Distr.

GENERALE

E/C.12/1998/SR.40
11 décembre 1998


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 40ème séance : Germany. 11/12/98.
E/C.12/1998/SR.40. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Dix-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 40ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le lundi 23 novembre 1998, à 15 heures

Président : M. ALSTON

puis : M. CEAUSU

SOMMAIRE


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Troisième rapport périodique de l'Allemagne

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.


La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (Point 6 a) de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de l'Allemagne [(E/1994/104/Add.14); document de base (HRI/CORE/1/Add.75); descriptif de pays (E/C.12/A/GER/1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/GER.1); réponses écrites du Gouvernement allemand aux questions posées dans la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/98/6)]

1. À l'invitation du Président, la délégation allemande prend place à la table du Comité.

2. M. HÖYNCK (Allemagne) dit que lors des élections générales du 27 septembre 1998, les électeurs allemands n'ont pas laissé aux partis d'extrême droite et d'extrême gauche la moindre chance d'être représentés au Parlement. Dans le premier discours de politique générale qu'il a prononcé devant le Parlement, le 10 novembre 1998, le nouveau chancelier, M. Gerhard Schröder, a souligné avec force que les aspects économiques, sociaux et politiques de l'action du nouveau Gouvernement revêtiraient une importance capitale. Le nouveau Gouvernement est pleinement conscient que si les électeurs l'ont porté au pouvoir c'est en particulier parce qu'ils attendent de lui qu'il prenne des mesures efficaces pour réduire le ch_mage.

3. Le nouveau Gouvernement s'est fixé les objectifs suivants : améliorer l'éducation et la formation dispensée à tous les jeunes et assurer l'égalité des chances; promouvoir les droits civils et politiques, la démocratie sociale, la tolérance et la solidarité; continuer à oeuvrer en faveur de relations internationales pacifiques fondées sur le partenariat; et favoriser le développement durable à l'échelle mondiale.

4. Pour atteindre ces objectifs, le nouveau Gouvernement mettra tout en oeuvre pour mener à bien une réforme juste de la protection sociale, pour prévenir la pauvreté dans toute la mesure possible et pour réduire l'écart entre riches et pauvres. Il mettra également l'accent sur la protection des personnes âgées, de la famille et des minorités. Il s'efforcera en particulier de faciliter l'intégration des travailleurs migrants qui sont résidents permanents en Allemagne. Il a notamment l'intention de donner la possibilité à ces derniers et à leurs enfants nés en Allemagne de devenir des citoyens à part entière. Pour ce faire, il modernisera la loi sur la nationalité et, prenant le contre-pied d'une tradition bien établie, autorisera la double nationalité.

5. Sur le plan international, le nouveau Gouvernement est résolu à participer activement à la mise en place d'une politique européenne commune dans le domaine des réfugiés et des migrations fondée sur la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et sur les normes internationales relatives aux droits de l'homme, en particulier celles qui sont énoncées dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

6. L'Allemagne participera plus activement à la réalisation de la stratégie "tous les droits de l'homme pour tous". Il convient de rappeler à ce propos qu'elle a soutenu activement les efforts déployés récemment par la Commission des droits de l'homme pour mettre davantage l'accent sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier en nommant un rapporteur spécial sur le droit à l'éducation.

7. Le Gouvernement allemand pense qu'il serait utile de poursuivre l'examen du projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En principe, le Gouvernement allemand reconnaît que les procédures de plainte ouvertes aux particuliers à l'échelle internationale constituent un outil supplémentaire important pour la protection des droits de l'homme. Les procédures concrètes par lesquelles les particuliers pourraient faire valoir leurs droits économiques, sociaux et culturels doivent être étudiées plus avant. Il faudra notamment élaborer des données de référence et des indicateurs plus concrets qui permettent de déterminer si un État s'est acquitté ou non, tant au niveau national qu'au niveau international, des obligations découlant du Pacte. Le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation ainsi que les experts indépendants sur l'extrême pauvreté et sur le droit au développement devraient donner des orientations importantes en ce qui concerne la possibilité de faire valoir devant les tribunaux certains des droits économiques sociaux et culturels. Il convient également de se féliciter de la création, à l'initiative du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, du groupe de discussion sur les données de référence et du débat mené par les universitaires sur des questions telles que les obligations des États, les indicateurs et les données de référence.

