Distr.

GENERALE

CAT/C/SR.404
24 novembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la premieère partie de la 404ème séance : Azerbaijan, Peru. 24/11/99.
CAT/C/SR.404. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE


Vingt-troisième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)* DE LA 404ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 16 novembre 1999, à 15 heures

Président : M. BURNS


SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.404/Add.1.




La séance est ouverte à 15 heures
.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le troisième rapport périodique du Pérou (CAT/C/39/Add.1; CAT/C/XXIII/Concl.4)

1. La délégation péruvienne reprend place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour le Pérou) donne lecture, en langue anglaise, du texte qui suit :


I. Introduction


II. Aspects positifs

a) La qualification dans le Code pénal du crime de torture, généralement conforme à la définition qui en est donnée à l'article premier de la Convention;

b) La politique consistant à donner aux tribunaux civils compétence pour connaître du délit de trahison aggravée;

c) Le programme général d'éducation mis en oeuvre à l'intention de tous les secteurs des forces civiles et des forces armées en vue de sensibiliser leurs membres aux obligations en matière de droits de l'homme, en particulier à l'interdiction de la pratique de la torture;

d) La levée progressive de l'état d'urgence dans la plupart des régions du pays et l'intention déclarée de lever totalement l'état d'urgence en 2000;

e) La mise en place du bureau du Défenseur du peuple;

f) La création du Registre national des détenus en prévention et des détenus condamnés (loi No 26295), qui est accessible à tous;

g) La création de la Commission nationale spéciale des grâces;

h) La diminution des plaintes pour mauvais traitements déposées par des personnes en détention au cours des dernières années.


III. Sujets de préoccupation

4. Le Comité se déclare préoccupé par les éléments suivants :

a) Le nombre toujours élevé d'allégations de torture;

b) L'absence d'"indépendance" des membres du pouvoir judiciaire qui ne sont pas inamovibles;

c) La période de mise au secret de 15 jours pendant la détention avant jugement pour les individus soupçonnés de terrorisme;

d) Le jugement de civils par des tribunaux militaires;

e) La peine d'isolement d'au moins un an à partir de la date du procès, appliquée automatiquement dans le cas de toute personne condamnée pour infraction à la loi contre le terrorisme;

f) L'absence apparente d'enquêtes et de poursuites effectives pour les personnes accusées d'avoir commis des actes de torture;

h) Le maintien en vigueur dans certaines régions du pays de la législation d'urgence qui entraîne la suspension de la protection ordinaire des droits fondamentaux.

i) Le régime pénitentiaire spécial applicable aux terroristes condamnés et en particulier aux dirigeants terroristes condamnés;

j) L'incapacité des services du procureur de tenir un registre précis des personnes qui portent plainte pour torture.


IV. Recommandations

L'État partie devrait envisager, par application des articles 6, 11, 12, 13 et 14 de la Convention, de prendre des mesures propres à assurer aux victimes de la torture ou d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu'à leurs ayants cause, indemnisation, réparation et réadaptation, en toutes circonstances."

6. En outre, le Comité recommande ce qui suit :

b) La période de détention au secret avant jugement devrait être supprimée;

c) La période automatique d'isolement pour les personnes condamnées pour infraction à la loi contre le terrorisme devrait être supprimée;

d) La torture devrait être exclue du champ d'application des lois d'amnistie;

3. M. QUESADA INCHAUSTEGUI (Pérou) se félicite du dialogue fructueux et cordial qui s'est instauré avec le Comité et ajoute que les autorités péruviennes ne manqueront pas de procéder à une analyse approfondie des conclusions et recommandations.

