Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.147
20 avril 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 147ème séance : Chile. 20/04/94.
CRC/C/SR.147. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 147ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 15 avril 1994, à 10 heures

Présidente : Mlle MASON


SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties en application de l'article 44 de la Convention

Rapport initial du Chili (suite)


__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

La séance est ouverte à 10 h 30.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION (point 3 de l'ordre du jour)

Rapport initial du Chili (CRC/C/3/Add.18) (suite)

1. La PRESIDENTE invite les membres du Comité à poser à la délégation chilienne des questions sur les sections "Mesures d'application générales", "Définition de l'enfant" et "Principes généraux", déjà examinées la veille, de la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen du rapport initial du Chili (CRC/C.6/WP.3).

2. Mme EUFEMIO demande si la dissolution du mariage au Chili peut mettre en cause la légitimité des enfants et si le Gouvernement chilien envisage de prendre des mesures pour préserver l'identité des enfants.

3. M. QUINTANA (Chili) dit que l'annulation du mariage au Chili découle de nombreux facteurs, notamment l'absence de critères formels lors de l'établissement d'actes d'état civil (mariages entre enfants impubères ou entre personnes dont le lien matrimonial n'a pas été dissous). Il précise que ce problème est surtout imputable à l'incompétence territoriale de l'officier d'état civil, mais qu'il n'affecte en aucune manière la légitimité des enfants. Depuis 1992, les services d'état civil organisent des entretiens préalables avec les futurs conjoints afin de leur expliquer les liens résultant du contrat matrimonial. M. Quintana espère que la loi sur la filiation supprimera toutes les inégalités entre enfants.

4. M. MOMBESHORA demande si la loi reconnaît des conjoints mariés comme partenaires égaux. Selon certains articles parus dans la presse, il croit comprendre que l'épouse ne serait pas autorisée à se remarier et si elle le fait, elle encourrait une sanction supérieure à celle encourue par l'homme dans une situation analogue. M. Monbeshora a aussi l'impression que, même si l'homme n'est pas supérieur de par la loi, il l'est dans la pratique. Il souhaite donc avoir des éclaircissements sur ce point.

5. M. QUINTANA (Chili) dit que cette question rejoint celle du machisme qui a été posée la veille. Il ne nie pas que la société chilienne soit en général machiste même si une certaine égalité de droit existe entre les femmes et les hommes. Il reconnaît qu'avant 1988 une femme mariée sous le régime de la communauté de biens n'avait pas de capacité juridique et était obligée de vivre avec son mari et de le suivre partout. Les époux jouissent désormais de droits plus égaux. M. Quintana précise à cet égard que de nombreux emplois sont de plus en plus occupés par des femmes. Le cabinet gouvernemental compte en particulier trois femmes ministres. Des progrès importants sont accomplis sur le plan juridique et dans la vie quotidienne pour assurer une certaine égalité, mais la culture chilienne demeure machiste.

6. La PRESIDENTE invite la délégation chilienne à répondre aux questions de la section "Droits civils et libertés" de la liste des points à traiter àl'occasion de l'examen du rapport initial du Chili (CRC/C.6/WP.3) :

"Droits civils et libertés
(Art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

7. Abordant la question 1, relative à la liberté de religion, M. QUINTANA (Chili) reconnaît qu'il est difficile d'y répondre. La Constitution chilienne consacre la liberté de culte et de religion et l'Eglise est séparée de l'Etat depuis 1925. Il n'existe donc pas de religion officielle au Chili et le choix de la religion est de ce fait un choix purement culturel. M. Quintana précise également que l'enseignement laïque (public et privé) offre aux enfants la possibilité d'étudier la religion ou non.

8. A propos de la question 2, M. Quintana dit que le nouveau projet de loi visant à remplacer la législation en vigueur en matière d'associations communautaires n'a pas encore été adopté du fait de problèmes constitutionnels. Toutefois, depuis 1991, un nouveau projet est élaboré qui autoriserait, entre autres, les organisations de jeunes, les associations de scouts, les communautés chrétiennes et les cercles de jeunes des partis politiques. Ce projet a déjà été adopté à l'unanimité par la Chambre des députés et le sera prochainement par le Sénat. De nombreuses organisations de jeunes existent actuellement au Chili mais seules les organisations d'étudiants sont reconnues par le Ministère de l'éducation. Toutefois, conformément à l'article premier de la Constitution politique de la République du Chili, "l'Etat reconnaît et protège les groupes intermédiaires à travers lesquels la société s'organise et se structure et il leur garantit l'autonomie nécessaire à la réalisation de leurs objectifs".

