Distr.

GENERALE

E/C.12/1998/SR.48
22 décembre 1998


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 48ème seance : Canada. 22/12/98.
E/C.12/1998/SR.48. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Dix-neuvième session



COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 48ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 27 novembre 1998, à 15 heures


Président : M. ALSTON


SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique du Canada (suite)


La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (Point 6 a) de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Canada (suite) (E/1994/104/Add.17; HRI/CORE/1/Add.91 (document de base); E/C.12/CA/CAN/1 (descriptif de pays); E/C.12/Q/CAN/1 (Liste des points à traiter); HR/CESR/NONE/98/8 (réponses écrites du Gouvernement canadien aux questions posées dans la liste des points à traiter)

1. A l'invitation du Président, la délégation canadienne reprend place à la table du Comité

Articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

2. Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poser des questions à la délégation canadienne.

3. M. PILLAY demande à la délégation de préciser comment le Canada applique l'article 7 du Pacte qui porte sur des conditions de travail justes et favorables. Plus précisément, quelles mesures ont été prises aux niveaux fédéral et provincial pour que le salaire minimum fixé soit conforme aux dispositions de cet article, sachant que globalement, pour un emploi à plein temps il était, en 1996, inférieur au seuil de pauvreté.

4. Le Gouvernement canadien a, par ailleurs, déclaré que les changements apportés au régime d'assistance publique avaient été favorables aux femmes, qui sont nombreuses à travailler à mi-temps. Or, le Comité a reçu des informations selon lesquelles ces changements ont en réalité compliqué la situation de ceux qui demandent à bénéficier d'une aide sociale. Quelle est la position du Gouvernement sur cette question ?

5. M. Pillay demande pourquoi la loi sur l'égalité de rémunération entre hommes et femmes, adoptée par le Gouvernement fédéral canadien en 1995, n'est toujours pas entrée en vigueur et pourquoi les décrets d'application de cette loi n'ont pas encore été promulgués. Le Comité a reçu des informations qui semblent indiquer que la parité des salaires entre hommes et femmes n'est pas respectée au Canada et que ces dernières toucheraient 58 % du montant versé aux hommes et n'auraient droit qu'à la même proportion du montant des allocations de vieillesse versées aux hommes. Tout porte également à croire que, même dans le secteur public, les femmes ne perçoivent pas le même salaire que les hommes pour des fonctions équivalentes. À cet égard, le tribunal canadien des droits de la personne a statué sur une plainte déposée en 1984 et a déclaré que le Gouvernement fédéral avait violé l'article 11 de la loi canadienne sur les droits de la personne portant sur l'égalité de rémunération pour des fonctions équivalentes en ne versant pas le même salaire aux femmes et aux hommes lorsqu'ils occupent des fonctions similaires. Or, le Premier Ministre canadien avait promis en 1993 de respecter et d'appliquer la décision du tribunal alors qu'en 1996, il a fait appel de cette décision devant une Cour fédérale d'appel. Quelle sera la position du Gouvernement à cet égard ? Attendra-t-il que la Cour rende son jugement ?

6. M. AHMED évoque également la question du droit à des conditions de travail justes et favorables en soulignant que l'adoption du Transfert canadien en matière de santé et de programmes permet désormais à chaque gouvernement provincial, depuis l'abrogation des normes nationales instituées par le régime d'assistance publique du Canada, de faire ce que bon lui semble en matière de programmes sociaux. Il en résulte que certaines provinces, parmi lesquelles l'Ontario, ont adopté des législations assez éloignées des normes précédemment en vigueur. Ainsi, en 1997, l'Ontario a adopté la loi No 142 qui impose le travail obligatoire pour les assistés sociaux, y compris pour les femmes élevant seules un enfant. La Fédération du travail de l'Ontario a indiqué qu'aux termes de cette loi, toute personne refusant d'occuper un emploi serait gravement pénalisée et que toute personne se trouvant dans ce cas verrait ses allocations amputées de trois mois lors du premier refus, et de six mois pour tout refus ultérieur. Or, selon cette organisation, de nombreuses municipalités auraient refusé de participer à ce programme en raison du manque d'emplois.

7. M. Ahmed indique en outre que l'Ontario a adopté, le 24 novembre 1998, la loi No 22, qualifiée par une organisation non gouvernementale canadienne de "loi antisyndicale", de loi violant les normes internationales reconnues dans le domaine des droits de l'homme et contraire à l'esprit et à la lettre des obligations contractées par le Canada en tant qu'État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. D'après cette organisation, la Ministre des services sociaux aurait elle-même indiqué au Parlement lors du vote de ce texte que le but de cette loi était de dissuader les bénéficiaires de l'aide sociale de s'organiser et de représenter collectivement les intérêts des travailleurs dans l'entreprise en Ontario, de les empêcher de se syndiquer et de faire grève.

