Distr.

GENERALE

E/C.12/1994/SR.15
17 mai 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 15ème seance : Belgium. 17/05/94.
E/C.12/1994/SR.15. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Dixième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 15ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 11 mai 1994, à 10 heures

Président : M. ALSTON

puis : Mme BONOAN-DANDAN


SOMMAIRE

Examen des rapports :

a) Rapports présentés par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)


La séance est ouverte à 10 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS :

a) RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

1. Le PRESIDENT dit que le Comité a reçu avec beaucoup de retard le rapport initial de la Belgique (E/1990/5/Add.15) qui est finalement parvenu après une intervention auprès des autorités belges. Il souhaite la bienvenue à la délégation belge qui se compose de l'ambassadeur Alex Reyn (Représentant permanent de la Belgique auprès de l'Office des Nations Unies à Genève) et MM. Denève (Directeur général au Ministère de l'emploi et du travail), Van Craen (Représentant permanent adjoint) et Vandamme (Directeur d'administration à la Section des relations internationales du Ministère de l'emploi et du travail).

2. Sur l'invitation du Président, la délégation belge prend place à la table du Comité.

3. M. REYN (Belgique) regrette que son pays ait mis tant de temps pour présenter son rapport initial. Ce retard s'explique en particulier par la profonde réforme des structures de l'Etat belge au cours de ces dernières années et le processus d'ajustement institutionnel qui l'a accompagnée. Il a fallu en effet collaborer avec les nouveaux partenaires internes pour rendre compte fidèlement de la nouvelle réalité en Belgique. D'autre part, la diversité des normes et des pratiques internes qui intéressent le Comité et la réduction des effectifs de la fonction publique ont rendu la tâche de la délégation belge encore plus ardue.

4. La Belgique attache une importance particulière à la notion de l'indivisibilité des droits de l'homme. Comme l'a affirmé le Ministre belge des affaires étrangères à la Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne au mois de juin 1993 "une véritable démocratie ne peut être fondée que sur une société solidaire, socialement juste et économiquement stable".

5. En présentant son rapport initial sur les droits économiques, sociaux et culturels, la Belgique s'est efforcée de suivre les lignes directrices définies par le Comité. Vu l'abondance de la matière, elle a envoyé au secrétariat plusieurs documents qui constituent autant d'annexes à son rapport. Elle a d'autre part pris connaissance des questions qui lui ont été communiquées par le Groupe de travail du Comité et est entièrement disposée à apporter toutes les précisions qui seront jugées nécessaires.

6. M. VANDAMME (Belgique) dit que son pays a déjà eu l'occasion de présenter à d'autres organes de l'ONU des rapports concernant notamment le Pacte relatif aux droits civils et politiques (1991), la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1992) et la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (1993). La Belgique est en outre partie à pas moins de 80 conventions du travail et compte en ratifier d'autres à l'occasion du soixante-quinzième anniversaire de l'OIT. Elle a également présenté un rapport sur l'application de la Charte sociale européenne.

7. Le Pacte est une importante source de droit en Belgique. Même si, selon la doctrine en vigueur, il n'a pas d'effets directs sur la législation, des mesures législatives ont été prises pour garantir son applicabilité, encore que la pratique récente dénote une certaine timidité.

8. S'agissant des articles 6 à 15 du Pacte, le droit au travail est un principe fondamental que vient de consacrer la nouvelle constitution de février 1994. La Belgique s'emploie depuis la seconde guerre mondiale à assurer la protection des droits des travailleurs. Tout un arsenal de mesures législatives ont été prises à effet. Dans le contexte de la crise qui sévit depuis les années 70, le gouvernement intervient régulièrement pour renforcer le marché du travail, le but étant de juguler le chômage. Les mesures prises dans ce domaine, qui sont étroitement coordonnées avec la politique budgétaire et macro-économique, ont permis d'obtenir des résultats encourageants, encore qu'il faille intervenir régulièrement pour les affiner.

9. Un certain nombre de lois-cadres organisent la concertation entre les partenaires sociaux. Il convient de signaler, à cet égard, l'adoption d'une loi sur la sauvegarde de la compétitivité du pays, initiative originale qui, en cas de tensions, donne aux différentes parties concernées la possibilité de trouver un compromis conforme à l'intérêt national. Malgré la crise, il y a donc en Belgique un véritable dialogue social, et de nombreuses lois relatives au travail sont fondées sur des accords entre les organisations patronales et syndicales.

10. Le Gouvernement belge accorde une attention particulière à la situation des chômeurs de longue durée. Des mesures sont prises au niveau fédéral, en collaboration avec les régions, pour assurer leur réinsertion sociale par le biais de travaux collectifs et leur dispenser une formation qui leur permette de s'adapter aux exigences du marché du travail.

11. La loi sur le travail de 1990 est le texte de référence qui régit les conditions de travail en Belgique. Il existe un important corps d'inspecteurs qui effectuent des visites dans les entreprises et informent les pouvoirs publics de l'évolution de la situation. Ces dernières années, une attention particulière a été accordée aux méfaits du travail clandestin et de la fraude sociale, et de nombreux employeurs coupables d'abus ont été sanctionnés.

12. Les questions relatives à la rémunération des travailleurs sont traditionnellement du ressort des partenaires sociaux, la loi ne faisant que consacrer les accords auxquels ils aboutissent. Il y a bien sûr un barème légal des salaires et des traitements mais il est possible d'y apporter des modifications dans le cadre de négociations.

13. La législation belge relative à la sécurité et l'hygiène du travail, dont l'application est contrôlée par tout un corps d'inspecteurs, s'est beaucoup modernisée grâce aux directives émises en la matière par la Communauté européenne.

14. Pour ce qui est des droits syndicaux, la Belgique a ratifié les principales conventions de l'OIT et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de cette organisation n'a formulé aucune observation particulière sur la politique suivie dans ce domaine. La législation belge garantit le droit de créer des syndicats et la liberté d'y adhérer. Le droit de grève est reconnu dans les faits, et la législation a évolué récemment dans le sens d'une définition plus précise sans être restrictive.

15. La Belgique est dotée d'un système de sécurité sociale aux prestations très diverses qui malheureusement coûte très cher à l'Etat. Il est l'enjeu quotidien de négociations entre le gouvernement et les partenaires sociaux. L'objectif est d'en assurer la viabilité à long terme par des mesures de rationalisation qui visent, non pas à restreindre les droits, mais plutôt à éviter les gaspillages qui risquent à la longue de saper le système.

16. Toute une série de textes de loi régissant les droits des personnes et l'adoption et la protection des enfants ont été promulgués récemment. Les initiatives privées en faveur de la famille sont nombreuses, et les organismes actifs dans ce domaine bénéficient de larges subventions. Pour ce qui est de la protection des droits des femmes qui travaillent, il convient de signaler la promulgation d'une loi portant création d'une assurance-maternité dans le cadre du système de sécurité sociale.

17. La Belgique a, comme chacun le sait, un niveau de vie élevé, bien qu'il subsiste des poches de pauvreté et que le chômage ne cesse de s'étendre. Le système de sécurité sociale couvre une grande partie de la population; la Belgique est d'ailleurs le seul pays du monde où les prestations de chômage ne sont pas limitées dans le temps. Il y a en outre un dispositif d'aide sociale qui garantit à tous ceux qui sont sans ressources un revenu minimum.

18. Le droit au logement est consacré expressément par la nouvelle constitution, ce qui laisse bien augurer des lois d'application qui seront promulguées ultérieurement. L'Etat a une politique vigoureuse d'appui au logement social mais veille à ce que n'en bénéficient que ceux qui en ont véritablement besoin. Il n'y a pas de crise du logement en Belgique, mais les autorités doivent empêcher un dérapage des loyers dans certaines grandes agglomérations. La récente législation sur la protection des locataires ne manquera pas de faciliter leur tâche dans ce domaine.

19. Le principal objectif de la politique relative à la santé est la prévention des maladies dès l'école. De nombreuses organisations locales mènent dans ce domaine une action efficace et bénéficient d'importantes subventions. Parmi les principaux sujets de préoccupation, il y a les maladies professionnelles et le SIDA. La délégation belge tient à la disposition des membres du Comité qui souhaiteraient de plus amples informations des brochures sur ces questions publiées par les services compétents du Ministère de la santé.

20. Dans le domaine de l'environnement, les mécanismes institutionnels ne sont pas encore bien organisés, mais de nombreux textes ont été adoptés et le public est de plus en plus conscient des problèmes écologiques.

21. L'industrie agro-alimentaire belge étant extrêmement développée, l'hygiène est strictement contrôlée par des inspecteurs et une réglementation très étendue est en vigueur.

22. Le système d'enseignement est à la fois public et privé. Deux réseaux d'établissements, eux-mêmes subdivisés selon les confessions, se partagent le système. En vertu du Pacte scolaire, important accord relatif à l'organisation de l'enseignement conclu en 1958, les salaires des enseignants sont payés par l'Etat. Cette disposition pèse lourdement sur les finances publiques, qui du fait de la crise sont déjà dans un état difficile. Il est par conséquent question d'appliquer des réformes visant à rendre l'enseignement plus adapté et à en améliorer l'efficacité. Il n'y a aucune discrimination dans les écoles; les enfants des travailleurs migrants ont les mêmes droits que leurs camarades belges, à la différence que les premiers bénéficient de certaines mesures destinées à faciliter leur adaptation.

23. Il est difficile de rendre compte d'une manière concise de la politique culturelle de la Belgique, pays où trois communautés vivent côte à côte. Ces trois communautés ont été élevées au rang de véritables pouvoirs décentralisés de l'Etat, étant habilitées à promulguer des règlements équivalents à des lois. L'Etat finance les programmes culturels mais n'intervient pas dans leur élaboration et leur exécution. Une grande importance est accordée au principe de la démocratie culturelle, qui implique la participation de larges couches de la population, mais là encore les problèmes financiers constituent souvent un obstacle. Il convient enfin de mentionner les nombreuses initiatives dans le domaine des sports.

24. Dans le cadre des activités scientifiques, le Gouvernement belge cherche à utiliser d'une manière optimale les moyens limités dont il dispose. Etant membre de l'Union européenne, il a, toutefois, la possibilité de participer aux grands programmes de recherche de la Communauté européenne.

25. Mme Bonoan-Dandan prend la présidence.

26. La PRESIDENTE invite la délégation belge à répondre tout d'abord aux questions formulées dans la section I de la liste des points à traiter (E/C.12/1994/WP.1).

B. Cadre juridique général garantissant la protection des droits de l'homme

C. Information et publicité

27. M. DENEVE (Belgique), répondant à la question 1, indique que la Belgique a une structure d'Etat fédéral, lequel est compétent essentiellement pour la fiscalité, la sécurité sociale, la défense, la justice et l'organisation du pouvoir judiciaire, ainsi qu'une partie de l'économie, des affaires étrangères et de l'intérieur. On compte trois régions (Wallonie, Flandre et Bruxelles) et trois communautés (néerlandophone, francophone et germanophone). Les communautés sont compétentes en matière de culture et d'enseignement, tandis que les régions sont compétentes pour l'économie, l'emploi (sauf l'assurance-chômage qui relève de la sécurité sociale et donc de l'Etat fédéral) et une partie des affaires étrangères, notamment en ce qui concerne les traités. La structure judiciaire continue de relever de l'Etat fédéral. En ce qui concerne le pouvoir législatif, il existe maintenant un niveau fédéral et un niveau régional. Des élections législatives se dérouleront bientôt pour la première fois au niveau des régions. Quant au pouvoir exécutif, il existe des administrations au niveau fédéral, au niveau régional et au niveau des communautés.

