Distr.

GENERALE

CCPR/C/SR.1857
4 octobre 2000


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1857ème séance : Australia. 04/10/2000.
CCPR/C/SR.1857. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CCPR



COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1857ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le vendredi 21 juillet 2000, à 10 heures

Présidente : Mme MEDINA QUIROGA

puis : M. BHAGWATI

puis : Mme MEDINA QUIROGA



SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de l'Australie (suite)


La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de l'Australie (CCPR/C/AUS/98/3 et CCPR/C/AUS/98/4; CCPR/C/69/L/AUS) (suite)

Sur l'invitation de la Présidente, la délégation australienne reprend place à la table du Comité.

1. M. BHAGWATI sait gré au Gouvernement australien d'avoir permis au Comité de bénéficier de la présence de Mme Evatt, qui sera amèrement regrettée l'année suivante. Il constate en revanche que ce Gouvernement a fait peu d'efforts pour régler un problème pourtant majeur, à savoir le fait qu'en Australie, contrairement à ce que prévoit son article 2, le Pacte ne peut pas être directement invoqué devant les tribunaux. Il s'étonne que le législateur, alors qu'il a incorporé certaines dispositions du Pacte par référence dans la législation, n'ait pas élaboré une charte des droits. Il est clair, en effet, que la législation nationale ne garantit pas tous les droits consacrés dans le Pacte. Ainsi, le principe de non-discrimination ne fait pas l'objet d'une protection suffisante, notamment s'agissant des populations autochtones. Dans ce domaine, alors même que la Haute Cour australienne avait déclaré que la ratification du Pacte susciterait des attentes légitimes chez les aborigènes, les amendements apportés en 1998 à la loi sur les titres fonciers autochtones ont retiré à ceux-ci le droit de négociation que leur avait accordé la même loi en 1993 concernant les projets de mise en valeur de leurs terres et de leurs eaux. Ces amendements semblent clairement incompatibles avec les articles 26 et 27 du Pacte. M. Bhagwati partage en outre les préoccupations exprimées à la séance précédente par d'autres membres concernant les enlèvements d'enfants aborigènes à leurs familles et le système de condamnation obligatoire des mineurs, lequel, en plus d'être arbitraire, serait, selon certaines ONG, discriminatoire, car largement utilisé au détriment des autochtones.

2. Mme CHANET tient elle aussi à rendre hommage au professionnalisme et au courage dont a fait preuve Mme Evatt, qui manquera incontestablement au Comité. Elle constate par ailleurs elle aussi avec un certain découragement que peu de progrès ont été accomplis dans l'État partie depuis l'examen de son deuxième rapport périodique s'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne. Le dualisme et le caractère fédéral du système judiciaire australien continueront inévitablement à se traduire par une situation dans laquelle les droits consacrés dans le Pacte ne seront pas garantis sur tout le territoire tant que ces deux éléments n'auront été compensés par l'existence d'une charte des droits. Le fait que le Pacte ne puisse être invoqué ni devant les juges ni devant une commission spécialement chargée des droits de l'homme montre bien que dans l'État partie, cet instrument est considéré non comme un texte juridique normatif, mais comme un texte purement symbolique. Plusieurs réserves n'ont par ailleurs toujours pas été levées. Est-il envisagé qu'elles le soient dans un future proche ou bien s'agit-il d'un noyau dur incompressible ?

3. S'agissant du système de condamnation obligatoire des mineurs en vigueur dans deux États, Mme Chanet rappelle qu'aux termes de l'article 10 du Pacte, le but essentiel des peines doit être le reclassement social. Or, il est clair que pour les mineurs ayant commis de petits délits, les courtes peines d'emprisonnement, loin d'avoir des vertus éducatives, sont criminogènes, raison pour laquelle la plupart des pays développent des peines substitutives à la privation de liberté. On peut également voir dans ce système une violation de l'article 9, dans la mesure où les détentions imposées dans ce cadre sont, du fait de la disproportion entre les infractions commises et les peines prononcées comme du fait qu'elles visent plus particulièrement une certaine catégorie de la population, des détentions arbitraires. Enfin, en sa qualité de juge, Mme Chanet est profondément choquée que ce système prive les magistrats d'une de leurs fonctions pourtant capitale, à savoir la personnalisation de la peine. Si un barème automatique de peines peut être acceptable pour les infractions au code de la route, il ne l'est pas, en revanche, dans des affaires plus graves, où l'état de nécessité ou les circonstances atténuantes doivent pouvoir être invoqués. Elle ne comprend pas pourquoi le Gouvernement fédéral n'a pas fait pression auprès des deux États concernés pour qu'ils suppriment ce système.

4. M. CAMPBELL (Australie) donne au Comité l'assurance que la délégation a bien pris note des remarques qui lui ont été faites sur le rapport, et notamment sur sa longueur, et qu'elle les transmettra à son gouvernement. Concernant l'absence de charte des droits applicable sur l'ensemble du territoire, il dit que l'article 2 du Pacte n'impose nullement l'obligation d'adopter un tel texte, mais laisse au contraire aux États la discrétion des moyens de mettre les dispositions du Pacte en oeuvre, en fonction de leurs spécificités. L'Australie ne peut en aucun cas être comparée au Royaume-Uni, lequel dispose d'un système bien plus simple et n'a pas de Constitution écrite. Elle est, quant à elle, limitée par sa Constitution, qui prévoit que l'État fédéral ne peut ni faire subir de discrimination à un État, ni adopter des lois limitant le pouvoir des États, ni exercer un contrôle sur le contenu des lois ou le processus législatif des États. Ce système, certes contraignant, s'est cependant avéré efficace et il n'est pas sûr que des changements tels que l'adoption d'une charte des droits améliorerait la situation des droits de l'homme sur le terrain.

