Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.137
14 avril 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 137ème séance : Burkina Faso. 14/04/94.
CRC/C/SR.137. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 137ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le 8 avril 1994, à 10 heures

Présidente : Mme MASON


SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties en application de l'article 44 de la Convention
(suite)

Rapport initial du Burkina Faso (suite)


________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

La séance est ouverte à 10 h 20.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Burkina Faso (CRC/C/3/Add.19) (suite)

1. La PRESIDENTE donne la parole aux membres qui n'avaient pu poser leurs questions la veille à la délégation du Burkina Faso sur les sections de la liste de points CRC/C.6/WP.5 "Santé de base" et "Education, loisirs et activités culturelles".

2. M. HAMMARBERG souhaiterait en savoir davantage sur les efforts déployés pour le développement des jeunes enfants et l'éducation informelle dispensée aux enfants de 8 à 14 ans. Ces efforts ont-ils été évalués, quelles conclusions en ont été tirées, et les programmes entrepris se poursuivent-ils ?

3. Mme EUFEMIO, se référant au document "Le progrès des nations" (1993) de l'UNICEF, qui fait état de la maladie du ver de Guinée et de maladies diarrhéiques dues à la pollution de l'eau, souhaiterait savoir si les programmes lancés en 1991 et destinés à éliminer ces maladies sont appliqués pleinement. En effet, il semble que les populations villageoises continuent de boire de l'eau polluée. Si c'est le cas, quelles autres stratégies pourraient être entreprises pour pallier ces déficiences ? Les hommes ont-ils un rôle àjouer aussi important que les femmes dans ces programmes ?

4. M. MOMBESHORA sait à quel point les centres sanitaires du pays manquent de médicaments. Le Burkina Faso produit-il des médicaments ? Comment est appliquée l'Initiative de Bamako ? L'orateur souhaiterait également connaître l'incidence du paludisme au Burkina Faso et savoir s'il existe des normes pour la prévention des maladies parasitaires.

5. Mme SANTOS PAIS souhaiterait un complément d'information sur les efforts déployés au Burkina Faso en matière d'éducation informelle. Elle constate qu'en matière d'éducation les objectifs du Burkina Faso consignés dans son rapport sont ceux de la Convention, ce qui est de bon augure. Elle souligne l'importance de ces objectifs, à une époque où partout dans le monde l'on s'emploie à renforcer l'amitié entre les peuples et les groupes ethniques, nationaux et religieux. Par ailleurs, l'oratrice se félicite de l'action menée au Burkina Faso avec les enfants de la rue, action dont les résultats intéresseraient au plus haut point le Comité et d'autres pays. Dans le domaine de la santé, elle aimerait savoir dans quelle mesure la dévaluation du franc CFA peut être néfaste.

6. La PRESIDENTE invite la délégation du Burkina Faso à répondre.

7. Le docteur ZINA (Burkina Faso) rappelle que l'excision est interdite au Burkina Faso et qu'elle est sanctionnée par le Code pénal au titre des coups et blessures. Cette pratique dont les origines lointaines sont mal expliquées est néfaste pour la santé, sans parler du choc psychologique dont souffrent les femmes qui en sont victimes. Effectuée par de vieilles femmes sans formation médicale, sans matériel approprié, elle peut entraîner des hémorragies. Les infections qu'elle peut également provoquer (tétanos notamment) peuvent être locales ou généralisées et causer la stérilité. Une mauvaise cicatrisation peut gêner le système urinaire et gynécologique, notamment par un rétrécissement de la vulve, au détriment de la vie affective de la femme et de la capacité d'accoucher normalement. Il existe un comité national qui lutte contre cette pratique. Formé de chefs coutumiers entre autres, il encourage les hommes à influer sur les vieilles femmes pour qu'elles cessent cette pratique.

