Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1028
16 mars 1994

Compte rendu analytique de la 1028ème seance : Barbados, Mali, Mauritius, United Arab Emirates. 16/03/94.
CERD/C/SR.1028. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Quarante-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE PROVISOIRE DE LA 1028ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le jeudi 10 mars 1994, à 10 heures.

Président : M. GARVALOV
puis : M. LECHUGA HEVIA

SOMMAIRE

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les Etats parties conformément à l'article 9 de la Convention (suite)

Maurice
Mali
Barbade
Emirats arabes unis

Décisions prises par l'Assemblée générale à sa quarante-huitième session (suite)

____________


La séance est ouverte à 10 h 20.


EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 7 de l'ordre du jour) (suite)

1. Le PRESIDENT invite le Comité à examiner la mise en oeuvre des dispositions de la Convention par quatre Etats parties, dont les rapports périodiques sont très en retard et qui n'ont pas envoyé de représentant, à savoir dans l'ordre, Maurice, le Mali, la Barbade et les Emirats arabes unis, en se fondant sur leur dernier rapport périodique et l'examen qui en a été fait par le Comité, ainsi que sur un exposé oral du rapporteur pour le pays considéré (voir A/48/18, par. 28).

Maurice : septième rapport périodique (CERD/C/131/Add.8), examiné aux 782ème et 792ème séances, en 1987 (CERD/C/SR.782 et 792)

2. M. ABOUL-NASR rappelle la position de principe qu'il a déjà exprimée à des sessions précédentes lorsque le Comité a été amené à examiner l'application de la Convention par un Etat partie qui n'a pas de représentation permanente à Genève : il considère qu'il est injuste à l'égard de l'Etat partie et peu utile de mener cet exercice en l'absence de l'Etat partie. De nombreuses questions posées par les membres du Comité à Maurice étant restées sans réponse, il propose que le Comité diffère l'examen de la situation à Maurice jusqu'à ce qu'il tienne une session à New York. En effet, en vertu de la Convention, le Comité tient normalement ses réunions au Siège de l'Organisation des Nations Unies (art. 10). D'autre part, les problèmes financiers étant réglés puisque les sessions du Comité sont désormais financées sur le budget ordinaire de l'Organisation, le Comité devrait pouvoir siéger tant_t à New York, tant_t à Genève. Ce faisant, enfin, il serait traité comme les autres organes conventionnels s'occupant des droits de l'homme, qui se réunissent tant_t au Siège et tant_t à Genève. M. Aboul-Nasr, pour sa part, ne participera pas à l'examen de la mise en oeuvre de la Convention par des Etats parties qui ne peuvent envoyer de représentants aux séances du Comité.

3. Le PRESIDENT comprend la position de M. Aboul-Nasr et signale que la question de principe qu'il soulève sera examinée par le Comité à une séance ultérieure. En attendant, il estime que la seule chose à faire est de poursuivre la pratique suivie au cours des dernières sessions (A/48/18, par. 28).

4. Mme SADIQ ALI, rapporteur pour Maurice, rappelle que le septième rapport périodique de l'Etat partie (CERD/C/131/Add.8) a été examiné par le Comité en 1987; le Président avait alors regretté qu'aucun représentant ne soit présent, malgré les deux invitations envoyées à l'Etat partie par le Secrétariat, auxquelles le Gouvernement mauricien n'avait pas répondu. L'Etat partie s'était toutefois efforcé de répondre aux questions soulevées lors de l'examen du sixième rapport périodique, mais de nombreuses lacunes subsistaient.

5. Des questions ont été posées concernant l'annexe au septième rapport, qui contenait les résultats du recensement de la population de 1983, car le critère utilisé n'était pas clair et ne donnait pas une idée précise des différents groupes ethniques composant la population mauricienne. Le Comité a demandé un complément d'information sur le taux de ch_mage à Maurice et sur les groupes ethniques les plus durement touchés. On a également demandé à l'Etat partie, même s'il n'avait pas encore déposé de projet de loi sur les relations raciales, d'indiquer si le Code pénal comblait certaines lacunes qui avaient été relevées et donnait effet aux dispositions de l'article 4.

6. Touchant l'application de l'article 6 de la Convention, des précisions ont été demandées sur les recours judiciaires dont disposaient les habitants de Maurice qui s'estimaient victimes de violations des droits reconnus par la Convention. Ces voies de recours existaient-elles ? Etaient-elles rapides et efficaces ?

7. Au sujet de l'article 7, il a été noté que rien n'avait été dit concernant l'instruction civique dispensée dans les écoles ni sur le point de savoir si le système éducatif encourageait la tolérance entre les groupes ethniques. On a également demandé des renseignements plus récents indiquant si tous ces groupes avaient les mêmes chances d'accéder à l'enseignement primaire, secondaire et supérieur.

8. Au sujet de la législation électorale, il a été constaté que des sièges supplémentaires étaient attribués aux différents groupes ethniques sur la base du recensement de 1972, que les membres de ces groupes exercent leur droit de vote ou non. Dans la pratique, cela revenait à attribuer des sièges supplémentaires à des gens qui ne votaient pas; des éclaircissements ont été demandés à ce sujet.

9. A propos du paragraphe 13 du rapport CERD/C/131/Add.8, qui semble viser seulement des sanctions administratives, il a été demandé si les fonctionnaires qui ordonnaient un acte discriminatoire arbitraire étaient passibles de poursuites pénales à Maurice.

10. A propos de la liberté de la presse, de plus amples informations ont été demandées sur les limitations prévues par la Constitution, pour savoir en particulier si certaines limites étaient fondées sur la nécessité d'empêcher que puissent s'exprimer à la faveur d'articles publiés dans la presse des préjugés raciaux ou une discrimination raciale. Il a également été demandé si Maurice pouvait préciser les conditions énoncées à l'article 12 2) de la Constitution et indiquer les cas où cet article avait été appliqué récemment.

11. D'après une estimation de 1990, la population mauricienne était de 1 120 000 habitants. Sa composition ethnique est très complexe, en raison surtout du peuplement colonial de l'île. La majorité des habitants sont des Hindous, descendants de la main-d'oeuvre engagée à long terme et originaire d'Inde qui a été amenée à Maurice après l'affranchissement des esclaves africains, malgaches et créoles. Les esclaves affranchis sont allés dans les villes et dans des villages côtiers, où l'on compte aujourd'hui 250 000 créoles. Les musulmans originaires du sous-continent indien sont au nombre de 150 000 et comptent surtout des artisans et des commerçants. Il y a une classe moyenne chinoise qui compte à peine 30 000 membres ainsi qu'une ploutocratie européenne (franco-mauricienne) de 10 000 membres.

