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Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

 

 

 

 

Comment                                                                                                          Distr.

                                                                                                         GENERALE

 

                                                                                                         CCPR/C/SR.1455

                                                                                                         26 octobre 1995

 

                                                                                                         Original : FRANCAIS

 

 

 

 

COMITE DES DROITS DE L'HOMME

 

Cinquante-cinquième session

 

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1455ème SEANCE

 

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le lundi 23 octobre 1995, à 10 heures.

 

Président : M. AGUILAR URBINA

 

 

SOMMAIRE

 

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 40 du Pacte (suite)

 

          Rapport initial de l'Estonie

 

 

 

 

 

 

 

 

__________

 

          Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

 

          Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

 

          Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

 

 

GE.95-19156 (F)

La séance est ouverte à 10 h 15.

 

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

 

Rapport initial de l'Estonie (CCPR/C/81/Add.5; HRI/CORE/1/Add.50)

 

1.       Sur l'invitation du Président, Mme Lepik, M. Maruste, Mme Hion, Mme Kelam, M. Jürgenson et M. Israel (Estonie) prennent place à la table du Comité.

 

2.       Le PRESIDENT souhaite la bienvenue à la délégation estonienne et invite Mme Lepik, chef de la délégation, à présenter le rapport initial de l'Estonie (CCPR/C/81/Add.5).

 

3.       Mme LEPIK (Estonie) remercie le Comité, au nom du Gouvernement estonien, de l'occasion qui lui est donnée de présenter le rapport initial de l'Estonie, qui devrait permettre au gouvernement de son pays à la fois d'opérer une réflexion sur lui-même et d'obtenir l'avis éclairé des membres du Comité. En effet, l'Estonie attache une importance particulière au respect de la règle de droit et à l'application des principes du droit international dans tous les domaines, quelle que soit la situation culturelle, historique ou politique des nations, petites ou grandes.

 

4.       Au cours de 50 ans d'occupation, l'Estonie a été privée de la possibilité de décider de son propre sort, d'adopter ses propres lois, de mettre en place ses propres institutions et de participer aux travaux des instances internationales. Tous les efforts déployés par l'Estonie pour édifier sa propre nation pendant deux décennies d'indépendance avant la seconde guerre mondiale ont été anéantis par l'imposition de la règle soviétique. Toutefois, depuis le recouvrement de son indépendance en 1991, l'Estonie a pris toutes les mesures pour recréer rapidement une société civile fondée sur la règle de droit et les valeurs européennes communes. Certes, les résultats de ces efforts ont été encourageants, mais beaucoup reste encore à faire et, malgré le sort cruel que l'histoire lui a réservé, l'Estonie continue à faire tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce que sa législation et les procédures d'application de celle-ci soient conformes aux normes internationales. A cet égard, les progrès ont été rapides et il convient de souligner que, sur de nombreux points, les renseignements donnés dans le rapport initial de l'Estonie, lequel a été établi d'après la situation existant au 1er mars 1994, appellent une certaine mise à jour.

 

5.       Pour ce qui est de la place du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans le cadre juridique interne, il est indiqué au paragraphe 49 du rapport initial que, conformément à l'article 3 de la Constitution nationale, les principes et les normes universellement reconnus de droit international font partie intégrante du système juridique estonien et, selon l'article 123 de la Constitution, lorsqu'il y a contradiction entre les lois ou d'autres instruments juridiques estoniens et les traités internationaux ratifiés par le Parlement, les dispositions des traités internationaux sont applicables. Ainsi, tout particulier qui estime que ses droits ne sont pas garantis par la législation interne ou que celle-ci est contraire au Pacte, peut invoquer devant les tribunaux les dispositions du Pacte ou de tout autre instrument international ratifié par la République. A ce sujet, il convient de souligner que les dispositions du Pacte n'ont jusqu'à présent été que rarement invoquées par des particuliers devant les tribunaux, mais que la Cour nationale d'Estonie, juridiction la plus élevée, a néanmoins fait référence au Pacte dans l'une de ses récentes décisions. Par ailleurs, l'Estonie a pris des dispositions, avec l'aide d'experts du Conseil de l'Europe, en vue de ratifier dans un proche avenir la Convention européenne des droits de l'homme.

 

6.       A la suite du référendum national de 1992 relatif à l'adoption de la Constitution, le Parlement estonien a examiné et adopté plus de 400 textes de loi, et approuvé la mise en place d'un grand nombre d'institutions nécessaires au fonctionnement de l'Etat conformément à la Constitution. A titre d'exemple, un Conseiller constitutionnel (Legal Chancellor) a été nommé afin de veiller à ce que les lois adoptées au niveau de l'Etat et au niveau local soient conformes à la Constitution et à la règle de droit; le Conseiller constitutionnel est également chargé de l'information des particuliers au sujet de leurs droits constitutionnels. En outre, nombre d'organisations et d'institutions non prévues par la Constitution, notamment la Table ronde mise en place par le Président de la République, contribuent à promouvoir le dialogue et le renforcement de la confiance entre les divers groupes ethniques, et les organisations non gouvernementales apportent également une très large contribution à la promotion et à la protection des droits de l'homme dans le pays.

 

7.       Les deuxièmes élections parlementaires prévues en Estonie depuis le recouvrement de l'indépendance ont eu lieu sans incident le 5 mars 1995. A cet égard, les observateurs internationaux tels que ceux de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) et du Comité "Helsinki" de Norvège ont attesté que les élections s'étaient déroulées de façon juste et équitable. A l'issue de ces élections, un nouveau gouvernement a été constitué, formé en partie de personnes ayant précédemment appartenu au parti d'opposition de l'ancien Parlement. Les citoyens d'origine ethnique russe ont essentiellement appuyé la coalition russe et ont ainsi envoyé au Parlement six des candidats de cette coalition.

 

8.       Après la soumission du rapport à l'étude, le Parlement estonien a adopté une nouvelle loi sur la citoyenneté et a modifié la loi sur les étrangers. Après l'occupation de l'Estonie par l'Union soviétique en 1940, la loi estonienne de 1938 sur la citoyenneté ne pouvait plus être appliquée. En février 1992, le Conseil suprême estonien a adopté une décision visant à remettre en vigueur cette loi de 1938. En 1992, les citoyens estoniens étaient les personnes qui possédaient la citoyenneté estonienne au 16 juin 1940, ainsi que leurs descendants. Avec l'application de la décision de 1992 du Conseil suprême, il est devenu possible d'acquérir la citoyenneté estonienne par naturalisation. Désormais, selon la loi sur la citoyenneté, est citoyen estonien tout individu qui, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, avait la citoyenneté estonienne ou qui, conformément à la loi, a obtenu ou retrouvé la citoyenneté estonienne. Tout étranger qui désire obtenir la citoyenneté estonienne par naturalisation doit être âgé d'au moins 15 ans, avoir résidé en Estonie au titre d'un permis permanent de résidence pendant au moins cinq ans avant sa demande de naturalisation et y résider pendant un an après le dépôt de cette demande, connaître l'estonien, connaître les dispositions de la Constitution et de la loi sur la citoyenneté, disposer d'une source légale permanente de revenus suffisants et s'engager à être loyal envers la République. A cet égard, il y a lieu de souligner que la condition exigée de cinq ans de résidence ne s'applique pas aux personnes qui résidaient en Estonie avant le 1er juillet 1990 au titre d'un permis de résidence de l'ancienne République socialiste soviétique d'Estonie. Ces personnes doivent remplir les autres conditions énoncées dans la loi sur la citoyenneté. Les enfants de moins de 15 ans dont les parents font une demande de citoyenneté estonienne acquièrent la citoyenneté automatiquement lorsqu'elle est accordée à leurs parents. Tout étranger qui acquiert la citoyenneté estonienne par naturalisation doit renoncer à son ancienne citoyenneté, la double citoyenneté n'étant pas autorisée par la loi. La citoyenneté peut aussi être accordée sur la base du mérite à un nombre limité de personnes par an.