5. Il serait faux de dire que les particuliers ne disposent pas de recours en cas de violation des droits consacrés dans le Pacte. Ils disposent en effet des recours prévus dans le droit interne pour les violations des mêmes droits, lesquels se divisent en procédures judiciaires, procédures administratives et procédures spécifiques devant les institutions chargées de la protection des droits de l'homme. Cette façon dont l'Australie met le Pacte en oeuvre n'a rien d'unique : c'est la même démarche que l'État partie a adoptée pour mettre en oeuvre la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, par exemple. Dans son arrêt évoqué par M. Bhagwati, la Haute Cour a déclaré, non que les dispositions des traités devaient obligatoirement être prises en compte dans le processus de prise de décisions administratives, mais simplement que lorsque l'Exécutif ratifie un traité et sous réserve qu'il n'y ait pas de disposition légale nationale contraire, il existe une attente légitime que le droit administratif se conforme audit traité. M. Campbell ajoute que l'examen des relations avec les organes conventionnels réalisé par le Gouvernement n'a rien d'exceptionnel. L'Australie s'astreint à mener régulièrement de tels examens de certains aspects de ses relations extérieures, y compris avec le système des Nations Unies. Il existe d'ailleurs en outre une commission parlementaire chargée d'étudier les moyens d'améliorer les relations avec le système des Nations Unies.

6. L'Australie n'est du reste pas la seule à penser que des améliorations doivent toujours être recherchées : la Haut-Commissaire elle-même a conseillé que l'on étudie le fonctionnement des organes conventionnels en vue de tenter de l'améliorer. Sur la question de la suite donnée aux vues et constatations exprimées par le Comité pour s'y conformer, l'orateur donne aux membres toute l'assurance du fait que l'Australie cherche à instaurer des relations constructives avec le Comité, qu'elle est consciente du travail énorme qu'il accomplit et qu'elle apporte toute l'attention voulue aux opinions qu'il exprime, y compris s'agissant des communications. Cela ne signifie cependant pas nécessairement qu'elle partage toujours ses opinions. Enfin, répondant à Mme Chanet, il indique que les réserves qui sont toujours en vigueur le sont parce que les circonstances font qu'il n'est concrètement pas possible de se conformer à certains articles du Pacte. Si ces circonstances changent et que le Gouvernement est en mesure de le faire, il lèvera bien entendu les réserves qui pourront être levées, comme il l'a fait en 1994.

7. Répondant aux questions concernant la protection de la culture et du mode de vie des aborigènes, M. Van BEURDEN (Australie) indique tout d'abord que l'Australie respecte pleinement le droit des minorités d'avoir leur culture, de pratiquer leur religion et d'employer leur langue mais n'a pas promulgué de législation spéciale en la matière, ce que d'ailleurs n'exige pas l'article 27 du Pacte. L'Australie encourage la diversité culturelle et l'acceptation et la compréhension des cultures aborigènes ont beaucoup progressé depuis le lancement, il y a une dizaine d'années, du processus de réconciliation. Des mesures spécifiques ont été adoptées en faveur des aborigènes - lois sur la protection du patrimoine des 3aborigènes, loi sur la pêche, la chasse et la cueillette traditionnelles et loi sur les titres fonciers autochtones.

8. La Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a établi que les enfants qui avaient été séparés de leurs parents n'étaient pas défavorisés, une fois parvenus à l'âge adulte, par rapport au reste de la population du point de vue du niveau éducatif ou professionnel mais qu'ils étaient plus souvent condamnés à des peines de prison ou sujets à des problèmes de santé. Le Gouvernement fédéral a réagi en adoptant des mesures propres à favoriser la réunification familiale, à offrir des conseils et un soutien psychologique de qualité - 59 spécialistes des questions aborigènes ont été affectés à des centres de soins de santé primaires -, à consolider les compétences parentales et à permettre aux personnes de cette catégorie de raconter leur vie, de retrouver leurs racines (accès facilité aux archives) et de développer leur langue et leur culture. Depuis que la Commission royale créée en 1987 pour enquêter sur les décès d'aborigènes pendant leur détention a déposé son rapport (1991), de nombreuses améliorations ont été apportées au système judiciaire, y compris la création de stratégies d'intervention précoce et de peines de prison de substitution. Les tribunaux accordent de plus en plus d'importance aux avis émanant des communautés aborigènes dans les jugements qu'ils rendent et il est tenu compte des traditions aborigènes en matière de peines coutumières. La création de services judiciaires de proximité et l'affectation d'agents de liaison ont permis de réduire le nombre de cas de délinquance juvénile et de non-comparution devant les tribunaux dans la population aborigène.

9. Les juridictions diffèrent d'un État à l'autre en ce qui concerne l'évaluation des risques courus par les détenus, mais il existe une procédure uniforme d'évaluation utilisée dans tout le pays, qui fait intervenir du personnel médical et social. Les facteurs de risque pris en considération sont notamment l'histoire personnelle du détenu, son état de dépendance par rapport aux drogues ou à l'alcool et d'éventuelles tendances suicidaires. Le risque d'automutilation est tenu sous haute surveillance.

10. Après une longue période de tensions et de différends juridiques concernant la construction d'un pont vers l'île de Hindmarsh, le Gouvernement a décidé de régler la question sur le plan législatif et le principal groupe d'opposition parlementaire n'a pas fait d'objection au texte de loi proposé. Des aborigènes du lagon où se trouve l'île ont demandé à être protégés par la loi du Commonwealth sur la protection du patrimoine des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres et les autorités leur ont promis que le lagon ne serait plus utilisé à des fins touristiques ni sportives dès qu'un site de remplacement aura été trouvé. Le nouveau projet de loi sur la protection du patrimoine actuellement examiné par le Parlement a été élaboré à la suite de consultations avec les communautés aborigènes et compte dûment tenu des recommandations formulées par Mme Evatt à l'issue de l'examen de la loi du Commonwealth sur la protection du patrimoine des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres.

11. En ce qui concerne la restitution des biens religieux aux aborigènes, il importe de signaler que les autorités britanniques et australiennes, qui se sont réunies très récemment pour discuter de ce point, ont décidé de coopérer en vue de la restitution aux communautés aborigènes d'ossements humains, qui revêtent une importance particulière dans la culture aborigène.