8. Pour conclure, M. Höynck dit que la délégation allemande s'efforcera de répondre à toutes les questions du Comité dans un esprit d'ouverture et écoutera avec une attention particulière tous les conseils et recommandations que pourrait formuler le Comité.

9. M. WILLERS (Allemagne) dit que le troisième rapport périodique de l'Allemagne est le premier qui couvre la totalité des dispositions du Pacte. Plus important encore, il s'agit du premier rapport établi depuis la réalisation de l'unification allemande. Cet événement a entraîné des charges financières considérables. C'est ainsi que pour la seule année 1991, l'État a dépensé environ 28,5 milliards de DM pour payer les pensions de vieillesse des habitants de l'ex-RDA. En outre, il a consacré, cette année-là, environ 30 milliards de DM à des mesures de politique active d'emploi visant à freiner, dans les nouveaux Länder, l'augmentation du nombre des ch_meurs, qui a rapidement franchi la barre du million. Le volume considérable de ces charges explique peut-être pourquoi, dans certains domaines couverts par le Pacte, notamment l'article 9, le troisième rapport périodique fait état de progrès moins importants que ce que l'on aurait pu attendre. Pour l'ensemble de l'Allemagne, le taux de ch_mage oscille autour de 12 %. On ne saurait donc prétendre, dans ces conditions, que la situation est conforme aux dispositions de l'article 6 du Pacte. Il convient toutefois de préciser que ce taux a diminué légèrement mais de manière continue ces derniers mois.

10. La tendance politique du Gouvernement issu des élections du 27 septembre 1998 se distingue nettement, dans bon nombre de domaines, de celle du gouvernement sous la responsabilité duquel le rapport a été rédigé. Cela ne veut pas dire pour autant que le gouvernement actuel estime que celui qui l'a précédé a négligé certaines des obligations découlant du Pacte. En effet, le respect des engagements internationaux de l'Allemagne ne saurait dépendre de la composition politique de son gouvernement. Il est toutefois évident que la manière d'interpréter la portée de telle ou telle obligation peut varier selon l'orientation politique des responsables. Comme le nouveau Gouvernement fédéral n'a pris ses fonctions que récemment, il sera peut-être difficile aux membres de la délégation allemande de prévoir dans quelle mesure certaines questions de détail traitées dans le rapport feront l'objet d'une interprétation politique différente de celle qui prévalait au moment où le rapport a été établi. Cela aura peut-être des conséquences quant à la précision de l'une ou l'autre des réponses à certaines des questions du Comité.

11. Le PRÉSIDENT félicite le Gouvernement allemand pour le r_le capital qu'il a joué dans la nomination, par la Commission des droits de l'homme, d'un rapporteur spécial sur le droit à l'éducation. Il croit par ailleurs comprendre que, contrairement au gouvernement précédent, le nouveau Gouvernement serait plut_t favorable au projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Peut-être la délégation allemande pourrait-elle préciser sa position à ce sujet.

12. M. HÖYNCK (Allemagne) dit que le nouveau Gouvernement examinera effectivement le projet de protocole facultatif dans un esprit d'ouverture. Il se penchera toutefois avec la plus grande attention sur les différents aspects du mandat du Groupe de travail qui sera chargé d'élaborer un tel projet. Il s'agit là en effet d'une question délicate qu'il faudra encore étudier avec le plus grand soin avant qu'une décision puisse être prise.

13. Le PRÉSIDENT dit que le Comité accueillerait très favorablement la création d'un groupe de travail, à la seule condition, bien entendu, que le document élaboré par le Comité constitue l'un des points de départ des délibérations de ce groupe.

14. M. SADI relève que le rapport et les réponses écrites ont été élaborés sous la responsabilité du précédent gouvernement. Il serait donc reconnaissant à la délégation allemande d'indiquer au cours du débat sur quels points la position du présent gouvernement diffère de celle du gouvernement précédent.