8. S'agissant des problèmes de santé liés à la pollution de l'eau, les autorités du Burkina Faso ont mis en oeuvre un plan national de lutte contre les maladies diarrhéiques afin d'informer la population, au sein de la famille et à l'école, des méthodes de prévention de la diarrhée. Les autorités se sont efforcées de décentraliser l'administration des soins de santé et, à l'échelle locale, les centres de santé sont pourvus de médicaments en partie subventionnés. Quant à la maladie du ver de Guinée, elle peut être facilement éliminée si l'eau n'est pas contaminée. Il existe un programme intensif qui vise à rendre accessible au plus grand nombre les points d'eau potable. Par ailleurs, les autorités sanitaires mettent à la disposition de la population des tamis-filtres qui permettent de purifier l'eau et coûtent un prix modique. Enfin, les pouvoirs publics ont dressé une carte nationale de l'endémie du ver de Guinée afin de mieux lutter contre cette maladie. Toutefois, les villageois, par commodité ou par tradition, continuent de puiser l'eau des mares. Il convient donc d'intensifier l'effort de sensibilisation. Il y a quelques semaines, une conférence internationale sur ce problème a été tenue dans la capitale, et l'on espère qu'en décembre 1995 la maladie aura été enrayée. L'UNICEF s'est associé à cette lutte. Sur le plan économique, cette maladie entraîne des pertes qui s'élèvent à des milliards de francs CFA. En effet, c'est pendant la saison pluvieuse, soit en période de récolte, que les hommes contractent la maladie, qui les oblige à rester inactifs. La campagne contre les maladies endémiques vise autant les femmes que les hommes, même si les femmes jouent un rôle plus important à cet égard. En effet, ce sont elles qui vont chercher l'eau, qui préparent les aliments et qui soignent les malades.

9. Le Burkina Faso manque effectivement de médicaments. Il convient par ailleurs de souligner que les gens qui ont recours aux centres de santé sont généralement dans un état grave. En effet, faute de moyens financiers, ils ne s'y rendent qu'après avoir essayé de se soigner eux-mêmes. Si l'on fait abstraction de dix médicaments qui sont produits au Burkina Faso, tous les autres sont importés. La dévaluation du franc CFA va donc doubler les sommes nécessaires pour les acquérir. L'Initiative de Bamako a mis l'accent sur les médicaments essentiels génériques, cinq à six fois moins chers que les médicaments de marque, et l'UNICEF apporte une aide pour les médicaments importés.

10. Le paludisme est, chez les adultes et les enfants, l'endémie la plus grave. De plus, la communauté scientifique se trouve actuellement confrontée àun problème nouveau : le paludisme résiste davantage à certains médicaments de base (la chloroquine, notamment). Il faut de plus en plus recourir à d'autres médicaments importés; il en résulte, pour le Burkina Faso, un effort économique et financier deux fois plus important qu'avant.

11. le docteur ZINA (Burkina Faso) relève avec tristesse que le programme intégré de lutte contre la bilharziose ne bénéficie pas du financement voulu. Il note qu'un programme élargi de vaccination a été mis en place avec l'aide de l'OMS et de l'UNICEF pour les enfants de moins d'un an (tuberculose, diphtérie, coqueluche, tétanos, rougeole et poliomyélite) et pour les femmes enceintes (tétanos). Des efforts sont faits pour mobiliser la communauté et assurer à chaque enfant l'ensemble de ces vaccins. L'orateur fait toutefois remarquer que les femmes des zones rurales sont souvent trop surchargées pour amener leur bébé aux centres de vaccination. Il relève également que les objectifs fixés par la Conférence de Dakar sont loin d'être atteints.

12. Abordant la question de la participation de la communauté aux soins de santé, le docteur Zina dit que, compte tenu des restrictions budgétaires, le rôle des villages consiste à identifier des volontaires qui appuient les services de santé (accoucheuses villageoises et agents de santé villageois - ASV), diffusent les informations requises et mobilisent les mères par exemple avant le passage des équipes de vaccination. Ces volontaires servent de relais au niveau de chaque village et aident à mettre en oeuvre le plan d'éradication de la dracunculose. Ils font également le point des nouveaux cas d'infestation par le ver de Guinée et centralisent les données au niveau national avant de les envoyer à l'OMS. Ces volontaires participent aussi aux programmes de planification familiale, de lutte contre le sida, etc. De nombreuses difficultés subsistent au niveau de la supervision des soins de santé (problèmes financiers et organisationnels).

