Distr.

GENERALE

E/C.12/1995/SR.35
29 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 35ème seance : Colombia. 29/11/95.
E/C.12/1995/SR.35. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Treizième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 35ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 22 novembre 1995, à 15 heures


Président : M. GRISSA


SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Troisième rapport périodique de la Colombie (suite)


La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 4 a) de l'ordre du jour)

Troisième rapport périodique de la Colombie concernant les droits visés aux articles 6 à 15 du Pacte (E/1994/104/Add.2; E/C.12/1994/WP.17; réponses écrites sans cote distribuées par la délégation colombienne) (suite)

1. Le PRESIDENT rappelle qu'à la fin de la 33ème séance du Comité des questions relatives à l'application de l'article 10 ont été posées. Il invite la délégation colombienne à y répondre.

2. Mme MARTINEZ (Colombie) dit que les réponses qui restent à apporter au titre de l'article 10 du Pacte concernent : la violence contre les femmes, les enfants des rues, les "mères communautaires" et les personnes déplacées en Colombie. En ce qui concerne la violence contre les femmes, on ne dispose pas de statistiques fiables, mais il est bien connu que la violence est l'une des premières causes de mortalité en Colombie et que les conflits armés ont des conséquences particulièrement graves pour les femmes et les enfants. Selon certaines données disponibles, 30 % des femmes en Colombie ont été à un moment ou à un autre maltraitées, 18 % ont été victimes de violences physiques, 9 % de violences sexuelles (ce dernier chiffre étant certainement bien inférieur à la réalité). Pour remédier à cette situation, la première mesure prévue, sur le plan législatif, consiste à donner aux violences contre les femmes le caractère de délits graves, qui seront sanctionnés en conséquence. Par ailleurs, les "commissaires de la famille" (350 municipalités en sont dotées) sont chargés de prêter une assistance juridique aux femmes qui ont été maltraitées et de jouer un rôle de conciliation. Enfin, le gouvernement est sur le point de ratifier la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme.

3. Le nombre des enfants des rues est estimé à 15 000 en 1995. Le gouvernement est conscient de la gravité de ce phénomène, bien que ce chiffre soit, en fait, bien inférieur à celui d'il y a 10 ou 12 ans. Grâce à des mesures préventives (au sein de la famille, de la communauté) et à des mesures directes dans des institutions spécialisées, il espère trouver des solutions à ce problème. Le réseau de solidarité sociale est en train d'élaborer un programme spécial pour les populations des rues, dans lequel on s'attachera tout particulièrement aux enfants et aux personnes âgées. Ce programme doit être appliqué à partir de 1996. Enfin, le gouvernement espère que l'étude comparative des expériences ayant donné de bons résultats dans d'autres pays contribuera à la solution du problème des enfants des rues.

4. Le gouvernement s'attache à renforcer les "foyers de protection sociale", de manière à améliorer à la fois la situation des "mères communautaires" et l'attention et les soins que les enfants reçoivent dans ces foyers, ainsi que les programmes nutritionnels qui leur sont destinés. Des mesures de politique sociale doivent être prises et seront annoncées incessamment par le Président de la République. L'une d'elles consiste en l'augmentation des bourses attribuées aux "mères communautaires". Il s'agit, en effet, pour le moment de "bourses" et non de salaires. Il faut, toutefois, noter que leur niveau doit être porté à un niveau proche de celui du salaire minimum et que cette augmentation des bourses s'accompagnera d'une insertion complète des intéressées dans les programmes de sécurité sociale (santé, retraites). Le gouvernement prévoit aussi d'assurer à ces "mères communautaires" une formation professionnelle, qui sera complétée par des programmes consultatifs auxquels seront associés des étudiants capables de donner des conseils en matière de soins aux enfants.

5. M. GONZALES (Colombie), répondant à une question sur les personnes déplacées, dit que ce problème est réel. En ce qui concerne les chiffres, il faut être prudent car la situation est fluctuante. Le gouvernement conçoit un certain nombre de programmes spécifiques, par exemple à l'intention des personnes qui ont dû fuir leur domicile du fait de la violence pendant les 12 derniers mois et qui sont particulièrement vulnérables. Les composantes de ces programmes sont la prévention, l'aide d'urgence, mais aussi le redémarrage d'une vie normale (en matière d'emploi, de santé, d'enseignement, etc.) sur les lieux où des personnes déplacées s'installent. Lorsque cela est possible, des programmes de retour des personnes déplacées sont également mis en place. Des mesures sont à prendre à la fois dans les régions que les gens fuient et dans celles qui les accueillent.