12. La zone franche industrielle (export processing zone - EPZ) offre des conditions favorables aux investisseurs étrangers produisant pour le marché extérieur. L'industrie textile a particulièrement bien réussi. Plus de la moitié des industries appartiennent à des Mauriciens, le reste étant sous contrôle étranger. La zone franche industrielle s'est développée rapidement : elle compte 586 entreprises qui ont offert des emplois à 90 700 personnes, et le ch_mage local, qui était un problème grave auparavant, a pratiquement disparu.

13. En 1990, Maurice s'est vu décerner une distinction du Population Award de l'ONU parce que le taux de natalité y était tombé de plus de cinq enfants par femme à moins de deux, et que plus de 75 % des femmes utilisaient une méthode contraceptive. La mortalité infantile avait également diminué.

14. M. FERRERO COSTA remercie Mme Sadiq Ali du rapport oral complet qu'elle vient de présenter. A son avis, l'Etat partie ne s'étant pas fait représenter, les observations finales du Comité devront lui être communiquées afin qu'il en tienne compte lorsqu'il établira son prochain rapport périodique; il conviendra aussi de lui rappeler l'obligation de présenter ses rapports dans les délais établis.

15. M. de GOUTTES dit qu'il se dégage du rapport oral que vient de présenter Mme Sadiq Ali l'impression que Maurice est un pays où le fait que la population soit à majorité hindoue ne pose pas de problèmes sérieux de discrimination raciale, même s'il peut y avoir des tensions sociales. Il s'agit là d'un élément positif à relever.

16. Par ailleurs, dans ses observations finales, le Comité pourrait, tout en regrettant que l'Etat partie n'ait pas soumis le rapport périodique attendu, proposer l'aide des services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme pour la préparation du prochain rapport périodique, si le Gouvernement mauricien le désire.

17. Le PRESIDENT dit que le Comité a ainsi terminé l'examen de la mise en oeuvre de la Convention par Maurice; il examinera un projet d'observations finales à une séance ultérieure.

Mali : sixième rapport périodique (CERD/C/130/Add.2), examiné à la 754ème séance, en 1986 (CERD/C/SR.754)

18. Le PRESIDENT invite le rapporteur pour le Mali à présenter un rapport oral sur la mise en oeuvre de la Convention par l'Etat partie.

19. M. DIACONU, rapporteur pour le Mali, rappelle que pour présenter la situation au Mali il disposait du sixième rapport périodique (CERD/C/130/Add.2) examiné par le Comité en 1987, ainsi que d'un certain nombre d'autres informations, mais n'a pas reçu de renseignements récents de la part du gouvernement. Or depuis 1987 des changements ont eu lieu puisque le gouvernement militaire au pouvoir depuis 23 ans a été renversé en 1991. La période examinée a été marquée par la conclusion d'un accord de paix, en avril 1991, entre le nouveau gouvernement et les organisations des groupes d'opposition des Touaregs. Néanmoins, des actes de violence ont continué à avoir lieu entre les groupes touaregs qui n'ont pas accepté l'accord de paix et l'armée malienne, ce qui a donné lieu à des actes de représailles et à de graves violations des droits de l'homme, y compris des exécutions sans jugement selon certaines sources. Un certain nombre de réfugiés, principalement des Touaregs, se trouveraient en Mauritanie, d'où des groupes armés passent la frontière pour mener des attaques contre l'armée ou la population. Tout ceci a pris évidemment le caractère d'un conflit ethnique.

20. En outre, le pays est confronté à des problèmes économiques graves : avec une économie en déclin et une dette extérieure extrêmement lourde, il est fortement tributaire de l'aide extérieure. Du point de vue de l'évolution intérieure, il a pu organiser les premières élections démocratiques; une nouvelle Constitution a été adoptée en avril 1992, et une assemblée nationale, les conseillers municipaux et le Président ont été élus. Le multipartisme s'est établi.

21. Il y a donc des signes d'amélioration des institutions, de la législation et de la situation générale en matière de droits de l'homme. La liberté d'expression semble être respectée, de même que la liberté d'association. Sont interdits les partis politiques fondés sur la religion, l'appartenance ethnique ou sur une base régionale. Il semble aussi que le régionalisme soit puni, en vertu du Code pénal; à ce sujet, il faudrait attirer l'attention du gouvernement, compte tenu du lien qui peut exister entre le régionalisme et l'appartenance ethnique, sur le risque que cette disposition ne devienne l'instrument utilisé par une ethnie contre une autre ou par l'Etat contre une ethnie, ou qu'elle soit perçue comme telle.

22. Le rapport périodique de 1986 décrit la situation des groupes raciaux au Mali. Il faudrait évidemment que ses données soient mises à jour. Il est question dans ce rapport de la politique de promotion de l'unité nationale; en dépit des changements intervenus, il est fort probable que cette politique est poursuivie. Il serait donc important de savoir quel est le rapport entre cette politique nationale et la préservation de la culture et de l'identité des différents groupes raciaux et de savoir, par exemple, quelle est la situation des Touaregs et pourquoi on les retrouve souvent, en totalité ou en partie, dans l'opposition au gouvernement de Bamako. Est-ce qu'ils prennent part à la vie publique ? Participent-ils au gouvernement, siègent-ils au parlement et dans les conseils locaux ? Ont-ils accès à la fonction publique ?

23. Au sujet de l'article 4 de la Convention, il semble que les lois du Mali interdisent la propagande raciale et l'incitation à la discrimination, de même que le régionalisme, mais pas les organisations qui seraient impliquées dans de tels actes. Il y aurait là, par conséquent, une insuffisance dans la mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention.

24. On sait qu'à la suite des conflits, surtout dans la zone de la frontière avec la Mauritanie, un grand nombre de réfugiés ont fui le pays et se trouvent en Mauritanie, en Algérie ou au Burkina Faso. Peuvent-ils rentrer librement et en sécurité dans le pays ? Enfin, il faudrait recevoir des informations sur la manière dont le gouvernement entend s'occuper des populations nomades.

25. M. Diaconu a récapitulé un certain nombre de questions qui découlent du rapport de 1986 et des sources qu'il a pu consulter. Le Comité devrait transmettre ces questions au Gouvernement malien, en lui demandant de présenter lui-même la situation dans son prochain rapport périodique, aussi rapidement que possible. En même temps, il faudrait lui offrir les services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme pour la rédaction de ce rapport, même si lors de l'examen du rapport précédent le représentant du Mali a décliné une telle offre. Peut-être les choses ont-elles changé; le fait qu'aucun rapport n'a été présenté au bout de huit ans pourrait être le signe que le pays a besoin des services consultatifs.

26. M. ABOUL-NASR regrette que le Mali n'ait pas envoyé de représentant, d'autant plus qu'il y a une mission permanente du Mali à Genève. L'Etat partie n'ayant, semble-t-il, pas répondu à la communication qui lui a été envoyée pour l'informer de la date à laquelle le Comité procéderait à l'examen, il faudra que le Comité, dans ses observations finales, exprime ses regrets devant l'attitude de l'Etat partie, qui ne juge pas nécessaire de coopérer ni de dialoguer avec le Comité depuis huit ans.

