Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.139
15 avril 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 139ème séance : France. 15/04/94.
CRC/C/SR.139. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 139ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le lundi 11 avril 1994, à 10 heures.

Président : M. HAMMARBERG


SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties

Rapport initial de la France



*/ Il n'a pas été établi de compte rendu analytique pour la 138ème séance.

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

La séance est ouverte à 10 h 15.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour)
(suite)

Rapport initial de la France (CRC/C/3/Add.15; document de base HRI/CORE/1/Add.17)

1. Le PRESIDENT souhaite la bienvenue à la délégation française et l'invite à prendre place à la table du Comité. Cette délégation se compose de M. Claude Fonrojet, délégué à l'innovation sociale, chef de la délégation, de M. Didier Talpain, conseiller technique au Cabinet du Ministre délégué àl'action humanitaire et aux droits de l'homme, de M. Nicolas Mettra, sous-directeur des droits de l'homme, des questions humanitaires et sociales, de Mme Françoise Busnel, de la Direction de l'action sociale du Ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville, de Mme Françoise Dubreuil, de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse et de Mme Nathalie Riomet, Direction des affaires civiles et du sceau du Ministère de la justice.

2. MM. Fonrojet, Talpain et Mettra et Mmes Busnel, Dubreuil et Riomet (France) prennent place à la table du Comité.

3. Le PRESIDENT invite à présent le chef de la délégation française àprésenter le rapport initial de son pays.

4. M. FONROJET (France) tient tout d'abord à exprimer au nom de la délégation française, ainsi qu'au nom du Gouvernement français et plus spécialement de Mme Simone Veil, Ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, l'importance toute particulière que la France attache à la présentation de son premier rapport. Après avoir salué le rôle essentiel que joue le Comité en faveur de la promotion et de la défense des droits de l'enfant, M. Fonrojet rappelle que la France a été l'un des tous premiers pays à ratifier la Convention.

5. Conformément aux recommandations formulées par le Comité, les pouvoirs publics français ont associé étroitement les associations françaises de défense de l'enfant (réunies au sein du Conseil français des associations pour les droits de l'enfance) aux travaux de mise en oeuvre de la Convention. M. Fonrojet souhaiterait à ce propos mettre en relief les points qui lui apparaissent les plus importants parmi les réformes engagées en application de la Convention.

6. En ce qui concerne le statut juridique de l'enfant, la loi du 8 janvier 1993 lui confère le droit d'être entendu et défendu en justice. Cette loi, qui est reproduite dans l'une des annexes du rapport, généralise le droit de l'enfant à la parole dans les procédures. Toutefois ce droit, dont la loi établit qu'il concerne l'enfant capable de discernement, s'exerce dans le strict respect des règles qui ne doivent pas aboutir à l'inverse de l'effet désiré, c'est-à-dire à déstabiliser encore davantage l'enfant qui se trouve déjà dans une situation difficile. Aussi a-t-il été prévu que si les intérêts de l'enfant venaient à diverger de ceux des parents, la désignation d'un administrateur ad hoc pour le représenter à cette procédure permettrait d'éviter des situations gênantes. En ce qui concerne le consentement des mineurs aux actes les concernant, la même loi du 8 janvier 1993 a ouvert àl'enfant âgé de 13 ans, et non plus de 15 ans, la possibilité d'user de nouveaux espaces de liberté et surtout de responsabilité.

7. Quant aux droits des mineurs à l'établissement de la filiation, il a été amélioré sur plusieurs points : l'acte de notoriété constatant la possession d'état sera porté en marge de l'acte de naissance de l'enfant, l'établissement judiciaire de la filiation est simplifié et la nouvelle loi supprime les cas d'ouverture de la recherche de paternité naturelle.

8. Il convient de préciser, à propos de la liberté d'expression de l'enfant, que le décret du 18 février 1991 permet aux collégiens et aux lycéens de s'exprimer et leur confère des droits tangibles : local spécifique de réunion dans chaque établissement, droit de publier des journaux, d'imprimer leurs opinions, etc. Par ailleurs, des conseils municipaux d'enfants ont été établis dans plusieurs municipalités.

9. Par ailleurs, convaincu que c'est dans le cadre familial que l'intérêt supérieur de l'enfant est le mieux défendu, le Gouvernement français présentera prochainement au Parlement un projet de loi relatif à la famille, dans lequel le gouvernement propose le versement d'une allocation parentale d'éducation à celui des deux parents qui décide de cesser ou de réduire son activité jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant. Cette allocation, qui n'était versée qu'à partir du troisième enfant, le sera dès le second enfant et sera réformée de façon à favoriser le travail à temps partiel. Dans le même temps, il est proposé d'améliorer les aides aux parents qui ont recours à un mode d'accueil individuel (assistance maternelle ou employée de maison) et différentes mesures seront destinées à soutenir le développement des modes d'accueil périscolaires. Il s'agit donc d'un programme équilibré qui n'entend prévilégier ni la garde par les parents, ni l'accueil en collectivité ou dans une famille rémunérée par les parents. Ce projet de loi vise aussi, d'une part à favoriser une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale en facilitant le travail à temps partiel et en instaurant des congés pour les parents dont l'enfant est malade, et d'autre part à accroître les aides aux parents qui ont de jeunes adultes à charge et à améliorer les aides pour le logement des familles.