6. Conscient de la gravité du problème des personnes déplacées, le gouvernement élargit et consolide son action en coopérant avec l'Eglise catholique à travers la Conférence épiscopale colombienne, ce qui favorise des relations de confiance avec la population, et d'autre part avec l'Organisation internationale des migrations (OIM), avec laquelle un important projet d'aide aux personnes déplacées est mis au point.

7. Quant aux actes de "limpieza social" évoqués à une précédente séance par M. Texier, M. Gonzales dit qu'il ne peut que les condamner avec la plus grande force. Il est exact que dans les villes de Barranquilla et de Bogota surtout, des groupes connus sous le nom d'"escadrons de la mort" ont sauvagement tué des enfants des rues, des prostituées, des homosexuels et des personnes marginales. On a effectivement parlé du cas où le corps de mendiants ainsi assassinés aurait été mis à la disposition des étudiants en anatomie de Barranquilla. Des enquêtes sont en cours pour déterminer si des agents de la force publique sont impliqués dans de tels actes. Aussi bien le gouvernement que les ONG et la société civile jugent ces actes inacceptables et il est à signaler que, tout récemment, ces assassinats ont cessé.

8. M. TEXIER dit, à propos des "mères communautaires", qu'il a pris note avec satisfaction du fait que les bourses versées à ces mères allaient être augmentées et que la possibilité de les faire bénéficier de la sécurité sociale était à l'étude. Cependant, dans la mesure où les mères communautaires rendent un service assimilable à un service public, puisqu'en fait elles jouent le rôle de crèches, il paraît important d'envisager que les prestations qui leur sont versées soient assimilées à des salaires, avec tout ce qui s'y attache.

9. Par ailleurs, revenant au problème de la violence, l'expert souhaite attirer l'attention sur la situation de la région d'Uraba (département d'Antioquia), région de culture bananière qui a une certaine richesse, mais dans laquelle une grande partie de la population pauvre et marginalisée est victime, depuis ces dernières années, d'une très grande violence, en raison d'affrontements complexes entre groupes de guérilla et groupes paramilitaires. Les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, mais aussi simplement humanitaires de la population civile, sont largement bafoués. Depuis le 1er janvier 1995, on compte 800 morts. Autre conséquence de la violence, l'appareil d'Etat, les services publics, sociaux, sanitaires et scolaires, mais aussi les forces de police et de justice, ont déserté cette région. La désespérance de la population locale est telle que, récemment, une délégation composée entre autres d'élus locaux est venue au Centre pour les droits de l'homme solliciter l'aide de la communauté internationale. M. Texier demande à la délégation colombienne si l'Etat envisage un plan global pour se réinvestir dans cette région et garantir à nouveau le maintien de l'ordre et le fonctionnement des services publics scolaires et sanitaires, ce qui favoriserait un retour à une vie normale et inciterait les personnes qui ont fui la région à y retourner. Il est conscient que le problème est très complexe et qu'en l'occurrence une aide de la communauté internationale est nécessaire.

10. M. GONZALES (Colombie) déclare que la situation dans la région d'Uraba est traitée à titre prioritaire par le Gouvernement colombien, qui vient de créer une Corporation mixte de développement chargée d'intervenir activement dans la région. La population locale et les élus locaux sont, quant à eux, également mobilisés. Il est exact qu'une délégation a rencontré à Genève le Haut Commissaire aux droits de l'homme et lui a demandé l'aide de la communauté internationale, et en particulier l'envoi d'une mission d'observation qui pourrait dissuader les actes de violence. La réponse du Haut Commissaire devrait être connue dans les prochains jours. Des ONG et des experts en matière de droits de l'homme sont également prêts à collaborer au rétablissement d'une situation normale dans la région d'Uraba. Sur place, il est clair que le plus difficile sera d'assurer la réconciliation des groupes en conflit et la cessation des actes de vengeance réciproques qui persistent.

11. Mme MARTINEZ (Colombie) dit que des progrès importants dans l'amélioration des conditions de vie ont été réalisés entre 1991 et 1994. Après l'approbation de la Constitution de 1991, le gouvernement qui était en place à l'époque s'est attaché à en traduire les principes dans des lois et des programmes. Il a lancé un important plan de développement, généreux dans sa formulation initiale, qui visait à accroître l'efficacité et à renforcer la décentralisation, à édifier une infrastructure sociale permettant de réduire les inégalités et à former la population à l'ouverture économique de la Colombie.

