Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1102
7 août 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1102ème seance : Belarus. 07/08/95.
CERD/C/SR.1102. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Quarante-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1102ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 1er août 1995, à 15 heures.

Président : M. SHERIFIS
puis : M. GARVALOV

SOMMAIRE


Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les Etats parties conformément à l'article 9 de la Convention

Onzième, douzième et treizième rapports périodiques du Bélarus (suite)

Questions d'organisation et questions diverses (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour)

Onzième, douzième et treizième rapports périodiques du Bélarus (CERD/C/263/Add.4) (suite)

1. Sur l'invitation du Président, la délégation bélarussienne reprend place à la table du Comité.

2. Le PRESIDENT invite la délégation bélarussienne à répondre aux questions posées à la séance précédente par les membres du Comité.

3. M. IVANOU (Bélarus) fait tout d'abord observer que le document CERD/C/263/Add.4, quoique présentant le treizième rapport du Bélarus, constitue en pratique le premier rapport établi par la République du Bélarus depuis qu'elle est indépendante. Dès lors, il est évident qu'il ne correspond pas en tous points à l'attente du Comité, ainsi que certains de ses membres l'ont souligné à juste titre. De plus, la situation dont il est rendu compte dans ce document est en pleine évolution, de telle sorte que ce sont plutôt des orientations qui y sont décrites. Au stade actuel, le Bélarus s'efforce d'instaurer les meilleures relations avec les organisations internationales, si bien que les observations faites par les membres du Comité lui serviront également pour l'établissement de rapports destinés à d'autres organes.

4. Les membres du Comité ont posé un certain nombre de questions précises, dont plusieurs peuvent être regroupées. Ils ont tout d'abord relevé à juste titre que le rapport ne contient pas suffisamment d'informations concrètes, de statistiques, de données de synthèse. M. Ivanou s'efforcera de combler certaines lacunes du rapport, et communiquera au secrétariat une brochure publiée par le Ministère des affaires étrangères qui contient certains des renseignements statistiques demandés.

5. L'une des questions posées par plusieurs orateurs concernait la composition ethnique du Bélarus. D'après le recensement de 1994, le pays comptait 10,4 millions d'habitants à la fin de 1993. Les groupes ethniques, d'après ce recensement, se répartissaient comme suit : 78 % de Bélarussiens, 13 % de Russes, 4 % de Polonais, 3 % d'Ukrainiens, 1 % de Juifs et 1 % d'autres nationalités. A ce propos, une autre question a été posée, notamment par le Président, étant donné qu'il est dit dans le rapport que "Nul ne peut, sous quelque motif que ce soit, exiger d'un citoyen bélarussien qu'il fasse état de son appartenance nationale, ni de vive voix, ni par écrit" et que "Nul ne peut contraindre un citoyen à justifier de son appartenance nationale" : dès lors, a-t-on demandé, comment est-il possible de déterminer que telles personnes appartiennent à telle minorité nationale ? Il est vrai que nul ne peut être contraint d'indiquer quelle est son appartenance nationale, mais cela n'est pas non plus interdit et les citoyens peuvent juger bon de spécifier celle-ci. C'est à partir des données qu'ils ont bien voulu communiquer qu'il a été possible de procéder à une analyse statistique et d'établir les chiffres qui viennent d'être cités.

6. Se référant à la loi sur les langues au Bélarus, M. Diaconu a demandé si le système scolaire fonctionnait conformément aux dispositions de cette loi et notamment s'il existait des manuels et autres matériels pédagogiques dans les langues nationales. Le système scolaire bélarussien est effectivement en conformité avec cette loi, mais il faut bien reconnaître qu'à l'heure actuelle, les pouvoirs publics n'ont pas suffisamment de moyens pour l'appliquer pleinement; en particulier, ils ont du mal à financer l'élaboration de matériel pédagogique dans les langues nationales et l'ouverture d'écoles. Au Bélarus, 90 % des écoles dispensent leur enseignement en biélorusse ou en russe. Des écoles où l'enseignement est dispensé en polonais et en hébreu ont récemment été ouvertes. La plupart des manuels scolaires en polonais et en hébreu sont soit fournis par les communautés intéressées, soit importés.