10. Il est un autre domaine qui requiert en ce moment même l'attention du Gouvernement français : l'adoption des lois relatives à la bioéthique. Le rapport mentionne les projets dans leur état de 1993. Le gouvernement a souhaité aller au-delà des dispositions prévues et a ajouté des dispositions rendant encore plus sévères les sanctions en cas de non-observation des grands principes qui y sont énoncés : non-commercialisation du corps humain, respect du corps humain dans toutes ses composantes, conditions très strictes posées à cette forme nouvelle de diagnostic médical que l'on appelle le diagnostic préimplantatoire, interdiction formelle de tout trafic d'organes. L'assistance médicale à la procréation figure également parmi les principes strictement encadrés par la loi en discussion.

11. Enfin, le Gouvernement français entend intensifier sa lutte contre l'une des formes les plus criantes d'exploitation de l'enfance, à savoir l'exploitation sexuelle. La loi du 1er février 1994 modifiant le Code pénal à cet effet, a introduit une disposition permettant la répression de la prostitution des mineurs de moins de 15 ans (cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende). La loi pénale française a par ailleurs été rendue applicable aux Français qui auraient recours, à l'étranger, à la prostitution d'un mineur de moins de 15 ans. Le Gouvernement français est conscient que dans ce domaine, l'action menée au plan national compte d'autant plus qu'elle est relayée par une action internationale résolue. C'est la raison pour laquelle il soutient vigoureusement les actions menées par le Comité des droits de l'enfant et par le Rapporteur spécial sur l'exploitation de l'enfant. C'est aussi la raison pour laquelle le Gouvernement français, et notamment Mme Michaux Chevry, ministre délégué à l'action humanitaire et aux droits de l'homme, sont attentifs à tout ce qui peut contribuer àl'amélioration de la protection des droits de l'enfant.

12. Le PRESIDENT remercie M. Fonrojet pour son introduction. Il précise que les réponses écrites faites par le Gouvernement français aux questions posées par le Comité dans la liste des points à traiter (CRC/C.5/WP.4) est en cours de traduction. Il invite donc la délégation française à résumer, à l'intention des personnes qui ne connaissent pas le français, les réponses du Gouvernement français aux questions concernant les mesures d'application générales, qui sont reproduites ci-après :

Mesures d'application générales
(Art. 4, 42 et 44, par. 6 de la Convention)


13. M. FONROJET, répondant à la question 1, dit que la France considère que l'article 30 ne lui est pas applicable car il est contraire aux fondements de son droit public. La France n'envisage pas la possibilité de réviser ou de modifier sa position, dans la mesure où elle estime qu'au-delà des divergences d'approches juridiques qui existent d'un pays à l'autre, les garanties concrètes accordées aux individus sont celles qu'exige la Convention relative aux droits de l'enfant.

14. Répondant à la question 2, M. Fonrojet dit qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution française les traités régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle de la loi. Ainsi, les normes d'instruments internationaux généraux ont vocation à prévaloir sur les normes nationales, même si la loi interne est postérieure. Plusieurs juridictions ont estimé que la Convention avait vocation à s'appliquer directement en droit interne. Ainsi, dans un arrêt du 28 juillet 1993, le Conseil d'Etat a estimé que les articles 9 et 19 de la Convention étaient d'application directe même si, dans le cas d'espèce, il les a écartés. Toutefois, conformément à la distinction entre les traités créant des droits ou obligations à l'égard des Etats et ceux nécessitant des modalités de transcription en droit interne, la Cour de cassation, appelée à statuer sur l'applicabilité des dispositions de l'article 12 de la Convention a, par un arrêt du 10 mars 1993, estimé que les dispositions de la Convention ne pouvaient être invoquées devant les tribunaux au motif que cet instrument, qui ne crée des obligations qu'à la charge des Etats parties, n'est pas directement applicable en droit interne.

15. C'est l'article 12 de la Convention qui est le plus fréquemment invoqué devant les tribunaux français notamment en ce qui concerne l'audition des mineurs de moins de 13 ans dans les procédures de divorce ou de modification d'exercice du droit de garde, de visite et d'hébergement. Afin d'améliorer la mise en conformité du droit français avec les dispositions précitées, la loi du 8 janvier 1993 a consacré le droit pour l'enfant d'être entendu, avec l'assistance d'un avocat ou d'une personne de son choix, dans toute procédure judiciaire le concernant.

16. M. Fonrojet dit qu'il a pour l'essentiel répondu à la question 3 dans son introduction. Il lui paraît préférable à ce propos de parler d'assistance médicale à la procréation plutôt que de procréation médicale assistée.

17. Répondant à la question 4, le représentant de la France dit que la loi du 13 juillet 1993, dite loi d'orientation sur la ville, ne comprend pas à priori de dispositions concernant les enfants. En ce qui concerne la participation des enfants et des adolescents à la vie sociale de leur cité, il convient de signaler la création des conseils municipaux d'enfants, dont le nombre est passé d'une dizaine au début des années 80 à 650 actuellement (la France compte 36 000 communes).