27. M. FERRERO COSTA est du même avis, d'autant plus que les renseignements fournis dans le sixième rapport périodique doivent être mis à jour, en ce qui concerne notamment la composition ethnique de la population. D'après des informations émanant du Service d'information antiracisme (ARIS), il y aurait une certaine discrimination au Mali et les nomades ne seraient pas totalement intégrés à la vie politique. Le Comité doit également demander à l'Etat partie de s'acquitter des obligations découlant de la Convention et de présenter des rapports périodiques conformes aux principes directeurs établis par le Comité (CERD/C/70/Rev.3). En effet, les deux derniers rapports périodiques du Mali étaient tout à fait incomplets, notamment au sujet de la mise en oeuvre de l'article 5 de la Convention. Enfin, bien que la délégation malienne ait déclaré, lors de l'examen du sixième rapport périodique, que les services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme n'étaient pas nécessaires, il convient de renouveler cette offre.

28. Mme SADIQ ALI constate que les groupes nomades ne sont pas représentés dans le nouveau parlement et voudrait que l'Etat partie donne des informations à ce sujet dans le prochain rapport périodique.

29. M. de GOUTTES considère, comme M. Diaconu l'a souligné, que l'un des principaux problèmes du Mali est celui des Touaregs; il estime que le Comité doit insister sur ce point.

30. M. Lechuga Hevia, vice-président, prend la présidence.

31. Le PRESIDENT conclut après les différentes interventions que les membres du Comité souhaitent qu'une lettre soit adressée à la mission du Mali à Genève pour rappeler à l'Etat partie l'obligation qu'il a d'envoyer un représentant lorsque le Comité examine la mise en oeuvre de la Convention par cet Etat, lui demander de mettre à jour son rapport périodique et lui transmettre les suggestions et les observations qui ont été formulées par les membres du Comité.

Barbade : septième rapport périodique (CERD/C/131/Add.13), examiné à la 890ème séance, en 1991 (CERD/C/SR.890)

32. M. VALENCIA RODRIGUEZ, rapporteur pour la Barbade, après avoir noté que l'Etat partie n'a pas de représentation permanente à Genève, rappelle, premièrement, que le sixième rapport périodique de la Barbade (CERD/C/106/Add.13) a été présenté en juin 1985 et examiné par le Comité en mars 1986, qu'il était assez informatif et que l'Etat partie s'était fait représenter. Le septième rapport périodique (CERD/C/131/Add.13), présenté en janvier 1988 et examiné en mars 1991, était nettement plus succinct et n'apportait pas de réponse aux diverses questions qui avaient été posées sur le rapport précédent. En outre, l'Etat partie ne s'était pas fait représenter pour l'examen du septième rapport périodique. Depuis trois ans, le Comité n'a examiné aucun autre rapport de la Barbade, qui aurait dû présenter ses huitième, neuvième, dixième et onzième rapports périodiques entre 1987 et 1993.

33. La Convention n'énonce pas à l'égard des Etats parties l'obligation d'envoyer un représentant lorsque le Comité examine leurs rapports périodiques, mais le fait d'avoir ratifié la Convention ou d'y avoir adhéré constitue un engagement à s'acquitter de toutes les obligations découlant de la Convention, dont l'une est de présenter régulièrement des rapports périodiques, conformément aux dispositions de l'article 9 de la Convention. Les Etats parties s'acquittent de cette obligation en maintenant un dialogue avec le Comité et ce dialogue passe par la coopération apportée par les représentants de l'Etat partie pendant l'examen des rapports. Par conséquent, si la présence des représentants ne constitue pas une obligation juridique à proprement parler, elle est néanmoins extrêmement souhaitable pour que les Etats parties puissent accomplir leurs obligations.

34. Il est vrai qu'en mars 1986 le représentant de la Barbade a indiqué que le retard accusé par son pays dans la présentation de rapports périodiques était dû à la multiplication des obligations de présenter des rapports au titre de différents instruments internationaux, ainsi qu'à des facteurs d'ordre administratif et financier. Il faut espérer que les raisons indiquées plus haut par le rapporteur pour la Barbade inciteront cet Etat partie à réfléchir à la nécessité de se faire représenter et de soumettre des rapports dans les délais.

35. Deuxièmement, lors de la ratification de la Convention, la Barbade a fait une réserve concernant l'application de l'article 4 et a fait état, au paragraphe 5 de son sixième rapport périodique (CERD/C/106/Add.13), d'une autre réserve selon laquelle "l'adhésion à la Convention n'implique de sa part ni l'acceptation d'obligations outrepassant les limites de la Constitution, ni l'acceptation de l'obligation d'adopter des procédures judiciaires allant au-delà de celles prévues dans la Constitution". Cette dernière réserve implique que les dispositions de la Convention ne peuvent être invoquées devant les tribunaux de la Barbade, ce qui affecte l'application de son article 4 et de ses articles 2, 5 et 6. Il convient dès lors, premièrement, de demander au Gouvernement barbadien d'étudier la possibilité de retirer la réserve générale formulée lors de la ratification de la Convention et, deuxièmement, de revoir la position adoptée dans l'instrument d'adhésion, car ces deux éléments sont essentiels pour que la Convention soit pleinement mise en vigueur à la Barbade.

36. Troisièmement, il ressort des rapports présentés par la Barbade qu'il existe dans ce pays différents groupes humains ayant des origines ethniques ou nationales diverses. Il a été reconnu que les Barbadiens d'origine africaine devraient avoir une plus grande mobilité socio-économique. Toutefois, au paragraphe 7 du septième rapport périodique, on lit qu'aucune mesure législative n'a été prise pour donner effet aux dispositions de l'article 2 de la Convention, et que la situation reste inchangée. Il conviendrait donc d'appeler l'attention du gouvernement sur ce phénomène, et de lui demander d'étudier de nouveau les engagements qu'il a pris en vertu de la Convention.

37. Quatrièmement, en ce qui concerne l'application de l'article 4 de la Convention, la Barbade a appelé l'attention dans son septième rapport sur l'existence du Public Order Act, dont les dispositions apporteraient les garanties requises, et a affirmé d'autre part qu'aucune organisation privée n'appliquait de politique raciste ou discriminatoire. Le Comité a souligné le caractère préventif et obligatoire de l'article 4 de la Convention et indiqué à cet égard que les explications avancées par la Barbade n'étaient pas satisfaisantes au regard des obligations découlant de cet article. Il faudrait qu'il insiste de nouveau sur ce point auprès du Gouvernement barbadien, ainsi que sur les obligations incombant à celui-ci au titre de l'article 4.