8. Par ailleurs, il ressort des informations portées à la connaissance du Comité, que les fonds alloués par le nouveau plan social en faveur des enfants, intitulé "Prestation nationale pour enfants", sont transmis aux provinces qui décident ensuite de leur attribution. Or, les femmes recevant déjà une aide sociale, la plupart d'entre elles élevant seules leurs enfants, ne bénéficieraient apparemment d'aucune allocation au titre de ce plan social pour améliorer les conditions de vie de leurs enfants. Seules les provinces de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick permettraient aux familles recevant déjà une aide sociale de conserver les prestations d'aide sociale en faveur des enfants.

9. Mme BONOAN-DANDAN note que la délégation canadienne n'a pas expliqué comment les cinq provinces qui ont mis en place les programmes de travail obligatoire qui conditionnent l'octroi d'une aide sociale à l'obligation d'accepter un emploi appliquent les normes fixées en matière de législation du travail, et notamment de salaire minimum. Par ailleurs, dans ses réponses écrites, le Gouvernement indique qu'il n'y a pas au Canada de seuil de pauvreté officiel alors que par ailleurs il reconnaît utiliser la Mesure de faible revenu comme paramètre fiable de la pauvreté. La délégation peut-elle, dans ce cas, expliquer au Comité sur quels critères celui-ci devrait se baser pour évaluer les progrès réalisés par le pays dans la lutte contre la pauvreté ?

10. M. SADI se demande dans quelle mesure les difficultés économiques rencontrées par le Canada sont attribuables à la mondialisation de l'économie. Y a-t-il eu, par exemple, un changement dans l'orientation de la politique économique et quels ont été les effets de l'Accord de libre-échange nord-américain sur l'économie nationale ? Le dollar canadien a énormément chuté, perdant notamment quelque 20 % de sa valeur. Si le Comité peut se faire une idée des problèmes économiques que connaît le pays, il pourra peut-être mieux comprendre pourquoi tant de restrictions ont été imposées à la population et pourquoi le Gouvernement n'est pas en mesure de faire face aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

11. M. NICOLINI (Canada) indique que les programmes de travail obligatoire pour les assistés sociaux n'existent pas au Québec. La loi actuellement en vigueur dans cette province prévoit seulement qu'un prestataire d'aide sociale doit entreprendre les démarches appropriées pour trouver un emploi lui permettant de recouvrer son autonomie. Par ailleurs, le prestataire a l'obligation d'accepter, à moins d'invoquer des motifs sérieux ou de prouver que les activités proposées ne sont pas adaptées à sa situation, un emploi qui lui serait offert. En cas de refus, il peut voir le montant de ses prestations réduit. Il a toutefois la possibilité de faire appel devant une juridiction administrative.

12. La nouvelle loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, adoptée en juin 1998, précise les motifs qui peuvent être invoqués pour refuser un emploi ainsi que les instructions qui peuvent être données aux prestataires, telles que l'inscription auprès d'un service de placement, la participation à un entretien visant à évaluer les démarches à entreprendre ou la participation à une activité structurée de recherche d'emploi. Cette loi, qui n'est toutefois pas encore entrée en vigueur, prévoit que les prestataires âgés de moins de 25 ans et qui n'ont ni enfant ni de contrainte à l'emploi seront tenus, au plus tôt à compter du 1er septembre 2000, d'entreprendre un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi. Les parcours proposés visent à offrir des mesures individualisées et adaptées aux besoins des personnes qui sont les plus vulnérables et défavorisées sur le plan de l'emploi et qui risquent l'exclusion professionnelle et sociale, à savoir essentiellement les jeunes.

13. Les études menées par le Ministère de l'emploi et de la solidarité du Québec font état d'un problème de dépendance intergénérationnelle : 62 % des jeunes âgés de moins de 21 ans qui bénéficiaient du programme de la sécurité du revenu en 1997 provenaient de familles comptant déjà des prestataires de l'aide sociale. Le parcours proposé est un processus dynamique d'accompagnement qui s'inscrit dans le cadre d'une relation d'aide pour soutenir les efforts investis et optimiser les chances de réussite. Il constitue une offre d'aide aux besoins spécifiques des jeunes et non un programme de travail obligatoire. Il convient également de souligner qu'une personne qui réalise une activité dans le cadre du parcours recevra au moins 120 dollars canadiens par mois.