7. Des données statistiques ont été demandées sur la représentation des minorités nationales au sein des différents organes élus, qu'il s'agisse du Parlement ou des collectivités locales. M. Ivanou regrette de ne pas disposer de chiffres précis, qu'il est difficile d'obtenir pour les raisons déjà évoquées. Depuis son accession à l'indépendance, la République du Bélarus a vu une multitude de partis se créer; le phénomène a été très rapide et, avec 35 partis politiques, le Bélarus est désormais l'un des pays d'Europe et même du monde qui en compte le plus grand nombre par rapport au nombre d'habitants. Il est à noter qu'aucun de ces partis politiques ne repose sur un programme à caractère purement national; le Bélarus est un pays de tolérance où priorité est accordée aux questions économiques, sociales et politiques, et non aux questions ethniques.

8. Plusieurs membres du Comité, et notamment M. Diaconu, se sont intéressés à l'accord d'octobre 1992 sur les questions liées au rétablissement dans leurs droits des personnes, minorités nationales et peuples déplacés de force. Au Bélarus, il n'y a pas eu de cas de répression et de déplacements massifs de populations en fonction de leur origine ethnique ou nationale car contrairement à ce qui se passait dans d'autres pays, et notamment en Crimée, il n'y avait pas sur son territoire de groupes ethniques importants regroupés en un même lieu. Dès lors, on ne dispose pas de statistiques fiables sur les mesures de déportation qui auraient frappé les membres des différents groupes ethniques durant les années de répression. Si le Bélarus a signé l'accord susmentionné, c'est uniquement pour manifester sa volonté politique de venir en aide à tous ceux qui ont souffert pendant ces années; il est résolu à faire de son mieux pour apporter son assistance à toutes les victimes de la répression, qu'elles aient été déplacées ou non; mais les cas de déportation au Bélarus ont été très isolés. A ce propos, M. Ivanou rappelle que son pays continue toujours de souffrir des effets de la catastrophe de Tchernobyl dont les conséquences médicales, sociales et psychologiques continuent de se faire durement sentir près de dix ans après. Les deux tiers du territoire bélarussien ont été touchés, ce qui a provoqué, notamment au début des années 90, une grande inquiétude dans la population et des mouvements migratoires qui auront des répercussions à long terme. Un programme comportant notamment la construction de nouveaux logements a été mis en place.

9. M. Diaconu a aussi demandé si les organisations prônant la discrimination raciale sont interdites au Bélarus : c'est effectivement le cas, puisque aucune organisation de propagande raciste et d'incitation à la haine raciale ne pourrait être agréée. D'après ce que l'on sait, aucune organisation bélarussienne de ce type n'a demandé à l'être ou n'a été active dans le pays. Mais M. Diaconu a eu parfaitement raison de faire observer qu'il faudra veiller à ce que la législation nationale soit bien conforme aux dispositions de l'article 4 de la Convention.

10. Plusieurs orateurs, et notamment M. Banton, se sont intéressés aux activités du conseil social des minorités nationales et se sont interrogés sur la mission qui lui a été confiée, consistant à dépolitiser les organisations sociales. La délégation bélarussienne se propose de communiquer au secrétariat des documents concernant les activités de ce conseil, constitué de représentants de différentes institutions dont se sont dotées les minorités nationales. Le but recherché en "dépolitisant" celles-ci est de veiller à ce que, dès lors qu'une institution quelconque se fixe des objectifs politiques, elle se conforme aux exigences de la loi sur les partis politiques. Les institutions auxquelles s'intéresse ledit conseil sont celles qui s'occupent de développement culturel et de questions sociales et économiques.

