Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1125
28 août 1995

Compte rendu analytique de la premiere partie de la 1125ème seance : Bosnia and Herzegovina. 28/08/95.
CERD/C/SR.1125. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Quarante-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIERE PARTIE DE LA 1125ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le 17 août 1995, à 15 heures

Président : M. GARVALOV

SOMMAIRE


Prévention de la discrimination raciale, alerte rapide et procédure d'urgence (suite)

Projet de décision concernant la Bosnie-Herzégovine
Projet de recommandation générale concernant l'article 3
Questions d'organisation et questions diverses (suite)


Le compte rendu analytique de la deuxième partie de la séance est publié sous la cote CERD/C/SR.1125/Add.1.

La séance est ouverte à 15 h 15.

PREVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, ALERTE RAPIDE ET PROCEDURE D'URGENCE (point 3 de l'ordre du jour) (suite)

Projet de décision concernant la Bosnie-Herzégovine (CERD/C/47/Misc.15)

1. M. WOLFRUM présente le projet de décision CERD/C/47/Misc.15 au nom du groupe de travail composé de M. Ahmadu, de M. Rechetov et de lui-même. D'autres membres du Comité et notamment MM. Aboul-Nasr, Banton, de Gouttes et van Boven ont aussi participé à son élaboration. Tous n'ont pu être consultés par manque de temps et M. Wolfrum espère que ce texte donnera lieu à une discussion approfondie, dans la mesure où cette question n'est pas seulement au coeur du mandat du Comité, mais où elle est en outre la plus importante dont il ait été saisi à la présente session. Un organe de protection des droits de l'homme tel que le Comité ne saurait garder le silence sur des événements aussi contraires aux objectifs de la Convention que ceux qui sont en train de se produire en Bosnie-Herzégovine.

2. Toute la première partie du texte à l'examen, jusqu'à la fin du paragraphe 4 du dispositif, traite de la situation des réfugiés et des personnes détenues et disparues. Ensuite, le paragraphe 5 concerne la coopération avec le Tribunal international pour les crimes de guerre commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Quant au paragraphe 6 du dispositif, qui invoque l'article 51 de la Charte des Nations Unies, il a été placé entre crochets car il ne faisait déjà pas l'unanimité au sein du Groupe de travail et fera sans doute l'objet d'une discussion approfondie. Il est à noter à ce propos que le premier alinéa du préambule, quoique ne figurant pas entre crochets, a lui aussi donné lieu à controverse au sein du Groupe de travail, M. Rechetov ne souhaitant pas qu'il soit fait état des conclusions adoptées antérieurement par le Comité. M. Rechetov reviendra certainement sur ce point.

3. Des propositions d'amendements à ce texte ont été présentées officieusement mais n'ont pas été étudiées par le Groupe de travail. Elles pourront être évoquées au cours du débat; elles concernent les paragraphes 1, 5 et 7 du dispositif.

4. Le PRESIDENT rend hommage au groupe de travail pour le travail qu'il a accompli sur ce qui est certainement l'un des problèmes les plus graves qui se posent actuellement au Comité.

5. M. RECHETOV remercie M. Wolfrum de ses efforts pour tenter d'élaborer un texte équilibré au sujet de ce qui est sans doute effectivement la plus grande catastrophe humanitaire depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Les événements qui se déroulent dans l'ex-Yougoslavie bafouent des principes qui sont à la base même de la Convention et les violations des droits de l'homme commises dans cette région revêtent indubitablement le caractère de crimes internationaux.

6. M. Rechetov dit qu'effectivement, comme l'a signalé M. Wolfrum, il n'est pas favorable à la référence aux conclusions du Comité qui figure au premier alinéa du préambule. En effet, ces conclusions ont été élaborées il y a déjà longtemps et les événements vont si vite et prennent une telle ampleur, ainsi que le reconnaît M. Wolfrum, que chaque nouvelle violation des droits de l'homme commise met au second plan les événements qui l'avaient précédée. Dès lors, il ne paraît pas raisonnable d'invoquer dans le préambule des conclusions qui ne sont déjà plus d'actualité.

7. Le deuxième point qui prête à controverse est la référence à l'article 51 de la Charte, au paragraphe 6 du dispositif. Cette référence n'a guère de poids juridique dans la mesure où le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine considère qu'il représente un Etat qui existe bel et bien à l'intérieur de frontières internationalement reconnues; dès lors, l'article 51 de la Charte ne semble pas pouvoir s'appliquer. La solution des problèmes humanitaires qui se posent dans la région ne peut passer que par la recherche d'un règlement pacifique et certainement pas par un afflux massif d'armes et par de nouveaux affrontements. Chacun sait que toutes les parties au conflit sont armées jusqu'aux dents et s'arment chaque jour davantage. En tant qu'organe chargé de défendre les droits de l'homme, le Comité ne peut se permettre de contribuer à une nouvelle détérioration de la situation humanitaire.

8. En conclusion, M. Rechetov espère lui aussi que cette question sera discutée à fond, de façon que chacun ait la possibilité d'exposer son point de vue en séance publique en vue d'en arriver à une décision équilibrée et tournée vers la solution des problèmes humanitaires.

9. M. SHERIFIS insiste sur le caractère éminemment humanitaire du texte à l'examen, et remercie les membres du Groupe de travail pour la diligence avec laquelle ils l'ont élaboré. Il y est avant tout question du sort des réfugiés et des personnes déplacées dans cette région durement éprouvée. M. Sherifis est, à titre personnel, particulièrement sensible à la situation des réfugiés et personnes déplacées et tient à bien marquer son entière solidarité avec chacun d'entre eux - qu'ils soient musulmans, serbes, croates ou autre. Il souhaiterait que le Comité puisse faire davantage que d'avancer des idées et faire des déclarations.

10. L'aspect le plus tragique de la situation en ex-Yougoslavie est peut-être la question des personnes disparues, qui est traitée au deuxième paragraphe du dispositif. Ayant lui-même naguère présenté à l'Assemblée générale une résolution relative aux personnes disparues à Chypre, M. Sherifis est au fait de la terminologie utilisée en pareil cas et propose de remplacer "concernant", à la fin de ce paragraphe, par "pouvant permettre de rechercher et de retrouver" : cette expression laissera moins d'échappatoires aux parties intéressées.