9. M. HAMMARBERG demande si le Gouvernement chilien prend des mesures pour protéger les enfants contre la violence et les effets négatifs des médias (y compris des films vidéo).

10. Pour Mme SANTOS PAIS, si la Constitution chilienne garantit à tous, y compris aux enfants, le droit d'exprimer librement leurs opinions, cette pratique ne semble pas ancrée dans la société chilienne. Elle demande donc si des mesures sont prises pour encourager la société à rester à l'écoute des enfants. Mme Santos Pais craint en outre que le principe consacré de la protection de la vie privée risque d'être invoqué dans la pratique comme un alibi de non-intervention dans la vie familiale lorsque les enfants sont victimes de violences.

11. A propos de la protection des enfants contre la violence et autres aspects négatifs des médias, M. QUINTANA (Chili) dit que le Conseil national de la télévision chilienne a pour objectif de qualifier tous les programmes qui passent à la télévision sans les censurer. Les programmes sont classés en trois catégories et passent à l'écran selon des horaires bien définis. Les films vidéo sont également classés en trois catégories (pour tous, pour enfants de plus de 14 ans, pour personnes de plus de 18 ans) et ces qualificatifs sont spécifiés dans les conditions de location des films. M. Quintana ajoute que la société chilienne s'intéresse activement au rôle éducatif des médias et est très préoccupée par les problèmes de la violence.

12. Abordant la question du droit des enfants à s'exprimer librement, M. Quintana dit que l'école est le lieu privilégié pour la formation des enfants et que la constitution d'organisations d'élèves est encouragée dès le deuxième cycle (à partir de l'âge de 10 ans). Ce processus est en cours et ne cesse de se développer. Au sujet de l'inviolabilité du foyer familial, M. Quintana fait remarquer que toutes les garanties constitutionnelles comportent toujours une possibilité de dérogation. Dans la pratique quotidienne, personne ne s'oppose à l'intervention d'un tiers dans la vie familiale, si cette dernière vise à protéger les enfants. Il reconnaît toutefois que des traditions fortement ancrées veulent que le foyer soit un lieu où personne ne puisse intervenir; la société chilienne s'efforce de lutter contre ces traditions.

13. Mme EUFEMIO demande si certaines informations et paroles de chansons auxquelles les enfants ont accès ne risquent pas d'être des incitations à la violence ou à la stimulation sexuelle. Certains jouets encouragent aussi la révolte ou l'agressivité. La société exerce-t-elle un contrôle dans ce domaine ?

14. M. HAMMARBERG dit que les médias peuvent avoir diverses influences sur les enfants. Tout d'abord, les enfants doivent être protégés contre les aspects négatifs des médias. Par ailleurs, il convient d'encourager des activités ou des magazines destinés aux enfants dans un but éducatif. M. Hammarberg se demande si les médias se conforment toujours aux principes énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant et s'ils assument la responsabilité des informations qu'ils publient au sujet des enfants, notamment dans les affaires pénales. Il note que l'intégrité de l'enfant est rarement protégée dans ces situations et souhaite savoir si le Chili applique des règles d'ordre éthique qui assurent la protection des enfants et une certaine politique de modération des médias.

15. M. KOLOSOV souhaite avoir des informations sur le coût des livres, des séances de cinéma, des jouets et d'autres activités destinées aux enfants. Il demande si les familles qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté ont les moyens nécessaires pour offrir ces biens à leurs enfants. Dans la négative, il aimerait savoir si des solutions de rechange existent (bibliothèques, aires de jeu publiques, etc.).

16. Répondant à Mme Eufemio, M. QUINTANA (Chili) dit que la vente des jouets n'est absolument pas réglementée au Chili. Des initiatives sont toutefois prises pour encourager la vente de jouets écologiques ou biodégradables. Quant à l'expression musicale sous toutes ses formes, l'Etat adopte une attitude de non-intervention mais diverses instances, dont l'Eglise, réagissent souvent énergiquement contre l'organisation de manifestations qui risquent de dégénérer (groupes de rock, etc...) et certains spectacles ont dû être annulés.

17. En réponse à M. Hammarberg, M. Quintana dit que la loi interdit de divulguer toute information permettant d'identifier un mineur. Cette protection s'étend également aux adultes tant qu'ils sont prévenus. Depuis l'an dernier, le gouvernement interdit la divulgation de l'identité d'enfants accusés ou victimes de délits ou d'enfants faisant l'objet de reportages.