11. Répondant aux questions posées par M. Wolfrum, M. Ivanou précise qu'aucun parti politique n'est représenté au conseil social des minorités nationales susmentionné, puisque, ainsi qu'il a déjà été dit, il n'existe pas au Bélarus de parti politique constitué sur des bases nationales ou ethniques. Pour ce qui est des relations bilatérales qu'entretient le Bélarus avec d'autres pays en matière culturelle, il faut souligner que les accords de coopération évoqués dans le rapport ont tout d'abord été conclus avec des pays voisins : Ukraine, Lituanie, Pologne. Depuis l'établissement du rapport, un accord a aussi été conclu avec la Fédération de Russie et un accord avec la Lettonie est en préparation. D'autres ont été conclus avec des pays qui ne sont pas des voisins immédiats du Bélarus, telle la Slovaquie. En tout, ce sont plus d'une dizaine d'accords bilatéraux de coopération culturelle qui ont été signés, essentiellement avec des pays européens. M. Wolfrum s'est également intéressé aux règles applicables en matière d'octroi de la citoyenneté. La délégation bélarussienne transmettra des documents au secrétariat à ce sujet. Les démarches en vue de l'obtention de la citoyenneté bélarussienne ont été beaucoup simplifiées et se fondent sur le principe de la réciprocité. Toute personne souhaitant obtenir la citoyenneté bélarussienne peut, à l'étranger, s'adresser à un consulat ou, au Bélarus, approcher les services compétents du Ministère de l'intérieur. Après examen de la demande, c'est le Conseil suprême de la République qui prend une décision. Aucune condition n'est exigée en ce qui concerne, par exemple, la langue parlée par l'intéressé. A ce sujet, il est à noter qu'à la suite du référendum qui a eu lieu en mai 1994, il existe désormais deux langues officielles ayant exactement le même statut au Bélarus, à savoir le biélorusse et le russe. M. Ivanou ne connaît pas de cas où la citoyenneté bélarussienne aurait été refusée pour des motifs d'ordre linguistique.

12. En réponse à une question de M. Valencia Rodriguez, M. Ivanou confirme que le tribunal constitutionnel a le pouvoir d'invalider toute législation qui serait contradictoire avec un instrument international ratifié par le Bélarus. Il est vrai que jusqu'à présent le tribunal constitutionnel n'a pas eu l'occasion de le faire, ce qui laisse à penser que lorsqu'il rédige des textes de loi, le législateur tient le plus grand compte des dispositions du droit international. Par ailleurs, il est à noter que le pouvoir judiciaire bélarussien est totalement à l'abri d'éventuelles pressions ou tentatives d'ingérence. M. Valencia Rodriguez et d'autres membres du Comité se sont enquis de l'application de l'article 71 du Code pénal bélarussien. Il est vrai que l'on peut s'étonner de voir qu'aucune procédure pénale pour infraction à cet article n'a été engagée au Bélarus pendant la période considérée; mais cela peut fort bien s'expliquer par l'esprit de tolérance qui règne dans le pays. Il serait évidemment naïf de supposer que les actes ou menées visés par l'article 71 sont totalement inconnus au Bélarus; mais ils ne sont certainement pas courants et il semble qu'aucun organisme international, et notamment aucun organe conventionnel, n'a jamais été saisi d'incidents de ce genre, qu'ils soient le fait de l'Etat, de l'administration ou de simples fonctionnaires. La liste d'associations fournie à la page 15 du rapport s'est beaucoup allongée depuis la rédaction de celui-ci. Au 29 juin 1995, 16 associations figuraient déjà au registre et la délégation bélarussienne se propose de communiquer très prochainement au secrétariat des informations sur leurs activités. Ces détails n'ont pas été inclus dans le rapport afin de ne pas alourdir celui-ci inutilement.

13. Le représentant du Bélarus exprime ensuite son désaccord avec les observations de M. de Gouttes, qui s'est fondé sur un rapport émanant des Etats-Unis d'Amérique, notamment pour ce qui a trait à l'application de l'article 4 de la Convention. Il ajoute que l'étude des questions relatives à la discrimination raciale est incluse dans les programmes scolaires et que les enseignants reçoivent une formation dans ce domaine.

14. En réponse à la question de Mme Sadiq Ali concernant le nombre de cas d'internement en hôpital psychiatrique, M. Ivanou dit qu'il ne peut fournir de chiffres officiels, étant donné qu'il n'existe pas encore au Bélarus de services statistiques appropriés. Il signale aussi que la construction de logements occupe une place hautement prioritaire dans le programme économique et social national et que ce secteur bénéficie d'un financement important. S'agissant de la formation des fonctionnaires de police et du personnel judiciaire, M. Ivanou indique que des cours spéciaux sont prévus à cet effet mais qu'ils n'ont pas encore été dispensés car il ne s'est pas produit, à ce jour, de cas de discrimination raciale dans lequel la police aurait été impliquée.

15. Répondant aux questions posées par M. Song Shushua, M. Ivanou indique qu'en règle générale, des dispositions administratives sont appliquées à l'encontre de tout groupe ou organisation ayant commis des actes qui ne relèvent pas du Code pénal. Quant à l'expression "aptes à travailler", elle désigne les aptitudes physiques des individus. D'autre part, il est vrai que l'aspect préventif de l'article 71 du Code pénal n'a pas été suffisamment mis en avant dans le rapport et dans l'article lui-même. Cela s'explique par le fait que la République du Bélarus n'a pas eu à l'appliquer car il ne s'est produit aucun cas de violation du principe qui y est énoncé.

