Distr.

GENERALE

CCPR/C/SR.1718
30 décembre 1998


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1718ème séance : Austria. 30/12/98.
CCPR/C/SR.1718. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME


Soixante-quatrième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1718ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève, le vendredi 30 octobre 1998, à 10 heures


Présidente : Mme CHANET
puis : M. EL SHAFEI
puis : Mme CHANET


SOMMAIRE



EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

- Troisième rapport périodique de l'Autriche

La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique de l'Autriche (CCPR/C/83/Add.3; CCPR/C/64/Q/AUS/1; HRI/CORE/1/Add.8)

1. Sur l'invitation de la Présidente, M. Berchtold, M. Manquet, M. Szymanski et Mme Riederer (Autriche) prennent place à la table du Comité.

2. La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation autrichienne et l'invite à présenter le troisième rapport périodique de l'Autriche (CCPR/C/83/Add.3).

3. M. BERCHTOLD (Autriche) se félicite de la poursuite du dialogue avec le Comité, qui a été très utile et instructif jusque-là pour les autorités autrichiennes, et il ne doute pas qu'il continuera d'en être ainsi.

4. Le troisième rapport périodique a été établi en 1996, et plusieurs faits nouveaux sont intervenus depuis. En particulier, il convient de mentionner l'admission des femmes dans l'armée et l'adoption récente d'une nouvelle disposition constitutionnelle visant à garantir aux personnes handicapées l'égalité de traitement dans tous les domaines de la vie quotidienne.

5. La PRÉSIDENTE invite la délégation autrichienne à répondre aux questions de la Liste des points (CCPR/C/64/Q/AUS/1).

6. M. BERCHTOLD (Autriche) dit, à propos du point 1 a) et b), que le Parlement autrichien, lorsqu'il ratifie un instrument international, peut décider soit de l'incorporer au droit interne, soit de veiller à ce que les droits visés par l'instrument soient protégés par la législation nationale. C'est cette deuxième possibilité qui a été retenue concernant le Pacte. Le Parlement a considéré en particulier que la législation nationale assurait déjà une protection des droits de l'homme et que, par ailleurs, la Convention européenne des droits de l'homme ayant rang de loi constitutionnelle et étant directement applicable, il n'était pas souhaitable d'instituer un troisième degré de protection, qui aurait peut-être entraîné des conflits d'interprétation des textes. En outre, le Parlement a estimé que la non-incorporation du Pacte dans le droit interne n'affaiblissait pas la protection des droits qu'il énonce. Pour toutes ces raisons, le Pacte ne fait pas partie intégrante de la législation autrichienne, et ses dispositions ne peuvent pas être invoquées dans une procédure judiciaire ou administrative. En outre, le Gouvernement autrichien n'envisage pas de l'incorporer au droit interne.

7. En réponse à la question posée au point 1 c), M. Berchtold indique qu'en effet, avant d'être présentés au Parlement, les projets de loi sont soumis pour avis aux autorités compétentes des Länder et aux ministères intéressés, et en particulier à la Chancellerie fédérale, qui est chargée d'examiner la constitutionnalité des lois et de veiller au respect des obligations internationales de l'Autriche.

8. Pour ce qui est du point 1 d), M. Berchtold dit que, compte tenu de l'évolution de la situation et à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les autorités autrichiennes ont révisé leur position sur la nécessité d'un organe national en matière de droits de l'homme et décidé la création d'un comité national, qui devrait devenir ultérieurement une sorte de commission nationale des droits de l'homme. L'opportunité de mettre en place un tel organe et le mandat qui lui serait confié sont actuellement en discussion.

9. En ce qui concerne l'ombudsman, M. Berchtold fait observer que cette institution n'a de commun avec l'ombudsman des pays scandinaves que le nom. En Autriche, le terme utilisé pour désigner l'ombudsman signifie "la personne qui se préoccupe des intérêts d'autrui". La Constitution garantit le droit de toute personne de saisir l'ombudsman en cas de faute de l'administration, une fois tous les recours épuisés. L'ombudsman n'est pas compétent pour les questions relevant d'une procédure judiciaire. Cela étant, il peut se prononcer sur les aspects touchant à l'administration de la justice. M. Berchtold cite un cas dans lequel l'ombudsman avait déclaré excessif le délai dans lequel un tribunal avait produit par écrit son jugement. En outre, il a un rôle d'information en matière de législation, notamment civile. À cette exception près, il n'est habilité à examiner que les affaires administratives. Dans ce cadre, il offre des services d'information, de consultation, voire de médiation. Il enquête sur les cas qui lui sont soumis, mais peut aussi agir ex officio. Ses investigations peuvent aboutir à une procédure de conciliation, mais aussi à une déclaration dans laquelle il constate une faute de l'administration. M. Berchtold mentionne notamment deux cas dans lesquels l'ombudsman a établi une déclaration de ce type. Le premier cas concernait la décision d'une instance d'appel rendue au bout de 10 mois et fondée uniquement sur le dossier de première instance; l'autre cas portait sur une décision d'un tribunal administratif autonome fonctionnant comme une juridiction d'appel dans une affaire pénale, que l'ombudsman a contestée devant la Cour administrative, laquelle lui a donné raison.

10. L'ombudsman formule également des recommandations, quoique plus rarement (en 1997, il en a adressé cinq à l'Administration fédérale et cinq aux autorités des Länder). Si les autorités renoncent à donner effet à une recommandation, elles sont tenues de motiver par écrit leur décision. En 1997, l'ombudsman a été saisi de plus de 10 000 plaintes, et il examine au total chaque année entre 3 500 et 4 000 décisions de l'Administration fédérale ou des Länder, pour lesquels il est aussi compétent, à l'exception du Tyrol et de Vorarlberg.

11. En ce qui concerne la question des réserves au Pacte, M. Berchtold indique que la réserve au sujet du paragraphe 4 de l'article 12 pourrait être supprimée, le règlement de la question des biens de la Maison de Habsbourg-Lorraine la rendant sans objet. La réserve portant sur les articles 9 et 14 du Pacte était motivée par l'incompatibilité des dispositions de procédure administrative alors en vigueur en Autriche avec les dispositions du Pacte. Depuis, il a été créé des tribunaux administratifs autonomes, dont l'avenir dira si le fonctionnement est pleinement compatible avec les articles 9 et 14 du Pacte. Si tel est le cas, cette réserve pourrait être supprimée. Quant à la réserve concernant les articles 19, 21 et 22, son maintien dépendra de l'issue du débat qui se déroule actuellement au sein des structures européennes sur l'opportunité d'abroger l'article 16 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans le cas où il serait abrogé, les autorités autrichiennes envisagent de supprimer leur réserve au Pacte. Enfin, en ce qui concerne la réserve portant sur l'article 26 du Pacte, les autorités autrichiennes interprètent cet article comme n'excluant pas la distinction de traitement entre nationaux et étrangers permise en vertu du paragraphe 2 de l'article premier de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. M. Berchtold est toutefois conscient que cette interprétation pourrait différer de celle du Comité.

12. M. MANQUET (Autriche), revenant sur les réserves au Pacte, dit que deux d'entre elles appellent des précisions. La première, qui porte sur le paragraphe 3 de l'article 10 du Pacte, signifie que des adultes âgés de moins de 25 ans et nécessitant le même traitement que des mineurs peuvent, exceptionnellement, être détenus dans les mêmes locaux que ceux-ci, sans que cela ne soit contraire au Pacte. La seconde porte sur l'article 14, notamment l'alinéa d) du paragraphe 3. En effet, la législation autrichienne prévoit qu'une personne qui perturbe le déroulement d'un procès ou dont la présence est susceptible d'entraver l'interrogatoire d'un témoin peut être exclue de la salle d'audience. De même, le tribunal peut ordonner à un mineur de quitter la salle d'audience pour éviter qu'il n'entende des informations qui auraient une incidence négative sur lui. En fait, à y regarder de plus près, on se rend compte que la législation autrichienne est très proche des dispositions du Pacte et qu'il serait sans doute possible d'envisager la levée de ces réserves sans pour autant qu'il soit nécessaire de modifier la législation.

13. Répondant aux questions relatives à la détention, au traitement des prisonniers et au système judiciaire, M. Manquet dit que les enquêtes sur les allégations de sévices formulées par des détenus sont régies par un décret ministériel de 1989, qui définit une procédure conforme aux dispositions de la Convention contre la torture. Pour l'essentiel, ce décret dispose que l'enquête doit être dirigée par le magistrat instructeur et non pas par le service de police chargé du dossier. Toutefois, M. Manquet reconnaît que les résultats de ces enquêtes sont médiocres. En effet, en 1997, sur 900 allégations de sévices formulées par des détenus, les poursuites ont été abandonnées dans 860 cas; dans 700 de ces cas, il n'y a pas eu d'enquête par un magistrat. Dans 18 cas, les agents de police concernés ont été inculpés; 17 ont été acquittés et 2 seulement ont été condamnés. En tout état de cause, lorsque les allégations sont prouvées, les victimes sont indemnisées et les auteurs sont punis.

14. S'agissant des aveux obtenus au moyen de mauvais traitements, M. Manquet fait observer que cette question renvoie aux articles 7, 10 et 14 du Pacte mais, surtout, à l'article 15 de la Convention contre la torture. Lorsque l'Autriche a ratifié cette convention, en 1987, son Code de procédure pénale ne contenait aucune disposition relative à l'inadmissibilité en tant qu'élément de preuve des aveux obtenus par la torture. Aussi a-t-elle fait une déclaration selon laquelle, sur la base dudit article 15, les aveux obtenus par la torture ne peuvent pas être invoqués comme un élément de preuve en droit autrichien, même si le Code de procédure pénale ne contient aucune disposition dans ce sens. Le Ministère de la justice a communiqué cette déclaration à tous les procureurs de la République, leur demandant de l'appliquer. Par la suite, le Code a été modifié et, dorénavant, les dispositions de l'article 15 peuvent être invoquées pour un recours en annulation. Toutefois, il ne s'agit là que d'une solution provisoire et on envisage d'inscrire dans le Code une disposition explicite sur la question.

15. M. SZYMANSKI (Autriche), répondant à la question relative à la présence d'un conseil lors d'une enquête pénale ou de l'interrogatoire d'un suspect, dit que la situation est différente selon que par "conseil" on entend un avocat ou une personne de confiance du suspect. La présence d'un avocat ou d'une personne de confiance du suspect est autorisée aussi bien durant les enquêtes administratives que durant les enquêtes pénales judiciaires, mais dans ce deuxième cas uniquement devant les autorités judiciaires, pas devant les autorités policières. Une réforme de la procédure pénale est prévue qui devrait permettre de résoudre ce problème. En ce qui concerne les enregistreurs, il n'existe pas de disposition légale demandant l'enregistrement des dépositions dans le cadre d'une enquête pénale. Par conséquent, des enregistreurs ne sont pas installés, même si des essais sont en cours à Innsbruck et à Linz, la personne interrogée ayant la possibilité de faire un résumé de sa déposition devant un enregistreur vidéo.

16. M. El Shaffei prend la présidence.

17. M. MANQUET (Autriche), répondant à la question 3 d) relative à la procédure de dépôt des plaintes devant la Cour suprême en vertu de la loi fédérale de 1992, donne des statistiques d'où il ressort qu'en 1993, date d'entrée en vigueur de cette loi, sur 9 943 cas de détention, il y a eu 126 plaintes, dont 16 ont abouti; en 1997, sur 9 168 cas de détention, il y a eu 56 plaintes, dont 5 ont abouti. Si les infractions passibles d'une peine infligée par les autorités judiciaires sont exclues de cette procédure, c'est simplement parce que cette loi fédérale est seulement destinée à renforcer la protection de la liberté individuelle. Cela signifie que la procédure qui en découle s'ajoute aux recours qui sont déjà prévus dans le Code de procédure pénale et qui sont évoqués au paragraphe 116 du rapport, à savoir le recours en annulation et l'appel.

18. M. BERCHTOLD (Autriche), répondant à la question 3 e) relative aux fonctions et au rôle des tribunaux administratifs autonomes, dit que ces instances, créées en janvier 1991 dans chacun des neuf Länder du pays, sont compétentes pour statuer sur les infractions administratives (excepté les infractions fiscales fédérales qui sont traitées par des autorités indépendantes spéciales), décider d'exercer directement des mesures d'autorité et de contrainte administratives par voie d'arrestation ou de saisie, statuer sur d'autres questions dont ils sont saisis en vertu des lois fédérales ou de la législation des Länder et, enfin, se prononcer sur des questions relevant de leur domaine de compétence si la cour administrative ne l'a pas fait.

19. En règle générale, les tribunaux administratifs autonomes prennent leurs décisions en siégeant en chambre composée de trois membres. Si la composition de cette chambre vient à changer dans le courant de l'examen d'une affaire, par exemple suite à un décès, la procédure doit être reprise depuis le début. La procédure est orale et publique, mais les parties peuvent renoncer à leur droit à une procédure publique. Le jugement doit être prononcé immédiatement àl'issue du procès et n'est basé que sur les preuves et les pièces qui ont été présentées durant la procédure orale.

20. Ces tribunaux sont totalement indépendants et leurs membres ont le même statut que les juges, la seule différence étant qu'ils sont nommés pour une durée déterminée (au moins six ans) tandis que le mandat des juges a une durée illimitée. Ils peuvent être considérés comme une "autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires", au sens du paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte. Toutefois, on peut se poser la question de savoir s'ils peuvent être considérés comme des cours de justice au sens du paragraphe 1 de l'article 14. La durée de leur mandat peut poser un problème, mais selon la jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de l'homme la durée du mandat n'a pas d'incidence sur la qualification du tribunal. Il reste à savoir si une telle interprétation sera acceptée par la Cour européenne des droits de l'homme ou par le Comité, notamment lors de l'examen de communications.

21. Répondant à la question relative à l'interdiction de la discrimination et aux droits des minorités, M. Berchtold dit que c'est par erreur que les informations relatives aux groupes ethniques ont été omises du rapport et qu'il a apporté un exemplaire du rapport sur les groupes ethniques. Il précise cependant que ce rapport, qui n'est qu'une description de la situation actuelle des groupes ethniques en Autriche, ne contient pas les mesures prises par le Gouvernement dans ce domaine. En ce qui concerne la discrimination, si le troisième rapport périodique ne contient pas d'informations détaillées, c'est tout simplement parce qu'il n'y a aucun fait nouveau à signaler. En tout état de cause, le principe général de l'égalité devant la loi est inscrit dans la Constitution de l'Autriche et, par conséquent, la discrimination est inadmissible.

22. M. SZYMANSKI (Autriche), répondant aux questions posées au point 4, appelle l'attention du Comité sur une série de lois portant sur l'intégration des étrangers votées en 1997, et notamment sur deux lois régissant respectivement l'asile politique et, entre autres, l'expulsion des étrangers, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 1998. En vertu de la loi sur l'asile politique un nouveau tribunal administratif autonome habilité à se prononcer sur les recours contre les décisions prises par l'administration en la matière a été créé. Il a les mêmes caractéristiques que les autres tribunaux administratifs autonomes, la seule différence étant qu'il relève non pas des Länder mais des autorités fédérales et que le mandat de ses membres n'est pas limité à six ans.

23. Il y a lieu, par ailleurs, de distinguer entre deux types d'arrêté d'expulsion. Le premier a pour effet de contraindre un étranger à quitter le pays sans lui interdire d'y revenir; le deuxième assortit l'obligation de quitter le pays d'une interdiction d'y retourner. Dans les deux cas l'arrêté d'expulsion peut faire l'objet d'un recours devant la Cour administrative ou la Cour constitutionnelle. C'est seulement lorsque tous les moyens de recours ont été épuisés que l'arrêté peut être mis à exécution. Ce principe ne s'applique cependant pas à un arrêté d'expulsion prononcé pour protéger l'ordre public ou la sécurité nationale, lequel peut être immédiatement mis à exécution, en application du paragraphe 2 de l'article premier du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. Cela dit, même une mesure d'expulsion prise dans ces circonstances et exécutée peut être contestée devant la Cour constitutionnelle, en cas de violation présumée de droits garantis par la Constitution, et devant la Cour administrative, si d'autres droits sont en jeu. En général, les recours introduits ont un effet suspensif, encore que la suspension doive être demandée par l'intéressé. Il n'est cependant fait droit à une telle demande que si l'auteur avait le droit de séjourner en Autriche. Malheureusement, la délégation autrichienne ne dispose pas de statistiques sur les recours devant la Cour constitutionnelle. Elle peut seulement fournir quelques chiffres concernant les arrêtés de la Cour administrative en matière d'asile et de droit de séjour. Sur les 1 000 affaires examinées en 1996, le demandeur a eu gain de cause dans 11 % des cas.

24. Mme Chanet reprend la présidence.

25. Lord COLVILLE dit qu'il n'est pas facile d'assimiler les nombreuses données statistiques fournies oralement par la délégation autrichienne. Si les chiffres ainsi présentés avaient été incorporés au rapport de l'État partie cela aurait grandement facilité la tâche du Comité. Pourtant, dans les observations finales publiées à l'issue de l'examen du précédent rapport de l'Autriche (CCPR/C/51/Add.2) en 1991, il avait été demandé instamment à la délégation autrichienne de faire en sorte que les futurs rapports contiennent davantage de statistiques. Lors de l'examen dudit rapport, un membre de cette délégation avait d'ailleurs signalé que le Ministère de la justice avait demandé dans un décret daté de mai 1991 la compilation de statistiques sur les allégations de mauvais traitements infligés à des détenus. Ces renseignements ont certainement été recueillis depuis lors et il y a donc lieu de se demander pourquoi ils n'ont pas été inclus dans le rapport.