13. Abordant les questions relatives à l'éducation, M. NIGNAN (Burkina Faso) dit que parallèlement au système classique d'éducation, un système informel s'adresse aux enfants qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'école. Un programme a été conçu au niveau des villages pour former ces enfants àl'agriculture. Ainsi, le centre de formation des jeunes agriculteurs a notamment formé de 1983 à nos jours plus de 40 000 jeunes filles (élevage, artisanat, broderie, couture, puériculture, transformation et conservation des produits alimentaires, etc.). Cette formation est dispensée dans les trois langues nationales reconnues, contrairement à l'enseignement classique qui est en français.

14. Les "jeunes de la rue" ont, d'une part, la possibilité de suivre une formation professionnelle (menuiserie, maçonnerie, élevage) dans des institutions spécialisées; d'autre part, une formation en milieu ouvert est dispensée depuis peu de temps. Les enfants sont suivis dans leur milieu de travail ou dans la rue par des éducateurs sociaux. Des centres existent dans la capitale Ouagadougou.

15. La "Semaine nationale de la culture" (SNC) comprend deux volets d'activités : les unes destinées aux enfants scolarisés du primaire et du secondaire (contes, nouvelles, écrits), avec l'institution d'un prix, les autres à l'intention des enfants non scolarisés (manifestations propres àchaque ethnie, danse, tir à l'arc, etc.). Des compétitions se déroulent aux niveaux sous-régional puis national.

16. Toujours à propos de l'éducation, M. Nignan précise que des écoles satellites sont prévues dès la rentrée prochaine pour favoriser l'accès d'un plus grand nombre d'enfants à l'école. Ces écoles satellites doivent permettre de rapprocher l'école du village et d'éviter aux enfants des CP1 et CP2 de faire un trop long trajet pour se rendre à l'école. Certaines classes seront également dédoublées et mises en place à titre expérimental.

17. S'adressant à M. Mombeshora, le docteur ZINA (Burkina Faso) précise que la seule vaccination recommandée par l'OMS pour entrer au Burkina Faso est celle contre la fièvre jaune, dont la durée de validité est de dix ans.

18. M. HAMMARBERG se dit très préoccupé par le phénomène de l'excision des jeunes filles au Burkina Faso et demande si des actions sont entreprises pour arrêter cette spirale de la souffrance et promouvoir un changement d'attitude à l'égard de ce problème.

19. Mme SANTOS PAIS souhaite savoir comment est né au Burkina Faso le mouvement de participation des enfants les plus démunis à la vie culturelle du pays et au système de développement national.

20. A propos de l'excision, M. OUEDRAOGO (Burkina Faso) dit que tout changement d'attitude suppose la concertation du plus grand nombre possible d'acteurs impliqués. Les chefs coutumiers, les autorités religieuses et les personnes, qui influent sur l'opinion ont donc été contactés et informés sur l'aspect sanitaire du problème de l'excision. L'expérience montre que nul n'accepte la souffrance des enfants.

21. Répondant à Mme Santos Pais, M. NIGNAN (Burkina Faso) dit qu'à un moment donné les autorités ont pris conscience que les enfants de la rue peuvent participer à la vie culturelle du pays. Des structures adéquates ont été créées en 1986 (Direction de l'enfance et Direction de la réinsertion sociale). Des travailleurs sociaux ont approché les enfants et ont progressivement réussi à gagner leur confiance. L'INEPRO (Institut national d'éducation et de production pour les jeunes), situé à 15 km de Ouagadougou, a pour objectif d'apprendre à ces enfants un métier en vue de leur permettre un jour de se réinsérer dans la société. Divers ateliers (menuiserie, maçonnerie, savonnerie) ont été installés à l'intérieur du centre. L'atelier de jouets a été réalisé avec l'ONG suisse "Enfants du monde". Les enfants passent d'un atelier à l'autre et aident à la gestion du centre tout en se formant pour leur avenir.