18. En réponse à la question 5, M. Fonrojet indique qu'en France la protection des mineurs est assurée, d'une part par le service de l'aide sociale à l'enfance, qui relève des départements et, d'autre part, par les services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui dépendent du Ministère de la justice. Sur le plan financier, l'aide sociale à l'enfance a représenté près de vingt milliards de francs pour l'ensemble des départements, en 1992. Il est à noter que le secteur enfance représente 40 % du budget d'aide sociale des départements.

19. Répondant à la question 6, le représentant de la France indique que le budget du Ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville s'établit pour 1994, à 57 milliards de francs. Deux milliards 212 millions de francs sont consacrés à la politique sanitaire (notamment à la lutte contre le SIDA, la toxicomanie et l'alcoolisme), 48 milliards 907 millions à la politique sociale (notamment à l'action en faveur des handicapés et àl'insertion sociale), 1 milliard 104 millions à la formation des professions médicales, paramédicales et sociales et 858 millions de francs à la politique de la ville (notamment à l'amélioration de la vie sociale dans les quartiers en difficulté).

20. En réponse à la question 7, M. Fonrojet souligne qu'il est souvent difficile de distinguer dans la politique d'aide au développement les actions qui concernent spécialement les droits de l'enfant. S'agissant du domaine social, le Ministère des affaires étrangères finance notamment de nombreux projets dans le domaine de la santé. Le Ministère de la coopération a de son côté mis en place un projet intitulé "Suivi du Sommet de l'enfance", auquel a été allouée la somme de 20 millions de francs, en réponse au plan d'action incitant chaque pays à réviser son budget d'aide au développement. Ce projet porte sur l'éducation pour la santé, la santé maternelle et infantile et la nutrition. De plus, la Journée tiers monde, qui a lieu chaque année le 20 octobre, se traduit par des actions visant à promouvoir une meilleure connaissance du tiers monde et à manifester la solidarité des enfants avec les populations des pays en développement au moyen d'actions très diverses.

21. En réponse à la question 8, M. Fonrojet dit que la diffusion de la Convention auprès des enfants et plus largement l'information des jeunes sur leurs droits est une des préoccupations du gouvernement. Les actions visant àpermettre l'accès à une information juridique sur la Convention ont revêtu des formes très variées : permanences tenues dans les locaux des palais de justice ou des maisons des avocats, permanences juridiques dans les lycées ou les établissements de protection judiciaire de la jeunesse, consultations d'avocats spécialisés à l'égard des mineurs dans les maisons de justice et du droit, actions diverses de sensibilisation. Par ailleurs, le Ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville a mis au point plusieurs brochures, dont une est spécifiquement destinée aux enfants de six à dix ans et qui ont été très largement diffusées. De plus, des commentaires sur la Convention et plus généralement sur le thème des droits de l'enfant font l'objet d'une multitude de publications écrites (articles de presse, revues, brochures et rapports). Enfin, l'Institut du droit des enfants et des familles (IDEF) et des ONG militant pour la promotion et la défense des droits de l'enfant ont proposé tant aux professionnels de l'enfance qu'à tout public intéressé des cycles de formation variés.

22. S'agissant des difficultés reconnues dans la mise en oeuvre de la Convention, la France, dix ans après les lois de décentralisation, souhaite une meilleure cohérence des systèmes de prévention et de protection proposés aux familles et aux enfants et engage en 1994 une réflexion sur ce sujet. Par ailleurs, les journées de réflexion organisées chaque année entre les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales, à l'occasion de l'anniversaire de l'adoption de la Convention par les Nations Unies, devraient permettre progressivement de cerner l'ensemble des difficultés d'application de la Convention et de rechercher les solutions à y apporter.

23. Le PRESIDENT rappelle que le Gouvernement français a émis une réserve à propos de l'article 30 de la Convention et formulé deux déclarations interprétatives relatives à l'article 6 et au sous-alinéa v) de l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 40.

24. M. KOLOSOV rappelle qu'en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, une réserve modifie l'effet juridique de certaines dispositions du traité concerné dans leur application à l'Etat qui émet la réserve. En revanche, une déclaration interprétative, qui peut être formulée, soit quand l'instrument international interdit explicitement les réserves, soit pour exprimer un point de vue particulier même lorsque les réserves sont admises, ne change en aucun cas les obligations et responsabilités de l'Etat qui l'a formulée. Dans ce contexte, et étant donné que les déclarations interprétatives formulées par le Gouvernement français se rapportent à des dispositions spécifiques, M. Kolosov souhaite avoir des précisions quant aux raisons qui ont poussé la France à formuler des déclarations interprétatives et non des réserves. L'intention de la France était-elle de modifier ses responsabilités et obligations en la matière ou ne s'agissait-il que de déclarations d'ordre politique ?

