Distr.

GENERALE

CAT/C/SR.398
23 novembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la première partie de la 398ème séance : Austria, Malta. 23/11/99.
CAT/C/SR.398. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE


Vingt-troisième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)* DE LA 398ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le jeudi 11 novembre 1999, à 15 heures

Président : M. BURNS


SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.398/Add.1.




La séance est ouverte à 15 h 5
.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations du Comité concernant le deuxième rapport périodique de Malte (CAT/C/39/Add.6; CAT/C/XXIII/Concl.1)

1. La délégation maltaise reprend place à la table du Comité.

2. M. MAVROMMATIS (Rapporteur pour Malte) donne lecture, en langue anglaise, du texte qui suit :


I. Introduction


II. Aspects positifs

i) la levée de l'exception géographique qui limitait l'octroi de l'asile aux réfugiés européens,

ii) la nomination d'un commissaire chargé de se prononcer sur les demandes d'asile,

iii) le droit de faire recours contre la décision du commissaire devant une commission d'appel indépendante,

iv) l'interdiction d'expulser des demandeurs d'asile avant que leur cas n'ait été définitivement tranché.


III. Recommandations

3. M. QUINTANO (Malte) remercie le Comité de l'intérêt qu'il a porté au rapport de son pays et réitère la volonté des autorités maltaises de poursuivre le fructueux dialogue avec le Comité.

4. La délégation maltaise se retire.


La séance est suspendue à 15 h 10; elle est reprise à 15 h 30.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Autriche (CAT/C/17/Add.21) (suite)

5. Sur l'invitation du Président, la délégation autrichienne reprend place à la table du Comité.

6. M. SZYMANSKI (Autriche) présente ses excuses au Comité pour le retard avec lequel le deuxième rapport périodique lui a été présenté. L'Autriche a connu, ces 10 dernières années, une période agitée, marquée par son accession à l'Union européenne, les problèmes migratoires causés par l'ouverture du rideau de fer et l'important travail législatif entrepris, en particulier la réorganisation totale des pouvoirs de la police. C'est intentionnellement que les autorités autrichiennes n'ont pas, pour l'établissement de ce rapport, suivi les directives établies par le Comité car elles souhaitaient présenter la situation d'ensemble dans le pays sans avoir à détailler les dispositions adoptées en fonction des différents articles de la Convention. M. Szymanski assure que le prochain rapport sera pleinement conforme à ces directives et contiendra des statistiques complètes, notamment en rapport avec les nouvelles lois adoptées.

7. M. MIKLAU (Autriche), répondant à une première préoccupation exprimée par un membre du Comité, confirme que le Code pénal autrichien donne pleinement effet aux dispositions de l'article 4 de la Convention. Tous les actes de torture et toutes les formes de mauvais traitements infligés intentionnellement constituent des infractions pénales et sont punis en vertu des articles 75 et suivants et 83 et suivants du Code pénal. Lorsque ces infractions sont commises par des agents de la force publique dans l'exercice de leurs fonctions, les peines prévues peuvent être majorées de 50 %. Plus précisément, l'article 312 du Code pénal prévoit des peines particulières pour les fonctionnaires publics ayant infligé des souffrances physiques ou mentales à des personnes, notamment à des détenus. La législation pénale englobe toutes les infractions visées aux articles premier et 4 de la Convention et, partant, la tentative de pratiquer la torture ou tout acte constituant une complicité ou une participation à l'acte de torture ainsi que toutes les souffrances infligées par une personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.

8. Pour ce qui est de l'article 5 de la Convention, M. Miklau ne sait pas jusqu'où il convient d'aller dans l'interprétation du paragraphe 2 dudit article. Les obligations faites à l'État partie en vertu des dispositions des paragraphes 1 et 2 sont parfaitement claires lorsqu'une demande formelle d'extradition a été formulée ou qu'un mandat d'arrêt a été délivré. Cependant, il reste à déterminer si le paragraphe 2 contient une obligation supplémentaire pour l'État partie, à savoir celle d'engager des poursuites en l'absence d'une demande officielle de la part de la victime présumée et en l'absence d'une demande officielle d'extradition vers un autre État. De l'avis de M. Miklau, la plupart des États parties nieraient qu'une telle obligation découle du paragraphe 2 de l'article 5 et il souhaiterait donc que le Comité précise le sens et l'effet à donner à cet article.

