Distr.

GENERALE

CCPR/C/SR.1706
16 décembre 1998


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1706ème séance : Belgium. 16/12/98.
CCPR/C/SR.1706. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME


Soixante-quatrième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1706ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le jeudi 22 octobre 1998, à 10 heures

Présidente : Mme CHANET

puis : M. EL SHAFEI

puis : Mme CHANET



SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique de la Belgique


La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/94/Add.3; CCPR/C/64/Q/BEL/1)

1. Sur l'invitation de la Présidente, M. Noirfalisse, Mme Fostier, M. Debrulle, M. Janssen et Mme Vermeulen (Belgique) prennent place à la table du Comité.

2. La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation belge et l'invite à présenter le troisième rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/94/Add.3).

3. M. NOIRFALISSE (Belgique) souligne tout d'abord l'importance fondamentale que les autorités de son pays attachent au plein respect et à la promotion des droits de l'homme. La célébration, cette année, du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme est l'occasion appropriée de faire le bilan du respect des engagements pris dans ce domaine, au niveau mondial et pour chaque pays. En ce qui concerne la Belgique, les autorités ont le souci constant de veiller à ce que toute allégation de violation d'un droit prévu dans le Pacte soit dûment examinée et que, le cas échéant, les réponses adéquates soient apportées au niveau administratif, politique ou juridictionnel. La société belge n'a pas la prétention d'être parfaite et la situation au regard des droits de l'homme pourrait certainement être améliorée. En ce sens, le concours du Comité est précieux, et les autorités belges ont veillé à envoyer une délégation du niveau voulu pour que le dialogue soit le plus constructif possible.

4. M. DEBRULLE (Belgique), présentant le troisième rapport périodique (CCPR/C/94/Add.3), indique que, à la différence des rapports précédents, celui-ci a été établi avec la collaboration de plusieurs représentants du monde universitaire. Ses auteurs se sont efforcés de rendre compte non seulement de l'activité législative, mais aussi de l'application concrète du Pacte par les différents tribunaux et cours du pays, conformément au souhait qu'avait exprimé le Comité. Le rapport porte sur la période qui s'étend de 1992 à la mi-1996 et ne reflète donc pas l'évolution récente de la législation et de la pratique.

5. Les événements dramatiques qui ont secoué la Belgique il y a deux ans à peine ont conduit les autorités à engager une réforme de fond visant à renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire et à le rendre plus efficace, ainsi qu'à offrir aux citoyens un meilleur accès à la justice de leur pays. Plusieurs mesures dans ce sens ont déjà été adoptées, d'autres sont actuellement en discussion devant le Parlement. Un projet de loi devrait d'ailleurs être adopté aujourd'hui même par la Chambre des députés, qui prévoit la création d'un conseil supérieur de la justice. La loi du 18 juillet 1991 qui est mentionnée au paragraphe 166 du rapport constituait un premier pas vers l'objectivation des procédures de nomination de magistrats. La nouvelle loi poursuivra dans cette voie, étendant l'objectivation des modes de nomination et de promotion à tous les magistrats du siège et du parquet grâce à la création d'une commission spéciale, d'une part, et à l'établissement d'un système d'évaluation et de formation continue des magistrats qui s'appuiera sur les critères fixés par le Conseil supérieur de la justice, d'autre part. En outre, le projet de loi prévoit que certaines fonctions de gestion et d'organisation des cours et tribunaux - qui étaient jusqu'à présent attribuées par cooptation et selon l'ordre d'ancienneté des magistrats - seront désormais attribuées pour une période de sept ans non renouvelable. Cette mesure ne remet toutefois pas en cause les principes de la nomination à vie des magistrats et de leur inamovibilité.

6. Le conseil supérieur de la justice, qui sera doté d'un statut sui generis, fonctionnera comme un organe de liaison entre le pouvoir judiciaire, d'une part, et les pouvoirs exécutif et législatif, d'autre part. Il sera constitué de deux collèges, l'un francophone et l'autre néerlandophone, qui compteront chacun 22 membres, dont une moitié seront des magistrats et l'autre des membres de la société civile (avocats, professeurs d'université, juristes, etc.). Les magistrats seront élus au scrutin direct et secret parmi les magistrats du siège et du ministère public, tandis que les autres membres seront désignés par le Sénat à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Les compétences du conseil supérieur de la justice s'étendront à trois domaines : les questions de nomination et de promotion des magistrats et d'accès à la justice; les questions relatives à la formation des magistrats; le bon fonctionnement de l'organisation judiciaire. Dans ce dernier domaine, le conseil pourra rendre des avis, établir des profils pour les mandats des chefs de corps et contr_ler les moyens internes à disposition de l'appareil judiciaire. Les autorités belges ont également adopté des mesures visant à conférer une plus grande cohérence au ministère public, à accroître l'efficacité de son action et à mieux définir les compétences et responsabilités respectives du parquet, du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Ainsi, la loi du 4 mars 1997 prévoit la création d'un collège des procureurs généraux et institue la fonction de magistrat national.

7. Pour ce qui est du collège des procureurs généraux, son établissement marque un tournant dans la philosophie qui inspirait jusqu'ici l'organisation du ministère public. En effet, la loi prévoit qu'un certain nombre de tâches ne sont plus, ou plus exclusivement, confiées aux procureurs pris individuellement, mais incombent au collège. Ce dernier est placé sous l'autorité du Ministre de la justice et a un pouvoir décisionnel. Il veille en particulier à une mise en oeuvre cohérente de la coordination de la politique criminelle et assure le bon fonctionnement du ministère public. L'article 143 ter du Code judiciaire prévoit par ailleurs que le Ministère de la justice arrête, en collaboration avec le collège des procureurs généraux, les directives de politique criminelle, qui sont contraignantes pour le ministère public. M. Debrulle cite l'exemple de deux directives de ce type qui portent, l'une, sur la lutte contre la toxicomanie et, l'autre, sur la politique générale en matière de circulation routière. Enfin, le collège des procureurs généraux publiera chaque année un rapport sur la politique criminelle qui sera joint au budget du Ministère de la justice et discuté devant le Parlement, permettant ainsi à ce dernier de contr_ler l'exercice de ladite politique.