 

9.       Le Parlement estonien n'a pas estimé possible d'accorder la citoyenneté estonienne de façon générale et inconditionnelle à tous les étrangers résidant en Estonie, mais les efforts visent à intégrer ces résidents dans la société estonienne, conformément à la nouvelle loi sur la citoyenneté, et des mesures sont prises à cet égard pour encourager, notamment, l'apprentissage de la langue parmi les étrangers résidant dans le pays. Selon la loi relative aux étrangers, en vigueur depuis juillet 1993, les étrangers qui sont entrés en Estonie avant le 1er juillet 1990 et ont continué d'y résider au titre d'une autorisation de résidence délivrée par l'ancienne RSS d'Estonie peuvent demander un permis de résidence. Considérant le grand nombre de demandeurs, la date limite de dépôt des demandes a été reportée, en une première étape, au 12 juillet 1995 et, à l'heure actuelle, le gouvernement envisage des mesures de dispense pour les personnes n'ayant pas pu respecter cette date limite

 

10.     Les étrangers n'ayant pas de passeport de leur pays ou d'autre document équivalent peuvent obtenir un passeport d'étranger. Ce passeport d'étranger peut être délivré à toute personne qui séjourne en Estonie et qui a le droit d'obtenir un permis de résidence, mais qui n'est pas en mesure d'obtenir un passeport ou un document assimilable de son pays d'origine ou de tout autre pays. L'étranger qui séjourne en Estonie au titre d'un permis de résidence délivré par l'ex-République socialiste soviétique d'Estonie peut obtenir un document temporaire de voyage.

 

11.     La langue officielle de l'Estonie est l'estonien mais, conformément à la loi sur les langues, d'autres langues sont également employées dans les administrations étatiques et locales. Selon une nouvelle loi adoptée par le Parlement en février 1995, la langue officielle de l'administration, du gouvernement et des forces armées est l'estonien, mais les personnes ne connaissant pas suffisamment cette langue peuvent employer une langue étrangère si elle est comprise de tous les intéressés.

 

12.     Le système judiciaire estonien est régi par le chapitre 13 de la Constitution, selon lequel l'Estonie est dotée d'un système judiciaire à trois niveaux : les tribunaux d'instance et les tribunaux administratifs, les tribunaux de district et la Cour nationale. Toute personne qui s'estime lésée dans l'exercice de ses droits et de ses libertés peut saisir le tribunal administratif; les tribunaux de district sont des tribunaux de deuxième instance et la Cour nationale est la juridiction la plus élevée, qui statue sur les pourvois en cassation formés contre des décisions rendues par les tribunaux, ainsi que sur les questions liées à des différends constitutionnels.

 

13.     La peine capitale est toujours prévue dans l'actuelle législation estonienne, à titre de sanction pour certains crimes particulièrement graves, notamment les crimes contre l'humanité et les agressions à l'égard des agents de la force publique. Néanmoins, un nouveau code pénal prévoyant la suppression de la peine capitale est en cours de rédaction et le Président de la République a à plusieurs occasions accordé la grâce à des condamnés à mort, dont la peine a été en conséquence commuée en réclusion à perpétuité. Ainsi, aucun condamné n'a été exécuté en Estonie depuis le recouvrement de l'indépendance.

 

14.     A propos des conditions d'incarcération des détenus en Estonie, il faut reconnaître que les établissements pénitentiaires sont surpeuplés et que les installations sont loin de répondre à des normes satisfaisantes. A cet égard, le gouvernement prévoit d'approuver avant la fin de 1995 des crédits qui devraient permettre d'améliorer la situation.

 

15.     Enfin, en ce qui concerne le nombre exact d'immigrants illégaux vivant en Estonie, Mme Lepik dit qu'elle ne dispose pas de chiffres exacts, mais qu'il est fort probable que la plupart de ces immigrants soient originaires de territoires de l'ex-Union soviétique. Pour ce qui est des réfugiés, la législation estonienne ne renferme pas encore de dispositions distinctes les concernant, et il y a lieu de rappeler que l'Estonie n'est pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ni au Protocole de 1967 s'y rapportant. Les autorités estoniennes devront poursuivre leur coopération avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Programme des Nations Unies pour le développement afin de résoudre les problèmes liés à la présence de demandeurs d'asile et, éventuellement, d'adhérer aux instruments internationaux concernant les réfugiés.

 

16.     Le PRESIDENT remercie le chef de la délégation estonienne de sa présentation, et invite les membres du Comité à poser leurs questions au sujet du rapport initial de l'Etat partie.

 

17.     M. KLEIN souhaite, lui aussi, la bienvenue à la délégation estonienne et se félicite de pouvoir entamer avec elle un dialogue fructueux sur la situation des droits de l'homme dans un pays qui n'a que récemment recouvré son indépendance et qui a effectué des progrès considérables, marqués, notamment, par son adhésion au Pacte, ainsi qu'au Protocole facultatif s'y rapportant, et à un grand nombre d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.

 

18.     Néanmoins, le rapport initial de l'Estonie ne comporte pas suffisamment de renseignements permettant d'évaluer précisément la mesure dans laquelle les droits de l'homme sont effectivement respectés dans le pays. Ainsi, des précisions devraient être apportées, notamment, sur ce qui est dit dans les paragraphes 12, 13 et 96 du rapport initial. De façon générale, par ailleurs, M. Klein note que les 28 % environ de la population d'Estonie, qui ne sont pas citoyens estoniens et dont la plupart sont d'origine russe, font face à de graves difficultés, alors qu'ils ont depuis de nombreuses années établi leur résidence sur le territoire estonien. Il souhaiterait en conséquence obtenir davantage de précisions sur la situation de cette partie de la population. Il se réfère à cet égard aux modalités d'application de la loi relative à l'autonomie culturelle des minorités régionales - mentionnée au paragraphe 237 du rapport initial -, dont semble exclue une grande partie des personnes d'origine russe et d'autres résidents n'ayant pas le statut de citoyen estonien. Il s'interroge également sur les droits des non-citoyens en matière d'association, et se demande, à ce sujet, si les articles 31 et 48 de la Constitution estonienne sont conformes aux dispositions de l'article 22 du Pacte. Enfin, il serait bon d'en savoir davantage sur les motifs réels pour lesquels des partis politiques pourraient être interdits en vertu de l'article 48 de la Constitution nationale, sur la procédure suivie à cet égard et sur les instances judiciaires qui seraient en mesure de prononcer l'interdiction de certains partis politiques.