26. Pour ce qui est de la manière dont les aveux sont obtenus, Lord Colville souhaiterait savoir à qui incombe la charge de la preuve. L'accusation est-elle tenue d'établir qu'il n'y a pas eu recours à la contrainte ?

27. L'autre question qui se pose est celle de savoir pourquoi l'Autriche met tant de temps à rendre obligatoire l'enregistrement des interrogatoires effectués par la police, d'autant plus que cette technique, qui a déjà fait ses preuves dans de nombreux pays, permet d'éviter toute controverse quant aux moyens utilisés au cours de l'interrogatoire. Il est donc à espérer que cette méthode, qui est actuellement expérimentée à Innsbruck, sera bientôt généralisée. Il est aussi souhaitable par ailleurs, qu'un suspect puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat au cours de l'interrogatoire.

28. M. KLEIN, note à propos de la place du Pacte dans la législation autrichienne que les problèmes évoqués, lors de l'examen du précédent rapport de l'Autriche, subsistent encore. Certes l'État partie n'est pas tenu d'incorporer le Pacte à sa législation - pas plus qu'il ne l'était dans le cas de la Convention européenne des droits de l'homme - mais, en le faisant, il donnerait aux particuliers la possibilité d'invoquer le Pacte devant les autorités administratives et les tribunaux nationaux, ce qui permettrait d'assurer le respect de ses dispositions.

29. Deux des motifs pour lesquels l'Autriche n'a pas jugé nécessaire d'incorporer le Pacte à sa législation méritent d'être examinés. Le premier est que les droits de l'homme sont déjà garantis. M. Klein en convient mais pense que les modifications qui pourraient être apportées à l'avenir au droit national ou au droit international, ainsi que l'éventualité d'une nouvelle interprétation des droits de l'homme font que la législation interne et le Pacte pourraient diverger. L'incorporation de ce dernier au droit interne permettrait d'éviter une telle dérive. D'autre part, le fait que l'Autriche a déjà élevé la Constitution européenne des droits de l'homme au rang de loi constitutionnelle ne l'empêche nullement d'incorporer le Pacte à sa législation. Il n'y a aucune contradiction entre les deux instruments, qui constituent deux moyens complémentaires d'assurer une meilleure protection des droits de l'homme. À propos du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, M. Klein voudrait savoir quelle serait exactement la démarche des autorités autrichiennes si le Comité arrivait à la conclusion qu'une disposition du Pacte a été violée.

30. Notant qu'il est dit dans le dernier paragraphe du document de base de l'Autriche (HRI/CORE/1/Add.8) que les rapports présentés en application d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme "ne font pas l'objet d'un débat public", M. Klein demande si cela signifie que les rapports de l'Autriche ne sont pas diffusés.

31. Il reconnaît que les tribunaux administratifs autonomes remplissent une fonction extrêmement importante et que leur présence pourrait même amener l'Autriche à retirer les réserves qu'elle a formulées au sujet du Pacte. Selon la délégation autrichienne, l'indépendance de ces organes est garantie par la Constitution fédérale. Dans ces conditions, M. Klein ne voit pas pourquoi les autorités autrichiennes n'ont pas mis en place de véritables tribunaux. Cela dit, il aimerait savoir si les personnes qui siègent dans les tribunaux administratifs autonomes sont des profanes ou des juristes; pourquoi elles ne sont nommées que pour six ans et si leur mandat est renouvelable.

32. À propos de l'article 6 du Pacte, M. Klein demande s'il est possible en vertu des lois autrichiennes de tirer avec l'intention de tuer sur une personne dans certaines situations, par exemple lorsqu'il s'agit de sauver un otage.

33. En ce qui concerne l'article 8, il est dit au paragraphe 53 du rapport que "les détenus qui se sont acquittés de leur tâche de façon satisfaisante reçoivent une rémunération". À combien s'élève cette rémunération ? Eu égard au paragraphe 3 de l'article 10 du Pacte qui stipule que le but essentiel du traitement des condamnés est leur amendement et leur reclassement social, il serait intéressant de savoir dans quelle mesure la rémunération des détenus contribue à la réalisation de cet objectif.