11. Appuyant sans réserve les autres paragraphes du projet de décision où il est demandé à la communauté internationale de venir en aide aux réfugiés et aux personnes détenues, M. Sherifis insiste à nouveau sur le sort tragique des victimes des événements de l'ex-Yougoslavie et sur le caractère humanitaire de ce projet de décision. Il se réserve le droit d'intervenir à nouveau dans le débat.

12. M. SHAHI évoquera d'emblée, l'une après l'autre, les différentes dispositions du projet de décision à l'examen, afin de gagner du temps. Mais il tient tout d'abord à remercier les membres du groupe de travail de s'être acquittés de la tâche très difficile qui consistait à rédiger un texte sur la Bosnie-Herzégovine. Dans le passé, le Comité a déjà pris position sur cette question, mais la tragédie continue et il ne peut se taire. Il faut à cet égard rendre hommage à M. Wolfrum qui s'est efforcé de rechercher un compromis, ou un texte équilibré selon les termes de M. Rechetov. Au passage, M. Shahi note que l'Allemagne a accueilli quelque 350 000 réfugiés de l'ex-Yougoslavie, pour un coût global de 8 milliards de dollars, soit davantage que l'ensemble des autres pays d'Europe occidentale.

13. Dans quelle mesure chacun des paragraphes du texte proposé représente-t-il un compromis équitable ou un juste équilibre ? Tout d'abord, la référence aux conclusions du Comité figurant au premier alinéa du préambule doit absolument être maintenue; le paragraphe 8 des conclusions adoptées par le Comité en mars 1995 (CERD/C/46/Misc.14/Rev.2), qui préconise le recours à des "mesures coercitives de la part du Conseil de sécurité au sujet de la situation en Bosnie-Herzégovine", est à cet égard essentiel : il s'agit d'une disposition qui n'a malheureusement rien perdu de son actualité puisqu'il y a à peine un mois, de nouvelles opérations de nettoyage ethnique, prenant l'ampleur d'un génocide, ont été menées après la chute de Srebrenica et Zepa.

14. Vu la nature des crimes commis, le deuxième alinéa du préambule devrait également parler de violations de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Au reste, il n'est pas équitable de mettre sur un même pied ce qui s'est passé dans la région de la Krajina et ce qui s'est passé à Srebrenica et à Zepa. Au cours de la discussion qui a précédé l'adoption des résolutions 1009 et 1010 (1995) du Conseil de sécurité, la représentante des Etats-Unis a déclaré - et cela était corroboré par le porte-parole de l'ONU - que plus de 40 000 personnes se trouvaient sur place après la chute de Srebrenica et de Zepa, que les femmes avaient été séparées des enfants, que 7 000 à 8 000 hommes avaient été faits prisonniers par les Serbes de Bosnie et qu'on ignorait tout de ce qu'ils étaient devenus; 2 700 de ceux qui avaient été emmenés avaient été tués et retrouvés dans des charniers. Malgré leurs promesses, les autorités serbes ont empêché la Croix-Rouge internationale de se rendre sur place et le CICR n'a pu enregistrer qu'un nombre dérisoire de prisonniers. A Zepa, le porte-parole de l'ONU a déclaré que les militaires serbes de Bosnie exécutaient systématiquement les civils bosniaques. D'un autre côté, en Krajina, selon tous les renseignements dont on dispose, quelques villages ont été brûlés au sud de Zagreb, des Serbes ont été attaqués et cinq d'entre eux ont été tués. En tout état de cause, comment pourrait-on mettre sur un pied d'égalité les monstruosités de grande ampleur commises à Srebrenica et à Zepa et les événements de la Krajina ? Il est vrai qu'ils ont un point commun, à savoir le déplacement des populations et un exode massif de réfugiés. Mais ce qui se passe à Srebrenica et à Zepa n'a rien à voir avec ce qui se passe en Krajina, d'où les réfugiés serbes partent vers le nord de la Bosnie et Banja Luca, où ils s'emparent des biens et logements des Croates et des musulmans et les expulsent. Dans ces conditions, il n'est pas équitable que ce cet alinéa traite de manière identique de crimes dont la gravité n'est pas comparable.

15. Le troisième alinéa du préambule note avec justesse qu'il y a eu un flux considérable de réfugiés, des expulsions et des détentions dans les zones considérées, avec pour résultat un nettoyage ethnique. Il semble que quelque 180 000 Serbes ont quitté la Krajina : il faut leur reconnaître le droit de rentrer chez eux, de bénéficier d'une protection et d'y vivre en sécurité. Mais le nettoyage ethnique par le moyen de l'expulsion n'est pas à mettre sur le même plan que le nettoyage ethnique par le génocide. Le droit à la vie est le plus sacré des droits de l'homme. Assassiner des populations n'est pas la même chose que les déplacer, même s'il s'agit de crimes dans les deux cas.

16. A propos du quatrième alinéa du préambule, M. Shahi souscrit à ce qu'a dit M. Sherifis. Quant au premier paragraphe du dispositif, il n'est qu'une déclaration d'intention, puisqu'il traite de questions malheureusement hors de la portée du Comité. Même les tentatives faites par la communauté internationale ont été vaines. Aujourd'hui, alors même que les résolutions du Conseil de sécurité affirment l'unité territoriale de la Bosnie-Herzgovine, tous les plans de paix violent ce principe et mènent à une partition disproportionnée qui récompense l'agression et le nettoyage ethnique.

17. Les paragraphes 3 et 4 du dispositif sont acceptables. M. Shahi s'étonne en revanche que le paragraphe 5 ne fasse pas mention des crimes contre l'humanité. Peut-être le mandat du Tribunal international pour les crimes de guerre commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie n'inclut-il pas les crimes contre l'humanité mais, en tout état de cause, il appartient au Comité de prendre position; à une séance précédente, il a bien été dit, à propos du Burundi, que même si le Secrétaire général était en train de prendre des mesures de longue haleine pour améliorer notamment l'administration de la justice dans ce pays, le Comité n'était pas lié par les prises de position du Secrétaire général, mais devait exprimer sa propre opinion sur la situation. Pourquoi ne pas faire de même en l'occurrence et parler de crimes contre l'humanité, et recommander que le mandat du Tribunal international soit élargi pour englober ces crimes ?

