Distr.

GENERALE

E/C.12/1995/SR.33
27 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 33ème seance : Colombia. 27/11/95.
E/C.12/1995/SR.33. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Treizième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 33ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 21 novembre 1995, à 15 heures.


Président : M. GRISSA


SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Troisième rapport périodique de la Colombie (suite)


La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 4 a) de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique présenté par la Colombie (suite) (E/1994/104/Add.2; HRI/CORE/1/Add.56 (document de base); E/C.12/1994/WP.17 (liste des points à traiter); document sans cote distribué en séance contenant des réponses écrites de la Colombie aux questions figurant dans la liste des points à traiter)

1. Le PRESIDENT invite la délégation colombienne à répondre aux questions posées par le Comité dans la liste des points à traiter relatives aux articles 2 et 3 du Pacte, qui se lisent comme suit :

"Article 2 : Non-discrimination

Article 3 : Droit égal de l'homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels

2. Mme MARTINEZ (Colombie), abordant le point 5 de la liste des points à

traiter, dit qu'en matière de droits économiques, sociaux et culturels, il n'existe dans son pays aucune discrimination fondée sur la nationalité. Elle précise qu'aux termes de la Constitution l'exercice des droits politiques est réservé aux nationaux mais que la loi pourra accorder aux étrangers résidant en Colombie le droit de voter aux élections et consultations populaires à l'échelle des communes ou des districts.

3. Abordant la question des minorités ethniques (point 6 de la liste des points à traiter), Mme Martinez dit que la Constitution reconnaît tous les droits des groupes ethniques et des communautés autochtones. La politique du gouvernement consiste non pas à intégrer ces minorités mais à préserver leur identité au moyen de programmes très précis mis en oeuvre par la Division de l'ethno-éducation, qui relève du Ministère de l'éducation, et par la Direction des affaires autochtones, qui dépend du Ministère de l'intérieur. Il existe aussi d'autres mécanismes de concertation entre les communautés autochtones et le gouvernement, qui permettent de satisfaire les besoins les plus urgents de ces communautés.

4. S'agissant du point 7 de la liste des points à traiter, relatif à l'égalité de l'homme et de la femme dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, Mme Martinez dit que l'exercice de l'autorité parentale sur les enfants légitimes incombe aux deux parents et, à défaut de l'un deux, à l'autre parent. En ce qui concerne les enfants illégitimes, l'autorité parentale incombe en général à la mère et, par défaut, au père.

5. En ce qui concerne l'administration des biens, chaque conjoint a la libre administration et la libre disposition des biens qui lui appartiennent. Quant aux biens communs, ils sont administrés conjointement.

6. Il convient de préciser que la loi a supprimé l'incapacité de la femme mariée et l'exigence de l'autorisation de l'époux pour accomplir certains actes. La loi prévoit également que la femme mariée et majeure peut ester en justice et n'a pas à obtenir l'autorisation de son époux ni une autorisation judiciaire aux fins de l'administration et de la disposition de ses biens. De plus, son mari ne peut être son représentant légal.

7. La femme a droit à un traitement identique à celui de l'homme pour tout ce qui concerne le travail, l'emploi et la sécurité sociale, conformément à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Toutefois, le gouvernement est conscient que dans la pratique quotidienne les femmes sont parfois victimes de discrimination. C'est pourquoi il met actuellement sur pied la Direction nationale pour l'équité et la participation des femmes, qui entrera en fonction en 1996. Il élabore également un plan visant à garantir aux femmes l'égalité des chances, conformément aux engagements pris lors de la Conférence internationale sur la femme de Beijing.

8. M. ALVAREZ VITA dit que dans son dernier rapport le Comité des droits civils et politiques indique qu'en Colombie les salaires des femmes sont de 30 à 40 % inférieurs à ceux des hommes. Il souhaiterait savoir ce que le gouvernement entend faire pour remédier à cette situation.

9. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaiterait savoir s'il existe une discrimination à l'égard des femmes dans le domaine pénal, par exemple en ce qui concerne l'adultère.

10. Mme BONOAN-DANDAN souhaiterait savoir de quelles discriminations les femmes sont victimes dans la pratique, si les hommes sont encore considérés comme supérieurs aux femmes et quelles mesures prend le gouvernement pour sensibiliser l'opinion à ces discriminations et pour y remédier. Il serait également intéressant de savoir quel est le rôle joué par les femmes dans le plan national de développement.

