Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1358
31 janvier 2000


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1358ème séance : Australia, Azerbaijan. 31/01/2000.
CERD/C/SR.1358. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante­cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1358ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 18 août 1999, à 15 heures


Président : M. ABOUL-NASR
puis : M. YUTZIS


SOMMAIRE


PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, DONT MESURES D'ALERTE RAPIDE ET PROCÉDURE D'ACTION URGENTE (suite)

- La situation en Australie (suite)

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

- Rapport initial et deuxième rapport périodique de l'Azerbaïdjan



Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.


La séance est ouverte à 15 h 10.


PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, DONT MESURES D'ALERTE RAPIDE ET PROCÉDURE D'ACTION URGENTE (Point 3 de l'ordre du jour)
(suite)

La situation en Australie (suite)

1. Le PRÉSIDENT informe les membres du Comité que l'Ambassadeur d'Australie lui a fait savoir que le communiqué de presse publié à l'issue de la séance lors de laquelle ont été adoptées les conclusions du Comité sur son pays ne reflétait pas le point de vue exprimé par le Comité. Il a indiqué à l'Ambassadeur d'Australie que les communiqués de presse - rédigés par le personnel du Service de l'information - ne constituent nullement le compte rendu officiel des séances du Comité. Le seul document final auquel la délégation et les autorités australiennes doivent se référer est le texte des conclusions adopté par consensus par le Comité.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique de l'Azerbaïdjan (CERD/C/350/Add.1; HRI/CORE/1/Add.41/Rev.2).

2. Sur l'invitation du Président M. Khalatov, M. Dunyamaliyev, M. Mammedor, M. Ragimov, M. Wahabzade et M. Moussaev (Azerbaïdjan) prennent place à la table du Comité.

3. Le PRÉSIDENT salue la présence d'une importante délégation de l'État partie, conduite par le Vice­Ministre des affaires étrangères, ce qui témoigne de l'importance que l'Azerbaïdjan attache aux activités du Comité.

4. M. KHALATOV (Azerbaïdjan) commence par évoquer brièvement l'histoire de son pays. La première République azerbaïdjanaise a duré de mai 1918 à avril 1920, date à laquelle, en violation flagrante du droit international, la RSFSR a occupé le pays et renversé par la force le gouvernement légalement élu. La lutte pour l'indépendance du peuple azerbaïdjanais a abouti à l'adoption par le Conseil suprême de la République, le 30 août 1991, de la Déclaration portant restauration de l'indépendance nationale, suivie de l'adoption, le 18 octobre 1991, de la loi constitutionnelle sur l'indépendance nationale. En mars 1992, l'Azerbaïdjan a adhéré à l'ONU et les autorités oeuvrent activement au renforcement des institutions démocratiques, ainsi qu'à la promotion et à la mise en oeuvre des normes internationales en matière de droits de l'homme. Le pays s'est doté d'un système politique multipartite et d'une législation consacrant la liberté d'expression et de réunion, la liberté de la presse, le droit de constituer des partis politiques et des syndicats, la protection des citoyens et la primauté du droit. La première constitution de l'Azerbaïdjan indépendant, qui garantit à tous la jouissance des droits et des libertés fondamentales a été adoptée le 12 novembre 1995 au terme d'un référendum national. À l'occasion du cinquantième anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme, le Président de la République a promulgué des mesures législatives supplémentaires destinées à renforcer encore les droits des citoyens et a établi les priorités essentielles du gouvernement. C'est à cette occasion encore qu'a été créé l'Institut d'études sur les droits de l'homme.

5. L'Azerbaïdjan a adhéré aux principaux instruments internationaux et traités relatifs aux droits de l'homme. Le Comité des droits de l'enfant et le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes ont déjà examiné les premiers rapports de l'État partie. Soucieux de donner effet aux principes fondamentaux contenus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, et en particulier aux dispositions de l'article 3, le Président et le Parlement ont aboli, en février 1999, la peine de mort.

6. Le Gouvernement azerbaïdjanais et le Haut­Commissariat aux droits de l'homme ont conclu, en juillet 1998, un accord de coopération technique pour développer les infrastructures nationales en matière de droits de l'homme. C'est dans ce cadre que des cours de formation aux principes des droits de l'homme sont proposés aux juristes et que des manuels scolaires incluant un volet droits de l'homme ont été élaborés.