38. Cinquièmement, la Barbade a signalé qu'il existait différents textes dans le pays permettant d'appliquer l'article 5 de la Convention, à commencer par la section 23 de la Constitution. Le Comité a analysé la portée de ces lois et posé plusieurs questions concernant l'exercice des droits découlant de l'article 5, mais il n'a reçu aucune réponse à ces questions. Il faudrait demander au gouvernement de considérer à nouveau l'application de l'article 5 de la Convention compte tenu des observations formulées par le Comité.

39. Sixièmement, s'agissant de l'article 6, la Barbade a indiqué qu'en vertu de la section 24 de la Constitution, il était possible d'introduire un recours devant la Haute Cour pour obtenir réparation lorsque les droits et libertés de caractère fondamental avaient été violés ou risquaient de l'être. Le représentant de la Barbade a en outre déclaré que les tribunaux s'étaient prononcés en faveur des plaignants qui avaient prétendu avoir été victimes d'actes implicites de discrimination raciale. Afin d'évaluer la portée de la section 24 de la Constitution, le Comité a, entre autres, demandé quel genre d'appels pouvaient être adressés au Conseil privé à la suite d'une décision de la Haute Cour. Le Gouvernement de la Barbade devrait être prié de prendre ces questions en considération.

40. Septièmement, au sujet de l'article 7, la Barbade a affirmé que l'éducation était accessible à tous les groupes de population mais aussi que les programmes d'études et de formation des enseignants ne prévoyaient pas de cours sur les problèmes relatifs aux droits de l'homme. Le Comité a demandé au gouvernement des explications à ce sujet et fait valoir notamment la nécessité que ces programmes incluent les droits de l'homme. M. Valencia Rodriguez ne sait pas quelle suite a été donnée à cette recommandation. Il faudrait donc insister auprès du gouvernement pour qu'il observe les dispositions de l'article 7 de la Convention.

41. En conclusion, M. Valencia Rodriguez dit que la Barbade présente dans l'ensemble une image positive s'agissant du respect des droits de l'homme. Cependant, elle n'a pas communiqué de rapport mettant à jour les informations fournies précédemment, ni envoyé de représentant au Comité pour entretenir le dialogue. Il faudrait donc que le Comité fasse savoir au gouvernement qu'il a considéré la situation du pays et le prie d'accorder une attention particulière aux différents points soulevés.

42. Mme SALIQ ALI, évoquant des informations faisant état de brutalités policières et de la violence dont sont victimes les femmes et les enfants dans la société barbadienne, dit que le Comité devrait appeler l'attention du gouvernement sur ce problème très préoccupant en lui rappelant l'existence du Code de conduite pour les responsables de l'application des lois, et le prier d'appliquer de façon plus stricte les dispositions de l'article 7 de la Convention.

Emirats arabes unis : sixième rapport périodique (CERD/C/130/Add.1), examiné à la 824ème séance, en 1988 (CERD/C/SR.824)

43. Le PRESIDENT souligne que, comme le Mali, les Emirats arabes unis ont une mission permanente à Genève. La lettre demandant la présentation d'un rapport ainsi que la note verbale adressées par le Comité à cet Etat sont restées sans réponse.

44. M. de GOUTTES, rapporteur pour les Emirats arabes unis, fait observer que le Gouvernement des Emirats arabes unis manifeste une indifférence et un désintérêt évidents à l'égard du Comité : il ne lui a pas présenté de rapport depuis huit ans malgré des rappels et n'a, une nouvelle fois, pas envoyé de représentant. Face à une telle inertie, le Comité devrait tout d'abord rappeler clairement ce gouvernement à ses obligations conventionnelles par une lettre suffisamment ferme. Il devrait lui rappeler en outre les trois principales lacunes que présentait son rapport précédent en demandant avec insistance des éclaircissements sur les points en question. Le rapport périodique présenté en 1986 ne contenait pas, tout d'abord, de renseignements précis sur la composition de la population, et notamment sur le nombre des citoyens, des étrangers et des migrants. Ce rapport dénotait ensuite l'absence d'une mise en oeuvre effective de l'article 4 de la Convention. Le gouvernement déclarait qu'il n'était pas nécessaire d'adopter une législation spécifique pour déclarer punissables les actes de racisme, étant donné qu'il n'y avait pas de discrimination raciale dans le pays et qu'une protection suffisante était apportée par les principes de la charia islamique, par la Constitution et par les dispositions générales du Code pénal. Une telle déclaration ne saurait satisfaire le Comité, qui considère qu'une législation spéciale contre les actes de racisme visés par l'article 4 est indispensable. Enfin, les renseignements fournis par le sixième rapport sur la mise en oeuvre des autres articles de la Convention étaient trop généraux et trop juridiques. Ce rapport s'en tenait en effet à une énumération des textes de loi ne rendant pas compte de la situation réelle existant dans le pays. Le Comité a relevé notamment qu'il manquait des informations sur l'étendue des droits dont disposaient les travailleurs étrangers, sur le droit d'accès à l'enseignement des enfants des travailleurs étrangers, sur la liberté syndicale, la liberté d'expression, la liberté de religion, etc.

45. Outre ces précisions, le Comité devrait demander au Gouvernement des Emirats arabes unis de lui apporter des réponses sur un certain nombre d'autres questions. Il serait souhaitable de savoir quelles ont été les incidences de la guerre du Golfe sur l'exercice des droits individuels et des libertés publiques. Le rapport du Département d'Etat des Etats-Unis pour 1993 indique en effet que les visas et les permis de résidence et de travail ont été supprimés pour des résidents d'origine palestinienne, iraquienne, jordanienne, yéménite et soudanaise. Selon le rapport d'Amnesty International pour la même année, des Iraquiens auraient en outre été arrêtés. Le Comité pourrait également demander si la liberté de conscience et d'opinion est effectivement protégée pour tous. Toujours selon le Département d'Etat des Etats-Unis, il y aurait, au sein du Ministère de l'information et de la culture, un département de la censure. Les médias pratiqueraient eux-mêmes une sorte d'autocensure. Amnesty International et le Département d'Etat des Etats-Unis évoquent par ailleurs le cas de 10 ressortissants indiens qui ont été arrêtés et condamnés à des peines de six ans de prison, suivies d'une expulsion, pour blasphème. Il leur était reproché d'avoir, au cours d'une représentation théâtrale, insulté l'Islam, Mahomet et Jésus-Christ. Un chrétien anglais aurait d'autre part été récemment arrêté et condamné pour prosélytisme.

46. Selon le Département d'Etat, les droits de réunion et d'association pacifique sont très restreints et il n'y a pas d'organisation interne de défense des droits de l'homme. Est-il exact, d'autre part, que le fait d'appeler des travailleurs à faire la grève constitue encore une infraction pénale ? La situation des personnels domestiques et des personnels de service suscite également des préoccupations. Les domestiques ne bénéficieraient d'aucune protection dans le cadre de la législation du travail et les femmes, notamment, seraient victimes d'abus.