12. Dans le domaine de l'emploi, la pratique des quotas de postes réservés aux aborigènes n'est pas très répandue. Par contre, les organisations définissent des objectifs d'occupation de postes par des aborigènes. Par exemple, les compagnies minières installées dans des régions à forte densité de population aborigène concluent des accords avec les communautés locales en vue de la formation et de l'emploi d'aborigènes. Un nouveau programme d'emploi des aborigènes a récemment été lancé, qui vise à renforcer leur pourcentage dans la population active par le biais notamment d'aide aux employeurs et de stages de formation professionnelle. Enfin, un fonds a été créé pour favoriser la création d'entreprises aborigènes.

13. Mme LEON (Australie) dit que les lois sur la détention obligatoire - sur lesquelles le Comité a souhaité obtenir des éclaircissements s'appliquent à l'ensemble de la population sans distinction de race ni d'aucune autre caractéristique. Le Gouvernement australien ne considère pas que le fait que ces lois s'appliquent uniquement à certains délits constitue une discrimination à l'encontre des aborigènes. Le Comité a d'ailleurs indiqué dans son Observation générale No 8 sur la non-discrimination que toute différenciation ne constitue pas une discrimination pour autant qu'elle repose sur des critères raisonnables et objectifs (par. 13). Les gouvernements du Territoire du Nord et d'Australie Occidentale ont identifié un certain nombre de délits comme particulièrement préoccupants pour l'équilibre de leurs communautés, le cambriolage, par exemple, qui prend dans ces régions des proportions alarmantes. Dans l'intérêt des citoyens, ces gouvernements ont donc décidé d'assortir ces délits - en particulier lorsqu'il s'agit de récidives - de peines de prison obligatoires. Il s'agit là d'un objectif légitime du droit pénal.

14. L'Australie s'est dotée de dispositions solides et nombreuses - détaillées dans les troisième et quatrième rapports périodiques - garantissant le droit de tous les citoyens à un procès équitable (par. 1 de l'article 14 du Pacte). Mention a été faite du paragraphe 3 de l'article 10, qui prévoit pour but essentiel du traitement des condamnés leur amendement et leur reclassement social mais rien n'exclut, dans cet article les peines d'emprisonnement. Le Gouvernement fédéral finance de nombreux programmes visant à la formation et la réadaptation des détenus. N'étant pas insensible à la dérive que pourraient entraîner ces peines de prison obligatoires, il a entamé des négociations avec le Gouvernement du Territoire du Nord dans le but que soit atténuée l'incidence de ces lois sur les délinquants juvéniles.

15. Des membres du Comité ont voulu savoir à quels éléments de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide la législation australienne ne donnait pas effet. Le paragraphe 2 de l'article 15 du Pacte prévoit que la garantie de non-rétroactivité contenue au paragraphe 1 du même article ne fera pas obstacle au jugement ou à la condamnation de tout individu en raison d'actes qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels. Il n'est pas tout à fait exact de dire que cet article "importe" dans le Pacte les dispositions de ladite Convention. Il garantit seulement la condamnation du génocide dans la mesure où, au moment ou il a été commis, il était considéré comme un crime d'après les principes généraux de droit reconnu par l'ensemble des nations. Les autorités australiennes ne considèrent donc pas que la question du génocide relève spécifiquement de la compétence du Comité. Quoi qu'il en soit, elle juge, comme l'ont fait les gouvernements précédents, que le droit pénal australien couvre de manière satisfaisante les dispositions de la Convention en question.

16. Le Gouvernement finance des centres de conseils juridiques aux femmes, chargés de pallier les désavantages subis par les femmes dans les régions rurales ou reculées du pays, en matière d'accès au système judiciaire notamment. L'accent est mis en particulier sur les besoins des femmes aborigènes, dont les demandes de conseils portent surtout sur le droit de la famille, la violence familiale, la protection des enfants maltraités, le logement, les questions financières, et le crédit et la propriété. Des programmes d'éducation juridique, sur la base d'une coopération transsectorielle, ont été élaborés à l'intention des femmes aborigènes dans diverses communautés pour leur permettre, notamment, de lutter contre la violence. Certains projets s'adressent particulièrement aux femmes aborigènes en détention. Globalement, le Gouvernement a affecté près de 4 millions de dollars à la fourniture de services juridiques aux femmes pour l'exercice financier 2000-2001.

17. La common law et la législation australienne reconnaissent le lien particulier qui existe entre les aborigènes et leurs terres et la loi sur les titres autochtones, telle que modifiée, comprend des dispositions spécifiques visant à la protection des titres autochtones en pleine conformité avec l'article 27 du Pacte (procédures particulières - de recours judiciaire notamment - pour les autochtones revendiquant leur droit à la terre). Les aborigènes ont le droit d'avoir leur propre vie culturelle, de pratiquer leur religion et d'employer leur langue en vertu d'un large éventail de lois (loi sur les titres fonciers autochtones, lois sur la protection du patrimoine).

18. Le législateur reconnaît aujourd'hui que la discrimination positive à l'égard de certains groupes défavorisés peut être nécessaire pour permettre à ces groupes d'exercer le plus rapidement et le plus pleinement possible leurs droits légitimes. L'égalité réelle et l'égalité formelle coexistent en droit international et la loi sur les titres autochtones peut être considérée comme garantissant à la fois une égalité réelle aux autochtones - reconnaissant que leur identité, leur culture et leur histoire particulière méritent un traitement particulier et une égalité formelle à tous les Australiens compte tenu de mesures spécifiques prises au bénéfice des autochtones.

19. Mme BICKET (Australie), complétant les réponses apportées par son collègue sur les programmes mis en place pour permettre aux minorités d'apprendre et d'employer leur langue, indique tout d'abord que 40% des Australiens sont nés outre-mer et que le Gouvernement accorde la plus haute importance à l'enseignement de l'anglais - langue étrangère aux migrants adultes pour leur permettre de s'insérer dans la vie professionnelle (Workplace English Language and Literacy Program, Advanced English for Migrants Program, English as a Second Language Program). Le Gouvernement, qui reconnaît les avantages économiques, sociaux et culturels que représente la grande diversité linguistique existant dans le pays, continue à promouvoir la pleine utilisation de toutes les langues et l'épanouissement des différentes cultures : plus de 40 langues sont enseignées dans les écoles grâce au financement du Gouvernement fédéral et des gouvernements des États et des territoires. Pour assister les migrants dans leur besoin de communication, le Gouvernement fédéral a mis en place un service d'interprétation 24 heures sur 24. Certains États et territoires sont également dotés de services supplémentaires. La télévision et la radio diffusent des émissions dans 68 langues.

