Distr.

GENERALE

E/C.12/1999/SR.43
3 décembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la première partie de la 43ème séance : Cameroon. 03/12/99.
E/C.12/1999/SR.43. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Vingt et unième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)* DE LA 43ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 24 novembre 1999, à 15 heures

Président : M. CEAUSU (Vice-Président)

puis : Mme BONOAN-DANDAN (Présidente)



SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

- Rapport initial du Cameroun (suite)

* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote E/C.12/1999/SR.43/Add.1.


La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS :

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

1. À l'invitation du PRéÉSIDENT, la délégation camerounaise reprend place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT invite la délégation camerounaise et le Comité à poursuivre l'examen de l'application des articles 6 à 9 du Pacte.

3. M. ANTANOVICH demande quelles mesures ont été prises depuis la rédaction du rapport pour améliorer les conditions de travail et les salaires des travailleurs.

4. M. PILLAY dit que, dans son rapport de 1999, l'ONG "FIAN - Pour le droit à se nourrir" affirme que les personnes dépossédées de leurs terres n'ont jamais reçu d'indemnités d'expropriation et n'ont pas été réinstallées, que les moyens de subsistance des Pygmées sont détruits et qu'on assiste à un épuisement progressif des ressources halieutiques côtières. Par ailleurs, l'État partie a omis, dans ses réponses écrites, de répondre à la question sur les expulsions forcées.

5. M. NGOUBEYOU (Cameroun) dit que, dans les plantations, les travailleurs sont souvent payés à la tâche; c'est donc de leur plein gré que ceux qui le souhaitent travaillent de nombreuses heures afin de gagner le plus d'argent possible car ils savent qu'ils n'auront plus de travail une fois la récolte terminée. Les travailleurs des plantations sont protégés par la législation du travail. Le nombre des inspecteurs du travail chargés de veiller au respect de cette législation étant insuffisant, le Gouvernement a décidé d'en former davantage. Sous la pression des syndicats et du Ministère du travail, les propriétaires de plantations ont augmenté le salaire minimum et le salaire des travailleurs payés au mois.

6. M. BAHANAG BAHANAG (Cameroun) précise que c'est la crise économique qui a obligé l'État camerounais à interrompre le versement d'indemnités d'expropriation aux personnes qui avaient été dépossédées de leurs terres, par exemple pour construire l'autoroute Douala-Yaoundé, l'aéroport international de Yaoundé ou encore l'oléoduc reliant le Tchad au Cameroun. Avec la fin de la crise économique en 1997, le versement des indemnités d'expropriation a pu reprendre. C'est ainsi que, pour l'exercice 1999-2000, près de 50 milliards de francs CFA seront dépensés au titre de ces indemnités.

7. Le PRÉSIDENT invite le Comité à examiner l'application des articles 10 à 12.

8. M. RIEDEL estime que les réponses écrites du Gouvernement camerounais sont dans l'ensemble trop vagues. Il souhaiterait notamment, d'une part, savoir quelles mesures ont été prises pour améliorer les conditions de santé et d'hygiène dans les prisons et remédier à la surpopulation carcérale, et d'autre part, avoir des chiffres précis sur les résultats obtenus ainsi que sur le nombre de détenus transférés dans les quatre nouvelles prisons mentionnées dans les réponses écrites.

9. S'agissant du droit à la santé physique et mentale, il serait utile de savoir : ce que fait le Gouvernement pour lutter contre le sida et notamment empêcher que les jeunes contractent cette maladie; si les mesures prises pour lutter contre la pratique des mutilations génitales féminines se sont révélées efficaces; et si la création de la Centrale d'approvisionnement en médicaments et consommables médicaux essentiels (CENAME) a permis d'améliorer la distribution de médicaments essentiels dans les campagnes, en particulier dans les zones reculées.

10. M. PILLAY souhaiterait savoir s'il existe des centres d'accueil pour femmes battues et si l'État partie entend prendre des mesures législatives pour lutter contre la violence intrafamiliale.

