Distr.

GENERALE

CAT/C/SR.229
20 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 229ème séance : Denmark. 20/11/95.
CAT/C/SR.229. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CAT
COMITE CONTRE LA TORTURE

Quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIERE PARTIE (PUBLIQUE)*
DE LA 229ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 14 novembre 1995, à 15 heures.

Président : M. DIPANDA MOUELLE

SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties en application de l'article 19 de la Convention (suite)

- Deuxième rapport périodique du Danemark (suite)



* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.229/Add.1, le compte rendu de la troisième partie (publique) de la séance, sous la cote CAT/C/SR.229/Add.2; et le compte rendu de la quatrième partie (privée) de la séance, sous la cote CAT/C/SR.229/Add.3.



Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique, qui sera publié peu après la cl_ture de la session.

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Danemark (suite) (CAT/C/17/Add.13; HRI/CORE/1/Add.58)

1. Sur l'invitation du Président, la délégation danoise, composée de M. Mikaelsen, M. Reimann, M. Hendriksen, Mme Cohn, Mme Schouenborg et M. Frederiksen, prend place à la table du Comité.

2. M. REIMANN (Danemark) appelle tout d'abord l'attention sur plusieurs documents que sa délégation vient de mettre à la disposition du Comité : un fascicule sur la police danoise, une brève présentation de l'administration de la justice au Danemark, diverses modifications récemment apportées au Code pénal danois, les textes de la loi sur l'administration de la justice, de la loi sur l'extradition et de la loi sur l'indemnisation des victimes, une circulaire relative aux modalités de notification de décisions judiciaires aux prisonniers, une nouvelle traduction de la loi danoise sur les étrangers, une circulaire suspendant le recours par la police au "verrouillage des jambes" lors des arrestations et enfin, la copie d'informations destinées aux détenus concernant leurs droits et leurs devoirs.

3. M. Reimann s'efforcera de répondre de son mieux à toutes les questions fort pertinentes posées à la séance précédente par les membres du Comité. La première de celles-ci concernait le système dualiste appliqué au Danemark pour incorporer les instruments internationaux au droit interne. Ce système, décrit dans le document de base HRI/CORE/1/Add.58, repose sur deux principes constitutionnels essentiels : le premier veut que les obligations qui incombent au Danemark en droit international soient contractées par l'Etat en tant que tel, leur application effective devant être prévue par la législation interne. Tous les textes pertinents doivent donc être passés en revue pour s'assurer de leur conformité auxdites obligations. C'est là une disposition fort judicieuse qui va dans le sens de la démocratie, dans la mesure où le Parlement est tenu de s'intéresser de très près à la mise en oeuvre des instruments internationaux. Ainsi, la tâche de se renseigner sur les dispositions des conventions internationales et de les interpréter n'est pas laissée à la seule initiative du fonctionnaire, du juge ou du policier. Il faut ajouter que ce système est complété par deux principes qui veulent d'une part que l'interprétation de tout texte législatif doit se faire dans le respect des normes internationales, et d'autre part que toute loi, et notamment toute loi nouvelle, doit être présumée en accord avec les obligations internationales du pays - et qu'elle doit être interprétée dans ce sens.

4. Répondant à une question de M. Slim, M. Reimann précise que les normes et traités internationaux ne l'emportent pas sur la Constitution danoise, laquelle est la protection juridique suprême au Danemark. Le gouvernement ne peut signer aucun instrument international qui ne serait pas conforme à la Constitution, pierre angulaire du système juridique danois. Mais les tribunaux peuvent abroger entièrement ou partiellement toute loi non conforme à la Constitution, ou en élargir la portée pour la rendre compatible avec celle-ci.Le Danemark a effectivement, et c'est une conséquence du système dualiste, incorporé la Convention européenne des droits de l'homme dans sa législation, estimant que cette Convention un peu particulière appelait des mesures spéciales d'application; en effet, les droits dont il s'agit sont très précis et ne concernent pas tant l'Etat que les individus, qui doivent pouvoir directement s'en prévaloir. De plus, ladite Convention est dotée d'un système de contr_le dynamique, qui exige que les textes soient constamment réexaminés à la lumière de la Convention, ou encore que celle-ci, ainsi que les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment, soient effectivement incorporées à la législation. On notera par ailleurs qu'une nouvelle loi a été présentée au Parlement pour l'application des neuvième, dixième et onzième Protocoles se rapportant à ladite Convention.

5. M. Regmi a demandé si la loi danoise permettait effectivement de châtier les personnes s'étant rendues coupables de torture. On peut affirmer que c'est bien le cas, puisque lorsque la Convention est entrée en vigueur au Danemark, la législation a été réexaminée de fond en comble avec l'aide du procureur général : il est ressorti de cet examen que la législation pénale existante non seulement couvrait la Convention, mais qu'elle allait même beaucoup plus loin. Toutefois, il a fallu modifier l'article 8 du Code pénal, qui ne prévoyait pas la compétence universelle voulue par la Convention. La loi s'applique désormais quels que soient la nationalité du coupable et le lieu où les actes de tortures ont été commis; une affaire de ce genre, évoquée dans le rapport CAT/C/17/Add.13, a récemment été jugée : la personne en cause a été condamnée à huit ans d'emprisonnement ce qui, dans le système danois, est une lourde peine.

6. Il a été demandé si l'ombudsman avait la possibilité de faire appliquer les dispositions de la Convention. A ce propos, M. Reimann renvoie les membres du Comité au paragraphe 36 du document HRI/CORE/1/Add.58, où le r_le de ce médiateur est expliqué. Celui-ci a compétence pour agir soit lorsqu'il reçoit une plainte, soit de sa propre initiative; ce faisant, il peut invoquer non seulement la loi danoise, mais aussi les normes internationales. Il est habilité à inspecter les prisons danoises pour s'assurer, notamment, que l'interdiction de la torture y est respectée. Une commission spéciale vient d'ailleurs d'examiner les fondements juridiques de la mission de l'ombudsman; dans son rapport, elle précise que celui-ci devra procéder à des inspections systématiques des prisons, conformément à une recommandation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Une nouvelle loi est en préparation à cet effet. Il est à noter que ces dernières années, l'ombudsman n'a relevé aucun cas de torture dans les prisons danoises, ce qui est conforme aux constatations du CPT.

7. Le système de traitement des plaintes contre la police évoqué dans le précédent rapport du Danemark (CAT/C/5/Add.4) va être aboli et remplacé, le 1er janvier 1996, par un nouveau dispositif qui mettra davantage les services de police à l'écart du traitement des plaintes portées à leur encontre : désormais, celles-ci seront adressées à l'office du procureur régional, organe complètement indépendant de la police. Le procureur instruira les plaintes, et un organe distinct composé de juristes indépendants s'assurera que ces enquêtes sont menées de manière efficace et pourra éventuellement contester auprès du procureur général la suite donnée aux plaintes par le procureur régional. L'organe local de la police qui recevait jusqu'à présent les plaintes servira dorénavant d'instance de discussion avec les responsables politiques locaux sur des questions d'ordre général. Il faut bien souligner que le nouveau système de traitement des plaintes contre la police fonctionnera de manière autonome, toute personne s'estimant lésée pouvant directement porter plainte auprès du procureur régional. Parallèlement à ce dispositif, si un policier a commis une infraction et, par exemple, blessé quelqu'un, la victime peut saisir directement les tribunaux pour engager des poursuites pénales. Enfin, toute personne ayant subi des mauvais traitements peut s'adresser aux tribunaux civils pour obtenir réparation, même s'il n'y a pas matière à poursuites pénales. Une affaire de ce genre est en cours actuellement.

