre, le Président de la République semble disposer d'un large pouvoir de grâce, et il serait bon de savoir dans combien de cas il en a fait usage.

46. La délégation arménienne a expliqué en quoi consiste le mandat de la nouvelle commission des droits de l'homme, qui aura notamment pour tâche d'harmoniser la législation interne avec les instruments internationaux auxquels l'Arménie est partie, mais elle n'a en revanche fourni aucun renseignement concret sur le traitement des plaintes relatives aux violations des droits de l'homme. Mme Gaetan de Pombo souhaiterait savoir si la commission des droits de l'homme a été saisie de plaintes, et le cas échéant, quelles mesures elle a prises, et d'une façon générale, si le nombre des plaintes est en diminution depuis sa création.

47. M. SCHEININ regrette que le dialogue avec les autorités arméniennes s'engage si tardivement, soit plus de huit ans après la Déclaration d'indépendance de l'Arménie.

48. En ce qui concerne le respect du droit à la vie, M. Scheinin fait siennes les préoccupations qui ont été exprimées par d'autres membres du Comité et, comme Mme Gaetan de Pombo, voudrait obtenir confirmation de l'abolition de la peine capitale à compter du 1er janvier 1999. Si l'information est exacte les personnes qui ont été condamnées à mort verront-elles leur peine commuée automatiquement ou les autorités prendront-elles une décision au cas par cas ?

49. En ce qui concerne l'interdiction de la torture, M. Scheinin remercie la délégation arménienne des renseignements qu'elle a donnés concernant les allégations de mauvais traitements et de torture par la police. Toutefois, il semble que les forces armées se livrent également à de tels actes et d'autres membres du Comité ont évoqué les abus dont seraient victimes des conscrits et des membres de leur famille. M. Scheinin aimerait savoir ce qu'il en est exactement, quelles mesures le Gouvernement a prises, le cas échéant, et si la volonté manifestée par les autorités de mettre fin aux mauvais traitements et aux tortures infligés par la police s'étend également aux forces armées. Il souligne que, si les allégations concernant le traitement des objecteurs de conscience étaient confirmées, elles révéleraient une violation des articles 7 et 9 du Pacte, et il serait reconnaissant à la délégation arménienne de bien vouloir préciser la situation.

50. Mme EVATT partage toutes les préoccupations exprimées par les orateurs qui l'ont précédée. Elle aimerait cependant plus particulièrement que dans sa réponse à la question 1 b) l'Arménie donne de plus amples renseignements sur les voies de recours disponibles lorsque le Pacte est invoqué devant les tribunaux. Elle aimerait savoir également si les particuliers peuvent saisir la Cour constitutionnelle et s'ils peuvent bénéficier d'une assistance juridique à cette fin, et dans quelle mesure des particuliers ont effectivement fait usage de ce droit.

51. Se référant au paragraphe 155 du rapport qui traite de la durée de la détention provisoire, elle aimerait savoir combien de personnes ont pu bénéficier d'une libération sous caution et quel est le pourcentage des prévenus par rapport à l'ensemble des détenus. Des mesures ont apparemment été prises pour améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Néanmoins il serait utile que le Comité dispose de données précises sur ce qui a été fait pour réduire l'incidence de la tuberculose, qui serait très élevée, dans les prisons et le nombre de décès en détention.

52. Mme Evatt note par ailleurs qu'il ressort du rapport présenté par l'Arménie au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes que 30 % des femmes interrogées à ce sujet ont déclaré avoir été victimes de la violence domestique. Elle aimerait par conséquent savoir si des mesures concrètes ont déjà été prises pour protéger les femmes contre ces violences, en punir les auteurs et mettre fin à ce phénomène. Des mesures sont-elles envisagées également ou ont-elles été déjà prises pour veiller à ce que toutes les victimes de viol, y compris de viol conjugal, soient dûment protégées par des règles appropriées en matière d'enquête et de preuves afin de ne pas être doublement lésées ? Enfin, en ce qui concerne les femmes, Mme Evatt souhaiterait savoir si les clients des prostituées font l'objet de sanctions pénales au même titre que les prostituées elles-mêmes et si des lois ont été adoptées et effectivement appliquées pour protéger les femmes contre le harcèlement sexuel au travail.

53. M. KRETZMER demande s'il est possible de porter plainte contre des responsables de l'application des lois pour mauvais traitements et quels sont les mécanismes et procédures existant à cet égard. Il aimerait savoir par ailleurs en quoi consistent les "conditions préalables, d'ordre juridique, financier, technique", mentionnées au paragraphe 107 du rapport, à remplir avant d'abolir la peine capitale. En ce qui concerne l'arrestation et la détention provisoire, il partage les préoccupations exprimées par Mme Medina Quiroga et se demande en outre si le fait qu'une personne puisse être, comme indiqué au paragraphe 144, maintenue en garde à vue pendant 72 heures sans aucun recours n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 9 du Pacte. Il est dit au paragraphe 146 du rapport qu'une personne peut être mise en détention provisoire pour tel ou tel motif, "... etc.". Par ce terme, faut-il entendre d'autres motifs, et dans ce cas-là quels sont-ils ?

54. Concernant l'article 10 du Pacte, M. Kretzmer aimerait avoir des précisions sur la nature exacte des "établissements de redressement par le travail" mentionnés au paragraphe 160 du rapport, qui sont apparemment distincts des prisons, ainsi que sur les différents types de régime qui y sont appliqués et sur le nombre de personnes qui y sont incarcérées. Il aimerait également savoir s'il existe des établissements séparés pour les femmes et qui est chargé de veiller à ce qu'elles ne soient pas victimes de sévices.