8. Le collège des procureurs généraux est assisté par des magistrats nationaux, qui sont désignés par arrêté royal, sur proposition du Ministre de la justice. Leur compétence s'étend à l'ensemble du territoire et ils ont notamment pour tâche de coordonner l'exercice de l'action publique et de faciliter la coopération internationale en matière judiciaire. À cet égard, ils s'efforcent actuellement, en collaboration avec des magistrats de liaison d'autres pays européens, de mettre en place un réseau de coopération judiciaire dans le cadre de l'Union européenne. Ce réseau, qu'il serait d'ailleurs bon d'étendre à l'ensemble de l'Europe, devrait permettre d'établir des contacts entre les magistrats des différents pays et d'identifier rapidement l'interlocuteur compétent, par exemple, pour l'exécution d'une commission rogatoire ou dans un cas d'extradition.

9. Les autorités belges ont également veillé à améliorer la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, et ont adopté à cet effet, le 12 mars 1998, une loi qui est entrée en vigueur au début du mois d'octobre. Cette loi légalise l'information et détermine plus clairement les responsabilités dans la recherche d'informations aux fins de l'établissement des faits. Elle consacre expressément l'autorité du ministère public et du juge d'instruction sur les forces de police. En outre, la nouvelle loi donne une définition plus précise des fonctions et pouvoirs du juge d'instruction et renforce son indépendance en le soustrayant à la surveillance du ministère public. La loi introduit également la possibilité, pour le ministère public, de demander au juge l'exécution de certaines mesures d'instruction sans pour autant instruire l'affaire en tant que telle.

10. De plus, la nouvelle loi renforce le secret de l'instruction, qui souffre toutefois trois exceptions. Premièrement, toute personne interrogée peut recevoir gratuitement copie de ses déclarations. Deuxièmement, conformément à la pratique en vigueur depuis une quarantaine d'années, le ministère public peut communiquer à la presse certaines informations lorsque l'intérêt public l'exige; de même, lorsque l'intérêt de son client l'exige, l'avocat peut également communiquer des informations à la presse. Troisièmement, l'inculpé, s'il n'est pas en détention, et les parties civiles peuvent consulter le dossier. La loi prévoit aussi le droit des proches de la victime de voir le corps de cette dernière dans le cas où une autopsie est ordonnée, ainsi que le droit des victimes et de leurs proches à un traitement correct, autrement dit à recevoir toutes les informations nécessaires et à bénéficier de l'aide de services spécialisés. Enfin, la loi définit un statut particulier de "personne lésée", intermédiaire entre le statut de victime et celui de partie civile.

11. Les autorités belges ont également le souci d'améliorer la gestion de l'information de police. Les données devraient ainsi être centralisées et contr_lées par le ministère public. En outre, leur circulation ne devrait pas être entravée par des cloisonnements internes.

12. Pour conclure sur ce point, M. Debrulle souligne que toutes les mesures indiquées visent à mettre fin aux dysfonctionnements de l'appareil judiciaire et de l'appareil policier que les événements d'il y a deux ans ont cruellement mis en lumière.

13. Revenant au troisième rapport périodique (CCPR/C/94/Add.3), M. Debrulle dit qu'il contient des informations obsolètes, entre autres, sur deux points. Premièrement, une nouvelle loi a été adoptée le 10 juin 1998, qui modifie la loi de 1994 relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées (voir le paragraphe 212 du rapport). La nouvelle loi crée un cadre légal pour l'identification d'abonnés et d'utilisateurs habituels d'un service de télécommunication et, inversement, la communication des données d'identification des services de télécommunication auxquels une personne est abonnée ou qu'elle utilise habituellement. Les dispositions concernant le repérage de communications prévoient désormais la localisation de la communication, et la compétence du procureur du Roi est étendue dans le cas d'un flagrant délit. Par ailleurs, de nouvelles infractions ont été ajoutées à la liste de celles pouvant justifier une mise sur écoute. Il s'agit en particulier de l'enlèvement de mineur et d'un certain nombre d'infractions spécifiques en matière de trafic d'hormones. De plus, la nouvelle loi limite la transcription des enregistrements aux seules parties jugées pertinentes pour l'instruction de l'affaire. Dans le cadre d'une enquête, l'inculpé ou toute personne intéressée peut toutefois exiger la transcription intégrale des conversations enregistrées, ou de certains passages qu'il considère pertinents mais qui n'auraient pas été retenus aux fins de la procédure.

14. Deuxièmement, la procédure de libération conditionnelle a été modifiée par deux lois qui ont été adoptées respectivement les 15 et 18 mars 1998. À l'avenir, la libération conditionnelle, qui relevait jusque-là du Ministre de la justice, incombera à des commissions qui seront établies dans le ressort de chaque cour d'appel, et seront composées d'un juge du tribunal de première instance et de deux assesseurs spécialisés, l'un, en matière d'exécution des peines et, l'autre, dans les questions de réinsertion.

15. La libération conditionnelle pourra intervenir après l'exécution de la peine au tiers ou aux deux tiers, et pour autant que l'intéressé présente un programme de reclassement faisant état de sa volonté de se réinsérer dans la société. Avant de statuer, la commission entendra la personne condamnée, son conseil, un représentant du ministère public et le directeur de la prison. À sa demande, la victime pourra également être entendue, et elle aura le droit d'être assistée par un avocat ou le représentant d'une association agréée à cette fin par le Roi. La victime sera également informée de la libération conditionnelle de la personne condamnée. La commission prendra sa décision à la majorité des voix, ou à l'unanimité si l'intéressé a été condamné à une peine de 10 ans de prison ou plus, ou s'il a purgé moins de la moitié de sa peine. Enfin, la Commission pourra révoquer sa décision, et la loi prévoit un recours dans tous les cas.

16. La PRÉSIDENTE remercie la délégation belge pour sa présentation et l'invite à répondre aux questions de la liste des points à traiter (CCPR/C/64/Q/BEL/1).