18. En réponse à M. Kolosov, M. Quintana précise que la gamme des prix des jouets et des séances de cinéma est très étendue et varie selon les lieux. Le Chili est un pays en développement : 53,6 % des enfants âgés de moins de 14 ans vivent au-dessous du seuil de pauvreté, dont 20,3 % dans l'indigence absolue. De nombreuses familles n'ont donc pas les moyens d'offrir des loisirs à leurs enfants. Quelques initiatives sont prises pour encourager la constitution de bibliothèques. A Santiago, l'Institut national de la jeunesse organise des projections gratuites de films dans les zones où vit la population pauvre. De nombreux efforts sont faits pour permettre aux enfants pauvres d'accéder à certains loisirs.

19. La PRESIDENTE appelle ensuite l'attention sur la section "Milieu familial et protection de remplacement" de la liste (CRC/C.6/WP.3) des points à traiter à l'occasion de l'examen du rapport initial du Chili.

"Milieu familial et protection de remplacement
(Art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9, 10, 27 (par. 4),
20, 21, 11, 19, 39 et 25 de la Convention)

20. M. QUINTANA (Chili) précise que quatre projets de loi ont été déposés en la matière. Le premier concerne les mauvais traitements infligés aux enfants. Il a été approuvé par les assemblées législatives mais a, par la suite, été déclaré inconstitutionnel par le Tribunal constitutionnel pour des raisons de procédure. On peut également citer un projet de loi relatif à la violence dans le milieu familial, un projet de loi relatif à la filiation, qui définit des limites quant à la possibilité pour les parents de punir leurs enfants et qui prohibe expressément les mauvais traitements et les atteintes physiques ou psychologiques, et un projet de loi visant à modifier divers textes législatifs relatifs au viol. A l'heure actuelle, le Code des mineurs ne prévoit que des sanctions pénales pour les mauvais traitements infligés à des mineurs. Le Gouvernement chilien est d'avis que les normes actuelles doivent être modifiées afin de les rendre plus souples et adaptables à chaque cas particulier.

21. Par ailleurs, selon une étude de l'UNICEF, il y aurait environ 100 000 enfants maltraités au Chili. D'autres études sont également en cours àl'heure actuelle et des initiatives ont été mises en place pour aborder la question de manière à intégrer les aspects sociaux et psychologiques de la question. Les services de la santé publique ont commencé à former leurs personnels, afin qu'ils puissent apporter une réponse adéquate au problème des mauvais traitements et des violences sexuelles infligés aux enfants. Par ailleurs une étude a été entamée au sein de la police, afin d'examiner tous les cas de mauvais traitements et de violences sexuelles infligés aux mineurs dont celle-ci aurait eu connaissance. Les mauvais traitements et les violences sexuelles infligés aux mineurs sont malheureusement difficiles à dénombrer : ils ne font en effet malheureusement pas souvent l'objet de déclaration. En 1993, la police a créé le premier commissariat de la famille, spécialisé dans les affaires de violences sexuelles infligées aux enfants et de violences familiales.

22. S'agissant de la deuxième question, c'est essentiellement le Service national des mineurs (SENAME), qui dépend du Ministère de la justice, qui est chargé d'offrir une protection de remplacement aux enfants. Le Service national des mineurs subventionne à l'heure actuelle 467 institutions privées et 7 institutions publiques, qui gèrent des établissements assurant une protection de remplacement aux enfants. Au total ces établissements s'occupent d'environ 49 000 enfants. Par ailleurs, le Service national de l'enfance mène un programme d'aide aux mineurs en situation irrégulière. En 1993, ce programme a concerné environ 9 000 mineurs.

23. Enfin, depuis 1991, le Service national des mineurs gère directement des "centres d'observation et de diagnostic" chargés de conseiller les juges pour enfants concernant les mesures à prendre à l'égard de certains mineurs. Ces centres sont actuellement au nombre de dix et s'occupent d'environ 13 000 enfants. En 1994 quatre nouveaux centres viendront s'ajouter aux centres existants. Dans le cadre de la formation des travailleurs sociaux, au sens large (question 3), le Service national de l'enfance a prévu des programmes entiers consacrés aux droits de l'enfant. Des séminaires ont également été organisés en collaboration avec des organisations non gouvernementales et des organisations internationales dans le domaine des droits de l'enfant.