34. Pour ce qui est de l'article 9, au paragraphe 60 du rapport il est question du droit d'une personne détenue de recevoir la visite de représentants diplomatiques et consulaires. Existe-t-il une obligation d'informer les détenus de ce droit ?

35. M. Klein voudrait enfin poser une question concernant l'article 25 du pacte qui ne figure pas dans la liste des points à traiter. Au paragraphe 237 du rapport il est signalé que tout individu ayant été condamné par un tribunal autrichien à une peine d'emprisonnement ferme d'une ou plusieurs années est déchu du droit de vote pendant une période de six mois. M. Klein s'étonne que cette période de déchéance commence à partir du moment où la peine a été purgée, c'est-à-dire une fois que la personne a été libérée. Au vu du paragraphe 14 de l'Observation générale du Comité sur l'article 25 du Pacte, une telle mesure lui semble incompatible avec les dispositions dudit article. M. Klein demande donc à la délégation autrichienne de bien vouloir apporter des précisions sur cette question.

36. M. BUERGENTHAL dit que l'institution des tribunaux administratifs autonomes le laisse quelque peu perplexe. Il se demande s'il n'aurait pas été plus facile de créer non pas des structures administratives mais des tribunaux proprement dits. D'autre part, selon le paragraphe 83 du rapport, il est contraire à l'ordre juridique d'interdire à un ressortissant autrichien de rentrer dans son propre pays. Cela ne paraît pas tout à fait compatible avec l'article 12 4) du Pacte qui traite du droit de "toute personne" et non pas des "ressortissants" de quitter un pays y compris le sien et d'y retourner. M. Buergenthal aimerait donc savoir si les résidents de longue date en Autriche ou les apatrides jouiraient également de ce droit.

37. Il est naturellement regrettable que l'Autriche n'ait pas jugé bon de donner aux dispositions du Pacte un caractère exécutoire dans sa législation interne. En effet, de la sorte, les juges autrichiens sont privés de la possibilité d'interpréter cet instrument auquel l'Autriche a adhéré et de contribuer ainsi à l'évolution du droit international des droits de l'homme. En outre, cette situation influe sur l'attitude générale de la société et en particulier du pouvoir judiciaire et du gouvernement à l'égard du Pacte et des décisions prises par le Comité. M. Buergenthal souhaiterait connaître les vues de la délégation autrichienne sur ce point. Enfin il souscrit tout à fait aux observations formulées par M. Klein au sujet de la présence des avocats lors de l'interrogatoire d'un suspect.

38. M. YALDEN s'associe tout d'abord aux observations formulées par Lord Colville concernant l'absence de statistiques dans le rapport.

39. À propos de la commission nationale des droits de l'homme qu'il est envisagé de créer, il aimerait savoir quelle serait sa position par rapport à l'ombudsman, si elle aurait pour mandat d'examiner des plaintes pour violation des droits de l'homme et, dans l'affirmative, quels seraient alors ses rapports avec d'autres instances chargées des mêmes tâches. En ce qui concerne l'ombudsman, étant donné qu'il est dit dans le document de base de l'Autriche (HRI/CORE/1/Add.8) qu'il peut traiter des atteintes aux droits fondamentaux et libertés du citoyen, M. Yalden souhaiterait savoir quel est le pourcentage des plaintes de ce type parmi les affaires dont l'ombudsman a été saisi. Les cas de discrimination pour des motifs interdits par la Constitution et la loi relèvent-ils également de sa compétence ou non ?

40. Passant au point 7 de la liste, M. Yalden note que la Constitution fait état de l'égalité devant la loi de tous les "nationaux" alors qu'il est question dans le Pacte de "personnes". Il aimerait donc savoir quelles sont les raisons qui justifient le caractère plus limité de ces garanties en Autriche. Il souhaiterait également que la délégation autrichienne explique comment est appliquée la loi interdisant la discrimination raciale mentionnée au paragraphe 244 du rapport et fournisse des informations sur les mesures qui ont été prises à la suite des actes de violence dirigés contre des Roms et des Turcs et sur les activités des conseils consultatifs des groupes ethniques en particulier en ce qui concerne les croates et les slovènes, mentionnés dans le deuxième rapport périodique.