18. Au paragraphe 6 du dispositif, M. Shahi aurait préféré que l'on parle de "lever l'embargo sur les armes"; si le libellé actuel signifie la même chose, il n'insistera pas sur sa formulation. Deux ans auparavant, lors d'un entretien qu'il avait eu avec un éminent homme d'Etat britannique, M. Shahi lui avait demandé pourquoi on ne levait pas cet embargo : il lui avait été répondu que cela ne conduirait qu'à davantage de violence. Plus récemment, la Conférence mondiale sur les droits de l'homme a adopté, par 88 voix contre zéro avec 56 abstentions, une résolution réclamant la levée de cet embargo. Au cours de la conférence de presse qui a suivi, lorsque la question a été évoquée et qu'il a été dit qu'une levée de l'embargo ne conduirait qu'à davantage de violence, un intervenant a fait valoir que, lors de la deuxième guerre mondiale, l'entrée en guerre des Etats-Unis avait aussi donné lieu à plus de morts et d'affrontements : eût-il fallu pour autant laisser les hordes fascistes de Hitler conquérir le reste du monde ? L'argument selon lequel en refusant à un côté le droit de se défendre, on protège le droit à la vie, est illogique et immoral. Les conclusions adoptées en mars 1995 par le Comité évoquaient expressément ce droit de légitime défense et le texte proposé dans le présent projet de décision est la moindre des choses que peut dire un comité dont la mission est de protéger tous les groupes ethniques; il ne saurait laisser entendre que tel ou tel groupe ethnique n'a pas le droit à la vie, n'a pas le droit de se défendre.

19. Si l'on compare le libellé du paragraphe 7 à ce qu'a affirmé la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités sur le même sujet, si l'on en dilue encore la teneur en ne parlant pas de solidarité mais de "respect" pour la décision prise par le Rapporteur spécial, que faut-il en conclure ? "Respecter" une prise de position n'équivaut pas à la soutenir. La Sous-Commission, elle, n'a pas mâché ses mots, exprimant sa solidarité et son soutien à M. Mazowiecki pour la position courageuse qu'il a prise. On ne retrouve rien de cette indignation, de cette protestation dans le texte que le Comité envisage d'adopter, alors qu'il est l'organe chargé au premier chef de la protection des groupes ethniques.

20. Le paragraphe 8 du dispositif parle simplement de "soumettre" la présente résolution à l'attention du Secrétaire général, puis à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité. C'est là une mesure bien dérisoire si on la compare à la décision relative au Burundi, ou aux décisions du Conseil de sécurité lui-même. Lors de l'adoption par le Conseil de sécurité de sa résolution 1010 (1995), le représentant de l'Allemagne a rappelé que l'on était sans nouvelles de 7 à 8 000 prisonniers et que seule une poignée d'entre eux avait pu être enregistrée par le CICR. Le Conseil de sécurité a alors condamné "le fait que la partie des Serbes de Bosnie n'a pas respecté les engagements pris à cet égard envers le CICR".

21. M. Shahi pourra être amené à reprendre la parole sur une question aussi importante, que nombre de peuples du monde et d'Etats membres de l'Assemblée générale ne voient pas dans la même perspective que le monde occidental. Il espère que M. Wolfrum tiendra compte de ses observations sur ce qui est une question de conscience. Il convient d'aborder le problème avec impartialité, sous l'angle du droit international. Il était peut-être impossible de trouver un consensus, mais le projet dont le Comité est saisi, en dépit des efforts du groupe de travail, ne représente pas un compromis équitable et un juste équilibre. Celui qui viole les droits de l'homme ne peut être mis sur le même plan que sa victime.

22. M. FERRERO COSTA considère comme ses collègues qu'il s'agit d'une question très grave qui relève directement du mandat du Comité puisqu'elle porte sur des cas flagrants de discrimination raciale. Il souscrit donc entièrement à l'adoption d'un projet de décision sur ce sujet. A son avis, le texte de ce projet, qui concilie plusieurs positions, est assez équilibré. Il félicite donc les coauteurs de leur travail même s'il craint que ce projet ne soit déjà dépassé, étant donné l'évolution constante et rapide de la situation sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. De toute façon, le Comité pourra continuer d'examiner cette question lors de sa prochaine session.

23. Le projet de décision présenté est donc un bon point de départ, et il serait utile que le Comité examine ce texte paragraphe par paragraphe pour lui apporter, le cas échéant, des modifications dans un esprit de conciliation.

24. M. de GOUTTES remercie vivement M. Wolfrum et les autres auteurs du projet de décision qui est très important et indispensable. En effet les événements de Bosnie-Herzégovine sont l'illustration la plus terrible d'une méconnaissance totale des principes de la Convention. Le nettoyage ethnique, les déplacements massifs de populations, les expulsions systématiques, les disparitions forcées et les mises en détention arbitraires de civils sont on ne peut plus contraires aux dispositions de la Convention. Le Comité a donc le devoir de s'exprimer avec force, obligation d'autant plus impérative que le texte de ce projet va corroborer des éléments qui figurent dans la déclaration commune de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités et du Comité.

25. Ce texte est en outre équilibré car il vise toutes les violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l'homme quelle que soit leur origine. M. de Gouttes ne croit pas, à cet égard, que l'on y confonde les initiateurs et les victimes des violations massives des droits de l'homme, confusion qui serait inacceptable car elle nierait la genèse des événements. Mais le projet de décision doit avoir un caractère humanitaire et non pas politique. C'est pourquoi, M. de Gouttes propose de supprimer le passage entre crochets (par. 6 du dispositif) dont le caractère politique n'est pas conforme à l'esprit du texte. Par ailleurs, il appuie la demande de M. Shahi tendant à ce qu'il soit fait référence, au paragraphe 5, aux crimes contre l'humanité. Enfin, il faudrait remplacer le verbe "enjoint" par le mot "demande" dans l'ensemble du texte en français. Pour conclure, M. de Gouttes exhorte les membres du Comité à faire preuve d'esprit de compromis pour permettre l'adoption de ce projet de décision.

26. M. VALENCIA-RODRIGUEZ remercie le groupe de travail qui a élaboré ce projet de décision qu'il juge lui aussi important. En effet, le thème qui y est traité revêt une importance spéciale pour l'humanité tout entière et, en restant silencieux sur la question, le Comité se rendrait coupable de complicité. Il doit donc se prononcer catégoriquement sur le conflit dans cette région car il a pour cause le racisme et la discrimination raciale, et assurer une large diffusion à la décision qu'il aura prise.