28. Pour ce qui est des indicateurs socio-économiques, on peut indiquer que le taux d'inflation est très bas avec seulement 2,3 %, soit à peu près comme en Allemagne et aux Pays-Bas. L'espérance de vie est de 74 à 75 ans pour les hommes, et de 77 à 78 ans pour les femmes. La mortalité est de 10,81 pour 1 000 habitants et la natalité de 12,14 pour 1 000 habitants. La fécondité est de 1,7 enfant par femme. Quant à la répartition entre zones urbaines et zones rurales, on peut indiquer que 90 % de la population est concentrée dans les villes.

29. La question 2 concerne l'applicabilité directe du Pacte. Alors que la Cour de cassation a reconnu dès 1984 l'applicabilité directe des dispositions claires et nettes du Pacte relatif aux droits civils et politiques, elle a décidé par un arrêt du 20 décembre 1990 que le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels n'avait pas d'effets directs sur le plan interne, sauf en ce qui concerne la clause de "standstill". Selon cette clause, le législateur ne peut revenir sur les dispositions internes qui étaient en vigueur au moment où le Pacte est lui-même entré en vigueur pour la Belgique (en 1981). La Cour de cassation applique essentiellement deux critères pour déterminer si les dispositions d'un traité ont un effet direct. Premier critère, la disposition visée doit être libellée dans des termes clairs et nets. Deuxième critère, ladite disposition ne doit pas dépendre, pour son application, d'une loi ou d'un règlement. La Cour de cassation a par exemple conclu que l'article 13 (par. 2 b)) du Pacte ne produisait pas d'effet immédiat. Elle s'est notamment fondée à ce sujet sur le paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte, selon lequel chacun des Etats parties au Pacte s'engage à agir en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans cet instrument. Les tribunaux ordinaires peuvent cependant interpréter certaines notions internes et certains principes généraux du droit, comme par exemple la liberté syndicale, en se fondant sur le Pacte ou sur l'une des nombreuses conventions de l'OIT ratifiées par la Belgique.

30. Répondant à la question 3, M. Denève indique que les tribunaux et cours judiciaires sont chargés d'examiner le respect des droits de l'homme et notamment le respect de la Convention européenne des droits de l'homme, qui est d'application directe.

31. En ce qui concerne la question 4, on peut se référer à la Constitution belge. Selon celle-ci, les droits énoncés dans la Constitution, parmi lesquels figurent depuis 1994 les principaux droits sociaux et économiques, sont également applicables aux étrangers, sans discrimination aucune, sauf dispositions contraires énoncées dans la législation. Il n'y a à priori pas de telles dispositions dans la législation en ce qui concerne cette catégorie de droits et il n'y en a assurément pas dans le droit du travail. Il existe par contre des dispositions concernant la sécurité sociale qui ne permettent la totalisation des périodes de cotisation à la sécurité sociale à l'étranger et en Belgique que sous réserve de l'existence d'une convention conclue entre les Etats concernés. Par ailleurs, une loi de 1978 interdit toute discrimination entre hommes et femmes dans le travail, mais les tribunaux n'ont pas encore eu à intervenir dans ce domaine.

32. M. VANDAMME (Belgique), répondant à la question 5, indique que la Belgique assure une diffusion assez large des divers instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme. La première forme de publicité donnée à ces instruments est leur publication au journal officiel (Moniteur belge) avec la loi qui en porte ratification. Par ailleurs, de nombreux juristes en Belgique, dans les universités notamment, s'intéressent à la question des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et produisent de nombreux ouvrages de référence à ce sujet. Certains magistrats sont aussi très sensibles à ces instruments et essayent d'influer sur la jurisprudence pour qu'il en soit davantage tenu compte. Les célébrations d'anniversaires de certaines organisations internationales (comme le soixante-quinzième anniversaire de l'Organisation internationale du Travail célébré la veille) sont également utilisées pour faire connaître les droits de l'homme et les activités de la Belgique liées à l'application des instruments internationaux. Les pouvoirs publics sont conscients de la nécessité d'intensifier encore les efforts pour faire mieux connaître les instruments relatifs aux droits de l'homme. Le rapport présenté par la Belgique au Comité n'a pas donné lieu à un débat public, mais il a, comme c'est toujours le cas, été transmis aux partenaires sociaux, notamment par l'intermédiaire du Conseil national du travail. La Ligue belge des droits de l'homme en a reçu une copie.

33. M. SIMMA souhaiterait avoir des précisions complémentaires sur l'attitude de l'Etat et des tribunaux belges en ce qui concerne les effets internes du Pacte. Le paragraphe 2 du rapport de la Belgique est catégorique à ce sujet : "les dispositions du Pacte n'ont pas d'effets directs". M. Vandamme a dit plus diplomatiquement que ces dispositions n'ont pas nécessairement un effet direct. M. Denève a, quant à lui, repris l'interprétation stricte en appelant l'attention sur la décision prise en 1990 par la Cour de cassation selon laquelle le Pacte n'a absolument aucun effet direct. Le Comité ne partage pas entièrement cette opinion de la Cour de cassation. Il convient à ce sujet d'appeler l'attention sur l'Observation générale No 4 que le Comité a adoptée il y a quelques années. On y trouve une analyse minutieuse de certaines dispositions du Pacte dont il ne semble pas que l'on puisse dire qu'elles n'ont absolument aucun effet direct. L'article 13 du Pacte dispose par exemple que l'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous. Cette disposition devrait avoir un effet direct, même selon les critères très stricts de la Cour de justice européenne. Il y a dans le Pacte un certain nombre de dispositions qui, selon les normes d'interprétation élaborées en droit international auxquelles la délégation belge s'est référée, mais aussi selon les normes appliquées par les tribunaux nationaux de divers pays, doivent avoir des effets directs. M. Simma ne voit pas pourquoi par exemple la disposition de l'article 8 relative au droit de grève n'aurait pas d'effet direct. Il déplore dans une certaine mesure l'attitude des tribunaux belges comme des tribunaux de beaucoup d'autres pays consistant à considérer que le Pacte dans son ensemble n'est pas d'application automatique.

34. M. Simma aimerait aussi avoir des éclaircissements sur l'effet "standstill". Selon le paragraphe 3 du rapport de la Belgique, "les dispositions de droit interne qui garantissaient déjà les droits prévus dans le Pacte au moment de son entrée en vigueur en Belgique, ne peuvent être remis en cause par après". Que signifie exactement cette formulation ? Signifie-t-elle par exemple qu'une loi en vertu de laquelle une certaine prestation est accordée par la sécurité sociale ne peut être abrogée ou peut-on aller jusqu'à l'interpréter comme impliquant que le montant de la prestation sociale ne peut être diminué ?

35. M. TEXIER prend acte des explications données par la délégation belge sur le retard dans la présentation du rapport de la Belgique. Ce rapport est de bonne qualité et donne beaucoup de renseignements utiles. Dans son document de base (HRI/CORE/5/1/Add.1), le Gouvernement belge insiste beaucoup sur les difficultés liées à la coexistence de plusieurs communautés et en particulier d'une communauté francophone et d'une communauté néerlandophone. Les informations données à propos de la création d'une cour d'arbitrage sont très intéressantes. Il semble qu'il s'agisse d'une institution assez originale difficilement comparable à un conseil constitutionnel comme il en existe dans d'autres pays ou à une cour suprême, ce qu'elle n'est manifestement pas.

36. M. Texier déplore que la Belgique, comme l'immense majorité des Etats, attache moins d'importance au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qu'au Pacte relatif aux droits civils et politiques. Cependant, il prend acte avec satisfaction du fait que les droits économiques, sociaux et culturels ont été intégrés dans le texte résultant de la dernière réforme constitutionnelle.

37. Par ailleurs, ayant lui-même, en tant que magistrat dans son pays, adopté des décisions judiciaires faisant référence au Pacte, M. Texier aimerait savoir si la délégation belge a connaissance de cas similaires en Belgique. D'autre part, quelle est la position du Gouvernement belge sur l'élaboration éventuelle d'un protocole facultatif qui permettrait des recours individuels en cas d'infractions au Pacte ?

38. M. RATTRAY demande si la clause "standstill" est par nature un élément évolutif. Il est question à l'article 2 du Pacte d'application progressive. Que se passe-t-il lorsque cette application progressive du Pacte a permis d'arriver au-delà du stade correspondant aux dispositions qui étaient en vigueur au moment de la ratification du Pacte ? Le système juridique belge permet-il de déroger à des dispositions auxquelles on est arrivé progressivement grâce à l'existence du Pacte et de certaines dispositions constitutionnelles ?

39. M. ALVAREZ VITA partage l'inquiétude exprimée par d'autres membres du Comité à propos des effets du Pacte en droit interne. Il souhaiterait avoir des précisions à ce sujet.

40. M. CEAUSU note qu'il y a dans la documentation des données assez précises sur le nombre d'étrangers en Belgique et leur répartition selon leur origine nationale, ainsi que sur la population autochtone des trois régions, mais aucune donnée sur le nombre d'habitants francophones et néerlandophones. Il y a vraisemblablement des néerlandophones en Wallonie et des francophones en Flandre. Il n'y a pas non plus de données sur les proportions de francophones et de néerlandophones dans la région bruxelloise. La délégation belge pourrait-elle donner des précisions sur la composition ethnique de la population autochtone en Belgique ?

41. Par ailleurs, M. Ceausu constate, d'après le rapport et les réponses de la délégation, que la Belgique justifie la non-application directe du Pacte en faisant référence à l'article 2 de cet instrument. Selon cet article, l'application du Pacte serait tributaire des ressources dont disposerait l'Etat et de l'adoption de mesures législatives. Il partage les vues exprimées à ce sujet par MM. Simma et Texier. Il y a dans le Pacte des dispositions dont l'application ne nécessite pas le recours aux ressources financières de l'Etat. Les droits correspondants devraient être reconnus, garantis et appliqués.

42. M. GRISSA note que, selon les données statistiques fournies, moins de 4 % de la population vit dans des zones rurales. Comment les zones urbaines et les zones rurales sont-elles définies ? D'autre part, quelle est la structure des dépenses d'éducation et de santé dans les zones rurales et urbaines ? Comment les activités sont-elles financées ?

43. M. DENEVE (Belgique) indique que la Cour de cassation a adopté son arrêt du 20 décembre 1990 en se fondant sur sa jurisprudence antérieure. La Cour reconnaît semble-t-il qu'il y a dans le Pacte des dispositions claires et nettes - notamment une disposition de l'article 8 relative au droit de grève - qui devraient en principe être directement applicables si l'article 2 du Pacte ne prévoyait pas une application progressive. La Cour de cassation laisse ainsi entendre qu'il y a là pour l'Etat une obligation de moyen et qu'il faut donc essentiellement des mesures législatives internes pour appliquer les dispositions tout à fait claires du Pacte. Le Conseil d'Etat s'est penché sur la question lorsqu'il lui a été demandé d'annuler un arrêté qui mettait en cause une disposition de l'article 13 du Pacte relative à la gratuité de l'enseignement primaire. Adoptant une position plus nuancée que la Cour de cassation, le Conseil d'Etat a reconnu certains effets directs à l'article 13 en indiquant notamment que, si l'obligation et la gratuité de l'enseignement primaire sont établies, il n'est plus possible d'y déroger ultérieurement et que toute dérogation serait nulle et non avenue. Ce principe n'a pas été remis en cause par la Cour de cassation qui a cependant déclaré que les dispositions mêmes du Pacte ne peuvent pas être invoquées devant les juges. Les juges peuvent seulement invoquer la clause de "standstill" et interpréter certaines dispositions du droit interne en se fondant sur les principes énoncés dans le Pacte et sur la jurisprudence du Comité.