11. S'agissant de la pauvreté, selon certaines informations 55 % des Camerounais vivent au-dessous du seuil de pauvreté, 40 % des ruraux vivent dans l'extrême pauvreté et 13 % des enfants présentent un déficit pondéral à la naissance. La protection des enfants et des mères, notamment les mères célibataires, est insuffisante. La situation des adolescentes enceintes est tragique. Tous ces problèmes ont été aggravés par la mise en oeuvre de programmes d'ajustement structurels, qui ont entraîné une détérioration des soins de santé et une diminution des prestations sociales.

12. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO demande pourquoi la violence conjugale n'est pas un motif de divorce reconnu en droit et si les maris qui battent leur femme s'exposent à des sanctions.

13. M. NGOUBEYOU (Cameroun) dit que le Gouvernement camerounais répondra dans son prochain rapport aux questions concernant la surpopulation carcérale et le nombre de prisonniers transférés dans les nouvelles prisons.

14. S'agissant du sida, le Gouvernement mène de nombreuses campagnes d'information à la radio, à la télévision et dans les établissements scolaires pour prévenir la contamination des jeunes par le VIH. Des associations sont créées et des fonds débloqués pour que ces informations parviennent jusque dans les régions les plus reculées du pays. Les jeunes sont invités à subir un test de dépistage dans les centres sociaux.

15. Dans les régions où sont pratiquées les mutilations génitales des femmes, le Ministère de la condition féminine organise des campagnes visant à convaincre les mères de ne pas soumettre leur fille à un tel supplice. Ces campagnes, qui s'intensifient, commencent à porter leurs fruits et le Gouvernement a bon espoir que la situation continuera à s'améliorer.

16. Pour ce qui est des médicaments acquis par la Centrale d'approvisionnement en médicaments et consommables médicaux essentiels (CENAME), différents relais permettent de les acheminer jusque dans les villages. Le Gouvernement a créé un service qui est chargé de contrôler la validité des médicaments. On sait en effet que certaines firmes pharmaceutiques essaient d'écouler dans le tiers monde des médicaments périmés. De plus, les vendeurs ambulants qui vendent des produits pharmaceutiques s'exposent à des poursuites judiciaires.

17. S'agissant de la violence contre les femmes, le Gouvernement n'envisage pas de déposer un projet de loi condamnant ces pratiques car elles tombent déjà sous le coup de la loi pénale, où les coups et blessures volontaires sont qualifiés de délits. Les services sociaux qui relèvent du Ministère des affaires sociales ou du Ministère de la condition féminine encouragent les personnes concernées à dialoguer et, en cas de conflit, à recourir à l'arbitrage du chef de famille ou du chef de la communauté. On ne s'adresse à la justice pénale que lorsque les tentatives de conciliation ont échoué.

18. Pour ce qui est de la pauvreté dans le monde rural, la délégation camerounaise n'est pas en mesure de se prononcer sur la validité des statistiques que l'ONU a publiées à ce sujet.

19. M. GRISSA fait observer que les statistiques publiées par les Nations Unies émanent des pays eux-mêmes.

20. M. NGOUBEYOU (Cameroun) dit que certaines données proviennent effectivement de sources camerounaises, mais non officielles. S'agissant des statistiques présentées dans le rapport du Département d'État américain, il en prend note mais ne peut rien en dire.

21. M. PILLAY note avec préoccupation que le Gouvernement ne semble pas avoir pris de mesures pour résoudre des problèmes graves comme celui de la violence et de la discrimination à l'égard des femmes. Il rappelle que, dans ses observations en date du 18 avril 1994, le Comité des droits de l'homme avait déjà invité le Gouvernement à améliorer la situation de la femme, notamment en adoptant les mesures éducatives et autres nécessaires pour surmonter les pesanteurs de certaines coutumes et traditions, ainsi qu'en donnant suite le plus rapidement possible au projet de modifier le Code de la famille. En ce qui concerne la question du harcèlement sexuel, M. Pillay se réfère au rapport alternatif sur les droits des femmes en matière de santé reproductive au Cameroun, dans lequel il est indiqué qu'au Cameroun il n'existe pas de loi concernant le harcèlement sexuel et qu'une législation sur le harcèlement sexuel pourrait résoudre une des causes de discrimination dont sont victimes les femmes camerounaises. On peut lire dans ce même rapport que, dans le domaine du travail, la discrimination la plus pernicieuse se fait au niveau du recrutement et notamment dans le privé. Quand les autorités camerounaises vont-elles réellement s'attaquer aux coutumes et habitudes culturelles néfastes ? Sur le plan économique, le Cameroun consacre une part considérable de son budget à payer le service de la dette. Ne pourrait-il pas essayer d'obtenir des facilités de remboursement auprès de ses créanciers afin de consacrer davantage de ressources à la réalisation des droits de ses citoyens ?

22. M. NGOUBEYOU (Cameroun) dit que le harcèlement sexuel, phénomène qui est loin d'être l'apanage du Cameroun, est condamné par la morale coutumière. Comme dans toute société, des cas se produisent, et l'État ne peut contrôler le comportement de chaque citoyen. Les autorités camerounaises ont la volonté politique d'appliquer le Pacte, mais dans tous les domaines il faut savoir être patient et attendre que la semence pousse. Le Cameroun s'est déjà doté d'une constitution qui fait place aux préoccupations liées aux droits économiques, sociaux et culturels et les autorités sont en train d'harmoniser les textes législatifs. Il est clair en outre que le Gouvernement ne peut tout faire seul et que, pour agir en profondeur et dans la durée, il doit tenir compte des données sociologiques et culturelles, et par exemple consulter les chefferies, les représentants des Églises, les syndicats. Les mentalités n'évoluent pas en un jour, et ce serait certainement faire fausse route que d'user de violence pour les faire évoluer.

23. Le PRÉSIDENT dit que le Comité ne veut pas presser indûment le Gouvernement camerounais dans son action législative et administrative et comprend qu'il faut du temps pour mener à bien les réformes, mais fait remarquer que les graines semées poussent plus vite si la terre est cultivée et bien arrosée. Le Comité a pour rôle d'apprécier la manière dont les États parties s'acquittent des obligations que leur impose le Pacte à la lumière de la situation générale dans le pays.

24. M. WIMER, notant qu'il n'a pas été répondu à la question 50 de la liste des points à traiter, voudrait connaître le nombre et le pourcentage de jeunes inscrits à l'université. Par ailleurs, existe-t-il dans le cadre de l'université ou au sein du Ministère de l'éducation, un centre d'étude des langues et cultures locales ?

25. M. RIEDEL, se référant à la question 47 concernant la gratuité de l'enseignement primaire, note avec satisfaction que, selon les réponses écrites, le Gouvernement camerounais consacre 15 % du budget de l'État à l'éducation nationale et que ce budget n'a cessé de croître au cours des dernières années malgré la conjoncture économique difficile. Il s'étonne cependant de lire dans ces réponses écrites que les parents doivent payer des sommes modiques au titre des frais d'inscription ou des associations des parents d'élèves. Le fait de devoir assumer certains frais, même faibles, n'empêche-t-il pas les familles pauvres d'envoyer leurs enfants à l'école et ne constitue-t-il pas une atteinte au droit à un enseignement primaire gratuit et obligatoire ? En outre, la délégation pourrait-elle répondre à la question 48 et expliquer pourquoi l'État partie ne fait pas respecter le droit à l'enseignement obligatoire jusqu'à l'âge de 14 ans, pourtant reconnu dans la Constitution ?

26. À propos de la question 49, M. Riedel se félicite que le taux d'analphabétisme soit en recul mais constate avec inquiétude qu'il est beaucoup plus élevé chez les femmes (49,9 %) que chez les hommes (30 %). Il voudrait savoir quelles mesures prend le Gouvernement pour remédier à cet état de choses. Globalement, il pense que si le Comité ne peut qu'être compréhensif en ce qui concerne l'action à long terme du Gouvernement camerounais et la présentation du rapport, puisqu'il s'agit du rapport initial, il se doit de dénoncer les violations flagrantes des droits énoncés dans le Pacte.

27. M. GRISSA pense que le dialogue entre le Comité et la délégation camerounaise est rendu difficile par le fait que les membres du Comité manquent d'éléments d'information sur le Cameroun : le rapport écrit ne contient pratiquement pas de statistiques, et en tout cas aucune relative à l'enseignement primaire. Il est dit au paragraphe 119 de ce rapport qu'il n'existe pas encore de plan formel de mise en place de l'enseignement gratuit et obligatoire mais qu'on peut percevoir à travers les résolutions des États généraux de l'éducation et à la lumière de la nouvelle Constitution que les collectivités locales et régionales pourront se charger d'un tel plan; vient ensuite une longue liste des difficultés freinant l'élaboration du plan. Mais tout cela est vague et, pour se faire vraiment une idée de la situation, le Comité aurait besoin d'avoir des chiffres précis, de connaître les intentions du Gouvernement et de savoir si l'État dispose ou non des ressources nécessaires pour mener à bien les projets. Proclamer le droit à l'éducation dans la Constitution ne suffit pas, il faut aussi traduire ce droit dans la réalité. La délégation camerounaise ne doit pas ressentir ces observations comme des critiques hostiles, mais comme le désir du Comité d'avoir plus d'informations.

28. M. ANTANOVICH voudrait savoir quels sont les liens entre l'enseignement privé et l'État; vu la pénurie d'enseignants, comment les écoles privées recrutent-elles leur personnel ? Est-ce que l'État contrôle la qualité de l'enseignement dispensé dans les établissements privés et, dans l'affirmative, selon quelles modalités ?

29. D'une manière générale, M. Antanovich tient à s'associer à ce qui a déjà été dit, à savoir que le Comité ne doute pas des bonnes intentions des autorités camerounaises, mais a besoin d'informations spécifiques et précises pour apprécier la façon dont le Gouvernement met en oeuvre les droits énoncés dans le Pacte. Par exemple, il a noté que l'amélioration de la situation économique s'était accompagnée d'un recul des taux d'analphabétisme et d'abandon scolaire. Il serait intéressant de savoir à quoi exactement sont imputables ces bons résultats : à une augmentation des crédits budgétaires, à l'ouverture de nouveaux établissements scolaires, à une augmentation de la rémunération des enseignants ou à une meilleure sensibilisation des parents ?

30. M. AHMED note que, d'après le PNUD et le Département d'État américain, la crise économique aurait conduit à une hausse des abandons scolaires et le taux de fréquentation scolaire dans l'enseignement primaire serait tombé de 100 % en 1985 à 79 % en 1995. La délégation peut-elle indiquer le taux officiel actuel d'abandon scolaire aux niveaux primaire et secondaire ? En outre, quoique le taux d'alphabétisation global soit assez élevé par rapport à d'autres pays de la région, l'écart entre hommes (75 %) et femmes (52 %) est préoccupant. Il s'inquiète également de la forte dévalorisation du salaire des enseignants; sachant que l'État partie a reçu du FMI une aide de quelque 74 millions de dollars pour mettre en oeuvre une réforme économique et que cette réforme a permis d'enregistrer une croissance réelle du PIB de l'ordre de 5 % en 1999 et de ramener le taux d'inflation à seulement 1,6 %, il devrait maintenant être possible de relever ces salaires.

31. Mme Bonoan-Dandan prend la présidence.

32. M. THAPALIA estime lui aussi que l'attitude discriminatoire à l'égard des filles dans l'éducation et les niveaux de salaire dans l'enseignement constituent des problèmes majeurs. Il demande si les hausses de salaire accordées à certains enseignants seront généralisées à l'ensemble du corps enseignant. Il aimerait également connaître les différences de salaire entre enseignants du secteur public et enseignants du secteur privé.

33. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaiterait, vu l'absence de document de base et le manque de données statistiques caractérisant le rapport initial du Cameroun, avoir des statistiques sur le nombre d'inscrits dans l'enseignement supérieur et sur la répartition hommes-femmes parmi ces étudiants, ainsi que des enseignements sur la prise en considération des droits des femmes dans les programmes des facultés de droit et sur les formations assurées aux magistrats et aux forces de police pour les sensibiliser à l'égalité entre les sexes.

34. M. CEAUSU fait observer que le paragraphe 130 du rapport ne permet pas de se faire une idée réelle de l'ampleur de l'enseignement des langues vernaculaires. Des statistiques sur le nombre d'écoles et de classes assurant cet enseignement et sur le nombre d'enfants qui le suivent seraient les bienvenues. Relevant par ailleurs l'expression "clochardisation de la fonction enseignante" employée au paragraphe 132 du rapport, il souligne que les enseignants sont des repères dans la société et que leur condition sociale et matérielle, tout comme leur niveau intellectuel, conditionne l'avenir de la jeunesse, et se demande donc quel exemple peut offrir aux enfants un instituteur "clochardisé".

35. M. NGOUBEYOU (Cameroun) n'est pas en mesure de donner des statistiques dans l'immédiat, mais attirera l'attention des personnes chargées de l'élaboration des rapports sur les remarques du Comité. Il appelle toutefois ce dernier à l'indulgence : compiler des statistiques suppose de se rendre dans les différentes provinces pour consulter les registres locaux, ce qui ne peut pas se faire sans moyens.

36. M. BAHANAG BAHANAG (Cameroun) fait valoir qu'il est d'autant plus difficile de connaître le nombre d'étudiants que, suite à la réforme universitaire de 1993, il n'y a plus une, mais six universités dans le pays, et que certaines personnes sont inscrites dans plusieurs établissements simultanément. Il indique par ailleurs que, en raison des conséquences de la crise asiatique, le processus de revalorisation des salaires des enseignants est plus lent que prévu. Toutefois, les salaires ont déjà commencé à être relevés dans l'enseignement primaire et secondaire, et l'enseignement supérieur suivra, si la croissance se poursuit.

37. M. NGOUBEYOU (Cameroun) dit que la diversité culturelle est une réalité au Cameroun, dont les cultures locales se sont enrichies de la culture française et de la culture britannique. Aux langues officielles que sont le français et l'anglais s'ajoutent quelque 230 langues nationales ou locales. Créer un centre d'études chargé de l'étude de toutes ces langues serait une entreprise très coûteuse. Cependant, les différentes autorités religieuses font l'effort de dispenser leur enseignement dans les langues locales, et la Bible et le Coran ont été traduits dans certaines d'entre elles. Certaines missions diplomatiques disposent en outre de centres culturels dispensant également des enseignements linguistiques. Au sein du Ministère de l'éducation nationale, le Bureau de l'UNESCO est chargé de suivre l'évolution culturelle du pays.