8. En matière d'indemnisation, la règle fondamentale en vigueur au Danemark veut que la victime d'une infraction ait le droit de réclamer réparation alors même que le procès pénal est en cours : elle peut alors demander au juge de se prononcer en même temps sur sa demande d'indemnisation. Toutefois, si l'affaire risque de s'en trouver compliquée, et pour éviter de prolonger indûment le procès pénal, ce qui porterait atteinte aux droits de l'accusé, le tribunal peut décider que la demande d'indemnisation sera portée devant une instance civile. En cas de coups et blessures, la victime peut bénéficier des services d'un avocat qui l'aidera à formuler sa demande d'indemnisation et exposera l'affaire au tribunal. Aucune limite supérieure n'est fixée pour le dédommagement que pourrait recevoir une victime, et celle-ci ne doit remplir aucune condition particulière pour prétendre à réparation. Il faut souligner que tout plaignant est libre de choisir de porter son affaire devant les tribunaux civils, s'il souhaite par exemple avoir davantage de contr_le sur la procédure. D'autre part, si le ministère public a décidé qu'une affaire ne relevait pas de la justice pénale, la victime n'a alors d'autre choix que de s'adresser aux tribunaux civils. Il est à noter que ces derniers ne sont aucunement liés par une décision prise à l'issue du procès pénal. Il s'agit de deux problèmes très différents : la justice pénale juge si l'accusé doit être puni en vertu de critères précis (violation du Code pénal notamment), cependant qu'en matière d'indemnisation, la question n'est pas de savoir s'il y a eu faute, mais négligence.

9. La question de l'indemnisation par l'Etat a été soulevée. Au Danemark, la victime de violences peut demander à être indemnisée par l'Etat, en cas de blessure par exemple. Le montant attribué est celui qu'un tribunal aurait fixé si l'affaire avait été jugée, mais lorsque l'auteur des violences ne peut être retrouvé, par exemple, il ne peut y avoir procès et c'est une commission spécialisée qui se prononce sur la question de l'indemnisation. Une victime a droit à réparation que le coupable soit appréhendé ou non et qu'il soit solvable ou non. La commission chargée de ces affaires indemnise la victime, puis se retourne le cas échéant contre l'auteur de l'infraction. Outre l'indemnisation versée par l'Etat, la victime peut réclamer un complément de dédommagement à l'auteur de l'infraction, par exemple pour les dommages causés à ses biens.

10. S'agissant de l'application des articles premier et 4 de la Convention, il est exact que le Code pénal danois ne comporte pas de définition de la torture. Il faut rappeler à ce sujet que ledit code a une portée plus vaste que la Convention : introduire une définition de la torture en réduirait le champ d'application, serait source d'une certaine confusion et pourrait donner lieu à l'acquittement de certaines personnes accusées de torture - alors que si elles sont accusées de tels ou tels actes de violence bien précis, la charge de la preuve est moins contraignante. Bien entendu, si une lacune apparaissait dans le Code pénal à la lumière de l'expérience, la question serait aussit_t réexaminée.

11. A propos d'une affaire précise, plusieurs membres du Comité ont émis des réserves sur la décision du juge selon laquelle il n'y avait pas eu de torture. M. Reimann souligne que ce juge a statué après avoir entendu les témoins et au vu de tous les éléments disponibles; pour sa part, il se refuserait à remettre en cause la décision d'un juge danois indépendant et impartial. Au reste, il serait contraire à tous les principes démocratiques qu'un fonctionnaire du gouvernement critique une décision d'un représentant du pouvoir judiciaire. Quoi qu'il en soit, le Comité apprendra peut-être avec intérêt que parallèlement à la procédure judiciaire, des négociations ont eu lieu entre le Ministère de la justice et l'avocat du plaignant, qui ont abouti au versement préliminaire de 10 000 dollars d'indemnisation, en attendant que la question de l'invalidité éventuelle de l'intéressé soit tranchée par l'organe compétent.

12. En ce qui concerne le principe énoncé au paragraphe 3 de l'article 2, M. Reimann renvoie le Comité à l'article 33 du Code pénal danois et précise que tout subordonné qui participerait sur l'ordre de son supérieur à la commission d'un acte illégal, de torture ou autre, s'exposerait aux mêmes sanctions que son supérieur. Il ne connaît aucune affaire dans laquelle un subordonné aurait refusé d'exécuter un ordre de soumettre quiconque à la torture - sans doute un tel ordre n'a-t-il jamais été donné.

13. S'agissant, plus généralement, des mesures législatives prises par l'Etat danois en vue de s'acquitter des obligations contractées en vertu de l'article 2 de la Convention, M. Reimann renvoie les experts à l'article 8, paragraphe 5, du Code pénal danois ainsi qu'à la nouvelle procédure de plainte contre les actes des forces de police, dont il a fait état à la séance précédente, et appelle leur attention sur les nouveaux règlements administratifs dont le texte a été communiqué au Comité. Il signale à cet égard qu'une circulaire établissant l'obligation des autorités de police de respecter le droit des détenus de se mettre en rapport avec des tiers - un avocat, un médecin ou des membres de leur famille, par exemple - est en cours de préparation : le Ministère de la justice a fait tenir un premier projet de circulaire aux responsables des services de police et de santé ainsi qu'à la commission nationale de juristes et tiendra compte des observations faites par ces personnes aux fins de l'établissement d'un texte définitif, qui sera publié sous peu. Il y a lieu de signaler par ailleurs que, depuis la date d'établissement du rapport à l'examen, des directives ont été données aux autorités pénitentiaires et aux responsables des maisons d'arrêt afin que les détenus soient informés en des termes clairs des actes de justice les concernant.

14. Pour ce qui est de l'application de l'article 3 de la Convention, les autorités compétentes affirment avoir refusé dans plusieurs cas d'extrader une personne vers un autre Etat où, selon les renseignements disponibles, il y avait des motifs de craindre qu'elle ne soit soumise à la torture. M. Reimann ne peut citer aucun chiffre sur le nombre de cas, car ces données-là sont confidentielles en vertu de la législation danoise.

15. En ce qui concerne l'obligation d'enseignement et d'information établie à l'article 10, M. Reimann indique que, dans les écoles danoises, les enfants sont sensibilisés à la question des droits de l'homme à l'aide d'un matériel d'information établi par le Comité national pour l'UNICEF et des organisations non gouvernementales reconnues, tandis que, dans les universités, les facultés de droit, de médecine, de théologie et de sociologie offrent des cours d'enseignement général et spécialisé concernant les droits de l'homme. En outre, un effort de formation continue est fait en direction du personnel chargé de l'application des lois, des agents de l'administration pénitentiaire et des magistrats. Dans les recommandations qu'il a présentées concernant les moyens d'empêcher et de régler les conflits survenant dans les milieux carcéraux, le groupe de travail établi par l'administration pénitentiaire a d'ailleurs insisté sur la nécessité de renouveler l'enseignement dispensé au personnel des prisons et d'instituer à son intention une formation d'appoint.

16. A l'issue des événements survenus les 18 et 19 mai 1993, au cours desquels la police a fait preuve de brutalité, les autorités danoises ont entrepris de revoir complètement les techniques de légitime défense employées par les forces de l'ordre : une étude sera présentée aux autorités médicales pour commentaire avant que les conclusions soient faites et intégrées selon qu'il conviendra aux cours de formation et aux instructions s'adressant aux forces de police.

17. Passant aux questions posées par les membres du Comité, le représentant du Danemark indique que le "verrouillage des jambes", qui a été interdit provisoirement, dans un premier temps, est désormais proscrit à jamais - les agents de police ont encore le droit, dans des circonstances particulières, d'entraver les jambes du détenu. Quant à la technique qui consiste à pendre par les menottes un détenu dont les poignets ont été attachés dans le dos, la délégation danoise a pu constater que la reproduction qui lui en avait été montrée n'était pas une photographie, mais un montage servant simplement d'illustration - et non de preuve - d'une méthode proscrite au Danemark et qui entraînerait des mesures disciplinaires pour tout agent de police qui y aurait recours.

18. En ce qui concerne l'isolement, M. Reimann renvoie le Comité aux règles qui ont été évoquées au cours de l'examen du précédent rapport du Danemark (CAT/C/SR.12, par. 52) et qui sont toujours en vigueur. Pour mémoire : l'isolement, qui est décidé par le juge quand les autres mesures de détention se révèlent être insuffisantes, ne dure pas plus de huit semaines, sauf dans les affaires pénales très graves passibles de peines d'emprisonnement de plus de six ans, le juge étant tenu de s'assurer régulièrement qu'il y a lieu de maintenir le détenu sous ce régime. Quant aux statistiques sur le nombre des cas de détention provisoire et leur durée, M. Reimann indique que, selon les données recueillies par les autorités pénitentiaires et l'administration des forces de l'ordre, 6 127 personnes ont été placées sous ce régime en 1994, la durée moyenne de détention étant de 48 jours; ces chiffres sont de 5 296 pour 1990, de 5 620 pour 1991 et de 6 017 pour 1993. L'isolement a été décidé dans 1 295 cas en 1994, les chiffres correspondants pour les quatre années 1990-1993 s'établissant à 1 189, 1 143, 1 144 et 1 251, respectivement. La situation est donc restée stable bien que le nombre de délits graves ait augmenté considérablement au cours de la période à l'examen. En 1994, 251 personnes ont été détenues en isolement durant 1 à 7 jours, 379 durant 8 à 14 jours, 120 durant 15 à 21 jours, 158 durant 22 à 28 jours et 387 durant plus de 28 jours. Par ailleurs, une étude scientifique sur les dommages psychiques que causerait éventuellement l'isolement a été entreprise; les résultats en seront soumis à la commission danoise du droit pénal, qui se prononcera sur l'opportunité de modifier les règlements applicables en la matière.

19. M. Reimann signale que les autorités danoises entendent revoir complètement l'administration de la justice au Groenland d'ici à 1997. L'entreprise est de taille et certes difficile, étant donné les circonstances particulières qui règnent dans cette partie du territoire danois. Les modifications à apporter à cet égard devront être pleinement acceptées par les autorités locales. L'un des objectifs est, bien entendu, de faire purger sur place les peines d'emprisonnement frappant les Groenlandais. Dans l'intervalle, des efforts sont faits pour améliorer les conditions de détention des Groenlandais purgeant des peines dans les prisons de la métropole et pour former comme il se doit le personnel de ces prisons.

20. Concernant les événements des 18 et 19 mai 1993, le représentant du Danemark fait observer que des émeutes de cette envergure sont chose rare dans son pays et qu'il faudra du temps pour tirer au clair les incidents regrettables survenus à cette occasion : un certain nombre de procédures ont été mises en route, qu'il se contentera de signaler afin de ne pas préjuger leur issue. Des rapports de plusieurs sources concernant ces événements ont été soumis au procureur général pour examen; l'ombudsman est lui aussi appelé à se prononcer sur ces rapports. Trois agents de police accusés d'avoir commis des actes de brutalité ont été déférés à la justice - l'un a été condamné par un tribunal municipal pour usage de matraque, puis acquitté par une instance supérieure. Plusieurs activistes ont été condamnés en première et deuxième instances puis ont reçu l'autorisation de saisir la Cour suprême.

21. S'agissant des personnes citées par Amnesty International, le représentant du Danemark indique que, dans l'affaire Andersen, le procureur régional n'a pas trouvé matière à poursuites pénales mais a estimé qu'il y avait lieu de blâmer les agents de police qui ont refusé toute nourriture à l'intéressée pendant 14 heures et l'ont privée de ses lunettes; il a été versé à la victime une indemnisation pécuniaire de 5 000 couronnes danoises. Les tribunaux ont été saisis des allégations d'actes de violence qu'auraient commis les forces de l'ordre à Christiania, mais le résultat de leur examen n'est pas encore disponible. Le procureur n'a pas trouvé matière à poursuites pénales contre les forces de l'ordre dans l'affaire Schou; une demande d'indemnisation de 1 400 000 couronnes a été introduite par l'avocat de l'intéressé devant le tribunal de grande instance. Il a déjà été fait état de l'affaire Fatty et de la décision prise par les juges en l'occurrence. Si les écarts de conduite de la part d'agents de la fonction publique ou de particuliers sont inévitables dans tout pays, il n'en demeure pas moins que les autorités danoises font leur possible pour éviter que les forces de l'ordre ne commettent de brutalités.

22. S'agissant des recommandations faites dans le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le représentant du Danemark indique que la plupart de celles-ci ont été suivies d'effet et que d'autres le seront encore, dès que faire se pourra, notamment celle qui concerne l'agrandissement des cours réservées aux détenus dans certaines prisons de Copenhague.

23. Quant aux mesures disciplinaires frappant les agents de police qui commettent des actes de violence dans l'exercice de leurs fonctions, tout agent reconnu coupable de tels actes est frappé d'une mesure de licenciement assortie d'une peine d'emprisonnement ou d'une mise à pied en cas de blâme; trois agents de police ont été poursuivis en 1992 pour des actes de violence, huit en 1993, huit encore en 1994 et deux en 1995, à ce jour. Le représentant du Danemark ne dispose d'aucun autre chiffre sur ce point.

24. Un membre du Comité a révoqué en doute l'équité de la règle suivant laquelle toute personne condamnée au pénal était également condamnée aux frais de représentation par un avocat commis d'office. Il y a lieu de noter que cette règle n'est pas appliquée dans le cas de personnes économiquement faibles et que l'acquittement entraîne l'exemption de tout frais de représentation même lorsque l'intéressé choisit lui-même son avocat.

25. M. SLIM souhaite qu'on lui précise si, au Danemark, la Convention a une autorité supérieure à la législation nationale et si, en cas de contradiction des lois avec la Convention, les magistrats font prévaloir la Convention sur les dispositions internes ou l'inverse.

26. Mme ILIOPOULOS-STRANGAS demande les raisons du retard avec lequel la Convention européenne des droits de l'homme a été incorporée dans la législation danoise. Elle ne comprend d'ailleurs pas pourquoi le Danemark a choisi de le faire non pas pour que l'instrument puisse être invoqué devant les tribunaux, mais parce que les autorités tenaient à ce que les juges, le ministère public, la police et les avocats ainsi que la société tout entière en acquièrent une connaissance plus intime (CAT/C/17/Add.13, par. 6).

27. M. REIMANN (Danemark) précise que la Convention ne prime pas la législation danoise. Cela dit, les autorités sont tenues de faire en sorte que la législation nationale soit conforme aux dispositions de la Convention afin de donner effet aux obligations internationales contractées par l'Etat. S'il y a manque de conformité, les tribunaux auraient à interpréter la législation nationale dans le sens des obligations internationales de l'Etat.

28. Il est vrai que l'incorporation de la Convention européenne des droits de l'homme a accusé un certain retard : de fait, les autorités se sont longuement interrogées sur l'opportunité de son incorporation, puisque cela obligeait les agents communautaires, les agents de police et les magistrats à connaître très exactement les dispositions de la Convention et à être au fait de la jurisprudence en la matière, tâche qui leur paraissait trop lourde pour des agents subalternes. En définitive, le fait que les dispositions de l'instrument s'adressaient directement aux citoyens les a décidés à incorporer la Convention dans le droit interne.

29. Le PRESIDENT remercie la délégation danoise des renseignements qu'elle a fournis et des réponses précises qu'elle a apportées aux questions posées par les membres du Comité.

30. La délégation danoise se retire.
La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 15.

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