 

19.     M. EL SHAFEI estime que l'examen du premier rapport périodique présenté par l'Estonie fournira au Comité l'occasion d'engager avec ce pays un débat fructueux sur sa situation interne, au moment où l'Etat partie traverse une période de transition délicate. Il fait ressortir, comme M. Klein, que le rapport est riche en informations détaillées sur les lois en vigueur, mais avare de renseignements sur la situation concrète en Estonie et l'application de ces lois dans le domaine des droits de l'homme. Par exemple, les textes de loi régissant la participation aux élections qui sont mentionnés dans le rapport ne permettent pas de savoir si le pluralisme politique existe et si les organisations politiques sont traitées sur un plan d'égalité. Par ailleurs, le rapport fournit peu de renseignements sur l'importance des institutions des minorités ethniques, et sur la façon dont les droits de ces dernières sont protégés comme le veut le Pacte. Il n'est pas dit clairement non plus si des lois qui étaient en cours d'élaboration (sur les référendums, les élections présidentielles, l'état d'exception) ont été promulguées. Enfin, les difficultés et autres facteurs auxquels l'Estonie est confrontée en raison du processus de transition ne sont pas précisés.

 

20.     M. El Shafei estime donc qu'il serait utile que la délégation apporte au Comité des éclaircissements sur un certain nombre de points. Quelles sont les catégories de biens dont la propriété est réservée aux citoyens estoniens (par. 19) ? L'obligation de prêter serment qui est imposée à ceux qui briguent des fonctions publiques (par. 22) est-elle compatible avec l'article 25 du Pacte ? A part les protections prévues par les articles 11, 13, 14 et 15 de la Constitution, quelles sont les dispositions prévues pour protéger à la fois les droits des citoyens et ceux des non-citoyens (par. 24) ? Comment les fonctions du Chancelier juridique (Conseiller constitutionnel) chargé de veiller à la constitutionnalité des lois sont-elles exercées dans la pratique ? L'Estonie a-t-elle l'intention de créer une commission des droits de l'homme indépendante ou tout autre organe analogue chargé de contrôler l'exercice de ces droits ? La loi sur les situations d'urgence (par. 48) a-t-elle été promulguée ? Que signifie l'expression "situation d'urgence économique" et quels effets y sont-ils attachés ?

 

21.     M. El Shafei aimerait également savoir si l'Estonie a engagé le processus de ratification du Protocole No 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en vue de supprimer la peine de mort. Il demande pourquoi ce pays n'a ratifié ni les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, ni les principes d'éthique médicale, ni le code de conduite pour les responsables de l'application des lois (par. 108). Il aimerait savoir en outre de quelle façon la liberté de circulation est affectée par la proclamation de l'état d'exception (par. 110).

 

22.     M. El Shafei pose plusieurs autres questions : Qu'entend exactement l'Etat partie quand il affirme (par. 126) que "le droit d'être jugé rapidement (sans retard excessif) n'est pas expressis verbis prévu par la législation estonienne" ? Comment les procès concernant la violation de droits de l'homme en sont-ils affectés ? Le gouvernement envisage-t-il d'établir un mécanisme d'aide et de protection dans le domaine des droits de l'homme ? L'interdiction frappant "les activités collectives qui troublent gravement l'ordre public [...] ou les travaux d'une entreprise" (par. 174) est-elle compatible avec les dispositions de la Convention No 87 de 1948 de l'OIT, relatives au droit de grève ? L'Estonie a-t-elle l'intention d'adhérer à cette convention ?

 

23.     M. El Shafei demande enfin quels critères sont retenus pour l'élaboration des projets de loi destinés à un référendum.

 

24.     Mme CHANET se réjouit vivement de l'adhésion de l'Estonie au Pacte et au Protocole peu de temps après la fin de l'occupation étrangère, attitude dans laquelle elle voit le gage de rapports fructueux avec le Comité.

 

25.     Mme Chanet estime toutefois que le rapport de l'Estonie (CCPR/C/81/Add.5) ne renferme pas toutes les informations pratiques qui doivent permettre au Comité d'exercer efficacement son rôle. Au vu du rapport, le Comité a du mal à définir la place du Pacte dans l'ordre juridique de l'Estonie, la hiérarchie des normes, le rang reconnu au Pacte, les contradictions éventuelles entre ce dernier et la législation interne. De même, rien n'est dit sur le Protocole facultatif, de telle sorte que le Comité ne sait pas si des recours sont en gestation aux termes de cet instrument. La délégation pourrait-elle apporter au Comité des éclaircissements sur ces questions ?

 

26.     Mme Chanet partage les préoccupations de M. Klein au sujet de la situation du tiers de la population qui se trouve de facto exclu du droit à la nationalité, situation qui comporte des conséquences négatives évidentes pour la jouissance de l'article 26 du Pacte. De nombreuses missions effectuées en Estonie ont permis d'établir que les exigences relatives à la langue comportent des éléments de discrimination.

 

27.     Mme Chanet est préoccupée par la question du serment sur l'honneur (par. 22), qui est exigé des candidats à un emploi dans la fonction publique. Elle aimerait savoir quelle est la teneur exacte de ce serment et quels sont les tribunaux qui sont compétents pour se prononcer sur l'exactitude de la formule utilisée. Elle demande selon quels critères et quelles informations les tribunaux se prononcent, et s'il existe des voies de recours contre leur décision.

 

28.     Mme Chanet juge confuse la situation en ce qui a trait à la peine capitale. Il semble que l'Estonie soit dans un état de préabolition de cette peine puisqu'il existe un projet de code pénal abolissant cette peine. Cependant, la délégation estonienne ayant déclaré que de nouveaux cas d'application de la peine capitale sont envisagés pour sanctionner les auteurs de crimes contre l'humanité, de génocide et d'assassinat de fonctionnaires de police, il est difficile de savoir avec certitude si l'Estonie va vers l'augmentation des délits passibles de la peine de mort ou vers l'abolition. Par ailleurs, le tableau qui indique le nombre des personnes condamnées à mort en 1987 (par. 63) est inquiétant, même si, sur 5 060 condamnés à mort, 2 seulement ont été exécutés. Ces informations sont difficilement conciliables avec une démarche d'abolition de la peine capitale.

 

29.     Mme Chanet aimerait savoir depuis combien de temps les cinq détenus condamnés à la peine capitale (par. 64) se trouvent dans le quartier des condamnés à mort. Elle voudrait aussi savoir si les demandeurs d'asile placés en détention bénéficient des dispositions de l'article 21 de la Constitution, qui correspondent aux dispositions de l'article 9 du Pacte relatives au droit d'introduire un recours sur la légalité d'une mise en détention. En ce qui concerne une jeune fille de 17 ans qui a été retrouvée morte dans sa cellule après avoir été placée en détention disciplinaire, mesure contraire aux principes de Riyad concernant la détention des mineurs et à l'article 10 du Pacte, Mme Chanet demande si une enquête a été ouverte et si des mesures particulières ont été prises au sujet de la détention des mineurs.

 

30.     Mme Chanet relève dans le rapport que le service militaire de substitution prévu pour les objecteurs de conscience dure 24 mois, soit deux fois plus que le service normal. Elle rappelle que dans une Observation générale relative à l'article 18 du Pacte, le Comité a précisé que la durée du service militaire de substitution appliqué aux objecteurs de conscience ne doit pas constituer une sanction, mesure qui serait incompatible avec le Pacte.