22. La PRESIDENTE invite la délégation du Burkina Faso et le Comité à achever l'examen des questions figurant sur la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen initial du Burkina Faso (CRC/C.6/WP.5).

"Mesures spéciales de protection de l'enfance
(Art. 22, 30, 32 à 40 de la Convention)



- La possibilité d'avoir rapidement accès à une assistance appropriée, juridique ou autre, et à des procédures rapides pour contester la légalité de la privation de liberté devant un tribunal ou toute autre autorité compétente, indépendante et impartiale;

23. Abordant les questions relatives aux mesures spéciales de protection de l'enfance, M. OUEDRAOGO (Burkina Faso) dit que la détention et l'emprisonnement d'un enfant ne sont utilisés que comme mesure de dernier recours dans son pays. Les mineurs ont la possibilité d'avoir accès à une assistance juridique et sociale lorsqu'ils sont arrêtés et détenus. Par ailleurs, aucune mesure n'est prise pour appliquer l'article 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant mais les textes législatifs et administratifs existants s'inspirent des dispositions des instruments juridiques internationaux, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant. Des mesures sont prises pour traiter les enfants sans recourir aux poursuites judiciaires, à savoir le placement dans des institutions d'accueil de la petite enfance et dans des établissements pour jeunes. Un service de sauvegarde de l'enfance en danger a également été créé dans le cadre de la Direction de l'enfance du Ministère de l'action sociale et de la famille.

24. M. KOLOSOV note que selon le paragraphe 76 du rapport initial CRC/C/3/Add.19 "aucune peine ne peut être prononcée contre un mineur de 13 ans. Les mineurs de plus de 13 ans subissent de moitié les peines appliquées aux adultes. Dans le cas où la peine de mort ou la peine àperpétuité est encourue, la peine de mort est commuée à la peine à perpétuité et la peine à perpétuité à une peine de 20 ans d'emprisonnement". Il demande si le Burkina Faso envisage d'améliorer cette loi qui lui paraît très sévère. Par ailleurs, il souhaite savoir si des mesures sont prises pour organiser le secteur informel de l'emploi au Burkina Faso afin de réduire l'exploitation économique des enfants.

25. Mme SANTOS PAIS se félicite que la Convention puisse être directement invoquée devant les tribunaux, mais rappelle que si les enfants du Burkina Faso ne sont pas informés de leurs droits, ceux-ci n'ont aucun effet. Par ailleurs, comme l'orateur précédent, Mme Santos Pais est préoccupée par la dureté de la règle énoncée à l'article 76 du rapport du Burkina Faso. Il semble que les lois qui s'appliquent aux adultes soient simplement adaptées aux enfants; cela n'est pas suffisant : il faut que des lois spécifiques soient adoptées pour les enfants. D'autre part, il semble contraire à l'esprit de la Convention que des enfants puissent subir une peine à perpétuité ou une peine de 20 ans d'emprisonnement. L'enfant qui se trouve dans cette situation n'a plus aucun espoir de réinsertion sociale.

26. Par ailleurs l'absence de juges pour enfants et l'absence de formation des magistrats, ou des fonctionnaires du système pénitentiaire, aux aspects spécifiques de l'administration de la justice pour mineurs, sont préoccupantes. Le rapport annexe du Burkina Faso indique que la détention et l'emprisonnement d'un enfant ne sont utilisés que comme mesure de dernier recours et qu'il n'en est pas de même pour l'arrestation, qui est utilisée largement par les officiers de police judiciaire. Si une dérogation est accordée par principe à la police judiciaire, cela pourrait signifier, en pratique, que des enfants peuvent être arrêtés et détenus pendant de longues périodes sans avoir accès à des informations d'ordre juridique et sans avoir de contact avec leurs familles ou avec un avocat. Ils peuvent dès lors être mis en contact avec des délinquants adultes susceptibles de leur "apprendre la délinquance". Mme Santos Pais estime que l'arrestation d'un enfant ne devrait être, à l'instar de la détention et de l'emprisonnement, utilisée que comme mesure de dernier recours et, en tout état de cause, pour une période de courte durée.