12. Dans le domaine de l'éducation, le plan se proposait d'assurer la scolarisation de tous les enfants en âge de fréquenter l'école primaire, et de faire passer la proportion des élèves de l'enseignement secondaire de 46 à 70 % de la tranche d'âge correspondante. Cependant, à la fin de la période, les pourcentages d'enfants scolarisés étaient de 75 % de la tranche d'âge dans le primaire et de 48 % dans le secondaire. L'accès à l'enseignement n'en a pas moins été considérablement démocratisé, notamment grâce à l'attribution de subventions publiques, mais un gros effort devra encore être fourni pour assurer une éducation de base à tous.

13. Le PRESIDENT invite la délégation colombienne à répondre aux questions figurant dans la liste des points à traiter (E/C.12/1994/WP.17) qui se rapportent à l'application de l'article 11 du Pacte (questions 25 à 31) :

14. Dans le domaine de la santé, une réforme du système de services de santé devait garantir l'accès, en l'an 2000, de la totalité de la population aux soins de santé primaire. Le passage au nouveau régime de sécurité sociale s'est fait lentement mais a produit des résultats : désormais, plus de la moitié de la population bénéficie de soins primaires; cependant, on observait en 1993 que 19 % de la population ayant besoin de soins médicaux n'avait pas accès aux services de santé, la situation étant encore plus grave dans les régions rurales (29 %) et pour la fraction la plus pauvre de la population (32 %). Le gouvernement s'efforce d'affiner les mécanismes, tant d'affiliation que de prestation de services.

15. En ce qui concerne l'amélioration du statut nutritionnel de la population, le plan avait prévu l'élimination totale de la malnutrition aiguë et le développement des foyers communautaires sociaux, qui devaient accueillir un million d'enfants en 1994. Le chiffre effectivement atteint a été de 900 000 enfants.

16. S'agissant du logement, le gouvernement antérieur se proposait de fournir 539 000 logements sociaux, en concentrant les subventions sur les foyers disposant de moins de deux fois le salaire minimum. Le gouvernement a alloué des subventions se montant à 97 % des objectifs prévus. Toutefois, le programme s'est heurté à des goulets d'étranglement, notamment en ce qui concerne l'attribution de subventions. Pour la partie écoulée de l'année 1995, 70 000 subventions ont néanmoins été attribuées. Le gouvernement actuel s'est engagé à trouver 600 000 logements, à augmenter le nombre des subventions attribuées (260 200 devraient l'être d'ici à 1998, ce qui toucherait 800 000 foyers dans le pays), à construire de nouveaux logements et améliorer les logements existants, notamment en assurant l'approvisionnement en eau potable à 90 % de la population et le tout-à-l'égout à 77 % de la population.

17. Le PRESIDENT invite la délégation colombienne à apporter d'éventuelles précisions aux réponses écrites en ce qui concerne l'article 12 :

18. Mme MARTINEZ (Colombie) tient seulement à souligner que toutes les entités chargées de fournir des prestations de santé sont tenues d'élaborer un plan obligatoire de santé et un plan de soins de santé primaire, lesquels concernent à la fois le secteur public et le secteur privé. S'agissant des malades du SIDA, elle dit que le nombre total de cas de SIDA enregistrés entre 1983 et 1994 est de 5 577 et que le total des décès provoqués par la maladie est de 2 422. En utilisant certains modèles de projection de l'épidémie, on a calculé que les personnes infectées pourraient être au nombre de 100 000. L'assistance aux malades du SIDA ou aux porteurs du virus d'immunodéficience est organisée dans le cadre de diverses activités déployées grâce au Plan intersectoriel à moyen terme de prévention et de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, le virus VIH et le SIDA. En 1994, 900 millions de pesos ont été alloués aux programmes départementaux et de district de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et contre le SIDA. Actuellement, une campagne active pour l'utilisation du préservatif est en cours avec l'appui de tous les médias du pays.

