Distr.

GENERALE

E/C.12/1999/SR.41/Add.1
30 novembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la deuxième partie de la 41ème séance : Cameroon. 30/11/99.
E/C.12/1999/SR.41/Add.1. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Vingt et unième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DEUXIÈME PARTIE (PUBLIQUE)*
DE LA 41ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 23 novembre 1999, à 15 heures

Présidente : Mme BONOAN-DANDAN


SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS :

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

- Rapport initial du Cameroun

* Le compte rendu analytique de la première partie (privée) de la séance est publié sous la cote E/C.12/1999/SR.41.




La partie publique de la séance commence à 16 h 35
.

EXAMEN DES RAPPORTS

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Cameroun [(E/1990/5/Add.35); liste des points à traiter (E/C.12/Q/CAMER/1); réponses écrites du Gouvernement camerounais (document sans cote); profil de pays (E/C.12/CA/CAMER.1)]

1. À l'invitation de la Présidente, la délégation camerounaise prend place à la table du Comité.

2. La PRÉSIDENTE invite la délégation à faire une brève présentation orale des réponses écrites du Gouvernement camerounais, qui ont été traduites dans toutes les langues.

3. M. NGOUBEYOU (Cameroun) signale tout d'abord que son Gouvernement avait prévu d'envoyer huit personnes, mais qu'en raison d'intempéries la délégation n'a pas pu se présenter au complet et ne compte que deux personnes. Les réponses écrites transmises au Comité procèdent d'une approche normative - par les références aux dispositions juridiques (constitution, lois, décrets, jurisprudence) - et pragmatique - par l'énumération des structures créées, des réformes institutionnelles réalisées et des cas d'espèce rencontrés dans l'application du Pacte. Avant de répondre aux questions, il est utile de retracer le cadre général dans lequel le Cameroun entend assurer la protection des droits et des libertés fondamentales de la personne humaine ainsi que de son développement économique, social et culturel.

4. La loi No 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 est le fil conducteur. Son préambule, qui fait partie intégrante de la Constitution affirme "l'attachement du peuple camerounais aux libertés fondamentales inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et des peuples et à toutes les conventions internationales dûment ratifiées". Au Cameroun, les droits de l'homme bénéficient ainsi de la plus haute protection juridique possible puisqu'ils font partie intégrante du droit positif interne. En tant que traité, le Pacte est soumis aux règles du droit des traités au sens de la Convention de Vienne de 1969 sans être toutefois soumis au principe de réciprocité. Le Cameroun est aujourd'hui un État moderne et régi par le droit.

5. Le Gouvernement camerounais considère que le Comité a un rôle important à jouer dans le système international de promotion et de protection des droits de l'homme et c'est la raison pour laquelle il s'est engagé à s'acquitter régulièrement de son obligation en matière de rapports périodiques. La délégation se tient à l'entière disposition du Comité pour un dialogue franc, constructif et transparent.

6. La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à se pencher sur les articles 1 à 5 du Pacte.

7. M. CEVILLE dit que le Pacte semble faire partie intégrante du droit positif camerounais et primer sur la législation interne en cas de conflit de normes, mais que dans ses réponses écrites le Cameroun indique que la majorité des droits énoncés dans le Pacte ne s'appliquent pas en l'absence de normes internes intermédiaires ou de relais et qu'il s'agit, pour l'essentiel, de simples mesures positives à prendre par les États. La délégation peut-elle exposer au Comité comment, compte tenu de cette situation, le Pacte s'applique dans le pays ?

8. Le Président camerounais nomme-t-il les magistrats et les juges ? Existe-t-il un conseil supérieur de la magistrature ? Dans quelle mesure le pouvoir judiciaire est-il indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ?

9. M. RIEDEL demande à la délégation de préciser les mesures prises pour rendre le pouvoir judiciaire plus indépendant et moins sujet aux pressions politiques, à la corruption et à l'inefficacité. Il souhaite en particulier savoir pourquoi la situation financière et matérielle des magistrats a dû être revalorisée. Cela signifie-t-il que leur situation était bien moins enviable que celle des autres fonctionnaires ?

10. Pourquoi les autorités camerounaises ont-elles jugé nécessaire d'engager des procédures disciplinaires pour assainir les professions judiciaires, la magistrature notamment ? Pourquoi la commission anticorruption dont il est question dans le cadre du plan anticorruption n'a-t-elle toujours pas été mise en place ?