25. Mme SANTOS PAIS est préoccupée par le fait que la France réaffirme, dans son rapport initial CRC/C/3/Add.15, qu'elle ne saurait reconnaître l'existence de minorités au sens de groupes jouissant d'un statut particulier. Cependant, l'article 30 de la Convention est essentiellement axé sur les droits individuels, alors que l'approche du Gouvernement français est plutôt axée sur la notion de groupe. Le Comité ne peut par conséquent qu'encourager la France à revoir sa position concernant la réserve relative à l'article 30. Cette démarche serait d'autant plus indiquée que, dans son rapport, la France reconnaît que les libertés fondamentales, la démocratie et les principes de décentralisation permettent l'expression des spécificités régionales, culturelles et religieuses. En outre, lorsque l'Assemblée générale a adopté par consensus la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, la France n'a pas formulé de déclaration. Or, l'approche qui a présidé à l'adoption de cette déclaration est la même que celle qui a présidé à l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant.

26. M. KOLOSOV demande si, s'agissant de l'article 30 de la Convention, la France a émis une réserve ou formulé une déclaration.

27. Le PRESIDENT précise que le rapport de la France fait état d'une réserve relative à l'article 30 alors que le document CRC/C/2/Rev.2 (Réserves, déclarations et objections concernant la Convention relative aux droits de l'enfant) fait état d'une déclaration de la France quant à l'article 30. Il serait, par conséquent, utile que le secrétariat examine les documents originaux pour déterminer si la France a émis une réserve ou formulé une déclaration quant à l'article 30 de la Convention.

28. Mme EUFEMIO estime que les raisons permettant l'interruption volontaire de grossesse, telles qu'elles sont décrites au paragraphe 171 du rapport de la France, relèvent en fait de l'intérêt supérieur de l'enfant. Par conséquent, le fait d'autoriser des interruptions volontaires de grossesse ne serait pas réellement en contradiction avec le préambule de l'article 6 de la Convention. La déclaration relative à l'article 6 est-elle dès lors nécessaire ?

29. Le PRESIDENT demande comment les autres Etats parties à la Convention doivent interpréter la réserve - ou la déclaration - relative à l'article 30. Peu d'Etats parties ont en effet émis des réserves ou formulé des déclarations à ce sujet.

30. M. FONROJET (France) réaffirme que son pays a émis une réserve visant l'article 30 et a formulé deux déclarations interprétatives visant l'article 6 et le sous-alinéa v) de l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 40. Concernant l'article 30, comme il l'a déjà fait au début de son intervention, le représentant de la France rappelle que son pays n'envisage pas de modifier ni de retirer sa réserve. La France considère en effet que l'article 30 ne lui est pas applicable car il est contraire aux fondements de son droit public. En effet, la Constitution de 1958 dispose, d'une part, que "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, et assure l'égalité devant la loi de tous ses citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances". D'autre part, "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice". En droit français, le concept de "minorité" a traditionnellement été interprété comme contraire au principe fondamental de non-discrimination. La France accorde à tous la même liberté dans l'égalité et la fraternité, sans qu'il lui soit nécessaire de reconnaître la notion juridique de "minorité". Le concept de "minorité" a été élaboré dans certaines conditions historiques et géographiques déterminées, étrangères aux conditions historiques dans lesquelles s'est développée la nation française. Cela étant, la France estime qu'au-delà de ces divergences d'approches juridiques, les garanties concrètes accordées aux individus sont identiques. Il convient en outre de rappeler que la position de la France à cet égard figure in extenso dans le rapport relatif aux négociations qui ont précédé l'adoption de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.

31. S'agissant des déclarations interprétatives, la France reconnaît en réalité les principes généraux énoncés aux articles concernés mais souhaite que des dérogations limitées soient apportées lorsqu'elles sont justifiées par des situations particulières établies par le droit français. C'est ainsi, par exemple, qu'un mineur, même s'il est partie à une procédure, ne peut interjeter appel; en revanche, ses parents sont en droit de le faire. Le principe de l'appel n'est donc pas mis en cause par la déclaration relative au sous-alinéa v) de l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 40.

32. Mme SANTOS PAIS estime qu'il faudrait interpréter la notion de minorité de manière plus large et plus évolutive pour qu'elle englobe, non seulement les groupes, mais également les personnes appartenant à ces groupes. En outre, la France fait souvent référence aux citoyens alors que l'article 2 de la Convention établit que les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, qu'il soit citoyen français ou non. Mme Santos Pais espère que le dialogue entamé dans le cadre des travaux du Comité permettra à la France de reconsidérer la réserve qu'elle a émise.

33. M. KOLOSOV estime que, s'agissant de l'article 30 de la Convention, il s'agit bien d'une déclaration. En effet, la formulation est la suivante : "Le Gouvernement de la République déclare, compte tenu de l'article 2 de la Constitution de la République française, que l'article 30 n'a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la République." Dès lors, si un différend surgit entre le Gouvernement français et le gouvernement d'un autre Etat partie à la Convention et qu'il est soumis à une instance internationale, le texte de la déclaration ne modifiera en aucun cas les obligations et responsabilités de la France.

34. Le PRESIDENT croit comprendre que l'article 30 n'est pas applicable en France de crainte qu'on puisse reconnaître à des groupes non officiels la capacité de prendre des décisions en France. Si on lit attentivement l'article 30 de la Convention, cette crainte ne semble pas justifiée.