27. Mme Santos Pais souhaite enfin avoir davantage de précisions quant au travail des enfants, particulièrement dans le secteur informel. Il semble que les rémunérations y soient dérisoires et les conditions de travail déplorables, et que les enfants apprentis éprouvent des difficultés à obtenir un véritable travail.

28. La PRESIDENTE demande quelles sont les mesures prises pour traiter le problème des enfants de moins de 13 ans qui commettent des infractions.

29. Mme EUFEMIO demande s'il existe un système de placement des enfants dans des familles d'accueil.

30. La PRESIDENTE regrette que, dans le rapport du Burkina Faso, le chapitre consacré à l'exploitation sexuelle et à la violence sexuelle soit aussi bref. A cet égard, est-il prévu d'adopter des mesures spéciales de protection en faveur des jeunes femmes et des jeunes filles poussées à la prostitution ? Quelles sont les mesures adoptées à l'encontre des personnes qui se rendent coupables de violences sexuelles ? Des programmes d'éducation sexuelle sont-ils prévus ?

31. M. OUEDRAOGO (Burkina Faso) précise que les autorités de son pays sont conscientes des manques et des insuffisances dans le domaine de l'administration de la justice pour mineurs. C'est dans ce contexte que le Ministère de l'action sociale et de la famille ainsi que le Ministère de la justice ont organisé une visite du plus grand centre pénitentiaire du pays, destinée aux autorités des autres ministères, afin de montrer quelles sont les conditions dans lesquelles les enfants sont détenus. Il faut signaler à cet égard qu'une révision du Code pénal est actuellement à l'étude et devrait être soumise sous peu au Parlement et au gouvernement. Dans le cadre de ce nouveau Code pénal, le traitement réservé aux enfants ne sera pas le même que celui qui est réservé aux adultes.

32. En ce qui concerne les juges pour enfants, le problème n'est pas encore résolu. Une section de juges pour enfants a bien été créée à l'école de la magistrature mais, faute de crédits, cette section n'a pas encore pu fonctionner. En outre, le Burkina Faso n'a pas obtenu de bourses qui lui auraient permis d'envoyer des magistrats stagiaires à l'étranger pour y bénéficier d'une formation de juge pour enfant. D'autre part, le représentant de ce pays tient à souligner que les enfants relevant de l'administration pénitentiaire peuvent être placés dans des familles d'accueil. Enfin, dans le cadre de la révision de son Code pénal, le Burkina Faso a tenu compte des notions de prostitution juvénile et de violences familiales. Il convient cependant de souligner que ces problèmes ne sont pas très importants au Burkina Faso. Par ailleurs, des cours d'éducation sexuelle existent depuis une dizaine d'années dans les écoles, ainsi que dans les programmes de formation des enseignants.

33. La PRESIDENTE rappelle que, même s'ils n'apparaissent pas de manière évidente, les problèmes d'exploitation et de violence sexuelles sont présents dans toutes les sociétés. Elle se félicite cependant du fait que la révision du Code pénal tiendra compte de ces questions.

34. M. HAMMARBERG se félicite que les problèmes qui se posent dans le cadre de l'administration de la justice pour mineurs soient pris en compte par les autorités du pays et figurent à l'ordre du jour du gouvernement et du Parlement. Cependant, quelles mesures pratiques le Burkina Faso va-t-il prendre pour solutionner ces problèmes ? D'autre part, si le manque de ressources est invoqué, quelles initiatives vont être prises en matière de coopération internationale ? Qu'attend précisément le Burkina Faso de la communauté internationale en matière d'administration de la justice pour mineurs ? En rapport avec la révision du Code pénal, des mesures d'accompagnement sont-elles prévues ?