44. S'agissant des conséquences de l'effet "standstill" des dispositions du Pacte sur le fonctionnement de la sécurité sociale, M. Denève rappelle que le Comité d'experts indépendants pour l'interprétation de la Charte sociale européenne avait estimé, dans le cas des Pays-Bas, que la clause "standstill" n'impliquait pas l'obligation de maintenir les prestations sociales au niveau qu'elles avaient lors de l'entrée en vigueur de la Charte sociale mais bien celle de les maintenir à un niveau comparable à celui prévu par la Convention No 102 de l'OIT.

45. D'autre part, à l'heure actuelle, seuls un arrêt du Conseil d'Etat daté de 1989 et un arrêt de la Cour de cassation daté de 1990, susmentionnés, font référence à des dispositions du Pacte. Il est probable, et c'est regrettable, que les dispositions du Pacte ne soient pas suffisamment connues par les juges. Dans ce contexte, il est possible que des réunions soient organisées au profit des magistrats et des universitaires afin de mieux faire connaître le Pacte.

46. S'agissant du lien entre l'effet "standstill" et l'application progressive du Pacte, on peut citer l'exemple du droit de grève. En effet, depuis 1981, le droit de grève, qui était déjà reconnu dans le secteur privé, a été reconnu d'une manière générale pour le secteur public. En outre, un arrêté royal de 1991 prévoit implicitement que le droit de grève dans le secteur public ne pose aucun problème. A cet égard, il convient également de signaler que les sanctions disciplinaires théroriquement prévues en cas de grève dans le secteur public ne sont plus appliquées depuis environ 30 ans.

47. La Cour d'arbitrage a été créée au début des années 80 et a fait l'objet d'une réforme en 1988. D'une part, elle joue le rôle d'une cour constitutionnelle à compétence strictement limitée aux articles 10 et 11 de la Constitution, concernant l'égalité de traitement, et à l'article 17 de la Constitution concernant le droit à l'enseignement; dans ses nombreux arrêts, la Cour d'arbitrage s'est également penchée sur d'autres dispositions de la Constitution, en faisant le lien avec les articles 10 et 11. D'autre part, la Cour d'arbitrage est chargée d'arbitrer les problèmes de conflit de compétence entre les différentes entités constitutives de l'Etat.

48. Par ailleurs, M. Denève fait observer que l'appartenance à une communauté linguistique ne peut en aucun cas s'apparenter à l'appartenance à une ethnie. La population belge se répartit de la manière suivante : 60 000 habitants parlent l'allemand, 6 millions d'habitants appartiennent à la communauté néerlandophone et 4 millions d'habitants, comprenant les Wallons et une grande partie des habitants de Bruxelles, appartiennent à la communauté francophone.

49. En ce qui concerne la répartition de la population entre les villes et la campagne, il est important de se rendre compte que, mis à part l'extrême sud du pays, la Belgique n'est en réalité qu'une immense ville. Il n'y a d'ailleurs aucune différence de revenu ou de niveau de vie entre ceux que l'on pourrait qualifier, avec beaucoup de difficultés, de paysans et de citadins. Les activités déployées dans les quelques régions rurales sont presque entièrement subventionnées par l'Etat et, surtout, par la Communauté européenne.

50. M. SIMMA demande que la délégation belge fournisse les textes des arrêts de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat qu'elle a cités au Comité. Par ailleurs, le Gouvernement belge partage-t-il le point de vue du Comité d'experts indépendants pour l'interprétation de la Charte sociale européenne concernant les conséquences de l'effet "standstill" sur le fonctionnement de la sécurité sociale ?

51. M. TEXIER demande si le Gouvernement belge a déjà entamé une réflexion sur la question d'un éventuel protocole additionnel se rapportant au Pacte. Cette idée est née il y a quelques années, des discussions ont déjà eu lieu à ce sujet et une étape importante a été franchie lors de la Conférence mondiale de Vienne, au cours de laquelle le Comité s'est vu demander de poursuivre l'étude relative à un tel protocole additionnel. Le Comité doit donc convaincre les Etats parties de l'utilité d'un tel protocole; dans ce contexte, il est intéressant de connaître la position des autorités belges.

52. M. DENEVE (Belgique) souligne que la Belgique n'était pas concernée en tant que telle par l'interprétation donnée par le Comité d'experts indépendants pour l'interprétation de la Charte sociale européenne, puisque cette opinion concernait les Pays-Bas. Cela étant, il semble que la Belgique pourrait adopter une position favorable à cette interprétation en ce qui concerne le fonctionnement de la sécurité sociale en Belgique.

53. M. VAN CRAEN (Belgique) fait observer que, puisque le protocole en question n'existe pas encore, il est difficile pour la délégation belge d'exprimer une opinion en la matière. D'un point de vue théorique, cependant, le principe qui inspire la position du Gouvernement belge est le suivant : un tel protocole est envisageable, pour autant que les citoyens belges ne puissent s'adresser directement au Comité qu'après extinction de l'ensemble des voies de recours internes.

54. La PRESIDENTE appelle l'attention sur les questions écrites de la liste E/C.10/1994/WP.1 concernant l'article 6 :


Article 6. Droit au travail

55. M. DENEVE (Belgique) dit que la Belgique applique le droit au travail conformément à la jurisprudence de l'OIT. C'est ainsi que le droit au travail n'est pas un droit absolu et on ne peut le revendiquer devant les tribunaux. Cependant, ce droit implique le libre choix d'un emploi et une obligation de moyens, pour les autorités belges, d'atteindre le plein emploi.

56. Les personnes sans emploi peuvent bénéficier d'une assurance chômage. Tout travailleur doit d'abord passer par une période d'assurance, avant de pouvoir prétendre à une allocation de chômage. Cette période varie de six mois à deux ans, selon l'âge de la personne assurée. En effet, pour les personnes âgées de 50 ans et plus, cette période a été fixée à deux ans, pour éviter que les travailleurs indépendants ne puissent bénéficier, après avoir reçu des prestations indépendantes, des mêmes droits que les salariés. D'autre part, toute personne qui est sans emploi bénéficie d'allocations de chômage pendant toute la durée du chômage. Il n'existe aucune limitation dans le temps, ce qui constitue une différence fondamentale par rapport à d'autres pays européens. Les étudiants qui terminent leurs études peuvent également, après une période de six mois d'attente et après s'être inscrits comme demandeurs d'emploi, bénéficier des allocations de chômage pour une durée indéterminée.

57. S'agissant des discriminations éventuelles en matière d'emploi, fondées sur la race, la couleur, le sexe, l'origine nationale, l'opinion politique et la religion, M. Denève tient à souligner que les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent les principes de l'égalité de traitement pour tous les citoyens belges et que l'article 191 de la Constitution prévoit que les droits garantis reconnus aux Belges le sont également aux étrangers, sauf s'il existe des dispositions légales qui prévoient le contraire. C'est notamment le cas en ce qui concerne la totalisation des périodes d'assurance-chômage à l'étranger et en Belgique. En effet, pour que cette opération soit possible, il faut qu'il existe une convention bilatérale ou multilatérale entre la Belgique et le pays concerné. Cela étant, les étrangers qui vivent en Belgique peuvent prétendre, dans les mêmes conditions, aux mêmes prestations sociales que les citoyens belges. D'autre part, une loi de 1978 interdit toute discrimination fondée sur le sexe. Les parties lésées peuvent, dès lors, en appeler aux tribunaux ordinaires en cas de litige portant sur une telle discrimination. Il convient de noter qu'il n'y a eu aucune décision judiciaire à ce sujet jusqu'à présent.

58. En ce qui concerne la situation de l'emploi, il faut bien reconnaître que le taux de chômage est préoccupant en Belgique. Il est, à l'heure actuelle, de 17 % pour les femmes et de 9 % pour les hommes. D'autre part, le taux de chômage est de 15 % pour les jeunes, mais le gouvernement a pris des initiatives en la matière à la fin de 1993. C'est ainsi qu'un plan d'embauche des jeunes a été mis sur pied et permet aux employeurs d'engager des jeunes de moins de 26 ans dans des conditions très favorables. Ce plan a eu un succès considérable et, en avril 1994, 25 000 jeunes avaient trouvé un emploi dans ces conditions. Le taux de chômage des personnes âgées est également très élevé mais, là aussi, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures. C'est ainsi qu'il est possible, depuis les années 70, aux personnes âgées de plus de 50 ans de demander leur départ en prépension conventionnelle, particulièrement dans les entreprises en difficulté. Ces personnes reçoivent alors une allocation de chômage majorée et bénéficient d'une intervention financière de l'employeur, lorsque c'est possible. Lorsque l'employeur n'est pas capable d'une telle intervention financière, c'est le Fonds de fermeture des entreprises qui s'en charge. Les personnes âgées de plus de 50 ans peuvent également prétendre à une allocation de chômage complémentaire jusqu'à l'âge de la retraite. Elles sont alors dispensées de l'obligation de se soumettre au pointage régulier, ainsi que de l'obligation d'être disponibles pour le marché de l'emploi. Par ailleurs de nombreuses mesures ont été prises pour résorber le chômage de longue durée. Les chômeurs de longue durée doivent par exemple se présenter régulièrement à des bureaux d'emploi, qui ont été récemment régionalisés, où l'on tente de les replacer sur le marché du travail.

Conformément à de nombreuses conventions de l'OIT, la Belgique a créé un réseau de centres de formation professionnelle, ouverts en premier lieu aux chômeurs de longue durée. La communauté francophone a également pris de nouvelles initiatives en créant un système d'enseignement à distance et en mettant sur pied des cours préparatoires aux examens administratifs auxquels est subordonnée l'entrée dans la fonction publique.

59. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la Belgique a développé un système de négociations collectives dans les relations du travail, dans le cadre des commissions paritaires. Celles-ci sont composées de représentants des travailleurs et des employeurs et les conditions de travail y sont débattues. Les négociations collectives peuvent avoir lieu au niveau des secteurs, des entreprises, voire même au niveau national. Dans ce contexte, la Belgique accorde une liberté totale aux partenaires sociaux. Au niveau national, les conventions collectives sont négociées dans le cadre du Conseil national du travail, composé également de manière paritaire. Il convient de signaler que 52 conventions collectives ont déjà été conclues dans ce contexte. Toute convention collective peut avoir force de loi en vertu d'un arrêté royal et peut, dès lors, lier tous les travailleurs et tous les employeurs du secteur concerné, même s'ils appartiennent à des organisations qui n'ont pas souhaité participer aux négociations.

60. M. SIMMA constate que pour la première fois depuis la création du Comité, un Etat partie fait référence à une notion extraordinaire : l'harmonisation de la vie professionnelle et familiale (par. 12 du rapport de la Belgique). La délégation belge peut-elle donner des précisions à ce sujet ?

61. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaite des précisions sur la loi de sauvegarde de la compétitivité de l'économie belge. Il est par ailleurs de notoriété publique que la Belgique a déployé des efforts considérables pour permettre aux personnes handicapées d'accéder au marché du travail. De nouvelles expériences ont-elles été développées dans ce domaine ? Existe-t-il en Belgique des coopératives de personnes handicapées ?

62. M. DENEVE (Belgique) affirme, en réponse à la question de M. Simma concernant les mesures visant à assurer la compatibilité entre la vie professionnelle et la vie familiale, que la Belgique est un pays précurseur en la matière. En 1985, elle a adopté des mesures permettant aux salariés d'effectuer un travail à mi-temps ou d'interrompre leur carrière professionnelle pendant cinq ans, de recevoir une allocation financière versée pour moitié par l'organisme s'occupant de l'assurance-chômage et pour l'autre moitié par l'Etat. Cette mesure a obtenu un succès considérable et beaucoup de personnes en ont bénéficié.

63. Des mesures du même ordre sont prises pour favoriser la compatibilité entre la vie professionnelle et la vie familiale, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. En cas de maladie d'un enfant, d'un autre membre du ménage, ou en cas de raisons impérieuses, un salarié peut interrompre le travail trois ou quatre jours sans perte de salaire. Nombre de conventions collectives permettent de ne pas travailler le mercredi après-midi et le vendredi en conservant 80 % du salaire à plein temps. M. Denève est disposé à fournir un complément d'information par écrit.

64. M. VANDAMME (Belgique) explique que la loi sur la protection de la compétitivité organise la concertation entre le gouvernement fédéral et les partenaires sociaux, qui étudient les données les plus récentes, en vue d'assurer la compétitivité économique de la Belgique. Par exemple, si l'on constate une détérioration des termes de l'échange entre la Belgique et certains pays de référence, le Parlement et les partenaires sociaux peuvent prendre des mesures pour améliorer la situation. Ce mécanisme empêche les divergences de vues entre le gouvernement et les partenaires sociaux, ce qui favorise le dialogue social. Les concertations ont lieu une fois par an.

65. S'agissant de la politique de la Belgique relative aux handicapés, plusieurs mesures ont été prises pour favoriser l'intégration sociale et professionnelle de cette catégorie de personnes. Chaque communauté de la Belgique dispose d'un organisme chargé de gérer l'insertion professionnelle des handicapés en accordant à des organismes privés des subventions spéciales pour la création d'"ateliers protégés" ou de petites coopératives employant et rémunérant des personnes handicapées. La Belgique a promulgué une loi générale sur la sécurité sociale, qui alloue aux personnes handicapées des subventions leur permettant de se faire aider à domicile ou de disposer d'un revenu. Il existe, en outre, un vaste réseau spécialisé animé par des initiatives confessionnelles ou privées qui encouragent la réadaptation fonctionnelle des handicapés. L'intervenant croit savoir que la Belgique a ratifié la Convention No 159 du BIT, mais se réserve de répondre avec plus de précision le surlendemain.

66. Pour Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO il serait intéressant de disposer du texte de la loi générale sur la sécurité sociale dont la délégation de la Belgique a fait état.

67. Mme IDER félicite la Belgique de l'excellente qualité de son rapport initial (E/1990/5/Add.15) et lui demande de fournir des clarifications et des informations supplémentaires sur le point 7, concernant l'article 6 du Pacte. Elle pense qu'il serait utile de savoir comment est appliquée la législation du travail belge, qui est très avancée, compte tenu du fait que les statistiques fournies par la Belgique indiquent que le chômage frappe particulièrement les femmes, les personnes âgées et les jeunes. Etant donné qu'il ressort du rapport de la Belgique que le secteur privé ne semble guère disposé à employer les personnes appartenant à ces catégories, elle demande à la délégation belge de préciser comment son gouvernement s'y prend pour assurer l'application de la loi. De plus, la délégation ayant indiqué dans sa déclaration liminaire que les citoyens belges et les personnes résidant en Belgique ne peuvent invoquer l'article 6 du Pacte devant les juridictions d'appel, elle aimerait savoir quelles voies de recours peuvent être utilisées en cas de violation.

68. M. DENEVE (Belgique), répondant à la question concernant l'application des mesures visant à résorber le chômage, notamment celui des chômeurs de longue durée, des femmes et des jeunes, indique qu'un plan d'embauche des jeunes a été mis en place en 1993 pour inciter les employeurs du secteur privé à engager les chômeurs de moins de 26 ans grâce notamment à des mesures dispensant les employeurs du versement des cotisations de sécurité sociale s'ils engagent des chômeurs de cette tranche d'âge. Quelque 25 000 personnes ont été engagées dans le cadre de ce plan.

69. Quant aux personnes âgées, il rappelle qu'il existe en marge de l'assurance-chômage, une allocation complémentaire pour les chômeurs âgés de 50 à 55 ans, qui sont également dispensés de l'inscription sur le registre du marché de l'emploi et assimilés à des retraités. Les personnes âgées de plus de 50 ans bénéficient d'une protection conventionnelle qui leur donne droit jusqu'à l'âge de la retraite, à une allocation de chômage majorée plus une participation de l'employeur, représentant 80 à 90 % du dernier salaire. S'agissant des femmes, il faut reconnaître que le taux de chômage de ce groupe est particulièrement élevé (17 %). Elles sont les principales victimes du chômage de longue durée qui représente 80 % des chiffres du chômage. Elles reçoivent, au titre de l'assurance-chômage, des indemnités qui ne sont pas limitées dans le temps. La Belgique applique à cet égard les dispositions de l'OIT relatives au droit au travail, notamment les Conventions 122 et 168 qui stipulent que l'Etat doit verser des allocations de chômage s'il est dans l'incapacité de fournir un emploi dans les secteurs public ou privé. M. Denève indique par ailleurs que des mesures d'accompagnement spéciales ont été mises en place pour aider les chômeurs de longue durée, qui sont en majorité des femmes, à trouver un emploi. De même, des mesures financières facilitent leur réinsertion dans le marché de l'emploi et elles peuvent recevoir une formation professionnelle spéciale pour chômeurs de longue durée. Pour résumer, un ensemble de mesures ont été adoptées pendant les années 80 et 90 en faveur des chômeurs de longue durée dans les trois grandes régions de la Belgique (Flandre, Wallonie, Bruxelles). Toutefois, le taux de chômage, qu'il soit de longue ou de courte durée, demeure trop élevé.

70. M. VANDAMME (Belgique) déclare qu'il essaiera de fournir à Mme Jimenez Butragueño le texte de loi qu'elle a demandé dès la séance suivante. Il explique, entre temps, que l'on établit une comparaison entre l'état de l'économie de la Belgique et celle de ses sept principaux concurrents (Allemagne, France, Pays-Bas, etc.) afin de déterminer si l'évolution des niveaux des salaires belges est comparable à celle de ses voisins. Si le Conseil central de l'économie constate une disproportion entre les niveaux de salaires considérés, le gouvernement peut décider, comme il l'a fait en 1993, d'interdire toute augmentation salariale pendant deux ans.

71. La PRESIDENTE appelle l'attention sur les points concernant l'article 7 du Pacte :


"Article 7. Droit à des conditions de travail justes et favorables

72. M. DENEVE (Belgique), en réponse à la question 10, qui concerne la protection efficace de toutes les catégories de travailleurs sur le plan de la santé et de la sécurité au travail, indique que la Belgique dispose d'un code sur la protection générale des travailleurs applicable à la sécurité, à l'hygiène et à la santé des salariés sous contrat de travail, aux apprentis et stagiaires ainsi qu'aux personnes travaillant pour le compte d'autrui sans contrat de travail. D'autres mesures visent tant la protection des salariés dans le cadre de l'entreprise que celle du public (règlement sur les rayonnements ionisants, règlement général sur les installations électriques, loi sur les machines dangereuses). De la sorte, la législation belge en matière de sécurité et d'hygiène sur le lieu de travail recouvre tous les travailleurs salariés, les personnes assimilées ainsi qu'une partie du public.

73. S'agissant de la discrimination à l'encontre des femmes, des jeunes et des travailleurs migrants dans le travail, l'intervenant indique que les articles 10, 11, 23 et 24 de la Constitution garantissent le droit au travail en tant que droit social fondamental, et que l'article 191 interdit toute discrimination entre Belges, d'une part, et à l'égard des travailleurs migrants, d'autre part, sauf disposition spéciale prévue dans la loi. Il est à noter, toutefois, qu'il n'existe aucune loi de ce type et que la loi de 1978 interdit toute discrimination.

74. M. TEXIER pose tout d'abord à la délégation belge une question d'ordre général relative à l'hygiène et à la sécurité du travail, point sur lesquels le rapport lui semble assez laconique. Il demande, à cet égard, quels moyens sont mis en oeuvre pour contrôler l'hygiène et la sécurité du travail et s'il existe un corps d'inspecteurs du travail doté d'effectifs et de pouvoirs suffisants (missions d'investigation) et des mécanismes de suivi pouvant entraîner des actions devant des juridictions spécialisées, ou si c'est la juridiction du travail mentionnée dans le rapport qui s'occupe spécialement de l'hygiène et de la sécurité. La deuxième question de M. Texier, plus ponctuelle, porte sur le repos hebdomadaire. Ayant noté qu'il est indiqué au paragraphe 39 du rapport de la Belgique que le dimanche est jour de repos mais que des dérogations sont possibles, il demande si cette disposition est appliquée et, si oui, dans quelles conditions.

75. M. DENEVE (Belgique), répondant à la première question de M. Texier, indique que le Ministère du travail et de l'emploi, dont il relève, est doté d'un corps d'ingénieurs compétents qui pénètrent librement dans les entreprises afin d'y contrôler les conditions de sécurité. Ces ingénieurs peuvent dresser des procès-verbaux et même ordonner la fermeture d'une entreprise dans des cas extrêmes. Il existe également un corps de médecins-inspecteurs ayant les mêmes compétences pour contrôler les conditions d'hygiène et de santé au travail, sans compter la police et la gendarmerie qui ont des compétences d'ordre général relevant du droit pénal.

76. S'agissant des mesures de suivi, une juridiction spécialisée existe depuis 1969 : les tribunaux du travail. De plus, les "auditeurs du travail", qui sont un corps de magistrats spécialisés dans les infractions à la législation du travail, font office de ministère public devant les tribunaux ordinaires qui sont compétents en la matière. Les tribunaux du travail déterminent les effets civils découlant des dispositions pénales. L'administration mère jouit d'une compétence spéciale pour contrôler les mesures de suivi et infliger des amendes administratives. En cas d'infraction ne relevant pas du tribunal correctionnel, c'est le service juridique du département compétent du Ministère du travail et de l'emploi qui est saisi par les auditeurs du travail. Il peut infliger une amende pouvant atteindre 50 000 francs belges par travailleur concerné. En ce qui concerne les rentes pour accident du travail, ce sont les tribunaux du travail et la juridiction spécialisée qui sont compétents.

77. M. VANDAMME (Belgique) répondant également à la deuxième question de M. Texier, ajoute que l'article 11 de la loi de base sur le travail stipule qu'il est interdit d'occuper un travailleur le dimanche mais que des dérogations limitées sont prévues pour des motifs exceptionnels (activités de surveillance, accidents, travaux de nettoyage, travaux urgents). Cette loi autorise le roi à accorder des dérogations dans des secteurs précis (distribution, activités touristiques, etc.). Cependant, le principe général de l'interdiction du travail le dimanche est respecté et bien accepté.

78. La PRESIDENTE annonce que le Comité tiendra une séance privée pour discuter des observations générales concernant l'Iraq à la suite de l'examen de son deuxième rapport périodique, à partir de 15 h 30.


La séance est levée à 13 heures.

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