17. M. DEBRULLE (Belgique), répondant à la première question relative aux réserves concernant le Pacte, dit que la Belgique est aujourd'hui en mesure de retirer la réserve formulée au sujet de la transmission des pouvoirs constitutionnels du Roi, étant donné qu'une modification de la loi permet désormais aux femmes de la famille royale de prétendre à la succession au tr_ne. En revanche, la Belgique ne peut pas encore, en l'état, lever les autres réserves concernant les articles 10 et 14 du Pacte et ce, pour des raisons précises.

18. La Belgique, à l'instar des autres pays européens, connaît un phénomène persistant de surpopulation carcérale : les prisons du pays, d'une capacité de 6 700 places, accueillent aujourd'hui entre 8 200 et 8 400 détenus. Dans de telles conditions, les mesures de séparation physique des détenus ne sont pas encore réalisables, d'où l'impossibilité de lever les réserves concernant les paragraphes 2 a et 3 de l'article 10. Il n'empêche que le Gouvernement belge prend actuellement plusieurs mesures visant à remédier à cette situation. Outre l'adoption de peines alternatives et de programmes visant à construire 1 000 places supplémentaires dans les prisons d'ici l'an 2002, le Gouvernement s'emploie à faire en sorte que les détenus mineurs ne soient pas en contact avec les adultes. À cet égard, le Gouvernement espère abroger l'article 53 de la loi de 1965 sur la protection de la jeunesse, qui permettait de mettre des mineurs en prison pour une durée maximale de 15 jours. En outre, un projet de loi est en voie d'achèvement qui dispose que la détention préventive des mineurs, conformément aux règles internationales, ne peut être envisagée que dans des établissements sécuritaires prévus à cet effet, séparés des établissements pour majeurs et gérés par un personnel spécialisé.

19. En ce qui concerne la réserve formulée au sujet de l'article 14, si toutes les dispositions dudit article sont couvertes par la législation belge, le paragraphe 5 sur le double degré de juridiction pose problème. En effet, il existe dans l'arsenal législatif belge trois exceptions à l'égard de cette disposition, notamment les privilèges de juridiction dont bénéficient les ministres et les juges de l'ordre judiciaire ainsi que la compétence en matière de crime pour les personnes traduites devant la Cour d'assises. Il reste donc des objections légales dont la pertinence ne permet pas à la Belgique d'annoncer la levée de cette réserve.

20. Répondant à la question 2 relative au droit à la vie, à l'interdiction de la torture et au droit des étrangers (art. 6, 7 et 13), M. Debrulle confirme que l'adoption, le 10 juillet 1996, de la loi portant abolition de la peine de mort permet à la Belgique de ratifier plusieurs instruments internationaux, notamment la Convention européenne d'extradition, le Protocole No 6 à la Convention européenne des droits de l'homme et le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Des projets de loi portant approbation de ces instruments ont d'ailleurs été examinés par le Parlement le 20 octobre 1998 et adoptés à l'unanimité. Dans les 15 à 21 jours, ces textes devraient être examinés par le Sénat et il est permis d'espérer qu'à l'occasion de la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le 10 décembre 1998, la Belgique sera en mesure de déposer ses instruments d'adhésion au Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte. Dans le même ordre d'idées, un projet de ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a été préparé et devrait être soumis au Parlement avant la fin de l'année.

21. M. EL SHAFEI prend la présidence.

22. M. JANSSEN (Belgique), décrivant les dispositions et procédures légales qui régissent l'expulsion des étrangers, précise que chaque mesure d'expulsion est fondée sur une décision prise conformément à la loi de 1980 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en Belgique. Cette décision est susceptible d'appel auprès du Commissaire général pour les réfugiés et les apatrides, dans le cas des demandeurs d'asile, et auprès du Ministère de l'intérieur, pour tous les autres cas. Les décisions prises en appel par ces instances peuvent faire l'objet d'un recours en annulation ou en suspension auprès du Conseil d'État.

23. Une fois qu'une mesure d'expulsion a été confirmée, elle est exécutée au moyen d'une procédure qui varie selon le cas. Les personnes qui sont déjà sur le territoire belge sont censées partir d'elles-mêmes et bénéficient d'un délai allant de cinq jours à un mois pour organiser leur départ. Ce délai peut cependant être prolongé pour ceux qui acceptent les programmes d'aide au retour volontaire offerts par l'Organisation internationale des migrations et certaines ONG. En revanche, les personnes qui se trouvent encore dans la zone de transit, si elles ne sont pas des requérants d'asile, sont remises à la compagnie de transport qui les a amenées, conformément aux Conventions de Chicago et de Tokyo. Quant aux demandeurs d'asile, ils sont conduits au centre de rétention en attendant qu'une décision soit prise concernant la recevabilité de leur dossier.

24. M. Janssen tient à souligner que les immigrants en situation irrégulière ne sont pas mis en prison, à moins qu'ils aient commis un crime ou qu'ils représentent un danger pour les autres pensionnaires du centre de rétention. En tout état de cause, la durée de la détention dans ce centre est de deux mois, période qui peut être prolongée deux ou trois fois jusqu'à une durée maximale de huit mois. Cependant, conformément aux recommandations du Sénat, le Gouvernement vient de décider de réduire cette durée à cinq mois. Dans la pratique, il est rare que cette détention excède 30 jours, 90 % des intéressés choisissant de partir volontairement au cours du premier mois de séjour. Les personnes placées dans les centres de rétention disposent de toutes les garanties juridiques. C'est ainsi qu'elles ont le droit, une fois par mois, de saisir un juge qui devra déterminer si leur détention est encore justifiée et conforme à la loi. Bien entendu, cette décision est susceptible d'appel auprès d'instances totalement indépendantes.

25. En ce qui concerne l'expulsion elle-même, elle est réalisée par des agents de la sécurité, qui n'appartiennent ni à la police ni à la gendarmerie. Cette dernière n'intervient que dans le cas où l'intéressé s'est à plusieurs reprises opposé à son expulsion. L'usage de la force n'est permis que si l'intéressé s'oppose violemment à la mesure d'expulsion. Conformément à des directives élaborées par la gendarmerie et approuvées par le Ministère de l'intérieur, les moyens techniques autorisés dans le cadre de l'expulsion sont les menottes, la camisole de force et l'oreiller; l'administration de sédatifs et le bâillonnement sont formellement interdits. Toutefois, étant donné les liens possibles entre l'usage de l'oreiller et le décès récent d'une requérante d'asile pendant son expulsion, cette technique est désormais proscrite.

26. En ce qui concerne le décès de Mme Sémira Adamu, la requérante d'asile nigériane dont le cas est évoqué ci-dessus, il a provoqué des réactions dans le domaine politique, avec la démission du Ministre de l'intérieur et Vice-Premier Ministre. Sur le plan judiciaire, le ministère public a décidé l'ouverture d'une information et l'enquête est en cours.

27. M. DEBRULLE (Belgique) ajoute que cette affaire tragique a été mise à l'instruction et que deux des gendarmes impliqués ont été inculpés de coups et blessures volontaires ayant causé la mort sans intention de la donner. Les intéressés risquent une peine de réclusion de cinq à dix ans. Cette affaire étant mise à l'instruction, elle ne peut pas être classée sans suite par le parquet et devra nécessairement être déférée devant les juridictions d'instruction et de fond. La délégation belge ne dispose d'aucune autre précision, étant donné que l'affaire est couverte par le secret de l'instruction.

28. M. JANSSEN (Belgique) dit qu'en plus de l'ouverture d'une information judiciaire et d'une procédure disciplinaire, le Gouvernement belge a rapidement pris plusieurs mesures pour empêcher que de tels incidents ne se reproduisent. La première mesure concerne une réévaluation exhaustive de la politique d'immigration, dont le principe fondamental sera dorénavant le respect des droits et de la dignité des étrangers. La section de gendarmerie de l'aéroport de Zaventem sera modernisée et ses membres recevront une formation supplémentaire. Les personnes faisant l'objet de mesures d'expulsion recevront une aide psychologique. Un décret royal définira les garanties juridiques qui seront accordées aux pensionnaires des centres de rétention, qui feront l'objet d'inspections régulières menées par une commission permanente. L'accès à ces centres sera permis à tous, notamment aux maires, aux gouverneurs et aux représentants des ONG et des mouvements contre le racisme.

29. Mme Chanet reprend la présidence.

30. M. DEBRULLE (Belgique), répondant à la question 3 relative à la détention, au traitement des détenus et au droit à un procès équitable (art. 9, 10 et 14), dit que la procédure d'extradition comporte deux phases. Il y a d'abord l'arrestation provisoire précédant la transmission officielle des pièces : l'intéressé peut contester la légalité de l'arrestation et demander sa mise en liberté par la chambre d'accusation. Il y a ensuite l'arrestation sur la base des pièces accompagnant la demande officielle d'extradition. Dans l'hypothèse où l'extradition est demandée sur la base d'un mandat d'arrêt décidé par une autorité étrangère, c'est la chambre du conseil qui rend cette décision exécutoire. Cette procédure n'est pas contradictoire mais l'intéressé dispose d'ores et déjà d'un recours devant la chambre des mises en accusation.

31. Mais c'est dans l'hypothèse où l'extradition est demandée sur la base d'un jugement de condamnation prononcé à l'étranger que la législation belge présente une lacune. En effet, dans ce cas, l'intéressé est arrêté après que le jugement lui a été notifié, notification qui vaut titre d'arrestation. Or, en l'état, la loi belge ne prévoit pas de recours contre cette mesure. Il faut toutefois dire qu'en cas d'urgence, pour échapper à l'extradition, le juge des référés, en vertu du droit commun, s'est déclaré compétent pour vérifier la légalité de la détention et peut donc ordonner la mise en liberté provisoire de l'intéressé. Mais c'est là uniquement une tendance jurisprudentielle et on peut dire que, formellement, la loi belge relative à l'extradition n'est pas conforme au paragraphe 4 de l'article 9 du Pacte ni au paragraphe 4 de l'article 5 de la Convention européenne. Il reste que cette loi est en cours de révision et le Gouvernement a chargé une universitaire de rédiger un avant-projet de loi visant à revoir cette loi de 1874, qui est indiscutablement marquée par le temps. Ainsi, la Belgique pourra combler la lacune décelée par le Comité dans son arsenal législatif.

32. Mme VERMEULEN (Belgique), répondant à la question 3 b), indique que la réglementation relative aux prévenus au secret a été modifiée depuis la rédaction du rapport. En effet, les détenus peuvent désormais avoir des contacts téléphoniques avec leur avocat même si le juge d'instruction a prononcé une interdiction de communiquer, et, dans les trois cas très précis où le droit à l'usage du téléphone est restreint (c'est-à-dire pendant les cinq jours suivant la délivrance du mandat d'arrêt sauf accord écrit du juge d'instruction; ou sur réquisition motivée du procureur du Roi et du juge d'instruction, pour une durée renouvelable de cinq jours; ou en cas d'interdiction prononcée, pour au maximum un mois, par le directeur d'établissement en cas d'usage abusif), l'avocat du détenu peut être contacté, à sa demande, par le personnel de l'établissement. En tout état de cause, le détenu peut à tout moment utiliser les autres modes de communication.

33. Concernant les conditions de détention, Mme Vermeulen signale qu'en septembre 1998 le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a, pour la seconde fois, visité tous types de lieux de détention en Belgique, et rédigé un rapport, auquel la Belgique prépare actuellement une réponse.

34. Le principal problème relevé est la surpopulation pénitentiaire (objet du point 3 c)), raison pour laquelle le Gouvernement a soumis à l'approbation du Parlement, en juin 1996, un plan d'orientation de politique pénale et d'exécution des peines, articulé autour de différents axes : l'accroissement de la capacité carcérale (environ 1 000 places supplémentaires d'ici quatre ans grâce à la construction et l'extension d'établissements), le développement des mesures alternatives à la détention (médiation pénale, thérapies, mesures alternatives à la détention préventive ou à la saisine du juge de la jeunesse, non-exécution des peines d'emprisonnement de moins de quatre mois, transaction, amende) avec notamment la création en 1997 d'un service d'encadrement des mesures alternatives, la surveillance électronique des détenus à domicile (sur laquelle l'Institut national de criminalistique et de criminologie a mené une étude et qui a fait l'objet d'une expérience pilote en mai 1998), le régime et la situation juridiques des détenus (concernant lesquels une commission élabore actuellement une loi de principe) et les activités et formations proposées aux détenus avec la collaboration d'intervenants extérieurs.

35. Concernant la détention dans les établissements autres que les prisons (point 3 d)), M. DEBRULLE (Belgique) renvoie aux paragraphes 99 à 101 du rapport. Il ajoute que le contr_le judiciaire de la privation de liberté des malades mentaux relève dorénavant de la compétence des communautés, lesquelles ont communiqué un certain nombre d'informations.

36. En communauté flamande, l'internement psychiatrique peut être ordonné soit en vertu de la législation sur la protection des malades mentaux, soit en vertu de la législation sur l'internement, soit sur décision discrétionnaire du juge de la jeunesse. Dans les deux premiers cas, le malade mental est interné dans des services ordinaires et traité de la même manière que les autres patients, à ceci près que des mesures de sécurité sont adoptées. Dans le troisième cas, d'ailleurs exceptionnel, l'enfant est hospitalisé dans un service de psychiatrie enfantine.

37. En communauté française, des mesures ont d'ores et déjà été prises pour mettre les établissements de défense sociale en conformité avec les normes fixées en matière de psychiatrie. De plus, en juin 1998, une conférence interministérielle s'est penchée sur les réformes à engager dans le secteur psychiatrique. Un programme a été adopté, qui porte sur le traitement et le suivi des patients, les garanties pour les mesures limitant la capacité d'aller et venir, et la formation permanente du personnel, tant sur le plan de l'information que de la thérapie ou de l'évaluation.

38. La région wallonne, quant à elle, a précisé qu'elle subventionnait un plan de mise en conformité de ses établissements aux normes hospitalières.

39. Concernant la réparation accordée aux personnes victimes d'une privation illicite de liberté (art. 9, par. 5, du Pacte), M. Debrulle précise qu'il convient de distinguer deux situations distinctes : celle où la détention est illégale et celle où la détention est légale mais non couverte par une décision judiciaire de condamnation, donc "inopérante". Dans un cas comme dans l'autre, le détenu peut prétendre à une indemnisation, évaluée à la fois en fonction d'intérêts publics et privés. L'orateur renvoie à cet égard au rapport de la Commission d'indemnisation. En cas d'erreur des pouvoirs publics (art. 14, par. 6, du Pacte), le pouvoir judiciaire est seul habilité à décider d'une réparation.

40. La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité qui le souhaitent à poser des questions complémentaires.

41. M. KLEIN se félicite du soin qui a été apporté à la rédaction du rapport de la Belgique et du fait que des personnes extérieures au Gouvernement aient participé au processus. Il souhaiterait cependant avoir des précisions sur l'impact que la fédéralisation de l'État belge et la répartition des compétences entre l'État fédéral et les communautés qui en découle peuvent avoir sur la mise en oeuvre des droits énoncés dans le Pacte.

42. Par ailleurs, concernant la mort dramatique de Mme Sémira Adamu, survenue lors de son expulsion, M. Klein souhaite vivement que l'enquête soit menée avec la plus grande diligence et que le prochain rapport fasse état de toutes les mesures prises pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent. Il croit comprendre que l'un des représentants de l'ordre impliqués dans l'incident avait déjà reçu des sanctions disciplinaires quelques mois auparavant pour usage abusif de la force. Si tel est le cas, il est préoccupant qu'on lui ait confié une tâche aussi délicate qu'une expulsion. Il serait en outre bon que la délégation présente les limites qui sont fixées aux mesures d'éloignement, dont le rapport ne fait pas état.

43. En fait, M. Klein est très préoccupé par les brutalités policières de façon générale. Les informations données laissent à penser que ces actes n'ont rien d'incidents isolés et sont même favorisés par la concurrence qui existe entre les différentes entités que sont la police judiciaire, la gendarmerie et la police communale. Des cas d'emploi abusif de la force ont également été relevés dans les centres de détention. Tout cela, à quoi s'ajoute le comportement des soldats belges en Somalie, témoigne de l'existence de dysfonctionnements. En conséquence, M. Klein souhaite poser plusieurs questions à la délégation : premièrement, quelle est la procédure d'enquête lorsqu'une plainte est déposée pour emploi abusif de la force par les forces de l'ordre ? Deuxièmement, comment et par qui les représentants de l'ordre sont-ils formés ? Une formation permanente est-elle assurée ? Troisièmement, dans quel délai un prévenu peut-il consulter un avocat et un médecin, et est-il informé de son droit de le faire ?

44. Enfin, M. Klein demande quel est l'état d'avancement de la proposition de loi mentionnée au paragraphe 63 du rapport concernant la fin de la vie.

45. M. KRETZMER constate que le rapport contient des informations détaillées sur l'ordre juridique belge, mais peu d'informations sur la réalisation effective des droits. Ainsi, les paragraphes 87, 88 et 89 exposent certains détails de la réglementation de la détention préventive, mais n'indiquent pas pour quels motifs une telle mesure peut être ordonnée. Or, on peut s'étonner du fait que 40 % de la population carcérale se trouve en détention préventive, alors qu'il est dit dans le rapport que celle-ci doit revêtir un caractère exceptionnel (par. 89).

46. M. Kretzmer rejoint M. Klein dans son analyse des violences policières. D'après le rapport du Comité permanent belge de contr_le des services de police pour 1997-1998, le nombre de plaintes déposées suite à des brutalités policières représente pas moins d'une plainte par jour, soit une plainte pour 100 policiers, et un nombre plus grand encore de brutalités ne sont à l'évidence jamais dénoncées. Dès lors, quelles mesures sont prises non seulement pour traiter ces plaintes, mais aussi pour prévenir de tels agissements ? En particulier, le Comité permanent peut-il mener des

inspections ?