24. En 1991, un groupe de travail du Ministère de la santé a élaboré un programme de formation visant à enseigner les moyens de prévenir et de régler les problèmes de mauvais traitements infligés aux enfants. Enfin, en 1993, deux ateliers ont été organisés par la Société de pédiatrie, l'UNICEF, le Ministère de la santé et l'Université du Chili, afin de former des équipes de professionnels susceptibles d'être confrontés à des cas de mauvais traitements infligés aux enfants.

25. S'agissant de l'adoption (question 4), le représentant du Chili souligne qu'il convient de faire la distinction entre l'adoption nationale et l'adoption internationale. En ce qui concerne l'adoption nationale, la majorité des enfants susceptibles d'être adoptés restent un certain temps dans des institutions de protection dépendant du Service national de l'enfance, afin qu'il soit possible d'étudier les conditions de vie de la famille d'origine de l'enfant et de lui offrir la possibilité de bénéficier d'une aide alternative provisoire. Ce n'est que lorsqu'il s'avère impossible de réinsérer l'enfant dans sa famille d'origine que la possibilité de l'adoption est envisagée. S'agissant de l'adoption internationale, c'est-à-dire de l'adoption par des parents adoptifs originaires de pays étrangers, selon la loi actuellement en vigueur, qui date de 1988, le suivi des enfants adoptés relève du consul chilien dans la ville ou le pays concernés. Cependant, cette tâche étant difficile à accomplir, le suivi est généralement effectué par les institutions publiques des pays étrangers. Le Chili étudie actuellement la possibilité d'aligner sa législation en matière d'adoption sur la Convention de La Haye applicable en la matière. Dès lors, la condition préalable àl'adoption serait l'existence d'un traité bilatéral ou multilatéral entre le Chili et le pays d'adoption. Les institutions chargées de l'adoption dans le pays d'accueil seraient alors chargées du suivi de l'adoption. Le problème restera cependant entier pour les pays ne disposant pas d'une institution officielle chargée du suivi des adoptions. Il convient enfin de souligner que l'adoption relève du juge pour enfants et que celui-ci doit tenir compte de l'avis de l'enfant s'il est âgé de plus de 12 ans.

26. M. HAMMARBERG estime qu'en ce qui concerne les mauvais traitements il faut une législation claire et que les institutions ou les autorités de toute nature, y compris les écoles, doivent avoir une politique claire en la matière. En outre, la formation des personnels en contact avec les enfants est primordiale.

27. Par ailleurs, il faut s'appuyer sur des procédures avisées dans le cas de mauvais traitements ou d'abus sexuels infligés aux enfants. Cette question est très difficile car elle met en jeu l'équilibre entre la loyauté de l'enfant vis-à-vis de ses parents et une intervention extérieure. La délégation chilienne pourrait-elle décrire, étape par étape, ce qui se passe lorsque des allégations concernant des mauvais traitements infligés à des enfants sont communiquées à la justice. L'anonymat du témoin est-il protégé ? A quelle étape les organismes sociaux interviennent-ils ? Quand peut-on décider d'enlever un enfant à sa famille ? Quelles sont les conditions nécessaires pour rendre un enfant à sa famille ?

28. M. QUINTANA (Chili) indique tout d'abord que l'anonymat de la personne qui signale des mauvais traitements ou des violences sexuelles infligées à un enfant n'est pas protégé. Si cette personne s'adresse à la police, cette dernière se rend sur place et, selon la nature de la situation, peut priver l'agresseur de liberté et le mettre à la disposition de la justice. La victime doit ensuite confirmer les faits et si l'acte délictueux est à l'origine d'une lésion, s'il s'agit d'un viol ou de violences sexuelles, le juge pénal est saisi. S'il s'agit de mauvais traitements moins graves, le juge pour enfants est saisi. Un juge pour enfants peut appliquer immédiatement des mesures de protection, pour une durée indéterminée. Cette décision est révocable mais uniquement sur décision du juge qui a décidé les mesures de protection. A ce titre, l'enfant peut être placé dans une institution ou chez un membre de sa famille.

29. Normalement l'auteur de violences contre un enfant est privé de liberté jusqu'à ce qu'il soit présenté au juge. Celui-ci peut, soit le remettre en liberté, soit le placer en détention provisoire jusqu'à son jugement. Le problème qui se pose alors est celui des témoins; en effet la personne qui dénonce les sévices à la police le fait en général par téléphone et anonymement. Quant aux membres de la famille, ils n'ont pas le droit de témoigner lors d'un procès pénal. Il s'agit là de problèmes qui devraient être résolus en modifiant la législation.