19. Le PRESIDENT invite la délégation colombienne à présenter des observations complémentaires sur les articles 13 et 14. Les points correspondants de la liste sont les suivants :

20. Mme PEÑA (Colombie) donne quelques statistiques sur le nombre d'enfants qui suivent l'enseignement de base. Sur un total de 7 millions d'enfants de 5 à 15 ans, 500 000 suivent l'enseignement préscolaire, 4 millions l'enseignement primaire et 2,5 millions l'enseignement secondaire. Le taux de scolarisation net est de 87 % pour l'enseignement primaire et 47 % pour l'enseignement secondaire. Le nombre de filles et de garçons inscrits à l'école est à peu près égal. Grâce à une méthode spéciale, dite de l'école nouvelle, le nombre d'enfants scolarisés dans les zones rurales atteint environ 65 %; les efforts en faveur de la scolarisation des enfants des zones rurales jusqu'à 15 ans doivent bien entendu se poursuivre.

21. La question de l'abandon scolaire est grave. Environ 35 % des enfants abandonnent l'école au cours des trois premières années, et sur 100 enfants qui ont commencé l'école de base 30 seulement terminent leur scolarité obligatoire, parmi lesquels 7 seulement sans redoubler. Il est très fréquent que les enfants redoublent une classe; cela est dû, le gouvernement en est conscient, à une mauvaise qualité de l'enseignement et à une formation des maîtres insuffisante. L'éducation étant un élément clé du développement d'une société, de gros efforts doivent être faits pour améliorer la qualité de l'enseignement. Dernier élément en ce qui concerne l'abandon scolaire : il est plus fort pour les garçons que pour les filles.

22. Quant à l'enseignement supérieur, 600 000 étudiants y sont inscrits, dont 400 000 à l'université. Le gouvernement s'efforce de diversifier l'enseignement supérieur autre qu'universitaire.

23. Le gouvernement s'efforce aussi d'augmenter le montant des bourses et d'en assurer une meilleure répartition. Il existe également une tendance à accroître les subventions à l'enseignement privé, dans la mesure où celui-ci complète les possibilités d'accueil de l'enseignement public. Il faut noter que l'enseignement privé occupe une très grande place en Colombie; 60 % des établissements secondaires sont privés. De même, un grand nombre d'écoles maternelles sont privées. Les subventions de l'Etat vont bien sûr aux établissements privés qui garantissent une certaine qualité et ne sont pas à but lucratif.

24. Au plan des conditions matérielles, Mme Peña indique que les enseignants de l'enseignement public ont des salaires inférieurs à ceux des autres employés de la fonction publique, mais qu'ils ont également un horaire de travail moindre. Une concertation est prévue pour essayer de rapprocher les conditions de travail de tous les fonctionnaires. Comme cela a déjà été dit, le personnel enseignant est représenté par un puissant syndicat qui négocie directement avec le gouvernement.

25. Pour ce qui est de l'enseignement des droits de l'homme dans le système éducatif, il est à signaler que du matériel pédagogique sur les droits de l'homme existe et que des enseignants ont été formés aux droits de l'homme. Néanmoins, il est jugé important d'ajouter à la théorie une véritable pratique des droits de l'homme et de la démocratie dans les établissements scolaires eux-mêmes. Une mesure récente a par exemple institué un conseil des établissements scolaires où siègent des représentants des élèves et des enseignants ainsi qu'un médiateur responsable entre autres du respect des droits dans les établissements. Les membres de la police et des forces armées ont également accès à des programmes spécifiques en matière de droits de l'homme.

26. M. ALVAREZ VITA, s'il comprend bien la place et le rôle de l'enseignement privé en Colombie, souhaite cependant faire état de deux sujets d'inquiétude. D'une part, il croit savoir que certaines écoles privées acceptent l'inscription des seuls enfants dont les parents se sont mariés à l'Eglise catholique, ce qui semble constituer une discrimination en violation de la Convention relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la Colombie. D'autre part, sachant que dans certains pays l'Eglise catholique s'est prononcée contre l'utilisation du préservatif, il se demande comment les établissements privés religieux relaient efficacement la campagne de lutte contre le SIDA. Enfin, ayant récemment entendu parlé d'une loi récente sur l'enseignement en Colombie, il aimerait, si cela est possible, disposer du texte de cette loi.