11. M. Riedel se dit par ailleurs stupéfait que le Cameroun se réfugie derrière l'absence de moyens pour justifier le retard dans la lutte contre la corruption. Ce qui importe c'est la volonté politique de changement et la question du coût de ce point est d'importance secondaire.

12. M. TEXIER estime qu'affirmer d'une part que rien ne s'oppose au Cameroun à ce que les dispositions du Pacte soient invoquées devant les tribunaux et de l'autre que la plupart des droits reconnus dans le Pacte ne sont pas perçus comme directement applicables (self-executing) et apparaissent pour l'essentiel "comme étant de simples mesures positives à prendre par les États parties" constitue en soi une contradiction doublée d'une violation du Pacte. Tous les droits énoncés dans le Pacte sont opposables et nombre d'entre eux font d'ores et déjà l'objet d'une abondante jurisprudence dans tous les pays du monde. Si le Pacte fait partie intégrante de la législation d'un pays, il doit pouvoir y être invoqué et il y a à l'évidence un gros travail à effectuer auprès des juges et des magistrats camerounais afin de les informer du caractère obligatoire des dispositions du Pacte.

13. S'agissant de la non-discrimination, qu'entend le Gouvernement camerounais par le terme de "minorités" ? Le Cameroun compte de multiples ethnies et de nombreux peuples. Lesquels sont minoritaires et lesquels ne le sont pas ?

14. S'agissant de la discrimination à l'égard des femmes, outre la discrimination classique qui existe dans tous les pays du monde à l'égard des femmes, notamment en matière de politique salariale, le système juridique camerounais ne respecte manifestement pas l'obligation d'égalité entre hommes et femmes. Le Code civil de ce pays comporte des mesures ouvertement discriminatoires à l'égard des femmes, notamment en matière d'héritage, d'égalité dans le mariage ou d'exercice du droit de propriété. L'État partie reconnaît d'ailleurs lui-même dans ses réponses écrites que "l'état d'infériorité de la femme est davantage accentué par les pratiques coutumières telles que les mariages précoces et forcés, les abus sexuels, les mutilations génitales féminines". Quels efforts le Gouvernement camerounais déploie-t-il ou a-t-il déployé pour remédier à cette situation ? A-t-il notamment mis en oeuvre des mesures sur le plan pédagogique pour lutter contre cette discrimination traditionnelle ? Que pense la délégation du rapport soumis par l'Association camerounaise des femmes juristes sur les droits des femmes en matière de santé reproductive ?

15. M. PILLAY souligne la contradiction flagrante existant entre l'affirmation selon laquelle le Pacte est supérieur aux lois internes et celle selon laquelle tous les droits qu'il énonce ne sont pas invocables en justice en l'absence de normes internes intermédiaires. Le Cameroun semble considérer que les droits consacrés par le Pacte doivent être préalablement intégrés dans le droit interne avant de pouvoir juridiquement s'appliquer.

16. Les ministères qui élaborent conjointement avec les organisations internationales les programmes d'ajustement structurel se soucient-ils de l'effet de ces programmes sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels ?

17. S'agissant de la discrimination à l'égard des femmes, M. Pillay s'étonne que les autorités reconnaissent ouvertement dans les réponses écrites la discrimination très grave dont est victime la femme camerounaise et que rien ne semble être fait pour y remédier ou mettre la législation du pays en conformité avec les dispositions du Pacte. Cette situation est aggravée par le fait que le droit coutumier prévaut bien souvent sur le Code civil et les avis de la Cour suprême.

18. Les femmes ne sont visiblement pas les seules à subir une discrimination au Cameroun puisque 27 % des ruraux n'ont pas accès à l'eau potable et qu'ils sont surreprésentés dans la population vivant sous le seuil de pauvreté, avec 44 % contre 15 % pour les citadins.

19. M. RATTRAY relève que les droits énumérés dans la Constitution du Cameroun sont principalement civils et politiques; cela signifie-t-il que les droits économiques, sociaux et culturels n'ont pas le même statut ? Le Gouvernement camerounais reconnaît d'ailleurs que dans certains domaines, des contradictions existent entre le droit interne et les dispositions du Pacte, notamment en ce qui concerne la discrimination à l'égard des femmes; il serait donc intéressant de savoir quelles mesures il entend prendre pour assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte.