16. Revenant sur la question de la représentation des minorités ethniques ou des régions, M. Ivanou précise que le système des quotas n'existe pas au Bélarus. Il existait des quotas pour tout du temps de l'ancien régime soviétique, ce qui donnait un ensemble rigide et pesant qui a laissé un mauvais souvenir à la population. Dans la situation actuelle, un tel système ne serait pas judicieux. De plus, la représentation des minorités ethniques serait difficile à assurer dans la pratique en raison de leur dispersion.

17. S'adressant à M. Chigovera qui a demandé comment était appliqué l'article 4 de la Convention relatif à l'interdiction des organisations racistes, M. Ivanou dit qu'il n'y a eu aucun cas d'interdiction d'une organisation de ce genre. Par ailleurs, il a déjà expliqué que les organes judiciaires sont indépendants et prennent leurs décisions conformément à la loi.

18. Concernant la question de M. Sherifis sur l'évolution de la situation au Bélarus depuis le dixième rapport, M. Ivanou peut dire qu'il y a lieu d'être optimiste, compte tenu des améliorations enregistrées en dépit des difficultés économiques que connaît le pays. Les objectifs fixés dans les années 80 n'ont peut-être pas été atteints mais il s'agit d'un processus progressif qui se déroulera conformément à la législation et en tenant compte des réalités.

19. M. van Boven a demandé des informations sur le financement des organisations culturelles. M. Ivanou précise à son intention que les subventions sont accordées de façon indépendante et objective, sur la base de l'examen des demandes. Pour ce qui est de la participation du Bélarus aux dépenses du Comité, la délégation transmettra la question au Bélarus en espérant qu'elle sera examinée avec beaucoup d'attention. M. Aboul-Nasr a souhaité pour sa part connaître la position du Bélarus à l'égard du conflit en Bosnie-Herzégovine. Le Bélarus espère que cette situation complexe sera réglée pacifiquement dans le respect des droits et des libertés fondamentales des personnes concernées.

20. M. Ivanou remercie par ailleurs M. Rechetov de ses observations sur les délais de présentation du rapport du Bélarus, dans lesquelles il a rappelé que ledit rapport portait sur la période de 1988 à 1994 et il l'assure que le Bélarus tiendra compte de ses remarques et suggestions dans ses prochains rapports.

21. En réponse à M. Banton qui a demandé s'il existait au Bélarus des organisations intégrationnistes multiethniques, M. Ivanou indique que certaines organisations, dont il cite un exemple, regroupent des représentants des différents groupes ethniques et s'attachent à développer la connaissance de l'histoire, des coutumes et des traditions de l'ensemble de la République et de ses différents groupes. La question de l'intégration a été évoquée au cours des préparatifs de la Conférence de Beijing sur les femmes. Il est intéressant de savoir que le comité organisateur au Bélarus est composé de représentants des minorités nationales et reçoit de l'Etat un appui financier important.

22. Malheureusement, le représentant du Bélarus ne peut pas fournir à M. Shahi les données chiffrées qu'il souhaiterait obtenir, en réponse à ses différentes questions. Comme il l'a déjà expliqué, les statistiques voulues ne sont pas disponibles en raison de la situation générale difficile que connaît le Bélarus.
23. Le PRESIDENT remercie le représentant du Bélarus pour les renseignements qu'il a fournis en réponse aux questions posées par les membres du Comité et il invite ces derniers, s'ils le souhaitent, à lui poser des questions complémentaires.

24. M. de GOUTTES reconnaît tout d'abord que les questions religieuses ne relèvent pas directement du mandat du Comité. Néanmoins, comme la loi du 17 décembre 1992 relative à la liberté de religion a été citée dans le rapport du Bélarus où il est dit que les communautés juives, musulmanes et autres pratiquent librement leur religion, il se permet de demander quelles sont les "autres" communautés en question.

25. M. IVANOU (Bélarus) répond qu'il s'agit des communautés chrétiennes, dont les Adventistes du septième jour et les baptistes, autres que la communauté orthodoxe.