35. M. FONROJET (France) rappelle que ce débat a déjà eu lieu lors des travaux qui ont précédé l'élaboration de la Convention. En tout état de cause, les objectifs et les résultats actuels vont dans le sens de ce qui était souhaité au moment de l'adoption de la Convention. La République française garantit à tous ses citoyens tous les droits et libertés nécessaires àl'épanouissement de leur personnalité. Cela étant, le Gouvernement français est tenu de respecter le texte de la Constitution française; c'est pourquoi il ne reviendra pas sur ladite réserve. Par ailleurs la juridiction française est compétente à l'égard de tout mineur qui se trouve sur son territoire, qu'il soit en situation régulière ou non.

36. M. MOMBESHORA se demande si c'est la notion de "statut particulier" mentionnée dans la dernière phrase du paragraphe 47 du rapport de la France, aux termes de laquelle "l'existence de minorités ne saurait être reconnue en France au sens de groupes jouissant d'un statut particulier", qui motive la réserve. En effet, dans l'article 30 de la Convention, il n'est pas question de statut particulier mais simplement des droits qui doivent être reconnus à des enfants appartenant à des minorités.

37. M. FONROJET (France) rappelle que les libertés de culte et d'enseignement sont pleinement garanties en France et que l'on ne peut interpréter la position française comme un refus d'accorder un statut à certains individus. Cela contredirait la volonté de respecter les droits inscrits dans la Constitution.

38. Le PRESIDENT précise que le Comité estime que l'article 30 n'a pas pour objet d'attribuer un statut spécifique à certains groupes (minorités ou groupes religieux) mais de faire en sorte que des enfants appartenant à ces groupes n'éprouvent pas de difficultés dans leur vie quotidienne. Il convient à cet égard de souligner que les réponses apportées par la France quant àl'application de l'article 30 répondent à ces préoccupations.

39. Abordant la question relative à l'application de la Convention par les tribunaux (question 2 de la section "Mesures d'application générales), Mme SANTOS PAIS note avec intérêt que la France se conforme en principe àl'article 55 de sa Constitution, qui confère aux traités régulièrement ratifiés et publiés une autorité supérieure à celle de la loi. Toutefois, elle croit comprendre à la lecture des réponses écrites de la France que plusieurs juridictions ont donné des interprétations selon lesquelles la Convention ne crée des obligations qu'à la charge des Etats parties et qui ne sont pas directement applicables en droit interne. Tout en respectant l'indépendance du pouvoir judiciaire, garantie par la Constitution, Mme Santos Pais souhaite savoir quelle sera à l'avenir la réaction de ces juridictions à la lumière des deux arrêts mentionnés dans les réponses écrites. Abordant le problème sur le plan philosophique, elle dit que les dispositions de la Convention désignent un objectif et qu'il incombe à l'Etat de prendre les meilleures mesures possibles dans les limites de sa liberté d'action pour l'atteindre (en respectant les principes de la non-discrimination, de l'intérêt supérieur de l'enfant et la nécessité d'utiliser toutes les ressources possibles). Elle demande si les arrêts considérés du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation signifient une modification du système dit "moniste" selon lequel les stipulations des accords internationaux sont introduites directement dans le droit français sans avoir à être retraduites, pour être applicables en France, en dispositions nationales.

40. M. KOLOSOV dit que l'applicabilité des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme au droit interne peut revêtir trois aspects. D'une part, la dernière loi prime sur toutes les lois antérieures et les dispositions d'un instrument international sont alors applicables. D'autre part, les dispositions de la Convention sont traduites dans les codes nationaux pour harmoniser la législation nationale avec celle de la Convention. Et enfin, lorsqu'un instrument international ratifié n'est pas automatiquement incorporé dans la législation nationale, une période d'adaptation s'instaure, au cours de laquelle, si une contradiction apparaît entre le droit national et le droit international, la suprématie du droit international est reconnue. M. Kolosov demande en vertu de quel système le Gouvernement français s'acquitte des obligations auxquelles il a souscrit en ratifiant la Convention relative aux droits de l'enfant. Il note à ce propos que se référer à une loi nationale ne confirme pas en soi que des efforts sont faits pour améliorer la situation des enfants.

41. M. FONROJET (France) confirme qu'en principe l'article 55 de la Constitution de 1958 dispose que les traités régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle de la loi. Pour le Gouvernement français, il est clair que les droits des enfants ne doivent pas rester au stade des principes mais se traduire dans la pratique. Les adaptations du droit interne à la Convention ont été très limitées puisque la France avait participé très activement à la rédaction de la Convention et avait tenu compte par anticipation d'un certain nombre de ses dispositions. Afin d'améliorer la mise en conformité du droit français avec les dispositions de la Convention, la loi du 8 janvier 1993 a consacré le droit pour l'enfant d'être entendu avec l'assistance d'un avocat ou d'une personne de son choix dans toute procédure judiciaire le concernant. M. Fonrojet ne voit donc pas de divergence avec la position soutenue par Mme Santos Pais. A propos de l'applicabilité directe en droit interne des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, M. Fonrojet dit que la Commission nationale consultative des droits de l'homme a réalisé une étude approfondie sur cette question complexe et qu'il exposera les grandes lignes de cette étude au cours de la séance de l'après-midi.

42. Mme SANTOS PAIS se félicite que les membres du Comité auront accès au contenu de l'étude réalisée par la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Elle se dit toutefois préoccupée par le fait que la concrétisation des droits de l'enfant garantis par la Convention peut être insuffisante si elle n'est pas à chaque fois complétée par l'action de l'Etat concerné. Par ailleurs, elle constate que les dispositions d'application directe de la Convention sont certes reconnues en France mais, qu'en ce qui concerne les enfants, c'est le plus souvent une loi interne qui est invoquée devant les tribunaux, au lieu de l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Enfin, elle se demande comment l'Etat français peut limiter l'interprétation de la Convention aux seuls cas d'espèce portés devant les tribunaux.

43. M. FONROJET (France) dit que la Convention relative aux droits de l'enfant confère à l'enfant le droit d'être entendu mais sans préciser les modalités. Par contre, la France dispose d'un double système : une enquête sociale sans formalisme autre que celui du respect des droits de l'enfant, et le dispositif prévu par la loi de 1993. Il fait remarquer que le cadre juridique et pratique d'un système d'audition varie souvent d'un pays à un autre; pour sa part, la France ne s'en tient nullement aux seuls principes, puisqu'elle dispose que l'enfant a le droit d'être entendu avec l'assistance d'un avocat dans toute procédure judiciaire.

44. M. MOMBESHORA, à propos de la question 7 de la section "Mesures d'application générales", demande s'il est possible de distinguer dans le cadre des programmes d'aide et de développement mis en oeuvre par la Communauté européenne, auxquels participent la France, les actions spécifiques menées en faveur des enfants. Par ailleurs, il aimerait savoir quelle est l'aide publique apportée par la France aux programmes d'ajustement structurel des pays en développement.

45. Le PRESIDENT dit qu'il conviendrait, en un premier temps, de se limiter à l'aide au développement apportée par la France. Des rapports du PNUD et de l'UNICEF ont recommandé que certains pays, dont la France, réorientent leur assistance au développement pour accentuer les besoins sociaux (éducation primaire, soins de santé primaires, assainissement, eau potable). Il serait intéressant de savoir si la France a procédé à des analyses qui permettent de dire dans quelle mesure les programmes qu'elles appuie bénéficient aux enfants.

46. Mme SANTOS PAIS note avec satisfaction que l'aide au développement pour l'enfance est un des premiers éléments de la politique française de mise en oeuvre de la Convention. Elle rappelle que le consensus de Dakar, adopté en 1992, dispose que les partenaires qui font des dons à des pays en développement s'engagent à faire tout leur possible pour développer le programme officiel d'aide au développement et promouvoir l'allégement de la dette. Elle déplore toutefois la décision de dévaluation du franc CFA et se dit préoccupée par l'impact de cette mesure sur la politique de l'enfance (augmentation des prix des vaccins, des médicaments, etc.), en particulier pour les pays qui, après la conférence de Dakar, se sont sentis encouragés par une approche d'ouverture et de compréhension.

47. M. FONROJET (France) précise que la France est le troisième contributeur mondial dans le domaine de l'aide bilatérale et qu'elle suit avec la plus grande attention les recommandations formulées par le Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans la mise en oeuvre de sa politique de coopération. Il rappelle que la France s'est attachée à mettre en place un plan d'action spécifique, dans les pays où le franc CFA a été dévalué, qui tienne compte des priorités sociales dans la définition des efforts à accomplir. Des ajustements permanents sont opérés en fonction de la réalité des pays concernés. M. Fonrojet note également qu'un programme de lutte contre le SIDA a été mis en place et que pour l'exercice 1993/94 le montant des crédits alloués à cette action s'élève à 300 millions de francs. Le Gouvernement français s'efforce d'avoir une attitude cohérente et à traduire dans la pratique les principes de sa politique.

48. Le PRESIDENT demande à la délégation française si des analyses approfondies sont menées sur ces aspects de la politique de coopération de son pays.

49. M. FONROJET (France) dit que toute analyse doit se faire en concertation avec les pays concernés compte tenu des observations formulées dans le cadre du Comité d'aide au développement de l'OCDE. Un premier bilan porte sur les pays qui doivent faire face à la dévaluation du franc CFA et aux problèmes de SIDA.

50. Le PRESIDENT demande si les examens en cours prennent en considération les suggestions formulées récemment par le PNUD, l'UNICEF et la Banque mondiale tendant à accorder une plus grande priorité aux programmes sociaux (20 % des crédits au secteur social). Il serait intéressant de connaître la position de la France sur ce sujet.

51. M. MOMBESHORA souhaite avoir également des précisions sur les évaluations annuelles menées afin d'appuyer le financement des programmes d'aide au développement.

52. Mme SANTOS PAIS rappelle que, même lors du consensus de Dakar, ces 20 % ont constitué une ligne de force. Par ailleurs, lors de la Conférence mondiale des droits de l'homme, les droits de l'enfant ont été largement évoqués, ainsi que les moyens nécessaires pour les mettre en oeuvre, conformément àl'article 4 de la Convention. A cette occasion, on a insisté sur l'importance que revêt la coopération et, surtout, la solidarité internationale.