30. Quant à l'enfant, le juge des mineurs peut le remettre à ses parents si ceux-ci en font la demande ou décider de le placer dans un établissement de protection. Les services sociaux n'interviennent pratiquement pas, sauf pour aider le juge à décider du sort de l'enfant.

31. En ce qui concerne l'auteur des violences, le juge pénal ne peut pour l'instant que choisir entre la remise en liberté et l'incarcération. Dans la première éventualité il ne peut par exemple interdire à l'agresseur de regagner son domicile ou de voir l'enfant qu'il a maltraité. Le projet de loi relatif à la violence à l'intérieur de la famille habilitera le juge à prendre des mesures intermédiaires. Il pourra notamment interdire à l'auteur des violences de regagner le foyer conjugal ou encore d'accomplir certains actes ou de passer certains contrats. Par ailleurs, la loi qualifiera certains actes, qui ne sont pas considérés comme des délits par le Code pénal et qui correspondront aux formes les plus légères de mauvais traitements, et elle prévoira des sanctions à l'encontre des auteurs de ces actes qui se situeront entre l'incarcération et la remise en liberté pure et simple.

32. M. HAMMARBERG dit que, d'après certaines études, le nombre des enfants maltraités au Chili s'élèverait à une centaine de milliers. Il conviendrait cependant de définir avec précision le terme de violence. Quoi qu'il en soit il s'agit là d'un phénomène important. Il conviendrait de ne pas avoir une approche trop légaliste du problème. En effet lorsque le juge ou la police intervient il est souvent trop tard pour l'enfant. Les psychologues ont montré qu'un enfant maltraité éprouvait souvent un profond sentiment de culpabilité; si l'un de ses parents est incarcéré ce sentiment peut s'en trouver exacerbé. D'un autre côté, si de graves sévices sont dénoncés et si aucune mesure n'est prise pour y mettre un terme, on n'aura fait qu'aggraver le conflit entre le parent auteur des sévices et l'enfant. Il convient donc d'intervenir le plus tôt possible. Les enseignants, les psychologues et les médecins scolaires pourraient dans ce domaine jouer un rôle essentiel et éviter que la situation ne soit dramatisée par l'intervention de la justice ou de la police.

33. La PRESIDENTE aimerait savoir si le Chili envisage de dépénaliser en partie les violences contre les enfants, notamment lorsqu'elles se produisent pour la première fois, et de faire intervenir des travailleurs sociaux plutôt que le juge ou la police. En effet, le plus souvent ce que l'enfant souhaite ce n'est pas que le parent qui lui a infligé les sévices soit retiré de la famille mais qu'il soit mis à l'épreuve et réprimandé. Enfin, on pourrait renforcer la protection des enfants en autorisant les dénonciations anonymes de mauvais traitements.

34. M. QUINTANA (Chili) dit que le Gouvernement chilien doit à cet égard s'atteler à plusieurs tâches importantes. Il faut notamment mettre en place des mécanismes qui permettent, grâce en particulier à un processus de médiation, de traiter un certain nombre de problèmes en dehors du cadre judiciaire. Il y a lieu de préciser à ce propos que la justice chilienne fait actuellement l'objet de nombreuses critiques, qu'il s'agisse des tribunaux ou du système carcéral. C'est pourquoi on envisage d'entreprendre une réforme de la justice. En tout état de cause, on va procéder rapidement à la création d'une juridiction chargée des affaires familiales, pour traiter de situations qui, actuellement, relèvent seulement des juges des mineurs. Cette nouvelle juridiction permettra d'avoir une approche beaucoup moins juridique et beaucoup plus sociale des problèmes qui se posent au sein de la famille.

35. M. KOLOSOV aimerait savoir si le Chili envisage de ratifier la Convention de La Haye sur l'adoption internationale et de mettre un numéro d'appel gratuit à la disposition des personnes qui désirent dénoncer les mauvais traitements infligés aux enfants. Il aimerait également savoir quelle est l'attitude de la population à l'égard des enfants des rues.