26. M. DIACONU estime que le représentant du Bélarus a fourni aux membres du Comité des réponses subtantielles et exhaustives, ce qui prouve que le rapport écrit de l'Etat partie aurait pu être beaucoup plus complet. Il relève la sincérité et la franchise du représentant du Bélarus qui, par exemple, a reconnu que le Bélarus n'est pas encore en mesure d'ouvrir assez d'écoles et de publier des manuels scolaires dans les langues des minorités ou encore d'établir des données statistiques suffisantes. Il fait observer que la question de M. Wolfrum sur la citoyenneté ne portait pas sur la façon dont celle-ci est accordée à l'heure actuelle mais sur la façon dont elle a été accordée à tous les citoyens du Bélarus lorsque ce nouvel état s'est constitué. M. Diaconu croit savoir qu'elle a été accordée à tous sans discrimination aucune, à la différence d'autres nouveaux Etats issus de l'ex-URSS qui ont imposé divers critères linguistiques ou de résidence par exemple, mais il souhaiterait en avoir la confirmation.

27. D'autre part, s'il est vrai que la question de la représentation politique est à la fois simple et compliquée, il est toutefois trop facile de dire que dans la mesure où les citoyens ne sont pas obligés de déclarer leur nationalité, il est impossible de fournir des données précises sur la représentation des minorités dans les organes élus. L'Etat doit faire en sorte de garantir l'accès des minorités à la fonction publique et assurer leur représentation dans les organes de l'Etat. On peut par exemple leur réserver des places d'office ou veiller à ce que des membres des minorités soient élus dans des organes représentatifs. M. Diaconu reconnaît néanmoins qu'il faut du temps pour voir comment fonctionne le système et juger ses résultats. Cela étant, une représentation politique est indispensable pour assurer la participation de tous à la vie politique du pays.

28. M. Diaconu note aussi avec satisfaction que le Bélarus se réfère à l'article 4 de la Convention pour contrôler s'il existe des lacunes dans la législation nationale et, le cas échéant, pour tenter de remédier à ses insuffisances. Il se félicite enfin de la qualité du dialogue qui s'est instauré entre le Comité et le Bélarus.

29. M. WOLFRUM relève la qualité des informations fournies aux membres du Comité par le représentant du Bélarus. Evoquant une question qui a déjà été posée par plusieurs membres du Comité concernant la dépolitisation des organisations sociales, il rappelle que, dans sa réponse, le représentant du Bélarus a indiqué que pour le Gouvernement bélarussien si un groupe a des objectifs politiques, il devrait se comporter en parti politique. Cela signifie-t-il que la loi bélarussienne autorise les partis politiques constitués sur des bases ethniques comme il en existe par exemple au Danemark et en Allemagne ?

30. Par ailleurs, M. Wolfrum aimerait savoir si seuls les citoyens ont le droit "de créer des groupements, associations et sociétés à vocation culturelle ainsi que des maisons nationales de la culture". A ce sujet, il voudrait savoir quelle est la différence entre les citoyens qui appartiennent à des nationalités et ceux qui appartiennent à des groupes ethniques et quelles sont les définitions légales de la nationalité et du groupe ethnique. Ces définitions entraînent-elles des différences sur le plan des droits des personnes ?

31. En ce qui concerne le secteur de la culture, M. Wolfrum souhaiterait avoir des précisions sur le contenu des accords de coopération culturelle, au nombre apparemment d'une dizaine, que le Bélarus a conclus avec des pays voisins et sur les droits qu'ils garantissent. Concernent-ils uniquement les droits culturels et ont-ils un rapport avec l'identification des nationalités ?

32. M. ABOUL-NASR juge très importante la question de M. Wolfrum sur l'existence de partis politiques constitués sur des bases ethniques. Le Comité devrait peut-être examiner ce phénomène pour en peser les avantages et les inconvénients en vue de déterminer si de tels partis politiques sont acceptables, eu égard à la Convention. Pour sa part, il pense que ce type de parti ne peut que créer de nouveaux problèmes. Il importe donc que le Comité examine cette question plus avant.

33. M. Aboul-Nasr précise par ailleurs à propos de sa question sur le conflit en ex-Yougoslavie que son but, en la posant, n'était pas de connaître la position du Gouvernement bélarussien concernant le règlement de ce conflit mais de savoir comment il réagissait face aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité commis dans ce pays. Le Bélarus les a-t-il condamnés et est-il disposé à coopérer avec la communauté internationale ?