47. Le Comité pourrait également demander au Gouvernement des Emirats arabes unis des précisions sur la manière dont s'organise la dualité juridictionnelle qui existe dans le pays entre, d'une part, les tribunaux de la charia, qui sont administrés par chaque Emirat, et, d'autre part, les tribunaux civils, qui relèvent du pouvoir fédéral, les uns et les autres étant compétents en matière civile et pénale. A cet égard, il serait intéressant de savoir quelles sont les améliorations apportées par le nouveau Code de procédure pénale.

48. En rappelant les points mentionnés plus haut et en posant ces nouvelles questions, il faudrait également demander au gouvernement de présenter son nouveau rapport en tenant compte des directives pertinentes. On pourrait aussi lui proposer l'assistance des services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme pour la préparation de son rapport, rapport que le Comité attend dans les meilleurs délais.

49. M. Garvalov (Président) reprend la présidence.

50. Le PRESIDENT remercie M. de Gouttes pour son analyse de la situation et dit que le Comité examinera ultérieurement le projet de recommandation générale qu'il établira sur la question.

DECISIONS PRISES PAR L'ASSEMBLEE GENERALE A SA QUARANTE-HUITIEME SESSION (point 5 de l'ordre du jour) (suite)

Propositions tendant à amender le règlement intérieur du Comité

51. Le PRESIDENT rappelle que le Comité est saisi de deux documents sur ce point : le premier (CERD/C/43/Misc.3), intitulé "Proposition tendant à amender le règlement intérieur du Comité en vue de mettre en oeuvre les mesures figurant dans le document de travail sur la prévention (CERD/C/1993/Misc.1/Rev.2)", est le résultat des travaux d'un groupe officieux coordonnés par M. de Gouttes; le second, sans cote, est une proposition d'amendement présentée par M. Banton.

52. M. de GOUTTES, présentant le premier document, rappelle que la proposition de modification qu'il présente vise, pour l'essentiel, à transposer dans le règlement intérieur du Comité les idées et recommandations figurant dans le document de travail du Comité sur la prévention de la discrimination raciale (CERD/C/1993/Misc.1/Rev.2). Les modifications proposées portent sur deux articles du règlement intérieur, l'article 67 et l'article 68. En ce qui concerne l'article 67, il est proposé de modifier le paragraphe 3 en le complétant sur deux points : il s'agit d'envisager pour le Comité la possibilité, d'une part, de demander des informations supplémentaires et, d'autre part, de prendre des mesures de suivi eu égard aux suggestions et recommandations formulées, en vue d'éviter que des problèmes de structure ne dégénèrent en conflits.

53. Il est proposé en outre d'ajouter à l'article 67 un nouveau paragraphe, le paragraphe 4, qui prendrait en compte le dispositif que le Comité a prévu pour les procédures d'intervention d'urgence. La possibilité est donc envisagée, pour le Président du Comité, agissant au nom des membres, de réunir les renseignements pertinents, même hors session, et d'en rendre compte au Comité. Il est prévu aussi la possibilité pour le Comité de désigner un de ses membres pour faire rapport sur la situation considérée. Il y a un point, dans ce nouveau paragraphe, dont les membres du Comité voudront peut-être discuter et qui concerne le membre de phrase figurant entre parenthèses. Faut-il conserver ce membre de phrase et, si oui, faut-il parler d'une "violation grave, massive ou constante" des dispositions de la Convention ou bien d'une "violation grave, massive et constante" ?

54. En ce qui concerne l'article 68, il est proposé là aussi d'ajouter un nouveau paragraphe, également pour prendre en compte les procédures nouvelles résultant du document de travail sur la prévention. Ce paragraphe 4 consisterait à dire que le Comité peut, dans le cadre d'une procédure d'intervention d'urgence, exprimer ses préoccupations et les adresser avec ses recommandations à trois types d'organes : à l'Etat partie intéressé, aux autres organes s'occupant des droits de l'homme qui ont compétence en la matière, et enfin au Secrétaire général de l'ONU pour qu'il porte lui-même la question à l'attention des mécanismes d'alerte rapide qui seraient établis, ou au Conseil de sécurité. C'est donc le Secrétaire général, et non le Comité directement, qui signalerait ces problèmes au Conseil de sécurité. Tel est, à grands traits, l'objectif du texte proposé.

55. Le PRESIDENT annonce que le Comité va d'abord examiner les propositions du document CERD/C/43/Misc.3 paragraphe par paragraphe, en commençant par celles qui concernent l'article 67, paragraphe 3, du règlement intérieur.

56. M. SONG estime que si un Etat partie ne s'est pas acquitté de certaines des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, il convient de lui faire des recommandations spécifiques. Il est donc d'avis de supprimer, à la cinquième ligne du paragraphe 3 proposé, l'expression "d'ordre général".

57. M. VALENCIA RODRIGUEZ fait observer que le membre de phrase "il peut demander à cet Etat de lui communiquer des renseignements supplémentaires", aux troisième et quatrième lignes du paragraphe 3 proposé, fait double emploi avec le membre de phrase "Le Comité peut demander à cet Etat de fournir des renseignements supplémentaires", qui figure dans le paragraphe 2 de l'article 67 du règlement intérieur actuel. Il propose donc de supprimer la première partie du paragraphe 3 proposé.

58. M. CHIGOVERA, pour sa part, estime qu'il faut conserver les deux phrases. En effet, le paragraphe 2 de l'article 67 actuel a trait au cas dans lequel un rapport présenté par un Etat partie à la Convention ne contient pas de renseignements suffisants : le Comité peut alors demander à cet Etat de fournir des renseignements supplémentaires. Le paragraphe 3, quant à lui, se rapporte au cas où le Comité, ayant examiné des rapports et des renseignements, parvient à la conclusion qu'un Etat partie ne s'est pas acquitté de certaines des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Il s'agit donc de deux situations différentes.

59. En ce qui concerne les "suggestions et recommandations d'ordre général" mentionnées à la quatrième ligne du paragraphe 3 proposé, M. Chigovera fait observer que le Comité peut faire de telles suggestions et recommandations sur la base du paragraphe 2 de l'article 9 de la Convention, et non sur la base de l'article 1 b). En effet, sur la base de l'article 1 b), le Comité peut seulement demander aux Etats parties quelles mesures ils ont arrêtées pour donner effet aux dispositions de la Convention.

60. M. DIACONU, contrairement à M. Song, est d'avis de maintenir, à la cinquième ligne du paragraphe 3 proposé, l'expression "d'ordre général", qui se trouve d'ailleurs dans la Convention (art. 9, par. 2). En effet, le Comité n'a pas à transmettre aux Etats parties des recommandations précises : ce serait aller trop loin.