15. Il souhaiterait également savoir si toutes les lois et politiques du Gouvernement correspondent fidèlement aux obligations découlant du Pacte. À ce propos, il est dit dans la réponse écrite à la question No 2, à propos des Länder, que "l'on peut présumer que les obligations découlant du Pacte sont respectées dans l'élaboration et l'application des lois de la même façon qu'elles le sont dans l'élaboration des lois fédérales et de leur application par les organes fédéraux". Il serait intéressant de préciser le sens de l'expression "l'on peut présumer". En effet, le Comité ne saurait se satisfaire de suppositions.

16. M. HÖYNCK (Allemagne) dit que le nouveau Gouvernement ne veut pas faire les choses différemment mais les faire mieux, notamment en ce qui concerne la lutte contre le ch_mage, à laquelle le précédent gouvernement était d'ailleurs lui aussi très attaché.

17. M. VILLERS (Allemagne) dit qu'à l'époque où l'Allemagne a ratifié le Pacte, le Gouvernement était convaincu que la législation et la pratique étaient conformes aux obligations découlant du Pacte. Toutefois, rien n'est immuable et à un moment donné, certains éléments peuvent s'avérer être en contradiction avec telle ou telle disposition du Pacte ou du moins ne pas être pleinement conformes à ces dispositions.

18. L'expression "l'on peut présumer" n'est sans doute pas des plus heureuses. En fait, les lois adoptées par les Länder doivent être conformes à la Constitution. Or comme celles-ci reflètent les engagements internationaux souscrits par l'Allemagne, il y a tout lieu de croire que la législation des Länder est elle aussi conforme à ces engagements.

19. M. TEXIER s'associe aux observations du Président sur les réponses négatives au sujet de la question du Protocole facultatif. Il importe, selon lui, que la Commission des droits de l'homme se saisisse du projet de protocole et constitue le groupe de travail déjà annoncé en 1997. La notion d'indivisibilité des droits de l'homme est problématique dans les faits car les droits politiques et civils sont privilégiés, quels que soient le gouvernement et la société civile envisagés. M. Texier demande ensuite s'il existe au niveau fédéral ou des Länder, des décisions judiciaires qui se réfèrent au Pacte. Il serait aussi intéressant de connaître l'importance du budget consacré par l'Allemagne à la coopération et les orientations de cette coopération bilatérale ou multilatérale dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. M. Texier souhaite enfin à propos des quatre arrêts fondamentaux rendus le 8 juillet 1997, connaître l'évolution actuelle de la jurisprudence relative aux motifs de licenciement exceptionnel des fonctionnaires de l'ex-RDA ayant eu certaines activités avant la réunification de l'Allemagne.

20. Mme BONOAN-DANDAN se félicite de la déclaration liminaire de l'Ambassadeur de l'Allemagne qui permet d'espérer que les droits économiques, sociaux et culturels seront une des priorités du nouveau gouvernement en place. Elle aimerait avoir de plus amples renseignements sur les problèmes que rencontrent les minorités et les étrangers.

21. M. KOUZNETSOV demande des précisions sur la législation allemande en matière d'immigration ainsi que sur la situation réelle de l'émigration dans le pays. Il souhaite également connaître le statut du Pacte en Allemagne, en particulier les parties du Pacte qui ne coïncident pas avec les recommandations et les conventions de l'OIT.

22. M. AHMED se félicite de l'ouverture d'esprit avec laquelle la délégation allemande a exposé les problèmes de son pays. À propos de la question du ch_mage, il attire son attention sur le licenciement d'un grand nombre d'universitaires d'Allemagne de l'Est suite à la réunification. Le Comité des droits de l'homme a été saisi de cette affaire (lettre de M. W. Richter) et s'est dit très préoccupé par la réponse reçue du Gouvernement allemand. Il serait intéressant de savoir si le Gouvernement a changé de position sur cette situation particulière. M. Ahmed demande ensuite les raisons pour lesquelles les couches les plus vulnérables de la société de l'ex-Allemagne de l'Est (jeunes, femmes et immigrés) reçoivent une assistance de 20 % supérieure àcelle qui est accordée aux réfugiés au titre de la loi fédérale relative à l'assistance sociale (Bundessozialhilfgesetz - BSHG) et espère qu'il sera remédié à cette situation.