41. Le rapport contient de nombreux renseignements dans les paragraphes 12 à 30 sur les lois, réglementations et mesures adoptées pour promouvoir les droits des femmes et améliorer leurs perspectives d'emploi mais ne donne pas de statistiques concernant la proportion de femmes parmi les cadres supérieurs dans les secteurs public et privé ou l'efficacité des mesures en question. M. Yalden aimerait également savoir si la Commission pour l'égalité de traitement créée en vertu de la loi du même nom de 1993 est un organe indépendant et si les avis d'experts qu'elle fournit sont considérés comme des recommandations ayant force exécutoire ou de simples avis que le Gouvernement n'est pas tenu de suivre. Il aimerait enfin avoir davantage d'informations sur l'application dans la pratique des lois et mesures adoptées en faveur des femmes, étant donné que le rapport n'est pas très explicite sur ce point. Pour terminer, M. Yalden demande quelle est la position du Gouvernement autrichien vis-à-vis de la discrimination fondée sur des motifs d'orientation sexuelle et la situation effective des homosexuels sur ce plan.

42. M. SCHEININ dit tout d'abord qu'il aimerait connaître les raisons pour lesquelles le rapport de l'Autriche a été présenté avec retard.

43. En ce qui concerne la question de l'expulsion des étrangers, il ressort des paragraphes 89 et 90 du rapport qu'il est possible pour certains motifs d'expulser un étranger vers un pays où sa vie ou sa liberté seraient en danger. M. Scheinin se demande s'il n'y a pas là incompatibilité avec l'article 7 du Pacte qui interdit de façon absolue toute expulsion en pareil cas et il aimerait avoir des éclaircissements sur ce point de la part de la délégation autrichienne. Il aimerait en outre savoir si des décisions définitives du Comité ou des organes européens seraient respectées sans réserve dans tous les cas, étant donné qu'il n'est fait mention au paragraphe 90 que des décisions temporaires prises par la Commission ou la Cour européenne des droits de l'homme. La délégation autrichienne a cité plusieurs exemples d'affaires de ce type mais a omis celle qui concernait un réfugié somalien qui s'était vu retirer le statut de réfugié à la suite d'une condamnation pour un délit mineur et était menacé d'expulsion. Bien que la Cour européenne des droits de l'homme ait estimé que cette mesure était contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et que l'intéressé avait droit à une mesure de réparation, la situation du réfugié en question n'a pas été régularisée, l'arrêté d'expulsion le concernant n'a pas été annulé et il a été traité comme une non-personne sans aucun droit en vertu de la loi autrichienne, pouvant être expulsée à tout moment. Compte tenu de l'issue tragique de cette affaire puisque ce réfugié s'est suicidé, M. Scheinin aimerait savoir si le Gouvernement autrichien en a tiré des enseignements et a pris des mesures pour assurer à toutes les personnes se trouvant de facto sur le territoire autrichien une égale protection devant la loi, conformément aux articles 7 et 16 du Pacte.

44. La nouvelle loi sur le droit d'asile, en vigueur depuis janvier 1998, comporte certes des aspects positifs mais aussi des éléments négatifs, notamment des dispositions accordant de larges pouvoirs discrétionnaires à la police des frontières, habilitée à refouler immédiatement les demandeurs d'asile et à les expulser vers des pays tiers sûrs, soit tous les pays voisins de l'Autriche. L'Autriche a présenté à l'Union européenne un document sur la politique de migration et d'asile fondé sur deux idées, à savoir que toutes les personnes entrées illégalement sur le territoire du pays concerné doivent être immédiatement expulsées avant même que soient envisagés des recours juridiques, et que le contrôle des entrées aux frontières commence dans les pays d'origine, ce qui, de l'avis de M. Scheinin, soulève des questions au titre des articles 7 et 12 du Pacte. En effet, l'expulsion immédiate ne permet pas de s'assurer que la personne ne risque pas d'être soumise à la torture ou à des mauvais traitements et le contrôle dans le pays d'origine risque sinon de violer ou du moins de restreindre le droit énoncé au paragraphe 2 de l'article 12. Les personnes concernées, qui ont des raisons légitimes de quitter leur propre pays pour demander asile dans d'autres pays, se retrouveraient alors sans aucune protection. Il serait donc utile que la délégation autrichienne fournisse davantage d'explications sur cette politique tant du point de vue de son application en Autriche que de son introduction dans le contexte de l'Union européenne, dont l'Autriche assure actuellement la présidence. Elle pourrait également indiquer de manière générale comment sont partagées les responsabilités en matière d'application du Pacte entre l'Union européenne d'une part, et les pays membres de l'Union européenne d'autre part. M. Scheinin aimerait savoir aussi si l'enquête annuelle sur les droits de l'homme prévue dans le cadre du programme relatif aux droits de l'homme de l'Union européenne pour l'an 2000 pourrait permettre à des organes comme le Comité de suivre la mise en oeuvre des droits de l'homme dans les États membres de l'Union européenne et si ces derniers pourraient en faire état dans leurs rapports aux organes qui s'occupent des droits de l'homme.