35. M. MOMBESHORA souhaite avoir des précisions concernant les stratégies mises en oeuvre pour lutter contre le racolage des mineurs, dont il est question au paragraphe 36 du rapport du Burkina Faso.

36. Mme SANTOS PAIS estime que reconnaître un problème est très encourageant et constitue la première étape vers sa solution. A l'heure actuelle, dans de nombreux pays, la mode est à la révision des codes pénaux. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier qu'on ne doit pas traiter de la même manière des enfants et des adultes. Si l'on peut définir avec précision ce que constitue une infraction commise par un adulte, il n'en est pas de même pour un enfant : pour lui il faut tenir compte d'un certain nombre d'autres facteurs. C'est pourquoi, il serait peut-être souhaitable d'envisager de créer, parallèlement au Code pénal, une législation spécifique pour les enfants. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier de se pencher sur la législation relative à la procédure pénale, qui est d'une importance primordiale pour les droits des personnes en contact avec la justice.

37. La PRESIDENTE souhaite savoir si les termes "enfants de la rue" et "enfants dans la rue" utilisés par le Burkina Faso correspondent aux notions d'"enfants des rues" et d'"enfants qui vivent et travaillent dans la rue" utilisées par le Comité.

38. M. OUEDRAOGO (Burkina Faso) confirme que les notions d'"enfants de la rue" et d'"enfants dans la rue" correspondent bien aux notions utilisées par le Comité des enfants des rues et d'enfants qui vivent et travaillent dans la rue.

39. D'autre part, une nouvelle version du Code du travail vient d'être adoptée. Les nouvelles dispositions ne tiennent pas expressément compte du travail et des droits des enfants, mais prévoient des garanties pour les apprentis. Ces derniers ont désormais le droit d'obtenir un véritable travail, en fonction de l'expérience acquise, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes.

40. Par ailleurs, le représentant du Burkina Faso rappelle que son pays souhaite promouvoir la charge de magistrat pour enfants et qu'à partir de l'expérience acquise sur le terrain par ces magistrats des réformes seront poursuivies, à la lumière des dispositions de la Convention. Il convient également de signaler que des mesures d'accompagnement de la révision du Code pénal ont été prévues par le Ministère de l'action sociale et de la famille et par le Ministère de la justice et sont actuellement à l'étude.

41. S'agissant de la prostitution, les stratégies dont il est question au paragraphe 36 du rapport du Burkina Faso sont des stratégies préventives. Cela étant, la prostitution est un phénomène lié à l'état économique de la société; il s'agit donc d'une question qui concerne l'ensemble de la société. Le Burkina Faso a pris des mesures à cet égard mais une aide de la communauté internationale serait la bienvenue. M. Ouedraogo prend enfin bonne note des observations de Mme Santos Pais concernant l'attention qu'il convient d'accorder à la législation relative à la procédure pénale et à l'élaboration éventuelle d'une législation spécifiquement destinée aux enfants.

42. La PRESIDENTE propose ensuite une brève suppression de séance pour que les membres du Comité préparent des conclusions orales sur l'examen du rapport initial du Burkina Faso (CRC/C/3/Add.19).

43. La séance est suspendue à 12 h 20; elle est reprise à 12 h 35.

44. M. HAMMARBERG remercie la délégation du Burkina Faso pour l'ouverture d'esprit dont elle a fait preuve et pour les nombreuses informations très détaillées qu'elle a fournies au Comité. Il a notamment apprécié la conception qu'a le Burkina Faso du rôle du médiateur (ombudsman) ainsi que de l'éducation extrascolaire et du développement précoce de l'enfant. Il convient aussi de saluer l'efficacité et la sagesse avec laquelle le Burkina Faso lutte contre la pratique de l'excision ainsi que sa décision d'améliorer l'administration de la justice pour les mineurs. Pour l'avenir, M. Hammarberg invite le Gouvernement du Burkina Faso à intensifier sa lutte contre la discrimination dont sont victimes les femmes et les jeunes filles, notamment dans l'enseignement, et à renforcer les mesures visant à empêcher que des sévices soient exercés sur les femmes et les enfants au sein de la famille.