20. M. SADI souligne que le Comité doit absolument savoir quelle est la place du Pacte dans l'ordre juridique national camerounais. On peut en effet lire dans les réponses écrites que la plupart des droits reconnus dans le Pacte ne sont pas perçus comme des droits d'application immédiate en l'absence de normes internes intermédiaires ou de relais et il serait intéressant de savoir si le Cameroun envisage de combler cette lacune. Comme l'affirme le Comité dans son observation générale No 9, les normes internationales contraignantes relatives aux droits de l'homme devraient s'appliquer directement et immédiatement dans le cadre des systèmes juridiques internes de chaque État partie.

21. S'agissant des mesures prises pour rendre le pouvoir judiciaire plus indépendant, il est indiqué dans les réponses écrites que la croisade engagée contre la corruption ne portera des fruits qu'à long terme. Une telle affirmation semble quelque peu défaitiste. Invoquer les droits économiques, sociaux et culturels devant les tribunaux n'a aucun sens si ces tribunaux ne sont pas indépendants. À ce propos, il serait intéressant de savoir si le Gouvernement a pris des mesures pour faire connaître les dispositions du Pacte aux fonctionnaires et aux membres de l'appareil judiciaire.

22. M. ANTANOVICH rappelle qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte, les États parties s'engagent à agir, au maximum de leurs ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte. Vu que d'après le PNUD, l'État camerounais était en 1997 très fortement endetté et que le service de sa dette devait, en 1996-1997, absorber les deux tiers de ses recettes d'exportation, il serait utile de savoir si cet endettement fait obstacle à l'application du Pacte et si depuis lors la situation s'est améliorée.

23. M. GRISSA souhaiterait avoir des précisions sur les caractéristiques démographiques et ethniques de la population sur les structures économiques et sur les différentes langues et dialectes parlés dans le pays.

24. S'agissant de la discrimination fondée sur le sexe, chacun sait qu'en Afrique subsaharienne, la plupart des activités économiques sont effectuées par les femmes et que les hommes perçoivent les fruits de ces activités. D'après les ONG, la polygamie permet à l'homme de faire travailler plusieurs femmes sous son autorité. On sait également que dans la plupart des pays africains, les coutumes et traditions l'emportent sur les lois. Par exemple, la loi interdit les mutilations génitales des femmes mais ces pratiques persistent, même dans les communautés africaines établies en Europe. Il serait intéressant de savoir si le Cameroun s'est associé à d'autres pays africains pour lutter contre certaines pratiques et certaines maladies.

25. M. WIMER constate qu'on ne peut venir à bout de certaines pratiques et traditions du jour au lendemain mais que cela ne saurait empêcher un État démocratique comme le Cameroun de modifier sa législation. Or le Gouvernement camerounais, qui reconnaît pourtant avec franchise que certaines lois camerounaises sont en contradiction avec les dispositions du Pacte, ne semble pas disposé à s'engager sur cette voie.

26. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO se félicite que le Gouvernement camerounais soit déterminé à lutter contre la corruption non seulement dans l'appareil judiciaire, mais aussi dans l'ensemble de l'administration, tout en regrettant qu'il n'ait pas répondu aux questions 4 et 5. Le Cameroun a ratifié, sans réserve ni objection, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, entrée en vigueur pour ce pays en septembre 1994, et il serait utile de savoir si la situation des femmes s'est améliorée depuis.

27. M. CEAUSU demande en quoi consistent les "unités techniques spéciales d'encadrement", les "structures légères" et les "aides diverses" dont il est question dans les réponses écrites à propos des mesures prises pour lutter contre la discrimination à l'égard des minorités. Dans les réponses écrites il est indiqué que 12 % des enfants baka (Pygmées) étaient scolarisés en 1990; il serait intéressant de savoir si ce pourcentage a augmenté depuis et dans quelle langue ces enfants sont scolarisés. Enfin, M. Ceausu souhaiterait savoir pourquoi le Gouvernement ne prend pas davantage de mesures, notamment sur le plan législatif, pour remédier à la discrimination dont les femmes sont victimes.

28. M. THAPALIA fait observer à ce propos que d'après le Département d'État américain, la discrimination et la violence à l'égard des femmes sont toujours de sérieux problèmes au Cameroun et que les ethnies minoritaires et les Pygmées restent désavantagés. Il souhaiterait savoir si le mandat de la Commission nationale des droits de l'homme sera élargi pour y inclure la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe.


La séance est levée à 18 heures.




©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland