Distr.

GENERALE

CCPR/C/SR.1933
6 septembre 2001

FRANCAIS
Original: RUSSE
Compte rendu analytique de la 1933e séance : Czech Republic. 06/09/2001.
CCPR/C/SR.1933. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-douzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1933e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le jeudi 12 juillet 2001, à 10 heures

Président: M. BHAGWATI

SOMMAIRE


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial de la République tchèque (suite)


La séance est ouverte à 10 h 10.


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 5 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la République tchèque (CCPR/C/CZE/2000/1; HRI/CORE/1/Add.71/Rev.1) (suite)

1. Sur l'invitation du Président, la délégation tchèque reprend place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT invite la délégation tchèque à répondre aux points 20 à 26 de la liste (CCPR/C/72/L/CZE), qui se lisent comme suit:


«Élimination de l'esclavage et de la servitude (art. 8)

20. Fournir des renseignements et toutes données statistiques disponibles au sujet de la traite des femmes et des fillettes à des fins de prostitution. Quelles mesures l'État partie a-t-il adoptées pour lutter contre ces pratiques sur son territoire?

Liberté de religion et de conscience (art. 18)

21. Eu égard au paragraphe 317 du rapport, préciser ce que l'État partie entend par "sectes considérées comme obscures ou dangereuses" et développer les observations sur le lien entre sectes et "extrémisme".

Liberté d'opinion et d'expression et droit de recevoir des informations (art. 19)

22. Comment la liberté de la presse et des moyens d'information électronique est-elle garantie dans la pratique? Quelles mesures ont été prises pour garantir l'indépendance de la télévision publique tchèque vis-à-vis du pouvoir?

Accès à la fonction publique (art. 25)

23. En ce qui concerne la limitation de la possibilité d'accéder à la fonction publique dans des conditions d'égalité, la "loi sur la sélection préliminaire" est-elle encore en vigueur (par. 391 du rapport)?

Diffusion d'informations relatives au Pacte et au Protocole facultatif (art. 2)

24. Décrire les mesures prises pour diffuser des informations sur la présentation du présent rapport initial et pour organiser des consultations avec les membres de la société civile intéressés lors de son élaboration.

25. Quels sont les programmes en cours d'exécution qui visent à former les membres du corps judiciaire à l'application des droits consacrés dans le Pacte?

26. Fournir des renseignements sur la formation théorique et pratique dispensée aux fonctionnaires, en particulier au personnel chargé de l'application des lois et au personnel de l'administration pénitentiaire, au sujet du Pacte et de la procédure prévue dans le Protocole facultatif s'y rapportant. Décrire également les mesures prises pour sensibiliser davantage l'opinion publique, y compris les minorités ethniques et linguistiques, au Pacte et au Protocole facultatif, pour qu'elle en ait une meilleure compréhension.»

3. M. JAØAB (République tchèque) dit qu'il a été déjà répondu au point 20 de la liste. En ce qui concerne le point 21, il donne au Comité l'assurance que la liberté de religion est pleinement garantie dans son pays. Concernant la procédure d'enregistrement des Églises et sociétés religieuses dont il est question au paragraphe 317 du rapport, le projet de loi qui a été soumis au Parlement devrait mettre fin aux inégalités de traitement. Ainsi, les Églises et sociétés religieuses devront compter non plus 10 000 fidèles au moins (500 pour celles membres du Conseil œcuménique des Églises), mais 300, pour être enregistrées. Cette nouvelle disposition permettra, par exemple, l'enregistrement du bouddhisme, de l'hindouisme, ou de l'islam, qui ne comptent qu'un très petit nombre d'adeptes dans la République tchèque mais sont de grandes religions. D'un autre côté, la loi actuellement en vigueur prévoit que pour certaines confessions le mariage religieux a le même statut que le mariage civil. L'adoption du nouveau projet de loi obligera les autorités à déterminer quelles religions continueront de jouir de ce droit. En ce qui concerne le lien entre sectes et «extrémisme», si les autorités tchèques sont conscientes que certaines communautés religieuses peuvent tendre à des formes d'extrémisme, aucune n'a été rangée jusqu'ici dans la catégorie des groupes extrémistes, et ce qui est dit à ce sujet au paragraphe 317 du rapport est pour l'heure purement théorique.

4. Répondant au point 22 de la liste, M. Jaøab précise tout d'abord que la Télévision publique n'est pas directement gérée par l'État. Cela étant, la très vive controverse soulevée par la proposition de nomination du Directeur général de la Télévision publique en décembre 2000 a montré que l'ensemble de la société et des médias étaient particulièrement sensibles à la question de l'ingérence possible du pouvoir politique dans la vie des médias. La réaction suscitée par cette proposition est un signe de bonne santé de la société tchèque et témoigne de l'importance que celle-ci accorde à l'indépendance des médias.

5. Mme PASTRÒÁKOVÁ (République tchèque) dit que la liberté d'expression est pleinement garantie par la loi et que la loi est dûment respectée. Il n'y a eu qu'un seul cas de poursuites à l'encontre de journalistes qui avaient utilisé des sources non officielles, et le ministère public a ordonné l'abandon de ces poursuites en vertu du respect de la liberté d'expression.

6. Pour ce qui est de la Télévision publique, les dispositions de la loi sur la télévision concernant la composition du Conseil de la télévision et le mode de candidature pour cet organe ont été amplement modifiées. Ainsi, la loi précise aujourd'hui qui peut se porter candidat et énonce également un plus grand nombre de fonctions publiques, y compris politiques, incompatibles avec l'appartenance au Conseil; les membres sont nommés pour six ans, et la composition de l'organe est renouvelée par tiers tous les deux ans de façon à assurer la continuité des activités. Il a été aussi établi une commission consultative chargée d'assister le Conseil dans la gestion financière. Enfin, le Directeur général de la Télévision publique jouit désormais d'une plus grande autonomie vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif et ne rend compte qu'au seul Conseil.

7. En réponse à la question du point 23 de la liste, Mme Pastròáková indique que la durée d'application de la loi sur la sélection préliminaire a été prolongée jusqu'à l'adoption d'une nouvelle loi sur la fonction publique. Elle est donc encore en vigueur aujourd'hui.

8. M. JAØAB (République tchèque), répondant au point 24 de la liste, indique que l'élaboration du rapport initial a été confiée au Commissaire aux droits de l'homme et au Conseil des droits de l'homme. Ce dernier est composé à part égale de hauts fonctionnaires et de représentants de la société civile. En outre, il s'est doté de groupes de travail, composés également de fonctionnaires et de représentants de la société civile (essentiellement des membres d'organisations non gouvernementales), qui sont chargés chacun de questions particulières liées aux obligations découlant des instruments internationaux. Un groupe de travail consacre d'ailleurs ses travaux aux droits consacrés par le Pacte. D'une façon générale, la participation active de représentants de la société civile à l'élaboration du rapport initial explique que ce dernier mette en évidence un certain nombre de lacunes dans la protection des droits de l'homme et identifie plusieurs domaines où des changements sont nécessaires. Enfin, les informations sur la présentation du rapport ont été diffusées essentiellement par le réseau Internet, sur le site du Conseil des droits de l'homme.

9. M. SOVÁK (République tchèque) dit qu'il a déjà été répondu en partie au point 25 de la liste. Les programmes de formation aux droits de l'homme des magistrats relèvent du Ministère de la justice et sont exécutés par l'organisme chargé de la formation continue des juges et des procureurs. Les formateurs sont des juges, des enseignants d'université et d'autres spécialistes. Les programmes comprennent des simulations de procès dans différentes branches du droit. Au cours des deux dernières années, ils ont également intégré la dimension des obligations découlant des instruments internationaux, dont le Pacte. Ces programmes sont particulièrement utiles, même si la meilleure école est encore celle de la pratique.

10. M. BUREŠ (République tchèque) dit que la question de la formation dispensée aux fonctionnaires (point 26 de la liste) est d'autant plus importante que près de la moitié des effectifs de la police ont été renouvelés ces dernières années. Jusqu'au milieu des années 90, on considérait qu'une formation spéciale relative aux droits de l'homme n'avait pas lieu d'être étant donné que les instruments internationaux auxquels la République tchèque était partie avaient été incorporés dans la législation nationale. Cependant, dans la deuxième moitié de la décennie les autorités se sont attachées à promouvoir la dimension des droits de l'homme au sein des différentes institutions de l'État, et à établir des programmes spéciaux à cet effet. En outre, une unité consacrée à la question des droits de l'homme, que lui-même préside, a été créée au Ministère de l'intérieur. Des efforts sont faits pour améliorer la formation des forces de police en matière de droits de l'homme, particulièrement au regard des droits des minorités, grâce à l'organisation de séminaires et à la publication de manuels contenant, entre autres documents, le texte des grands instruments internationaux auxquels l'État est partie. Le deuxième manuel de ce type devrait paraître dans les prochains mois. La formation des forces de police est une tâche lourde, puisqu'on compte environ 40 000 agents en activité. En 2000, le Gouvernement a approuvé un rapport sur l'éducation en matière de droits de l'homme, qui recommandait au Ministère de l'intérieur de mettre en place des programmes spéciaux destinés aux fonctionnaires, notamment aux agents de la police en activité. Les autorités s'interrogent également sur le type de formation à donner aux formateurs. Elles espèrent que l'ensemble des mécanismes de formation à la dimension des droits de l'homme seront opérationnels d'ici la fin de l'année en cours.

11. Le PRÉSIDENT invite la délégation tchèque à répondre aux questions qui ont été posées par les membres du Comité à la 1931e et à la 1932e séances.

12. Mme DRAHOÒOVSKÁ (République tchèque), revenant sur les questions qui ont été posées à propos du point 2 de la liste, précise tout d'abord que le libellé du paragraphe 37 du document de base (HRI/CORE/1/Add.71/Rev.1) est erroné. La délégation tchèque prie le Comité de bien vouloir accepter ses excuses pour cette erreur et l'assure qu'elle est purement fortuite. Mme Drahoòovská donne ensuite lecture des dispositions de l'article 87 1) i de la Constitution, en vertu desquelles la Cour constitutionnelle prend les dispositions nécessaires pour donner effet à une décision d'un tribunal international contraignante pour la République tchèque s'il ne peut y être donné effet d'une autre façon. Ces dispositions ne correspondent pas à ce qui est dit au paragraphe 37 du document de base. Il faut préciser qu'aucune disposition juridique ne fait obligation à la Cour constitutionnelle de donner effet aux constatations du Comité des droits de l'homme au titre du Protocole facultatif, pas plus qu'aux décisions d'aucun autre organe du même type. Les autorités tchèques estiment toutefois qu'elles ont la responsabilité politique de mettre en place le mécanisme approprié qui permettra de donner effet aux constatations du Comité, qu'elles ne considèrent nullement comme de simples recommandations de nature politique.

13. En ce qui concerne les communications no 516/1992 et 586/1994, il convient de garder à l'esprit que les autorités tchèques gouvernent un pays qui a subi pendant près de 40 ans un régime totalitaire, responsable de multiples violations des droits individuels, notamment des droits de la propriété. Après ce que l'on a appelé la «révolution de velours», le Gouvernement a estimé qu'il devait s'efforcer de réparer, au moins partiellement, les injustices qui avaient été commises en matière de propriété sous le régime précédent. Toutes ne pourront cependant pas être réparées, et il faut tenir compte également de l'impossibilité matérielle, pour le Gouvernement, d'indemniser tous les plaignants.

14. La loi n° 87/1991, dont il est question aux paragraphes 398 et 399 du rapport, prévoyait à l'origine deux conditions pour la restitution des biens. Les plaignants devaient, premièrement, être de nationalité tchèque ou slovaque et, deuxièmement, résider sur le territoire de la République tchèque. En outre, un délai de six mois était fixé pour exercer le droit prévu par la loi. Par la suite, la Cour constitutionnelle a considéré que le critère de résidence était discriminatoire, et la loi a été modifiée en conséquence. Un délai supplémentaire a cependant été accordé aux personnes qui ne remplissaient pas la condition de résidence avant la modification de la loi. La Cour constitutionnelle a été saisie également de plaintes relatives à la condition de nationalité. Elle a estimé toutefois que ce critère n'avait pas un caractère discriminatoire. D'une façon générale, la République tchèque est, de tous les pays ex-communistes, le seul à avoir mis en place, pour les violations des droits de propriété commises sous le régime précédent, un programme d'indemnisation d'une telle ampleur, dont le financement représente plusieurs milliards de couronnes.

15. En ce qui concerne les deux communications susmentionnées, il convient de rappeler que leurs auteurs n'avaient pas la nationalité tchèque. Les constatations du Comité ont laissé les autorités tchèques quelque peu amères, car elles considèrent avoir fait de leur mieux pour indemniser les auteurs, dans le cadre des limites imposées par les textes et la situation concrète. La réponse des autorités tchèques au Comité et la suite qu'il convenait de donner à ses constatations ont été longuement débattues. Le seul point de consensus portait sur la nécessité de déterminer un mécanisme grâce auquel il pourrait être donné effet aux constatations du Comité, mais qu'il ne saurait y avoir de procédure ad hoc pour telle ou telle communication. Les constatations du Comité dans les deux affaires susmentionnées placent les autorités tchèques dans une situation nouvelle à propos de questions particulièrement sensibles. Il est à noter toutefois que le Gouvernement a prié, en mai 2001, le Ministère des affaires étrangères et le Ministère de la justice de lui soumettre d'ici la fin de septembre 2001 une proposition de cadre dans lequel les communications soumises au Comité ainsi que les constatations qui en résultent pourraient être examinées en coordination avec l'examen des plaintes dont la Cour européenne de justice est saisie. Il est encore trop tôt pour connaître les résultats de cette initiative, mais elle a au moins le mérite d'exister.

16. Mme SCHELLONGOVÁ (République tchèque) dit que le statut du Pacte est régi par l'article 10 de la Constitution. Certes, le libellé de cet article est loin d'être parfait, et il a suscité bien des controverses. La Cour constitutionnelle n'a jamais eu à interpréter l'article 10 mais la délégation tchèque peut confirmer qu'il vise exclusivement les instruments internationaux relatifs aux libertés et droits fondamentaux de l'homme, lesquels sont incorporés directement dans la législation interne. Les autres instruments internationaux nécessitent l'adoption de lois pertinentes pour faire partie intégrante du droit tchèque. Cette différence de statut entre les instruments internationaux est aujourd'hui remise en question eu égard notamment à la perspective d'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne et la Chambre des députés a voté, il y a quelques jours, un nouveau projet de constitution en vertu duquel tous les instruments internationaux auxquels l'État est partie auront automatiquement le même statut.

17. Un membre du Comité a comparé les dispositions de la Charte des libertés et droits fondamentaux à celles du Pacte. Celui-ci étant directement incorporé au système juridique tchèque, il n'était pas nécessaire que la Charte ait une teneur identique. Les deux textes sont d'ailleurs complémentaires. À titre d'exemple d'une décision judiciaire dans laquelle un instrument international a été invoqué, Mme Schellongová indique que la Cour constitutionnelle a décidé l'abrogation d'un certain nombre de dispositions du Code de procédure civile au motif qu'elles n'étaient pas conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles n'étaient incompatibles avec aucune des lois constitutionnelles de la République tchèque. Par ailleurs, pour les instruments internationaux qui ont été ratifiés après 1993, c'est au Parlement qu'il revient de décider, à la majorité qualifiée, s'ils relèvent de l'article 10 de la Constitution. Pour les instruments qui ont été ratifiés avant cette date, y compris ceux concernant lesquels la République tchèque a succédé à la République socialiste tchécoslovaque, c'est la Cour constitutionnelle qui détermine cette question. Ainsi, la Cour constitutionnelle a établi en 1995 que le Pacte était régi par l'article 10 de la Constitution. Les libertés et droits fondamentaux énoncés dans les instruments visés par ledit article peuvent être invoqués directement devant les juridictions ordinaires et la Cour constitutionnelle. Celle-ci s'est d'ailleurs appuyée à maintes reprises sur les dispositions du Pacte pour rendre ses décisions.

18. À la question de savoir si une loi qui ne serait pas conforme au Pacte pourrait être abrogée, Mme Schellongová répond que cette possibilité existe mais qu'elle n'a pas été utilisée jusqu'ici. Elle fait observer par ailleurs que les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont appliquées plus souvent que celles du Pacte par les tribunaux tchèques du fait que de la Cour européenne a une jurisprudence plus volumineuse. La place des instruments internationaux relatifs aux libertés et droits fondamentaux dans la hiérarchie des normes législatives n'est pas totalement claire même pour les membres de la délégation tchèque. En tout état de cause, l'article 10 de la Constitution prévoit que ces instruments priment le droit interne. En outre, la jurisprudence des tribunaux permet d'affirmer qu'ils ont un statut égal à celui des lois constitutionnelles. C'est ce que l'on peut déduire aussi de la lecture du paragraphe 2 de l'article 88 de la Constitution, et l'on peut considérer que la Cour constitutionnelle ne saurait établir un rang de priorité entre ces différents types de texte; sa jurisprudence montre d'ailleurs qu'elle les applique strictement de la même manière. Enfin, pour ce qui est du statut de la Charte des libertés et droits fondamentaux, l'article 112 de la Constitution prévoit qu'elle fait partie de l'ordre constitutionnel au même titre que la Constitution et les lois constitutionnelles.

19. Mme PASTRÑAKOVÁ (République tchèque) donne des précisions sur les diverses situations dans lesquelles les droits consacrés dans le Pacte peuvent être suspendus. Ces situations sont régies par la Loi constitutionnelle sur la sûreté de la République, qui prévoit l'état d'urgence et l'état de danger national.

20. L'état d'urgence est proclamé par le Gouvernement ou le Premier Ministre. Dans le deuxième cas, le Premier Ministre doit faire entériner sa décision par le Gouvernement dans les 24 heures. Le Gouvernement informe immédiatement la Chambre des députés, qui peut soit annuler la décision, soit la mettre en application. Autrement dit, la volonté du Gouvernement est subordonnée à celle de la Chambre des députés quand il s'agit de restreindre les droits et les libertés. L'état d'urgence ne peut durer plus de 30 jours et peut être levé à tout moment. Il ne peut être prorogé qu'avec l'accord de la Chambre des députés. Il ne peut être prononcé qu'en cas de catastrophe naturelle, écologique ou industrielle, quand un danger menace la vie et la santé d'un grand nombre de personnes ou en cas de risque pour l'ordre public. Il faut préciser qu'il ne peut pas être proclamé en cas de grève. L'état de danger national peut être décidé par le Parlement, à la majorité absolue des membres des deux chambres, sur proposition du Gouvernement, en cas de danger immédiat pour la souveraineté, l'intégrité territoriale ou les principes démocratiques de la République. Il y a aussi l'état de guerre, qui peut être proclamé seulement par le Parlement, à la majorité absolue des deux chambres.

21. À propos de l'article 4 du Pacte, Mme Pastrñaková précise que l'article 4 de la Charte tchèque dispose que «Les obligations ne peuvent être imposées que conformément à la loi, dans les limites de celle-ci et moyennant le respect des libertés et droits fondamentaux». Il va sans dire qu'aucune loi nationale ne peut restreindre ni limiter les droits fixés au paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte, sauf dans les trois situations qui viennent d'être décrites. Le Pacte reconnaît qu'il y a des situations de «danger public exceptionnel [menaçant] l'existence de la nation» qui peuvent justifier le travail forcé. L'expression légale de ce principe constitutionnel se trouve dans la loi sur la défense de la République tchèque, qui fixe les restrictions éventuellement applicables. Cette loi illustre bien le rôle complémentaire que joue ce principe par rapport aux engagements internationaux souscrits lors de la signature des traités relatifs aux droits de l'homme. Il faut ajouter que la langue tchèque ne fait aucune différence entre «limitation», «restriction» et «réglementation».

22. M. JAØAB (République tchèque), précisant les fonctions du Médiateur, explique que celui-ci peut effectivement pénétrer dans les prisons, et même dans les cellules de garde à vue de la police. C'est ce que prévoit la loi portant création de la charge de médiateur et on imagine sans peine que ce texte législatif a donné lieu à un vaste débat qui s'est étendu sur plusieurs années.

23. Le Comité s'est interrogé sur les formes que prenait la coopération avec la Slovaquie dans le domaine des droits de l'homme. Sur le plan légal, la Slovaquie est dorénavant traitée comme tout autre pays, sauf dans quelques domaines. En matière de citoyenneté par exemple, il est plus facile pour un Slovaque que pour un autre étranger de devenir tchèque. Pour ce qui est des droits de l'homme, il existe un groupe de coordination tchèque et slovaque chargé des affaires de la communauté rom. Son travail n'est pas facile dans la mesure où la population rom est plutôt urbaine en République tchèque et plutôt rurale en Slovaquie.

24. Pour ce qui est du génocide, on sait que ce crime peut constitué par la création de conditions rendant impossible la survie d'un groupe donné. Tel n'est pas le cas en République tchèque pour ce qui est des Roms. Comme cela a déjà été expliqué, les pouvoirs publics cherchent plutôt à promouvoir la culture de cette communauté. Les difficultés et les échecs s'expliquent peut-être par le fait qu'en démocratie l'État a moins de prise sur la société civile.

25. Mme CHANET s'interroge sur les rapports entre la Constitution tchèque et le Pacte, instruments qui ont été qualifiés de «complémentaires». Si on lit en effet le paragraphe 2 de l'article 88 de la Constitution tchèque, on constate que les juges de la Cour constitutionnelle sont tenus par les lois constitutionnelles et les accords internationaux visés à l'article 10 du même texte, et par les lois visées au paragraphe 1 de l'article susdit. Selon l'article 10 de la Constitution, les accords internationaux ratifiés et promulgués par la République tchèque sont immédiatement exécutoires et prennent le pas sur la loi nationale. Comme cet article ne dispose pas que les traités relatifs aux droits de l'homme prévalent sur la Constitution tchèque, on est amené à conclure qu'il y a une hiérarchie, fort classique d'ailleurs, entre la Constitution, les traités et le droit interne. Dans ces conditions, il est impossible de soutenir qu'il y a complémentarité entre la Charte et le Pacte, puisque ce sont des actes juridiques de niveau différent. Cela risque de soulever de graves problèmes, par exemple dans le domaine du droit de propriété, que la Constitution garantit mais non le Pacte, ou dans celui de la discrimination, où les deux textes divergent également. Peut-être serait-il utile que la République tchèque incorpore systématiquement dans son droit interne tous les droits consacrés dans le Pacte, sans procéder à une sorte de sélection.

26. Mme Chanet s'interroge ensuite sur les conditions de mise en détention sous le régime du Code de procédure pénale actuel, en attendant la promulgation du nouveau code, en 2002. Dans le paragraphe 162 du rapport à l'examen sont énumérées les conditions du placement en détention provisoire, mais il est dit à la dernière ligne que la détention provisoire peut être prononcée sans autorisation «vu l'urgence». Il est encore question de «cas d'urgence» à l'alinéa a du paragraphe 167. Ce type de dérogation appelle quelques explications supplémentaires.

27. La durée maximale de la détention provisoire est actuellement de deux ans mais, selon certains renseignements, elle atteindrait en pratique jusqu'à quatre ans. Le nouveau Code de procédure pénale fixera-t-il une limite différente? Enfin, Mme Chanet souhaiterait savoir à quel moment de la procédure, entre l'arrestation et le jugement, l'avocat est autorisé à intervenir.

28. Mme MEDINA QUIROGA se dit très préoccupée par tout ce qui se rapporte à la privation de liberté dans le rapport à l'examen. Ainsi, au paragraphe 158 il est dit, à propos des personnes placées en institution de soins qu'«il faudrait renforcer la position du patient par l'intervention d'un avocat». On comprend mal dans quelles conditions celui-ci peut intervenir puisqu'il est dit au paragraphe 156 que «le consentement du malade n'est pas requis aux fins […] de traitement».

29. Selon les paragraphes 161 et suivants, il semble qu'il y ait trois formes de privation de liberté: «Arrestation, détention provisoire, détention». Mais si l'on rapproche le paragraphe 162, qui définit les conditions de mise en détention provisoire – notamment l'alinéa c, où il est question de «prévenir de nouveaux crimes» –, du paragraphe 165, où il est dit qu'il peut s'agir d'une «mesure d'urgence», ces distinctions deviennent floues et mériteraient d'être précisées. Dans le même ordre d'idées, il conviendrait d'expliquer l'«urgence» mentionnée aux paragraphes 162, 165 et 167. Au paragraphe 169 il est aussi question de la possibilité «de prendre une autre mesure d'urgence». On souhaiterait connaître l'ordre de grandeur des délais dont il s'agit et savoir comment se résout la situation en cas de force majeure.

30. Il est précisé au paragraphe 185 que la détention provisoire est plus fréquente dans le cas des étrangers, «même pour des infractions mineures». Il est étonnant que la détention provisoire soit prononcée pour de telles infractions. D'autre part, on apprend au paragraphe 193 que la durée de la détention provisoire peut être portée à quatre ans pour les infractions «passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de huit ans». Il y a une évidente disproportion entre les deux chiffres, voire une absurdité si l'infraction est passible d'une peine d'emprisonnement minimale de durée inférieure à celle de la détention provisoire.

31. Passant ensuite à l'article 10 du Pacte, Mme Medina Quiroga souhaiterait savoir comment les détenus sont protégés des sanctions abusives en prison. En outre, une loi adoptée en 2000 permettrait de détenir dans les mêmes locaux les jeunes et les adultes, ce qui est contraire au paragraphe 2 de cet article.

32. Pour ce qui est de l'article 14 du Pacte, le paragraphe 243 du rapport évoque les «ordonnances portant sanction» prévues dans le Code de procédure pénale. Il s'agit apparemment d'une décision rendue par le tribunal sans entendre les parties, la peine pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement. Le prévenu ne bénéficie-t-il donc d'aucune sauvegarde?

33. Il y a aussi le problème de l'aide juridictionnelle. Selon l'article 40 de la Charte, cité au paragraphe 256, «L'accusé a le droit de bénéficier de l'assistance gratuite d'un défenseur, dans certains cas fixés par la loi», mais si on lit le paragraphe 258, il devient clair que l'intervention de l'avocat dans ces conditions est aléatoire.

34. Les arrêts de la Cour constitutionnelle tchèque sont d'une très grande importance du point de vue de l'exercice des droits de l'homme. Or, les notes 45 et 46 évoquent plusieurs cas où il n'a pas été donné suite à ses décisions. Il existe sans doute un mécanisme qui entre en jeu dans ce genre de situation et il est permis de se demander pourquoi il n'a pas fonctionné dans les cas mentionnés.

35. M. KRETZMER fait siennes les questions qu'ont posées les deux membres qui l'ont précédé à propos de la privation de liberté. Il souhaiterait en plus recevoir des précisions sur la manière dont est appliquée la condition du «délai raisonnable» fixée au paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte, puisqu'il est dit au paragraphe 194 du rapport que la durée moyenne de la détention provisoire continue de se situer «entre 190 et 200 jours». Comme il s'agit d'une moyenne, on imagine qu'il y a de nombreux cas où la détention dure beaucoup plus longtemps. Dans le même ordre d'idées, si, comme il est dit au paragraphe 175, les tribunaux font droit «dans 90 % des cas» aux demandes de placement en détention provisoire présentées par le procureur, c'est que la décision en matière de détention provisoire appartient en fait au procureur et pas vraiment aux tribunaux. Le mécanisme du contrôle judiciaire semble donc assez inefficace.

36. M. Kretzmer s'étonne lui aussi d'apprendre au paragraphe 243 que quelqu'un peut en République tchèque être mis en détention sur «ordonnance portant sanction», c'est-à-dire être emprisonné jusqu'à un an sans être jugé. Comme l'aide juridictionnelle n'est vraiment acquise que si l'on encourt une peine de plus de cinq ans, il semblerait que la personne ainsi «sanctionnée» ne puisse en bénéficier. Des précisions à ce sujet, notamment des données statistiques sur l'aide juridictionnelle, seraient bienvenues.

37. Selon les témoignages des organisations non gouvernementales, il arrive parfois que la défense ne soit pas autorisée à citer des témoins à décharge. La délégation tchèque peut-elle s'en expliquer? Quant aux experts, est-il vrai que ne sont admis à témoigner que ceux qui sont préalablement inscrits sur une liste tenue par le tribunal? L'aide juridictionnelle couvre-t-elle les frais d'expertise et autres frais de la défense?

38. Selon le paragraphe 325, il est possible de consulter les dossiers de l'ancienne police de sécurité de l'État, mais l'accès aux fichiers est soumis à des contraintes qui ne sont pas négligeables. Ainsi, les non-Tchèques n'en bénéficient pas. Quelle est à cet égard la situation des personnes qui n'ont plus la nationalité tchèque, ou celle des parents non tchèques d'un Tchèque décédé?

39. Enfin, le paragraphe 322 évoque les plaintes pour suppression de la liberté d'expression qui émanent de groupes incitant à la haine ethnique ou raciale. Or, il y a une loi interdisant la constitution de tels groupes. Des éclaircissements seraient nécessaires.

40. M. SOLARI YRIGOYEN dit qu'au paragraphe 148 du rapport on peut lire que la durée du service civil est égale à une fois et demie la durée du service de base dans l'armée, sans que celle-ci soit précisée. Il voudrait donc savoir en quoi consiste concrètement le service civil et par quelles autres caractéristiques il diffère du service de base. Dans le même paragraphe il est indiqué que «le Gouvernement peut réduire la durée du service civil de sa propre autorité» ce qui appelle une explication. Y a-t-il un projet en préparation visant à réduire la durée du service civil pour tous, ou bien s'agit-il de décisions individuelles prises au cas par cas? Dans cette dernière hypothèse, de qui relève les décisions et de quel degré de latitude le responsable dispose-t-il?

41. En ce qui concerne la discrimination raciale, M. Solari Yrigoyen a l'impression que la législation permettant de poursuivre un individu pour haine raciale est très peu fréquemment invoquée et s'inquiète du fait que pour certains délits la qualification de coups et blessures soit souvent retenue simplement lorsqu'il s'agit à l'évidence de crimes de haine raciale; il demande donc si le caractère raciste d'un acte constitue alors au moins une circonstance aggravante. Le Comité a connaissance de nombreux témoignages attestant d'un climat croissant de haine raciale dans l'État partie, notamment contre les Juifs, les Musulmans et les Roms, et l'État ne semble pas toujours faire preuve de la sévérité voulue. Selon des sources extérieures par exemple un groupe de «skinheads» qui aurait insulté et violenté des Roms dans un bar en février 2001 aurait bénéficié d'une totale impunité. Bien que les coupables aient été dénoncés à la police, les policiers ne les auraient pas arrêtés et n'auraient pas même consigné leur nom par écrit, traitant l'incident comme une simple rixe et non comme une agression raciste. M. Solari Yrigoyen s'étonne de cette apparente complicité entre policiers et «skinheads» et voudrait comprendre qui sont ces «skinheads», quelle est leur place dans la société et quelle est l'ampleur du phénomène.

42. M. AMOR fait siennes les préoccupations qui ont déjà été exprimées au sujet des articles 9 et 14 du Pacte. Il ajoute qu'il n'a pas bien saisi la place du Pacte et celle de la Charte des droits dans l'ordre juridique tchèque. Il demande si la Charte équivaut à ce que l'on appelle dans certains pays des lois organiques, c'est-à-dire des lois qui ne peuvent être modifiées qu'à une majorité renforcée, ou bien si son contenu constitue un bloc de constitutionnalité.

43. Pour ce qui est de la liberté de religion, M. Amor a lu avec intérêt les paragraphes 311 à 318 du rapport mais estime qu'ils pourraient être clarifiés. Il faudrait ainsi savoir quelles sont les conditions à remplir, outre le nombre de fidèles, pour pouvoir être enregistré en tant que mouvement religieux. Il demande de plus si l'administration est tenue d'enregistrer tout mouvement remplissant les conditions ou bien si elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire et, si tel est le cas, sur quels critères elle peut refuser l'enregistrement. Il remarque par ailleurs qu'au paragraphe 317 est utilisée l'expression «secte dangereuse et extrémiste», sans que celle-ci ne soit définie. Or, il estime que si aucun critère objectif n'existe pour définir la dangerosité et l'extrémisme, il existe un risque réel de refus arbitraire. L'enseignement religieux est lui aussi abordé de façon trop brève dans le rapport. Il serait bon que la délégation indique quelles églises sont autorisées à dispenser un enseignement religieux et quels pourcentages d'élèves suivent les différents types d'enseignement religieux. Les associations religieuses qui ne sont pas enregistrées mais dont les fidèles sont en nombre important dans une localité ont-elles la possibilité de proposer un enseignement spécifique? Enfin, il voudrait avoir la réaction de la délégation tchèque aux manifestations d'intolérance observées à Brno lors de la construction d'une mosquée et en raison desquelles on a renoncé à doter la mosquée d'un minaret.

44. M. VELLA souhaiterait que soit clarifié l'article 40, paragraphe 4 de la Charte des droits, en vertu duquel un accusé a le droit de refuser de témoigner; il se demande en effet si cette disposition doit être interprétée comme permettant à un accusé de refuser de témoigner si on le lui demande ou comme signifiant que le droit des accusés de garder le silence est garanti et qu'on ne peut pas leur demander d'être témoins. Il voudrait également en savoir plus sur la procédure de nomination des juges. Il semble que les juges soient nommés par le Président, mais le rapport ne dit rien des diplômes et de l'expérience nécessaires pour être candidat à un poste de juge, ni des procédures et critères de sélection.

45. M. SCHEININ remercie la délégation tchèque des précisions qu'elle a apportées au sujet de l'interprétation des articles 87 et 88 de la Constitution; il continue toutefois à penser que l'existence de la catégorie des lois constitutionnelles représente un risque pour l'applicabilité du Pacte, et en particulier des garanties prévues pendant l'état d'exception, si une loi constitutionnelle acquiert le même rang que le Pacte.

46. Pour ce qui est des avis ou décisions des tribunaux internationaux qui, en vertu du paragraphe 1 i de l'article 87 de la Constitution de la République tchèque, requièrent un arrêt de la Cour constitutionnelle pour être exécutés, d'une part du seul fait que ces décisions émanent de tribunaux internationaux, elles sont contraignantes et ne devraient pas passer devant la Cour constitutionnelle et d'autre part le cas de ces avis est différent de celui des constatations du Comité; celles-ci relèvent, non pas de l'alinéa i, mais des alinéas a et b du paragraphe 1 de l'article 87 de la Constitution. La Cour constitutionnelle est donc habilitée à trancher dans le cas où une disposition de la législation interne est en contradiction avec un «traité international», ce qui pose un problème si la Cour constitutionnelle a une interprétation différente de la disposition du traité international – en l'occurrence le Pacte – de celle de l'organe chargé d'en surveiller l'application – le Comité. M. Scheinin demande donc si, dans le cadre du processus d'examen de la procédure de traitement des plaintes émanant de particuliers entrepris par les autorités tchèques, celles-ci envisagent d'étudier la question de savoir si les dispositions du paragraphe 1 a et b de l'article 87 de la Constitution sont suffisantes pour donner suite aux recommandations du Comité au titre du Protocole facultatif.

47. M. SHEARER souhaiterait avoir davantage de précisions sur la loi de dépistage évoquée au paragraphe 391 du rapport, qui exclut certaines personnes de certains postes clefs dans l'administration. En effet, il est dit qu'il a été décidé que cette loi resterait en vigueur jusqu'en 2000; or, il semble qu'elle continue d'être appliquée. Il se demande quelle est la technique législative employée et si elle est assortie d'une clause d'extinction ou s'il faut au contraire adopter un autre texte pour l'abroger.

48. Sir Nigel RODLEY revient sur la question de la suite donnée aux constatations du Comité dans les deux affaires citées au point 2 de la liste, rappelant qu'il n'était pas encore membre du Comité quand elles ont été examinées. Il se demande comment il est possible de qualifier de raisonnable et d'objectif un critère qui fait du pays vers lequel un individu s'est enfui l'élément déterminant pour savoir s'il a ou non perdu sa citoyenneté.

49. Concernant l'article 9, Sir Nigel Rodley relève au paragraphe 171 du rapport que la Charte a été modifiée de façon à porter le délai de garde à vue de 24 à 48 heures, ce qui ne laisse pas d'être déconcertant en soi. De plus, il faut savoir si le délai de 48 heures court dès le moment de l'interpellation, même dans le cadre d'un flagrant délit et si cette détention est effectuée dans les locaux de la police ou dans d'autres lieux. Toujours concernant l'article 9, malgré tous ses efforts, Sir Nigel Rodley n'a pas réussi à comprendre sur quoi portait la décision de la Cour constitutionnelle visée au paragraphe 197 du rapport et souhaiterait une explication.

50. Passant à l'article 10, Sir Nigel Rodley s'étonne de lire (par. 205) que le droit de visite des personnes détenues avant jugement soit limité à 30 minutes seulement toutes les trois semaines, ce qui est très dur, et demande si ce droit peut encore être restreint dans le cadre de sanctions disciplinaires (par. 208). Le tableau figurant au paragraphe 214 est très utile et fait apparaître une baisse du pourcentage de détenus avant jugement par rapport aux condamnés mais cette réduction est uniquement due à une hausse du nombre de condamnés et de fait la population carcérale a augmenté de 50 %. D'une manière générale, Sir Nigel Rodley aimerait avoir des précisions sur les politiques pénitentiaires de l'État partie et des informations sur la capacité carcérale totale et la population carcérale réelle.

51. Sur la question de la liberté de la presse, la délégation a mentionné une affaire où le parquet a ordonné l'abandon des poursuites engagées contre un journaliste, ce qui est très encourageant. Il serait utile d'entendre aussi des observations au sujet d'une affaire qui a été portée à l'attention du Comité et qui concerne un journaliste qui a été harcelé par la police après avoir publié des articles dénonçant diverses violations de la loi par la police municipale notamment des actes de violence, et affirmant que les enquêtes aient été arrêtées à la suite de pressions politiques. En réaction à ces articles le vice-directeur de la police municipale aurait déposé une plainte pénale contre le journaliste pour diffamation; si les faits sont exacts – ce que la délégation est invitée à confirmer ou démentir – il y aurait là une grave atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de la presse d'une part et d'autre part une explication à la réticence des victimes de violations à dénoncer les exactions commises par la police.

52. M. GLELE AHANHANZO dit qu'en juillet 1999 le Centre de documentation des droits de l'homme de Prague a déposé une plainte devant la Cour constitutionnelle contre une municipalité et contre le Ministère de l'éducation pour ségrégation, à cause du placement des enfants roms dans les écoles spécialisées pour handicapés mentaux. Il voudrait savoir quelle suite a été donnée à cette action, si une décision est intervenue et apprécierait que le texte en soit communiqué. Il voudrait en outre que la délégation précise quelle est la nature des mesures de substitution à l'emprisonnement à l'intention des mineurs.

53. Le PRÉSIDENT invite la délégation tchèque à répondre aux questions qui viennent d'être posées.

54. M. JAØAB (République tchèque) dit que la délégation s'efforcera de répondre du mieux qu'elle peut aux nombreuses questions, compte tenu du peu de temps dont elle dispose pour le faire. Toute d'abord, en ce qui concerne l'intolérance religieuse, il faut savoir que la République tchèque est un pays très peu religieux et que la réaction xénophobe suscitée par la construction d'une mosquée s'explique davantage par un malentendu culturel dû à la vision stéréotypée qu'ont la plupart des Tchèques de l'Islam que par une véritable intolérance religieuse. Il précise que le mot «secte» n'est pas utilisé dans la loi. En ce qui concerne l'enregistrement des communautés religieuses, de nouveaux critères ont été définis. Les communautés qui font l'apologie du racisme ou de l'intolérance religieuse ne peuvent être enregistrées comme associations religieuses, comme il est stipulé dans un texte de loi dont copie sera adressée au Comité. En ce qui concerne le racisme, il convient de préciser que depuis l'établissement du rapport initial très peu d'affaires ont été portées devant les tribunaux. Des progrès spectaculaires ont été accomplis, en particulier depuis un an et demi, et les «skinheads» sont de moins en moins inculpés d'actes d'agression mais sont maintenant traduits en justice surtout pour propagande. Le service militaire dure un an, contre un an et demi pour le service civil de remplacement, ce qui n'est pas ressenti comme une punition par les jeunes dont actuellement la majorité choisissent de l'exécuter. Le Gouvernement prévoit d'abolir le service obligatoire dans quelques années.

55. La détention avant jugement est un problème très sérieux. La durée moyenne est passée d'environ 200 à 160 jours, ce qui reste excessif. Le Gouvernement tchèque en a conscience et la réforme du Code de procédure pénale vise notamment à accélérer le traitement des affaires. La possibilité pour un tribunal de condamner un prévenu par ordonnance portant sanction à une peine maximale d'un an est extrêmement controversée. Elle présente certes l'avantage d'être une procédure rapide mais d'aucuns – à commencer par le Conseiller pour les droits de l'homme objectent qu'une peine d'emprisonnement ne devait être imposée par simple décision judiciaire, alors que les délits mineurs peuvent être sanctionnés par des amendes ou travaux d'intérêt général. Le nouveau Code de procédure pénale, qui entrera en application le 1er janvier 2002, prévoira cette possibilité. Quoi qu'il en soit, le prévenu peut fait appel et demander que la procédure ordinaire lui soit appliquée.

56. Pour ce qui est du journaliste dont il a été question, M. Jaøab ignore s'il est effectivement poursuivi pour diffamation mais se renseignera et suivra cette affaire de près.

57. La loi de dépistage est toujours en vigueur et son application a été prolongée indéfiniment par une modification du texte. Il s'agit d'une décision politique et il est vrai que la question prête à controverse.

58. La confusion entre les termes «arrestation», «détention» et «détention provisoire» résulte essentiellement de difficultés de traduction du tchèque vers l'anglais, et par conséquent vers d'autres langues aussi. Ainsi au paragraphe 165, il devrait s'agir d'une «arrestation» et non d'un «placement en détention provisoire».

59. M. SOVAK (République tchèque) dit que les seules interprétations divergentes de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême ont concerné le service militaire. Ce problème a été résolu. M. Sovak explique rapidement la décision de la Cour constitutionnelle évoquée au paragraphe 197 du rapport.

60. La réglementation des visites aux prisonniers a été modifiée et les détenus ont maintenant le droit de recevoir la visite de quatre personnes au maximum, pendant une heure toutes les deux semaines, voire plus fréquemment ou pour une durée plus longue. En ce qui concerne les crimes à connotation raciste, il faut préciser que le Code pénal réprime désormais les agressions verbales ou physiques à caractère raciste.

61. M. JAØAB (République tchèque) précise que le motif raciste d'une infraction constitue une circonstance aggravante qui entraîne donc une peine plus sévère.

62. M. SOVAK (République tchèque) explique ensuite les procédures de nomination des juges. Les candidats à la fonction de juge suivent une formation qui dure trois ans et est sanctionnée par un examen final. Ils sont ensuite nommés par le Président de la République pour une durée non déterminée. Il n'y a aucun risque d'ingérence de la part du Ministre de la justice.

63. En ce qui concerne les témoignages, les prévenus comme les victimes peuvent demander l'intervention d'experts. Le témoignage de ces derniers a la même force que celui des experts nommés par le Ministère de la justice. En vertu du nouveau Code de procédure pénale, les raisons du placement en détention doivent être clairement définies. La mise en détention, proposée par le Procureur général, est approuvée par les tribunaux dans 90 % des cas. Il conviendrait de sensibiliser les juges à ce problème. La détention ne peut excéder deux ans, voire quatre ans dans certaines affaires portées devant des juridictions supérieures. Les mineurs peuvent être placés en détention quand aucune autre mesure n'est possible.

64. M. JAØAB (République tchèque) précise que l'expression «refuser de témoigner» dans le cas d'un inculpé employée au paragraphe 268 du rapport relève d'une erreur de traduction; cela veut simplement dire que l'accusé a le droit de ne pas répondre à une question. En ce qui les anciens ressortissants tchécoslovaques, il confirme qu'ils ont accès aux dossiers tenus par l'ancienne police de sécurité de l'État, même s'ils ne sont pas tchèques aujourd'hui.

65. M. BURES (République tchèque) précise que la durée de la détention provisoire ne peut excéder 48 heures. L'article 76 du Code de procédure pénale dispose que les détenus ont le droit de faire appel à un avocat et de le consulter à tout moment. Concernant les actes criminels à caractère raciste, il importe de souligner que le Ministère de l'intérieur a pris différentes mesures, notamment la nomination, dans chaque district, d'un policier spécialiste des crimes à caractère extrémiste. Il a publié un rapport sur les crimes haineux, qui comporte des statistiques très précises. Tout crime de ce type doit maintenant être signalé au Ministère de l'intérieur par les services de police.

66. Pour ce qui est de l'accès à un avocat, l'article 36 du Code de procédure pénale dispose que l'accusé doit être assisté d'un avocat s'il est en détention ou en observation dans un établissement de soins. Il est certain qu'il faudrait garantir aux personnes placées sans leur consentement dans un hôpital psychiatrique l'accès à un avocat et le Conseiller pour les droits de l'homme a proposé une modification du Code de procédure civile. Le Ministère de la justice en est actuellement saisi et selon toute vraisemblance devrait lui donner une suite favorable.

67. M. SOVAK (République tchèque) ajoute que tout inculpé doit obligatoirement être défendu par un avocat lorsqu'il encourt une peine lourde, lorsqu'il est mineur ou encore lorsqu'il est emprisonné pour un autre fait.

68. Le président remercie la délégation tchèque de s'être prêtée de bonne grâce au dialogue avec le Comité, qu'elle a su rendre fructueux. Il se félicite des progrès accomplis par la République tchèque sur le chemin de la démocratie et de la mise en place d'un Médiateur et d'un Conseil des droits de l'homme. Certains points restent toutefois préoccupants. Il s'agit tout d'abord de la place du Pacte dans le droit interne tchèque. L'article 10 de la Constitution l'intègre au droit interne et lui donne la primauté mais la relation entre le Pacte et la Charte sur les libertés et droits fondamentaux n'est toujours pas claire. Le rapport fait mention des textes adoptés par le Parlement sans donner d'indications précises sur la situation concrète. Il est regrettable que les femmes soient si peu représentées au Parlement et que le Gouvernement actuel ne compte pas une seule femme parmi ses membres. Les femmes sont également en nombre insuffisant dans l'administration. Aucun chiffre n'a été fourni concernant leur participation dans le secteur privé. La situation des Roms a été évoquée par quasiment tous les membres du Comité. Le Gouvernement semble avoir pris des mesures pour améliorer la situation socioéconomique de cette communauté, sans obtenir toutefois de résultat probant. Les enfants roms représentent la moitié des effectifs des écoles spéciales, où 75 % d'entre eux sont scolarisés. Il faut se féliciter que des efforts soient en cours pour intégrer ces enfants dans les écoles primaires. À l'heure actuelle, 70 % des roms sont sans emploi. Ce chiffre monte à 90 % dans certaines régions alors que le taux de chômage total varie entre 5 et 10 %. Enfin, il importe que le Gouvernement mette un terme à l'impunité dont jouissent les policiers.

69. Le Comité des droits de l'homme fera tenir au Gouvernement ses observations finales sur l'examen du rapport et ne doute pas que le prochain rapport reflétera les mesures pour donner suite à ses recommandations.

70. La délégation tchèque se retire.


La séance est levée à 13 h 10.

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