36. Mme EUFEMIO aimerait savoir si des familles adoptantes, notamment étrangères, ont versé de l'argent à des familles d'enfants adoptés au Chili. Une enquête est-elle menée sur la famille adoptante pour déterminer si elle sera capable de prendre soin de l'enfant adopté ? Par exemple cherche-t-on àsavoir si les familles adoptantes sont racistes - ce qui pourrait poser des problèmes si l'enfant adopté était d'une race différente de la leur ? Existe-t-il un suivi de l'enfant adopté par le biais du consulat compétent dans le pays d'adoption ou par un autre mécanisme. Que se passe-t-il si l'adoption est un échec ? Par exemple, l'enfant adopté peut-il retourner au Chili ?

37. Enfin, Mme Eufemio aimerait savoir si les activités qui figurent dans le plan d'action chilien élaboré à l'occasion de l'Année internationale de la famille seront poursuivies après la fin de cette année internationale.

38. M. QUINTANA (Chili) dit que le Chili a déjà signé la Convention de La Haye sur l'adoption internationale et qu'il est sur le point de la ratifier. Répondant à une autre question de M. Kolosov il ajoute qu'en ce qui concerne la dénonciation des mauvais traitements infligés aux enfants, le Chili est en train de mettre sur pied, avec le soutien de l'UNICEF et d'une ONG, un numéro d'appel gratuit.

39. Au Chili, le nombre des enfants qui vivent ou travaillent dans la rue est assez élevé. Ils sont souvent arrêtés par la police pour des délits mineurs. Il existe un programme, financé par l'UNICEF et par le Service national des mineurs (SENAME), qui a pour but de réintégrer les enfants des rues dans la société. Par ailleurs, un projet de loi est en cours d'élaboration, qui permettra de ne plus arrêter les enfants des rues pour des délits mineurs, tels que vagabondage et mendicité.

40. S'agissant de l'adoption, il faut préciser qu'il y a peu de temps encore, de nombreux enfants chiliens étaient adoptés à l'étranger parce que l'adoption n'était pas réglementée. Ce mouvement s'est sensiblement ralenti, car depuis 1988 un tribunal doit délivrer une autorisation de sortie du territoire pour les enfants que des étrangers souhaitent adopter. S'il n'existe pas au Chili de traite d'enfants à proprement parler, certaines personnes servent d'intermédiaires, à des fins lucratives, entre la famille adoptante et la famille d'origine. En 1992, la Cour d'appel de Santiago a rendu un arrêt qui vise à lutter contre cette pratique et un projet de loi est en cours d'élaboration, qui réglemente l'adoption d'enfants chiliens par des étrangers au Chili et qui prévoit des sanctions, notamment pénales, à l'encontre de toute personne qui chercherait à en tirer profit.

41. Par ailleurs, le Service national des mineurs (SENAME) est tenu d'établir un rapport très détaillé sur la famille étrangère qui désire adopter un enfant chilien. Il doit notamment demander des renseignements à l'organe compétent en matière d'adoption de l'Etat dont les candidats à l'adoption sont ressortissants. Le dossier une fois établi, le Service national des mineurs se prononce sur l'opportunité du départ de l'enfant. Le problème est que parfois le tribunal peut autoriser le départ de l'enfant contre l'avis du Service national des mineurs.

42. A Mme Eufemio, M. Quintana indique qu'il n'a pas connaissance de cas où l'adoption d'un enfant aurait été rendue difficile par l'appartenance de cet enfant à telle ou telle race. Il ajoute que le suivi de l'enfant adopté est généralement assuré par l'intermédiaire de l'organe compétent en matière d'adoption du pays dont les adoptants sont ressortissants. Force est de reconnaître que ce suivi n'est pas assuré avec assez de rigueur. La situation devrait toutefois s'améliorer dans ce domaine après la ratification de la Convention de La Haye et l'adoption du projet de loi relatif à l'adoption.

43. En ce qui concerne l'Année internationale de la famille, il convient de rappeler qu'a été créée en 1993 une Commission nationale de la famille qui était chargée d'établir un rapport sur les différents problèmes de la famille, notamment dans les domaines moral, social, juridique, politique, etc. Cette commission a remis son rapport début 1994; le gouvernement a repris certaines de ses conclusions, notamment en ce qui concerne le divorce et les mauvais traitements infligés aux enfants.

44. Il faut également préciser que le Service national de la femme (par. 21 d) du rapport), qui a rang de ministère, est responsable de toutes les questions touchant la famille et de toutes les études menées sur la famille. A Mme Eufemio le représentant du Chili répond à ce propos que les études en cours se poursuivront au-delà de 1994, aussi longtemps que de véritables solutions n'auront pas été apportées aux problèmes qui se posent, notamment en matière de mauvais traitements infligés aux enfants.