4. La délégation péruvienne se retire.


La séance est suspendue à 15 h 10; elle est reprise à 15 h 30.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l'Azerbaïdjan (CAT/C/37/Add.3) (suite)

5. Sur l'invitation du Président, la délégation azerbaïdjanaise reprend place à la table du Comité.

6. M. MAMMEDOV (Azerbaïdjan) remercie les membres du Comité de l'attention qu'ils ont portée au rapport initial de son pays. Répondant à une première question, il indique que le nombre de personnes arrêtées a beaucoup diminué au cours des quatre dernières années et que les forces de police ne procèdent à des arrestations qu'en cas d'absolue nécessité, d'infraction grave, de récidive ou de risque de récidive. Le nombre des arrestations est passé d'environ 8 000 en 1995 à environ 6 000 en 1998. Toute personne s'estimant victime d'un abus de pouvoir de la part d'un enquêteur peut déposer une plainte, qui est alors examinée par les services du procureur. D'ailleurs, un institut chargé de traiter les plaintes de cette nature vient d'être créé et un projet de loi sur la possibilité de former un recours contre un enquêteur devrait être prochainement adopté dans le cadre de la réforme du système pénal. La loi autorise un prévenu à prendre contact avec un avocat de son choix et prévoit la désignation d'un avocat commis d'office si nécessaire. Les détenus - en attente d'un jugement ou condamnés - ont le droit de consulter un médecin, même lorsqu'ils sont placés à l'isolement. Pour chaque détenu est établie une fiche médicale comprenant des renseignements sur son état de santé, les pathologies - notamment infectieuses - dont il souffre et les traumatismes ou blessures qu'il aurait pu subir. Le cas échéant, des spécialistes exerçant en dehors des établissements pénitentiaires peuvent être appelés pour examiner des détenus. En 1999, 53 000 détenus ont reçu des soins médicaux et près de 4 000 ont été admis dans les dispensaires des prisons.

7. Le Code de procédure pénale limite à 12 mois la durée maximum de l'instruction ouverte à la suite d'un délit mais il arrive que cette procédure soit plus courte. Les autorités azerbaïdjanaises sont conscientes du préjudice que représente pour un prévenu toute prolongation excessive de la durée de l'enquête. Ce délai de 12 mois pourrait d'ailleurs être réduit dans le cadre de la réforme pénale et judiciaire en cours. Une fois les affaires transmises aux tribunaux, le Code de procédure pénale prévoit qu'une première audience doit se tenir dans un délai de deux semaines. Des statistiques ont été établies à ce sujet qui montrent que, sur 10 000 dossiers, ce délai avait été dépassé en 1997 dans 380 cas, en 1998 dans 323 cas et, pour le premier semestre de 1999, dans 141 cas. L'objectif est que tous les dossiers soient traités dans les délais prévus, afin de garantir à la fois le respect des droits du prévenu et le bon fonctionnement de la justice.

8. La législation azerbaïdjanaise punit l'extorsion d'aveux sous la contrainte et prévoit la révision des affaires où la nullité des aveux a été établie pour cette raison. Revenant sur le cas particulier évoqué par le Rapporteur, M. Mammedov rappelle qu'Eldar Agaieff, qui fait partie d'un groupe de criminels accusés notamment d'assassinat avec préméditation, avait été condamné, au terme d'un premier procès, à une peine de sept ans d'emprisonnement. À la suite des recours qu'il a formés pour violation des procédures relatives à l'instruction, une première enquête supplémentaire a été ordonnée, qui a confirmé les preuves de sa culpabilité; la deuxième enquête a au contraire abouti à la constatation que les preuves à charge étaient insuffisantes. Sa condamnation a donc été annulée et l'affaire Agaieff est désormais close.

9. Pour ce qui est de l'importante question de la formation du personnel des organes chargés de l'application des lois, M. Mammedov tient à appeler l'attention sur l'appui inestimable apporté par plusieurs organisations internationales, notamment l'ONU, le Conseil de l'Europe et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, aux efforts que consacre le Gouvernement à l'édification d'un État moderne. Cette assistance a permis aux autorités compétentes de prendre connaissance de l'expérience en matière de formation d'autres pays plus avancés. Dans le cadre des programmes de coopération internationale exécutés, des experts de renommée mondiale ont participé à des conférences, des colloques, des stages de formation et d'autres activités.