14. M. DESLAURIERS (Canada) répond en ce qui concerne les autochtones que le Québec est une société démocratique, dotée d'un gouvernement démocratique, qui est fermement engagé en faveur du respect des droits de la personne en général, et des droits des autochtones, en particulier.

15. Mme LEVASSEUR (Canada) déclare que plusieurs des droits garantis par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sont mis en oeuvre par des dispositions législatives ordinaires ne figurant pas nécessairement dans la Constitution canadienne. S'agissant du programme de travail obligatoire il faut examiner en détail son contenu, ses modalités d'application et les sanctions prévues avant de déterminer si ce type de programme est ou non conforme à l'article 6 du Pacte.

16. La loi canadienne sur les droits de la personne consacre le principe de l'égalité de rémunération pour des fonctions équivalentes et la plupart des provinces le respectent. Des voies de recours devant le tribunal des droits de la personne ont en outre été instituées. Évoquant la décision rendue par la justice au sujet d'une plainte déposée en 1984 pour violation de ce principe, à laquelle M. Pillay a fait référence, Mme Levasseur confirme que le Gouvernement a fait appel de cette décision auprès de la Cour suprême. Toutefois, la délégation ne saurait faire de commentaires sur une affaire en cours. Le Gouvernement canadien n'a pas contesté le principe de l'article mentionné de la loi canadienne sur les droits de la personne, visant à lutter contre la discrimination systématique dans la politique des salaires : il met seulement en cause la méthodologie utilisée pour faire respecter le principe de l'égalité de rémunération.

17. M. MUNDIE (Canada) indique que le Canada n'a pas fixé de seuil officiel de la pauvreté, mais qu'il l'évalue sur la base de divers critères. Statistique Canada s'appuie dans ses rapports sur deux paramètres : le Seuil de faible revenu et la Mesure de faible revenu. Le Gouvernement canadien utilise plus souvent le premier, bien qu'il ait été récemment suggéré d'élaborer un troisième critère mesurant le "panier de la ménagère". Le second constitue la norme internationalement acceptée pour les comparaisons statistiques entre pays et représente la moitié du revenu moyen disponible. Si l'on se base sur l'analyse du Seuil de faible revenu, on constate qu'entre 14 et 19 % de la population, de 1980 à 1996, vivaient en situation de précarité. Par comparaison, selon la Mesure de faible revenu, 11 à 13 % seulement de la population pour la même période entraient dans cette catégorie. À l'échelle internationale, le Canada se situe dans la moyenne des pays industrialisés depuis 15 ans. Devant le Canada, selon ce paramètre, se situent les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie; les personnes pauvres, toujours selon ce critère, auraient toutefois un meilleur niveau de vie au Canada que dans les autres pays mentionnés. La question est complexe et le Gouvernement canadien n'a pas encore décidé lequel des deux critères il convient de privilégier ni s'il est opportun d'en élaborer un troisième.

18. Le Gouvernement canadien a pris diverses mesures pour accroître le degré d'autonomie des chefs de famille monoparentale, notamment en octroyant une assistance sociale à ceux qui en ont besoin, en aidant ceux qui sont au chômage à retrouver du travail et en mettant en place des structures d'accueil pour les enfants. Il existe aussi, depuis deux ou trois ans, un programme intitulé "Bon départ pour les autochtones" spécialement conçu pour les mères autochtones qui vivent dans les grandes villes et dans les réserves. Ce programme vise leur à redonner confiance et à les aider, en particulier par des activités de formation, à subvenir elles-mêmes aux besoins de leurs enfants.

19. Divers programmes de formation et d'aide à l'emploi, notamment un programme de soutien aux femmes entrepreneurs, ont été mis en place dans le cadre de l'assurance-emploi. Ce système d'assurance a été modifié afin de permettre aux travailleurs à temps partiel et aux travailleurs qui occupent plusieurs emplois d'en bénéficier plus facilement. Depuis 1996, les familles à faible revenu perçoivent un supplément familial au titre de l'assurance-emploi. Le montant total des prestations, additionné de ce supplément, ne pourra toutefois pas représenter plus de 80 % du revenu imposable.

20. Un programme intitulé la Stratégie Emploi Jeunesse a été lancé pour aider les jeunes à trouver du travail.

21. Quant au salaire minimum, c'est aux provinces qu'il appartient de le déterminer. Elles le font en tenant compte du coût de la vie, des conditions économiques et d'autres facteurs pertinents. Dans quelques provinces, cette tâche est confiée à des bureaux chargés de déterminer le salaire minimum, où siègent des représentants des employeurs et des travailleurs et qui sont généralement présidés par un fonctionnaire du Ministère du travail.