61. A la première ligne du paragraphe 3 proposé, M. Diaconu trouve que le membre de phrase "à la suite de l'examen des rapports et des renseignements" n'est pas clair. De quels rapports, de quels renseignements s'agit-il ? Le libellé du paragraphe 3 existant de l'article 67, "à la suite de l'examen des rapports et des renseignements soumis par un Etat partie", est plus clair. Bien sûr, il se peut qu'il n'y ait aucun rapport ou renseignement soumis par l'Etat partie. Pourtant, même dans ce cas, le Comité prend pour point de départ le dernier rapport de l'Etat partie, si ancien soit-il, et tient compte aussi de renseignements émanant d'autres sources. C'est précisément ce que le Comité a fait au début de la présente séance. Pour la première ligne du paragraphe 3 proposé, un libellé possible serait le suivant : "Si, à la suite de l'examen des rapports de l'Etat partie et d'autres renseignements ...".

62. Par ailleurs, M. Diaconu trouve que le mot "décide" (deuxième ligne du paragraphe 3 proposé) est trop fort; il faudrait dire que le Comité "estime" ou "est d'avis que".

63. Enfin, M. Diaconu pense, comme M. Chigovera, qu'à propos des "suggestions et recommandations" (cinquième ligne du paragraphe 3 proposé) il faudrait se référer, non pas aux paragraphes 1 b) et 2 de l'article 9 de la Convention, mais seulement au paragraphe 2 de l'article 9.

64. Le PRESIDENT fait observer que dans le texte anglais du paragraphe 3 proposé comme du paragraphe 3 existant de l'article 67, le verbe employé à la deuxième ligne est "determines"; doit-il comprendre que M. Diaconu suggère de remplacer ce verbe "determines" par l'expression "is of the view" ?

65. M. DIACONU dit que c'est le mot "décide" (version française) qui lui paraît trop fort; en revanche, il n'a aucune objection à l'encontre du mot "determines" (version anglaise).

66. M. FERRERO COSTA se range à la proposition faite par M. Diaconu en ce qui concerne les "rapports et renseignements" dont il est question à la première ligne du paragraphe 3 modifié. Le nouveau libellé pourrait en être "Si, à la suite de l'examen des rapports présentés par l'Etat partie et d'autres renseignements examinés par le Comité". A la deuxième ligne, M. Ferrero Costa est d'avis de conserver le mot "determina" (version espagnole), qui correspond exactement au mot "determines" de la version anglaise. Il suffirait donc de trouver un mot équivalent pour la version française. M. Ferrero Costa est d'avis de conserver la demande de "renseignements supplémentaires" (quatrième ligne du paragraphe 3 proposé). En ce qui concerne la référence au paragraphe 1 b) de l'article 9 de la Convention, M. Ferrero Costa propose, non pas de la supprimer, mais de la déplacer : en effet, elle aurait sa place après la demande de "renseignements supplémentaires" (quatrième ligne) puisque c'est en vertu du paragraphe 1 b) de l'article 9 que le Comité est habilité à demander de tels renseignements; le membre de phrase suivant serait ainsi libellé : "il peut faire des suggestions et des renseignements d'ordre général conformément au paragraphe 2 de l'article 9 de la Convention", reprenant exactement le libellé du paragraphe 3 actuel de l'article 67.

67. Enfin, M. Ferrero Costa approuve la référence aux "mesures de suivi" (septième ligne du paragraphe 3 proposé), mais estime que le libellé proposé pour la fin de la phrase est doublement restrictif : le Comité ne pourrait prendre de mesures de suivi que s'il y a problèmes "de structure", et pour éviter qu'ils ne "dégénèrent en conflits". M. Ferrero Costa serait d'avis de supprimer ces deux limitations. On pourrait dire, par exemple, "... en vue d'éviter que des problèmes dégénèrent".

68. M. ABOUL-NASR fait observer, tout d'abord, que l'exercice auquel le Comité est convié est difficile : il s'agit de comparer les deux textes (existant et proposé) du paragraphe 3 de l'article 67 du règlement intérieur du Comité et de voir ce que le texte proposé apporte de nouveau, tout en ayant à l'esprit les articles pertinents de la Convention.

69. Certains des termes figurant dans le paragraphe proposé soulèvent des difficultés. Par exemple, M. Aboul-Nasr n'est pas sûr que le Comité puisse "prendre des mesures" (septième ligne du paragraphe proposé), le terme "mesures", dans la Charte, ayant un sens très précis. Le Comité ne peut que faire des recommandations et des suggestions. D'autre part, que sont les "problèmes de structure" mentionnés à la huitième ligne ?

70. De façon générale, M. Aboul-Nasr craint qu'il ne soit prématuré d'introduire, dans le règlement intérieur du Comité, des modifications pour tenir compte de procédures adoptées très récemment (alerte rapide, procédure d'urgence). Le risque est double : le Comité risque d'une part d'aller trop vite, d'autre part de s'enfermer dans des règles qui bientôt ne correspondraient plus aux besoins. Or un règlement intérieur ne peut être modifié trop fréquemment. M. Aboul-Nasr préférerait que le Comité acquière d'abord une certaine expérience des procédures en question; il sera toujours temps de modifier ensuite son règlement intérieur à titre définitif.

71. Le PRESIDENT précise qu'il n'a jamais eu l'intention de demander au Comité d'adopter les propositions dont il est saisi; à ce stade le Comité se borne à un échange de vues.

72. M. WOLFRUM remercie le Président pour cette dernière explication : le Comité ne fait qu'aborder l'examen des amendements proposés. M. Wolfrum serait, d'ailleurs, favorable à des modifications plus considérables encore du règlement intérieur, qui introduiraient des procédures telles que les missions de bons offices ou l'examen des plaintes relatives à des violations des droits de l'homme dans des cas spécifiques. Il pense, comme M. Aboul-Nasr, que le Comité ne doit pas modifier trop souvent son règlement intérieur et qu'il vaudrait donc mieux attendre pour le faire. Toutefois, M. de Gouttes et le groupe officieux ayant établi, à l'intention du Comité, des propositions tendant à amender les articles 67 et 68 du règlement intérieur, M. Wolfrum répondra à ces propositions.

73. Comme M. Chigovera, M. Wolfrum pense que le paragraphe 3 proposé pour l'article 67 n'est pas une simple répétition du paragraphe 2 existant du même article, les situations envisagées dans l'un et l'autre paragraphes étant différentes.

74. En ce qui concerne la première ligne du paragraphe 3 proposé, le deuxième libellé suggéré par M. Diaconu et le libellé, très semblable, suggéré par M. Ferrero Costa soulèvent une difficulté. En effet, aux termes de la Convention, l'Etat partie peut, lui aussi, fournir des renseignements. Par conséquent, le premier libellé énoncé par M. Diaconu ("à la suite de l'examen des rapports et des renseignements soumis par un Etat partie"), c'est-à-dire celui du paragraphe 3 actuel de l'article 67, est plus proche de la Convention. En fait, il faudrait dire : "Si, à la suite de l'examen des rapports et des renseignements soumis par un Etat partie et d'autres renseignements ...". C'est là une formulation un peu lourde, mais qui a au moins l'avantage d'exprimer exactement ce que le Comité veut dire. On pourra certainement lui donner un tour plus élégant.

75. Comme d'autres orateurs, M. Wolfrum serait d'avis de retenir l'expression "d'ordre général" après le mot "recommandations", à la cinquième ligne du paragraphe 3 proposé, pour rester, encore une fois, le plus près possible du texte de la Convention, laquelle prévoit au paragraphe 2 de l'article 9 "des suggestions et des recommandations d'ordre général".

76. Comme l'a dit M. Ferrero Costa, le verbe employé à la deuxième ligne du paragraphe 3 est "determines" en anglais et "determina" en espagnol, aussi bien dans le texte existant que dans le libellé proposé par le groupe officieux. M. Wolfrum serait d'avis de le conserver et d'en trouver l'équivalent exact pour la version française, le verbe "décider" ne convenant pas.

77. Enfin, M. Wolfrum souscrit entièrement à la proposition faite par M. Ferrero Costa de scinder la référence aux paragraphes 1 b) et 2) de l'article 9 de la Convention, puisque c'est en vertu du paragraphe 1 b) que le Comité peut demander des renseignements complémentaires aux Etats parties, tandis qu'il peut faire des suggestions et des recommandations d'ordre général en vertu du paragraphe 2 du même article.

78. M. van BOVEN rappelle que M. Aboul-Nasr a soulevé la question de savoir si le Comité doit au stade actuel modifier son règlement intérieur en disant très justement qu'un tel exercice était peut-être prématuré et qu'il vaudrait mieux y revenir plus tard en tenant compte de l'évolution qu'auront connue les pratiques du Comité. Au cours des dernières années, sans que le règlement intérieur le prévoie explicitement, le Comité a développé certaines pratiques; il a cependant respecté l'esprit de la Convention. Les modifications que le Comité a apportées à ses pratiques sont positives parce qu'elles répondent à des besoins. Il est difficile de déterminer si le Comité devrait adopter immédiatement des modifications de son règlement intérieur ou se donner plus de temps pour y réfléchir. Le Comité des droits de l'homme a apporté des modifications à son règlement intérieur l'année précédente. Les règlements intérieurs des deux comités étant étroitement liés à de nombreux égards, il serait intéressant de savoir quelles ont été ces modifications. Ceci ne veut pas dire que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale doive imiter fidèlement cet exemple.

79. En ce qui concerne la formulation précise de l'article 67, M. Chigovera a avec raison appelé l'attention du Comité sur les renseignements reçus de sources autres que les Etats parties. Le Comité utilise de tels renseignements et en tient compte pour élaborer certaines de ses constatations et conclusions. En le mentionnant dans le règlement intérieur, on ne ferait que confirmer la pratique suivie. Le paragraphe 3 de l'article 67 pourrait donc commencer par "Si, à la suite de l'examen des rapports des Etats parties ou d'autres renseignements reçus ...". Comme l'ont dit MM. Ferrero Costa et Aboul-Nasr, le libellé de la fin du paragraphe 3 n'est peut-être pas des plus appropriés. On pourrait peut-être utiliser une formule telle que "en vue d'éviter une détérioration de la situation dans l'Etat considéré".

80. M. VALENCIA RODRIGUEZ fait observer que la Convention est le seul instrument juridique qui impose des obligations aux Etats parties et bien évidemment au Comité. Selon le paragraphe 2 de l'article 9, le Comité peut faire des suggestions et des recommandations d'ordre général fondées sur l'examen des rapports et des renseignements reçus des Etats parties. En vertu de quelle disposition pourrait-on admettre dans le règlement intérieur que le Comité peut recevoir des informations n'émanant pas des Etats parties ? Il est certain que le Comité peut interpréter la Convention pour s'acquitter de ses fonctions, mais le paragraphe 2 de l'article 9 permet-il cette interprétation large ? Le Comité ne peut faire une interprétation distincte de celle qu'impose clairement et précisément la Convention. Il est vrai que, dans sa pratique, le Comité tient compte de renseignements provenant d'autres sources pour évaluer les rapports. M. Valencia Rodriguez approuve tout à fait les pratiques novatrices adoptées par le Comité. Elles représentent un progrès important et doivent être maintenues. En revanche, on ne peut introduire dans le règlement intérieur une interprétation qui s'écarterait manifestement d'une norme précise et catégorique de la Convention.

81. M. FERRERO COSTA, faisant référence à la dernière observation de M. Valencia Rodriguez, rappelle que la question dont débat le Comité a déjà fait l'objet d'une recommandation générale qu'il a adoptée à sa 925ème séance, le 13 août 1991. Le Comité y indiquait qu'en plus des renseignements transmis par les Etats parties, ses membres, en tant qu'experts indépendants, devaient pour l'examen des rapports avoir accès à toutes les autres sources d'information disponibles, tant gouvernementales que non gouvernementales. L'interprétation que donne M. Valencia Rodriguez de l'article 9 de la Convention est strictement littérale; d'autres membres sont pour une interprétation plus large et plus souple. Il est nécessaire de s'adapter à la réalité du monde actuel, et à la réalité du système des Nations Unies. Le recours à d'autres sources de renseignements pour l'examen des rapports est très important; il est généralement nécessaire et le Comité travaille sur cette base depuis plusieurs années. Il serait préoccupant que le Comité revienne à une interprétation littérale et restrictive qui serait contraire à toutes les réalités et aux besoins et aux pratiques qu'il suit depuis un certain temps.

82. M. ABOUL-NASR fait remarquer que le Comité a maintes et maintes fois traité de cette question depuis le début de ses travaux. L'article 9 de la Convention est très clair, comme l'a dit M. Valencia Rodriguez; il ne laisse pas de place à diverses interprétations. Quant à la pratique, il est vrai que le Comité peut accepter une interprétation plus large. M. Aboul-Nasr était au début favorable à une approche très dogmatique de l'interprétation de l'article 9, mais il appuie maintenant les pratiques novatrices adoptées par le Comité. Il utilise diverses sources d'information pour parfaire sa connaissance d'une situation, mais pas pour fonder une décision ou une recommandation. A cette fin, il se limite aux renseignements reçus des Etats parties. Une interprétation non dogmatique de l'article 9 est souhaitable, mais elle ne change pas la Convention. Une recommandation du Comité comme celle dont a parlé M. Ferrero Costa ne change pas non plus la Convention, et elle n'oblige pas les Etats parties à changer leur position sur cette interprétation. La recommandation mentionnée ne change rien non plus aux travaux préparatoires de la Convention; le Comité peut d'ailleurs s'y reporter pour voir sur quelle base l'article 9 a été rédigé. Du point de vue juridique M. Valencia Rodriguez a raison, mais sur le plan pratique le Comité a admis une interprétation plus large. Il n'est pas réellement nécessaire au stade actuel de définir cette interprétation et de modifier le règlement intérieur. Tout en appuyant la position de M. Valencia Rodriguez, M. Aboul-Nasr est d'accord pour que le Comité continue à recevoir des renseignements provenant d'autres sources que les Etats parties.

83. M. YUTZIS dit que le problème dont débat le Comité tient en partie à la distinction qui peut être faite entre l'esprit et la lettre de la Convention. Aux termes de l'article 9 de la Convention, le Comité peut demander des renseignements complémentaires à l'Etat partie. Dans l'esprit de l'article 9, ces renseignements font partie ou peuvent faire partie des éléments que pourra examiner le Comité. Les autres informations reçues peuvent être diverses et s'ajoutent aux renseignements donnés par l'Etat partie. Ceci, semble-t-il, devrait permettre de recourir à une interprétation qui ne serait pas trop restrictive.

84. Selon M. Yutzis, le type d'ambiguïté dont le Comité discute depuis déjà un certain temps existe déjà dans le texte actuel du règlement intérieur. La première phrase de l'actuel paragraphe 3 de l'article 67 du règlement intérieur commence par : "Si, à la suite de l'examen des rapports et des renseignements soumis par un Etat partie ..."; de quels renseignements s'agit-il ? Ayant plus de recul que ceux qui ont rédigé cet article, les membres du Comité peuvent envisager une modification du règlement intérieur. Il ne s'agit pas d'une modification de la Convention. Il semble que certains membres dramatisent la question. M. Yutzis ne voit pas d'inconvénient à ce que l'on dise, en suivant quasiment à la lettre le paragraphe 3 de l'article 67, "Si, à la suite de l'examen des rapports et de tous autres renseignements, le Comité décide ..." ou "Si, à la suite de l'examen des rapports et de tous autres renseignements demandés par le Comité, celui-ci décide ...". Le règlement intérieur et l'esprit de la Convention permettent d'établir une distinction entre l'examen des rapports et l'examen des renseignements.

85. Par ailleurs, la proposition de M. Aboul-Nasr, appuyée par M. Wolfrum, de ne pas se précipiter pour changer le règlement intérieur et de voir d'abord comment évoluent les pratiques du Comité paraît tout à fait appropriée.

86. Le PRESIDENT, parlant à titre personnel, dit qu'il est favorable à une interprétation large de la Convention. La pratique du Comité est également importante, il faut la respecter, continuer de la développer et la promouvoir. Si les membres arrivent à se mettre d'accord sur la question de savoir comment, dans quelle mesure et quand il faut modifier le règlement intérieur, ce sera un succès à l'actif du Comité.

87. M. de GOUTTES dit que le document qui a été distribué est un document préliminaire qui est à débattre et peut être modifié. MM. Aboul-Nasr et van Boven ont posé une importante question préalable : faut-il modifier le règlement intérieur ? M. Aboul-Nasr s'est demandé si ce n'était pas prématuré et s'il ne valait pas mieux attendre le développement des procédures d'urgence. Il a signalé un double risque qui était d'aller trop vite et de s'enfermer dans un texte qui plus tard ne répondrait pas aux nouvelles possibilités dégagées par le Comité. S'il y avait un risque d'aboutir à une situation où la marge de manoeuvre du Comité serait plus restreinte, il faudrait en effet éviter de modifier prématurément le règlement intérieur. Il ne faudrait pas que par le biais de l'examen du projet considéré on revienne sur ce qui semble avoir été accepté par consensus dans la recommandation adoptée par le Comité en ce qui concerne les sources d'information autres que les Etats parties. M. de Gouttes comprend les arguments de M. Valencia Rodriguez, qui fait une lecture littérale de la Convention, mais pense qu'il ne faut pas remettre en question ce consensus.

88. A l'inverse, on risque à trop attendre de voir se développer des pratiques qui ne seraient pas prévues dans le règlement intérieur ou qui pourraient même être contraires à celui-ci. Un argument légaliste pourrait être qu'il faut modifier le règlement intérieur pour que les pratiques du Comité ne soient pas contraires à celui-ci. M. de Gouttes est cependant convaincu qu'il faut faire preuve de souplesse et d'ouverture dans le débat. Il propose que le groupe de travail officieux qui a été chargé de la question mette au point un nouvel avant-projet en tenant compte des diverses propositions qui ont été faites par les membres du Comité. Le Comité pourrait ultérieurement reprendre le débat en fonction de l'évolution de ses pratiques.

89. M. Valencia Rodriguez a proposé de supprimer la référence aux renseignements supplémentaires parce qu'il en était déjà question au paragraphe 2 de l'article 67; on peut approuver cette proposition. Cependant, on pourrait aussi considérer que les renseignements supplémentaires mentionnés au paragraphe 3 viendraient s'ajouter aux renseignements supplémentaires demandés au titre du paragraphe 2.

90. M. Song a proposé de supprimer la référence à des recommandations "d'ordre général"; compte tenu des réactions de plusieurs membres du Comité, M. de Gouttes pense qu'il vaut mieux conserver cette expression qui figure dans le texte actuel du règlement intérieur.

91. M. Diaconu a proposé de modifier le mot "décide", mais M. de Gouttes hésiterait lui aussi à revenir sur la terminologie du texte actuel. M. Diaconu a aussi noté que la référence aux renseignements et rapports soumis par les Etats parties avait été abandonnée dans le nouveau paragraphe 3; c'est peut-être effectivement une simplification excessive. Il a aussi proposé d'ajouter une référence aux Etats parties après la mention des rapports. Le paragraphe 3 pourrait donc se lire comme suit : "Si, à la suite de l'examen des rapports des Etats parties et d'autres renseignements à sa disposition, le Comité décide ...". On reprendrait ainsi la terminologie figurant dans le texte actuel du règlement intérieur.

92. M. Ferrero Costa, soutenu par M. Wolfrum, a fait une bonne proposition tendant à mieux séparer les références au paragraphe 1 b) et au paragraphe 2 de l'article 9 de la Convention.

93. M. Aboul-Nasr a jugé inappropriés les termes qui suivent l'expression "mesures de suivi". D'autres termes auraient effectivement pu être envisagés. Cependant, il semble que l'expression employée peut notamment couvrir les missions de bons offices dont M. Aboul-Nasr s'étonnait qu'elles ne soient pas mentionnées. Peut-être faudra-t-il effectivement à un moment ou à un autre faire plus explicitement référence à la procédure de bons offices que le Comité a utilisée dans le cas de l'ex-Yougoslavie.

94. Le PRESIDENT annonce que le Comité poursuivra l'examen des propositions tendant à amender son règlement intérieur à sa séance de l'après-midi.

La séance est levée à 13 h 5.

-----

©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland