Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.223
8 juin 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 223ème séance : Belgium. 08/06/95.
CRC/C/SR.223. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Neuvième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 223ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 31 mai 1995, à 15 heures.
Présidente : Mme BELEMBAOGO

SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties (suite)

Rapport initial de la Belgique (suite)


__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

La séance est ouverte à 15 h 10.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 5 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Belgique (suite) (CRC/C/11/Add.4; CRC/C.9/WP.4)

1. M. Debrulle, M. Lelièvre, M. Van Keymeulen, Mme Lavry, M. Willems, M. de Schoutheete de Tervarent (Belgique) prennent place à la table du Comité.

2. La PRESIDENTE invite la délégation belge à continuer de répondre aux questions de la liste des points à traiter (CRC/C.9/WP.4) relatives aux mesures d'application générale. Elle rappelle que les membres du Comité avaient posé des questions supplémentaires à ce sujet, en se fondant sur les réponses écrites du Gouvernement belge, qui figurent dans un document publié sans cote et distribué en français aux membres du Comité.

3. M. DEBRULLE (Belgique) précise tout d'abord que le système politique belge ne se caractérise pas par une décentralisation des compétences sous l'autorité d'un pouvoir de tutelle central. Il s'agit en réalité d'un système de répartition des compétences entre des instances fédérales et des instances fédérées. De plus, la Constitution n'établit aucune hiérarchie entre les normes adoptées par les entités fédérées et celles adoptées par les entités fédérales. Il n'est donc pas impossible qu'il y ait des contradictions entre les décrets communautaires et les lois fédérales. Cela dit, le système ne permet pas à un individu de choisir les normes qui lui sont le plus favorables. En effet, la règle de la territorialité des compétences s'applique, ainsi que celle de l'homogénéité linguistique des régions.

4. Il convient également de souligner deux principes importants : la règle de la prééminence du droit international sur le droit interne et la règle de l'effet direct des normes de droit international adoptées par la Belgique, qui s'appliquent dans l'ensemble du pays. Trois mécanismes assurent la cohérence du système : les conférences ministérielles qui réunissent des représentants des communautés et du pouvoir fédéral et sont consacrées à certains sujets bien particuliers comme la toxicomanie, le Comité de concertation, convoqué lorsque les discussions engagées dans le cadre de conférences ministérielles débouchent sur un conflit et la Cour d'arbitrage - équivalant à une cour constitutionnelle - qui est saisie en cas de conflit juridique entre des dispositions émanant des décrets communautaires d'une part et des lois fédérales d'autre part.

5. En ce qui concerne le mécanisme de suivi, les systèmes mis en place diffèrent d'une communauté à l'autre. Ainsi la communauté flamande a nommé un ombudsman et a délégué certains pouvoirs de suivi et d'évaluation à deux institutions de recherche : les universités de Gand et de Louvain. La communauté française a opté pour le système du Délégué général aux droits de l'enfant, déjà décrit. La communauté germanophone, quant à elle, ne dispose pas de mécanisme spécifique de suivi. Il convient de rappeler que cette communauté ne compte que 55 à 60 000 personnes. S'il est vrai qu'elle ne dispose pas d'institution spécialisée pour la protection de l'enfance, elle dispose néanmoins d'un parlement, d'un gouvernement et de tribunaux propres, ce qui fait d'elle une des communautés minoritaires les mieux protégées d'Europe. Cela dit, les autorités belges pourraient envisager dans ce domaine une coopération avec la communauté flamande ou avec la communauté française. Enfin, en l'état actuel des choses, il n'existe pas de mécanisme de suivi au niveau fédéral.

6. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) comprend l'inquiétude exprimée par Mme Karp concernant la nécessité d'adopter une approche globale des problèmes en matière de droits de l'enfant. Toutefois, ce type de problème ne se pose pas réellement en Belgique puisque l'on a su éviter les problèmes qui auraient pu survenir si les normes avaient été fixées par l'Etat fédéral et exécutées par les communautés. En effet, le droit pénal et le droit civil, qui règle tout ce qui concerne la famille, les personnes, la filiation, le divorce, l'autorité parentale, par exemple, sont de la compétence exclusive des autorités fédérales. L'approche en la matière ne peut donc être que globale. Pour ce qui est des mesures spéciales de protection de l'enfance, il est important de souligner que la Belgique préfère aider que sanctionner. Tout ce qui concerne les mineurs en danger relève de la compétence exclusive des communautés, qu'il s'agisse de la fixation ou de l'exécution des normes. Pour les mineurs délinquants en revanche, le législateur fédéral établit la liste des mesures qui peuvent être prises à leur encontre mais l'exécution de ces mesures dépend des communautés. Cette exception au principe général selon lequel il faut éviter que des règles soient fixées par le pouvoir fédéral et exécutées par les communautés se fonde sur l'article 6 de la Constitution, qui consacre l'égalité entre tous les Belges.

7. M. LELIEVRE (Belgique) dit que, même si tout a été prévu sur le plan théorique, il n'en subsiste pas moins quelques problèmes. C'est notamment le cas dans le domaine de l'emprisonnement des mineurs. Un examen minutieux des statistiques montre en effet que les magistrats de la communauté française ordonnent plus souvent l'emprisonnement de mineurs que ceux des autres communautés. Cependant, on constate qu'il ne s'agit pas d'un problème réellement communautaire mais bien d'un problème spécifique à certains arrondissements judiciaires, et notamment à ceux de Bruxelles et de Liège. Il est donc clair que le nouvel article 53 de la Constitution fédérale, même s'il apporte certaines améliorations par rapport aux dispositions antérieures, continue de poser un problème. Cet article ne vise pourtant pas à sanctionner le mineur mais prévoit que, s'il est matériellement impossible de trouver un particulier ou une institution en mesure de recueillir le mineur, celui-ci peut être gardé provisoirement dans une maison d'arrêt pour une période ne pouvant dépasser 15 jours. D'aucuns objectent que l'article 53 de la Constitution fédérale ne peut pas être abrogé dans l'immédiat étant donné que les communautés ne disposent pas des infrastructures suffisantes, en particulier d'un nombre suffisant d'institutions fermées. Il semble néanmoins que le problème ne réside pas seulement dans le manque de places disponibles dans les établissements publics et privés d'hébergement de jeunes en situation de conflit avec la loi. En effet, des centres d'hébergement d'urgence ont été créés, de nouveaux lits ont été ouverts dans les institutions publiques et privées sans pour autant que le nombre de cas d'incarcération ait diminué. M. Lelièvre estime que ce problème ne pourra être résolu que si l'on fixe une date pour l'abrogation de l'article 53 de la Constitution fédérale.

8. Mme SANTOS PAIS se félicite de la décision de la communauté flamande d'associer des institutions de recherche au mécanisme de suivi et d'évaluation de la mise en oeuvre de la Convention. On peut se demander cependant si l'action de l'ombudsman, celle du Délégué général aux droits de l'enfant et celle des institutions de recherche sont réellement complémentaires et suffisent à veiller à la mise en oeuvre des dispositions de la Convention dans l'ensemble des domaines qu'elle couvre. C'est pourquoi Mme Santos País estime qu'un mécanisme de suivi au niveau fédéral est absolument indispensable. Par ailleurs, il ressort de la réponse écrite à la question 4 de la liste des points à traiter que la Belgique dispose d'un certain nombre de mécanismes de collecte de données statistiques, mais qu'ils ne semblent pas être mis en oeuvre de manière très cohérente. Enfin, si elle regrette l'absence de consultation des ONG pour l'établissement du rapport, Mme Santos País se félicite de l'ouverture d'esprit dont la délégation belge fait preuve.

9. M. DEBRULLE (Belgique) reconnaît qu'il y a des lacunes au niveau fédéral. D'une part, il faut remédier au manque de statistiques fiables et à l'absence d'une véritable évaluation de la manière dont les politiques sont mises en oeuvre. A cet égard deux initiatives ont été prises récemment : un service de politique préventive et un service de politique criminelle ont respectivement été créés au sein du Département fédéral de l'intérieur et du Département fédéral de la justice. Ces deux services sont notamment chargés de mettre sur pied des instruments statistiques fiables. Par ailleurs, M. Debrulle regrette de ne pas être en mesure de fournir au Comité une estimation des enveloppes budgétaires consacrées aux politiques de l'enfance au niveau fédéral.

10. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) rappelle que la Belgique connaît actuellement une situation transitoire et que, même si les statistiques fédérales sont relativement insuffisantes, les communautés, elles, élaborent des instruments statistiques de plus en plus fiables quant à l'application de la Convention.

11. M. HAMMARBERG trouve le système belge quelque peu complexe. Il semble en outre que ce système repose sur l'appartenance des individus à telle ou telle communauté. On peut dès lors se demander si les ressortissants étrangers résidant en Belgique n'éprouvent pas des difficultés à s'y reconnaître dans le système bureaucratique en vigueur en Belgique afin de faire valoir leurs droits.

12. Mme BADRAN demande si les autorités belges, dans le cadre de l'amélioration des mécanismes de collecte de données statistiques au niveau fédéral, ont l'intention de prendre en compte les variations en fonction de l'appartenance à divers groupes d'enfants au sein d'une même communauté.

13. M. LELIEVRE (Belgique) rappelle que le processus dit de communautarisation est récent, que des lois portant création de nouvelles institutions ont été adoptées et que, à partir de là, une nouvelle organisation statistique sera établie.

14. La PRESIDENTE note avec satisfaction l'application du principe de la primauté du droit international sur le droit national, respecté au niveau fédéral et dans les entités fédérées. Le Comité constate, en même temps que la délégation, l'absence de mécanisme de suivi et d'évaluation au plan fédéral. Il souhaite que les efforts déjà engagés en la matière se poursuivent, de façon que la mise en place d'un mécanisme national approprié soit une réalité dans un proche avenir, afin de renforcer la cohérence du système actuel. Enfin, le Comité encourage l'instauration d'une coopération spécifique avec la communauté germanophone, dans le domaine des activités en faveur de l'enfance, comme la délégation l'a elle-même proposé.

15. M. HAMMARBERG note que le rapport ne contient guère de données statistiques sur l'aide au développement, en particulier en matière sociale. Il souhaiterait un complément d'information à cet égard, se demandant aussi s'il existe un système de contrôle de l'utilisation des allocations budgétaires. La Belgique étant un pays riche, envisage-t-elle d'augmenter sa contribution à l'aide publique au développement qui représente aujourd'hui moins de 0,5 % du produit national brut. Selon le rapport, la Belgique a versé 80 millions de francs belges à l'UNICEF. Cette contribution est-elle supérieure à celle des années précédentes ? A l'heure actuelle, les ressources consacrées par la Belgique à l'APD sont inférieures à celles de pays voisins.

16. Mme BADRAN, se référant au paragraphe 65 du rapport où il est mentionné que dans la pratique des mineurs délinquants peuvent être retenus au poste de police au maximum 24 heures, évoque la question de la formation aux droits de l'enfant des forces de l'ordre qui doivent en toutes circonstances respecter les enfants et, en particulier, s'abstenir de toute brutalité.

17. Mme KARP souhaiterait savoir si le Gouvernement fédéral garantit aux diverses communautés un budget suffisant en matière sociale.

18. M. DEBRULLE (Belgique) sera en mesure d'apporter à la séance suivante des informations plus complètes sur les affectations budgétaires et la coopération internationale. En règle générale, le niveau des ressources allouées à l'aide sociale se maintient, notamment en faveur des plus défavorisés et des enfants, malgré les contraintes budgétaires imposées par la lutte contre le déficit public.

19. Certes, la Belgique ne consacre pas encore 0,5 % de son produit national brut à l'APD, comme le préconisent les institutions internationales, mais elle s'efforce indiscutablement d'accroître cette aide, par des moyens budgétaires et non budgétaires. Ainsi, la Belgique a signé avec les Philippines un accord de coopération concernant la traite des personnes et des enfants. La coopération bilatérale permet de mieux lutter contre de telles pratiques, de les prévenir et de réinsérer les personnes qui en sont victimes. Elle envisage même une coopération judiciaire dans ce domaine, notamment l'extradition de délinquants. Toutefois, il est difficile de quantifier ce type d'activités.

20. En réponse à Mme Karp, M. Debrulle indique que les entités fédérées disposent de ressources et de budgets propres mais qu'il existe des mécanismes de solidarité entre ces entités. Ainsi, des ressources supplémentaires sont versées aux établissements scolaires en fonction du nombre d'enfants scolarisés, afin d'atténuer les déséquilibres. Des mécanismes de solidarité existent également dans le domaine de l'enseignement.

21. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) ajoute que ces mécanismes de solidarité sont financés par des ressources fédérales, en particulier par les impôts directs. En outre, les communautés disposent de ressources directes car elles perçoivent aussi des impôts. Les budgets consacrés à l'aide à la jeunesse, à l'enseignement, aux handicapés, à l'aide aux étrangers et à l'engagement de personnels de plus en plus qualifiés, augmentent d'année en année.

22. Mme SANTOS PAIS souhaiterait savoir si le Gouvernement fédéral tient compte des besoins des communautés lorsqu'il établit ses politiques financières. En effet, dans d'autres pays fédérés, le transfert des compétences ne s'accompagne pas toujours d'un transfert de ressources.

23. M. LELIEVRE (Belgique) indique que lorsqu'il y a transfert de compétences, il y a aussi transfert des budgets à partager entre les diverses communautés. Ainsi, dans la communauté française, l'aide à la jeunesse et à la petite enfance est en constante augmentation. Le budget consacré à la lutte contre les mauvais traitements infligés aux enfants, de 33 millions de francs en 1988, s'élève à plus de 100 millions en 1995. Toutefois, M. Lelièvre ne dispose pas encore d'informations plus détaillées sur ces questions mais espère être en mesure de les apporter à la séance suivante.

24. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) rappelle que la communitarisation en Belgique s'est effectuée en deux étapes, en 1980 et en 1988. Des lois d'application ont été adoptées, en matière de ressources et de transfert de personnels notamment. Toutefois, certaines compétences incombent au pouvoir fédéral, en particulier la politique économique et monétaire. Les ressources sont réparties entre les communautés à la suite de négociations. Elles sont fonction du nombre d'habitants, de la superficie et des recettes fiscales de ces communautés.

25. La PRESIDENTE invite la délégation et le Comité à passer aux questions de la liste des points à traiter (CRC/C.9/WP.4) relatives aux principes généraux et aux libertés et droits civils, qui sont ainsi rédigées :

"Principes généraux
(Art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination (art. 2)

Libertés et droits civils
(Art. 7, 8, 13-17 et 37 a) de la Convention)

26. M. KOLOSOV se réfère à la déclaration faite par la Belgique au sujet de la liberté de religion (CRC/C/2/Rev.3), par laquelle elle interprète le paragraphe 1 de l'article 14 "en ce sens que, conformément aux dispositions pertinentes de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques [...] ainsi que l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion implique également la liberté de choisir sa religion ou sa conviction". Or le paragraphe 3 de l'article 14 de la Convention établit clairement la liberté de manifester sa religion ou ses convictions. Considérant que cette déclaration n'est pas nécessaire, M. Kolosov souhaiterait savoir si le Gouvernement belge a fait une déclaration du même type à propos de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

27. Le Comité a reçu d'une organisation non gouvernementale flamande un document contenant une analyse critique du rapport initial (document en anglais, sans cote, distribué en séance), où il est indiqué que les enfants doivent attendre l'âge de 18 ans pour choisir leur religion, alors que la Constitution belge garantit la liberté de religion à tous les citoyens belges. M. Kolosov souhaiterait des éclaircissements à cet égard.

28. M. MOMBESHORA, se référant au principe du droit à la vie et renvoyant au paragraphe 96 du rapport, demande des renseignements sur la situation légale en matière d'avortement et voudrait savoir en particulier si ce sont des médecins, des assistants sociaux, des psychologues qui évaluent les situations de détresse dans lesquelles l'avortement est autorisé.

29. Mme BADRAN considère, à propos de la liberté d'expression des enfants qui, selon le rapport, est un droit prévu par la Constitution, que les mécanismes existants semblent s'adresser davantage aux adultes qu'aux enfants et se demande donc de quelle manière les enfants peuvent faire valoir leur liberté d'expression à l'école et à l'extérieur de l'école. Le droit à la liberté d'expression ne peut être exercé que si les enfants sont dûment informés. Or, selon le rapport (par. 132), il s'agit avant tout de protéger l'enfant contre tout ce qui pourrait avoir des effets nuisibles sur eux, des films de violence notamment. Il semble qu'il n'y ait que dans la communauté française que des informations sont fournies à l'enfant.

30. Mme SANTOS PAIS souligne l'importance que le Comité attache à l'article 12 de la Convention et à la liberté d'expression des enfants. Dans la réponse écrite (document sans cote) à la question 12, le gouvernement indique qu'il incombe aux parents de prendre les options fondamentales concernant l'éducation de l'enfant, tel le choix de l'école et de la religion, jusqu'à l'âge de sa majorité, à savoir 18 ans; pourtant, selon une jurisprudence qui remonte à 1909, les droits de l'enfant peuvent l'emporter sur l'autorité parentale lorsque l'enfant dispose du discernement nécessaire. Mme Santos País s'en félicite et souhaiterait un complément d'information sur la manière de préserver l'équilibre de décision entre parents et enfants.

31. Se référant à la réponse écrite aux questions 9 et 11, Mme Santos País se félicite de ce que le gouvernement ait mis en oeuvre un pacte contre la discrimination à l'école et encouragé les écoles à y adhérer, alors qu'une vague de xénophobie déferle sur l'Europe. Elle souhaiterait savoir ce qu'il adviendrait dans le cas où une école refuserait d'adhérer à ce pacte. De quels moyens dispose le Gouvernement belge pour faire appliquer le paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention relatif à la protection des enfants contre toutes formes de discrimination à leur encontre ?

32. Mme KARP souhaiterait des détails sur les attributions, le fonctionnement et le mode d'organisation des conseils de participation scolaire, ainsi que sur le droit des enfants d'être entendus dans une procédure judiciaire et le droit d'être partie à un procès.

33. M. LELIEVRE (Belgique) indique que le droit d'être entendu dans un procès et celui d'être partie à un procès sont deux choses distinctes. Afin de s'aligner sur l'article 12 de la Convention, la Belgique a prévu de modifier la législation de façon qu'à l'avenir, en cas de séparation ou de divorce de ses parents, un enfant doué de discernement puisse être entendu au cours d'un procès; cela ne revient pas à dire qu'il est partie à un procès. En revanche, dans le cas de la protection de la jeunesse, un mineur peut être partie à un procès et assisté d'un avocat; s'il a plus de 14 ans, il peut être représenté par la personne de son choix. S'il accepte la proposition de la personne qui le conseille, en cas de placement notamment, il doit signer un document qui atteste son accord.

34. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) indique qu'à l'échelle fédérale, deux nouvelles lois ont été adoptées depuis la présentation du rapport. Elles prévoient que l'enfant doit être entendu au cours d'un procès et assisté d'un avocat. Dans la procédure civile, une nouvelle disposition prévoit qu'un enfant doit être entendu par le juge. Dans la communauté flamande, la participation de l'enfant doit être volontaire et s'il a plus de 14 ans, il doit donner expressément son accord. Il s'agit là d'une modification substantielle de l'ancienne législation relative à l'autorité parentale. Si l'enfant a moins de 14 ans, il doit également être entendu. A propos des enfants immigrés et du pacte de non-discrimination, la communauté flamande a pour politique d'éviter la concentration d'étrangers dans les écoles. Les écoles où la concentration d'étrangers est élevée ont droit à des effectifs supplémentaires. Toutefois, l'aide budgétaire attribuée aux écoles est moins élevée si le nombre d'étrangers dépasse un taux déterminé. Les écoles ont donc tout intérêt à éviter cette concentration et sont ainsi incitées à adhérer au Pacte de non-discrimination sur le plan régional, de façon à instaurer un équilibre entre les diverses écoles de la communauté.

35. La PRESIDENTE demande aux représentants des deux communautés de donner des informations sur les mécanismes mis en place pour permettre à l'enfant de s'exprimer à la fois à l'école et en dehors.

36. M. VAN KEYMEULEN (Belgique, communauté flamande) dit que la liberté d'expression est garantie par la Constitution belge qui n'établit pas de distinction entre mineurs et majeurs. Des conseils de jeunes sont mis en place dans les écoles et les jeunes peuvent ainsi avoir un impact sur la gestion de leur établissement.

37. En ce qui concerne la liberté de religion, elle est garantie par la Constitution belge, mais le choix de la religion relève de l'exercice de l'autorité parentale, comme l'indique l'article 373 du Code civil. D'une manière générale, les parents choisissent à la fois l'école et la religion de l'enfant mais cette règle est en train d'évoluer. Le décret de la communauté flamande fait encore référence à la religion de la famille mais le nouvel arrêté du 13 juillet 1994 ne mentionne plus que la religion de l'enfant. De l'avis de M. Van Keymeulen, l'article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant devrait renforcer cette situation à l'avenir et sera appliqué dans la jurisprudence belge.

38. M. LELIEVRE (Belgique, communauté française) dit que le décret relatif à l'aide à la jeunesse, du 4 mars 1991, dispose que "les personnes physiques ou morales, le groupe des institutions publiques et les services chargés d'apporter leur concours à l'application du présent décret sont tenus de respecter les convictions religieuses, philosophiques et politiques du jeune". Tout au long de sa scolarité, un jeune capable de discernement et qui a des convictions philosophiques ou religieuses a la possibilité, en cas de problème, de s'adresser à des organes de médiation (par exemple, équipes d'action en milieu ouvert, services "droits des jeunes") au sujet de décisions de ses parents. Lorsque cette solution n'aboutit pas à un accord, par exemple dans le cas de l'orientation d'un enfant contre sa volonté, le juge de la jeunesse peut être saisi du dossier.

39. La PRESIDENTE demande si un enfant a une possibilité quelconque de recours s'il veut choisir une autre religion que celle de ses parents mais se heurte au refus total de ces derniers.

40. M. KOLOSOV dit que le rôle des parents et de la famille dans le choix de la religion diffère selon les sociétés. Il respecte à cet égard les traditions en vigueur en Belgique, mais n'en est pas moins étonné par la déclaration du Gouvernement belge à propos de l'article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui insiste sur la liberté que l'enfant a de choisir sa religion. Le gouvernement pourrait envisager de revenir sur cette déclaration.

41. M. LELIEVRE (Belgique) réaffirme que dans la communauté française l'enfant a le droit de choisir sa religion.

42. M VAN KEYMEULEN (Belgique) dit que le problème du choix de la religion est assez complexe, étant donné que le choix de la confession, de l'école ou du médecin relève encore de l'exercice de l'autorité parentale, régi par l'article 373 du Code civil. Cette règle s'applique à toutes les communautés du pays. On peut bien sûr se demander s'il ne faut pas donner la prépondérance à l'article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant et M. Van Keymeulen penche personnellement pour cette dernière solution. Il existe donc une certaine contradiction entre les deux dispositions, mais la réglementation belge va de plus en plus dans le sens de l'article 14 de la Convention.

43. Mme SANTOS PAIS souhaite connaître les mesures pratiques que le Gouvernement belge envisage pour assurer la jouissance effective des droits reconnus dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Au sujet de la liberté d'expression, elle a l'impression que les enfants belges ont le droit d'exprimer leurs opinions, mais voudrait savoir si des espaces sont mis à leur disposition pour les encourager à s'exprimer. Quel est le poids accordé aux avis donnés par les enfants qui participent aux conseils d'élèves et par les jeunes qui participent aux conseils municipaux ? A propos de la liberté de religion, Mme Santos País croit comprendre qu'en cas de conflit entre les dispositions de la législation nationale et d'un traité international, les dispositions nationales sont interprétées à la lumière du traité international. La Convention relative aux droits de l'enfant prime-t-elle le droit interne ? En ce qui concerne le Pacte contre la discrimination dans les écoles, Mme Santos País conteste le fait que la sanction infligée aux écoles qui n'admettent pas d'enfants immigrés consiste à ne pas leur donner de primes. Il importe avant tout de protéger effectivement l'enfant contre toutes formes de discrimination motivées par la situation juridique de ses parents, comme le stipule la Convention et il serait utile de savoir comment cet enfant immigré peut réagir pour assurer la protection effective de son droit.

44. Mme BADRAN s'associe aux observations formulées par Mme Santos País et précise que les articles de la Convention relatifs à la liberté d'expression et de religion représentent une conception assez nouvelle. Il est très important que l'enfant apprenne à se sentir libre, faute de quoi il risque d'avoir des appréhensions qui l'empêcheront d'exercer d'autres droits. Par exemple, l'enfant libre de s'exprimer ne tolérera jamais l'inceste dans sa famille. Tous les pays n'ont pas encore mis en place de mécanismes permettant d'appliquer ces articles; toutefois la première chose à faire est de déterminer si de tels mécanismes existent ou non au niveau législatif ou constitutionnel. La mise en pratique vient ensuite.

45. La PRESIDENTE demande des précisions sur les mesures d'accompagnement qui permettent de mettre en oeuvre les mesures législatives. Concernant la liberté d'expression, elle souhaiterait savoir, comme Mme Santo País, s'il existe des lieux d'échanges en dehors du milieu familial pour que les jeunes puissent s'exprimer et se livrer à un certain nombre d'activités organisées par les enfants pour les enfants.

46. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) dit que les enfants ont le droit d'exprimer leur volonté à tous les niveaux de la société et non pas seulement dans la famille. Des conseils de jeunes existent dans les écoles et aussi dans les communes, où les jeunes donnent leurs avis. Les décisions des jeunes sont également prises en compte dans le cadre de l'aide volontaire, c'est-à-dire des comités d'aide spéciale à la jeunesse. Le Parlement pour les jeunes a un statut consultatif mais sert de forum dans lequel les jeunes peuvent s'exprimer.

47. La PRESIDENTE demande aux représentants des deux communautés si l'opinion de l'enfant est prise en considération dans certaines affaires qui le concernent.

48. M. LELIEVRE (Belgique) dit que la communauté française a connu de nombreuses remises en question au niveau de l'enseignement (qualité d'enseignement, taux de redoublement). Depuis 1991, les enseignants des établissements du réseau de la communauté française font partie de conseils de participation qui sont amenés à émettre des propositions ou à formuler des avis sur la politique pédagogique de l'établissement, son organisation matérielle et administrative. A la rentrée scolaire, plus de 93 % des établissements étaient dotés d'un conseil de participation. Il est toutefois impossible d'affirmer qu'il est réellement tenu compte de l'avis des jeunes dans le cadre de ces conseils. Etendant sa réflexion à la question du respect des droits de l'enfant, M. Lelièvre dit que rien n'interdit aux enseignants, à titre individuel, d'exposer aux jeunes les notions de droits de l'enfant, ce qui ne signifie pas que ces droits soient pris en considération et que les enseignants intègrent ces notions dans leur démarche pédagogique.

49. Pour ce qui est de la liberté d'expression, M. Lelièvre dit que les principes qui s'y rapportent sont énoncés dans le décret mais qu'aucun lieu d'échanges n'est organisé dans les institutions publiques et privées. Peut-être la communauté française n'est-elle pas encore prête à mettre les principes dans la pratique; il faut espérer que des associations telles que les équipes d'aide en milieu ouvert aideront à mettre en place de tels lieux de participation et d'écoute.

50. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) précise que la communauté flamande fait également de grands efforts pour informer les jeunes de leurs droits et des brochures à ce sujet sont diffusées. Les mineurs peuvent s'adresser aux "boutiques de droits pour enfants" pour obtenir tous les renseignements sur leurs droits, y compris sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Des cours sur les droits de l'enfant sont dispensés au niveau des humanités (études secondaires), au même titre que des cours d'instruction civique. Un cours spécial sur la Convention est également dispensé dans les établissements d'enseignement supérieur. Dans les écoles, un instituteur est spécialement à la disposition des enfants qui ont des questions à poser sur leurs droits. Tous ces efforts donnent d'ores et déjà des résultats.

51. Le budget des activités socioculturelles a été réorganisé. Chaque commune reçoit désormais une certaine enveloppe pour la jeunesse et les propositions émises par les conseils des jeunes institués au niveau communal donnent lieu à des actions dans les limites du budget disponible.

52. M. LELIEVRE (Belgique) précise que des conseils communaux sont mis en place dans de nombreuses communes de la communauté française. Ils sont encore peu nombreux (30 à 35) mais sont un bon exemple à suivre. Seuls les enfants scolarisés peuvent être élus. Dans la commune de Waremme il existe deux conseils communaux pour les enfants, l'un pour les élèves du primaire et l'autre pour ceux du secondaire. Les élections sont organisées par les écoles communales sans qu'il y ait de réglementation ni législation particulière. Il s'agit d'expériences ponctuelles qui dépendent des autorités communales. Dans certaines communes la participation est plus importante que dans d'autres et les conseils traitent de problèmes concrets (salles de jeux, salles de sport, problèmes de circulation routière, etc.).

53. La PRESIDENTE invite le Chef de la délégation belge à compléter les informations données par les représentants des deux communautés, française et flamande, sur le droit à la religion et à l'expression et sur la prise en considération de l'opinion de l'enfant.

54. M. DEBRULLE (Belgique) rappelle que des modifications ont été apportées à la législation fédérale pour consacrer le droit de l'enfant d'être entendu. L'article 931 du Code judiciaire a été modifié sous l'influence directe de l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant. M. Debrulle reconnaît toutefois que des incertitudes jurisprudentielles subsistent sur la portée de ces dispositions. Textuellement, elles s'appliquent au divorce, et tout particulièrement au divorce par consentement mutuel, alors que l'article 1288 bis du Code judiciaire autorise le tribunal a être saisi du sort des enfants, sur avis du Procureur du Roi (donc du ministère public). Le Président du tribunal peut alors faire jouer l'article 931 et entendre l'enfant. Si au cours de l'audition, les parents ne se mettent pas d'accord sur les dispositions applicables à l'enfant, le Président du tribunal peut annuler ou modifier les conventions que les parents avaient envisagées. M. Debrulle dit que la combinaison des articles 931 et 1288 bis du Code judiciaire, tels que modifiés selon l'esprit de l'article 12 de la Convention, consacre d'une part le droit de l'enfant d'être entendu, et élargit d'autre part la compétence du Président du tribunal dans la mesure où ce dernier peut tenir compte de cet avis et de l'audition pour modifier les conventions que les époux voudraient prendre entre eux. En l'absence d'une disposition générale et suffisamment claire permettant de considérer qu'au stade actuel l'article 12 de la Convention a une portée générale dans l'ensemble du dispositif judiciaire belge, M. Debrulle dit que le fait que le juge puisse tirer directement effet de la Convention facilitera le règlement de nombreuses situations qui impliquent une procédure de divorce et dans lesquelles l'audition de l'enfant pourrait être requise. Il se félicite que la Convention ait permis d'apporter, indépendamment de l'intervention du pouvoir judiciaire, un éclairage nouveau dans l'équilibre entre l'autorité parentale et le droit de l'enfant d'être entendu. Il n'est toutefois pas contestable qu'une évolution positive est en cours.

55. Pour ce qui est de la déclaration émise par la Belgique au paragraphe 1 de l'article 14 de la Convention, M. Debrulle dit qu'après concertation avec ses collègues, il reconnaît que le sens de cette déclaration lui échappe et s'engage à demander à son gouvernement de la réexaminer.

56. En ce qui concerne la question de l'avortement, M. Debrulle dit que l'article 350 du Code pénal, tel que modifié par la loi du 3 avril 1990 relative à l'interruption de grossesse, confère au médecin consulté un rôle central et exclusif. En vertu de cet article "il n'y aura pas d'infraction lorsque la femme enceinte, que son état place en situation de détresse, a demandé à un médecin d'interrompre sa grossesse". Trois conditions doivent être réunies pour que l'interruption de grossesse soit légale. Le médecin doit informer la femme des risques médicaux actuels ou futurs qu'elle encourt en raison de l'interruption de grossesse, il doit lui indiquer les diverses possibilités d'accueil de l'enfant à naître et faire appel, le cas échéant, au personnel du service hospitalier pour donner l'assistance et les conseils nécessaires, et il doit enfin s'assurer de la détermination de la femme à faire pratiquer une interruption de grossesse. Le médecin est seul juge de l'état de détresse de la femme enceinte qui demande à avorter.

57. M. HAMMARBERG dit que l'influence néfaste des moyens d'information sur les mineurs est un grave problème dans de nombreux pays mais les autorités belges semblent mener une politique efficace en la matière puisque la communauté française et la communauté flamande ont toutes deux adopté des décrets visant à juguler cette influence. Quelle a été l'incidence de ces décrets sur les médias ?

58. Mme KARP souhaiterait avoir des précisions sur l'application du droit de l'enfant d'être entendu et de témoigner. Il est indiqué au paragraphe 59 du rapport qu'un enfant ne peut témoigner en cas de conflit d'intérêts entre ses parents et qu'un mineur de moins de 15 ans ne peut être entendu sous serment et que ses déclarations peuvent être seulement recueillies en tant que renseignements. Il semble que sur le plan juridique le témoignage de l'enfant n'a pas une grande valeur. Qu'en est-il exactement ?

59. Mme SANTOS PAIS note qu'au paragraphe 158 du rapport il est signalé que la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants est entrée en vigueur pour la Belgique le 1er novembre 1991 et que le Comité chargé de surveiller l'application de cet instrument peut visiter les lieux de détention, y compris les établissements réservés aux mineurs. Il convient de noter tout d'abord que l'ONU oeuvre depuis longtemps pour que les mineurs ne soient pas placés dans les mêmes établissements de détention que les adultes et il y a donc lieu de se féliciter que la Belgique semble déjà appliquer ce principe. Cependant, le rapport n'indique pas clairement si le Comité européen a déjà visité des lieux de détention dans le pays et, le cas échéant, si son rapport a été publié. Si tel est le cas, quelles mesures ont été prises pour donner suite aux recommandations qu'il contient ?

60. M. LELIEVRE (Belgique) répond que le Comité évoqué par Mme Santos País a effectivement séjourné en Belgique, du 14 au 23 novembre 1993. Il a visité durant cette période un certain nombre d'établissements pénitentiaires et a établi un rapport qui a été publié. Ce rapport porte essentiellement sur l'application de l'article 53 de la loi sur la protection de la jeunesse du 8 avril 1966. M. Lelièvre pense que même si les dispositions de l'article 53 ont été depuis modifiées et que des mesures ont été prises pour améliorer la situation, le contenu du rapport donne matière à préoccupation. Le Comité a visité une prison pour mineurs et a constaté que les jeunes qui y étaient internés étaient soumis à un régime d'isolement strict, qu'ils n'avaient droit qu'à une heure de promenade par jour et qu'ils vivaient dans un désoeuvrement total. Il convient de noter à ce propos que ce n'est pas l'article 53 en lui-même qui a été mis en cause mais la manière dont il est appliqué. Il y a manifestement une pratique répréhensible qu'il faut éliminer.

61. En outre, aux termes du décret sur la protection de la jeunesse, le personnel des institutions publiques de protection de la jeunesse, tant à régime ouvert qu'à régime fermé, doit être composé non seulement de surveillants mais aussi d'éducateurs, de psychologues, de psychiatres, de médecins et d'assistants sociaux. Ces institutions ont été au centre d'un vaste débat dans les deux communautés. Dans la communauté française, elles ne sont plus autorisées à accueillir que les mineurs qui ont commis une infraction. Il y a donc une nette séparation entre les délinquants et les personnes placées dans un établissement à des fins de protection. En outre, en application du décret, le placement en régime fermé qui pouvait dans le passé être ordonné par le pouvoir exécutif est désormais du ressort exclusif des autorités judiciaires.

62. Le décret instituait, par ailleurs, d'autres garanties en vertu desquelles seuls les mineurs âgés de plus de 14 ans auteurs d'actes qualifiés de délit ou de crime pouvaient être placés dans ces établissements, mais, la cour d'arbitrage ayant donné raison au Ministre de la justice qui avait estimé que la communauté française n'était pas habilitée à appliquer de telles dispositions, il est possible aujourd'hui de placer des mineurs qui ont à peine plus de 12 ans dans des établissements fermés.

63. Le décret sur la protection de la jeunesse contient une autre disposition importante qui a permis de clarifier un aspect de la législation belge. Au moment de la communautarisation, il avait été constaté que les administrations pénitentiaires prenaient des mesures d'isolement contre les jeunes qui avaient un comportement difficile. En vertu du décret sur la protection des jeunes, le recours à une telle mesure n'est plus autorisé que lorsque le comportement du mineur représente un danger pour l'intéressé lui-même, d'autres mineurs ou les personnes qui lui rendent visite. En outre, toute mesure d'isolement est immédiatement notifiée à l'autorité judiciaire et doit être levée dès qu'il n'y a plus aucun danger. De surcroît, elle ne peut être prolongée au-delà de 24 heures sans l'autorisation de l'administration judiciaire. Les effets de ces mesures commencent déjà à se faire sentir au sein de la communauté française puisque le nombre des mises en isolement diminue chaque jour.

64. Il est enfin important de préciser que les institutions publiques de protection de la jeunesse sont à vocation éducative et qu'elles ne doivent pas être confondues avec les établissements pénitentiaires.

65. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) dit que son pays ayant été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Bouamar, le législateur belge et la communauté flamande ont apporté des modifications aux dispositions de l'article 53 de la loi sur la protection de la jeunesse relatives à la détention des mineurs. Une nette distinction est faite à présent entre les mineurs en danger et les mineurs délinquants. Même pour ces derniers, l'application de l'article 53 obéit désormais à des règles très strictes. Il n'est même plus possible de prolonger la durée maximale de la détention, qui est de 15 jours. En conséquence, il n'y a aujourd'hui presque plus de mineurs dans les prisons flamandes. Quant aux dessaisissements en faveur des tribunaux ordinaires, ils restent très rares. Il y en a généralement une dizaine par an et le fait qu'il y ait dessaisissement ne signifie par que les mineurs concernés se retrouvent automatiquement en prison.