22. Mme WHITAKER (Canada) dit que des responsables du Ministère des affaires indiennes et du Nord Canada ont rencontré récemment les responsables autochtones de la réserve des Shamattawa (Manitoba) afin d'examiner les moyens de lutter contre les suicides et la toxicomanie chez les jeunes de cette communauté. Le ministère s'est notamment engagé à financer, à hauteur de 400 000 dollars, la construction d'un centre de loisirs, qui devrait débuter au printemps 1999. Depuis 1996, cette communauté a reçu 2,8 millions de dollars, qui ont permis de financer la construction de 33 maisons. Par ailleurs, on construit actuellement une station de traitement de l'eau, dont le coût est évalué à 4,7 millions de dollars.

23. En ce qui concerne la question des terres, le Gouvernement collabore actuellement avec les représentants des Premières nations afin de formuler des recommandations tendant à créer un organe indépendant qui serait habilité à prendre des décisions contraignantes en ce qui concerne les revendications relatives aux terres formées par les autochtones. Il convient à ce propos de préciser qu'il est fait mention des droits des peuples autochtones dans la Charte des droits et des libertés ainsi que dans l'article 35 de la Constitution qui dispose que "les droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés".

24. Mme BONOAN-DANDAN demande quels progrès ont été enregistrés depuis 1993 en ce qui concerne la construction de logements sociaux.

25. M. ADEKUOYE souhaiterait savoir quelles mesures sont prises pour protéger les droits des travailleurs immigrés, améliorer la situation des femmes qui travaillent à temps partiel, lutter contre la discrimination à l'égard des femmes et aider celles-ci à s'adapter aux nouvelles technologies de l'information.

26. M. MUNDIE (Canada) répond qu'il existe divers programmes de formation et un certain nombre d'aides visant à faciliter l'intégration des femmes dans le marché du travail.

27. S'agissant des structures d'accueil pour les enfants, le Gouvernement fédéral a lancé, en 1995, l'Initiative des services de garde destinée aux Premières nations et aux Inuit qui a permis de créer ou d'améliorer 3 000 garderies en trois ans. La création d'une prestation fiscale pour enfants et d'une prestation nationale pour enfants (par. 187 et 190) permet de compléter le revenu des familles canadiennes modestes.

Articles 9 et 11 du Pacte

28. M. CEVILLE demande à la délégation canadienne de donner des informations sur le nombre de personnes qui consacrent au logement une somme supérieure à leur allocation-logement et d'indiquer si le fait de devoir consacrer une partie de l'argent nécessaire pour se nourrir au logement risque d'amener ces ménages à souffrir de la faim. Il souhaiterait également savoir pourquoi le Gouvernement canadien n'a pas répondu aux questions 37, 39 et 40.

29. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaiterait avoir des précisions sur la réforme du régime des pensions intervenue en 1997 et connaître le montant de la pension minimum. Il serait également intéressant de savoir quelles ont été les conséquences de la suppression, une dizaine d'années auparavant, de l'obligation de prendre la retraite à un âge donné, y compris dans la fonction publique. Enfin, Mme Jimenez Butragueño demande si les personnes âgées bénéficient de services satisfaisants dans les domaines social et sanitaire.

30. M. PILLAY rappelle que, dans les conclusions qu'il avait formulées en 1993, le Comité avait noté que ni le gouvernement dans son rapport écrit, ni la délégation dans sa présentation orale, n'avaient mentionné le problème des sans-abri et s'était étonné que les dépenses consacrées au logement social ne soient pas supérieures à 1,3 % des dépenses publiques. Par ailleurs, il est indiqué au paragraphe 275 du rapport que le financement de nouveaux logements sociaux par le Gouvernement fédéral a cessé en 1993.

31. D'après M. Hulchanski, professeur de l'Université de Toronto, auteur d'une étude sur les conditions de logement dans cette ville, la situation est catastrophique pour les personnes à revenu modeste et les groupes vulnérables : augmentation du nombre de logements surpeuplés et insalubres et des sans-abri qui n'ont pas les moyens de payer un logement; suppression des programmes de soutien au logement social; baisse de la protection des droits des locataires; discrimination exercée par les propriétaires à l'encontre des locataires potentiels à bas revenu; suppression des subventions aux organisations de défense des locataires. La situation est encore pire pour les autochtones. Il faudrait, pour résoudre la crise du logement que connaît cette communauté, construire environ 59 000 logements. Or le gouvernement s'est engagé à en construire 4 000 et à en remplacer 3 000 autres. L'auteur de l'étude susmentionnée conclut en affirmant que le manque d'intérêt des autorités pour le logement et la réduction des aides au logement a rendu la lutte pour la survie des plus vulnérables encore plus difficile.