20. Revenant sur la question 2 de la liste des points à traiter, Mme Bicket dit que, depuis les constatations adoptées par le Comité dans le cadre de l'affaire A c. Australie, les autorités australiennes, qui contestent d'ailleurs certains aspects de ces constatations, ont modifié le traitement des demandes d'asile : les procédures d'octroi de visas de protection ont été rationalisées et accélérées et des délais statutaires ont été fixés pour la fourniture de réponse aux requérants. Les demandeurs d'asile placés en détention sont protégés par des normes relatives à leur vie privée, à leur bien-être - santé et loisirs - et peuvent prendre contact avec l'ombudsman, la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances et le HCR. Le Gouvernement s'efforce de réduire au minimum la période de traitement des dossiers et par conséquent la durée de la détention.

21. M. Bhagwati prend la présidence.

22. Mme BICKET (Australie) traite ensuite la question 17 du Comité et appelle l'attention sur les paragraphes 487 à 519 (art. 9) et 706 à 718 (art. 13) du troisième rapport périodique de l'Australie qui présente l'essentiel de la loi régissant la détention des non-citoyens en situation irrégulière. Cette loi s'applique, évidemment, aux demandeurs d'asile arrivés en Australie sans autorisation. C'est d'ailleurs parce qu'ils sont de plus en plus nombreux dans ce cas qu'ils sont aussi de plus en plus nombreux à être détenus. La détention des sans-papiers répond au souci du Gouvernement de pouvoir renvoyer les personnes dont la demande d'asile est rejetée. Elle est aussi brève que possible. De plus, le bien-être des détenus est assuré sur tous les plans, notamment sanitaire, et des services d'interprétation sont mis à leur disposition.

23. La détention des demandeurs d'asile et des sans-papiers n'est en rien arbitraire, elle découle de la loi sur l'immigration (Migration Act) de 1958 (CCPR/C/AUS/98/3, par. 487, 488 et suivants, 708 et suivants) et est soumise à diverses mesures de surveillance. Il y est parfois mis un terme en raison de sa durée, ou en considération de circonstances atténuantes comme l'âge ou les besoins spéciaux des intéressés, ou encore après obtention d'un "visa de protection" (CCPR/C/AUS/98/3, par. 709 et 710).

24. Il est vrai que la loi n'oblige pas les pouvoirs publics à informer les détenus de la possibilité de bénéficier des conseils d'un juriste, mais toutes les demandes dans ce sens sont facilitées en vertu du paragraphe 256 de la loi sur l'immigration et sont transmises sans délai au Département de l'immigration et des affaires multiculturelles (par. 493 et 711 du troisième rapport). Mme Bicket fait observer qu'il n'y a là rien de contraire au Pacte, qui ne prévoit pas l'obligation d'informer les détenus sur ce point.

25. Elle passe ensuite à la réponse à la question 14 du Comité. Jamais une personne n'est expulsée ou refoulée en violation des obligations que l'Australie a contractées en ratifiant la Convention relative au statut des réfugiés, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou le Pacte. Pour s'acquitter de ces obligations, l'Australie a prévu que tout cas de personne au sujet de laquelle il a été décidé qu'elle ne pouvait prétendre à être protégée par les dispositions de ces instruments peut être soumis au tribunal chargé de contrôler les décisions concernant les réfugiés qui examinera sa demande quant au fond (Refugee Review Tribunal) (par. 712 du troisième rapport). De plus, le Ministre de l'immigration et des affaires multiculturelles a émis des directives prévoyant les circonstances dans lesquelles il est obligatoire d'appeler son attention : lorsque la sécurité, les droits de l'homme ou la dignité de l'intéressé sont gravement menacés en cas de retour au pays, ou lorsque l'on a tout lieu de penser qu'il risque d'y subir des tortures.

26. De même, avant de prendre, en application de la loi sur l'immigration (par. 508, CCPR/C/AUS/98/3), la décision d'expulser un condamné ou d'annuler le visa d'une personne pour des raisons de moralité, toute autorité administrative doit s'assurer qu'elle n'enfreint pas les dispositions du Pacte. De toute façon, il est également possible de former un recours judiciaire contre une décision administrative non susceptible de réexamen judiciaire ou une décision rendue par un organe de contrôle en invoquant des points de droit.

27. M. CAMPBELL (Australie), répondant à la question 16 du Comité, rappelle la réserve que l'Australie a formulée à l'article 10 du Pacte. Plusieurs États du Commonwealth n'en ont pas moins incorporé des dispositions sur les droits de détenus dans leur législation sur les établissements de détention, et le Commonwealth a prévu des sanctions, des systèmes d'indemnisation et des mécanismes de traitement des plaintes en cas de violations éventuelles des articles 7 et 10 du Pacte.

28. Les membres des forces de l'ordre et du personnel pénitentiaire, y compris les agents de l'État, peuvent être poursuivis au pénal, aussi bien au nom de la loi écrite que de la common law, ou se voir infliger des mesures disciplinaires pour torture ou traitement cruel, inhumain ou dégradant. En pareil cas les victimes sont indemnisées, y compris si c'est le seul moyen possible, par un versement ex gratia du Gouvernement.

29. De nombreux moyens de déposer plainte s'ajoutent aux dispositions de la loi de 1986 sur la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, qui ont été exposées la veille : la plupart des agents de l'État sont responsables devant des services préposés expressément aux plaintes, et toute personne qui le désire peut adresser une plainte à l'ombudsman. S'agissant plus précisément des forces de l'ordre, une plainte contre l'un de leurs membres est d'abord examinée par un service interne, puis par une organe extérieur ou par l'ombudsman. Dans la plupart des États, les plaintes contre le personnel pénitentiaire peuvent aussi être adressées à l'ombudsman, ainsi qu'aux directeurs des prisons, ou aux visiteurs ou inspecteurs compétents.