27. L'adoption du texte proposé nécessite un esprit de conciliation et les demandes du Comité doivent demeurer dans son domaine de compétence. Les membres du Comité doivent donc laisser de côté les considérations politiques qui risqueraient d'affaiblir la décision finale et adopter ce projet par consensus pour lui donner toute la force de conviction nécessaire. Cela faciliterait la réalisation de l'objectif visé qui est d'inviter les principaux organes politiques de l'ONU, l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, à prendre les mesures appropriées.

28. M. ABOUL-NASR, rappelant qu'il a participé dans une certaine mesure à la première phase de l'élaboration du projet de décision, estime toutefois, comme M. Shahi, que le texte proposé n'est pas équilibré et qu'il est extrêmement faible. Les membres du Comité ont deux possibilités : soit l'examiner paragraphe par paragraphe et point par point en fonction de considérations politiques dans son ensemble, en lui apportant, au besoin, quelques modifications en considérant qu'il s'agit d'une solution de compromis qui n'est pas entièrement satisfaisante mais dont il faut s'accommoder.

29. M. Aboul-Nasr indique par ailleurs que si ses collègues demandent la suppression du paragraphe entre crochets à cause de sa nature politique, il proposera de le remplacer par trois paragraphes dans lesquels il serait demandé aux pays d'Europe occidentale de respecter leurs engagements et d'assurer la protection des zones de sécurité définies par le Conseil de sécurité, aux pays d'Europe orientale de cesser de fournir des armes, des munitions et du pétrole aux agresseurs en violant les résolutions du Conseil de sécurité, et au Conseil de sécurité de lever immédiatement l'embargo sur les armes. Bien évidemment, il serait préférable que les membres du Comité trouvent un terrain d'entente et parviennent à un compromis.

30. Enfin, M. Aboul-Nasr demande à M. Wolfrum de préciser où se termine le préambule et où commence le dispositif du projet de décision.

31. M. AHMADU rappelle, en tant que coauteur du projet de décision, qu'il s'agit d'un texte de compromis. De même que MM. Shahi et Aboul-Nasr, il n'en est pas satisfait mais il est disposé à l'accepter, compte tenu des efforts importants qu'il a exigés de ses auteurs. M. Ahmadu estime que le Comité commettrait une erreur s'il ne prenait pas position sur la question épineuse de la Bosnie-Herzégovine ou, pire encore, s'il n'adoptait pas une position nette par souci de compromis. Le projet de décision, malgré ses imperfections, est un minimum acceptable. Il est indéniable qu'il a un caractère politique, mais cela est inévitable. M. Ahmadu engage ses collègues à faciliter son adoption en limitant le nombre de leurs propositions de modifications pour ne pas prolonger le débat, et à examiner le projet de manière objective, en leur qualité d'experts indépendants.

32. Mme SADIQ ALI dit que l'argumentation très documentée de M. Shahi lui a fait forte impression. Elle souhaiterait elle aussi que les considérations concernant Zepa et Srebrenica, d'une part, et la Krajina et d'autres zones, d'autre part, soient présentées séparément, et que les crimes contre l'humanité soient mentionnés dans le projet de décision. Le texte en serait ainsi plus acceptable pour le tiers monde. Par ailleurs, les termes des deux derniers paragraphes ne lui paraissent pas assez forts. D'une façon générale, Mme Sadiq Ali appuie l'idée d'une déclaration catégorique du Comité sur la situation en Bosnie-Herzégovine, car elle considère que cela relève de ses compétences mais, dans l'ensemble, elle n'est pas satisfaite du projet de décision.

33. M. DIACONU souligne que les événements qui se sont déroulés ces trois dernières années sur le territoire de l'ex-Yougoslavie sont une tragédie sans précédent dans l'histoire de la région. Il constate que des violations graves des droits de l'homme y ont été commises par toutes les parties mais principalement, sans doute, par la partie serbe. Si une solution politique et diplomatique n'est pas trouvée rapidement, il craint que ce conflit, qui dépasse l'entendement, ne se poursuive longtemps encore, quoi que fasse le Comité. Il est clair néanmoins que les événements de Bosnie-Herzégovine relèvent de sa compétence mais il ne doit pas, cependant, s'arroger les attributions du Conseil de sécurité, de l'Assemblée générale ou de la Sous-Commission.

34. Pour être efficace, le projet de décision doit être adopté par consensus et non à l'issue d'un vote qui diminuerait son autorité. Par ailleurs, il importe de faire abstraction des considérations politiques et des partis pris qui ne faciliteront pas son adoption. De l'avis de M. Diaconu, ce projet constitue une solution de compromis et un texte équilibré, à condition toutefois d'en supprimer le paragraphe entre crochets, car il traite de questions de défense individuelle et collective qui ne relèvent pas de la compétence du Comité, mais sont du ressort d'autres organes des Nations Unies. Par contre, la proposition visant à y introduire de nouveaux paragraphes ne mènerait pas très loin. M. Diaconu engage donc les membres du Comité à être constructifs et à rechercher un résultat qui fasse honneur au Comité.

35. M. van BOVEN ne pense pas que l'on puisse mentionner ensemble les événements qui se sont produits à Zepa et Srebrenica, d'une part, et dans la Krajina, d'autre part. Des violations des droits de l'homme et même des crimes de guerre ont été certes commis dans les trois régions, mais c'est le fait que les zones protégées de Zepa et Srebrenica ont été investies par des troupes sans être défendues par les Forces des Nations Unies qui le choque le plus. Il semblait d'ailleurs que 2 800 hommes aient été exécutés de sang-froid, ce qui constituerait un crime contre l'humanité absolument révoltant s'apparentant à un acte de génocide. Aussi, M. van Boven est-il convaincu par les remarques de Mme Sadiq Ali et de M. Shahi concernant les événements de Zepa et Srebrenica.

36. D'autre part, M. van Boven se demande ce que certains de ses collègues entendent lorsqu'ils disent que le projet de décision est un texte équilibré, alors qu'il traite d'une situation déséquilibrée. Ses auteurs devraient le revoir en tenant compte davantage de la situation réelle. Quoi qu'il en soit, il accepte néanmoins l'orientation générale de ce texte. En ce qui concerne l'avant-dernier paragraphe, M. van Boven juge préférable que le Comité exprime au Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme son respect ou son soutien pour sa décision courageuse, plutôt que sa solidarité. Cela dit, il remercie les auteurs du projet de décision pour leurs efforts et espère que dans le texte final, l'accent sera mis davantage sur les crimes commis dans le territoire de l'ex-Yougoslavie.