45. M. MOMBESHORA salue l'honnêteté et la modestie dont a fait preuve la délégation du Burkina Faso, qui a présenté de manière très claire les problèmes auxquels se heurte le pays. Il ne pense pas, quant à lui, que les donateurs soient atteints de lassitude. En effet, ils sont toujours disposés àcontribuer au succès de programmes qui ont été élaborés avec sérieux. Or, c'est le cas des programmes du Burkina Faso. Ce pays devrait intensifier ses programmes de vaccinations, notamment contre l'hépatite B et le tétanos néonatal, qui est l'une des principales causes de mortalité infantile. Par ailleurs les informations données par la délégation du Burkina Faso sur l'excision ont permis aux membres du Comité d'avoir une idée très complète de ce grave problème. Enfin, M. Mombeshora invite les autorités du Burkina Faso àassocier plus étroitement les populations et les communautés aux programmes mis en oeuvre, notamment en ce qui concerne l'éducation, la santé et les économies d'énergie. Une telle démarche s'avère plus efficace et moins coûteuse qu'une politique d'investissements très lourds.

46. Mme EUFEMIO, après avoir remercié la délégation pour la richesse des informations communiquées au Comité, formule un certain nombre de propositions à l'intention du Gouvernement du Burkina Faso. Tout d'abord, il serait souhaitable que des enfants fassent partie du Comité de suivi du Plan d'action national et que ce comité fasse l'objet d'une législation afin de ne pas être soumis aux aléas de la politique. Avant de procéder à la mise en oeuvre de la deuxième phase du Plan national d'action en faveur de l'enfance (1995-2000), il conviendrait de mener une étude sur la situation de l'enfance, notamment en ce qui concerne les droits civils, l'environnement familial, l'éducation et les conditions sanitaires. Le Plan d'action national pourrait ainsi être réajusté à la lumière de cette étude. Enfin, il serait bon que des mesures soient prises pour empêcher la détérioration de la famille élargie et faire prendre conscience aux parents, notamment aux pères, de leurs responsabilités en matière d'éducation. Il faut en effet garder présent à l'esprit, en cette année internationale de la famille, que celle-ci a un rôle essentiel à jouer dans les domaines de la santé, de l'éducation, des droits civils et de la prévention contre les sévices et l'exploitation économique des enfants.

47. Mme SANTOS PAIS tient à souligner l'ouverture d'esprit dont a fait preuve la délégation du Burkina Faso. Les difficultés, d'ordre économique notamment, auxquelles se heurte le gouvernement n'ont pas entamé sa volonté de poursuivre le processus de démocratisation, en particulier d'assurer la séparation des pouvoirs et la représentativité de tous les secteurs de la population au sein des organes chargés de veiller à l'application de la Convention. Il y a lieu à ce propos d'encourager les autorités à ne déroger à aucun des droits de l'homme, car de telles dérogations pourraient, comme l'histoire du Burkina Faso l'a montré, avoir des conséquences très fâcheuses. Il convient de poursuivre le processus démocratique engagé, notamment en encourageant les parlementaires à adopter des lois qui permettent d'assurer le respect des principes énoncés dans la Convention, en particulier dans le domaine de l'administration de la justice pour les mineurs.

48. Mme Santos Pais appelle aussi l'attention des autorités du Burkina Faso sur la peine capitale et sur la réclusion à perpétuité, et les encourage àpréférer à la privation de liberté le placement dans des familles et les programmes de rééducation. Il conviendrait aussi de reconsidérer l'âge de la majorité pénale et de sensibiliser les personnes intéressées aux principes énoncés dans la Convention : non-discrimination à l'égard des femmes, respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, respect de l'opinion de l'enfant et interdiction des sévices. Un équilibre doit être trouvé entre l'autorité parentale et les droits de l'enfant au sein de la famille, dont l'unité sera ainsi renforcée. Il faut aussi considérer que la famille est la première école de la démocratie. Il faut aussi mettre l'accent sur la formation des magistrats et du personnel pénitentiaire et modifier la législation dans un certain nombre de domaines, notamment la justice et le travail. Dans le domaine de la coopération internationale, c'est l'esprit de consensus de Dakar qui doit prévaloir. Pour sa part, le Comité devrait encourager la communauté internationale à aider le Burkina Faso à améliorer son système de collecte de données relatives à l'enfance afin que le pays puisse adapter sa stratégie aux besoins des enfants.

49. M. KOLOSOV dit que les informations données par la délégation du Burkina Faso sont très encourageantes. Les autorités du pays devraient envisager l'élaboration d'un code des droits de l'enfant et renforcer la sensibilisation des enfants et des enseignants aux droits de l'enfant. Il conviendrait également de légiférer dans le domaine du travail des enfants. Enfin, M. Kolosov souhaite que le Comité invite la communauté internationale àaccorder davantage de bourses pour la formation de magistrats.

50. La PRESIDENTE tient à souligner le haut niveau de la délégation du Burkina Faso, qu'il s'agisse des fonctions occupées par ses membres ou de leur excellente connaissance des questions relatives à l'enfance. A son avis le Comité devrait se réjouir que malgré les difficultés économiques rencontrées, le Burkina Faso n'ait pas réduit ses programmes sociaux. Elle souhaiterait, comme Mme Eufemio, que des jeunes gens et des jeunes filles fassent partie du Comité de suivi du Plan d'action national en faveur de l'enfance.

51. Elle note par ailleurs avec satisfaction la possibilité qu'ont les justiciables d'invoquer la Convention devant les tribunaux, ainsi que l'autorité qui a été conférée à la Convention au sein de l'ordonnancement juridique du pays. En ce qui concerne la définition de l'enfant, Mme Mason ne doute pas que les quelques modifications qui s'imposent dans ce domaine seront apportées à la législation du Burkina Faso. D'une manière générale, les autorités du Burkina Faso doivent faire porter leurs efforts par priorité sur le développement des ressources humaines, sur l'éducation des femmes et sur le développement des investissements publics.

52. Enfin, Mme Mason se félicite que les autorités du Burkina Faso aient associé les autorités coutumières et religieuses au Programme d'action national en faveur de l'enfance et attend avec impatience, comme ses collègues, le prochain rapport du Burkina Faso qui, à n'en pas douter, fera apparaître de nouveaux progrès dans la protection des droits de l'enfant.

53. M. OUEDRAOGO (Burkina Faso) dit que sa délégation est impressionnée par la ferveur que mettent les membres du Comité à défendre la cause des enfants. Les autorités de son pays s'efforcent, elles aussi, avec réalisme et pragmatisme, d'améliorer la condition des enfants, en identifiant les problèmes puis en associant toutes les personnes concernées à leur règlement. Les efforts déployés se heurtent à des problèmes économiques, à une profonde déchirure du tissu social et à une modification des rapports entre l'individu, d'une part, et la famille et la communauté, d'autre part. Face à ces problèmes, les autorités prennent des mesures d'urgence, sans pour autant perdre de vue les stratégies à long terme.

54. S'agissant de la coopération internationale, le Burkina Faso souhaiterait recevoir une aide pour mettre en place un système de collecte de données, élaboré en collaboration avec l'UNICEF, pour mettre en oeuvre le programme de l'Initiative de Bamako, le plan d'action en faveur des jeunes filles (qui porte notamment sur l'éducation), le programme d'insertion sociale, le plan d'action national pour le renforcement du rôle de la femme dans le développement, le programme national de nutrition et de sécurité alimentaire (élaboré en collaboration avec l'UNICEF), le programme de l'hydraulique villageoise (qui permettra notamment de lutter contre les maladies diarrhéiques), etc. M. Ouedraogo précise que le Burkina Faso s'est déjà attelé à toutes ces tâches sans attendre l'aide extérieure qu'il souhaite recevoir. Enfin, M. Ouedraogo remercie encore les membres du Comité pour leur attention.

La séance est levée à 13 h 15.

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