M. CEAUSU prend la présidence

23. M. ADEKUOYE demande quel pourcentage de son PNB l'Allemagne consacre à l'aide au développement. Il aimerait également recevoir de plus amples renseignements sur les dépenses concrètes réalisées pour des projets d'aide. Enfin, il serait intéressant de savoir si le Gouvernement allemand envisage d'établir des statistiques fondées sur les caractéristiques ethniques.

24. Le PRÉSIDENT note avec intérêt les mesures que le Gouvernement allemand a prises pour assurer l'intégration sociale des étrangers établis de façon permanente et légale en Allemagne, mais il aimerait connaître les raisons pour lesquelles bon nombre d'entre eux n'ont pas la nationalité allemande. En ce qui concerne les problèmes de discrimination à l'égard des ex-fonctionnaires de l'ex-RDA qui se plaignent d'avoir perdu leur emploi, le Président demande des données statistiques sur le nombre de ses diplomates qui ont été maintenus en poste ou ont été transférés dans l'administration fédérale à Bonn.

25. M. TEXIER demande des précisions sur le statut économique et social des demandeurs d'asile et des réfugiés ainsi que des données chiffrées sur la question.

26. M. SADI aimerait savoir dans quelle mesure le Gouvernement allemand peut autoriser la double nationalité et quel est le sentiment de la population à cet égard. Quelle est la position du Ministre de l'intérieur à ce sujet ? Dans quelle mesure l'intégration des étrangers est-elle réussie ?

27. Le PRÉSIDENT invite la délégation allemande a répondre aux questions orales des membres du Comité.

28. M. HÖYNCK (Allemagne) dit, à propos de la politique de coopération de son pays, qu'un des plus grands défis que l'Allemagne doit relever à l'aube du XXIème siècle est de combler le fossé entre riches et pauvres. La part du PNB consacré à l'aide au développement a baissé de moitié au cours des dernières années pour atteindre 0,28 %. Il importe d'arrêter cette tendance à la baisse et de prendre des mesures cohérentes à cet effet. Le nouveau Ministère de la coopération poursuivra la politique en place visant à supprimer la pauvreté.

29. M. WILLERS (Allemagne) répond à la question de savoir si des décisions judiciaires faisant explicitement référence au Pacte ont été rendues en Allemagne en expliquant qu'à la connaissance de sa délégation, il n'en existe pas. Lorsqu'un cas concret est soumis à la justice, celle-ci s'inspire en premier lieu de la législation nationale, civile, pénale ou administrative. Si aucune des parties n'allègue explicitement que telle ou telle législation est en contradiction avec une obligation contractée par l'Allemagne en vertu d'un instrument international auquel celle-ci est partie, il n'y a en général pas lieu de puiser dans l'ensemble des textes internationaux signés et reconnus par le pays. Ce n'est que lorsqu'il y a un vide juridique que le juge cherche à savoir si une obligation internationale pourrait le combler dans le cadre de telle ou telle affaire. Il arrive que certaines dispositions de certaines conventions de l'Organisation internationale du travail soient citées afin d'étayer le jugement rendu mais cela ne se produit que lorsqu'il y a un vide dans la législation nationale. En Allemagne, comme dans les autres démocraties, le Gouvernement ne peut en aucun cas influer sur la justice.

30. M. Willers évoque à propos des anciens fonctionnaires de l'ex-RDA, quatre arrêts fondamentaux rendus par la Cour constitutionnelle fédérale le 8 juillet 1997, dans lesquels celle-ci a jugé que les motifs de licenciement exceptionnel des fonctionnaires d'État et en particulier des instituteurs et professeurs de l'ex-RDA n'étaient pas inconstitutionnels. La Cour constitutionnelle fédérale n'a pas déclaré toutefois que le passé politique des anciens fonctionnaires de l'ex-RDA ne devait jouer aucun r_le dans leur situation d'emploi futur mais elle n'a pas dit non plus que le fait qu'une personne, employée dans la fonction publique de l'ex-RDA, ait été membre de l'ancien régime communiste ou de telle ou telle organisation, est une raison suffisante pour ne pas l'employer. Elle a en revanche très clairement affirmé que dans chaque cas individuel la preuve doit être faite que l'engagement du fonctionnaire en faveur du système politique de l'ex-RDA était de nature à compromettre sa faculté à servir la fonction publique de la République fédérale d'Allemagne unifiée. Ce n'est pas par des décisions sommaires, que ces cas doivent être réglés au cas par cas, en prenant en compte tous les éléments.