45. M. WIERUSZEWSKI partage les préoccupations exprimées par d'autres membres du Comité au sujet de la façon dont l'Autriche s'acquitte des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte, notamment en ce qui concerne les rapports périodiques qu'elle présente toujours avec retard. Ces retards ne peuvent être justifiés par un manque de ressources; il s'agit plutôt d'une question d'attitude et il conviendrait que le Gouvernement autrichien s'en préoccupe car c'est un exemple peu encourageant pour les autres pays. M. Wieruszewski s'associe également aux observations formulées par M. Scheinin au sujet de la politique à l'égard des demandeurs d'asile.

46. En ce qui concerne le traitement des étrangers, il semblerait, malgré ce qui est dit dans le rapport, que les personnes privées de liberté ne soient pas toujours traitées dans le respect de la dignité humaine et informées de leurs droits dans une langue qu'elles comprennent, ce qui est contraire aux dispositions des articles 9 et 10 du Pacte. En outre, certaines sources d'information font état de mauvais traitements infligés par des policiers et M. Wieruszewski aimerait avoir de plus amples renseignements sur les autorités de contrôle appropriées en place dans les postes de police, dont il est question au paragraphe 76 du rapport. Il aimerait savoir par ailleurs si la population en général et les étrangers en particulier sont informés de l'existence de ces autorités de contrôle, et si les plaintes visant des fonctionnaires de police dont elles ont été saisies sont le signe de l'existence d'un réel problème dans ce domaine ou s'il s'agissait seulement de cas isolés.

47. Mme EVATT se réjouit des progrès réalisés par l'Autriche dans l'application du Pacte depuis la présentation de son dernier rapport, notamment de la ratification en 1993 du deuxième Protocole facultatif et de l'adoption de nouvelles lois sur l'égalité dans la fonction publique et contre la discrimination à l'égard des personnes handicapées.

48. À propos de l'article 14 du Pacte, elle s'interroge sur la compatibilité avec les dispositions de son paragraphe 5 d'un système d'appel selon lequel, d'après ce qui est dit au paragraphe 118, celui-ci porterait uniquement sur le verdict prononcé. Elle aimerait savoir d'autre part s'il est exact que des détenus travaillent dans les établissements pénitentiaires à leur insu pour des employeurs privés. Concernant le traitement des handicapés elle aimerait avoir davantage d'informations sur les règles appliquées, notamment en matière de stérilisation des femmes handicapées mentales et le contrôle exercé par les tribunaux dans ce domaine ainsi que sur l'efficacité des mesures prises pour protéger les femmes contre la violence.

49. Mme Evatt constate que le rapport ne contient pas d'informations sur la situation des minorités en Autriche; le document distribué le jour même par la délégation autrichiene ne concerne que six groupes clairement identifiés de minorités nationales, ce qui est restrictif par rapport à l'article 27.

50. Au sujet de l'article 26, Mme Evatt souhaiterait connaître la portée des réserves formulées au sujet de ses dispositions par l'Autriche par rapport à l'article 2, paragraphe 1, du Pacte qui n'a fait l'objet d'aucune réserve, et en vertu duquel les États parties doivent respecter tous les droits reconnus dans le Pacte sans distinction aucune. Elle note en outre que, selon le paragraphe 245 du rapport, seuls les citoyens autrichiens jouissent du droit à l'égalité et des garanties de non-discrimination et se demande donc si les personnes qui n'ont pas la citoyenneté autrichienne, notamment les Roms, mais qui vivent et travaillent en Autriche sont protégées par les lois contre la discrimination. Par ailleurs, l'existence de quotas en matière de réunification des familles et l'imposition de restrictions au droit à la résidence permanente pour les personnes d'origine étrangère dont le conjoint est décédé constituent des atteintes aux droits garantis aux articles 17 et 23 du Pacte. Mme Evatt souhaiterait par conséquent que la délégation autrichienne apporte des éclaircissements sur tous ces points.


La séance est levée à 13 heures.

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