7. La Convention est entrée en vigueur en Azerbaïdjan le 15 septembre 1996 et les autorités sont déterminées à donner pleinement effet à ses dispositions. Conformément à la Constitution et à la législation azerbaïdjanaises, la discrimination raciale est interdite dans le pays et l'État garantit à tous des libertés et des droits égaux sans distinction de race, de couleur, de sexe, ou d'origine nationale ou ethnique. L'article 67 du Code pénal prévoit une responsabilité pénale en cas de violation du principe de l'égalité nationale et raciale. L'Azerbaïdjan est un pays multiethnique et le gouvernement prend les mesures nécessaires pour garantir que les représentants des minorités participent activement et dans des conditions d'égalité à tous les domaines d'activité du pays. Depuis le rétablissement de l'indépendance, aucun cas de discrimination raciale ou ethnique n'a été enregistré par les responsables de l'application des lois. En Azerbaïdjan, la quasi­totalité des religions sont représentées et un certain nombre de postes à responsabilité sont occupés, aux niveaux local et national, par des membres des minorités. Un conseil consultatif, composé de membres des minorités, a été créé auprès du Conseiller d'État pour les questions de politique nationale.

8. Dans les écoles, des programmes d'enseignement de la langue maternelle et de promotion de la culture des minorités ont été introduits et, dans les régions à forte composante minoritaire, des associations organisent des activités culturelles spécifiques. Les chaînes de radio et de télévision diffusent des programmes dans les langues des minorités et des publications dans ces langues sont également assurées. Ces programmes et ces publications sont financés par les pouvoirs publics.

9. L'Azerbaïdjan est encore dans une phase de transition, caractérisée par une certaine désorganisation des structures du pays et par des tensions sociales. Actuellement, le principal obstacle qui s'oppose à son développement est l'agression que continuent de mener contre le pays l'Arménie voisine et les mouvements séparatistes armés qui sévissent au Haut­Karabakh. Le Gouvernement azerbaïdjanais réaffirme à cette occasion son attachement à la recherche d'une solution pacifique au conflit. Vingt pour cent du territoire azerbaïdjanais, placés sous occupation arménienne, font l'objet de campagnes d'épuration ethnique et 1 million de personnes ont été déplacées en Azerbaïdjan. Les conséquences humanitaires sont considérables.

10. Le rapport à l'examen a été élaboré, conformément aux principes directeurs établis par le Comité, par un groupe de travail composé de représentants de différents ministères ainsi que de représentants de la Cour suprême et du ministère public. Aux côtés des experts gouvernementaux, des experts d'organisations non gouvernementales ont également participé à ce travail. L'État Partie attend beaucoup d'une collaboration fructueuse avec le Comité, qui lui permettra certainement d'améliorer encore la promotion et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. M. BANTON, faisant fonction de rapporteur pour l'Azerbaïdjan, ayant rappelé que la présentation d'un rapport initial est toujours un événement dans la mesure où elle consacre l'entrée d'un nouveau partenaire dans la communauté des États déterminés à lutter contre la discrimination raciale, indique que l'Arménie a accédé à l'indépendance dans un climat de conflits et de ségrégation ethniques. Depuis lors, le pays a été le théâtre d'une émigration de masse de ses deux principales minorités ethniques, les Russes de souche (près de 400 000 en 1989, environ 150 000 en décembre 1998) et les Arméniens (près de 400 000 en 1991 et 10 à 20 000 actuellement). Dans ce contexte, le rapport de l'État partie et la présentation orale faite par le chef de la délégation azerbaïdjanaise représentent une lueur d'espoir à ne pas négliger.

12. La déclaration faite le 30 août 1991 par l'État partie doit être considérée comme un acte instituant le rétablissement de l'indépendance du pays. La Loi constitutionnelle sur l'indépendance de l'Azerbaïdjan, adoptée le 18 octobre 1991, vient compléter la Constitution de 1978. Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement, mais il semble que le Président détienne également une partie de ce pouvoir. Le pouvoir judiciaire est exercé par les tribunaux et, enfin, le Président détient le pouvoir exécutif suprême. L'exercice du pouvoir par le Parlement est limité par la Constitution et les pouvoirs de l'administration et du judiciaire sont subordonnés à la Constitution, ainsi qu'aux lois et règlements parlementaires.