37. M. SONG SHUHUA dit que la situation dans la région considérée est explosive depuis quelques années et que les civils y sont exposés à des conditions de vie très pénibles. Il approuve donc le projet de décision, qui décrit clairement cette situation. Ce texte constitue une bonne base de travail qui devrait permettre au Comité, moyennant quelques modifications, de parvenir à une décision finale acceptable. M. Song Shuhua ne saisit pas bien pourquoi le texte qui constitue le paragraphe 6 du dispositif figure entre crochets car il lui semble tout à fait approprié. Par ailleurs, compte tenu du caractère tragique de la situation en Bosnie-Herzégovine, les réserves qui ont été formulées par d'autres experts sont peut-être justifiées.

38. M. CHIGOVERA remercie les auteurs du projet de décision de leurs efforts. Il estime que la compétence du Comité en matière de droit international humanitaire devrait être affirmée dans le deuxième alinéa du préambule et le paragraphe 1 du dispositif du projet de décision. Quand au paragraphe entre crochets, il traite d'une question qui n'entre pas dans le mandat du Comité au sens de la Convention et il n'y a donc pas lieu de le faire figurer dans le projet.

39. Le PRESIDENT, parlant en sa qualité de membre, dit qu'il ressent comme tous les autres membres du Comité l'obligation morale d'adopter avant la fin de la session une décision sur la Bosnie-Herzégovine. Il rappelle qu'il vient d'un pays voisin dont la population constate avec effroi que la communauté internationale se montre impuissante à arrêter le bain de sang et craint que les problèmes de Bosnie-Herzégovine ne s'étendent au reste de l'Europe et à d'autres parties du monde. Il tient pour ces raisons à ce qu'une décision soit adoptée, même s'il n'est pas entièrement d'accord avec le projet à l'examen, car le Comité doit absolument prendre position.

40. Parlant ensuite, dans l'exercice de ses fonctions présidentielles, le Président dit que tous les points de vue et observations formulés par les membres du Comité ayant été dûment enregistrés, le Comité doit à présent se prononcer sur le projet dont il est saisi. Le Président leur propose à cette fin deux solutions : soit adopter le texte tel quel, avec ses imperfections, sans le modifier ni le mettre aux voix, soit l'examiner paragraphe par paragraphe, auquel cas seules seront acceptées les propositions d'amendements spécifiques (additions ou suppressions), qui seront mises aux voix séparément.

41. M. BANTON demande, avant de se prononcer sur la première proposition du Président, à entendre les amendements que M. Wolfrum se disposait à formuler.

42. Le PRESIDENT fait alors remarquer qu'il lui faudrait, dans ce cas, retirer sa première solution. Il répète que si celle-ci n'a pas l'agrément du Comité, il reste la deuxième, qui ouvre aux experts la possibilité non de faire des observations et commentaires, mais de proposer des amendements spécifiques.

43. M. ABOUL-NASR, soutenu par M. Ferrero Costa, dit que les positions respectives des experts étant connues des uns et des autres et reflétées dans les comptes rendus analytiques et le rapport, le Comité ferait des économies de temps et d'énergie en adoptant la première solution proposée par le Président.

44. M. DIACONU ne peut se rallier à cette solution tant que subsiste dans le projet de décision le paragraphe entre crochets, qui représente une sorte d'appel aux armes et traite d'une question qui n'entre pas dans la compétence du Comité.

45. Le PRESIDENT lui fait observer que même en cas de vote, étant donné le sentiment général du Comité, ce paragraphe sera maintenu.

46. M. SHAHI préférerait la deuxième solution, mais demande qu'il soit accordé une demie-heure aux experts pour réfléchir aux amendements qu'ils entendent proposer. Cependant, si cela n'est pas possible, vu que certaines positions sont diamétralement opposées et que le temps presse, il se ralliera à la première solution, plus expéditive.

47. M. RECHETOV explique qu'il avait pensé que le Comité prendrait une décision découlant des informations recueillies auprès de toutes les sources disponibles et résumées, et que c'est la raison pour laquelle il n'a pas donné d'exemple précis, mais vu l'importance que M. van Boven accorde aux faits, il se déclare prêt à fournir toutes sortes d'exemples concrets extrêmement pénibles qui témoignent de la responsabilité des uns comme des autres, des Croates comme des formations serbes de Bosnie. Quant à lui, il se refuse à accabler les uns plus que les autres.

48. Sur la question de procédure soulevée par M. Diaconu, M. Rechetov pense que rien ne s'oppose à l'adoption sans vote du projet de décision à l'examen, car cette procédure n'empêche nullement les experts d'exprimer leur opinion, favorable ou défavorable, sur tel ou tel passage du texte, à titre d'explication de vote.

49. Le PRESIDENT, persuadé qu'il ne peut se dégager de consensus au bout d'une demi-heure de réflexion sur le projet de décision présenté, propose que l'adoption du texte se fasse paragraphe par paragraphe, chacun sachant fort bien d'ores et déjà quelle est sa position et quel amendement il souhaite proposer.

50. M. ABOUL-NASR propose de mettre un terme au débat en cours et de voter sur le texte sous sa forme actuelle, puis de passer aux explications de vote après le vote.

51. M. DIACONU n'aurait rien à redire à cette procédure si elle ne contrevenait pas au règlement intérieur du Comité.

52. M. de GOUTTES est favorable à la deuxième solution proposée par le Président, car il doit être facile de dégager un consensus sur la séparation entre les cas de Srebrenica et Zepa et le cas de la Krajina. Le véritable problème se posera lors de l'examen du paragraphe 6 du dispositif qui fait référence à l'article 51 de la Charte des Nations Unies.

53. M. RECHETOV pense que les difficultés seront plus grandes que ne le croit M. de Gouttes et suggère que le Président mette aux voix la motion de M. Aboul-Nasr.

54. M. ABOUL-NASR précise qu'il propose un vote sur l'ensemble du texte établi par le groupe de travail, tel qu'il est soumis au Comité, les points de suspension étant remplacés par la mention voulue immédiatement. Ce vote ne doit pas donner lieu à un débat mais être suivi d'une explication de vote après le vote.