 

31.     M. BÁN, comme les orateurs précédents, juge le rapport de l'Estonie très instructif, même s'il y manque des informations sur l'application concrète des lois. Cela est probablement imputable à la situation de ce pays, qui traverse une période de transition après une longue occupation étrangère.

 

32.     M. Bán aimerait savoir si une étude de la compatibilité du Pacte avec le système juridique de l'Estonie a été faite avant la ratification du Pacte. Il croit savoir qu'un institut des droits de l'homme a été créé et aimerait avoir des informations sur les activités de cet organe. M. Bán demande si le Chancelier juridique (Conseiller constitutionnel) a d'autres responsabilités que celle de contrôler la constitutionnalité des lois. Peut-il, par exemple, examiner des plaintes émanant de particuliers faisant état de violations de droits de l'homme ? Existe-t-il en Estonie des organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme ? Le cas échéant, quelles relations de travail le gouvernement entretient-il avec elles ? Ont-elles été associées à la rédaction du rapport ?

 

33.     M. Bán partage le sentiment de Mme Chanet sur le manque de renseignements en ce qui concerne la place du Pacte dans le système juridique estonien. Il n'est pas sûr de comprendre quelle procédure est appliquée en cas de contradiction entre le Pacte et la législation interne ou de lacune. Il demande à ce propos si le Pacte est considéré comme une norme juridique applicable en Estonie et s'il a été incorporé dans la législation nationale.

 

34.     En ce qui concerne la question de la nationalité, M. Bán émet des doutes plus sérieux encore que M. El Shafei et Mme Chanet sur l'application des dispositions pertinentes du Pacte en Estonie. En effet, en vertu de l'article 56 de la Constitution, un tiers de la population ne peut pas participer aux affaires publiques. M. Bán juge cette situation extrêmement préoccupante.

 

35.     D'autre part, M. Bán croit savoir que plusieurs droits énoncés dans le Pacte, dont celui d'être jugé sans retard excessif, ne sont pas énoncés dans la législation interne estonienne. A ce sujet, il demande si un citoyen peut invoquer le Pacte devant les tribunaux.

 

36.     En ce qui concerne l'article 6, relatif au droit à la vie, M. Bán, allant plus loin que les intervenants précédents, estime que l'Estonie, qui a signé (quoique non ratifié) un instrument international interdisant la peine de mort, ne peut donc pas introduire cette sanction pour de nouveaux délits. Il demande à cet égard si l'Estonie a l'intention de signer le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

 

37.     En ce qui concerne encore l'article 6 du Pacte, le Comité croit savoir que des détenus ont été tués par d'autres prisonniers. M. Bán aimerait savoir quelles mesures l'Estonie a prises en la matière, au titre de la protection du droit à la vie. Pour ce qui est de l'article 7 du Pacte, il serait, selon lui, utile au Comité de savoir s'il existe dans la loi estonienne des dispositions invalidant les aveux obtenus sous la contrainte. A cet égard, quelles sont les indemnisations prévues pour les personnes qui ont subi des sévices ?

 

38.     M. Bán s'interroge sur la déclaration de l'Etat partie (par. 106), selon laquelle il n'y a pas beaucoup d'espoir de remédier à la situation qui existe dans les établissements correctionnels. L'Estonie s'est engagée à appliquer l'article 10 du Pacte comme les autres articles et ne peut donc se soustraire à cette obligation. On note toutefois avec satisfaction que l'Estonie a, cependant, adopté un plan de réforme de son système pénitentiaire.

 

39.     M. Bán est préoccupé par le problème linguistique auquel sont confrontés les tribunaux. Bien que des services d'assistance linguistique soient fournis, on peut être inquiet quant au déroulement des débats dans les tribunaux des régions du nord-est, peuplées en majorité de personnes ne parlant pas l'estonien.

 

40.     Enfin, M. Bán ne comprend pas pourquoi les non-citoyens ne sont autorisés à avoir aucune activité politique. Notant que le rapport passe sous silence la question des noms des personnes, il demande si les personnes qui ne sont pas des Estoniens de souche peuvent choisir librement leur nom et celui de leurs descendants.

 

41.     M. ANDO se félicite de la qualité de la délégation de l'Estonie, mais il relève à son tour que le rapport de ce pays est avare de renseignements pratiques.

 

42.     M. Ando demande si l'Estonie est en train d'incorporer le Pacte dans le droit interne. En ce qui concerne le droit reconnu aux citoyens d'examiner la constitutionnalité de toute loi interne, il demande quel est le rôle exact du Chancelier juridique (Conseiller constitutionnel) au sein du système judiciaire. Pour ce qui est de l'obligation de serment sur l'honneur, il pense qu'il serait utile au Comité d'avoir des exemples des problèmes que cette règle soulève dans la pratique.

 

43.     M. Ando demande également pourquoi l'âge prévu pour le départ à la retraite est différent pour les hommes et les femmes. D'autre part, il lit, au paragraphe 107, que "la situation dans les prisons étant compliquée, une loi d'amnistie des condamnés a été élaborée". Cela signifie-t-il que les autorités se montreront plus indulgentes en raison du surpeuplement des établissements pénitentiaires ?

 

44.     Enfin, en ce qui concerne le droit d'être jugé rapidement, M. Ando aimerait savoir quelle est la durée normale d'un procès pénal.

 

45.     En ce qui concerne l'application de l'article 19 du Pacte, il serait souhaitable d'avoir des données statistiques illustrant l'accès aux chaînes de télévision et de radio et permettant de savoir s'il est possible d'avoir accès aux chaînes étrangères; de même, peut-on se procurer des journaux étrangers ?

 

46.     Pour ce qui est de l'interdiction de la propagande en faveur de la guerre (art. 20 du Pacte), M. Ando s'interroge sur le sens à donner à la deuxième phrase du paragraphe 1 de l'article 72 du Code pénal (voir par. 171 du rapport), qui, interprétée dans un sens large, peut ouvrir la porte à des abus, car de nombreux actes peuvent entrer dans la catégorie des restrictions imposées directement ou indirectement à l'exercice des droits d'une autre personne ou des préférences accordées directement ou indirectement à autrui. Des exemples précis des cas visés par cette disposition permettraient de dissiper les doutes.

 

47.     Au sujet du droit d'association, M. Ando relève, au paragraphe 182 du rapport, que des restrictions peuvent être imposées au droit, pour certaines catégories de fonctionnaires, de se livrer à des activités commerciales, ce qui appelle des précisions.

 

48.     La situation des minorités ethniques pose des problèmes au regard de l'article 26 du Pacte, et M. Ando se demande s'il n'est pas trop difficile, pour les personnes d'origine russe, d'obtenir la citoyenneté par naturalisation. Il s'inquiète également de ce qu'un traitement défavorable soit appliqué aux individus qui étaient associés à l'ancien régime soviétique; la question est d'autant plus grave que, sous ce régime, un grand nombre d'individus étaient contraints de coopérer avec ce dernier et que, d'autre part, en les éliminant de la vie publique, on ne servirait assurément pas les intérêts de la nation estonienne renaissante. M. Ando ne demande qu'à être rassuré à ce sujet.

 

49.     Mme EVATT se félicite d'engager avec l'Estonie redevenue libre et indépendante un dialogue qui a pour but d'aider ce pays à respecter pleinement le Pacte. Elle a accueilli le rapport avec satisfaction encore qu'il manque fortement de renseignements concrets. Par exemple, les paragraphes consacrés à l'application de l'article 14 du Pacte - article particulièrement important - sont muets sur les problèmes rencontrés pour mettre en place un système judiciaire indépendant et une profession judiciaire indépendante. Or le Comité a besoin de savoir ce qui est fait pour garantir l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire. De même, il est difficile de croire d'emblée que, comme on l'affirme dans le paragraphe 12 du rapport, "la liste des droits et des libertés qui, en vertu de la Constitution, peuvent être soumis à des restrictions par la loi et les conditions d'application de telles restrictions sont pleinement conformes aux dispositions du Pacte". Des doutes sont toujours permis, en particulier, en ce qui concerne la liberté d'expression, qui, dans quasiment tous les pays, fait l'objet de restrictions plus ou moins compatibles avec l'article 19 du Pacte. Il aurait fallu énoncer les cas dans lesquels la loi limite ce droit à la liberté d'expression (secrets d'Etat, sédition ou pornographie, par exemple).

 

50.     Mme Evatt partage le souci des autres membres du Comité au sujet de la situation des non-Estoniens de souche, qui représentent près de 40 % de la population. Elle s'inquiète quant à elle de la rigueur des conditions à remplir pour obtenir la citoyenneté et n'est pas convaincue que "la majorité de ces personnes ne souhaitent pas acquérir la citoyenneté estonienne", ou "n'ont pas encore demandé cette citoyenneté", comme il est affirmé au paragraphe 5 du rapport. En effet, si un grand nombre d'individus ne demandent pas la citoyenneté, c'est probablement parce que la procédure est trop compliquée et les conditions trop difficiles à réunir. Ainsi, l'obligation de disposer d'une source indépendante et permanente de revenus en quantité suffisante exclut automatiquement les personnes âgées de moins de 15 ans, les personnes sans emploi ou les retraités qui ne peuvent obtenir le versement de leur pension. Quant aux conditions imposées en matière de langue, elles devraient être assorties de mesures positives visant à faciliter l'apprentissage de la langue à un grand nombre de personnes. Mme Evatt aimerait savoir si un effort est fait dans le sens de l'intégration, qui passe par la connaissance de la langue. Par ailleurs, les droits des enfants nés sur le territoire estonien de parents non citoyens appellent des explications détaillées, au regard en particulier de l'article 24 du Pacte.

 

51.     Des informations plus précises sont nécessaires pour comprendre l'application de la législation sur les étrangers, notamment sur les conditions à remplir pour obtenir un permis de résidence. D'après certaines sources, il faut que le requérant démontre qu'il est citoyen d'un autre pays ou qu'il est apatride, et chacun sait combien il est difficile de prouver l'apatridie. Ensuite, la personne qui répond aux conditions obtient-elle un permis de résidence provisoire ou permanent et quelles garanties le titulaire d'un permis de résidence a-t-il de rester définitivement sur le territoire ? Toutes ces questions sont d'autant plus importantes qu'en vertu de la Constitution estonienne l'exercice de certains droits est subordonné à la possession de l'état de citoyen. Certaines dispositions, parmi celles qui sont énoncées à l'article 13, sont incompatibles avec le Pacte : il en est ainsi de la restriction faite à l'alinéa d) (droit à la citoyenneté par filiation reconnu seulement aux enfants dont au moins un des deux parents est citoyen estonien), incompatible avec l'article 24 du Pacte, et de la restriction énoncée à l'alinéa g) (obligation d'être Estonien pour être membre d'un parti politique), incompatible avec l'article 22 du Pacte. Les paragraphes du rapport qui sont consacrés à l'application de l'article 12 du Pacte ne traitent pas de la protection des résidents permanents ou des titulaires d'un permis de résidence contre les mesures arbitraires. Il est en revanche fait mention de l'article 20 de la Constitution, qui autorise l'emprisonnement d'une personne pour l'empêcher d'immigrer illégalement en Estonie, en vue de l'expulser du pays ou de l'extrader vers un pays étranger. Ici encore, rien n'est dit de la protection dont devraient jouir les résidents permanents non citoyens. L'article 12 du Pacte prévoit également la possibilité, pour tout individu, de quitter le territoire et d'y revenir, et il serait intéressant de savoir comment les résidents non citoyens ne possédant pas d'autre nationalité peuvent obtenir un document de voyage. Différentes sources d'information dénoncent des difficultés dans ce domaine. Il est également fait une distinction entre citoyens et non-citoyens en ce qui concerne le droit de choisir son emploi et son lieu de travail (voir par. 22 à 26 du rapport) sans que les dispositions énonçant ces restrictions soient précisées, ce qui ne permet pas de vérifier leur compatibilité avec le Pacte.

 

52.     Enfin, Mme Evatt s'inquiète de la situation des demandeurs d'asile, évoquée par la délégation estonienne dans son introduction. Elle souhaiterait connaître la teneur des dispositions actuellement appliquées en vue de déterminer le statut des demandeurs d'asile, et voudrait savoir si toute personne arrêtée est informée des motifs de son arrestation, si une voie de recours lui est offerte en cas de refus de reconnaissance de son statut, et si elle bénéficie des services d'un interprète. La loi semble très rigoureuse, et il importe de prendre des mesures pour éviter de pénaliser les demandeurs d'asile authentiques.

 

53.     M. BUERGENTHAL souhaite chaleureusement la bienvenue à la délégation venue représenter une Estonie à nouveau libre. Le rapport de l'Etat partie, qui énonce avec force détail la législation, est singulièrement dépourvu de renseignements concrets, et élude purement et simplement un certain nombre de problèmes, dont l'un des plus importants est la situation des plus 30 % de la population qui n'ont pas la citoyenneté. Or le but du dialogue engagé avec un Etat partie est de bien cerner les problèmes de façon à essayer d'y chercher une solution. Cela étant dit, M. Buergenthal félicite l'Etat partie d'avoir engagé des réformes, et porte tout particulièrement à son actif l'adoption de la législation sur la langue ainsi que la mise en place d'un certain nombre de recours judiciaires. Il a aussi appris avec une vive satisfaction que les non-citoyens avaient le droit de vote lors des élections locales, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup de pays. Néanmoins la situation des non-citoyens suscite quelques préoccupations. Aussi des précisions seraient-elles nécessaires sur l'interdiction faite aux non-citoyens d'appartenir à un parti politique. M. Buergenthal regrette de ne pas avoir le texte de la loi sur la citoyenneté. L'application pratique de cette loi appelle aussi des précisions. Par exemple, il serait utile de savoir si les autorités estoniennes ont fixé une sorte de numerus clausus, comme l'ont fait les autorités lettones, qui prévoient que tant d'individus se verront octroyer la citoyenneté telle année, puis tant l'année suivante. Si l'Estonie applique un système équivalent, M. Buergenthal souhaiterait connaître plus exactement le mécanisme. Il s'inquiète, comme Mme Evatt, de la situation des enfants nés en Estonie de parents non estoniens et demande s'ils bénéficient d'un traitement préférentiel, en particulier quand les parents sont implantés dans le pays depuis plusieurs générations. Il ne ressort pas clairement du rapport si l'interdiction faite aux étrangers de posséder certains biens s'applique également aux résidents permanents non estoniens. Les restrictions imposées aux droits des non-Estoniens soulèvent également la question de la possibilité d'exercer sa profession; M. Buergenthal souhaiterait savoir concrètement quelle est la situation d'un avocat qui exerçait avant le démantèlement de l'Union soviétique : est-il autorisé à continuer de pratiquer et d'autres limites à l'exercice de sa profession sont-elles fixées ?

 

54.     Enfin, les dispositions constitutionnelles régissant la proclamation de l'état d'urgence sont loin de correspondre, en tout cas dans la forme, à l'article 4 du Pacte, puisque la situation qui justifierait la proclamation de l'état d'urgence est "une situation qui menace le système constitutionnel d'Estonie et la majorité de ses membres" (par. 40 du rapport). Cette disposition n'est pas davantage compatible avec l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme, que le Gouvernement estonien envisage de ratifier. Il serait donc utile de savoir si, en prévision de cette ratification, il est prévu de modifier les conditions régissant la proclamation de l'état d'urgence.

 

55.     M. BRUNI CELLI accueille avec satisfaction le rapport initial de l'Estonie, et joint sa voix aux autres membres du Comité qui ont salué la présentation faite en séance par la délégation d'un Etat libre et souverain.

 

56.     Outre tous les sujets de préoccupation déjà évoqués, M. Bruni Celli s'inquiète du respect du droit à la vie, et se demande si le Gouvernement estonien a l'intention de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, puisqu'il a indiqué qu'il comptait ratifier le Protocole No 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort, adopté par le Conseil de l'Europe.

 

57.     Soulignant qu'une longue occupation a nécessairement pour conséquence l'intégration de minorités, réalité confirmée par les chiffres donnés dans le paragraphe 5 du document de base (HRI/CORE/1/Add.50), M. Bruni Celli demande des précisions sur les conditions qui sont imposées dans l'article premier de la loi relative à l'autonomie culturelle (par. 237 du rapport), dont certaines sont éminemment subjectives. Il en est ainsi de l'obligation d'entretenir "depuis longtemps des relations solides et durables avec l'Estonie". Des dispositions aussi vagues appellent des précisions quant à leur application dans la pratique.

 

58.     Etant donné que depuis une cinquantaine d'années le territoire estonien a connu une forte implantation russe, il est indispensable, pour le Comité, de connaître les conditions d'acquisition de la nationalité; la lecture du rapport ne permet pas de comprendre avec précision si la nationalité s'acquiert en vertu du jus sanguinis, question d'autant plus importante qu'un très grand nombre d'enfants nés de parents non estoniens ont dû voir le jour sur ce territoire et, devenus adultes, ont souhaité y demeurer.

 

59.     M. LALLAH saisit l'occasion de la présentation du rapport initial de l'Estonie pour rendre hommage à un ancien membre du Comité, M. Myullerson, qui était Estonien, même si, alors, l'Estonie était encore une partie de l'Union soviétique. L'Union soviétique a présenté plusieurs rapports au Comité sans toutefois lui fournir des renseignements concernant expressément l'Estonie. Le document de base est donc particulièrement important, et il faut s'arrêter surtout sur les paragraphes 2 et 5, qui expliquent la situation actuelle en matière de population. Les questions soulevées par la distinction entre les citoyens estoniens et les autres habitants du territoire conduisent à poser une question de principe fondamentale : le Gouvernement estonien est invité à se demander si son objectif est de créer un Etat ethnique ou au contraire de créer un Etat pluriethnique et plurinational. Cette question est au centre du problème de la citoyenneté.

 

60.     En ce qui concerne le rapport proprement dit, force est de constater qu'il ne permet pas aux membres du Comité de s'imaginer dans les rues des villes ni dans les tribunaux estoniens. Or puisque le Pacte était applicable à l'Estonie quand celle-ci faisait partie de l'Union soviétique, il aurait fallu disposer de renseignements concrets permettant de voir si l'application du Pacte a été quelque peu bénéfique à la population et quelles difficultés ont été rencontrées. Ainsi, des précisions sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire seraient nécessaires, en particulier sur les modalités de nomination du président de la Cour nationale, lequel est élu par le Parlement sur recommandation du Président de la République. Le rôle de l'Institut estonien des droits de l'homme, mentionné au paragraphe 21 du document de base, devrait aussi être défini, et les mesures prises éventuellement pour faire connaître le Pacte et le Protocole à la population devraient être exposées.

 

61.     En ce qui concerne la peine capitale, les choses ne sont pas très claires puisque le Comité a appris d'une part que le Parlement comptait adopter une loi visant à abolir cette peine capitale et d'autre part que deux nouvelles infractions pénales emportant la peine capitale avaient été créées. De plus, la ratification annoncée du Protocole No 6 à la Convention européenne des droits de l'homme est retardée.

 

62.     Mme MEDINA QUIROGA fait siennes toutes les préoccupations formulées par les autres membres du Comité au sujet de la situation des étrangers. Elle souhaiterait en particulier avoir des renseignements sur la protection et les droits accordés aux étrangers, car certaines dispositions de la législation semblent se contredire. Ainsi, l'article 6 de la loi sur l'autonomie culturelle (par. 239 du rapport) prévoit que les étrangers résidant en Estonie n'ont pas le droit de voter et d'être élus comme membres des instances dirigeantes des institutions culturelles autonomes, alors qu'il est expressément indiqué à l'article 4 qu'ils ont le droit de constituer et de financer des institutions culturelles et éducatives. De même, si, comme il est dit dans le paragraphe 238 du rapport, "l'autonomie culturelle des minorités nationales est le droit, pour les personnes, de mettre en place des organes culturels autonomes propres à leur permettre d'exercer les droits qui leur sont reconnus par la Constitution", il est étonnant qu'un minimum soit fixé pour le nombre des membres que doit compter une minorité afin de pouvoir exercer ce droit; or il est précisé dans le même paragraphe que l'autonomie peut être établie par des minorités "comptant plus de 3 000 membres".

 

63.     Mme Medina Quiroga regrette aussi l'absence de renseignements concrets sur la situation réelle de la femme en Estonie.

 

64.     En ce qui concerne le droit à la vie et le droit à l'intégrité de la personne, Mme Medina Quiroga s'interroge sur la position réelle de l'Etat estonien; en effet, des mesures ont été prises en vue d'abolir la peine de mort, mais deux nouvelles infractions pénales entraînant la peine capitale ont été ajoutées dans le Code pénal. On peut se demander aussi pourquoi la définition de la torture donnée dans l'article 114 du Code pénal (par. 76 du rapport) ne vise que les "lésions corporelles", sans faire état des souffrances psychiques.

 

65.     Des précisions seraient bienvenues sur la procédure qui est suivie pour placer un individu en établissement psychiatrique et sur les possibilités de contrôle judiciaire en ce qui concerne une décision tendant à interner un individu. Les renseignements fournis à ce sujet dans le paragraphe 91 du rapport sont très succincts.