10. Les personnes qui briguent des postes au sein des organes chargés de l'application des lois font l'objet d'une sélection rigoureuse. Chaque candidat passe un entretien qui permet de vérifier l'état de ses connaissances théoriques en ce qui concerne les nouvelles lois du pays et les principaux instruments internationaux auxquels l'Azerbaïdjan est partie. Les personnes qui sont retenues à l'issue de cet entretien subissent un examen plus poussé dans lequel une large place est faite aux normes internationales relatives aux droits de l'homme. Les candidats qui passent ces épreuves avec succès sont recrutés pour une période probatoire d'un an, au terme de laquelle ils doivent passer un autre examen qui leur permet, en cas de réussite, d'être titularisés. Tout au long de leur carrière les membres du personnel des organes chargés de l'application des lois bénéficient d'une formation continue. Des stages périodiques sont organisés dans des établissements tels que l'Académie de l'administration publique et l'Institut de recherche sur les droits de l'homme. De son côté le Ministère des affaires étrangères exécute à l'intention de tous les fonctionnaires un vaste programme de formation élaboré en collaboration avec plusieurs experts étrangers. Dans ce contexte des cours et des séminaires sont organisés avec la participation de juristes expérimentés, de responsables d'organes chargés de l'application des lois et de représentants de centres et d'organismes s'occupant des droits de l'homme.

11. Une des questions qui ont été posées a beaucoup étonné la délégation azerbaïdjanaise, qui ne comprend pas que des médecins, qui ont prêté le serment d'Hippocrate, puissent être impliqués dans des actes de torture, rôle qui n'est pas sans rappeler les atrocités commises dans les camps de concentration. Seul un pays qui a érigé la torture en moyen de gouvernement peut utiliser ainsi ses médecins au lieu de mettre leurs compétences au service de sa population. Il convient de signaler à cet égard qu'en vertu de l'article 115 du nouveau Code pénal, que le Parlement a adopté en avril 1999, il est interdit de soumettre des détenus à des expériences médicales. Eu égard à la vulnérabilité des personnes en détention, la loi impose pour ce type d'infraction des peines plus lourdes que celles dont sont passibles ceux qui commettent de telles infractions à l'encontre de personnes en liberté.

12. Le bannissement était pratiqué dans l'ex-Union soviétique mais depuis que l'Azerbaïdjan a accédé à l'indépendance, en 1992, cette peine a été abolie. Dans cette optique, une loi adoptée récemment stipule qu'aucun citoyen ne peut être dépouillé de sa nationalité.

13. Pour donner suite à une recommandation du Conseil de l'Europe, une réforme du système de surveillance des établissements pénitentiaires est en cours. Elle vise à instituer un organe d'inspection indépendant. À l'heure actuelle la surveillance des conditions de détention incombe au ministère public. Depuis que les centres de détention ont été placés sous l'autorité du Ministère de la justice, tout le personnel de ces établissements - qui relevait jusqu'alors du Ministère de l'intérieur - est passé sous la tutelle dudit Ministère. Comme des changements sont prévus dans les tâches qu'aura à accomplir le personnel concerné, il est envisagé d'exécuter un vaste programme de recyclage. De plus, dans le décret portant transfert des centres de détention sous la tutelle du Ministère de la justice, il est demandé au Gouvernement de consacrer des ressources supplémentaires à l'amélioration des conditions matérielles dans ces établissements et, notamment, des services de santé.

14. Le Gouvernement azerbaïdjanais collabore étroitement avec une vingtaine d'organisations non gouvernementales internationales qui effectuent des visites régulières dans les prisons locales, durant lesquelles elles peuvent s'entretenir librement avec les prisonniers. Jusqu'à présent ces organisations se sont généralement déclarées satisfaites des conditions de détention qui, sans être parfaites, se sont beaucoup améliorées depuis l'indépendance malgré les difficultés financières que connaît le pays. L'Azerbaïdjan entretient en outre des liens très étroits avec le CICR, qui a pu maintes fois rendre visite aux prisonniers de guerre arméniens - avant qu'ils ne soient échangés contre des prisonniers azerbaïdjanais - ainsi qu'à des prisonniers de droit commun.