11. Mme MARTINEZ (Colombie) dit que des progrès importants ont été réalisés dans le domaine de l'égalité entre les sexes, notamment en matière d'enseignement et de santé. Ainsi, les femmes ont de plus en plus leur mot à dire pour tout ce qui touche à la santé sexuelle et à la conception des enfants.

12. Par contre, sur le plan politique, si les femmes participent activement aux élections, elles sont encore peu nombreuses à être élues. Le gouvernement s'efforce de nommer des femmes à des postes de responsabilité dans la fonction publique, mais il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. C'est pourquoi la Direction nationale pour l'équité et la participation des femmes aura pour tâche de coordonner toutes les actions institutionnelles visant à promouvoir l'égalité des chances des hommes et des femmes, notamment les femmes pauvres et les femmes chefs de famille.

13. Dans le domaine pénal les hommes et les femmes sont égaux, et il est envisagé de qualifier les violences contre les femmes comme des délits graves et de sanctionner tous les actes qui portent atteinte aux droits fondamentaux des femmes.

14. Le PRESIDENT invite à présent la délégation colombienne à aborder l'article 6 du Pacte, concernant le droit au travail, à la lumière des questions posées par le Comité, qui se lisent comme suit :

15. Mme MARTINEZ (Colombie) dit que la politique économique du gouvernement relative au secteur informel et aux micro-entreprises vise à favoriser les groupes les plus pauvres dans les zones urbaines et rurales. Pour ce faire, le gouvernement développera la solidarité économique et la petite propriété en s'efforçant de garantir l'accès des petits propriétaires aux moyens de production, à la technologie et au marché. Le programme de création d'emplois dans les villes permet de recruter des chômeurs pour effectuer des travaux présentant un intérêt pour la communauté. Par ailleurs, le gouvernement a entrepris la mise en oeuvre d'un plan national pour le développement des micro-entreprises, dans le cadre duquel ces entreprises bénéficient de facilités de crédit et de services techniques. Les départements et les municipalités ainsi que des institutions internationales sont étroitement associés à cette politique.

16. En ce qui concerne le développement rural, le gouvernement s'efforce d'améliorer les conditions de production, les revenus et la qualité de vie des travailleurs ruraux, notamment les personnes pratiquant la pêche et la petite aquaculture, et il a entrepris la mise en oeuvre d'un plan d'emploi rural d'urgence. Là encore, les entreprises bénéficient de facilités de crédit spéciales et de ressources provenant de la coopération internationale.

17. Le gouvernement a également pris diverses mesures pour renforcer l'artisanat, la petite industrie minière et le secteur coopératif.

18. Dans le domaine social, il est prévu, conformément à la loi No 100 de 1993 sur la sécurité sociale, d'élargir progressivement la couverture de sécurité sociale à toute la population, notamment les travailleurs du secteur informel et les personnes vivant dans la pauvreté.

19. Abordant les droits des travailleurs des entreprises restructurées ou privatisées, Mme Martinez signale que pour assurer la nécessaire modernisation de l'Etat sous une forme qui permette le recyclage des travailleurs licenciés un service d'adaptation des employés du secteur public a été créé, qui permet de fournir d'autres sources de revenu aux personnes touchées par la réforme administrative, soit par le placement dans le secteur privé, soit par la création d'entreprises. D'après un sondage effectué récemment, cette politique a permis dans une large mesure de répondre aux besoins des fonctionnaires touchés par la modernisation des institutions de l'Etat.

20. M. AHMED, se référant aux paragraphes 254 et 255 du rapport E/1994/104/Add.2, où il est question du taux élevé de chômage parmi les personnes ayant suivi des études supérieures, se demande si ce phénomène n'est pas l'une des raisons de la violence dans le pays; il souhaiterait savoir si le gouvernement a pris des mesures concrètes pour remédier à ce problème.

21. M. TEXIER souhaiterait savoir si les mesures prises par le gouvernement pour assouplir le marché du travail et accroître la mobilité de la main-d'oeuvre et la compétitivité des entreprises sur le marché international ont eu des conséquences négatives sur les garanties dont jouissaient les travailleurs, notamment en matière de contrats de travail et de licenciement, et si l'objectif visé par cette politique, à savoir la baisse du chômage, a été atteint. L'expérience montre en effet qu'en réduisant les garanties dont bénéficient les travailleurs, on ne parvient pas nécessairement à réduire le chômage.

22. M. ALVAREZ VITA fait état d'un document émanant d'une organisation non gouvernementale, "Proceso de comunidades negras", qui a été distribué aux membres du Comité. Il y est affirmé que dans les villes de Cali et de Buenaventura, certaines offres d'emploi, publiées sous forme de petites annonces, précisent que les emplois en question ne sont pas ouverts aux personnes de race noire. La délégation colombienne a-t-elle eu connaissance de ce document, que M. Alvarez Vita peut mettre à sa disposition ?