55. Selon M. DIACONU, la motion proposée par M. Aboul-Nasr est contraire au règlement intérieur du Comité. Celui-ci autorise un membre du Comité à demander un vote séparé paragraphe par paragraphe lorsqu'une proposition est mise aux voix. M. Diaconu se voit privé de ce droit par la procédure proposée par M. Aboul-Nasr.

56. M. ABOUL-NASR suggère que le Comité se prononce d'abord sur la motion qu'il vient de présenter et, si cette motion est acceptée, qu'il vote sur le projet de décision proprement dit.

57. Le PRESIDENT dit que le Comité votera d'abord sur la motion de M. Aboul-Nasr et que, si celle-ci n'est pas acceptée, il procédera au vote sur le projet paragraphe par paragraphe.

58. M. DIACONU dit que si la motion de M. Aboul-Nasr est acceptée, cela signifie que le Comité suspend l'application de l'article 55 du règlement intérieur qui dit clairement que "la division des propositions est de droit". Il demande à faire valoir ce droit à propos du dixième paragraphe de la décision.

59. Le PRESIDENT dit qu'il ne pense pas que la proposition de M. Aboul-Nasr soit contraire au règlement intérieur, et la met aux voix.

60. Par 13 voix contre zéro avec une abstention, la motion proposée par M. Aboul-Nasr est adoptée.

61. Le PRESIDENT dit qu'en conséquence le projet de décision à l'examen est adopté.

62. M. DIACONU, rappelle au Président que c'est la motion de M. Aboul-Nasr qui a été mise aux voix, et non le projet de décision. S'il n'a pas participé au vote c'est que le Comité s'est écarté de son règlement intérieur.

63. M. de GOUTTES précise que c'est sur la procédure qu'il s'est abstenu de voter, et non pas sur le fond. En effet, il n'approuve pas cette méthode et aurait préféré travailler davantage dans le sens d'un compromis qui aurait évité un vote paragraphe par paragraphe où l'accord aurait été beaucoup plus difficile à obtenir.

64. M. RECHETOV précise bien qu'il n'a pas voté sur le document lui-même, mais sur la procédure à suivre.

65. Le PRESIDENT invite les membres du Comité à voter sur le projet de décision proprement dit.

66. Par 11 voix contre une, avec 4 abstentions, le projet de décision est adopté.

67. M. DIACONU dit, pour expliquer son vote, qu'il s'est abstenu parce qu'il n'a pas pu obtenir, comme il en avait le droit, que le Comité vote séparément sur le dixième paragraphe, dont il n'approuve pas le contenu et aussi parce qu'il n'a pas pu exprimer son point de vue sur la compétence du Comité en ce qui concerne la question traitée dans ce paragraphe. La procédure adoptée ne tenant aucun compte du règlement intérieur, il a dû s'abstenir alors qu'il ne s'opposait qu'à un seul des paragraphes du projet de décision.

68. M. de GOUTTES explique qu'il s'est abstenu en raison de la procédure suivie. Il approuvait ce texte, sauf le paragraphe entre crochets, et avait pensé qu'il serait possible de formuler un compromis. Il se serait efforcé de satisfaire M. Shahi, M. Aboul-Nasr et d'autres experts, de mieux distinguer entre la situation de Srebrenica et Zepa et celle de la Krajina, et de parvenir ainsi à une plus juste appréciation des faits.

69. M. CHIGOVERA dit qu'il s'est abstenu car, comme il l'a expliqué précédemment, le contenu du paragraphe entre crochets n'est pas de la compétence du Comité; il n'a pas de lien avec la Convention.

70. M. SHAHI explique qu'il a voté contre le projet de décision parce que, si le Comité avait procédé à un vote paragraphe par paragraphe, il se serait abstenu sur plusieurs alinéas du préambule. En revanche, il aurait accepté le paragraphe entre crochets qui porte sur une question qui, selon lui, est bien du ressort du Comité, car ce qui y est proposé est le seul moyen de protéger le droit à la vie des membres du groupe bosniaque envers lequel l'ONU n'a pas tenu ses promesses. Il aurait voté contre le dernier paragraphe car le Comité n'y invite pas le Conseil de sécurité à prendre des mesures coercitives.
Dans son ensemble, ce projet de décision est injuste, inéquitable et mal équilibré, et il n'est pas à la hauteur du défi que représente la situation en Bosnie-Herzégovine.

71. M. Shahi rappelle que deux ans plus tôt il avait demandé que son point de vue sur la situation dans cette région figure dans le rapport du Comité, et que, malgré la promesse du Président alors en exercice, M. Valencia-Rodriguez, il n'en avait pas été fait mention. Il insiste pour que, dans le rapport sur la session en cours, son point de vue avant et après le vote soit reflété en détail.

72. M. WOLFRUM dit qu'il s'est prononcé en faveur du projet de décision bien qu'il n'en soit pas entièrement satisfait. Il aurait été souhaitable de pouvoir établir un texte reflétant les points de vue de M. Shahi, de Mme Sadiq Ali et de M. de Gouttes, de pouvoir traiter séparément les cas de Srebrenica et Zepa et celui de la Krajina, et de condamner plus fermement le nettoyage ethnique, qui est non seulement une violation de la Convention mais un crime international. Le consensus étant impossible, le compromis que représente ce projet de décision est, selon M. Wolfrum, préférable au silence.
73. M. RECHETOV estime qu'en définitive le texte est relativement équilibré, même s'il n'est pas idéal. En effet, des rapports continuent de parvenir sur les atrocités dont des femmes et des enfants désarmés et des villages où l'ONU n'a pas accès sont victimes de la part d'unités régulières croates.

74. Il explique que s'il s'est abstenu, c'est d'abord parce que le projet de décision fait référence aux conclusions adoptées à la session précédente, ce qui le déséquilibre et y introduit un élément de partialité; et ensuite parce qu'il contient une référence à l'Article 51 de la Charte des Nations Unies.

75. M. Rechetov demande que les vues des experts soient dûment consignées dans les comptes rendus analytiques.

76. Le PRESIDENT donne son assurance que cela sera fait, non seulement dans les comptes rendus analytiques, mais aussi dans le rapport à l'Assemblée générale, et que tous les membres du Comité seront traités sur un pied d'égalité.