66. Il y a deux types d'établissements de détention : les établissements privés et les établissements de l'Etat. La capacité de ces derniers étant très limitée, les mineurs sont généralement placés dans des établissements privés. Ne sont agréés que les centres de détention qui répondent à certains critères. L'isolement des mineurs dans ces établissements obéit à des règles aussi strictes que celles qui sont en vigueur dans les établissements de la communauté française. En application du paragraphe 12 de l'article 23 du décret sur la protection de la jeunesse, ne sont placés dans les établissements de l'Etat que les mineurs qui ont commis un délit et exceptionnellement ceux qui ont fait plusieurs fugues.

67. M. DEBRULLE (Belgique), répondant à une question posée par Mme Karp, dit que les paragraphes 59 et 60 doivent être modifiés pour tenir compte des changements apportés à l'article 931 du Code judiciaire, à l'article 53 de la loi sur la protection de la jeunesse et des nouvelles règles relatives à la pédophilie d'une part et à l'audition des enfants d'autre part. A ce propos, il convient d'appeler l'attention sur deux expériences en cours portant sur l'enregistrement des dépositions faites par des mineurs; l'objectif est d'éviter aux enfants de faire plusieurs fois la même déclaration pour qu'ils n'aient pas l'impression que ce qu'ils disent est mis en doute.

68. A propos de l'influence néfaste des médias sur les mineurs, il y a lieu de mentionner les dispositions prises pour lutter contre les "messageries roses". Comme cette pratique semble encourager l'inceste, la prostitution et la pédophilie, la loi interdit toute publicité sur ce genre de service. Même la détention de supports visuels d'actes pornographiques mettant en scène des enfants de moins de 16 ans est prohibée. Le but est d'empêcher le développement d'un marché pour les publications pédophiles.

69. A propos des observations faites au sujet de l'application de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, M. Debrulle signale que durant son séjour en Belgique, le Comité créé en vertu de cet instrument a relevé un certain nombre d'écarts par rapport aux normes européennes. Il a notamment constaté que les mineurs n'étaient pas séparés des adultes dans les prisons. Le manque de moyens et le fait que ce type de détention ne dure que 15 jours expliquent peut-être le recours à une telle pratique. Cependant, ils ne sauraient le justifier et il appartient aux autorités pénitentiaires de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation.

70. En ce qui concerne le régime applicable aux mineurs détenus par la police, il y a lieu de signaler que depuis l'adhésion de la Belgique à la Convention européenne sur la prévention de la torture, les autorités consacrent des efforts considérables à la formation et à la sensibilisation des forces de police et du personnel pénitentiaire. C'est ainsi qu'il a été demandé à des organisations non gouvernementales telles que la Ligue des droits de l'homme d'aider les membres des forces de l'ordre et de la police judiciaire à se familiariser avec les dispositions de la Convention applicables en cas d'interpellation ou de garde à vue de mineurs. Le même travail de sensibilisation est effectué dans le cadre des cours dispensés dans les écoles de police. A cela s'ajoute l'action de longue haleine entreprise au titre de la campagne que mène l'Union européenne contre le racisme et la xénophobie en vue d'amener les forces de police à adopter un comportement plus correct.

71. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) signale l'adoption, dans le cadre de la lutte contre la pornographie et la violence dans les médias, d'un décret sur les programmes de télévision par câble et les émissions de télévision en général qui réglemente d'une manière plus stricte les activités du secteur.

72. A propos des mineurs délinquants et de ceux qui sont considérés en danger, M. Van Keymeulen note qu'ils ne peuvent être placés que dans des établissements agréés. A cet effet, un vaste programme visant à renforcer la capacité de ces établissements a été lancé. La priorité est accordée aux villes, car c'est là que se posent les problèmes les plus graves.

73. M. LELIEVRE (Belgique) dit que, dans la communauté française, aussi, un décret, adopté en 1991, prévoit un strict contrôle des programmes diffusés par les médias. Des organisations non gouvernementales telles que la Ligue des droits de l'enfant et le Mouvement pour la défense des droits des enfants interviennent souvent auprès de l'autorité chargée de l'audiovisuel. Quant à la presse écrite, elle fait un véritable effort d'automodération pour éviter que les informations publiées dans les journaux ne nuisent aux mineurs.

74. A propos des observations faites par Mme Santos País au sujet de la détention des mineurs, M. Lelièvre note que les problèmes posés dans le cadre de l'application de l'article 53 de la loi sur la protection de la jeunesse étaient la conséquence de la politique suivie par certains arrondissements judiciaires. A Bruxelles, les mesures d'internement sont très fréquentes. De même, le dessaisissement en faveur de juridictions ordinaires qui est rare dans les communautés, est une pratique courante dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles où il y a eu 43 dessaisissements en 1990, 51 en 1991 et 70 en 1992.

75. M. VAN KEYMEULEN (Belgique) fait observer à propos de l'influence des moyens d'information sur les mineurs que la loi du 18 avril 1965 interdit toute émission télévisée où l'identité de mineurs placés dans des établissements de protection de la jeunesse serait révélée. En outre, des garanties supplémentaires figurent dans une loi concernant la protection de la vie privée. Enfin, conformément à une des dispositions de la loi du 8 avril 1965, tous les travailleurs sociaux, les juges et les éducateurs qui s'occupent de mineurs délinquants ou en danger sont tenus par le secret professionnel.

76. La PRESIDENTE dit que le Comité prend note des changements opérés dans la législation belge après la présentation du rapport et encourage les autorités belges à poursuivre leurs efforts en vue d'aligner les lois de leur pays sur les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

La séance est levée à 18 heures.

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