23. Mme MARTINEZ (Colombie) est profondément étonnée d'entendre affirmer qu'il y aurait des actes concrets de discrimination à l'encontre des populations afro-colombiennes. Elle affirme catégoriquement que de telles pratiques sont interdites par la Constitution et par la loi colombiennes. Il est vrai que les relations avec certains groupes ethniques peuvent être difficiles, mais des espaces de concertation ont été ménagés et le gouvernement a réussi à établir, avec les représentants des communautés afro-colombiennes, de bons rapports qui commencent à porter leurs fruits : légalisation de titres collectifs de propriété, programmes, mesures et textes officiels visant spécifiquement le développement des populations afro-colombiennes. A l'issue de ce processus de concertation un document unique de politique générale sera élaboré conjointement par le gouvernement et les dirigeants des communautés intéressées.

24. M. GONZALES (Colombie) dit, lui aussi, sa stupéfaction : le Gouvernement colombien condamne énergiquement les pratiques dont "Proceso de communidades negras" fait état, et ceux qui s'y livrent sont passibles de poursuites. M. Gonzales serait heureux de recevoir un maximum d'informations à ce sujet, notamment des preuves, de façon à en informer immédiatement le Gouvernement colombien.

25. Le PRESIDENT souligne qu'il faut distinguer entre la législation d'un pays et ce qu'il s'y passe dans la vie quotidienne. La plupart des pays interdisent, en droit, la discrimination, ce qui n'empêche pas cette dernière d'exister en fait. Dans ce cas, il ne sert à rien de nier les problèmes. L'important est de savoir ce que fait le gouvernement pour y remédier.

26. M. ALVAREZ VITA considère que l'organisation non gouvernementale auteur du document est tenue de donner des preuves de ce qu'elle avance non seulement à la délégation de la Colombie, mais aussi à tous les membres du Comité.

27. M. CEAUSU dit que le présent débat pose une question de principe : comment le Comité doit-il traiter les informations qu'il reçoit d'ONG ou d'autres sources ? A son avis, il a l'obligation de s'assurer que les informations qui lui sont fournies sont véridiques et doit, en cas de doute, s'abstenir de mettre en discussion telle ou telle allégation.

28. Le PRESIDENT dit que le rôle du Comité est de faciliter la recherche de solutions. L'idéal serait que les organisations non gouvernementales fournissent les informations qu'elles veulent soumettre au Comité, que celui-ci les transmette ensuite aux pays intéressés, de façon que leurs délégations puissent y répondre lors du dialogue avec le Comité.

29. Dans le document de base constituant la première partie du rapport de la Colombie (HRI/CORE/1/Add.56), il est indiqué au paragraphe 1 que selon des statistiques officielles, la population colombienne est à 58 % métisse, 20 % blanche, 14 % mulâtre, 4 % noire et 1,7 % autochtone, 2,3 % de la population ayant une autre origine raciale. Que veulent dire exactement ces termes ? Quelle différence y a-t-il, par exemple, entre un mulâtre et un métis ?

30. M. GONZALES (Colombie) dit que les définitions sont très anciennes et ne sont pas très parlantes dans le monde contemporain : il faut les replacer dans le contexte existant depuis l'arrivée de Christophe Colomb en 1492. Ce qui est certain, c'est qu'il n'y a pas eu de conflit ethnique violent en Colombie : au contraire, la présence de populations noires ou indiennes a été un avantage, un enrichissement pour la Colombie. Il y a certes de la violence en Colombie, mais elle ne tire pas son origine de conflits ethniques.

31. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO remarque que ce n'est pas le secteur informel de l'économie qui est en train de devenir formel, mais bien le contraire. Elle demande pourquoi le projet de loi de 1993 portant réforme du droit du travail n'a pas été adopté. Le chômage est très élevé en Colombie, alors que la situation économique y est moins mauvaise que dans d'autres pays. Quelles orientations, quelles mesures sont-elles envisagées par le gouvernement pour y remédier ?

32. M. GONZALES (Colombie) reconnaît qu'en zone urbaine le secteur informel de l'économie est important : c'est là le résultat d'un exode rural très marqué. Il tend toutefois à diminuer : il représentait en effet 55,5 % de l'économie urbaine en 1984, mais seulement 53,4 % en 1994. D'ailleurs, de plus en plus, les travailleurs de ce secteur sont affiliés à la sécurité sociale : 27,9 % en 1994 contre 21,6 % en 1984. Ces données concernent les dix principales zones métropolitaines du pays, qui sont celles où l'économie informelle est la plus importante.