Les conditions dans lesquelles les prisonniers purgent leur peine sont fixées par le tribunal lorsqu'il prononce le jugement. Elles dépendent de la gravité de l'infraction et des antécédents du délinquant. C'est ainsi que les récidivistes sont séparés des personnes qui purgent une peine d'emprisonnement pour la première fois. Des changements pourraient être apportés au système actuel de façon à le rendre conforme aux normes internationales. Les autorités réfléchissent en particulier à la possibilité de confier à l'administration pénitentiaire des compétences qui sont exercées actuellement par les tribunaux. Dans les établissements de rééducation par le travail les détenus sont soumis, selon le danger potentiel qu'ils représentent pour la société, à un régime ordinaire, à un régime renforcé, à un régime sévère ou à un régime de haute sécurité. Dans les établissements à régime ordinaire, les prisonniers ont droit à 48 visites par an, contre 24 visites pour les établissements à régime renforcé, 20 pour les établissements à régime sévère et une visite par trimestre pour les établissements de haute sécurité. Il y a deux types de visites : les visites de courte durée (quatre heures) et les visites de longue durée (trois jours). Les visites de longue durée sont au nombre de quatre par an dans les établissements à régime ordinaire, de trois par an dans les établissements à régime renforcé et de deux par an dans les établissements à régime sévère et de haute sécurité. En outre, des sorties dont la durée peut aller jusqu'à une semaine sont autorisées. Les prisonniers peuvent aussi recevoir un colis par semaine ainsi que des sommes d'argent, dont le montant ne doit pas excéder le salaire minimum. Les conversations téléphoniques sont également permises. Leur nombre et leur durée sont les mêmes pour tous les régimes de détention. L'administration pénitentiaire peut enfin accorder des faveurs aux prisonniers dont le comportement est jugé satisfaisant.

15. À propos de la garde à vue des suspects, on retiendra que si un suspect présente sur lui des indices, s'il a été pris en flagrant délit ou immédiatement après et s'il a été reconnu par des témoins, le procureur doit en être informé dans les 24 heures et, s'il est convaincu que la mesure est nécessaire, peut présenter une demande de détention au tribunal qui lui en donnera l'autorisation. Il ne prend donc plus la décision de détention seul, comme c'était le cas auparavant. Il peut remettre le suspect en liberté s'il estime que la détention ne se justifie pas. La nouvelle loi sur la police dispose que le tribunal doit être immédiatement informé de toute détention. La durée de la détention fixée par le tribunal est toujours rigoureusement respectée.

16. Il a été demandé comment le service des enquêtes du Ministère de la sécurité nationale pouvait instruire les affaires de torture alors que la législation azerbaïdjanaise ne prévoit pas encore de délit spécifique de torture : c'est que le Code pénal contient des articles réprimant toute une série d'infractions pouvant correspondre à un acte de torture. Ces services peuvent enquêter sur certaines de ces infractions mais, durant la période couverte par le rapport, ils n'ont eu aucune occasion de le faire.

17. Certains membres du Comité se sont inquiétés de ce que beaucoup de victimes de la torture s'abstiennent de porter plainte par crainte de représailles dirigées contre eux-mêmes ou leurs proches. Tout individu peut certes ressentir cette crainte, subjectivement, mais les exemples de condamnations et de révocations d'agents reconnus coupables d'actes de violence qui ont été cités lors de la présentation du rapport montrent objectivement qu'il est possible de porter plainte et d'obtenir justice. Chaque affaire de mauvais traitements doit faire l'objet d'une enquête, aussi le procureur visite-t-il régulièrement les lieux de détention provisoire. Sur demande, les détenus peuvent avoir un entretien en tête-à-tête avec le procureur s'ils ont à se plaindre de mauvais traitements; il est obligatoire d'enregistrer et de transmettre leur plainte écrite. Cette question est réglée par la loi sur la protection des parties à une action pénale adoptée en décembre 1998. Afin d'aider les citoyens à mieux connaître leurs droits, cette loi, ainsi que les instruments internationaux - qui sont traduits en azerbaïdjanais - sont publiés à un grand nombre d'exemplaires et vendus à un prix accessible.