30. Les immigrants détenus peuvent invoquer les dispositions du droit civil, du droit pénal et du droit administratif. Ils peuvent aussi s'adresser à la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances ainsi qu'à l'ombudsman, et leurs plaintes sont examinées aussi rapidement que possible et dans le respect des règles, notamment de transparence.

31. S'agissant de la question 15 du Comité qui porte sur les châtiments corporels infligés aux enfants, M. Campbell explique qu'il n'est pas contraire à la loi d'infliger à un enfant une correction "raisonnable", c'est-à-dire appliquée uniquement lorsqu'elle est jugée nécessaire à l'éducation de l'enfant, sans force excessive et compte tenu de l'âge et de la santé de l'enfant. La réforme de la loi dans ce domaine est envisagée, mais la question est du ressort du gouvernement des États et Territoires et rien n'a encore été fait. Pour ce qui est des châtiments corporels infligés à l'école, certains États les ont interdits dans les écoles publiques et dans d'autres il est prévu de les supprimer peu à peu.

32. Mme LEON (Australie) répond à la question 18 du Comité en expliquant que, si des mineurs sont détenus loin de chez eux, cela s'explique par leur petit nombre et l'immensité du territoire. Il n'est pas possible de construire des établissements dans toutes les régions reculées, ni de séparer les jeunes des adultes dans tous les centres régionaux, cela reviendrait parfois à les mettre au secret. Quant aux liens avec les familles, ils sont préservés par des vidéoconférences, le téléphone, les visites des parents, parfois facilitées par des bons de voyage, et enfin par des congés temporaires accordés aux détenus pour se rendre dans leur famille. Pour répondre à la question 19 qui est liée à la précédente, Mme Leon dit que, si l'Australie a émis une réserve à ce sujet, c'est qu'elle ne pourrait matériellement pas s'acquitter de cette obligation et qu'en conséquence il serait irresponsable de lever la réserve.

33. M. CAMPBELL (Australie), répondant à la question 20 du Comité, dit qu'il n'y a en Australie aucune hiérarchie entre les religions et que celles-ci n'entrent jamais en ligne de compte pour obtenir un poste, par exemple. La liberté de religion est protégée par la Constitution du Commonwealth, par la loi relative à la Commission des droits de l'homme et à l'égalité des chances de 1986 (par. 50, CCPR/C/AUS/98/3), par la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, qui figure en annexe de la loi précédemment citée, et enfin par la loi relative à la haine raciale de 1995 (par. 1302), qui prévoit des sanctions civiles pour les actes de haine raciale commis en public. Certes, il existe encore des poches de discrimination raciale, mais le Gouvernement est résolu à les résorber. Par exemple, il a lancé l'initiative "Vivre dans l'harmonie", qui veut être exemplaire. Il a aussi lancé le programme pour une Australie multiculturelle qui comporte un plan d'action pratique.

34. À la question 21 sur la diffusion d'informations concernant le Pacte et les droits de l'homme, M. Campbell répond que le Parlement a reçu des exemplaires des troisième et quatrième rapports périodiques de l'Australie et que le public peut se les procurer à la librairie du Gouvernement du Commonwealth ainsi que par l'Internet. Il est certain que les conclusions du Comité sur l'examen en cours seront également diffusées par ces moyens. De plus, tous les six mois, l'Attorney-General réunit les ONG avec lesquelles il dialogue sur les questions de droits de l'homme qui se posent dans le pays.

35. Une place importante est faite également aux droits de l'homme dans l'enseignement, dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l'enseignement des droits de l'homme. De plus, la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances joue un rôle capital dans la recherche, l'enseignement et la promotion de la connaissance des questions qui se posent dans ce domaine. Elle travaille aussi à l'élimination de la discrimination sexuelle et à l'accès des handicapés aux services.

36. Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à formuler leurs observations.

37. Lord COLVILLE revient sur la question de la condamnation (peine) obligatoire (mandatory sentencing), non seulement en ce qu'elle frappe des mineurs, et notamment des aborigènes, mais d'une façon générale. Il se déclare en désaccord avec Mme Leon qui ne pense pas que cette question concerne l'application du paragraphe 1 de l'article 14. En fait, quiconque a l'expérience de l'administration de la justice pénale sait que la décision concernant le bien-fondé de toute accusation en matière pénale - c'est-à-dire non seulement les audiences, mais la sentence - doit être équitable. En fixant une peine, un juge tient forcément compte des circonstances atténuantes qui militent en faveur de l'accusé. La délégation australienne ne doit pas penser que les mesures prises par les gouvernements de l'État de l'Australie occidentale et du Territoire du Nord en matière de condamnation (peine) obligatoire n'entrent pas en conflit avec le paragraphe 1 de l'article 14. Lorsque la loi ne laisse aucune marge de manoeuvre au juge, celui-ci perd son indépendance et son impartialité. La délégation australienne a cru régler ce problème un peu trop vite.

38. Lord Colville s'inscrit aussi en faux contre l'affirmation de la délégation selon laquelle on ne peut considérer la législation de l'Australie occidentale et celle du Territoire du Nord comme discriminatoires. Le fait qu'une telle mesure n'est prévue que dans deux juridictions australiennes et non sur tout le territoire du Commonwealth est déjà en soi une mesure discriminatoire. S'y ajoute l'ouverture d'un crédit de 500 millions de dollars au titre de mesures de substitution qui doivent permettre aux jeunes d'éviter d'entrer dans le système pénal. En effet, ou bien cette mesure est la preuve que l'on reconnaît l'injustice de la condamnation obligatoire - ce qui est le point de vue de lord Colville - ou bien on ne voit pas pourquoi cette mesure n'est pas étendue à tous les États et territoires du Commonwealth. Lord Colville ne voit pas comment la délégation peut sortir de ce dilemme.

39. Il est tout à fait exact, que selon le paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte, les mesures d'ordre législatif doivent être prises en accord avec les procédures constitutionnelles des États parties. Pour autant que lord Colville le sache, il n'y a pas eu d'obstacle d'ordre procédural à la présentation au Sénat de dispositions législatives visant à abolir ces condamnations obligatoires. L'initiative va vraisemblablement être rejetée par des moyens politiques, et le Comité n'a rien à dire là contre, mais lord Colville ne pense pas qu'il puisse y avoir des obstacles d'ordre constitutionnel à mettre tout le Commonwealth sur le même plan à cet égard. Il suggère que le Gouvernement du Commonwealth, qui, aux termes de l'article 50 du Pacte, est responsable de l'application du Pacte sur tout le territoire australien, présente à nouveau la question, à la Chambre des représentants cette fois.

40. M. KLEIN évoque d'abord le cas des enfants séparés de leur famille et demande à l'État partie de ne pas se contenter de considérer la mesure prise à leur encontre comme un phénomène de masse déplorable, mais comme un événement capital dans la vie de chacun des individus qu'elle a touchés. Chaque cas doit faire l'objet d'une enquête et d'une mesure de réparation le plus tôt possible.

41. Abordant la question 2 de la liste dans ce qu'elle a de général, M. Klein demande s'il existe des procédures spécifiques établies pour traiter les constatations du Comité, si elles restent dans les tiroirs, si le Parlement en est informé.

42. Il revient ensuite sur la place du principe de proportionnalité dans le droit australien et sur l'application de ce principe dans les faits. Par exemple, la délégation australienne a admis que la dureté des effets des condamnations obligatoires a été disproportionnée chez les mineurs aborigènes. M. Klein pense que la détention obligatoire des demandeurs d'asile dépourvus des papiers voulus peut aussi avoir des effets d'une dureté disproportionnée, dans certains cas au moins, même si la mesure n'est pas arbitraire en soi d'un point de vue général. Il voudrait savoir si les autorités chargées d'appliquer les lois appliquent ce principe qui, au regard du Pacte, est essentiel. Les restrictions à la protection des droits protégés par le Pacte doivent toujours être proportionnelles, il n'y a pas de justice sans proportionnalité. Il est difficile de croire qu'un État qui admet que certaines mesures ont des effets disproportionnés respecte les droits de l'homme.

43. Mme Medina Quiroga reprend la présidence.

44. M. SOLARI YRIGOYEN constate que les troisième et quatrième rapports périodiques de l'Australie contiennent des informations très détaillées sur la législation pertinente au regard des articles 6 et 7 du Pacte, mais ne donnent guère d'indications sur son application. Cela dit, il se félicite de l'abolition de la peine capitale. Un autre aspect positif est que l'Australie est partie à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide depuis 1949. Toutefois, plus de 50 ans après son adhésion à l'instrument, il n'existe toujours pas de loi interne instituant le crime de génocide. M. Solari Yrigoyen se demande pour quelles raisons il en est ainsi, et si les autorités envisagent de remédier à cette situation, en particulier au regard du traitement accordé à la population aborigène. Le crime de génocide sera-t-il inscrit dans le nouveau Code pénal ?

45. La question des décès en détention, qui seraient dus aux conditions de la détention, est préoccupante, et des organisations non gouvernementales ont indiqué que leurs victimes étaient essentiellement des aborigènes. Les services du défenseur du peuple en Tasmanie ont apparemment ouvert des enquêtes à ce sujet, et il serait utile d'en connaître les conclusions, et de savoir quelles mesures ont été prises à l'issue de ces enquêtes. Un autre élément préoccupant est le fait que les autorités de l'État de Victoria ont, semble-t-il, interdit la publication d'une étude sur les conditions pénitentiaires, dans laquelle il était fait état du décès de dix détenus pour les seules deux premières années de fonctionnement d'une prison privée. Par ailleurs, le traitement par les forces de police des personnes placées en détention provisoire suscite des inquiétudes, et M. Solari Yrigoyen mentionne un rapport d'enquête daté de mars 1998, dans le Territoire du Nord, qui met en cause le comportement d'agents de la police à l'égard d'un jeune garçon. Dans un autre cas, trois agents de la police qui avaient été accusés d'agression contre de jeunes aborigènes ont été acquittés par le tribunal, qui les a en outre félicités pour leur utilisation d'une nouvelle méthode d'immobilisation des personnes. M. Solari Yrigoyen souhaiterait des précisions sur toutes ces affaires, et insiste sur la nécessité, pour les autorités australiennes, d'assurer que les violations des droits de l'homme ne restent pas impunies.

46. Sur la question de la santé des enfants aborigènes, on peut lire au paragraphe 349 du troisième rapport périodique qu'un groupe de travail chargé de suivre la mise au point d'une stratégie nationale de santé destinée à la population aborigène a publié un rapport en mars 1989. Il serait bon d'en connaître la teneur et de savoir quelle suite les autorités y ont donnée.

47. En ce qui concerne la question de l'objection de conscience, M. Solari Yrigoyen note que le paragraphe 969 du troisième rapport périodique mentionne les objecteurs de conscience, mais il conviendrait de savoir quelle est la situation exacte de ces personnes, en particulier si l'objection de conscience est reconnue en tant que telle, s'il existe un service civil et, le cas échéant, s'il est de même durée que le service militaire.

48. M. WIERUSZEWSKI regrette que l'Australie ne se conforme pas pleinement aux dispositions de l'article 40 du Pacte et doive être comptée au nombre des États parties qui accusent un retard dans la présentation des rapports au Comité. Il a été par ailleurs déçu de la réponse apportée par la délégation australienne à une question qui lui avait été posée concernant l'attitude des autorités à l'égard des organes conventionnels, d'une part, et le suivi des constatations du Comité au regard de communications dans lesquelles l'Australie est en cause, d'autre part.

49. En ce qui concerne la question 17 de la liste, la délégation australienne a fourni certains éléments de réponse mais des doutes importants demeurent quant à la compatibilité des procédures en matière d'asile avec les dispositions du Pacte, en particulier l'article 9. Ainsi, la législation et la pratique en ce qui concerne la détention des demandeurs d'asile et étrangers en situation irrégulière soulèvent des questions au regard du paragraphe 2 de cet article. M. Wieruszewski voudrait savoir si les personnes concernées sont informées des motifs de leur arrestation et de leur détention, si ces motifs leur sont communiqués par écrit, dans une langue qu'elles comprennent, et si elles sont informées de leurs droits. La détention des demandeurs d'asile et étrangers en situation irrégulière a-t-elle un caractère automatique ? Dans l'affirmative, elle pourrait être considérée comme une mesure arbitraire. Pour ce qui est du recours prévu au paragraphe 4 de l'article 9 du Pacte, il doit être non seulement disponible, mais aussi utile. Les demandeurs d'asile ont-il droit à un tel recours ? Enfin, au regard du droit à réparation (par. 5 de l'article 9 du Pacte), les dispositions législatives dont il est fait état aux paragraphes 600 et 601 du troisième rapport périodique pourraient avoir pour effet d'exclure certaines catégories de personnes, ce qui entraînerait une violation de l'article 26 du Pacte. M. Wieruszewski souhaiterait de plus amples informations sur tous ces points.

50. S'agissant du droit d'une personne de ne pas être expulsée vers un pays dans lequel elle risque d'être exécutée ou soumise à la torture, M. Wieruszewski souhaiterait obtenir des données statistiques, et savoir en particulier dans combien de cas les autorités ont renoncé à expulser une personne pour ce motif et de quels effets ont été suivies ces décisions.

51. M. AMOR demande si Mme Pauline Hanson continue de développer son discours marqué par le racisme, la haine et l'intolérance, et si les autorités australiennes entendent, tout en respectant le droit à la liberté d'expression, prendre toutes les mesures qui s'imposent pour contenir cet extrémisme de nature à compromettre les droits de l'homme.

52. En ce qui concerne l'application des articles 18 et 26 du Pacte, M. Amor relève que certains mouvements religieux peuvent être exemptés sur le plan fiscal, et l'Eglise de scientologie a d'ailleurs bénéficié de cette mesure à la suite d'une décision de justice rendue en 1993. Il voudrait savoir ce qu'il en est des autres minorités religieuses, et souhaiterait obtenir des statistiques sur les cas dans lesquels l'exonération fiscale a été accordée ou refusée.

53. M. Amor s'interroge par ailleurs sur la compatibilité de ce qui est dit au paragraphe 115 du quatrième rapport périodique, notamment qu'il n'est pas indispensable que le vote des électeurs soit de valeur égale, avec les dispositions de l'article 25 du Pacte. À l'évidence, le principe ainsi énoncé soulève des questions au regard du droit à un suffrage égal et, indirectement, de la garantie de l'universalité du droit de suffrage.

54. Le projet de loi sur l'euthanasie, dont il est fait mention au paragraphe 32 du quatrième rapport périodique, a-t-il été adopté ? M. Amor serait reconnaissant à la délégation australienne de bien vouloir fournir des statistiques sur la pratique de l'euthanasie dans son pays.

55. Enfin, M. Amor souhaiterait connaître le régime juridique des prisons privées et savoir si l'État partie a toutes les compétences nécessaires pour assurer que les dispositions du Pacte soient respectées à l'intérieur de ces établissements.

56. M. SCHEININ, revenant sur la réponse de la délégation australienne à la question 17 de la liste, se demande si le fait d'empêcher des avocats, des membres d'organisations non gouvernementales ou d'autres institutions, de prendre contact avec les étrangers placés en détention pour les informer de leur droit à une assistance juridique est bien conforme aux articles 17 et 19 du Pacte.

57. Revenant ensuite sur la réponse que la délégation a apportée à la question 2 de la liste, M. Scheinin fait observer que le Comité serait placé dans une situation très difficile si un État partie déclarait qu'il renonçait à suivre ses recommandations dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif, au motif qu'il n'approuve pas les conclusions du Comité. Dans le cas de l'affaire A. c. Australie (communication No 560/1993), les autorités ont-elles sollicité l'opinion d'un expert en droit international à l'indépendance reconnue avant d'adopter une position contraire aux conclusions du Comité et, dans l'affirmative, envisagent-t-elles de rendre public l'avis de ce juriste ?

58. M. ZAKHIA relève que les troisième et quatrième rapports périodiques de l'Australie font état d'aspects discriminatoires dans un certain nombre de lois. Il voudrait savoir en quoi consiste précisément la discrimination contre les femmes. Étant donné la faible participation de ces dernières à la gestion des affaires publiques, les autorités ne considèrent-elles pas que la question de l'égalité entre les sexes doit être traitée comme une question centrale et prioritaire, puisqu'elle touche à la fois les individus et la société tout entière et a des incidences sur le respect de tous les autres droits ? En ce sens, ne pensent-elles pas que le système des quotas, qui a prouvé son efficacité pour améliorer la condition de la femme dans d'autres pays, favoriserait la promotion de l'égalité ?

59. Enfin, l'Australie a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte, et M. Zakhia voudrait savoir si, dans le cas où le Comité demanderait à l'État partie d'assurer à l'auteur d'une communication un recours utile sous la forme de la révision de son procès, un tel recours serait ouvert. S'il ne l'était pas, les autorités envisagent-elles de l'instituer ?

60. Mme CHANET s'associe aux observations de lord Colville concernant la compatibilité du système de la "condamnation obligatoire" avec les dispositions du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, et souligne qu'on ne saurait ignorer les arguments de la défense dans un procès équitable, précisément pour les raisons invoquées par lord Colville.

61. A propos de l'affaire A. c. Australie (communication No 560/1993), la délégation australienne a indiqué que des éléments nouveaux étaient intervenus depuis que le Comité a adopté ses constatations au regard de cette communication; il serait bon qu'elle précise si ces éléments sont de nature à modifier le caractère obligatoire de la détention et s'il existe, par exemple, aujourd'hui une possibilité d'assignation à résidence des demandeurs d'asile. En bref, les nouvelles procédures qui paraissent avoir été adoptées permettent-elles de remédier à la violation du paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte qui avait été constatée ? Au regard du paragraphe 4 du même article, le Comité avait conclu à une violation de ses dispositions au motif que le recours ouvert à l'auteur était de pure forme. Est-ce toujours le cas ? Mme Chanet serait reconnaissante à la délégation australienne de bien vouloir préciser les conditions d'exercice de ce recours.

62. M. HENKIN a pris note du fait que les traités internationaux auxquels l'Australie a adhéré ne sont pas applicables directement, mais il fait observer que l'État partie doit alors adopter les lois nécessaires qui lui permettront de donner dûment effet aux dispositions du Pacte.

63. Revenant ensuite sur la question des mesures illégales ou arbitraires, M. Henkin souligne que les deux adjectifs ne sont pas synonymes, et renvoient à des critères différents, ce que reflète d'ailleurs le texte de l'article 17 du Pacte. Pour ce qui est de la législation régissant le droit d'asile et l'immigration, M. Henkin souhaiterait de plus amples éclaircissements et voudrait savoir en particulier de quels droits constitutionnels jouissent les étrangers, si tous les droits énoncés dans le Pacte leur sont reconnus et si une distinction est établie à ce titre entre nationaux et étrangers. Existe-t-il une discrimination entre les étrangers (au motif de la race, de la religion, de l'origine ethnique ou nationale, ou pour d'autres considérations), qu'ils soient demandeurs d'asile ou simples candidats à l'immigration ? Enfin, la législation et la pratique en matière d'asile établissent-elles une discrimination sur le plan es conditions d'octroi, des dispositions relatives à la détention, ou d'autres considérations ? M. Henkin serait reconnaissant à la délégation australienne de bien vouloir fournir de plus amples renseignements sur tous ces points.

64. M. CAMPBELL (Australie) a pris bonne note des observations de lord Colville concernant le système de la condamnation obligatoire et les disparités en matière de discrimination dans les différents États australiens. Le point de vue du Comité sera dûment examiné et, en attendant, M. Campbell rappelle que l'Australie est une fédération, au sein de laquelle les États peuvent adopter les lois qui leur paraissent judicieuses, ce qui explique les différences entre les législations dans plusieurs domaines.

65. En ce qui concerne le traitement fait aux conclusions du Comité dans l'examen des communications, M. Campbell précise que les constatations du Comité sont dûment examinées par le Gouvernement et, dans des cas importants comme l'affaire A. c. Australie (communication No 560/1993), le suivi s'effectue au niveau ministériel. À la question de savoir si les autorités demandent l'avis de juristes concernant la suite à donner aux recommandations du Comité, M. Campbell indique que l'organisme dont il relève (Office of International Law) rend régulièrement des avis sur ce point au Gouvernement et, plus généralement, d'éminents juristes de droit international attachés au Gouvernement sont aussi sollicités. Dans l'affaire A. c. Australie, les autorités n'ont pas estimé nécessaire de consulter un expert à l'étranger, et l'avis qui a été rendu par l'Office of International Law ne sera pas communiqué au Comité. Les constatations adoptées par ce dernier concernant une communication sont présentées au Parlement, et peuvent même être examinées en commission parlementaire. Pour ce qui est des procédures permettant de donner effet aux recommandations du Comité, il n'existe pas de dispositions garantissant dans tous les cas un recours à l'auteur, et les décisions relatives aux mesures de suivi sont prises au cas par cas.

66. À propos des mauvais traitements dont des personnes auraient été victimes au cours de leur détention, M. Campbell fait observer que ces cas n'ont été mentionnés par les membres du Comité que très brièvement, et la situation réelle des intéressés ne saurait être dûment reflétée par une simple allusion. En tout état de cause, la délégation australienne n'est pas en mesure de donner au Comité plus d'informations sur ces cas, mais elle s'efforcera de le faire ultérieurement.

67. À la question relative à l'objection de conscience, M. Campbell répond qu'il n'existe ni service militaire obligatoire, ni service civil à l'heure actuelle en Australie, et la question est donc sans objet. Toutefois, le droit à l'objection de conscience est protégé par certaines dispositions.

68. Au sujet du retard dans la présentation des rapports périodiques, le chef de la délégation a déjà exprimé ses regrets, au nom des autorités australiennes et expliqué que le retard était dû en partie aux délais nécessaires pour recueillir toutes les informations pertinentes auprès des différents États. La nouvelle procédure que l'Australie appliquera à l'avenir pour l'établissement de ses rapports périodiques permettra certainement de remédier à la situation.

69. M. van BEURDEN (Australie), revenant sur la préoccupation qui a été exprimée concernant la façon dont les autorités traitent la question de la séparation des enfants de leur famille, dit que le principe d'une politique est une chose, et que son application en est une autre. En pratique, tous les enfants qui ont été ainsi séparés sont traités comme des cas individuels.

70. M. Solari Yrigoyen a posé des questions concernant le décès de personnes placées en détention, notamment d'aborigènes, et M. van Beurden assure le Comité qu'il s'efforcera d'obtenir des renseignements sur ces affaires auprès des États concernés. De même, il communiquera ultérieurement au Comité, dans la mesure du possible, des renseignements concernant le rapport du groupe de travail chargé de suivre la mise au point d'une stratégie nationale de santé destinée à la population aborigène, et de la suite qui y a été donnée.

71. Mme LEON (Australie), répondant à une question sur l'application du principe de proportionnalité entre l'infraction et la peine, dit que ce principe est pleinement reconnu et respecté en Australie, bien qu'il ne soit pas consacré dans la législation. Les lois adoptées par les parlements démocratiquement élus des différents États traduisent cependant le souci de respecter ce principe. Enfin, Mme Leon précise que, dans la très grande majorité des cas, la condamnation est entièrement laissée à l'appréciation des juges. Cette compétence ne leur est retirée que dans les cas où le gouvernement démocratiquement élu d'un État évalue ce qu'il estime être une condamnation proportionnée et appropriée pour un crime particulier, compte tenu du degré de gravité de ce crime pour la collectivité.

72. La PRÉSIDENTE annonce que le Comité poursuivra l'examen des troisième et quatrième rapports périodiques de l'Australie (CCPR/C/AUS/98/3 et 4) à la séance suivante.


La séance est levée à 13 heures.


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