77. M. SHAHI, ayant pu voir que le vote négatif qu'il avait émis deux ans auparavant n'était rappelé que dans une note de bas de page du rapport de cette session, dit que l'important c'est non seulement d'indiquer quel vote a été émis, mais aussi et surtout pour quelles raisons il l'a été. Il doute en effet que l'on se préoccupe de lire les comptes rendus analytiques pour y retrouver ces raisons.

78. M. FERRERO COSTA explique que son vote a été favorable car il trouve le projet de décision équilibré. Il aurait aimé que le nettoyage ethnique y soit condamné plus vigoureusement, et que le Comité demande aux Etats européens et aux organismes internationaux de faire preuve d'un plus grand sens de leurs responsabilités. Il approuve la mention, dans le paragraphe entre crochets, de l'Article 51 de la Charte des Nations Unies et, d'une manière générale, partage pleinement le point de vue de M. Wolfrum.

79. M. van BOVEN dit que, comme ses collègues, il aurait aimé qu'une distinction soit établie entre les événements de Srebrenica et de Zepa et ceux de la Krajina. Il a suivi de très près les événements de l'ex-Yougoslavie et il est d'accord avec M. Rechetov sur le fait que, dans la région de la Krajina, les Croates ont également commis des crimes de guerre, mais il ne pense pas que ces crimes puissent être comparés avec les liquidations systématiques de centaines, si ce n'est de milliers de personnes à Srebrenica, même s'il déplore tout autant les événements de la Krajina. M. van Boven a voté pour le projet de décision bien qu'il ne lui donne pas pleinement satisfaction, car il appuie les idées maîtresses qui y sont exprimées. Si un vote séparé avait eu lieu sur le paragraphe entre crochets, il se serait abstenu pour les mêmes raisons que certains de ses collègues.

80. M. VALENCIA-RODRIGUEZ dit à M. Shahi que son vote a été reflété dans une note de bas de page du rapport du Comité présenté à l'Assemblée générale. Il rappelle que tous les membres du Comité ont le droit d'apporter les modifications qu'ils jugent utiles au rapport avant que celui ne soit adopté par le Comité, puis présenté à l'Assemblée générale.

81. M. YUTZIS regrette de n'avoir pu participer au vote. La situation en Bosnie est le reflet de la face sombre de l'humanité et tout le monde sait que les événements qui s'y produisent risquent également de toucher d'autres régions de la planète. S'il avait été présent, il aurait voté pour le projet de décision et aurait demandé que soit condamnée cette tentative systématique de liquidation d'un groupe de personnes. Il aurait préféré que le Comité condamne plus fermement ces crimes systématiques.

82. M. SONG SHUHUA dit qu'il a voté pour le projet de décision qu'il juge satisfaisant dans son ensemble. Toutefois, les observations faites à propos du paragraphe entre crochets sont justes et si le Comité avait voté paragraphe par paragraphe, il se serait abstenu lors du vote sur ce paragraphe.

83. M. AHMADU dit qu'en sa qualité de coauteur du projet, il ne pouvait faire autrement que voter pour ce texte. Comme il l'a déjà dit, "il faut savoir se contenter de peu". Ayant obtenu "ce peu", il est satisfait. Il souhaite vivement que la situation en Bosnie s'améliore et espère que le Comité aura l'occasion de constater ces améliorations à sa prochaine session.

84. M. BANTON dit qu'il a voté pour le projet bien qu'il partage l'opinion de M. Diaconu sur la question de la procédure et il aurait voté contre le paragraphe entre crochets si celui-ci avait été mis aux voix séparément. Sur le fond, il souscrit aux observations de MM. Diaconu, de Gouttes, Chigovera, Wolfrum, van Boven et partiellement à celles de MM. Shahi, Rechetov et Ferrero Costa. Il n'a voté en fait pour le projet que parce qu'il savait qu'il aurait la possibilité d'expliquer son vote.

85. Le PRESIDENT, parlant en sa qualité de membre, dit qu'il a voté pour le projet de décision car le Comité se devait de faire connaître sa position sur la Bosnie-Herzégovine au cours de la présente session. Le libellé proposé par MM. Ahmadu, Rechetov et Wolfrum est satisfaisant faute de mieux. Si chaque paragraphe avait été mis aux voix séparément, il aurait voté contre deux d'entre eux. Dans l'ensemble, il s'est senti tenu de voter pour ce projet de décision car le Comité se doit de faire connaître sa position sur la question qui en fait l'objet.

Projet de recommandation générale concernant l'article 3 (CERD/C/47/Misc.18)

86. M. BANTON indique les modifications mineures proposées par M. Sherifis au texte de ce projet de recommandation générale, proposé par 10 membres du Comité. A la fin du paragraphe 1, après les mots "ségrégation raciale", il faudrait ajouter les mots "dans tous les pays". A la fin du paragraphe 2, il convient d'ajouter après les mots "Etat partie" les suivants : "ou imposées par des forces à l'extérieur de l'Etat partie". La dernière modification proposée par M. Sherifis consisterait à fusionner les deuxième et troisième phrases du paragraphe 3, et d'en remplacer le texte par le suivant : "Dans de nombreuses villes, les différences de revenu entre les groupes sociaux influent sur la répartition des habitants par quartiers, et ces différences se conjuguent parfois aux différences de race, de couleur, d'ascendance, d'origine nationale ou ethnique, de sorte que les habitants peuvent être victimes d'un certain ostracisme et les personnes subissent une sorte de discrimination dans laquelle les motifs raciaux se combinent à d'autres motifs."

87. M. de GOUTTES appuie le projet de recommandation proposé par M. Banton, mais propose de remplacer, dans le paragraphe 4, le verbe "affirme" par le verbe "rappelle". En effet, il s'agit plus d'une constatation que d'une affirmation.

88. M. SONG SHUHUA propose de changer, dans la deuxième phrase du paragraphe 4, le verbe "contrôler" par "prévenir" puisque les Etats parties ne peuvent contrôler les tendances susceptibles de provoquer la ségrégation raciale; ils peuvent uniquement tenter de les prévenir.

89. M. DIACONU suggère de remplacer plutôt le verbe "contrôler" par "surveiller". Revenant au paragraphe 1, il pense qu'il serait préférable d'ajouter après les mots ségrégation raciale non pas "dans tous les pays" comme cela a été proposé mais "dans tous les Etats parties".