32. M. PILLAY souhaiterait savoir quelles mesures les autorités fédérales et provinciales entendent prendre pour s'acquitter de leur obligation d'assurer aux groupes vulnérables, aux autochtones et aux familles à bas revenu, un logement suffisant.

33. M. CEAUSU souhaiterait savoir quel est le nombre de sans-abri à Toronto.

34. M. AHMED demande comment le gouvernement entend remédier à la discrimination dont sont victimes les femmes dans les réserves. En effet, en cas de divorce, le logement est automatiquement attribué à l'époux et la femme se retrouve sans domicile.

35. Mme BONOAN-DANDAN demande quelles mesures le Gouvernements fédéral et les gouvernements provinciaux ont prises pour donner suite aux recommandations du Comité, tendant à ce que soit réduit l'écart entre les taux de prestation d'aide sociale et le seuil de pauvreté.

36. M. AHMED fait observer à ce propos que d'après The Globe and Mail, les personnes qui sont dans la tranche des revenus les plus bas dépensent en moyenne 16 000 dollars par an, dont 62 % pour l'alimentation, le logement et les transports. Pour les personnes qui sont dans la tranche des revenus les plus élevés, ces chiffres sont respectivement de 97 000 dollars et de 35 %.

37. M. MUNDIE (Canada) reconnaît que le phénomène des sans-abri est très grave au Canada. Le Gouvernement fédéral coopère avec les gouvernements provinciaux et municipaux pour trouver des solutions à court terme et à long terme à ce problème. Des initiatives communautaires sont également prises pour venir en aide aux personnes à risque, aux personnes victimes de violences et aux personnes sans domicile fixe et pour réduire l'ampleur de la criminalité. La Société canadienne d'hypothèques et de logement alloue 1,9 milliard de dollars par an à la réalisation d'un parc de 645 000 logements sociaux destinés aux Canadiens ayant un faible revenu. Onze millions de dollars sont affectés à des programmes d'assistance à la remise en état de logements. Les crédits alloués au programme d'assistance à l'intention des personnes handicapées sont passés de 3,8 à 7,8 millions de dollars par an. Une enquête réalisée à Toronto sur les sans-abri indique que sur 26 000 sans-abri, 60 % d'entre eux sont des hommes seuls et 15 % d'entre eux sont des sans-abri de longue durée.

38. Mme WHITAKER (Canada) dit que la nouvelle politique du logement dans les réserves annoncée en 1996 est basée sur le contrôle communautaire et l'affectation de ressources locales pour améliorer les conditions de logement des autochtones. En 1997-1998, 97 % des logements avaient l'eau courante et 93 % d'entre eux le tout-à-l'égout. En 1998-1999, le Gouvernement canadien compte dépenser environ 450 millions de dollars au chapitre du logement dans les réserves. On estime que près de 4 600 nouveaux logements seront construits et qu'environ 3 800 habitations seront réparées.

39. M. MUNDIE (Canada) dit, au sujet de la réduction de l'écart entre les taux de prestation d'aide sociale et le seuil de pauvreté, qu'il n'y a pas au Canada de seuil officiel de la pauvreté, ce qui ne veut pas dire que le Gouvernement fédéral se désintéresse du sort des plus défavorisés. Il existe, en plus de l'aide sociale, d'autres mesures telles que prestation nationale pour enfants qui vise à accroître le niveau de vie des familles à revenu faible avec enfants, celles qui vivent avec moins de 26 000 dollars par an. Le Gouvernement canadien continuera d'oeuvrer dans ce sens.

Article 12 du Pacte

40. M. ADEKUYOE souhaite obtenir des informations sur le Groupe de travail interministériel créé pour lutter contre la mutilation des organes génitaux féminins.

41. M. AHMED demande quelle est la nature des services de santé mis à la disposition des différentes catégories d'immigrants au Canada et des Indiens des réserves et dans quelle mesure sont-ils gratuits.

42. Mme BONOAN-DANDAN demande si le Gouvernement canadien prend des mesures pour informer les très jeunes filles des communautés autochtones des risques que comporte une grossesse précoce pour leur enfant et pour elles-mêmes et protéger ainsi leur droit à la santé et leur droit à l'éducation puisqu'elles sont obligées d'abandonner l'école pour s'occuper de leur enfant.

43. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO aimerait obtenir des informations complémentaires sur les soins de santé dispensés aux personnes âgées.

44. M. PILLAY dit que les restrictions à la fourniture d'une aide juridique pour les litiges civils lèsent de nombreuses femmes qui ont besoin de cette aide pour obtenir par exemple la garde de leurs enfants. Que font le Gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pour qu'elles aient accès à cette aide selon que de besoin ? Sont-ils conscients des effets négatifs que ces restrictions ont pour l'accès à la justice des femmes démunies ?

45. Mme CHARRON (Canada) dit que le régime de santé public assure à tout les résidents du Canada un accès raisonnable aux services hospitaliers et médicaux nécessaires suivant un régime de paiements anticipés et des conditions uniformes. Dans ce régime universel, le rationnement des services de santé est basé sur le besoin et non pas sur les moyens financiers. La loi canadienne sur la santé énonce les critères auxquels doivent répondre les régimes d'assurance maladie provinciaux pour que la province ait droit au montant intégral de ses paiements de transferts fédéraux. L'un de ces critères est l'universalité. Un fonds de transition pour la santé d'un montant de 150 millions de dollars est mis en place pour encourager des mesures novatrices en matière de soins de santé primaires, de soins à domicile ou encore de soins de santé intégrés. Certains projets sont plus particulièrement axés sur les groupes vulnérables (autochtones, femmes, pauvres, malades mentaux, handicapés et personnes âgées).

46. À propos de l'accès des personnes âgées aux soins de santé, Mme Charron dit que des réformes sont en cours aux niveaux provincial et fédéral.

47. Au sujet de la couverture médicale des Premières nations, Mme Charron précise que ces dernières ont accès aux mêmes soins de santé que tous les autres Canadiens. De plus, un programme sanitaire d'un montant de 1 milliard de dollars est affecté aux Inuit et aux Indiens des réserves (transport médical, produits pharmaceutiques, soins dentaires, ophtalmologie). Des difficultés importantes subsistent toutefois du fait des différences culturelles et de l'éloignement de ces populations. Des mesures sont à l'étude pour y remédier.

48. À propos des mères adolescentes, Mme Charron dit que d'importantes ressources sont consacrées aux programmes de santé communautaires et que les autochtones sont libres de déterminer leurs propres priorités. Un programme d'alimentation prénatal a été mis en place par les communautés elles-mêmes afin de tenir compte de leurs propres sensibilités culturelles.

49. M. YURKOVITCH (Canada) dit que les immigrants, résidents permanents, demandeurs d'asile et réfugiés bénéficient du régime de santé universel administré par les provinces. Ceux qui n'ont pas accès à ce régime peuvent bénéficier d'un programme de santé intérimaire qui leur garantit l'accès aux soins de santé essentiels.

50. M. AHMED note avec satisfaction que les immigrants qui n'ont pas accès aux soins de santé administrés par les provinces sont pris en charge par le Gouvernement fédéral et il demande si les membres des Premières nations qui se trouvent dans la même situation bénéficient également de cette possibilité.

51. Mme CHARRON (Canada) répond que le système d'accès aux soins de santé pour les Premières nations est complexe. Des services de santé sont assurés par les provinces, mais, lorsque de besoin, le Gouvernement fédéral fait le nécessaire pour que ceux qui vivent dans les réserves puissent recevoir les soins voulus. Une des difficultés dans ce domaine tient à l'éloignement des Premières nations. Des projets en cours visent à former et à recruter des professionnels de la santé y compris des autochtones pour améliorer l'accès et la qualité des soins dispensés à cette catégorie de la population.

Articles 13 à 15 du Pacte

52. M. THAPALIA voudrait savoir ce que fait le Gouvernement canadien pour encourager ou intensifier, en application de l'article 13 1) d) du Pacte, l'éducation de base pour les quelque 20 % de Canadiens qui, selon certaines informations, sont peu ou pas alphabétisés et constituent de ce fait un groupe marginal de la société. Il apparaît que les frais de scolarité dans l'enseignement postsecondaire ont augmenté de 62 % en termes réels, mettant ainsi les études supérieures hors de portée de nombreux Canadiens. Quelle part du budget canadien est allouée à l'enseignement supérieur afin que celui-ci soit accessible à tous, en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun (art. 13 1) c) du Pacte) ?