9. Les questions concernant le régime de la détention provisoire en Autriche ont été nombreuses. L'Autriche s'est dotée en 1993 de nouvelles dispositions dans ce domaine, qui ont entraîné une réduction considérable et permanente du nombre de personnes en détention provisoire. Toutes les décisions concernant la détention provisoire ont une validité limitée dans le temps et doivent être renouvelées dans des délais précis (deux semaines, un mois, deux mois). À chaque fois, le juge d'instruction doit rendre sa décision après avoir entendu le prévenu, l'avocat de la défense et le procureur. Un conseil, choisi par le prévenu ou désigné d'office, doit toujours être présent. La durée maximale de la détention provisoire est généralement fixée à six mois mais peut être étendue jusqu'à deux ans en fonction de la gravité des circonstances. Le juge peut ordonner des restrictions aux communications avec les détenus en prévention lorsqu'il existe un risque de collusion ou d'intimidation de témoin, mais il n'est pas habilité à ordonner la mise à l'isolement total. Le conseil a toujours accès à son client, même si la présence d'un juge à leurs entretiens est parfois ordonnée. Lorsqu'il existe un risque de collusion, les communications écrites et téléphoniques du détenu ainsi que les visites qu'il reçoit peuvent être soumises à un certain contrôle durant une période maximum de deux mois. Toutes les décisions de placement en détention provisoire peuvent faire l'objet d'un recours. Depuis le 1er janvier 1993, il est possible de faire réexaminer les jugements et autres décisions des juridictions pénales par la Cour suprême, en vertu de la loi sur les plaintes pour violation des droits fondamentaux, afin de vérifier s'il y a eu violation du droit fondamental à la liberté personnelle.

10. Concernant la façon dont sont traitées les plaintes faisant état de mauvais traitement de personnes placées en garde à vue de la part de fonctionnaires de police, M. Miklau explique que le Ministère de la justice avait émis en 1989 une instruction à l'intention des magistrats du parquet, leur demandant d'ouvrir sans délai une enquête impartiale dans tous les cas où existaient des motifs raisonnables de croire que des fonctionnaires de police s'étaient rendus coupables de mauvais traitements - que la victime ait ou non déposé une plainte - mais à la condition que les plaintes déposées ne soient pas manifestement dénuées de fondement. Cette dernière condition ayant été trop souvent invoquée par les magistrats du parquet, le Ministère de la justice a publié en septembre 1999 une version révisée de son instruction, dans laquelle ce critère était supprimé. L'objectif étant de renforcer le principe de l'enquête judiciaire, la police est engagée à porter immédiatement toute affaire de ce genre à la connaissance du ministère public. L'enquête sur les actes commis par un membre des forces de l'ordre n'est jamais menée par le corps de police auquel il appartient; c'est en règle générale un corps de police supérieur qui enquête.

11. En ce qui concerne la question des contre-accusations pour diffamation lancées par des fonctionnaires de police contre ceux qui ont porté plainte pour mauvais traitements, M. Miklau reconnaît que cette pratique a été assez largement répandue jusqu'à il y a dix ans; depuis, les procureurs ont reçu pour instruction de ne pas engager de poursuites à moins qu'il n'existe des éléments montrant que le plaignant a sciemment calomnié l'agent de police. Il existe en outre un système selon lequel tous les départements des poursuites sont tenus de fournir chaque année des statistiques sur les plaintes pour mauvais traitements et sur les plaintes pour diffamation et sur la suite qui leur a été donnée. On enregistre aujourd'hui, par an, 50 à 60 plaintes (soit 5 à 10 %) pour mauvais traitements qui font l'objet de plaintes pour diffamation; le nombre de condamnations n'est que de 2 à 10 au maximum par an.

12. À propos de l'article 15 de la Convention, M. Miklau rappelle que l'Autriche a fait une déclaration interprétative selon laquelle l'article 15 est "la base légale" pour rejeter les moyens de preuve obtenus par la torture, déclaration qui a été explicitée dans la directive du Ministre de la justice à l'intention du ministère public. Il existe également un projet de révision globale de la procédure pénale, en particulier de l'instruction. En 1989, le Ministre de la justice a publié un projet de modification contenant une disposition excluant expressément les déclarations obtenues par la torture, ce qui donne pleinement effet à l'article 15. Un projet de loi fondé sur ce texte sera déposé en 2000.

13. La question de l'indemnisation des victimes de tortures prévue à l'article 14 de la Convention est réglée à l'article 23 de la Constitution autrichienne, en vertu duquel l'État est tenu d'indemniser toute personne pour un préjudice causé par un agent de l'État qui s'est comporté de manière contraire à la loi dans l'exercice de ses fonctions. Ce principe fait l'objet d'une loi, qui prévoit deux types de règlement des différends : un accord entre les parties ou un jugement prononcé par une juridiction civile. Cette procédure bien établie s'applique dans les cas de mauvais traitements mais également pour tous types de litiges mettant en cause un agent de l'État.

14. M. SZYMANSKI (Autriche) répondra d'abord aux questions relatives à loi sur les forces de l'ordre et en particulier à la disposition selon laquelle les agents de police doivent protéger en priorité les personnes plutôt que les biens matériels dans les situations où les deux sont en danger. Bien que dans le rapport (par. 12 a)) il ne soit question que de l'intégrité physique, il va sans dire que les agents sont tenus de protéger également l'intégrité psychique des personnes. Comme l'a souligné le corapporteur, les lois prennent réellement leur valeur lorsqu'elles sont mises en pratique; à cet égard, la loi sur les forces de l'ordre entrée en vigueur il y a 6 ans s'est révélé être un instrument tout à fait approprié pour donner des directives aux policiers dans le domaine de la prévention de la torture.

15. Concernant les directives sur l'intervention des organes chargés de la sécurité publique, il convient de signaler que le Ministre de l'intérieur a publié en mai 1999 des directives sur les droits et devoirs des personnes en état d'arrestation. Celles-ci sont informées de leurs droits par une feuille de renseignements que leur donne à signer l'agent de police. Il leur est ainsi indiqué qu'elles ont la possibilité de contacter une personne de confiance ou un conseil, droit prévu à l'article 4 de la loi constitutionnelle sur la protection de la liberté des personnes. La durée maximale de la garde à vue est de 48 heures, sauf s'il s'agit d'une personne arrêtée en vue de l'expulsion, auquel cas la détention peut durer jusqu'à six mois. Il est toujours tenu un registre des détenus. Pour ce qui est de l'accès à la défense, la législation autrichienne distingue deux cas : celui où le conseil est une personne de confiance qui ne peut pas prendre des initiatives, mais s'assure simplement que le détenu n'a pas à se plaindre de mauvais traitements, et celui où l'avocat se charge de la défense du prévenu, cas qui doit faire l'objet d'un projet de loi.

16. Il a été demandé si des statistiques permettent de constater un progrès depuis l'introduction de la loi sur les forces de l'ordre. En vertu de cette loi, le Ministre de l'intérieur doit fournir des statistiques sur les interventions policières et, en collaboration avec le Ministre de la justice, le Gouvernement établit un rapport annuel qu'il présente au Parlement. Le nombre de plaintes n'a pas diminué mais reste constant, ce qui est un signe positif montrant que les citoyens osent user du droit de porter plainte. Concernant l'efficacité de la juridiction disciplinaire, il faut reconnaître qu'elle est certes indépendante mais inefficace, bien que les ministres de l'intérieur qui se sont succédé depuis dix ans aient pris des initiatives afin d'améliorer cette situation, lesquelles n'ont pas été acceptées par le Parlement. Il est à espérer que la nouvelle législature élue le 3 octobre 1999 se chargera de résoudre cette question.

17. Conformément à l'article 10 de la Convention ainsi qu'aux articles 3 et 5 de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, l'interdiction de recourir à la torture fait partie intégrante de la formation des agents de police à tous les niveaux.

18. La question de l'indemnisation n'est pas traitée dans le rapport parce qu'aucun changement n'est intervenu depuis la modification, il y a une vingtaine d'années, de la législation autrichienne de façon que les victimes de torture et de détention arbitraire soient indemnisées en application de la loi civile. Il est notamment prévu qu'au cas où un agent de police a torturé une personne en présence d'autres policiers et où il n'est pas possible de déterminer qui est le responsable, la victime est indemnisée même si l'auteur n'a pas été identifié.

19. Le Comité a eu connaissance par Amnesty International du cas de Marcus Omofuma, ressortissant nigérian expulsé en mai 1999 d'Autriche et décédé par asphyxie par la faute des trois policiers qui l'accompagnaient pendant le voyage en avion. Ceux-ci disent qu'ils l'avaient bâillonné avec du ruban adhésif pour l'empêcher de crier et de mordre. L'affaire a été portée à la connaissance du Ministère de l'intérieur le lendemain et les trois policiers ont été relevés de leurs fonctions la semaine suivante. L'instruction de l'affaire est en cours par l'autorité judiciaire qui décidera s'il convient d'engager des poursuites dans les deux mois à venir. Après cet événement, le Ministre de l'intérieur a pris plusieurs initiatives et a envoyé notamment des directives à ses agents sur la façon de procéder aux expulsions, interdisant expressément l'utilisation du ruban adhésif comme bâillon. Il a été créé un Comité pour la protection des droits de l'homme composé d'un président, de cinq membres du Gouvernement et de cinq membres nommés par des organisations non gouvernementales. À la demande du Ministre de l'intérieur, le Comité a élaboré 32 recommandations sur les expulsions par avion. Le Ministre de l'intérieur a déclaré publiquement qu'il appliquerait ces recommandations et que, dans les cas ponctuels où il ne pourrait pas les suivre, il en rendrait compte officiellement.

20. Pour ce qui est du traitement réservé aux personnes qui dénoncent des mauvais traitements, M. Szymanski dit que si le plaignant s'adresse à un tribunal administratif, ce dernier rend une décision sur la conformité de la plainte avec la loi qui n'a pas de conséquences pénales si le tribunal ne se réfère pas au Code pénal. Si le plaignant est en détention, conformément à la directive de mai 1999 sur les personnes en état d'arrestation, le directeur de l'établissement pénitentiaire soit lui donne raison, soit renvoie l'affaire à une instance supérieure. Le détenu peut également porter plainte devant les tribunaux qui demanderont que l'affaire soit instruite conformément au Code pénal.

21. Dans les directives sur l'intervention des organes chargés de la sécurité publique, il est indiqué, à propos de la manière dont les détenus sont interrogés, qu'ils peuvent en général s'asseoir. Dans ce contexte, les mots "en général" signifient dans tous les cas sauf si certains facteurs techniques exigent qu'ils soient debout.

22. Pour déterminer si une personne qui souhaite obtenir le statut de réfugié a été victime d'actes de torture dans son pays d'origine, les fonctionnaires qui prennent les décisions en matière d'asile se fondent en général sur l'avis de médecins spécialisés. La détention des demandeurs d'asile pose un véritable problème de conscience car une personne qui a fui la police de son pays ne devrait pas se retrouver en prison dans le pays où elle s'est réfugiée. La loi de 1997 sur l'asile a établi un principe simple, il n'y a pas de détention lorsqu'une personne qui est entrée illégalement en Autriche se présente spontanément aux autorités pour demander l'asile. En revanche, un émigré qui dépose une demande alors qu'il est déjà en détention ou qui a été arrêté par la police parce qu'il était en situation irrégulière fait immédiatement l'objet d'une mesure d'internement administratif. Un membre du Comité a posé la question de savoir ce qui se passe lorsqu'un réfugié arrive en Autriche sans papiers. En vertu de la nouvelle loi sur les migrations, lorsqu'un demandeur d'asile qui n'a aucun papier refuse de divulguer son identité ou de coopérer avec les autorités, sa demande est immédiatement déclarée sans fondement. Pour répondre à une autre question, il faut savoir que les Autrichiens et les étrangers ne sont pas obligés d'avoir sur eux leurs papiers d'identité, encore que les étrangers doivent les garder dans un lieu proche afin qu'il soit possible de s'y rendre rapidement en cas de vérification.

23. Le PRÉSIDENT rappelle que le Comité est parvenu dès sa première session à la conclusion que l'article 5 imposait aux États l'obligation d'assumer une compétence universelle illimitée en matière de torture. Il a adopté cette position pour deux raisons. La première est qu'une interprétation littérale des articles 5 et 7 de la Convention mène inévitablement à une telle conclusion. La deuxième est que l'objectif de la Convention est d'éliminer la pratique de la torture et de faire en sorte que les tortionnaires ne restent jamais impunis. L'interprétation donnée par la délégation autrichienne va à l'encontre de cet objectif. Il convient de rappeler à cet égard que dans l'affaire Pinochet, la section judiciaire de la Chambre des lords a interprété l'article 5 de la Convention de la même manière que le Comité.