45. Mme SANTOS PAIS souligne que la Convention prévoit la séparation de l'enfant et de sa famille en cas de mauvais traitements. La société devrait non seulement s'élever contre ces traitements mais aussi les empêcher. Il convient donc d'envisager des programmes sociaux destinés à sensibiliser la population à cet égard et à faciliter la réinsertion dans la famille du parent agresseur qui, souvent, revient au foyer avec un désir de vengeance, afin que ces sévices ne se reproduisent pas. Un système de médiation, dans le cadre d'un service de défense des enfants, pourrait favoriser la compréhension mutuelle. La définition même des mauvais traitements est vague, et au Chili on ne prévoit le retrait des enfants de leur famille que si les mauvais traitements sont habituels ou s'ils ne sont pas fondés. Prévoit-on la modification de la législation relative aux mineurs à cet égard ? En effet, la définition actuelle, subjective et arbitraire, risque de nuire aux enfants.

46. M. QUINTANA (Chili) rappelle que la loi sur les mauvais traitements infligés aux mineurs, qui a été abrogée, disait que des mauvais traitements pouvaient être infligés par omission ou par action. A présent, la loi sur la violence au sein de la famille prend en compte les deux conditions évoquées par Mme Santos Pais (mauvais traitements habituels et non fondés). S'agissant de la médiation que pourraient exercer des autorités afin d'empêcher les enfants d'être victimes de mauvais traitements, on envisage la création d'un service de défense des enfants. D'autre part, une étude sociale menée par le Service national des mineurs (SENAME) recommande d'instaurer un service de médiation. Ainsi, un différend dans ce domaine pourrait être résolu par les intéressés avec l'aide d'un tiers avant qu'une action judiciaire soit entamée.

47. Mme EUFEMIO souligne l'importance pour l'enfant maltraité d'un traitement psychologique. En effet, on sait que les parents qui maltraitent leurs enfants ont souvent été eux-mêmes des enfants maltraités. Il s'agit de briser cette chaîne. A ce propos l'oratrice demande si les autorités chiliennes envisagent la création de conseils prématrimoniaux, obligatoires dans certains pays, afin que ceux qui souhaitent se marier prennent pleinement conscience de leurs responsabilités de futurs parents.

48. M. HAMMARBERG, mentionnant l'aide téléphonique, remarque que cette expérience n'est pas toujours couronnée de succès et qu'il est difficile de procéder à une thérapie psychologique par téléphone. Il importe que les personnes chargées de ces services reçoivent une formation appropriée et qu'elles bénéficient de l'aide de travailleurs sociaux. Dans ce domaine, l'amateurisme est parfois négatif. Que fait-on au Chili à cet égard ?

49. M. QUINTANA (Chili), concernant les services de conseils prématrimoniaux, transmettra la suggestion de Mme Eufemio aux autorités de son pays. S'agissant des enfants maltraités, l'orateur fait état d'une étude selon laquelle 50 % des enfants qui ont eu maille à partir avec la justice ont été maltraités. Ainsi, les enfants maltraités risquent non seulement de malmener leurs propres enfants plus tard, mais aussi d'avoir une conduite asociale. Les autorités étudient diverses mesures pour faire face à ce problème : réforme de la législation, campagne massive d'information, politique sociale. Quant au service d'aide téléphonique, l'orateur sait de bonne source qu'il existe un projet de coopération internationale mis en oeuvre par une organisation non gouvernementale avec l'appui technique de l'UNICEF. Dans un premier temps, le service d'aide téléphonique fonctionnerait dans la capitale. Par ailleurs, il précise qu'il n'existe pas encore au Chili un organisme spécifiquement chargé de s'occuper des mauvais traitements infligés aux enfants. C'est le Service national de mineurs (SENAME) qui s'en occupe. Toutefois, une réunion est en cours entre l'UNICEF, des organisations non gouvernementales et le SENAME afin de créer un organisme qui pourra recevoir des plaintes et les traiter de divers points de vue, en tenant compte de l'enfant, du fautif et de la famille en général.