 

66.     La situation des mineurs est également un sujet de préoccupation. En effet, il est inquiétant de lire au paragraphe 211 que les tribunaux peuvent décider de placer un mineur dans un établissement d'enseignement spécialisé ou une institution correctionnelle "s'ils sont convaincus que le mineur [...] peut être rééduqué", ce qui a contrario laisse entendre qu'un tribunal peut considérer qu'un mineur n'est pas susceptible de rééducation, position étonnante et dangereuse.

 

67.     Pour ce qui est du droit de réunion pacifique, Mme Medina Quiroga relève qu'il est signalé, au paragraphe 172 du rapport, que l'organisation de plusieurs catégories de réunions publiques est interdite; cependant, les réunions dont il s'agit ne sont pas indiquées.

 

68.     M. PRADO VALLEJO souhaite la bienvenue à la délégation estonienne. Il relève que l'Estonie a réalisé des progrès considérables dans la défense et la promotion des droits de l'homme, notamment en apportant des changements très importants à sa législation, à son système juridique et à ses institutions. D'après les informations dont dispose le Comité, les droits de l'homme sont globalement respectés dans ce pays. Certaines difficultés demeurent néanmoins, en particulier en ce qui concerne les droits dont jouissent les non-citoyens en Estonie. Outre que ces personnes n'ont pas le droit de voter ni d'être élues sur le plan national, la propriété de certaines catégories de biens - dont la terre - leur est interdite, et celles qui ne disposent pas d'un revenu fixe sont privées de leurs droits politiques. Compte tenu du fait que 28 % environ de la population n'a pas la citoyenneté estonienne, cette situation pose de nombreux problèmes, et M. Prado Vallejo invite les autorités estoniennes à prendre des mesures pour améliorer le statut des non-citoyens.

 

69.     La question du statut des réfugiés et des demandeurs d'asile est également préoccupante, en particulier du fait que l'Estonie n'a pas adhéré aux instruments internationaux relatifs aux refugiés et à l'asile territorial, bien que le Haut Commissaire aux réfugiés le lui ait expressément demandé. M. Prado Vallejo aimerait savoir quels sont les projets du gouvernement en matière de droit d'asile. Par ailleurs, des requérants d'asile auraient été maintenus arbitrairement en détention pendant une année sans qu'aucune décision ait été prise à leur sujet. Selon certaines informations, des demandeurs d'asile auraient été victimes de brutalités policières. Les autorités compétentes ont-elles enquêté sur ces affaires, et les coupables ont-ils été châtiés ?

 

70.     M. Prado Vallejo fait siennes les observations des autres membres du Comité concernant la peine de mort, et insiste sur la nécessité de l'abolir. Il espère que la recommandation de supprimer la peine de mort figurant dans le projet de nouveau code pénal sera adoptée et que, dans l'intervalle, cette peine ne sera pas appliquée.

 

71.     Par ailleurs, M. Prado Vallejo se déclare préoccupé par les difficultés que paraissent rencontrer les non-citoyens pour exercer leurs droits prévus dans l'article 12 du Pacte, en particulier pour obtenir un passeport leur permettant de sortir du pays.

 

72.     En ce qui concerne les prisons, la lecture du rapport fait apparaître qu'elles sont surpeuplées et que les structures pénitentiaires ne répondent plus aux besoins. Les conditions de détention paraissent inhumaines, et les autorités doivent donc impérativement prendre des mesures pour améliorer la situation pénitentiaire. M. Prado Vallejo est conscient que cette tâche exige du temps et des ressources financières, mais elle est indispensable, et il souhaiterait que la délégation estonienne fournisse des précisions quant aux projets des autorités compétentes dans ce domaine.

 

73.     Enfin, M. Prado Vallejo croit comprendre qu'une femme étrangère qui épouse un Estonien acquiert immédiatement la nationalité de son mari, mais qu'un étranger qui épouse une Estonienne n'obtient pas la nationalité dans les mêmes conditions. Est-ce exact ? Dans l'affirmative, M. Prado Vallejo est d'avis qu'il faut supprimer cette forme de discrimination.

 

74.     M. KRETZMER souhaite la bienvenue à la délégation estonienne. Il s'associe aux autres membres du Comité qui ont regretté que le rapport (CCPR/C/81/Add.5) contienne essentiellement des informations sur la législation, et ne fournisse que très peu d'indications sur la façon dont le Pacte est effectivement appliqué en Estonie.

 

75.     En ce qui concerne la question de la citoyenneté, M. Kretzmer fait siennes les préoccupations de M. Prado Vallejo. Il voudrait également savoir quel est le statut juridique du mari d'une Estonienne.

 

76.     En ce qui concerne les prisons, la situation paraît également préoccupante. M. Kretzmer relève que l'Estonie n'a pas adhéré à l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, et il insiste sur la nécessité, pour les autorités estoniennes, de respecter rigoureusement les dispositions du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Il souhaiterait des informations plus précises sur les conditions actuelles dans les prisons estoniennes, dont il est dit dans le rapport qu'elles ne sont "pas tout à fait exemplaires" (par. 106). Qu'est-ce que cela signifie concrètement, et comment le respect de l'article 7 du Pacte est-il garanti ? Des rapports ont-ils été établis, soit par les autorités, soit par des ONG, sur la situation dans les établissements pénitentiaires ? M. Kretzmer aimerait savoir quels obstacles empêchent les autorités d'appliquer pleinement les dispositions du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. En ce qui concerne les dispositions de l'alinéa a) du paragraphe 2 du même article, quelles mesures concrètes les autorités ont-elles prises ou envisagent-elles de prendre pour garantir leur application ? Par référence à l'alinéa b) du même paragraphe, il est dit dans le paragraphe 105 du rapport (CCPR/C/81/Add.5) que les enfants détenus doivent être traités avec le respect de leur dignité et doivent être placés dans des quartiers séparés des détenus adultes. Cette obligation est-elle respectée dans la pratique ? En outre, à partir de quel âge un mineur peut-il être placé en détention ?

 

77.     En ce qui concerne les plaintes visant la police, existe-t-il en Estonie un mécanisme permettant de donner suite à ces plaintes ?

 

78.     Pour ce qui est de l'application de l'article 20, dont il est question dans le paragraphe 171 du rapport (CCPR/C/81/Add.5), M. Kretzmer estime que la notion de "préférence" est très vaste, et fait observer par ailleurs que la pratique d'accorder une préférence à une personne en fonction de tel ou tel critère est couramment répandue dans le monde. Il souhaiterait que la délégation estonienne précise dans quel contexte utile il faut replacer le terme ainsi employé dans le rapport. Est-ce, par exemple, dans le cadre de l'emploi ?

 

79.     M. BHAGWATI souhaite la bienvenue à la délégation estonnienne, et se déclare très impressionné par les résultats de la politique menée par les autorités estoniennes dans le domaine des droits de l'homme depuis quatre ans. Toutefois, un certain nombre de préoccupations demeurent. En particulier, le rapport présenté par la délégation estonienne (CCPR/C/81/Add.5) est très général et ne dit pas grand-chose sur la façon dont le Pacte est appliqué concrètement.