13. En ce qui concerne la population, l'Azerbaïdjan compte 7,6 millions d'habitants, dont environ 90 nationalités différentes, les Russes et les Arméniens étant les plus nombreux. Au passage, M. Banton relève une erreur typographique au paragraphe 60 du rapport. En effet, les Azénis sont au nombre de 5,81 millions et non de 5,81 milliers. Les langues dominantes sont le russe et l'azerbaïdjanais. Selon un rapport du Centre azerbaïdjanais des droits de l'homme sur la situation de la minorité russe en Azerbaïdjan, de nombreux Russes auraient perdu leur emploi au motif d'une connaissance suffisante de l'azerbaïdjanais. Il serait bon par ailleurs de connaître la répartition exacte des différentes minorités ethniques, élément essentiel pour que le Comité puisse déterminer si les communautés ont la possibilité de préserver leur identité culturelle.

14. Abordant la question de l'application des dispositions de la Convention, M. Banton souhaiterait obtenir le texte des dispositions relatives à la discrimination raciale mentionnées dans le rapport et notamment celui des dispositions pertinentes de la Constitution (par. 55 du rapport), de la Loi constitutionnelle (par. 63 du rapport), de la Loi fondamentale (par. 62 du rapport) et du décret présidentiel du 16 septembre 1992 concernant la promotion des langues et de la culture des minorités nationales (par. 66 du rapport). Ces textes sont nécessaires au Comité pour évaluer la conformité de la législation aux dispositions de la Convention. S'agissant de la représentation des minorités dans l'appareil d'État, il demande des informations complémentaires étayant l'affirmation selon laquelle elles sont largement représentées (par. 58 du rapport). Le Comité souhaiterait connaître la répartition précise de leurs effectifs au Parlement, dans les forces armées et dans la police. De même, des informations complémentaires concernant les centres culturels et les associations caritatives mises en place ces dernières années (par. 59 du rapport) seraient les bienvenues. Les Arméniens sont­ils concernés par ces mesures ?

15. S'agissant de l'application de l'alinéa e) du paragraphe 1 de l'article 2 de la Convention, il note que, selon un rapport de la Fédération internationale d'Helsinki pour les droits de l'homme, le gouvernement aurait refusé d'enregistrer un certain nombre d'ONG accusées de porter atteinte à l'image internationale du pays. Qu'en est­il réellement, et quelles organisations l'État partie reconnaît, conformément aux dispositions de l'article 2.1 e) susmentionné ? De même, M. Banton croit savoir qu'une aide de 400 000 dollars É.­U. aurait été accordée au gouvernement pour le renforcement des capacités dans le domaine de la protection des droits de l'homme. Il aimerait savoir si une partie de cette aide sera affectée à la lutte contre la discrimination raciale. En outre, relevant ce qui est dit au paragraphe 4 du rapport, à savoir que des organisations non gouvernementales (ONG) ont été impliquées dans la préparation du rapport, il se demande si parmi ces ONG figuraient des porte­parole des minorités russe et arménienne.

16. Par ailleurs, il est dit que l'article 67 du Code pénal prévoit une responsabilité pénale en cas d'acte délibéré d'incitation à la haine ou à la discorde raciale, notamment (par. 71). M. Banton se demande par conséquent comment il se peut qu'aucun cas de discrimination raciale, nationale ou ethnique n'ait été enregistré par les responsables de l'application des lois (par. 76), compte tenu qu'il ne fait aucun doute que les Arméniens vivant en Azerbaïdjan sont en butte à des hostilités en raison du conflit armé qui oppose les deux États. En outre, il se demande si l'État partie respecte les dispositions de la Convention interdisant l'existence d'organisations racistes.

17. M. Banton dit que les informations contenues dans le rapport à propos de l'application de l'article 5 de la Convention sont excellentes mais qu'elles n'envisagent pas suffisamment les possibilités de discrimination dans l'exercice des droits en question. S'agissant de l'indépendance du pouvoir judiciaire, - qui peut être très importante pour la protection des minorités ethniques - il est préoccupant de savoir que les juges ne sont nommés que pour une période de cinq ans et que le Président contrôle les finances des tribunaux. Il rappelle qu'il ne suffit pas d'inscrire l'indépendance du pouvoir judiciaire dans la Constitution, et que ce principe doit être concrétisé dans les faits. Il se dit satisfait des mesures prises en ce qui concerne la langue dans laquelle se déroule la procédure judiciaire (par. 82) et demande si l'intervention des interprètes est gratuite.