34. Le PRESIDENT dit qu'il fera en sorte que le Comité ait du temps à la fin de la session pour examiner la question de savoir si la Convention autorise les Etats parties à permettre la création de partis politiques sur des bases ethniques. C'est un point important sur lequel le Comité doit prendre clairement position.

35. M. RECHETOV, reprenant la question soulevée au sujet des internements psychiatriques abusifs, précise qu'elle a été éclaircie pour l'URSS, en 1989. On a constaté cette année-là que de tels internements avaient bien eu lieu, notamment à Kazan, mais pas au Bélarus.

36. En ce qui concerne la représentation des divers groupes ethniques dans les organes de décision de l'Etat, M. Rechetov pense, pour sa part, que s'il est en effet utile de fixer des quotas pour le Groenland, qui est situé fort loin du Danemark, une telle mesure ne s'impose pas au Bélarus où les divers groupes ethniques et nationaux vivent dans l'harmonie, sans se préoccuper de savoir qui est juif, tzigane ou autre. A ce propos, M. Rechetov suggère au Comité de s'interroger sur l'utilité de poser aux délégations des pays des questions sur la représentation des groupes nationaux dans les organes de décision de l'Etat, car elles peuvent apparaître comme des critiques à ceux où la liberté d'appartenir à tel ou tel groupe est totale, comme le Bélarus. La question qui exige une grande vigilance de la part des Etats et du Comité est, comme l'a dit M. Garvalov, celle de l'accaparement d'un groupe par un parti politique qui prétendrait parler en son nom. Le Comité, qui n'a pas encore arrêté sa position là-dessus, doit mener une réflexion approfondie sur ce point. M. Rechetov se félicite de l'esprit constructif dont la délégation bélarussienne a fait preuve dans ses réponses.

37. M. de GOUTTES, précisant la question qu'il a posée précédemment, demande s'il y a au Bélarus des conflits religieux, latents ou ouverts, et s'il existe un lien entre conflits religieux et conflits ethniques. Il donne lecture de passages d'un article paru dans Le Monde sur ces conflits en Europe orientale et centrale, dans lequel il est question d'une "imbrication étroite [dans l'ancien empire soviétique] des données nationales, ethniques et religieuses" et de "la résurgence des nationalismes, ..., l'affaiblissement d'églises persécutées par les dictatures communistes [qui] réveillent, du sud à l'est de l'Europe, tensions et utopies". M. de Gouttes demande au représentant du Bélarus son avis sur cette question à la lumière de la situation dans ce pays, si toutefois de telles tensions existent. Il propose que le Comité étudie ces corrélations entre tensions religieuses et tensions ethniques.

38. Le PRESIDENT dit que les vues exposées dans le journal Le Monde sont d'ordre général; elles ne s'appliquent qu'à certains pays d'Europe centrale et orientale.

39. M. van BOVEN précise que la question qu'il a posée au représentant du Bélarus sur l'appui fourni aux groupes ethniques et nationaux pour maintenir leur culture ne portait pas sur l'éventuel contrôle qui pouvait être exercé sur l'utilisation de cette aide, encore qu'il soit justifié. Il voulait savoir si les subventions étaient données à ces divers groupes sans discrimination.

40. Il demande à nouveau quelle est la position du Bélarus vis-à-vis de l'article 14 de la Convention, dont les dispositions ont été acceptées par plusieurs pays de la région.

41. M. ABOUL-NASR rejoint M. de Gouttes sur la nécessité d'étudier l'éventuelle corrélation entre race et religion, car on constate effectivement une confusion entre l'une et l'autre dans presque tous les rapports qui parviennent des pays d'Europe orientale et centrale. Dans ces pays, des citoyens se déclarent de race musulmane, par exemple, or l'Islam n'est pas une race.

42. Quant à la question de M. van Boven à propos de l'article 14 de la Convention, M. Aboul-Nasr déclare, même s'il est seul de son avis, qu'elle n'a pas à être posée. Les dispositions de cet article sont facultatives et l'on ne saurait juger qu'un Etat est "bon" ou "mauvais" sur le simple fait qu'il a ou n'a pas fait la déclaration prévue dans cet article.

43. Le PRESIDENT rappelle que lorsqu'un expert s'exprime, il parle en son nom propre et que les vues du Comité dans son ensemble font toujours l'objet d'un accord préalable entre ses membres et sont exprimées par le Président ou par un expert mandaté pour ce faire.