24. M. SORENSEN fait observer que selon la délégation autrichienne, le Code pénal autrichien répond à toutes les préoccupations des auteurs de la Convention même si le mot "torture" n'y figure pas. D'après M. Szymanski, une personne qui a été torturée par un officier de police peut demander réparation. M. Sorensen se demande comment elle pourrait le faire si rien dans la législation autrichienne n'indique que la torture est un crime. En outre, il est difficile d'affirmer qu'il n'y a pas de torture en Autriche si cette pratique n'est même pas définie par les lois autrichiennes. M. Sorensen ne comprend pas pourquoi les autorités autrichiennes hésitent tant à définir la torture et à l'ériger en infraction pénale. Pourtant une telle mesure permettrait de résoudre de nombreux problèmes. Si elle avait été prise, un tortionnaire iraquien n'aurait jamais pu se rendre en Autriche en toute impunité. L'article 6 de la Convention est clair à ce propos : "S'il estime que les circonstances le justifient, après avoir examiné les renseignements dont il dispose, tout État partie sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction visée à l'article 4 assure la détention de cette personne...". D'autre part, en l'absence d'une disposition expresse dans la législation nationale, il ne faut guère s'attendre à ce que la police connaisse toutes les normes en vigueur, surtout que - et le débat en cours en est la preuve - même les juristes n'arrivent pas à trouver un terrain d'entente.

25. À la question de savoir ce qu'il en est de la protection de l'intégrité psychique des personnes, la délégation autrichienne a répondu qu'il va de soi que la police est également tenue d'y veiller. Mais comment peut-elle en être si sûre, si ce type de protection n'est prévu dans aucune loi ?

26. M. Sorensen est heureux d'apprendre que les demandeurs d'asile ont accès à des médecins spécialisés qui connaissent bien les problèmes de torture, mais il voulait surtout savoir si les personnes qui s'occupent des victimes de la torture reçoivent une formation qui leur permet de s'occuper comme il convient des torturés.

27. M. YAKOVLEV note que parmi les différents types d'actes de violence, la torture occupe une place à part parce que ceux qui s'y livrent sont des fonctionnaires qui ont derrière eux toute la puissance de l'État. Un des objectifs de la Convention est de faire en sorte que les pouvoirs publics assument la responsabilité pour un tel acte. C'est pourquoi il est important que la loi définisse la torture et la qualifie expressément de crime. Pour les États ce n'est pas une chose facile car ils craignent que mentionner expressément la torture dans leur législation revienne à reconnaître en quelque sorte qu'elle est pratiquée sur leur territoire. Or, il faut comprendre qu'en réalité il s'agit d'une mesure indispensable, qui a pour seul but de protéger l'intégrité des personnes.

28. Il y a lieu de se réjouir de l'information selon laquelle les agents de l'État accusés d'actes de torture ont moins tendance à accuser leur victime de diffamation. En la matière, il est important que le bénéfice du doute soit accordé à celui qui affirme avoir été torturé, car il y a une différence entre une personne qui fait l'objet d'une contre-accusation alors qu'elle est libre et un détenu qui est à la merci d'un agent de l'État dans un poste de police.

29. M. MIKLAU (Autriche) dit qu'il partage entièrement le point de vue de M. Yakovlev selon lequel il y a une grande différence entre la violence ordinaire et la torture. Le Code pénal autrichien tient compte de cette situation en ce sens qu'il prévoit des peines plus lourdes pour les actes de violence commis par des agents de l'État et que de tels actes y sont considérés comme une infraction spécifique, même si le mot torture n'est pas expressément employé. Si l'Autriche n'a pas retenu la définition de la torture contenue dans la Convention, c'est parce qu'elle la juge restrictive par rapport au concept figurant dans la législation autrichienne. Par exemple, à l'article premier de la Convention il est question de "souffrances aiguës" alors que le Code pénal autrichien couvre tous les degrés de souffrance sans distinction. Cela dit, M. Miklau sait très bien que l'objectif du Comité est d'assurer l'incorporation des normes internationales à la législation interne en vue de promouvoir la lutte contre la torture à l'échelle internationale et qu'il est utile dans cette optique que la notion de torture soit définie de la même manière dans tous les systèmes de droit.

30. Pour ce qui est de la question de la juridiction universelle en matière de torture, la délégation autrichienne est plutôt favorable à l'interprétation que donne le Comité de l'article 5. Elle tient cependant à faire observer que dans le cas du Vice-Ministre iraquien - qui a été accusé, pendant sa visite en Autriche, d'être impliqué, du fait de ses fonctions, dans la pratique de la torture en Iraq -, les autorités autrichiennes n'ont, contrairement à ce qui s'est produit dans l'affaire Pinochet, reçu aucune demande d'extradition et aucune plainte dûment étayée n'a été déposée par des victimes présumées.

31. Le PRÉSIDENT remercie la délégation autrichienne d'avoir répondu d'une manière aussi complète aux questions des membres du Comité.

32. La délégation autrichienne se retire.


La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 5.



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