33. Toujours en zone urbaine, le chômage des jeunes est de nature structurelle. Le gouvernement s'y attaque grâce à des programmes de participation, c'est-à-dire essentiellement de formation professionnelle. Dans sept des zones métropolitaines le taux de chômage a effectivement diminué.

34. En Colombie, comme dans tous les pays du monde, les syndicats ont perdu de leur capacité de pression, du fait de la diminution des effectifs employés dans le secteur public où, traditionnellement, les syndicats étaient les plus puissants, les plus militants. Pour remédier à cet état de choses, le gouvernement agit essentiellement au niveau des secteurs informels, et dans les zones franches (maquilas) où l'afflux de travailleurs n'est soumis à aucune limitation. Rien ne permet donc de dire qu'en Colombie les travailleurs ont perdu de leur influence politique : ils sont un élément vital d'un pacte social de caractère tripartite. Leur légitimité d'acteurs sociaux est reconnue, plus que jamais.

35. La réforme du droit du travail de 1991 était, certes, nécessaire au programme d'ajustement économique et permet à l'employeur une gestion plus économique de ses salariés. Elle n'a, toutefois, nullement été défavorable aux travailleurs. Ces derniers reconnaissent d'ailleurs eux-mêmes les bénéfices qu'ils ont tirés du programme d'ajustement : assainissement des finances publiques, diminution de la dette, monnaie plus stable, inflation modérée, taux de croissance positif. La Constitution fait obligation à l'Etat de favoriser la concertation. La Colombie respecte tous les principes et normes de l'OIT, concernant notamment la liberté syndicale et les négociations collectives. S'il est vrai qu'en droit la négociation collective n'existe pas pour le secteur public, elle existe de facto. La tendance, à l'heure actuelle, est à la réduction des conflits du travail : la négociation l'a emporté sur le conflit, la Colombie a acquis une culture de dialogue social. Ce dialogue n'a aucun caractère abstrait : par exemple, le taux-cible d'inflation annuel de 18 % a été retenu à l'issue d'une discussion tripartite.

36. M. AHMED s'étonne que sur 5 millions de travailleurs la Colombie ne compte qu'un peu plus de 900 000 travailleurs syndiqués (rapport E/1994/104/Add.2, par. 327).

37. M. RATTRAY dit que l'application d'un programme de privatisation, qui entraîne le passage d'un secteur public employeur dominant à un secteur privé employeur prédominant, comporte d'importantes répercussions sur le droit au travail, notamment pour ce qui est de l'égalité des chances. L'employeur privé reconnaît-il qu'il a charge d'assurer cette égalité des chances comme l'Etat le faisait ? La discrimination peut tenir à des pratiques, être insidieuse, elle est affaire de gouvernance, non de gouvernement. Le rôle beaucoup plus important de surveillance qui incombe à l'Etat à cet égard est-il reconnu ?

38. M. GONZALES (Colombie) ne peut ni confirmer ni infirmer le chiffre de 912 208 travailleurs syndiqués, fourni dans le rapport pour l'année 1993. Il précise toutefois que rien, dans la législation ni dans la politique du gouvernement, n'empêche ce chiffre d'augmenter. Au contraire, la Colombie s'efforce de renforcer le système syndical - en particulier, dans le secteur informel où la base syndicale est très faible - de façon à donner aux employeurs de meilleurs interlocuteurs.

39. Il existe, en Colombie, une branche du pouvoir judiciaire spécifiquement chargée de faire respecter le droit du travail à tous les niveaux : chambre chargée des conflits du travail à la Cour suprême de justice (document de base HRI/CORE/1/Add.66, par. 65), chambre chargée des conflits du travail au Conseil d'Etat, procureur délégué aux conflits du travail à la Procurature générale de la nation (par. 80), chambres chargées des conflits du travail dans les tribunaux départementaux, enfin inspecteurs du travail qui relèvent également du pouvoir judiciaire. Ce système fonctionne très bien et il est source de fierté pour la Colombie. En cas de traitement injuste ou de licenciement abusif, les travailleurs reçoivent d'importantes indemnités. Les travailleurs participent au pacte social, ils disposent d'un espace de participation et de concertation très grand, leurs revendications sont écoutées et acceptées.

40. Mme MARTINEZ (Colombie) dit que tous les objectifs que poursuit le Comité tripartite chargé de renforcer le mouvement syndical et d'instaurer une nouvelle culture dans les relations entre travailleurs et employeurs sont indiqués dans le document contenant les réponses de la Colombie à la liste des points à traiter.