27. M. MARCHAN ROMERO tient tout d'abord à exprimer ses félicitations à la délégation colombienne pour la qualité du dialogue qu'elle entretient avec le Comité. Il aimerait avoir des précisions sur la formation des membres de la police et des forces armées en matière de droits de l'homme. En effet, étant donné la grande violence qui sévit dans la société colombienne, cette formation est capitale et il est important de veiller à améliorer les mécanismes de maintien de l'ordre public. Il serait également intéressant de savoir si les bureaux ou unités des droits de l'homme dont il est question au paragraphe 92 du document de base (HRI/CORE/1/Add.56), outre leur rôle en matière de formation, peuvent accueillir les plaintes relatives à des violations des droits de l'homme commises par des membres de la police ou des forces armées.

28. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO aimerait savoir si l'on enseigne aux enfants dès leur plus jeune âge que les filles et les garçons ont les mêmes droits. Elle rappelle à cet égard que l'article 10 c) de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes recommande de réviser les livres et les programmes scolaires et d'adapter les méthodes pédagogiques afin d'éliminer toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femme dans la société et dans la famille. Il est également important selon elle de mettre l'accent dès l'enfance sur l'importance du rôle du père, notamment dans une société où les femmes sont victimes d'actes de violence et où le nombre d'enfants abandonnés est très élevé.

29. M. THAPALIA voudrait savoir si les enfants des communautés autochtones jouissent du principe de l'égalité d'accès à l'éducation. Il souhaiterait avoir aussi des précisions sur la formation des fonctionnaires de police et des membres des forces armées dans le domaine des droits de l'homme.

30. M. TEXIER croit comprendre que l'objectif de l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous n'a pas encore été atteint en Colombie. Il rappelle que selon l'article 14 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les Etats parties qui, au moment où ils deviennent parties, n'ont pas encore pu assurer le caractère obligatoire et la gratuité de l'enseignement doivent adopter, dans un délai de deux ans, un plan de mesures nécessaires pour réaliser, dans un nombre raisonnable d'années, la pleine application du principe de l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous. M. Texier aimerait savoir si cela a été fait en Colombie.

31. M. SIMMA, se référant à un rapport de la Commission andine des juristes selon lequel en 1994 le pourcentage d'écoles secondaires de qualité supérieure a chuté de 25 % à 15 % tandis que le pourcentage d'écoles secondaires de qualité inférieure est passé de 27 % à 46 %, aimerait avoir confirmation de ces pourcentages et savoir ce qui est fait pour inverser cette tendance.

32. Le PRESIDENT aimerait savoir si les frais de scolarité dans les établissements privés sont entièrement à la charge des parents ou si ceux-ci reçoivent une aide quelconque, par exemple sous forme d'abattements fiscaux. Par ailleurs il serait utile au Comité de disposer de statistiques sur la fréquentation scolaire dans les zones rurales et urbaines et selon les groupes ethniques et les niveaux socio-économiques.

33. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO se déclare préoccupée par la qualité des statistiques. Elle cite à cet égard un rapport du Défenseur du peuple selon lequel la situation dans ce domaine est critique. Elle fait observer que sans statistiques fiables il est difficile de juger la situation dans un pays.

34. Mme PEÑA (Colombie) reconnaît que la majorité des établissements privés en Colombie sont des établissements catholiques et que dans le passé il est arrivé qu'ils n'acceptent pas d'enfants illégitimes ou nés d'une union qui n'ait pas été consacrée par l'Eglise catholique. Cela dit, ce genre de problème a pratiquement disparu car les familles savent aujourd'hui qu'il est contraire à la loi de refuser l'inscription d'un enfant à l'école pour ce motif. L'éducation sexuelle et l'éducation en matière de santé a fait l'objet de nombreuses négociations avec l'Eglise catholique et les choses ont beaucoup évolué dans ce domaine. Certes, il y a encore une certaine résistance à l'égard de l'enseignement sexuel obligatoire à l'école, mais la Conférence épiscopale a reconnu que cet enseignement était nécessaire et a approuvé bon nombre d'ouvrages didactiques sur ce thème et de cours de formation dans ce domaine.

35. Mme Peña fait savoir au Comité qu'elle lui fera parvenir un exemplaire de la nouvelle loi No 115 sur l'éducation adoptée en 1994.

36. Pour ce qui est de la promotion de l'égalité des droits entre garçons et filles à l'école, Mme Peña estime que des progrès importants ont été réalisés en Colombie. Les manuels scolaires sont élaborés de façon à éliminer toute conception stéréotypée des rôles en fonction du sexe. Une étude menée pendant la deuxième moitié des années 80 dans les écoles rurales a montré que les filles avaient une très bonne image d'elles-mêmes et qu'elles voulaient participer à la vie de l'école. On constate d'ailleurs que dans les écoles qui appliquent les nouvelles méthodes d'enseignement, de nombreux "gouvernements scolaires" sont présidés par des filles. Ce sont là des cas cités en exemple dans les écoles urbaines pour promouvoir l'égalité des sexes.

37. Les communautés autochtones jouissent du droit à l'éducation dans des conditions d'égalité. Le problème, c'est qu'elles vivent souvent dans des régions isolées où il n'y a pas d'écoles et qu'elles ne veulent pas d'écoles semblables aux écoles rurales. Dès 1989 et 1990, un programme d'ethno-éducation a été mis au point pour répondre aux attentes et aux besoins des communautés autochtones. L'enseignement dispensé dans le cadre de ce programme particulier et novateur est bilingue. L'établissement de manuels scolaires dans les langues maternelles des communautés autochtones, qui n'étaient parfois que des langues parlées, a exigé un travail linguistique et des ressources considérables. Ce programme d'ethno-éducation, de conception et d'application complexes, vise à promouvoir l'intégration des autochtones dans la société colombienne tout en leur permettant de conserver leurs caractéristiques culturelles. Même si la Colombie est encore loin d'assurer l'égalité d'accès à l'éducation des communautés autochtones, des efforts considérables sont déployés dans ce sens.

38. Mme Peña reconnaît que l'objectif de la pleine application du principe de l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous n'est pas encore atteint. Des efforts sont cependant déployés depuis de nombreuses années pour universaliser l'enseignement primaire; ils ont donné des résultats plutôt satisfaisants puisque le taux de scolarisation dans l'enseignement primaire est de 96 % à 97 % dans les zones urbaines. Ce taux est plus faible dans les zones rurales, mais la situation s'est beaucoup améliorée ces 15 dernières années. Il ne s'agit pas seulement de créer de nouveaux établissements scolaires, mais de prendre des mesures pour encourager la poursuite des études et éviter l'abandon scolaire. A cet égard, il est aussi important de trouver le moyen de responsabiliser les parents, la société et l'Etat.

39. Passant à la question de la qualité de l'enseignement, Mme Peña fait observer que l'étude à laquelle s'est référé M. Simma date de 1991 et concerne les établissements d'enseignement secondaire. Elle reconnaît que la qualité de ces écoles a baissé dès le milieu des années 80, mais ne peut donner d'informations plus précises car il n'y a pas eu d'étude suivie de la situation. Cela étant, des ressources importantes ont été mobilisées pour améliorer la formation des professeurs, fournir des manuels scolaires et d'autres matériels didactiques et améliorer l'administration des établissements scolaires.

40. Il n'y a pas de statistiques en Colombie concernant le taux de scolarisation par groupes ethniques. Toutefois, grâce au recensement de 1993, qui, pour la première fois contenait des renseignements sur l'origine ethnique, les autorités disposent de données approximatives permettant d'estimer le nombre des jeunes âgés de 5 à 15 ans qui pourraient bénéficier du programme d'ethno-éducation à 200 000 environ. Pour ce qui est des taux de scolarisation par niveaux (préscolaire, primaire et secondaire) dans les villes et dans les campagnes, Mme Peña renvoie les membres du Comité aux informations contenues dans le troisième rapport de la Colombie E/1994/104/Add.2. Elle se propose par ailleurs de faire parvenir au Comité des statistiques concernant le taux de scolarisation selon le revenu des parents. Cela étant, elle reconnaît, comme l'a fait observer Mme Jimenez Butragueño, que la situation en matière de statistiques est préoccupante; les autorités colombiennes s'efforcent d'y remédier, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation. Cette situation est due au fait que la méthode utilisée est très centralisée; résultat : il s'écoule en moyenne un délai de deux ans entre la collecte des données au niveau local, le traitement centralisé de ces données et la publication des statistiques.