18. À propos des 37 personnes arrêtées le 12 septembre 1998 pour avoir troublé collectivement l'ordre public, dont 30 ont fait l'objet d'un internement administratif et dont 24 ont déclaré avoir subi des violences, M. Mammedov dit que le Procureur a constitué une commission spéciale pour déterminer s'il avait été fait usage de mauvais traitements. Les deux personnes présentant des lésions légères avaient été blessées par les membres de la police qui ont recouru à la force pour empêcher certains détenus de commettre des actes illégaux. Les deux journalistes qui ont été maltraités dans un poste de police y étaient venus pour demander un renseignement lorsqu'une altercation a éclaté entre eux et le fonctionnaire de police, qui les a insultés et brutalisés. Les deux journalistes n'étaient ni en état d'arrestation ni retenus au poste. La plainte qu'ils ont déposée auprès du Procureur de Bakou a donné lieu à l'ouverture d'une enquête. Cependant, il a été impossible de fournir des preuves, raison pour laquelle un non-lieu a été prononcé. Les plaignants ont fait recours et ont obtenu qu'une enquête supplémentaire soit effectuée, qui n'a pas non plus permis d'établir la culpabilité du fonctionnaire de police. Il est probable que les plaignants vont demander une troisième enquête. Des renseignements complémentaires sur l'issue de cette affaire seront communiqués ultérieurement au Comité.

19. L'indemnisation des victimes de la torture (à raison du tort moral ou matériel) est prévue par la loi spéciale du 25 décembre 1998 sur la réparation des préjudices causés aux personnes physiques du fait d'actes illégaux commis par les services de renseignement, les services d'enquête, le ministère public et les tribunaux. M. Mammedov dit qu'il proposera au Gouvernement de verser une somme même symbolique au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, car l'État azerbaïdjanais souhaite montrer qu'il se sent moralement responsable des actes de torture commis par des agents de l'État.

20. Le Gouvernement a parfaitement conscience qu'il convient d'assurer l'indépendance des juges, objectif principal de la réforme du système judiciaire et condition essentielle de l'instauration de la démocratie. Cette réforme est d'autant plus nécessaire dans une ex-république de l'URSS comme l'Azerbaïdjan, qui a subi la pression du parti unique auquel l'appareil judiciaire était inféodé. Les candidats à la charge de juge sont choisis par une commission spéciale et doivent passer des examens extrêmement sélectifs conçus selon les normes internationales. Les juges des juridictions supérieures sont nommés par le chef de l'État pour 10 ans et tous les autres juges pour 5 ans; ils ne peuvent pas être révoqués. En outre, ils ne peuvent être affiliés à un parti et le procureur n'a plus de prérogatives, le principe de l'égalité des parties étant établi actuellement. Les juges jouissent de l'immunité et ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure d'internement administratif. La procédure relative à la levée de l'immunité ou à la révocation des juges est extrêmement complexe, ce qui permet de garantir leur indépendance. Ils sont habilités à examiner toute plainte concernant les actes commis par un agent de l'État.

21. En ce qui concerne les lieux de détention des organes de la sécurité destinés à la mise à l'isolement provisoire des détenus, qui étaient administrés par le KGB du temps de l'URSS, un projet de loi sur les organes de la sécurité contenant un ensemble de règles sur les conditions de détention dans ces lieux a été élaboré, de manière à ce que les conditions y soient les mêmes que dans les lieux de détention provisoire relevant du Ministère de la justice. Quant aux travaux forcés, la nouvelle législation pénale ne prévoit plus de sanction de ce type et actuellement les détenus ne travaillent que s'ils le veulent.

22. Le degré d'indépendance des juges d'instruction qui font partie des organes de la sécurité nationale a été mis en doute par certains membres du Comité. Il faut savoir que le rattachement de ces juges aux services spéciaux n'a pas d'incidence sur leur indépendance et s'explique par la nature des affaires qui leur sont confiées, c'est-à-dire les affaires d'espionnage ou d'atteinte à la sûreté de l'État. En outre, leur activité est supervisée par le ministère public.

23. Au sujet du ressortissant turc extradé vers la Turquie par les autorités azerbaïdjanaises, M. Mammedov indique qu'il a été arrêté pour avoir passé illégalement la frontière. Dans le cas des personnes recherchées pour un délit, l'Azerbaïdjan se fonde sur la Convention européenne d'extradition, les accords d'entraide judiciaire entre l'Azerbaïdjan et les pays voisins, et la convention d'entraide judiciaire des pays de la Communauté d'États indépendants. Le Gouvernement veille à ne pas faire extrader des personnes ayant fui leur pays pour des motifs politiques, surtout depuis que la peine de mort a été abolie en Azerbaïdjan.

24. Au sujet de l'affaire du trafiquant de drogue mort en détention à la suite de mauvais traitements et de tortures, M. Mammedov rappelle que cet homme était en possession d'une grande quantité de stupéfiants quand il a été arrêté et qu'en Azerbaïdjan, tout est mis en oeuvre pour découvrir les ramifications du trafic de stupéfiants. Cette affaire a fait l'objet d'une enquête qui a abouti à un non-lieu parce qu'il n'a pas été possible de déterminer lesquels des membres de la police étaient responsables. Toutefois, des sanctions disciplinaires ont été appliquées aux fonctionnaires de police et une deuxième enquête a été ouverte afin que soient punis les auteurs et les responsables qui ont toléré les actes de torture.

25. Enfin, il a été demandé si les mesures d'amnistie s'appliquaient à tous les types d'infractions et si des tortionnaires étaient susceptibles d'être amnistiés. En Azerbaïdjan, toute une série d'infractions - homicides, viols, grand banditisme, etc. - ne sont pas amnistiables. Il y a donc tout lieu de supposer que lorsque la torture figurera au Code pénal parmi les crimes les plus graves, elle ne sera pas non plus susceptible d'amnistie.

26. Pour conclure, M. Mammedov assure le Comité que son pays tiendra le plus grand compte de ses recommandations pour son orientation future. L'Azerbaïdjan a besoin d'être soutenu dans la lutte qu'il souhaite mener contre le fléau qu'est la torture.

27. Le PRÉSIDENT invite les rapporteurs à commenter, s'ils le souhaitent, l'exposé que vient de faire la délégation azerbaïdjanaise.

28. M. YAKOVLEV (Rapporteur pour l'Azerbaïdjan) déclare que la remarquable présentation orale qui a été faite comportait d'importants éléments qui ne figurent pas dans le rapport (CAT/C/37/Add.3). En particulier, un point essentiel à ses yeux est le fait que seul le juge est désormais habilité à autoriser une mise en détention provisoire. Il s'agit là d'une disposition qui se rapproche de l'habeas corpus, et le Comité prendra connaissance avec le plus grand intérêt des renseignements plus précis qui seront apportés à ce sujet dans le rapport suivant de l'État partie. Jusqu'à une période récente, la norme applicable était celle naguère en honneur en Union soviétique, qui voulait que la détention soit décidée par le parquet. On est donc en présence d'un changement décisif de la législation, qui va non seulement laisser aux personnes arrêtées la possibilité de faire appel de la décision de placement en détention, mais qui permettra aussi au juge, le cas échéant, de ne pas l'autoriser.

29. Un autre élément nouveau important est le fait que toute personne arrêtée peut immédiatement rencontrer un avocat. Cette nouvelle disposition est elle aussi décisive et retient d'autant plus l'attention de M. Yakovlev que des informations émanant d'organisations non gouvernementales qui sont parvenues au Comité donnent à penser que des problèmes subsistent encore en Azerbaïdjan en matière d'indépendance de la magistrature. Certes, cela peut s'expliquer par le fait que l'État partie n'a ratifié la Convention que récemment et qu'il n'est pas facile de rompre avec des habitudes anciennes. Face à l'inertie et à la routine, il faudra du temps pour faire respecter la nouvelle législation et réprimer les abus. Le rapport suivant fera sans doute état des efforts accomplis en ce sens par l'État partie. À cet égard, la création d'une association des magistrats azerbaïdjanais est du meilleur augure. M. Yakovlev est conscient de l'ampleur de la tâche à accomplir pour jeter les bases d'une société véritablement démocratique, mais il ne doute pas de la volonté de l'Azerbaïdjan de progresser dans cette voie et d'appliquer intégralement les dispositions de la Convention.

30. M. SORENSEN (Corapporteur pour l'Azerbaïdjan) remercie la délégation des réponses complètes et utiles qu'elle a apportées. Il sera heureux de recevoir des informations plus détaillées sur divers points soulevés et notamment sur la formation des policiers.

31. Le PRÉSIDENT remercie la délégation azerbaïdjanaise de son sérieux et de sa bonne volonté et l'invite à revenir à une séance ultérieure entendre les conclusions et recommandations du Comité.

32. La délégation azerbaïdjanaise se retire.


La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 15.



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