38. L'enseignement privé est payant au Cameroun comme dans tous les autres pays. L'enseignement public peut quant à lui être considéré comme gratuit dans la mesure où les parents d'élèves ne paient pas pour l'enseignement dispensé, mais participent simplement à certains frais de fonctionnement et autres frais au titre des assurances et des activités éducatives et sportives parascolaires. Le Gouvernement lutte activement contre l'analphabétisme. Ainsi, des agents des services chargés de l'animation rurale, relevant du Ministère de l'éducation nationale, du Ministère de la jeunesse et des sports et du Ministère de l'agriculture, se rendent dans les campagnes pour donner des cours. Dans les villages, les adultes peuvent en outre apprendre les rudiments de la lecture et du calcul dans des structures spéciales. La plupart des enseignants du supérieur sont formés à l'École normale supérieure, créée par le Gouvernement. Les autres enseignants sont formés dans les autres écoles normales, dont certaines relèvent du Gouvernement et d'autres de différentes confessions, essentiellement catholique et protestante. Avant la crise de 1994, l'éducation était, avec la magistrature et la diplomatie, l'un des secteurs les plus prestigieux, et les enseignants avaient une des meilleures situations de la fonction publique. Le Gouvernement alloue par ailleurs chaque année d'importantes ressources budgétaires à la construction de nouvelles salles de classe. Il bénéficie en cela de l'appui de pays amis. Ainsi, le Japon, dans le cadre d'un accord d'assistance bilatérale, s'est engagé à financer la construction de 10 000 écoles, ce qui représente un effort de l'ordre de 2 ou 3 milliards de francs CFA. Des particuliers se mobilisent eux aussi pour construire des écoles dans les villages. Le Gouvernement suisse a quant à lui accordé un appui en prenant en charge les salaires d'une partie des enseignants envoyés dans ces écoles. Enfin, M. Ngoubeyou dit qu'une formation aux droits de l'homme est effectivement dispensée aux magistrats et aux policiers. Par ailleurs, tous les corps de la fonction publique participent aux séminaires sur les droits de l'homme, organisés dans un cadre bilatéral ou avec des ONG.

39. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO demande si la question de l'égalité entre hommes et femmes est abordée dans ces séminaires et sessions de formation sur les droits de l'homme. Elle aimerait également savoir si des efforts sont faits pour que les livres scolaires ne perpétuent pas une image dévalorisante de la femme et une répartition traditionnelle des rôles.

40. M. NGOUBEYOU (Cameroun) signale que l'instruction civique est inscrite dans les programmes scolaires, tant au niveau primaire - où il s'agit surtout d'apprendre à vivre en société et à respecter son prochain, quel que soit son sexe - qu'au niveau secondaire - où les débats deviennent plus politiques et axés sur la démocratie et le travail civique. La Fête des jeunes, organisée le 11 février, est l'occasion pour les jeunes de se rassembler et de réaliser des projets économiques, sociaux ou portant sur des thèmes en rapport avec les droits de l'homme. Les droits de l'homme font en outre partie intégrante du cursus des facultés de droit. Mieux, ils constituent une matière obligatoire, faisant l'objet d'un examen écrit.

41. La PRÉSIDENTE remercie la délégation pour ces précisions et l'invite à formuler ses conclusions.

42. M. NGOUBEYOU (Cameroun) assure le Comité que ses observations et critiques seront prises en compte par les autorités camerounaises, qui ont, tout comme le peuple camerounais, la ferme volonté de progresser vers la démocratie et le respect de leurs engagements internationaux. Il a conscience que la présentation du rapport initial est un exercice essentiel, en ce qu'il permet d'identifier les problèmes, étape indispensable pour les surmonter.

43. Mieux appliquer les engagements qui découlent du Pacte nécessite des moyens supérieurs aux capacités du pays, et le Gouvernement camerounais accepte donc toutes les formes d'assistance technique, bilatérale ou multilatérale, bien qu'il accorde sa préférence à la coopération avec les services de consultation et d'assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Le Cameroun a en effet besoin de conseils, d'assistance et de moyens afin de l'aider dans la rédaction des rapports mais aussi dans la mise en oeuvre concrète des dispositions des Pactes auxquels le pays est partie. Le dialogue qui s'est engagé ici avec le Comité constitue une réelle assistance technique pour le pays, notamment pour ce qui est du mode de présentation de ses rapports futurs. La délégation camerounaise a pris bonne note des questions formulées par les membres du Comité et celles auxquelles il n'a pu être répondu oralement seront traitées dans le prochain rapport périodique du Cameroun.

44. La PRÉSIDENTE espère que le deuxième rapport périodique du Cameroun reflétera les leçons que la délégation dit avoir apprises et contiendra les statistiques et les données économiques et démographiques demandées par les membres du Comité. Les observations finales du Comité sur ce rapport initial seront transmises à la Mission du Cameroun auprès de l'Office des Nations Unies à Genève.


La partie publique de la séance prend fin à 17 h 30.



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