44. M. ABOUL-NASR rétorque, qu'à l'occasion le Comité exprime dans son rapport annuel sa préoccupation devant le fait que tel ou tel pays ne paraît pas disposé à accepter l'article 14, et prend même des décisions demandant à ces pays de le faire. Cette pratique est répréhensible.

45. M. van BOVEN dit qu'aussi bien l'Assemblée générale que la Conférence de Vienne sur les droits de l'homme ont demandé aux Etats Membres de faire la déclaration prévue dans cet article et qu'il est donc soutenu par les plus hautes autorités.

46. M. RECHETOV pense que, malgré l'intérêt qu'elles présentent d'un point de vue général, il n'y aura pas lieu de tenir compte dans les conclusions des interventions de MM. Aboul-Nasr et de Gouttes, car le Comité fausserait ainsi le tableau de la situation au Bélarus.

47. M. WOLFRUM n'est pas tout à fait de cet avis. Il conviendrait, selon lui, de se contenter de mentionner les points de vue de ces deux experts, car il est indéniable que l'appartenance religieuse est pour beaucoup de gens un élément très fort d'identification, y compris ethnique; elle peut donc être source de discrimination et le Comité ne peut l'ignorer, même si le Bélarus n'y accorde pas d'importance. D'ailleurs, dans sa recommandation générale VIII, le Comité spécifie que l'identification d'un individu "doit ... être fondée sur la manière dont s'identifie lui-même l'individu concerné".

48. M. DIACONU pense, comme M. Wolfrum, que le Comité doit se préoccuper de la façon dont les citoyens des divers groupes religieux sont traités dans la mesure où leur appartenance religieuse est un élément de leur ethnicité.

49. M. IVANOU (Bélarus) remercie les membres du Comité pour les nombreuses observations qu'ils ont formulées au cours du débat et qui permettront au Bélarus de mieux rédiger son quatorzième rapport périodique et tous les documents destinés aux organisations internationales. Il serait bon que le Comité fasse parvenir au Bélarus des informations sur la représentation des minorités nationales au sein des organes de décision de l'Etat et des recommandations en la matière qu'il pourrait suivre lors de la révision de sa législation nationale.

50. S'adressant à M. Diaconu, M. Ivanou dit qu'en effet l'octroi de la citoyenneté bélarussienne ne tient pas compte des particularités ethniques et linguistiques. En réponse aux questions de M. Wolfrum, il dit que la législation existante autorise la création de partis politiques sur des bases ethniques. Toutefois, cette situation ne s'est jamais produite au Bélarus. Il précise également qu'il n'existe pas de différence au Bélarus entre les groupes nationaux ou ethniques. Certains citoyens du Bélarus se regroupent en associations ou organisations fondées sur des particularités nationales ou ethniques dans le seul but de pouvoir bénéficier de l'appui de l'Etat.

51. M. Ivanou remercie M. Rechetov d'avoir appelé l'attention de la délégation bélarussienne sur l'importance des statistiques sociales et il espère que le prochain rapport du Bélarus comprendra des statistiques plus étoffées dans ce domaine. M. Rechetov a partiellement répondu à la question de M. de Gouttes sur l'existence de conflits latents fondés sur des questions religieuses ou ethniques. M. Ivanou ne peut heureusement pas établir de corrélation entre les conflits religieux et ethniques au Bélarus puisque son pays ne connaît pas de tels conflits et il ose espérer qu'il n'en connaîtra pas à l'avenir.

52. Le PRESIDENT félicite la délégation bélarussienne d'avoir engagé un dialogue constructif avec le Comité et il l'assure de l'entière coopération de celui-ci à l'avenir. Le Comité a ainsi conclu la première partie de l'examen du treizième rapport périodique du Bélarus.

53. La délégation bélarussienne se retire.

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l'ordre du jour) (suite)

54. Le PRESIDENT informe les membres du Comité que la réunion commune du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités aura lieu le mardi 8 août 1995 à 15 heures. Y seront invités le Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme, M. Ibrahima Fall, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et l'intolérance qui y est associée, et les organisations non gouvernementales qui suivent les travaux du Comité et de la Sous-Commission. Ces dernières ne pourront toutefois pas prendre la parole. Les membres du Comité et de la Sous-Commission auront quant à eux un temps de parole limité à cinq minutes. Les orateurs devront s'attacher à émettre des suggestions sur les mesures à prendre pour combattre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance. Cette réunion sera axée sur la troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale et sur le projet de conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale et ethnique, la xénophobie et d'autres formes contemporaines d'intolérance qui y sont associées. Le Comité préparera un texte à l'intention des membres de la Sous-Commission pour les familiariser avec les principales priorités du Comité. Pour sa part, la Sous-Commission distribuera un document de travail renfermant des propositions pour un programme global de prévention de la discrimination et de protection des minorités, rédigé par M. Asbjørn Eide (E/CN.4/Sub.2/1994/36 et Corr.1). Sans vouloir paraître trop optimiste, le Président se réjouit de cette première étape dans la coopération entre le Comité et la Sous-Commission.

55. M. ABOUL-NASR dit qu'il ne veut pas jouer les trouble-fêtes ni paraître cynique mais il s'interroge sur l'utilité et l'issue de cette réunion commune. Il aimerait savoir si la presse sera convoquée et si cette réunion donnera lieu à un communiqué conjoint des deux organes.

56. Le PRESIDENT dit qu'à l'issue de la réunion commune les Présidents du Comité et de la Sous-Commission rédigeront une déclaration commune contenant des propositions concrètes, qui sera ensuite adoptée respectivement par chaque organe.

57. M. FERRERO COSTA se dit satisfait de l'organisation de cette réunion commune du Comité et de la Sous-Commission qui doit s'inscrire dans le cadre d'un processus de coopération entre les divers mécanismes de protection des droits de l'homme. Il serait bon de coordonner à l'avenir les deux thèmes suivants : d'une part, la troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, d'autre part, la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale et ethnique, la xénophobie et d'autres formes contemporaines d'intolérance qui y sont associées. La réunion commune est utile puisqu'elle permettra à la Sous-Commission de mieux connaître les activités du Comité. M. Ferrero Costa partage toutefois les préoccupations de M. Aboul-Nasr; il espère que la réunion donnera des résultats concrets.

58. M. WOLFRUM a des doutes quant au résultat de cette réunion dans la mesure où le Comité ne s'y est pas réellement préparé. Il rappelle que dans sa résolution 1994/2 la Sous-Commission a "noté avec une vive préoccupation que, en dépit des efforts de la communauté internationale, les deux Décennies de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale n'ont pas atteint leurs principaux objectifs et que des millions d'êtres humains continuent de nos jours encore d'être victimes de diverses formes de racisme et de discrimination raciale et ethnique". Il craint que la Sous-Commission n'adopte le même texte en remplaçant les mots "la deuxième Décennie" par les mots "la troisième Décennie". M. Wolfrum a l'impression que l'on commence à se lasser de ces décennies et de ces conférences (comme la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, le Sommet mondial pour le développement social ou la Conférence mondiale sur les femmes) qui ne donnent lieu qu'à de nombreuses déclarations pompeuses. La question de la discrimination raciale est trop importante pour faire l'objet d'une déclaration de ce genre. Il serait peut-être préférable que les deux présidents du Comité et de la Sous-Commission rédigent une déclaration commune sur un sujet d'actualité, par exemple sur la Bosnie-Herzégovine, le Rwanda ou le Burundi. Le Comité a pour tâche avant tout d'examiner les rapports des Etats parties à la Convention. Il pourrait certes consacrer un peu de son temps à promouvoir l'idée de la lutte contre la discrimination raciale mais tel n'est pas son mandat. M. Wolfrum constate qu'à ce jour les grandes conférences sur les droits de l'homme organisées par les Nations Unies n'ont pas donné de résultats concrets et que ces conférences sont donc une perte de temps.

59. Le PRESIDENT dit qu'il ne peut pas être totalement en désaccord avec M. Wolfrum. Il reconnaît que les choses n'avancent pas toujours aussi vite que les membres du Comité le souhaiteraient et qu'une certaine lassitude s'installe. Toutefois, tant que les problèmes ne sont pas réglés il importe que le Comité poursuive son combat pour parvenir à des résultats concrets. Le Président espère que les Etats Membes de l'Organisation des Nations Unies s'efforcent tous, au niveau national, de protéger les droits de l'homme et de les faire respecter. L'idée, suggérée par M. Wolfrum, de se pencher sur un cas spécifique, serait certes à envisager, mais ce qui importe avant tout c'est que cette réunion commune ait lieu et il appartient en particulier aux membres du Comité de faire en sorte qu'elle soit un succès.
La séance est levée à 17 h 30.
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