53. M. FONROJET (France) reconnaît l'utilité de bilans périodiques de l'action menée pour la mise en oeuvre de la Convention.

54. Mme EUFEMIO souhaiterait quelques éclaircissements sur la question 5 de la liste des points à traiter (CRC/C.5/WP.4). Existe-t-il des disparités dues à la décentralisation dans la mise en oeuvre de la Convention et des mesures correctives destinées à synchroniser les orientations issues de la décentralisation ainsi que l'aide financière ?

55. Mme SANTOS PAIS, s'appuyant sur le rapport initial de la France, constate que la décentralisation, à l'ordre du jour dans plusieurs pays européens, permet aux collectivités territoriales de trouver des réponses imaginatives en accord avec la situation de chaque région, mais risque de créer des disparités. Aussi l'Etat doit-il veiller à ce que le principe de l'égalité des citoyens soit respecté. De ce point de vue, l'oratrice souhaiterait davantage d'informations sur le rôle que joue l'Etat dans les prestations familiales ainsi que dans la protection judiciaire. En fait, dans le cadre de la décentralisation, il s'agit d'assurer une coordination qui permette d'évaluer les disparités qui pourraient avoir lieu et de les surmonter. Comment y parvenir ? L'oratrice souligne aussi que la décentralisation va souvent de pair avec une moindre prise de responsabilités de la part de l'Etat. Or la Convention préconise que, sur le plan financier, il faut affecter tous les moyens disponibles à la protection de l'enfance. Comment concilie-t-on décentralisation et responsabilité de l'Etat dans la mise en oeuvre de la Convention ?

56. Le PRESIDENT souligne que la décentralisation qui a lieu dans certains pays et la privatisation des services sociaux ne doivent pas nuire àl'application de la Convention.

57. M. FONROJET (France) insiste sur le fait que l'Etat ne se désengage pas àl'égard de la protection de l'enfance. La répartition des compétences entre les services de l'Etat et les collectivités locales ne signifie en aucun cas que l'Etat renonce à son pouvoir de régulation, d'impulsion et de coordination. En particulier, la protection judiciaire demeure une compétence de l'Etat, et il appartient au service judiciaire d'assurer une protection égale à tous les mineurs sur l'ensemble du territoire. De fait, la décentralisation ne touche qu'un des volets de la protection de l'enfance, et une partie seulement des sommes consacrées au bien-être de l'enfant. L'orateur souligne que, en France, le système des prestations familiales représente un coût de plus de 120 milliards de francs. En transférant des compétences aux départements pour gérer les services d'aide sociale, l'Etat a pris des précautions. Ainsi, la loi portant transfert de compétences à cet égard précise que les départements sont tenus de fournir un certain nombre de prestations minimales. Par ailleurs, afin de pallier des ressources trop inégales, on effectue une péréquation entre les ressources des collectivités locales. Plusieurs colloques consacrés à ce sujet ont montré que les craintes de désengagement de l'Etat étaient infondées. L'orateur rappelle qu'un bilan en cours d'élaboration sur dix années de décentralisation en France pourra apporter une réponse sur la manière de contrôler en permanence la protection de l'enfance et sur les points à améliorer. Certes, il est toujours difficile de concilier la décentralisation, qui implique une prise de décisions au plus près des réalités, et le rôle de l'Etat. Cependant, l'Etat n'entend pas renoncer à son rôle régulateur dans ce domaine.

58. Mme SANTOS PAIS craint que, dans le cadre de la décentralisation, la coordination ne puisse pas être suivie d'affectations de ressources au niveau local. Dans certains pays, la décentralisation n'a pas été accompagnée d'un renforcement des moyens financiers. Est-ce le cas en France ? Comment est envisagée l'évaluation dans le bilan dont il a été fait mention ?

59. M. FONROJET (France) insiste sur le fait que depuis décembre 1983, date où la décentralisation a commencé, l'Etat ne s'est pas désintéressé de ces problèmes. Ainsi il a été institué, en partenariat entre les collectivités locales et l'Etat, un groupement de lutte contre l'enfance maltraitée afin que l'Etat puisse intervenir là où c'est utile. D'autre part, la création du revenu minimum d'insertion (RMI) prend en compte les besoins des personnes les plus démunies, et partant des familles. Le RMI représente un effort considérable pour les pouvoirs publics. Enfin, il existe un projet de loi sur la famille dont l'objectif est d'aider financièrement les familles. Les pouvoirs publics ont le souci permanent de coordonner l'action de ceux qui interviennent dans le champ de l'action et de la politique sociales. De fait, cette coordination constitue un souci lancinant pour toute politique d'action sociale; elle vise à ce que la prolifération des initiatives individuelles n'entraîne pas de déperdition d'énergie. L'orateur rappelle que la loi relative à la décentralisation a prévu, parallèlement au transfert des compétences, un transfert de ressources. Ainsi, les ressources des collectivités territoriales ont évolué et traduisent l'action volontariste de l'Etat dans plusieurs domaines.

60. Le PRESIDENT, se référant au paragraphe 103 du rapport initial de la France, souhaiterait savoir si le rapport sur la mise en oeuvre de la Convention qui y est mentionné a été présenté au Parlement.