18. Le Comité souhaiterait en outre avoir de plus amples informations sur le service spécial chargé d'enquêter sur les actes illégaux commis par les agents de la police, qui relèvent du Ministère de l'intérieur, notamment ses activités liées à la discrimination raciale (par. 85).

19. S'agissant du droit à la nationalité, le Comité aimerait avoir à sa disposition le texte de la nouvelle loi sur la nationalité de 1998 et savoir dans quelle mesure elle diffère de la précédente, au regard de la Convention. En ce qui concerne l'application de l'article 5 d) iii), M. Banton dit que selon le rapport du Centre azerbaïdjanais des droits de l'homme sur la situation de la minorité russe en Azerbaïdjan, les autorités se montreraient peu disposées à changer le nom et la nationalité des enfants issus de mariages mixtes entre Russes et Arméniens. De même, les couples interethniques feraient l'objet de tracasseries de la part de l'administration qui chercherait à savoir si le mariage n'a pas été contracté à des fins précises. M. Banton attire l'attention de la délégation sur ces pratiques et espère que les autorités de l'État partie se pencheront sur cette question.

20. Par ailleurs, selon le représentant du Secrétaire général sur les personnes déplacées dans leur propre pays, il semblerait que bien que la Constitution dispose le contraire, les populations déplacées se heurtent toujours au fait de ne pouvoir établir leur résidence dans un lieu autre que celui qui leur a été assigné à l'origine. Il conviendrait par conséquent d'accélérer le processus de réforme afin que ces personnes puissent jouir pleinement de leur droit à la liberté de mouvement.

21. S'agissant du droit à l'éducation, il est dit dans le rapport que la législation réaffirme le droit des citoyens à l'éducation, quels que soient leur race, leur sexe, leur appartenance nationale ou ethnique ou autres traits distinctifs et elle stipule que les citoyens sont libres de choisir le type d'enseignement et l'établissement ainsi que la langue d'enseignement qu'ils souhaitent (par. 158). Il serait intéressant de savoir comment cela est mis en oeuvre et notamment quelles sont les langues d'enseignement proposées, si l'azerbaïdjanais et le russe sont obligatoires et quel pourcentage d'élèves bénéficie d'un enseignement dans une langue donnée. À cet égard, il conviendrait de compléter les informations fournies aux paragraphes 172 à 176 du rapport. En outre, compte tenu de ce qui est dit des relations entre la République d'Arménie et l'Azerbaïdjan, il aimerait savoir dans quelle mesure l'arménien est encore enseigné dans les écoles.

22. À propos des relations avec l'Arménie, M. Banton note que le rapport consacre plusieurs paragraphes à cette question mais qu'elle n'est pas du ressort du Comité, qui est uniquement tenu d'examiner les informations sur l'État partie présentant le rapport. Cela étant, il appelle l'attention de la délégation sur l'article 11 de la Convention qui prévoit une procédure pour traiter des plaintes telles que celles qui ont été soulevées aux paragraphes 28 à 36 du rapport.

23. Pour ce qui est de la situation dans la région du Haut­Karabakh, le Comité se dit préoccupé par les conséquences des événements qui s'y sont déroulés. En effet, ces incidents y ont provoqué d'importants déplacements de populations (entre 620 000 et 800 000 selon les sources) dont les conditions de vie sont précaires, le gouvernement disposant de peu de moyens pour intégrer ces réfugiés à la vie économique et sociale du pays. Ces personnes dépendent donc souvent de l'aide du HCR et de la Croix­Rouge. De nombreux Arméniens ayant fui le pays en raison du conflit, le Comité souhaiterait savoir combien d'entre eux vivent toujours en Azerbaïdjan car le chiffre donné au paragraphe 60 du rapport n'est sans doute plus exact. En outre le Comité aimerait savoir s'ils sont victimes de discrimination et dans quelles conditions ils vivent. De même il souhaite obtenir les mêmes informations en ce qui concerne la minorité d'origine ethnique russe, ainsi que celle des Turcs meskhetin.

24. Il ressort de toutes ces observations que l'Azerbaïdjan est un pays en transition dont l'évolution est freinée par le conflit qui l'oppose à l'Arménie. Cela étant, M. Banton attire l'attention de la délégation sur l'importance qu'il y a à entretenir un dialogue franc avec le Comité car c'est sur cette base que l'on peut faire évoluer positivement la situation.

25. M. VALENCIA RODRIGUEZ rend hommage au Gouvernement azerbaïdjanais pour la présentation de ce rapport initial, qui devrait marquer le début d'une coopération fructueuse entre l'État partie et le Comité. Il note qu'une part non négligeable de ce rapport traite du conflit territorial entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, et plus particulièrement de la situation au Haut­Karabakh. Il est notamment fait état d'assassinats, de mutilations et de déplacements massifs d'Azerbaïdjanais dans le cadre d'une politique d'épuration ethnique menée par l'Arménie. D'un autre côté, le rapport de 1998 d'Amnesty International relève des cas de persécutions de la part de l'Azerbaïdjan à l'encontre de ressortissants arméniens, tels la prise en otage de sept civils dans la ville de Goboustan en avril/mai 1998 ou la condamnation à mort du dénommé Karen Gevorkian. Compte tenu des accusations mutuelles que se lancent l'Arménie et l'Azerbaïdjan, il serait utile de recommander à ces pays de recourir à la procédure prévue à l'article 11 de la Convention.

26. En ce qui concerne l'article 2 de la Convention, il convient de se féliciter de la disposition constitutionnelle garantissant à tous l'égalité des droits et des libertés sans distinction aucune et de la large représentation des minorités dans l'appareil d'État. Pour ce qui est de l'article 4, les paragraphes 71 à 76 du rapport semblent indiquer que les dispositions législatives évoquées satisfont aux exigences des alinéas a) et b) dudit article, mais il faudrait en connaître le texte complet pour s'en assurer.

27. Les renseignements relatifs à l'application de l'article 5 de la Convention sont généralement satisfaisants mais appellent néanmoins quelques précisions. M. Valencia Rodriguez aimerait notamment savoir qui prend en charge les honoraires des interprètes désignés dans le cadre d'une procédure judiciaire. Il souhaiterait également savoir si des sanctions disciplinaires ont déjà été prononcées à l'encontre de fonctionnaires du Ministère de l'intérieur qui auraient fait preuve de discrimination raciale dans l'exercice de leurs fonctions. Relevant par ailleurs au paragraphe 121 du rapport que les synagogues et les églises orthodoxes reçoivent des subventions régulières du Fonds présidentiel, il demande ce qu'il en est des autres Églises officiellement reconnues dans le pays. Enfin, il aimerait savoir si des plaintes ont déjà été déposées au titre de l'article 7 du Code du travail, qui interdit toute discrimination raciale ou ethnique entre les travailleurs.

28. Passant à l'article 6 de la Convention, M. Valencia Rodriguez fait observer qu'il serait là encore utile de disposer du texte complet des dispositions législatives pertinentes afin de mieux apprécier son application dans l'État partie. Il demande également des précisions sur la procédure à suivre pour obtenir la réparation d'un préjudice lié à un acte de discrimination raciale ou ethnique. Se félicitant par ailleurs des mesures prises au titre de l'article 7 de la Convention, il recommande à l'État partie d'assurer une large diffusion du texte de cet instrument dans les principales langues parlées par les minorités.

29. M. Yutzis prend la présidence.

30. M. GARVALOV, notant que le tableau figurant au paragraphe 60 du rapport indique que la population azerbaïdjanaise compte 390 500 Arméniens alors que le Groupement pour les droits des minorités n'en dénombre que 100 000, demande si cette différence s'explique par les hostilités entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Il aimerait également savoir pourquoi ce tableau ne mentionne pas les minorités talyche et kurde qui, selon la même ONG, représentent respectivement 4,2 et 2,8 % de la population. Relevant par ailleurs au paragraphe 101 du rapport que les droits des ressortissants étrangers et des apatrides qui résident en Azerbaïdjan ne peuvent être restreints que conformément aux lois de la République azerbaïdjanaise et aux normes du droit international, il demande des précisions sur les apatrides et les lois dont il est question.