41. Le PRESIDENT dit que le Comité va maintenant traiter des questions relatives à l'article 7 de la liste des points à traiter (E/C.12/1994/WP.17) :

42. Mme MARTINEZ (Colombie) dit qu'après l'intervention de M. Gonzales, sa délégation n'a plus à répondre, au titre de l'article 7, qu'aux questions Nos 14 et 15. Le plan national de développement et les politiques et programmes sociaux de la Colombie accordent une place importante à la question des mineurs qui travaillent. L'un des objectifs poursuivis est que tous les mineurs occupés dans le secteur informel soient affiliés à la sécurité sociale. Les ressources d'un Fonds de solidarité et de garantie sont utilisées à cet effet. Un comité interinstitutions, composé de toutes les entités qui s'occupent des problèmes des travailleurs mineurs, s'emploie à élaborer un plan d'action tendant à éliminer progressivement le travail des enfants et à assurer la protection des travailleurs mineurs. La stratégie qui sera mise en oeuvre consiste, d'une part, à rechercher activement les travailleurs mineurs exerçant des activités à haut risque, à imposer des sanctions aux employeurs qui enfreignent les normes de protection de ces travailleurs et à réorienter les mineurs vers d'autres activités, et, d'autre part, à assurer la défense des droits des travailleurs mineurs grâce à des mécanismes d'inspection. Le gouvernement s'efforce notamment d'éliminer le travail des jeunes dans les mines de charbon et les briqueteries, où ils sont en grand nombre.

43. Enfin, la Colombie est sur le point de terminer la réforme du Code du mineur, réforme qui vise à en aligner les dispositions à la fois sur des conventions internationales comme la Convention relative aux droits de l'enfant et sur les dispositions de la Constitution. Par ailleurs, les médias viennent de lancer une campagne de sensibilisation aux problèmes des travailleurs mineurs.

44. M. CEAUSU dit que pour juger de l'efficacité des mesures législatives, des programmes et des stratégies adoptés en faveur des enfants, il faudrait disposer de quelques chiffres. Combien y a-t-il d'inspecteurs du travail en Colombie ? Combien d'inspections sont effectuées chaque année ? Combien de sanctions sont infligées aux entreprises qui violent les dispositions légales ?

45. M. TEXIER insiste sur la question des accidents du travail. Quels sont les moyens préventifs employés pour faire respecter la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité à l'intérieur des entreprises ? Lorsque des accidents du travail se produisent alors que les règles édictées n'ont pas été respectées, y a-t-il des poursuites pénales ? De quel ordre sont-elles ? Quelle en est la proportion ?

46. M. GONZALES (Colombie) dit qu'il fournira dès que possible des renseignements statistiques répondant aux questions que M. Ceausu et M. Texier viennent de poser. Il peut dès à présent dire que les inspecteurs du travail ne sont pas assez nombreux. La Colombie ne s'est penchée que récemment sur la question des accidents du travail et de la sécurité au travail. Sa première législation en matière de sécurité date de 1983; elle est inspirée des conventions pertinentes de l'OIT. Elle prévoit la responsabilité civile et la responsabilité pénale des entreprises qui violent les réglementations en vigueur. Les licences d'exploitation, accordées sur la base des inspections effectuées par les inspecteurs du travail, sont un moyen important de faire respecter les règlements d'hygiène et de sécurité. Enfin, en ce qui concerne les industries peu respectueuses de l'environnement - mines, surtout - un travail important est en cours, en collaboration entre les ministères de l'environnement et du travail. Des renseignements plus détaillés concernant la répression des entreprises qui violent les réglementations édictées en matière de sécurité et d'hygiène au travail seront communiqués au Comité ultérieurement.

47. Mme MARTINEZ (Colombie) rappelle que la Constitution est très récente et qu'elle a donné naissance à de nombreuses lois générales. Un processus de regroupement d'un très grand nombre de textes est en cours. La loi sur la sécurité sociale prévoit un "système de risques professionnels" qui doit être élaboré par un Conseil national, présidé par la Ministre du travail et composé de représentants des entreprises, des travailleurs et des services de santé, qui se réunit deux fois par mois. Le Conseil national comporte aussi ce que l'on appelle des "administrateurs des risques professionnels", entreprises créées à la suite de la loi sur la sécurité sociale. Le travail réalisé jusqu'à présent consiste en un inventaire de tous les risques professionnels qui pouvaient apparaître en Colombie, dressé conformément aux tableaux établis par l'OIT en la matière. La Colombie est engagée dans un renforcement du processus législatif, qui vise à mieux définir les responsabilités des entreprises en matière de sécurité au travail.