31. Répondant à la question sur la pauvreté en ex-Allemagne de l'Est, M. Willers indique que le niveau des salaires et celui des prestations sociales dépendant du salaire n'ont pas encore atteint le niveau des anciens Länder de la République fédérale d'Allemagne, en raison, notamment, de la persistance d'un écart entre le coût de la vie dans la partie orientale et la partie occidentale du pays, et d'un écart de productivité entre les deux parties du pays. Il ne faut pas oublier que dans un pays qui respecte la liberté des partenaires sociaux de négocier collectivement et sérieusement, l'État ne peut s'immiscer dans ces négociations.

32. Pour ce qui est du taux d'emploi dans l'ex-RDA (50 % pour les femmes et 81 % pour les hommes), il est vrai que dans le passé, le taux de participation des femmes à la vie active y était nettement plus élevé que dans les anciens Länder de la RFA. Lorsque le pays a procédé à son unification, elles ont été les premières à perdre leur emploi entre autres raisons car elles travaillaient dans des secteurs particulièrement touchés par la crise économique. La République fédérale d'Allemagne a conscience de ce problème et a adopté des politiques actives de soutien à l'emploi en faveur en particulier des femmes vivant dans les nouveaux Länder.

33. M. HÖYNCK (Allemagne) précise que le Gouvernement allemand attache une grande importance à la résorption du ch_mage dans les anciens Länder, comme en atteste l'engagement formulé par le Chancelier en faveur du lancement prochainement d'un programme de formation à l'intention de 100 000 jeunes de l'ex-Allemagne de l'Est.

34. M. WEINBRENNER (Allemagne) indique qu'en dépit des nombreux efforts déployés par le Gouvernement fédéral, les Länder et les organisations caritatives en faveur de l'intégration des étrangers en Allemagne, il reste beaucoup à faire car c'est un processus relativement long. L'intégration n'est pas l'assimilation et l'Allemagne n'a pas pour politique d'exiger des individus qu'ils renoncent à leur identité ethnique pour faire leurs les valeurs allemandes. Les autorités allemandes demandent des étrangers qu'ils respectent à la lettre les droits de l'homme et qu'ils fassent preuve de tolérance à tous les niveaux de la vie quotidienne. L'Allemagne attache également de l'importance à la coopération des étrangers, laquelle passe notamment par l'apprentissage de l'allemand, condition nécessaire si l'on veut permettre à l'étranger de jouer un r_le actif dans la société allemande. L'intégration n'est pas un processus automatique au fil des générations. Le nouveau Gouvernement allemand a d'ailleurs jugé le processus de l'intégration irréversible et s'est en conséquence prononcé pour une politique résolue d'intégration des étrangers désirant s'établir en Allemagne.

35. Quant aux actes de violence racistes et xénophobes, c'est un phénomène qui remonte aux années 80. Le Gouvernement fédéral, les Länder et de nombreuses organisations ont participé à des campagnes d'information et de sensibilisation afin de promouvoir le concept de tolérance et de réprimer les mouvements de xénophobie. Des unités spéciales de police ont également été mises en place pour les combattre. Indiquant que dans les nouveaux Länder, le taux d'implantation des étrangers est relativement bas, M. Weinbrenner souligne que c'est pourtant là que le nombre d'attaques racistes est le plus élevé. Il n'y a donc pas de corrélation directe entre le nombre d'actes xénophobes et le nombre d'étrangers résidant dans une région donnée. Des villes comme Berlin ou Francfort comptent 30 % d'étrangers et pourtant le nombre d'incidents liés à la xénophobie n'y est pas aussi élevé que dans des villes qui ne comptent que 1 ou 2 % d'étrangers. L'Allemagne fait tout son possible pour endiguer ce phénomène complexe et réprime vigoureusement les actes xénophobes ou racistes que cela soit au niveau fédéral ou des Länder.

36. Au sujet des changements apportés par l'Allemagne à sa politique d'immigration, M. Weinbrenner explique que la loi sur la naturalisation, récemment modifiée, reconnaît désormais la double nationalité, même si auparavant, les autorités allemandes, toléraient, dans certains cas, la double nationalité, notamment pour les ressortissants de pays qui n'autorisent pas leurs citoyens à abandonner leur nationalité d'origine. En outre, aux termes de la nouvelle loi sur la naturalisation, les enfants dont les parents sont nés en Allemagne ou y sont arrivés lorsqu'ils avaient moins de 14 ans acquièrent automatiquement la nationalité allemande à la naissance. La loi prévoit également que tout étranger qui a vécu en Allemagne pendant huit ans et est en mesure de prouver que ses revenus lui permettent de subvenir à ses besoins pourra, désormais, acquérir la nationalité allemande. Accordant le droit à la nationalité à ceux qui résident depuis longtemps dans le pays, et, partant, à participer sur un pied d'égalité à la vie politique et sociale allemande cette loi constitue un pas important en faveur de l'intégration des étrangers.

37. En outre, la nouvelle coalition au pouvoir a fait part de sa volonté de présenter un projet de loi spécifiquement sur la discrimination ethnique, en dépit des nombreuses mesures antidiscriminatoires dont dispose déjà le système juridique allemand, y compris sa Constitution.

38. Les demandeurs d'asile qui vivent dans le pays avec un statut temporaire et qui sont en attente d'une décision les concernant, reçoivent une assistance de l'État qui est de 20 % inférieure à celle qui est accordée aux ressortissants allemands pour la raison suivante : l'aide sociale dont bénéficie ces derniers prend en compte différents éléments dont l'un est l'aide à l'intégration sociale évaluée à 20 %. Toutefois, au-delà d'une période de trois ans, un étranger résidant légalement dans le pays aura droit à la même somme que celle versée aux nationaux.

39. S'agissant de la question sur le statut économique des réfugiés et des demandeurs d'asile, M. Weinbrenner indique qu'il est difficile d'établir avec précision la durée moyenne de la procédure, celle-ci pouvant varier considérablement selon que le demandeur fait appel ou non de la décision. L'administration fédérale juge toutefois les délais d'attente excessifs et a décidé de tout mettre en oeuvre pour accélérer la procédure d'examen des demandes.

40. M. HÖYNCK (Allemagne) indique que l'Allemagne a reçu au cours des dix derniers mois, de nombreuses demandes d'asile et que, dans le même temps, les autorités ont eu à gérer 124 799 demandes. Il indique en outre, concernant les emplois occupés par des fonctionnaires de l'ex-RDA, qu'un très petit nombre de diplomates a été incorporé au sein du corps diplomatique de la République fédérale d'Allemagne, car nombreux sont ceux qui ont combattu la réunification et n'ont pas respecté les droits de l'homme.

41. M. WILLERS précise que le pays ne dispose pas de données statistiques sur l'ensemble des membres de l'ancienne fonction publique est-allemande ni sur le pourcentage de fonctionnaires n'ayant pu être intégrés dans la fonction publique de la République fédérale allemande.

42. M. HÖYNCK (Allemagne) précise que l'opinion publique allemande est globalement réticente au principe de la double nationalité, en raison des difficultés que cela pose pour le service militaire. Le Ministre de l'intérieur allemand pour sa part n'est pas opposé à la reconnaissance de la double nationalité.

43. S'agissant de la question de savoir pourquoi un nombre restreint des sept millions d'étrangers résidant en Allemagne ont souhaité acquérir la nationalité allemande, M. Höynck explique que certains étrangers, et notamment les Turcs, n'en font pas la demande car leur pays exclut du droit à l'héritage tout ressortissant turc qui renonce à sa nationalité. Enfin, de nombreux ressortissants membres des pays de l'Union européenne vivent en Allemagne mais ne souhaitent pas particulièrement devenir Allemands.

44. M. WIMER demande si la pratique des subventions accordées à certaines Églises est toujours en vigueur ? Si oui, quelles sont ces Églises ? Les Églises traditionnelles ou nouvelles, les sectes ? De qui proviennent ces aides ? Du Gouvernement fédéral ou des Länder ? Pour quelles raisons sont-elles ou ne sont-elles pas accordées ?

45. M. GRISSA voudrait savoir si les anciens fonctionnaires de l'ex-RDA qui en tant que citoyens ont des droits, ont perdu leurs droits à pension et à la sécurité sociale ?

46. M. THAPALIA demande quelles mesures sont prises par le Gouvernement allemand pour lutter contre les actes de violence racistes et xénophobes dont sont victimes par exemple les Roms ? Quelle a été la contribution des ONG à l'élaboration du rapport considéré ? Dans quelle mesure le Gouvernement s'est-il efforcé d'obtenir leur contribution ?

47. M. ADEKUOYE pose la question de savoir si un ancien ministre ou membre d'un parti de la RDA peut postuler un mandat électif dans l'Allemagne réunifiée. Dans l'affirmative, si son parti obtenait 5 % des voix pourrait-il devenir ministre ? Par ailleurs, le fait de remplacer des professeurs de l'ex-Allemagne de l'Est qui ont été licenciés par d'autres en poste dans l'ex-Allemagne de l'Ouest ne constitue-t-il pas un traitement discriminatoire ?

48. M. TEXIER aimerait savoir ce qui se passe lorsqu'un demandeur d'asile n'obtient pas le statut de réfugié mais allègue qu'il court un risque dans son pays d'origine. Est-il gardé sur le territoire allemand ? Devient-il clandestin ?

49. Le PRÉSIDENT, prenant la parole en son nom propre, reconnaît qu'un gouvernement ne peut certes suivre toutes les affaires dans lesquelles des citoyens peuvent invoquer des instruments internationaux devant la justice. Mais il fait remarquer que dans certains pays le gouvernement est, à l'occasion, amené à présenter aux tribunaux son point de vue par écrit notamment quand l'application du droit diplomatique est en cause - par exemple, la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques - et ce souvent à la demande même des tribunaux. Le cloisonnement des pouvoirs n'est donc pas si hermétique et l'exécutif peut fort bien attirer l'attention du pouvoir judiciaire sur la nécessité de respecter les obligations qui découlent pour l'État de tel ou tel instrument international.

50. M. WILLERS (Allemagne), répondant à la question sur les relations entre l'État et les Églises, explique qu'une certaine collaboration s'est instaurée certes dans ce domaine mais que la liberté de religion, inscrite dans la Constitution, est protégée par l'État. Les différentes communautés religieuses qui existent en Allemagne n'ont pas toutes le même statut : les grandes communautés - à savoir les Églises protestante et catholique et les confédérations régionales des communautés juives - dites "reconnues" au sens de la Constitution de Weimar et des dispositions relatives aux relations entre l'État et les Églises ont été reprises dans la nouvelle Constitution, bénéficient de certains avantages fiscaux entre autres, du fait qu'elles remplissent une fonction sociale qui, si elles ne s'en acquittaient pas, incomberait à l'État. On ne peut toutefois qualifier ces avantages de subvention. Pour ce qui est de l'Église de scientologie, personne n'est empêché d'en être membre. Les restrictions quant à l'emploi dans la fonction publique de membres de cette Église ne tiennent pas au fait que celle-ci ne figure pas parmi les Églises dites "reconnues". C'est à la triste expérience que l'Allemagne a faite des mouvements radicaux qu'elles sont imputables. C'est aux manoeuvres d'intimidation auxquelles se livre ce groupe pour essayer d'influer sur tous ses membres potentiels ainsi que sur ceux qui veulent quitter son giron qu'elles sont également imputables. C'est dans cet esprit que la justice allemande a débouté récemment une scientologue qui devait être la conseillère de jeunes venus de l'Est qui étaient en train de s'intégrer dans la société allemande.