53. M. WIMER voudrait savoir si le Gouvernement canadien prend des mesures pour élargir l'accès à l'université des classes les moins favorisées de la société étant donné que, en l'espace de cinq ans, les frais de scolarité ont augmenté de plus de 51 %.

54. Le PRÉSIDENT donne la parole à la délégation canadienne.

55. M. MUNDIE (Canada) relève que le Canada, très attaché au développement de l'enseignement, est l'un des pays qui consacre à l'enseignement postsecondaire une part très élevée de son PIB et l'un de ceux qui compte proportionnellement un nombre élevé de personnes faisant des études supérieures.

56. Le Gouvernement fédéral effectue avant tout des paiements de transferts considérables aux provinces au chapitre de l'éducation dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS). Au titre du Programme de prêt aux étudiants du Canada, près de 900 millions de dollars sont versés chaque année par le Gouvernement fédéral. Le Gouvernement fédéral appuie également l'enseignement postsecondaire par l'intermédiaire des instituts de recherche-développement.

57. Pour aider les étudiants issus de familles à bas revenu à faire face à l'augmentation des frais de scolarité de l'enseignement supérieur, le Gouvernement canadien a pris dans le budget de 1996 et de 1997 les mesures suivantes : accroissement du crédit d'impôt à l'éducation qui est passé de 80 dollars à 200 dollars par mois; élargissement du crédit pour frais de scolarité afin d'inclure les frais obligatoires; capacité pour les étudiants de reporter sur les années futures les parties inutilisées de leur crédit d'impôt; prolongement de la période d'exemption d'intérêt sur les prêts étudiants pour les emprunteurs qui connaissent des difficultés; augmentation des limites de cotisation et des limites globales des régimes enregistrées d'épargne-études; accroissement des stages et des emplois d'été grâce à un raffermissement de la Stratégie Emploi Jeunesse.

58. Par ailleurs, dans le cadre de la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances annoncée dans le budget de 1998, un ensemble complet de mesures ont été préconisées pour faire en sorte que tous les Canadiens aient également accès à l'instruction postsecondaire. Au nombre de ces mesures figurent notamment l'octroi, à compter de l'an 2000, par la Fondation canadienne des bourses du millénaire, de bourses d'un montant moyen de 3 000 dollars par an qui seront accordées à plus de 100 000 étudiants sur la base du mérite et des besoins; l'appui aux étudiants des deuxième et troisième cycles et en recherche avancée ou encore l'allégement d'impôt pour l'intérêt sur les prêts étudiants et l'amélioration du Programme canadien de prêts étudiants pour aider les personnes qui ont des difficultés financières.

59. Pour ce qui est de l'alphabétisation, M. Mundie rappelle que cette question est avant tout de la compétence des provinces quoiqu'elle intéresse également le Gouvernement fédéral qui a parrainé l'Enquête internationale consacrée à l'alphabétisation des adultes (EIAA) et a accru sa contribution au Secrétariat national de l'alphabétisation (SNA). Il ajoute que le Gouvernement fédéral n'a pas de rôle à jouer dans l'application directe des programmes d'alphabétisation.

60. M. ADEKUOYE demande si le programme d'alphabétisation en place depuis une décennie est réellement efficace, eu égard au fait que le pays compte plus de 20 % d'analphabètes et d'illettrés. À quels secteurs de la population appartiennent ces derniers : immigrants, autochtones, etc. ? Enfin, dans quelle mesure la montée de la pauvreté est-elle responsable de ce phénomène ?

61. M. GRISSA voudrait savoir très précisément comment les sommes très importantes consacrées par le Canada à l'éducation sont réparties entre les différentes couches de la population.

62. Mme WHITAKER (Canada) répond que jusqu'à récemment, moins de 50 % des enfants aborigènes poursuivaient des études secondaires et allaient à l'université. Depuis la mise en place, il y a quelques années, de programmes spéciaux pour financer les frais de scolarité et de séjour des enfants indiens et inuit là où ils peuvent suivre un enseignement postsecondaire et supérieur, ce taux est passé à 75 % environ et 27 000 enfants de ces deux groupes ont bénéficié de cette aide. Enfin, des renseignements complémentaires seront envoyés ultérieurement au Comité sur la question de l'alphabétisation.

63. Mme BONOAN-DANDAN voudrait savoir si la déclaration de réconciliation - "Rassembler nos forces" - est assortie de mesures concrètes visant par exemple à faire reculer la grande pauvreté chez les autochtones dans les cinq prochaines années.