41. M. GONZALES (Colombie), abordant la question de la formation des fonctionnaires de police et des membres des forces armées dans le domaine des droits de l'homme, souligne que les autorités colombiennes ont conclu un accord avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour que celui-ci dispense une formation sur les droits de l'homme. Dans son dernier rapport d'activités concernant la Colombie, le CICR donne des informations sur le nombre de membres des forces armées, du simple soldat au plus haut gradé, qui ont reçu une formation en matière de droits de l'homme. Outre le CICR, le Défenseur du peuple et le Ministère de l'éducation se chargent aussi de la formation aux droits de l'homme. Il convient d'indiquer également que le Département administratif de sécurité (DAS) dispense aux personnes qu'il recrute un cours sur les droits de l'homme. Les membres des forces armées et du DAS reçoivent également une formation dans le domaine du droit humanitaire. Il est malheureusement très difficile de faire connaître les dispositions du droit humanitaire dans certaines régions où règnent la violence et l'insécurité. C'est pourquoi les autorités colombiennes ont demandé au CICR de diffuser les principes du droit humanitaire dans les régions où ils sont le plus bafoués.

42. M. TEXIER relève que la délégation colombienne a utilisé l'expression "enfant illégitime"; il aimerait savoir si cette notion existe dans le droit colombien et s'il y a égalité des droits entre les enfants naturels et ceux nés d'un mariage.

43. Mme MARTINEZ (Colombie) affirme que les enfants nés hors mariage ont les mêmes droits que les enfants issus d'un mariage et qu'ils ne font l'objet d'aucune discrimination.

44. Le PRESIDENT aimerait savoir si les mères célibataires sont protégées par la loi. Il se demande en effet si le nombre élevé d'enfants des rues n'est pas lié au fait que les mères célibataires ont tendance à abandonner leur enfant à la naissance.

45. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO demande comment les enfants nés de mères célibataires sont inscrits au registre d'état civil. La mention "illégitime" figure-t-elle sur le registre ?

46. M. AHMED demande si le nom du père figure sur l'acte de naissance lorsque l'enfant est né hors mariage.

47. Mme MARTINEZ (Colombie) indique que la date de naissance et le nom des parents sont inscrits au registre, mais que si la mère le souhaite seul son nom peut y figurer.

48. M. GONZALES (Colombie) réaffirme que les enfants naturels ne font l'objet d'aucune discrimination. Il reconnaît cependant que bon nombre d'enfants des rues sont des enfants de mères célibataires souvent très jeunes qui les ont abandonnés à la naissance. Il fait observer que le nombre d'institutions publiques et privées qui recueillent ces enfants abandonnés à la naissance a beaucoup augmenté. Il existe cependant un système efficace d'adoption qui est géré par l'Institut colombien de protection de la famille.

49. Le PRESIDENT invite à présent la délégation colombienne à répondre aux questions de la liste du Comité concernant l'article 15 du Pacte, qui se lisent comme suit :

50. Mme MARTINEZ (Colombie) dit que l'Institut colombien pour le développement de la science et de la technique a entrepris la mise en oeuvre d'une vaste politique de diffusion et de vulgarisation des sciences et des technologies, qui comprend de nombreux programmes, expositions et manifestations scientifiques.

51. Il y a cinq ans a été créée une commission de sages qui a été chargée de formuler des recommandations concernant l'avenir du pays. Ces recommandations sont actuellement appliquées sous la supervision de ces mêmes sages.

52. Dans le domaine culturel, le Congrès examine actuellement un projet de loi sur la culture qui porte notamment création d'un ministère de la culture et qui définit le cadre dans lequel s'inscrira la politique culturelle du pays. Par ailleurs, il existe actuellement en Colombie une trentaine d'associations qui ont conclu des accords avec l'Institut colombien de la culture et qui mettent leurs connaissances et leur expérience au service du développement culturel du pays.

53. Il existe en outre de nombreuses associations culturelles qui contribuent à relever le niveau culturel des groupes les plus vulnérables du pays et qui reçoivent le soutien de l'Etat par le biais du Programme CREA de culture populaire qui vise notamment à développer et à démocratiser la création culturelle. Les caisses d'allocations familiales, appuyées par l'Institut colombien de la culture, orientent une partie des contributions obligatoires des travailleurs vers des programmes de caractère culturel destinés aux groupes les plus vulnérables.

54. M. GONZALES (Colombie) dit que la Colombie est un pays de paradoxes. S'il est parfois en proie à la violence, il se distingue aussi sur le plan culturel et scientifique. Par exemple, c'est une équipe de chercheurs colombiens qui a mis au point le vaccin contre la malaria et qui en a fait don à l'OMS, et non pas aux grands laboratoires, pour que toute l'humanité en profite. La Colombie s'est également vue décerner un prix par la CNUCED pour son projet pilote sur le transfert de sciences et de technologies au service du développement. On rappellera enfin que l'écrivain Garcia Marquez et le sculpteur et peintre Fernando Otero sont colombiens.