90. Le PRESIDENT croit comprendre que le texte de projet de recommandation générale concernant l'article 3 est adopté, sous réserve des modifications de forme proposées.

91. Il en est ainsi décidé.

92. M. van BOVEN se félicite de l'adoption de ce projet de recommandation générale, qui permettra enfin aux Etats parties de ne plus considérer l'application de l'article 3 uniquement dans le contexte de l'Afrique du Sud. Cette recommandation jouera un rôle important dans le dialogue que le Comité aura à l'avenir avec les Etats parties. M. van Boven remercie tout particulièrement M. Banton des efforts qu'il a déployés pendant de nombreuses années pour que soit adoptée une recommandation générale sur cet article.

93. M. WOLFRUM souscrit pleinement aux propos de M. van Boven. L'article 3 a été longuement négligé à la fois par les Etats parties et le Comité, alors que de nombreux cas de ségrégation se produisent un peu partout dans le monde.
94. M. YUTZIS approuve ce texte important qui rappelle que l'apartheid tel qu'il existait en Afrique du Sud a évolué et ne peut plus être utilisé comme le modèle type du racisme, compte tenu de l'apparition de nombreux phénomènes analogues de ségrégation raciale dans le monde actuel.

95. M. AHMADU se félicite de l'adoption de cette recommandation générale qui élargit utilement la portée de l'article 3. Il se demande même si l'on ne pourrait pas envisager d'amender l'article 3 plutôt que d'élargir sa portée puisque l'apartheid a tendance à disparaître. En attendant, il est tout à fait favorable à cette recommandation tout en se demandant quelle sera la réaction des Etats parties qui, pendant si longtemps, ont interprété cet article comme une ingérence du Comité dans leurs affaires intérieures.

96. M. SHAHI s'associe aux nombreux éloges formulés à l'égard de M. Banton pour son initiative tendant à élargir la portée de l'article 3 de la Convention. Cette nouvelle interprétation de la ségrégation raciale donnera une nouvelle orientation aux travaux du Comité. Il importe que les Etats parties contrôlent toutes les tendances susceptibles de provoquer la ségrégation raciale et oeuvrent pour éliminer toutes les conséquences négatives qui en découlent. M. Shahi appuie sans réserve le texte de cette recommandation générale dont il aurait été heureux d'être coauteur.

97. M. SHERIFIS se félicite également de l'adoption de cette recommandation générale et remercie tout particulièrement M. Banton d'avoir accepté, au nom des coauteurs, les modifications qu'il y a apportées. Il souscrit aux observations formulées par d'autres membres du Comité concernant l'importance de ce texte. Il est indispensable que les Etats parties rendent compte au Comité des mesures qu'ils prennent pour éliminer la ségrégation raciale, que celle-ci soit due à des pratiques gouvernementales ou aux activités de certains groupes, ou découle de la politique menée par les gouvernements précédents de l'Etat partie ou imposée de l'étranger. M. Sherifis renouvelle ses remerciements aux coauteurs de ce texte et en premier lieu à M. Banton.

Questions d'organisation et questions diverses (point 2 de l'ordre du jour)
(suite)

98. Le PRESIDENT informe les membres du Comité du calendrier des réunions du Comité en 1996 et 1997 soumis par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies. Ce calendrier figurera dans le rapport à l'Assemblée générale, dans lequel il conviendrait d'inscrire que le Comité examinera au cours des deux sessions de 1996 tous les rapports périodiques déjà reçus afin d'éviter tout retard dans leur examen. Il convient à cet effet de désigner neuf membres du Comité, dont le mandat n'expire pas au début de 1996, qui accepteraient d'être rapporteurs de pays.

99. M. BANTON dit qu'il a déjà pris contact avec certains membres du Comité et que M. Diaconu se porte volontaire pour la Colombie, M. Yutzis pour la Finlande, M. Rechetov pour la Hongrie, M. Wolfrum pour l'Italie et M. Valencia-Rodriguez pour le Zimbabwe. M. Banton serait reconnaissant à d'autres membres du Comité de se porter également volontaires. A propos de la Namibie, le Comité devrait envisager la possibilité d'envoyer une lettre à l'actuel Gouvernement namibien en lui demandant s'il maintient la validité du rapport soumis par le Conseil de la Namibie ou souhaite en présenter un nouveau. Il serait utile que le Comité indique également que des services consultatifs peuvent lui être fournis à cette fin. Cette même procédure pourrait s'appliquer à d'autres Etats parties qui n'ont pas encore présenté de rapport initial.

100. M. WOLFRUM rappelle à ce sujet que, sur l'initiative de M. Rechetov, le Comité avait examiné la question des Etats successeurs de l'ex-URSS. Il demande si le secrétariat a reçu des réponses de ces Etats.

101. M. RECHETOV dit qu'il a toujours accordé la plus grande importance à cette question et déplore l'absence de réponse de ces Etats aux lettres du Comité. Il rappelle que ces Etats recouvrent une vaste région de l'Europe de l'Est et de l'Asie centrale où résident des dizaines de millions de personnes et où la Convention n'est toujours pas appliquée.

102. Le PRESIDENT signale que, conformément à la suggestion de M. Rechetov, il a envoyé des lettres à un certain nombre de ministres des affaires étrangères d'Etats successeurs de l'ex-URSS auxquels la Convention s'applique mais n'a reçu à ce jour qu'une seule réponse, du Tadjikistan.

103. M. BANTON pense qu'il serait bon que le Comité adresse une nouvelle lettre à la République de Géorgie où vient d'être adopté, semble-t-il, un excellent texte de loi sur les droits des minorités.

104. Le PRESIDENT dit que si les membres du Comité sont d'accord, il enverra une nouvelle lettre à la Géorgie.

105. Mme SADIQ ALI dit qu'elle est disposée à être rapporteur pour la Namibie.

106. M. CHIGOVERA déplore le caractère ingrat du travail des rapporteurs de pays. En effet les projets de conclusions élaborés avec soin dans le cadre du groupe de travail à composition non limitée sont souvent remis entièrement en question lors de leur examen ultérieur par le Comité. La tâche du rapporteur de pays n'a donc rien de très séduisant et il se demande même si elle est vraiment utile.

107. Le PRESIDENT dit que cette question sera examinée plus longuement à la session suivante du Comité dont la composition sera alors différente.
La séance est suspendue à 18 h 20; elle est reprise à 18 h 40.
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