31. Le paragraphe 53 du rapport indique que, selon les principes pour la résolution du conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie approuvés par tous les membres de l'OSCE à l'exclusion de l'Arménie, le statut juridique du Haut­Karabakh devrait être défini dans un accord fondé sur l'autodétermination. Rappelant que tant la Charte des Nations Unies que les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme reconnaissent le droit à l'autodétermination aux seuls peuples et non aux minorités, M. Garvalov demande à la délégation de bien vouloir préciser quelle population devrait exercer son droit à l'autodétermination. S'agit­il de celle du Haut­Karabakh, de toute la région ou de l'ensemble de République azerbaïdjanaise ?

32. M. DIACONU prend acte avec satisfaction de l'existence des nombreux instruments nationaux pour la protection des minorités mentionnés dans le rapport. Relevant toutefois au paragraphe 22 que la primauté des traités internationaux sur le droit interne n'est pas absolue, il demande ce qui se passerait en cas de conflit entre les dispositions de la Convention et celles de la Constitution azerbaïdjanaise ou d'instruments adoptés par l'État partie par référendum.

33. Il aimerait par ailleurs obtenir des informations supplémentaires sur la République autonome du Nakhichevan dont il est question au paragraphe 10, notamment en ce qui concerne son statut et sa population.

34. Le Comité serait mieux à même d'apprécier l'application de l'article 4 de la Convention si la délégation pouvait développer les renseignements figurant aux paragraphes 71 à 76 du rapport, en fournissant notamment des précisions sur les sanctions prévues contre les organismes qui incitent à la discorde raciale et sur le type d'associations visées par ces dispositions. Il en va de même pour ce qui concerne l'article 6. Il est dit dans le rapport que la législation garantit à chacun des voies de recours suffisantes. Il serait utile d'avoir des informations sur l'utilisation qui en est faite par les minorités.

35. À propos de l'article 7, M. Diaconu est surpris d'apprendre qu'en Azerbaïdjan, selon le paragraphe 169 du rapport, les étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur sont plus nombreux que les élèves du secondaire. Il demande à la délégation de bien vouloir vérifier qu'il ne s'agit pas d'une erreur et d'indiquer par ailleurs si l'enseignement des droits de l'homme figure aux programmes officiels.

36. M. de GOUTTES se félicite du haut niveau de la délégation. Il note que ce premier rapport contient des informations satisfaisantes sur la composition ethnique de la population ainsi que sur les différentes minorités et religions qui coexistent dans le pays, mais que le principal obstacle à la mise en oeuvre complète de la Convention reste le conflit armé qui oppose l'État partie à l'Arménie, comme cela est expliqué aux paragraphes 8, 25 et 26 à 54 du rapport.

37. Il est dit au paragraphe 22 que les accords internationaux dont l'Azerbaïdjan est signataire font partie intégrante du système législatif interne du pays et qu'en cas de contradiction entre les textes législatifs de la République et les accords internationaux, ce sont les dispositions de ces derniers qui s'appliquent, sauf pour ce qui concerne la Constitution et les textes adoptés par référendum. Mais que se passerait­il en cas de conflit entre un accord international et la Constitution, et plus précisément entre la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et une disposition constitutionnelle de l'Azerbaïdjan ? La délégation peut­elle en outre donner des exemples concrets permettant de vérifier qu'effectivement, comme indiqué au paragraphe 58 du rapport, les minorités sont largement représentées dans l'appareil d'État ?

38. Par ailleurs, bien que le paragraphe 71 ainsi que les suivants exposent la législation en vigueur en matière de discrimination raciale, la délégation peut­elle préciser quelles sanctions sont prévues pour les infractions de ce type ? Comment expliquer par ailleurs qu'aucune plainte et qu'aucun jugement ne soient intervenus pour acte de discrimination raciale ou ethnique ? Cela est d'autant plus surprenant qu'il existe notamment une tension très vive dans le pays à l'encontre des Arméniens. A cet égard, M. de Gouttes rappelle que l'absence de plainte n'est pas en soi un indicateur positif et qu'elle peut au contraire être l'indice d'une mauvaise connaissance de leurs droits par les victimes ou d'un manque de confiance des victimes dans les autorités de police et de justice, ce qu'il est convenu d'appeler "le chiffre noir" en criminologie. Cela peut également être le signe du peu d'empressement des autorités judiciaires ou de police à poursuivre les auteurs d'actes de discrimination raciale ou ethnique, ou "chiffre gris" de la délinquance, faute d'aboutissement des poursuites. A l'instar de MM. Banton et Wolfrum, M. de Gouttes réaffirme l'importance de l'indépendance de la justice et des garanties institutionnelles pour assurer la pleine protection des minorités ethniques en Azerbaïdjan.

39. Quel est le point de vue de la délégation sur le rapport d'Amnesty international pour 1999, et plus particulièrement sur l'allégation selon laquelle des personnes d'origine arménienne continueraient à être détenues sans preuve et sans inculpation et que de nouveau des civils d'origine arménienne auraient été pris en otage en raison de leur appartenance ethnique ? La délégation peut­elle indiquer quelles mesures ont été prises pour développer la formation au respect des droits de l'homme et à l'entente inter­ethnique à l'intention des agents chargés de l'application des lois, des forces de l'ordre, de la police, de l'armée et de la magistrature ?

40. M. van BOVEN souscrit aux observations et questions formulées par le Rapporteur pour l'Azerbaïdjan. Il estime qu'il n'est pas possible de ne pas parler des tensions qui existent dans le pays entre les Azéris et les Arméniens.

41. M. van Boven souhaite en outre savoir pourquoi, si l'on s'en tient à la liste figurant au paragraphe 180 du rapport, il n'existe aucune organisation et/ou centre culturel représentant les Arméniens en Azerbaïdjan.

42. Il note par ailleurs que selon le paragraphe 101 du rapport, les droits et les libertés des ressortissants étrangers et des apatrides qui résident en permanence ou se trouvent temporairement sur le territoire azerbaïdjanais ne peuvent être restreints que conformément au droit international et aux lois du pays. Or, il se trouve que d'après le document de base soumis par l'État partie (HRI/CORE/1/Add.41/Rev.2), la loi constitutionnelle et la Constitution de l'Azerbaïdjan ne mentionnent que les droits des citoyens du pays. Comment la délégation explique­t­elle cette incohérence ?

43. Par ailleurs, quels instruments légaux et statutaires peuvent être invoqués pour apporter réparation à une personne dont le droit d'accès à un moyen de transport, un hôtel, un restaurant ou un café aurait été violé ? L'Azerbaïdjan songe­t­il à se doter d'une institution de défense des droits de l'homme qui serait notamment chargée de promouvoir les principes inscrits dans la Convention, tel qu'un poste de médiateur aux droits de l'homme ?

44. M. Aboul­Nasr reprend la présidence.

45. M. SHAHI se dit impressionné par la qualité de ce premier rapport périodique, notamment parce qu'il est parfaitement aligné sur les principes directeurs du Comité et qu'il contient de nombreuses informations intéressantes.

46. L'expert déclare toutefois souhaiter obtenir des précisions sur l'application effective des diverses mesures législatives prises par le pays contre la discrimination raciale.

47. Est­il vrai que compte tenu du fait que l'intégrité territoriale de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan ont été réaffirmés dans les principes approuvés par les États membres de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à l'exclusion de l'Arménie (par. 53), la question de l'autodétermination du Haut­Karabakh doive être appréhendée dans le cadre de l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan ?

48. M. Shahi souhaite par ailleurs savoir si les associations privées incitant à la haine raciale ou à la discrimination tombent sous le coup de l'article 67 du Code pénal qui prévoit une responsabilité pénale en cas d'actes délibérés d'incitation à la haine ou à la discorde raciale (par.71). Il demande également pourquoi aucune plainte n'a été déposée pour discrimination raciale ou ethnique alors que le pays abrite précisément un grand nombre de groupes ethniques.

49. Le PRÉSIDENT, accédant à une demande de la délégation de l'Azerbaïdjan, dit que cette dernière répondra aux questions posées par les experts à la prochaine séance du Comité, à savoir jeudi matin 19 août 1999.

50. La délégation azerbaïdjanaise se retire.


La séance est levée à 17 h 10.

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