50. Mme SANTOS PAIS, revenant sur les mauvais traitements, rappelle que la Convention ne les définit pas non plus, mais énumère une liste d'actions dont on doit se préoccuper (art. 19). Ne pas définir les mauvais traitements peut être plus souhaitable pour la protection de l'enfant qu'une définition qui serait restrictive. Il convient donc plutôt de définir des formes de protection. Quoi qu'il en soit, ces actes peuvent avoir divers degrés de gravité. Il convient, pour les peines les plus graves, d'établir des mécanismes qui permettent d'engager une action judiciaire contre l'agresseur. De tels mécanismes existent-ils au Chili, par exemple pour les mauvais traitements dont ont été victimes des enfants dans des centres carcéraux ?

51. M. QUINTANA (Chili), à l'instar de Mme Santos Pais, se demande si définir les mauvais traitements est judicieux. Toujours est-il que se pose à cet égard un problème de qualification judiciaire. L'orateur souligne qu'à sa connaissance aujourd'hui au Chili il n'existe pas de cas de tortures infligées aux enfants. En ce qui concerne les mauvais traitements dont pourraient être victimes des enfants dans des centres carcéraux, l'orateur précise que la législation oblige les fonctionnaires à dénoncer les délits dont ils ont connaissance et l'administration concernée à enquêter afin de prendre des mesures. L'orateur précise qu'il connaît un cas dont le SENAME s'est occupé, dans lequel deux fonctionnaires ont été destitués pour avoir maltraité des enfants.

52. Mme SANTOS PAIS souhaiterait savoir si un enfant a le droit d'engager des poursuites.

53. M. QUINTANA (Chili) répond que les organismes publics, le Service national de mineurs (SENAME) notamment, ou le tuteur de l'enfant, en sont normalement chargés. Toutefois, rien dans la législation ne s'oppose à ce qu'un enfant engage des poursuites.

54. La PRESIDENTE demande aux délégués de répondre aux questions relatives àla santé et à l'éducation de la liste CRC/C.6/WP.3 :

Santé et bien-être
(Art. 6 (par. 2), 23, 24, 26 et 18 (par. 3)
et 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Education, loisirs et activités culturelles
(Art. 28, 29 et 31 de la Convention)

55. M. QUINTANA (Chili), répondant à la question 1, précise que les dépenses de santé représentent 2,24 % du produit national brut du pays, soit une augmentation de 7 % depuis 1990. Le secteur public dispense 100 % des soins préventifs et 70 % des soins curatifs - les 30 % restants étant assurés par le secteur privé. En 1993, 42 % des personnes ayant fait l'objet d'une consultation médicale avaient moins de 15 ans, alors que cette tranche d'âge représente 30 % de la population.

56. En matière de santé infantile, la première priorité est la réduction de la mortalité infantile, l'une des plus faibles d'Amérique latine depuis trois décennies. Si ce taux de mortalité a stagné au milieu des années 1980, àpartir de 1990 les autorités ont donné un nouvel élan aux politiques destinées à réduire la mortalité infantile. Elle était de 17,1 pour 1 000 nouveau-nés en 1989, et de 14 pour 1 000 en 1992 et elle devrait continuer de baisser.

57. Par ailleurs, il existe un programme destiné à éliminer les affections respiratoires aiguës qui sont la première cause de consultation médicale pour les enfants de moins de quatre ans, la deuxième cause d'hospitalisation et la troisième cause de décès. Ce programme prévoit la formation et la spécialisation de personnel, des moyens techniques accrus, et une formation préventive dispensée à l'échelle de la communauté, afin que familles et collectivités locales puissent détecter elles-mêmes ces affections respiratoires.

58. En ce qui concerne le développement psychomoteur précoce des enfants, si les indicateurs (nutrition, mortalité infantile) sont bons, on a constaté que les enfants pauvres étaient plus frappés par ces troubles que les enfants qui appartiennent à d'autres tranches sociales. Ce domaine constitue donc aussi une priorité et un programme destiné aux enfants de moins de 18 mois, qui avait été abandonné, a été repris en 1990. On espère pour 1994 que l'ensemble de la population infantile sera couvert par ce programme.

59. Enfin, les autorités ont étendu les vaccinations obligatoires à de nouvelles maladies (tétanos et rougeole notamment) contre lesquelles 90 % des enfants sont vaccinés. Les autorités s'efforcent de produire tous les vaccins nécessaires, certains de ces vaccins étant aujourd'hui importés.

60. La PRESIDENTE indique que l'examen du rapport initial du Chili (CRC/C/3/Add.18) sera poursuivi à la séance suivante.

La séance est levée à 13 heures.

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