48. Le PRESIDENT appelle ensuite l'attention sur la question concernant l'article 8.

49. M. AHMED regrette que le droit de grève des fonctionnaires colombiens soit limité et rappelle qu'une commission d'experts de l'OIT a demandé au Gouvernement colombien de modifier la directive présidentielle No 38 du 26 décembre 1990 et l'article 416 du Code du travail de sorte que les employés de la fonction publique bénéficient des garanties énoncées dans la Convention No 98 de l'OIT en ce qui concerne la négociation collective de leurs conditions d'emploi; a-t-il été tenu compte de cette demande ?

50. M. CEAUSU, se référant aux paragraphes 328, 329 et 330 du troisième rapport périodique, voudrait savoir d'une part si les enseignants de l'enseignement public font partie de l'administration publique, et d'autre part pourquoi l'exploitation, l'affinage, le transport et la distribution de pétrole et de produits dérivés sont des activités considérées comme services publics. Au vu du grand nombre de secteurs considérés comme services publics, les secteurs d'activité dans lesquels le droit de grève est pleinement reconnu doivent être peu nombreux.

51. M. TEXIER souligne qu'outre la restriction au droit de grève d'autres problèmes se posent en ce qui concerne l'exercice des droits syndicaux : par exemple, en vertu de la loi No 50 de 1990, tout syndicat doit recevoir l'agrément de l'Etat et, en 1994, il existe encore un certain nombre de syndicats qui n'ont pas reçu cet agrément. Le droit de grève étant effectivement très réglementé, les fonctionnaires ont souvent recours au "paro civico", qui n'a pas de reconnaissance légale.

52. En outre se pose la question de la protection des militants syndicaux. A la suite du grave conflit social des travailleurs des télécommunications, un certain nombre de syndicalistes ont été emprisonnés et il est difficile de savoir aujourd'hui si tous ont été libérés. Par ailleurs, de 1986 à ce jour, 1 500 militants de la principale centrale syndicale ont été tués; ce nombre est impressionnant. Il serait intéressant de savoir ce que font les autorités colombiennes pour protéger la sécurité des militants syndicaux.

53. M. GONZALES (Colombie) indique tout d'abord, s'agissant du droit de négociation collective dans l'administration publique, que la Commission tripartite de concertation pour le développement du mouvement syndical a approuvé récemment la création d'une commission tripartite chargée d'analyser la négociation collective dans le secteur public conformément aux dispositions constitutionnelles et légales, et à celles des Conventions Nos 87 et 98 de l'OIT, dans le dessein d'adopter des mesures à cet effet. De facto, des négociations ont lieu entre les syndicats de certaines catégories professionnelles et le gouvernement. Les enseignants de l'enseignement public sont représentés par un très important syndicat qui négocie directement avec le gouvernement les conditions de travail propres à cette catégorie de fonctionnaires. Un autre grand syndicat défend les droits des personnes employées dans les activités liées à l'exploitation et à la distribution du pétrole et négocie une convention collective avec le gouvernement. L'interdiction du droit de grève dans les activités considérées comme services publics (énumérées au paragraphe 330 du rapport) se justifie par le fait que ces activités sont d'intérêt général.

54. En ce qui concerne la protection des militants syndicaux, M. Gonzales indique que les litiges nés du conflit avec les employés des télécommunications sont maintenant résolus. Le nombre de militants syndicaux tués étant effectivement important, il a en tant qu'ambassadeur demandé au Ministre du travail de réaliser une étude, en liaison avec les syndicats, afin de déterminer les causes exactes de la mort de ces syndicalistes. Etant donné que, malheureusement, la violence touche toutes les catégories de la population, il importe de déterminer avec exactitude le nombre des syndicalistes tués en raison de leur engagement ou pour des raisons politiques. Le représentant de la Colombie informe le Comité qu'une protection est accordée à certains syndicalistes qui le demandent à titre préventif mais que, bien évidemment, on ne peut pas mettre un garde du corps à côté de chaque syndicaliste. L'Etat souhaite seulement que cesse la violence, qui est le fait des extrémistes de tous bords, de droite et de gauche, qui prennent entre autres pour cibles les syndicalistes.