55. M. Gonzales invite les membres du Comité à assister aux nombreuses manifestations culturelles qui se dérouleront prochainement à Genève dans le cadre de la quinzaine culturelle colombienne et qui leur permettront d'apprécier toute la richesse de cette culture.

56. M. SIMMA rappelle qu'au début de la présente session une ONG, l'Instituto latinoamericano de servicios legales alternativos, a affirmé que la brevetabilité des obtentions végétales prévue par divers accords et conventions auxquels la Colombie a adhéré risquait de limiter le libre accès des paysans à certains produits, notamment des semences. Il souhaiterait donc avoir des précisions sur cette question.

57. M. MARCHAN ROMERO souhaiterait savoir quelle est la proportion d'autochtones par rapport à la population totale, s'il existe des programmes spécifiques visant à promouvoir la culture des autochtones, si les autochtones disposent d'organisations représentatives et si celles-ci dialoguent avec le gouvernement sur le plan culturel.

58. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaiterait connaître le taux de mortalité infantile par région. Elle croit en effet savoir que le taux de mortalité infantile en Colombie est l'un des plus élevés d'Amérique latine et que les enfants noirs sont particulièrement touchés.

59. M. GONZALES (Colombie) dit que si la Colombie a adhéré à la Convention sur la diversité biologique et si elle est sur le point d'adhérer à la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, c'est pour éviter que la faune et la flore du pays, qui sont d'une richesse extraordinaire, ne soient pillées. Ces deux instruments ont fait l'objet d'un vaste débat à la fois dans le pays et au sein du Congrès. En tout état de cause, la brevetabilité des obtentions végétales n'aura aucune conséquence négative sur les paysans, bien au contraire.

60. Quant aux communautés autochtones, elles représentent 2 % de la population totale et ont créé des organisations représentatives, telles que l'Organisation nationale indigène (ONI), ce qui leur a permis de faire valoir très efficacement leurs droits et de dialoguer de manière fructueuse avec le gouvernement. Par ailleurs, les autochtones colombiens ont participé activement à l'élaboration de la Déclaration sur les droits des populations autochtones.

61. M. TIKHONOV (Secrétaire du Comité) donne lecture, à la demande du Président, d'une lettre émanant de l'ONG Proceso de Communidades Negras, dans laquelle cette organisation informe le Comité qu'elle lui remettra prochainement des extraits de journaux colombiens contenant des annonces où sont employés des termes racistes et discriminatoires à l'encontre des communautés noires de Colombie dans le domaine du travail.

62. M. GONZALES (Colombie) assure le Comité qu'il veillera personnellement à ce que toute la lumière soit faite sur cette question en vue de punir les éventuels coupables.

63. Le PRESIDENT, constatant que le Comité a terminé l'examen du rapport de la Colombie, invite la délégation colombienne à formuler ses conclusions.

64. Mme MARTINEZ (Colombie) dit que les questions et les commentaires du Comité et des ONG aideront le gouvernement à renforcer l'application du Pacte et à améliorer le niveau de vie de tous les Colombiens, quels que soient la région où ils vivent, leur couleur ou leur sexe. En conclusion, elle affirme que la concertation et le dialogue sont et resteront les maîtres mots de la politique du Gouvernement colombien dans le domaine des droits de l'homme.

65. M. GONZALES (Colombie) remercie le Comité et les ONG pour leurs observations pertinentes. Le Gouvernement colombien continuera à oeuvrer pour l'amélioration des conditions de vie de la population, notamment dans le domaine de la santé et de l'éducation, à la lumière des recommandations formulées par le Comité.

66. En conclusion, M. Gonzales affirme que la Colombie est un Etat social de droit qui a besoin du soutien de la communauté internationale en général et du Comité des droits économiques, sociaux et culturels en particulier pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixé.

67. Le PRESIDENT remercie la délégation colombienne, au nom du Comité, pour le dialogue fructueux qu'elle a noué avec le Comité. Il remercie également les ONG pour leur collaboration et pour les informations qu'elles ont communiquées au Comité.

La délégation colombienne se retire.


La séance est levée à 17 h 55.

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