64. M. MARCHAN ROMERO voudrait savoir quelles mesures concrètes sont prises par le Canada pour préserver l'identité culturelle et l'assise territoriale des autochtones canadiens et leur permettre d'exprimer leur identité culturelle. La question porte bien sur les mesures concrètes prises ou envisagées pour ce faire et non sur les programmes d'action ou initiatives indiqués dans la réponse à la question 23.

65. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO demande quelle place est faite aux personnes âgées dans la culture canadienne, non seulement chez les autochtones mais dans toute la société canadienne. Y a-t-il un mouvement associatif des personnes âgées ? Jouent-elles un rôle à l'université et auprès des jeunes ?

66. Mme WHITAKER (Canada) explique que, sur la voie de la réconciliation, une fondation pour les autochtones a été créée récemment pour aider les communautés à panser les plaies de ses membres envoyés dans des internats. Elle a reçu pour ce faire 359 millions de dollars.

67. Un programme d'action pour les Premières nations et un autre pour les Inuit ont également été mis en place. En mai 1998, les ministres territoriaux, provinciaux et fédéraux ainsi que les chefs nationaux des communautés autochtones se sont réunis pour voir comment ils pourraient oeuvrer à la réalisation concrète de divers objectifs en faveur des autochtones. Des représentants des Premières nations et du Gouvernement fédéral étudient une réforme du système social. Pour ce qui est de l'intégrité territoriale déjà abordée au cours du débat, il y a lieu de préciser que divers arrangements ont été pris avec des groupes autochtones un peu partout dans le pays.

Questions ne figurant pas sur la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen du troisième rapport périodique présenté par le Canada

68. M. ADEKUOYE s'étonne que le troisième rapport périodique du Canada n'aborde pas, sous l'article 10, la question notamment de l'exploitation des enfants sous toutes ses formes, de la vente d'enfants et des toxicomanies chez les enfants. La délégation pourrait-elle donner le point de vue du Gouvernement canadien sur cette question ?

69. S'agissant d'une société multiculturelle, il y a probablement des mariages mixtes. Quelles mesures sont prises, le cas échéant, pour régler les problèmes qui peuvent se poser ? Les candidats au mariage peuvent-ils s'unir dans le respect de leurs traditions ? Si tel n'est pas le cas, quelles mesures sont prises dans ce sens ?

70. Mme LEVASSEUR (Canada) explique que l'aide juridique en matière civile fait partie du Transfert canadien en matière de santé et de programmes spéciaux (sociaux) (TCSPS) auquel s'applique un mécanisme de financement global. Le TCSPS donne aux gouvernements provinciaux et territoriaux une plus grande souplesse pour innover et améliorer les programmes sociaux. L'administration des programmes, pour l'aide juridique en matière tant civile que criminelle, demeure une responsabilité des provinces et territoires. Des renseignements plus précis concernant les provinces sont donnés dans la réponse des provinces à la question 52.

71. M. YURKOVICH (Canada) répond à la question sur l'intégration des immigrants dans le marché du travail que des mesures sont prises en effet pour leur permettre d'entrer sur le marché du travail. Ces mesures sont de trois ordres : a) des cours de langue pour adultes financés par le Ministère canadien de la citoyenneté et de l'immigration, qui s'ajoutent aux cours de langue organisés par les provinces et les autorités locales. Ces cours sont axés sur l'intégration dans le marché du travail des travailleurs; b) un programme d'aide à l'installation des immigrants comportant la tenue de séminaires sur le fonctionnement du marché du travail et la recherche d'un emploi; c) la création d'un groupe de travail aux niveaux fédéral, provincial et territorial chargé de la reconnaissance des diplômes (équivalences, etc.).

72. M. MOHER (Canada) répond à la question portant sur le droit de grève que les employés des chemins de fer ont recouvré le droit de procéder librement à des négociations collectives, y compris le droit de faire grève. Il tient en outre à la disposition des membres du Comité un rapport d'ensemble que le Gouvernement canadien a envoyé à l'OIT sur l'application de la Convention No 87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

73. Pour ce qui est des questions auxquelles la délégation canadienne n'a pas été en mesure de répondre, telles que l'analphabétisme ou l'exploitation des enfants, les renseignements demandés seront envoyés au Comité dans les plus brefs délais.

74. Le PRÉSIDENT annonce que le Comité a achevé l'examen du troisième rapport périodique du Canada sur l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1994/104/Add.17), que ses observations finales sur ce rapport seront communiquées à l'État partie dans de brefs délais et il remercie la délégation canadienne de sa coopération.

75. La délégation se retire.


La séance est levée à 18 heures.

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