47. M. Kretzmer demande enfin des précisions sur la situation des étrangers se trouvant illégalement sur le territoire belge. Il souhaite savoir comment leurs droits sont garantis et notamment s'ils sont immédiatement enregistrés comme immigrés en situation irrégulière dans l'hypothèse où ils vont déposer une plainte pour brutalités policières et si leurs enfants ont accès à l'éducation et aux services médicaux.

48. Lord COLVILLE pose tout d'abord des questions qui se situent dans le prolongement des déclarations de la délégation belge au sujet de la surpopulation dans les prisons et des mesures prises à ce sujet. Selon le paragraphe 3 de l'article 10 du Pacte, le régime pénitentiaire vise essentiellement l'amendement et le reclassement social des détenus. Or, parmi les mesures signalées par la délégation belge figure la libération conditionnelle, qui est décidée par une commission chargée de déterminer si une personne peut purger une partie de sa peine en régime de liberté conditionnelle. Pour cela, il faut évaluer les risques liés à cette décision, en sachant que la libération conditionnelle doit être une mesure acceptable pour le public. Or, l'un et l'autre points dépendent de la mesure dans laquelle la personne bénéficiant de la liberté conditionnelle pourra être surveillée et suivie par des assistants sociaux appartenant à un service spécialisé. Lord Colville voudrait par conséquent savoir si, en Belgique, des ressources suffisantes sont réservées à la formation et au financement de postes d'assistants sociaux accomplissant ce type de service. En effet, si ces derniers ne sont pas assez nombreux ou s'ils ne font pas correctement leur travail, les risques de récidive augmentent, le traitement pénitentiaire choisi ne remplit plus son r_le de reclassement et la confiance du public s'en trouve considérablement amoindrie.

49. La délégation belge a également parlé des peines alternatives, telles que les peines avec sursis assorti d'un travail d'intérêt général. Là encore, la décision que prend le tribunal comporte un risque, et il faut que le tribunal sache que la personne qui effectuera le travail d'intérêt général sera suivie par des assistants sociaux spécialement formés, faute de quoi les choses peuvent mal tourner, et de nouveau, le public n'aura plus confiance en ce système. Par conséquent, l'existence de ressources pour financer les postes d'assistants sociaux est décisive pour obtenir l'amendement et le reclassement des personnes bénéficiant d'une peine alternative. La délégation belge peut-elle indiquer le nombre de récidives observées chez les personnes bénéficiant d'une libération conditionnelle, les sanctions qui leur sont appliquées et le nombre de cas où de telles sanctions ont été prises ? Les mêmes questions s'appliquent aux personnes accomplissant une peine alternative sous forme d'un travail d'intérêt général.

50. Le deuxième sujet qui préoccupe Lord Colville concerne ce qui est dit au paragraphe 172 du rapport (CCPR/C/94/Add.3) sur l'application de l'article 14 du Pacte. Il s'agit plus précisément des arrêts de la Cour de cassation, qui a décidé que le paragraphe 3 de l'article 14 ne s'appliquait pas aux décisions des juridictions d'instruction statuant sur la détention préventive. L'un des arrêts concerne le cas d'un Portugais qui s'est vu refuser le droit d'avoir un interprète alors qu'il se trouvait en état d'arrestation dans un commissariat de police. Or, il ne fait aucun doute pour Lord Colville que les dispositions du paragraphe 3 de l'article 14 s'appliquent à tous les stades d'une procédure pénale, dès la phase préliminaire de l'information. Comme ce n'est pas la position de la Cour de cassation belge, Lord Colville se demande si une législation ne serait pas nécessaire pour infirmer les arrêts de la Cour de cassation. Par ailleurs, le fait que le juge d'instruction puisse interdire à une personne de communiquer avec son avocat pendant les cinq premiers jours suivant l'arrestation, période apparemment renouvelable indéfiniment, est-il compatible avec les dispositions du paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte ?

51. M. SCHEININ pose des questions concernant le point 2 de la liste, à savoir le droit à la vie, l'interdiction de la torture et les droits des étrangers. Tout d'abord, il se félicite des progrès réalisés par la Belgique pour ce qui est de l'abolition de la peine de mort, aussi bien sur le plan du droit interne que sur celui de ses obligations internationales. Notant ce qui est dit au paragraphe 76 du rapport touchant la jurisprudence de la Cour de cassation belge, selon laquelle une condamnation à la peine de mort prononcée par une juridiction d'un pays où cette peine est prévue ne revêt pas par elle-même un caractère inhumain ou dégradant, et sachant que cette jurisprudence remonte à l'année 1992, M. Scheinin se demande si la situation a changé à cet égard et si la Belgique a l'intention d'adopter la même position, logique, que de nombreux pays, à savoir que l'abolition de la peine de mort empêche également l'extradition ou l'expulsion d'une personne vers des pays où elle encourt la peine de mort.

52. S'agissant du droit à la vie et de la torture, M. Scheinin évoque lui aussi les allégations de mauvais traitements et même d'homicides, commis par des soldats belges en Somalie. À ce propos, il rappelle l'article 2 du Pacte, aux termes duquel, selon le Comité, toute personne se trouvant sur le territoire d'un État partie ou relevant de sa juridiction est protégée par les droits énoncés dans le Pacte. Si cette interprétation est aussi celle de la Belgique, cette dernière se considère-t-elle comme tenue par les obligations internationales découlant du Pacte en ce qui concerne les opérations dans lesquelles sont engagés des soldats belges à l'étranger ? Vu les paragraphes 6 et 7 du troisième rapport périodique (CCPR/C/94/Add.3), qui donnent à penser que la protection des droits garantis par la Constitution et par les dispositions conventionnelles directement applicables en Belgique ne s'étend qu'aux personnes séjournant sur le territoire belge, on pourrait déduire que les opérations belges à l'étranger ne sont pas couvertes par les dispositions de la Constitution et du Pacte.

53. Par ailleurs, des informations émanant d'Amnesty International concernant les mesures prises pour enquêter sur les incidents qui se sont produits en Somalie impliquant des militaires belges sont alarmantes, étant donné que très rares sont les cas ayant abouti à la mise en cause de responsabilités individuelles. Amnesty International a eu beaucoup de difficultés pour s'informer sur les enquêtes menées et sur leurs résultats. La délégation belge peut-elle indiquer s'il existe des chiffres sur les résultats des procédures d'enquête ouvertes à la suite des mauvais traitements ou des décès imputables à des soldats belges en Somalie ?

54. Au sujet de l'expulsion des étrangers, la délégation a donné des informations sur la détention des personnes en attente d'expulsion et sur la base légale d'une telle détention, d'où il ressort que la légalité de la détention est directement liée à l'existence d'une procédure d'expulsion. Sachant qu'il y a eu des cas où la détention d'une personne en attente d'expulsion a duré de cinq à huit mois, M. Scheinin se demande si la préparation d'une mesure d'expulsion peut justifier une durée aussi longue. Dans le même ordre d'idées, M. Scheinin voudrait savoir si, dans la liste des motifs pour lesquels un étranger peut se voir délivrer l'ordre de quitter le territoire (par. 157 du rapport), le fait d'être atteint d'une maladie ou d'une infirmité est toujours un motif d'expulsion, notamment le fait de souffrir de troubles psychiatriques. Dans l'affirmative, cela lui paraît poser problème au regard de l'article 7 du Pacte.

55. Le cas de Mme Sémira Adamu, qui est décédée lors de son expulsion forcée, étouffée par un coussin qui lui a été appliqué sur le visage, est particulièrement tragique. M. Scheinin voudrait savoir si cela n'aurait pas pu être évité, étant donné qu'il est évident que ce procédé risquait d'avoir des conséquences fatales, surtout sur une personne qui se débat et qui est en proie à une tension extrême. Par ailleurs, ce décès consécutif à l'utilisation de la "technique de l'oreiller" lors d'une expulsion forcée ne serait pas le premier: est-ce exact ?

56. La Belgique compte probablement de nombreux immigrants en situation irrégulière; étant donné que l'article 16 du Pacte, en vertu duquel chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique, fait partie des articles ne souffrant aucune dérogation, M. Scheinin voudrait savoir s'il est respecté en Belgique. Il songe en particulier à la situation des enfants d'immigrants en situation irrégulière et de leur droit d'acquérir une nationalité, protégé par l'article 24, nationalité qui n'est d'ailleurs pas nécessairement celle du pays dans lequel ils se trouvent. La question n'ayant été abordée ni dans le deuxième ni dans le troisième rapports périodiques de la Belgique, la délégation peut-elle indiquer s'il existe des mesures pour garantir ce droit à tous les enfants?

57. Mme EVATT se félicite de la manière dont la Belgique a réagi à divers incidents dramatiques en ouvrant une série de procédures d'enquête et en prenant des mesures pour corriger la situation. Elle espère que ces initiatives se traduiront dans la pratique.

58. Au paragraphe 94, il est question de la loi relative à la protection de la jeunesse et de son article 53 concernant le placement de jeunes en maisons d'arrêt. Mme Evatt regrette que cette mesure n'ait pas encore été abrogée et que des mineurs soupçonnés d'un fait punissable puissent être détenus dans des prisons ordinaires, sans être séparés des autres détenus. Cette disposition lui paraît difficilement compatible, non seulement avec l'article 10, mais également avec les articles 7, 9 et 24 du Pacte. Elle voudrait savoir si la Belgique envisage de mettre un terme rapidement à cette pratique.

59. Des préoccupations ont déjà été exprimées au sujet des peines alternatives et de la libération conditionnelle, dans le cadre du problème posé par la surpopulation et les mauvaises conditions dans les prisons. En outre, ce qui est dit au paragraphe 93 inquiète Mme Evatt, car la place des malades mentaux qui doivent être internés n'est pas dans les annexes des prisons. Par ailleurs, Mme Evatt s'associe aux observations de M. Kretzmer concernant les violences commises par la police et souhaiterait davantage d'informations sur l'organe chargé de surveiller les pratiques policières.

60. La question du traitement des étrangers en situation irrégulière qui se trouvent dans les centres de rétention (centres fermés), ainsi que leurs enfants, préoccupe Mme Evatt : ces enfants n'ont pas accès à l'éducation ni aux services sociaux. De plus, il semblerait que les centres de rétention réservés aux immigrants en situation irrégulière soient insuffisants pour les accueillir tous et que nombre d'entre eux se retrouvent dans les prisons, avec leurs enfants, pendant une certaine période. Cela est-il exact ?

61. Ce qui est dit aux paragraphes 172 et 173 du rapport a beaucoup étonné Mme Evatt. S'agissant de l'application de l'article 14 du Pacte en Belgique, elle voudrait savoir pourquoi la Belgique considère que certaines dispositions de l'article 14 ne s'appliquent qu'aux organes judiciaires constitués en tant que tels, mais pas à d'autres organes qui sont pourtant appelés à prendre des décisions concernant les droits des personnes.

62. Enfin, il est dit au paragraphe 73 que, selon le Conseil d'État, le fait d'être soumis pour une durée indéterminée à un régime cellulaire strict ne constitue pas en soi un traitement inhumain et dégradant. Mme Evatt voudrait savoir en quoi consiste exactement le régime cellulaire strict en Belgique, s'il est appliqué fréquemment, dans quelles circonstances et pendant combien de temps. Enfin, elle voudrait savoir si ce qui est dit au paragraphe 118 du rapport, toujours concernant le régime cellulaire strict, est compatible avec les articles 7 et 10 du Pacte.

63. Mme MEDINA QUIROGA pose des questions qui ne figuraient pas dans la liste des points à traiter. Tout d'abord, elle demande ce que signifie le paragraphe 13 du rapport, où il est dit que la non-application d'un article du Pacte n'est pas due au fait qu'il ne serait pas directement applicable, mais à une "interprétation divergente" du justiciable et du tribunal. Que se passerait-il, par exemple, dans l'hypothèse où le Comité dans ses constatations sur une communication individuelle, ferait une interprétation différente de celle donnée par le tribunal belge ?