 

80.     Le paragraphe 96 du rapport traite de la détention provisoire en Estonie. Dans la version anglaise, il est question de la détention comme mesure préventive ("as a preventive measure"). Que faut-il entendre par ces termes ? Existe-t-il une loi régissant la détention provisoire ? Les autorités estoniennes considèrent-elles la détention avant jugement comme une forme de détention préventive ? En ce qui concerne les mesures d'urgence qui peuvent être prises en cas de danger public exceptionnel, M. Bhagwati constate que les dispositions de l'article 129 de la Constitution vont beaucoup plus loin que ce qui est prévu dans l'article 4 du Pacte. Il espère néanmoins que la législation future de l'Estonie sera pleinement conforme aux dispositions de cet article du Pacte.

 

81.     En ce qui concerne l'indépendance du judiciaire, évoquée au paragraphe 121 du rapport (CCPR/C/81/Add.5), M. Bhagwati aimerait connaître plus précisément les conditions dans lesquelles elle s'exerce, et la teneur des lois applicables en la matière. Compte tenu de certaines dispositions de la Constitution, le doute subsiste quant à la réalité de l'indépendance dont jouissent les magistrats en Estonie. M. Bhagwati insiste sur l'importance que revêt ce principe, et voudrait savoir quelles mesures le Gouvernement estonien entend prendre pour l'appliquer pleinement. En particulier, l'indépendance du pouvoir judiciaire doit être consacrée dans la Constitution. La nomination des magistrats, par exemple, doit être régie par des dispositions constitutionnelles, et ne pas dépendre de la volonté d'une majorité parlementaire.

 

82.     En ce qui concerne l'article 152 de la Constitution, qui prévoit qu'une loi ou un texte législatif contraire à la Constitution doit être déclaré nul et non avenu par la Cour nationale d'Estonie, M. Bhagwati voudrait savoir comment un citoyen peut engager une action en ce sens. Est-il habilité à saisir directement la Cour nationale ou doit-il d'abord en référer à une juridiction inférieure ? En outre, quel tribunal est comptétent pour se prononcer sur les dispositions de la Constitution. M. Bhagwati serait reconnaissant à la délégation estonnienne de bien vouloir l'éclairer sur tous ces points.

 

83.     Par ailleurs, M. Bhagwati s'interroge sur le statut du Pacte en Estonie, et constate que plusieurs de ses dispositions n'ont pas encore trouvé d'écho dans la Constitution de ce pays.

 

84.     En ce qui concerne l'aide judiciaire, elle ne semble prévue qu'au pénal. Est-ce exact ? Comment un citoyen qui est dans l'incapacité d'assumer des frais d'avocat peut-il assurer sa défense au civil ? Le rapport ne fournit pas d'indications sur ce point, et M. Bhagwati voudrait savoir, plus généralement, quelles mesures le gouvernement entend prendre pour garantir l'aide judiciaire, en particulier dans les cas de recours constitutionnels.

 

85.     En ce qui concerne l'Institut estonien des droits de l'homme, M. Bhagwati voudrait savoir quelles ont été ses activités durant les trois années écoulées.

 

86.     Pour ce qui est des réfugiés et des demandeurs d'asile, il apparaît que, en l'absence d'une législation effective qui leur soit applicable, l'Estonie ne les distingue pas des immigrants illégaux. Ces derniers sont, en règle générale, placés en détention pour une durée plus ou moins longue. Selon Amnesty International, un groupe de 88 demandeurs d'asile kurdes auraient été ainsi détenus en Estonie pendant un an. Le traitement des réfugiés et des demandeurs d'asile en Estonie fait apparaître une violation des articles 7, 9 et 13 du Pacte. M. Bhagwati aimerait savoir s'il existe une possibilité de faire recours contre les décisions des autorités dans ce domaine, et si le Gouvernement estonien a l'intention d'adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés et de promulguer une législation applicable à ces derniers.

 

87.     Enfin, M. Bhagwati fait sienne la remarque de M. Bán concernant l'augmentation du nombre des crimes entraînant la peine capitale.

 

88.     M. POCAR souhaite la bienvenue à la délégation estonienne. Il voudrait, lui aussi, connaître le statut exact du Pacte dans le droit interne. Les dispositions de cet instrument s'appliquent-elles directement en Estonie et, en cas de contradiction avec des lois nationales, le Pacte prime-t-il ? Dans l'affirmative, la juridiction appelée à se prononcer sur ce point déclare-t-elle également inconstitutionnelles les dispositions législatives concernées, conformément à l'article 15 de la Constitution ? Si c'est le cas, une loi ainsi déclarée inconstitutionnelle est-elle nulle et non avenue ?

 

89.     En ce qui concerne l'utilisation des armes à feu par la police, dont il est question au paragraphe 66 du rapport (CCPR/C/81/Add.5), quelle est la définition exacte d'"un crime grave" ?

 

90.     D'après les informations dont dispose M. Pocar, il y aurait eu plusieurs meurtres de détenus commis par d'autres détenus dans les prisons estoniennes. M. Pocar souhaiterait des informations de la délégation estonienne sur ce point. En particulier, il semblerait que ces meurtres n'aient pas tous donné lieu à des enquêtes et que, par conséquent, un certain nombre d'entre eux soient restés impunis. Quelles mesures les autorités compétentes ont-elles prises ou envisagent-elles de prendre pour remédier à cette situation ?

 

91.     En ce qui concerne la question des minorités nationales, la Loi relative à l'autonomie culturelle des minorités ethniques est source d'une certaine confusion. En particulier, elle ne semble pas pleinement conforme aux dispositions de l'article 27 du Pacte. En outre, la lecture du paragraphe 238 du rapport (CCPR/C/81/Add.5) fait apparaître que les minorités allemande, russe et suédoise sont assimilées à la minorité juive. Or elles sont de nature différente, la minorité juive ayant un caractère religieux. M. Pocar souhaiterait des éclaircissements sur ce point.

 

92.     M. Pocar relève dans le document de base (HRI/CORE/1/Add.50) que 2 000 km2 du territoire estonien sont toujours occupés par la Fédération de Russie. Dans ces conditions, comment le Pacte est-il appliqué dans cette partie de l'Estonie, et quelle est l'autorité responsable de son application ?

 

93.     M. FRANCIS souhaite, lui aussi, la bienvenue à la délégation. MM. Prado Vallejo et Kretzmer ont exprimé des inquiétudes semblables aux siennes quant à la situation pénitentiaire, et il ne s'étendra donc pas sur ce point.

 

94.     En ce qui concerne l'attitude des autorités face au respect des droits des minorités, M. Francis se demande si elle repose sur l'idée que les minorités ne sauraient apporter une contribution positive au développement politique, social, économique et culturel du pays. M. Francis fait observer que, précisément, un certain nombre de pays occidentaux doivent leur prospérité aux multiples minorités dont ils sont le creuset. M. Francis invite instamment les autorités estoniennes à prendre pleinement en compte le potentiel constitué par les minorités vivant sur leur territoire - à savoir 38 % de leur population -, qui sont une source de richesse à bien des égards pour le pays.

 

95.     Le PRESIDENT invite les membres du Comité à poursuivre l'examen du rapport initial de l'Estonie (CCPR/C/81/Add.5) lors d'une prochaine séance.

 

La séance est levée à 13 heures.

 

 

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