61. Mme EUFEMIO, se référant à ce même paragraphe 103 du rapport initial, souhaiterait savoir si les assemblées parlementaires peuvent contrôler l'activité du gouvernement dans l'application de la Convention. Par ailleurs, elle souhaiterait davantage de précision sur les mécanismes de coordination actuellement en place.

62. M. FONROJET (France), se référant au même paragraphe, précise que le rapport qui y est mentionné ne sera présenté à l'Assemblée que le 20 novembre 1994 et qu'il sera adressé au Comité. Par ailleurs, l'orateur informe qu'un rapport sur l'enfance maltraitée a été présenté en juin 1992; ce texte constitue un des éléments d'information du Parlement. Concernant les mécanismes qui permettent de coordonner ses activités dans ce domaine, le gouvernement suit en permanence, à travers un certain nombre d'indicateurs et de rapports, les modifications qu'il convient d'apporter à la législation pour que la Convention soit appliquée. Les services du Ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville informent sans relâche le gouvernement sur les aspects relatifs à la protection de l'enfance. Des colloques ont été organisés avec les présidents des conseils généraux pour s'interroger sur tel ou tel aspect du fonctionnement des services d'aide sociale à l'enfance. Au niveau départemental, le préfet, représentant de l'Etat, en liaison avec les autorités départementales, est informé des sujets qui intéressent l'enfance. Par ailleurs, il incombe aux chambres régionales des comptes de contrôler les ressources des départements et les dépenses qu'ils sont tenus d'effectuer. Enfin, les présidents des conseils généraux engagent leur responsabilité dès lors qu'ils ne remplissent pas correctement leur mission dans le domaine de la protection de l'enfance. Toutefois, il n'existe pas une instance de concertation en tant que telle.

63. Mme SANTOS PAIS rappelle qu'en novembre 1993 s'est tenue à Paris une réunion entre organisations non gouvernementales et gouvernement, et que l'une des idées retenues a été la création d'un mécanisme de coordination global et permanent afin d'évaluer et d'assurer le suivi de la Convention. L'oratrice demande à la délégation française que cette idée ne tombe pas dans l'oubli et qu'elle voie le jour, en France comme dans d'autres pays.

64. M. FONROJET (France) prend note avec beaucoup d'intérêt de cette suggestion et s'engage à la transmettre aux autorités compétentes. Il a été personnellement chargé par Mme Michaux Chevry, ministre déléguée à l'action humanitaire et aux droits de l'homme, de lui présenter un rapport sur la protection de l'enfance dans le monde.

65. Le PRESIDENT demande aux membres du Comité s'ils ont d'autres questions àposer sur les mesures d'application générales visées dans la liste de points CRC/C.5/WP.4.

66. M. KOLOSOV, se référant à la question 8 de cette liste, souhaiterait savoir si les programmes scolaires incluent la Convention, à partir de quel âge, et le nombre d'heures de cet enseignement.

67. M. FONROJET (France) confirme que cet enseignement existe, et que des ateliers sont organisés et des outils pédagogiques mis à la disposition tant des enseignants que des enfants. Des programmes à cet effet sont inclus dans les cours d'éducation civique. En outre, diverses activités sont développées autour de la Convention et dépassent très largement le minimum fixé par les programmes. Par ailleurs, les enseignants disposent de journées de formation dans ce domaine et il existe un programme consacré aux enfants intitulé "Alice au pays des enfants".

68. M. KOLOSOV insiste sur le fait que cet enseignement doit s'inscrire dans la continuité afin qu'au bout de cinq, six ou sept ans la Convention ne soit pas oubliée, quand d'autres conventions sur d'autres aspects des droits de l'homme émergeront. Il importe que la Convention figure très clairement dans les programmes scolaires, ainsi que dans les programmes de formation pédagogique des enseignants.

69. M. FONROJET (France) rappelle que le rapport initial dont le Comité a été saisi va être diffusé dans l'ensemble des établissements scolaires (80 000), quatre ans après la ratification par la France de la Convention. Voilà qui témoigne des efforts déployés par les pouvoirs publics et de leur préoccupation à cet égard.

70. Le PRESIDENT demande si la Convention relative aux droits de l'enfant fait l'objet d'un enseignement dans les écoles de police.

71. M. FONROJET (France) le confirme.

72. Mme MASON, se référant à la question 9 de la section "Mesures d'application générales" de la liste des points à traiter (CRC/C.5/WP.4), aimerait plus d'informations sur les difficultés auxquelles a pu se heurter la mise en oeuvre pratique de la Convention.

73. M. FONROJET (France) n'a pas le sentiment qu'il y ait eu des difficultés; s'il en existe, les pouvoirs publics ne les ont pas encore découvertes. Globalement, l'application de la Convention ne soulève pas de difficultés particulières, même si la mise en conformité de certaines de ses dispositions avec la législation peut présenter des problèmes qui, le cas échéant, exigeront des aménagements juridiques.

74. Le PRESIDENT indique que l'examen du rapport initial de la France sera poursuivi à la séance suivante.

La séance est levée à 13 heures.

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