64. Mme Medina Quiroga fait sienne la question posée par M. Scheinin au sujet du paragraphe 76 et de la possibilité d'expulser ou de renvoyer une personne condamnée à la peine de mort dans un autre pays.

65. Ayant pris note des changements annoncés par la délégation belge à propos du paragraphe 90 concernant les établissements pénitentiaires, Mme Medina Quiroga voudrait savoir si des restrictions au droit des détenus de correspondre avec les autorités subsistent et quelles en sont les raisons. En ce qui concerne les mineurs, Mme Medina Quiroga reste préoccupée par la réserve formulée par la Belgique à l'article 10, compte tenu des articles 7 et 24 du Pacte, car les enfants et les mineurs ont besoin de la protection spéciale de l'État et la Belgique n'a pas fait de réserve concernant les articles 7 et 24. S'agissant toujours des mineurs, elle voudrait savoir ce que signifie "la mesure de garde provisoire qui peut être cumulée avec l'interdiction de communiquer prévue à l'article 52, alinéa 3 de la loi" modifiée relative à la protection de la jeunesse (par. 94 du rapport), si le droit du mineur à avoir l'assistance d'un avocat est absolument respecté, en Belgique ou s'il arrive, dans la pratique, qu'il ne le soit pas. Est-ce que l'on se préoccupe, en Belgique, de la qualité des avocats qui défendent les mineurs, étant donné que ceux-ci sont particulièrement exposés à l'injustice et ne sont pas en mesure de se défendre eux-mêmes ?

66. Faisant observer que le problème évoqué au paragraphe 93 du rapport devrait figurer sous la rubrique des mesures de protection des personnes atteintes de troubles mentaux, Mme Medina Quiroga voudrait savoir si les internés dont il s'agit sont des personnes ayant eu affaire à la justice ou s'il s'agit de malades mentaux n'ayant eu aucun démêlé avec la justice.

67. Par ailleurs, Mme Medina Quiroga se pose les mêmes questions que Lord Colville au sujet de l'application de l'article 14 du Pacte et de ce qui est dit au paragraphe 172 du rapport. Elle voudrait savoir quels sont les principes énoncés à l'article 14 du Pacte qui ne s'appliquent pas, compte tenu de ce qui est dit au paragraphe 174, et quelle est la conséquence de cette non-application de l'article 14 pour la procédure suivie par les juges d'instruction.

68. Au nombre des mesures annoncées par la délégation belge s'agissant de la population carcérale, figure la médiation pénale, qui est très délicate à manier car elle peut facilement être appliquée au détriment de l'inculpé. Comment celui-ci est-il protégé ? A-t-il toujours droit à un avocat, connaît-il sa situation légale, les probabilités qu'il soit condamné, la qualification exacte de l'acte qu'il a commis ? En d'autres termes, l'inculpé est-il parfaitement informé avant de prendre sa décision et de choisir une option entre procès et médiation ?

69. Mme Medina Quiroga est surprise par ce qui est dit au paragraphe 182 du rapport, à savoir que la loi spéciale de juillet 1993, relative à la rétroactivité des lois, ne s'applique pas car "l'article 15 (du Pacte) a valeur supranationale", et demande si la loi en question va être abrogée. Au sujet de l'article 15, ayant eu connaissance d'un projet de loi relatif aux organisations criminelles qui, s'il était adopté, pourrait affecter les obligations contractées par la Belgique en vertu des articles 14 et 15 du Pacte, elle demande si la Belgique a l'intention de prendre en considération lesdites obligations lors de l'approbation du projet ?

70. Enfin, Mme Medina Quiroga s'associe aux questions posées par les autres membres du Comité au sujet de la détention préventive, des demandeurs d'asile, de l'expulsion et du traitement des étrangers; elle s'associe aux questions posées par M. Scheinin au sujet des agissements des soldats belges en Somalie et demande à la délégation si la Belgique traite les incidents en question à la lumière de ses obligations internationales. Au sujet des demandeurs d'asile, elle voudrait savoir si les mineurs non accompagnés font l'objet d'une réglementation leur réservant un traitement spécial.

71. Mme GAITAN DE POMBO se félicite de l'adoption de la loi portant abolition de la peine de mort et de la ratification prochaine du Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte. Elle souhaiterait avoir davantage d'information sur les modalités d'application des lois récentes qui prévoient des sanctions pénales pour abus sexuels à l'égard des mineurs et la traite des êtres humains (par. 264). Elle voudrait également savoir quelles sont les mesures concrètes prises dans le domaine de la production de matériel et de spectacles à caractère pornographique impliquant les enfants, visée à l'article 34 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

72. Par ailleurs, elle s'associe aux préoccupations exprimées par M. Klein concernant les brutalités policières commises non seulement dans les centres de détention mais dans la rue, et voudrait en savoir davantage sur l'organe de surveillance permanente des services de police. Enfin, Mme Gaitaán de Pombo fait siennes les inquiétudes exprimées à propos des enquêtes menées sur les agissements des soldats belges en Somalie, qui sont contraires non seulement au Pacte, mais aussi aux Conventions de Genève.

73. M. EL SHAFEI souligne tout d'abord la préoccupation du Comité au sujet des réserves formulées par la Belgique aux articles 10 et 14 du Pacte et espère que celles-ci seront réexaminées par l'État partie.

74. La première question de M. El Shafei concerne le fait que les internés pour troubles mentaux séjournent pendant plusieurs mois dans les annexes psychiatriques des établissements pénitentiaires avant d'être transférés vers les établissements désignés par l'organe compétent (par. 93 du rapport). Il voudrait savoir comment les autorités belges justifient de telles mesures.

75. Par ailleurs, le Gouvernement belge a annoncé récemment qu'il allait mener une politique active d'intégration des étrangers résidant en Belgique. La délégation belge pourrait-elle indiquer les principaux éléments de cette politique, si elle fait l'objet d'un plan d'action déjà établi, et donner une idée du nombre approximatif d'étrangers à intégrer et de la période prévue pour cette intégration ?


La séance est levée à 13 h 5.


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