55. Le PRESIDENT insiste sur le fait que l'Etat a le devoir de protéger ses citoyens, et en particulier ceux dont la vie est menacée. Il appelle l'attention sur l'article suivant :

"Article 9 : Le droit à la sécurité sociale

56. Mme MARTINEZ (Colombie) déclare que le Gouvernement colombien a décidé, pour mieux garantir à ses citoyens le droit à la sécurité sociale, d'élargir le champ de la couverture sociale à un nombre beaucoup plus grand d'habitants. Aujourd'hui, 9,5 millions de personnes sont affiliées au régime contributif de la sécurité sociale et un million au régime subventionné, dont le gouvernement souhaite étendre la portée. L'objectif affiché du gouvernement est que le nombre des personnes affiliées au régime contributif atteigne 15 millions et le nombre de personnes affiliées au régime subventionné 12 millions. Il s'agit d'un objectif ambitieux, mais tout sera fait pour parvenir à sa réalisation.

57. Mme PEÑA (Colombie), présentant le nouveau système de sécurité sociale, précise que celui-ci est fondé sur les dispositions de la Constitution de 1991 selon laquelle la sécurité sociale est un droit universel. Ce principe d'universalité s'est concrétisé avec la promulgation, en 1993, de la loi No 100 qui réaffirme que tous les Colombiens ont le droit d'être affiliés à la sécurité sociale et qui prévoit la mise en place de toute une série de mécanismes institutionnels et financiers pour que tous les Colombiens, quel que soit leur niveau de vie, et pas uniquement les salariés du secteur formel, puissent bénéficier d'une assurance maladie et de prestations sociales. Pour ce qui est plus précisément de la sécurité sociale en matière de santé, le nouveau système institue deux régimes : un régime contributif pour les personnes qui peuvent verser des cotisations, auquel participe l'employeur, et un régime subventionné pour ceux qui ne peuvent payer de cotisations. Le régime subventionné est alimenté par les cotisations versées par les salariés au régime contributif et par l'Etat. Il s'agit donc d'un système de solidarité dans le cadre duquel les affiliés aux deux régimes bénéficient du même plan obligatoire de santé et peuvent recevoir des soins dans des établissements aussi bien publics que privés. Grâce à ce système, les pauvres peuvent bénéficier des prestations de la sécurité sociale en matière de santé et ont accès aux services privés et non plus uniquement aux services publics, qui sont souvent de qualité très médiocre. Le système de sécurité sociale en matière de pensions, quant à lui, est semblable à celui qui existe en matière de santé. Tout Colombien peut souscrire à un plan individuel de capitalisation ou s'affilier au régime administré par l'Institut colombien de la sécurité sociale. Il existe un fonds de solidarité pour aider les personnes à faibles revenus à bénéficier du système de pension. La loi No 100 a profondément modifié la structure des dépenses de santé puisque les affiliés à la sécurité sociale peuvent bénéficier de services tant publics que privés. Le nouveau système de sécurité sociale n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation, mais des indices montrent que les pauvres ont davantage recours aux services de santé. On constate aussi, comme cela a déjà été indiqué, qu'un million environ de personnes sont déjà affiliées au régime subventionné. Un questionnaire a été mis au point pour déterminer, parmi les familles les plus démunies, celles qui peuvent adhérer à ce régime. Un programme a par ailleurs été mis au point pour améliorer les prestations des services publics dans les régions où il n'existe pas de services privés. Enfin, pour ce qui est de la transition entre l'ancien et le nouveau systèmes de sécurité sociale en matière de santé, Mme Peña précise que les personnes affiliées à l'ancien système conservent les droits qu'elles ont acquis et que tout est mis en oeuvre pour niveler par le haut les prestations de l'Institut colombien de la sécurité sociale et celles des nouvelles institutions prestataires de services de santé. Pour ce qui est des pensions, l'ancien et le nouveau systèmes offrent tous deux une pension de vieillesse, une pension d'invalidité, une pension de survivant et une subvention pour les frais funéraires.

58. Le PRESIDENT constate que les tableaux figurant dans la partie A du chapitre II du troisième rapport de la Colombie montrent que les crédits ouverts dans le domaine social sont toujours bien supérieurs aux crédits utilisés; il aimerait en connaître la raison.

59. M. ALVAREZ VITA, se référant aux réponses écrites de la délégation colombienne concernant l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de prestations de sécurité sociale, relève que le père et la mère bénéficient de la même protection pendant la grossesse, l'accouchement et la période postnatale. Il aimerait savoir ce que la délégation entend par là, et quelles sont exactement les prestations auxquelles le père a droit.

60. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO aimerait savoir elle aussi pourquoi les crédits ouverts dans le domaine social ne sont pas utilisés.

61. Mme MARTINEZ (Colombie), répondant à la question de M. Alvarez Vita, dit qu'il s'agit en fait de mesures visant à favoriser la maternité et à promouvoir des relations équilibrées entre les hommes et les femmes non seulement au niveau national, mais aussi au niveau international.

62. Mme PEÑA (Colombie) indique que la différence constatée par des membres du Comité entre les crédits ouverts et les crédits effectivement utilisés vient des difficultés rencontrées ces quatre dernières années au niveau de l'utilisation des ressources allouées. Pour ce qui est de la sécurité sociale, elle espère que le nouveau système en place, avec son mécanisme de transfert de ressources entre les deux régimes qui le composent, permettra de résoudre ces difficultés qui empêchent ceux qui en ont le plus besoin de bénéficier de ces ressources.

63. Le PRESIDENT propose au Comité de passer à l'examen de l'article 10 du Pacte concernant la protection de la famille, des mères et des enfants et notamment aux réponses écrites aux questions 23 et 24 du Comité sur la protection de l'enfance abandonnée et l'application des droits des enfants.

"Article 10 : La protection de la famille, des mères et des enfants

64. Mme MARTINEZ (Colombie) informe les membres du Comité que les autorités colombiennes ont mis en place une série de programmes visant à protéger les enfants abandonnés qui, selon l'Institut colombien de protection de la famille, seraient près de 15 000, et à renforcer les structures familiales afin de réduire le nombre des abandons et de garantir les droits de l'enfant. L'Institut colombien de protection de la famille, qui est chargé de cette question, s'emploie quant à lui à renforcer les institutions d'accueil, à améliorer la qualité des foyers communautaires et à trouver des foyers de substitution dans lesquels l'enfant abandonné peut retrouver une ambiance familiale. Des ressources importantes sont consacrées à la recherche de solutions à ce problème ainsi qu'au développement intégral de l'enfant, aux programmes nutritionnels et à la prévention des abandons scolaires.

65. Mme BONOAN-DANDAN aimerait savoir quels programmes ont été mis au point pour résoudre le problème de la violence à l'égard des femmes. Elle souhaiterait aussi disposer de statistiques sur la question pour savoir s'il s'agit réellement d'un problème en Colombie.

66. Mme Bonoan-Dandan aimerait en outre avoir des informations sur le problème des personnes déplacées. Elle se réfère à une publication intitulée "Exodo", qui donne des chiffres alarmants. Elle aimerait que le Secrétariat communique cette publication à la délégation colombienne pour que celle-ci puisse prendre connaissance de son contenu et donner des précisions notamment sur les programmes adoptés et les difficultés rencontrées dans leur mise en oeuvre.

67. M. CEAUSU constate que d'après les réponses écrites aux questions du Comité il y a 15 000 enfants des rues dont 9 000 qui n'ont d'autres choix que de vivre dans la rue. Il aimerait avoir des informations sur les mesures concrètes prises par les autorités en faveur de ces enfants et sur les résultats obtenus. Il voudrait aussi savoir si les enfants de rues peuvent être placés, comme les enfants abandonnés, dans des foyers de substitution ou dans des centres d'urgence.

68. M. TEXIER, évoquant la situation des mères responsables de foyers communautaires, qui gardent de jeunes enfants pendant la journée dans les quartiers défavorisés où il n'y a pas de crèches, constate que le travail de ces femmes n'est pas reconnu, qu'elles ne bénéficient pas du minimum vital, qu'elles ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale et qu'elles n'ont pas droit à la retraite. Il aimerait donc savoir ce qui est fait pour améliorer leur situation, si un minimum de formation leur est dispensé et s'il est prévu d'augmenter leurs subsides car, selon l'Institut colombien de protection de la famille, elles ne touchaient en 1995 que l'équivalent d'un demi-dollar E.-U. environ par jour et par enfant.

69. Passant à la question de la "limpieza social", qui consiste à éliminer physiquement les enfants des rues et les marginaux dans les quartiers défavorisés des grandes villes, M. Texier aimerait savoir quelles mesures concrètes ont été prises par les autorités colombiennes pour lutter contre ce terrible phénomène.

70. Le PRESIDENT propose à la délégation colombienne de répondre à ces questions au cours de la prochaine séance consacrée à l'examen du troisième rapport périodique de la Colombie.

71. M. GONZALES (Colombie) remercie le Président de laisser du temps à sa délégation de répondre à des questions très importantes qui lui ont été posées; ce délai lui permettra d'obtenir d'autres informations nécessaires.


La séance est levée à 18 heures.

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