55. Enfin, comme indiqué au paragraphe 182 du rapport, l'article 22 de la Constitution dispose que "tout citoyen a le droit de revenir dans la République". M. Kretzmer souhaiterait donc savoir si les personnes qui n'ont pas la citoyenneté arménienne mais résident en permanence en Arménie jouissent également de ce droit. Il aimerait à ce propos avoir des précisions sur les conditions requises pour acquérir la citoyenneté arménienne.

56. M. ANDO dit qu'il a tout d'abord la même question que M. Kretzmer à poser au sujet des établissements de redressement par le travail. Il note d'autre part qu'il est fait mention à l'article 6 de la Constitution ainsi qu'aux paragraphes 43 et 85 du rapport essentiellement des "normes des traités internationaux". Il aimerait par conséquent savoir si les règles coutumières du droit international sont couvertes par cette expression ou si ces règles ont un statut différent dans le droit interne. De nombreux paragraphes du rapport traitent des efforts déployés par l'Arménie pour passer d'une économie planifiée à une économie de marché et il est fait mention à cet égard de la loi sur la propriété de 1990. M. Ando aimerait savoir comment il faut interpréter cette loi par rapport au droit international. Il aimerait également avoir des précisions sur les effets généraux des difficultés économiques auxquelles l'Arménie est confrontée en cette période de transition sur l'exercice des droits de l'homme et leur protection, notamment le droit à la vie et au travail.

57. M. POCAR s'associe tout d'abord aux commentaires formulés à propos du retard avec lequel le rapport a été soumis. Il fait observer que puisque l'Arménie a en fait succédé en 1991 aux obligations contractées par l'URSS en vertu du Pacte les violations des droits de l'homme commises entre 1991 et 1993 relèvent du champ d'application du Pacte. Il y est d'ailleurs fait mention dans le rapport à propos des déclarations d'exception, ce qui confirme également la jurisprudence du Comité en la matière.

58. En ce qui concerne les questions de fond, M. Pocar relève certaines discordances entre les dispositions de la Constitution et les dispositions du Pacte. Ainsi les restrictions au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion qui sont prévues à l'article 44 de la Constitution ne sont pas conformes aux dispositions du Pacte. Même les motifs de dérogation ne sont pas les mêmes puisqu'il est question non pas de "danger public exceptionnel" mais de "protection de la sécurité nationale et publique". Ce problème est général et d'autant plus préoccupant que la Constitution a été adoptée alors que le Pacte était déjà en vigueur pour l'Arménie, ce qui fait douter de la volonté du Gouvernement de l'appliquer dans son intégralité. De nombreuses dispositions de la Constitution contredisent l'affirmation selon laquelle les traités internationaux et donc le Pacte l'emportent sur le droit interne. Il est donc difficile de croire qu'effectivement le Pacte s'applique directement d'autant que l'article 4 de la Constitution semble donner plut_t un r_le d'interprétation aux normes du droit international. De même l'article 41 de la Constitution, selon lequel l'absence de preuves de la culpabilité d'une personne doit être interprétée en sa faveur n'est pas tout à fait conforme au Pacte. En effet, il laisse entendre qu'une personne accusée d'un crime peut ne pas être condamnée non pas parce qu'elle est effectivement innocente mais parce que les preuves contre elle ne sont pas suffisantes, ce qui risque d'être en contradiction avec le principe de la présomption d'innocence. M. Pocar souhaiterait avoir des éclaircissements sur ce point.

59. M. BUERGENTHAL regrette que les réponses données aux questions écrites ne soient pas aussi complètes qu'elles auraient pu l'être. Il aimerait savoir plus particulièrement s'il faut déduire de l'article 101 de la Constitution que la Cour constitutionnelle ne peut pas être saisie par des particuliers et se demande qui décide de la pertinence des questions à lui soumettre. Il est dit à l'article 7 de la Constitution que la structure et le statut des Parties ne peuvent pas être contraires aux principes démocratiques. D'après l'article 100, paragraphe 9, c'est la Cour constitutionnelle qui décide de la suspension ou de l'interdiction d'un parti s'il agit contrairement aux principes démocratiques. Mais là encore, M. Buergenthal aimerait savoir qui peut saisir la Cour d'une telle question.

60. D'une manière générale M. Buergenthal souscrit aux observations formulées par M. Pocar et M. Klein et exprime l'espoir que les problèmes qu'ils ont soulevés seront résolus d'une manière favorable au Pacte.

61. M. MELIK SHAHNAZARIAN (Arménie) prend acte de la bienveillance avec laquelle les membres du Comité ont posé leurs questions, dont certaines sont très précises et exigeront une réponse écrite. L'Arménie n'est pas une très ancienne démocratie et par conséquent les questions posées par le Comité sont très précieuses au Gouvernement car elles lui permettront de corriger les contradictions qui existent effectivement entre la Constitution et le Pacte.

62. Le représentant de l'Arménie tient à préciser tout d'abord que les particuliers ont effectivement la possibilité de saisir les tribunaux pour faire valoir leurs droits. La question de la reconnaissance de la compétence du Comité contre la torture est actuellement à l'étude. Par ailleurs, la liberté de la presse est pleinement respectée; les journaux ne sont soumis à aucune forme de censure et publient tous les mois des articles sur les questions examinées par la Commission nationale des droits de l'homme, laquelle est régulièrement saisie de plaintes. Les libertés d'expression, de conscience et de religion sont également garanties.

63. La PRÉSIDENTE dit que la délégation arménienne répondra plus en détail aux questions posées par le Comité à la séance suivante.


La séance est levée à 13 heures.

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