51. M. HÖYNCK (Allemagne) ajoute que le Gouvernement allemand voit dans la scientologie une entreprise commerciale qui tente de tirer parti du statut favorable dont bénéficient les communautés religieuses en droit allemand. De l'avis même d'observateurs objectifs, les méthodes des scientologues sont à tout le moins extrêmement autoritaires. C'est une des raisons pour lesquelles les autorités concernées n'ont pas voulu confier à une scientologue le soin de s'occuper de jeunes en voie d'intégration dans la société allemande.

52. M. WEINBRENNER (Allemagne) répond à la question sur la xénophobie à l'égard des Roms ou Sintès que ceux-ci sont au nombre de 70 000 répartis sur tout le territoire allemand et qu'ils ont la nationalité allemande. Une collaboration étroite s'est instaurée sur le plan local entre la police et les Sintès pour prévenir ces violences ainsi qu'avec l'administration aux niveaux fédéral et local et à l'échelle des Länder. Par ailleurs, le Gouvernement fédéral finance les activités de l'Association fédérale rom qui mène des campagnes d'information sur les Sintès en Allemagne pour prévenir les actes de xénophobie et les travaux d'un centre de documentation qui travaille entre autres sur l'histoire des Roms et leur intégration dans la société allemande.

53. Les réfugiés qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié, et ne sont pas expulsés pour diverses raisons, reçoivent une aide financière et sont autorisés à demeurer momentanément en Allemagne en fonction de la situation dans leur pays d'origine.

54. M. WILLERS (Allemagne) explique, au sujet de la participation des ONG à l'élaboration du rapport considéré que, comme il est dit dans la réponse écrite, il n'ait pas fait appel aux ONG pour deux raisons : d'une part ce sont les gouvernements qui sont responsables de l'application des engagements internationaux et ils doivent donc assumer l'entière responsabilité du contenu des rapports qu'ils présentent et d'autre part les tentatives faites lors de l'établissement en commun de rapports destinés à de grandes conférences, celle de Beijing par exemple, n'ont pas été fructueuses et ont abouti en fin de compte à l'élaboration de deux rapports.

55. Pour ce qui est des droits à la sécurité sociale des anciens Allemands de l'Est, M. Willers rappelle que, à l'issue de la réunification, le montant de leur pension vieillesse a été calculé en mark et majoré de 24 % en un premier temps avant d'être augmenté tous les semestres puis tous les ans. Il existait autrefois dans l'ancienne RDA une pension complémentaire spéciale versée par le régime à ses serviteurs les plus émérites. Après la réunification, une loi sur le transfert des pensions vieillesse a abrogé certaines dispositions y relatives et le Comité des droits de l'homme, saisi de plaintes au titre de la procédure 1503, les a déclarées irrecevables. La question de ces pensions spéciales est actuellement examinée par la Cour constitutionnelle d'Allemagne qui n'a pas encore statué.

56. Enfin, M. Willers explique que si les instruments internationaux sont déjà incorporés dans le droit national, ils sont de ce fait automatiquement appliqués et si par ailleurs ils ne jouent pas un r_le particulier, il n'est pas nécessaire d'y faire référence. En revanche, si un problème se pose dans leur application, les autorités interviennent. C'est le cas pour la Convention No 19 de l'OIT concernant l'égalité de traitement des travailleurs étrangers et nationaux en matière de réparation des accidents du travail car cette convention suit la règle de la réciprocité. Il est normal dans ce cas que les autorités allemandes informent les organismes payeurs quels pays ont ratifié cette convention.

57. M. HÖYNCK (Allemagne) déclare que les anciens ministres et chefs de parti peuvent assurément participer activement aux élections et, en cas de victoire, siéger au Parlement et même devenir ministre s'ils parviennent à faire partie d'un gouvernement de coalition. Les électeurs sont souverains.

58. En revanche, pour ce qui est des professeurs, le Gouvernement doit veiller à ce qu'ils satisfassent à certains critères. Or, il estime que ceux d'entre eux qui ont eu des activités politiques à l'époque de la RDA ne sont pas aptes à former la jeunesse d'aujourd'hui. Leur remplacement par des jeunes de l'ex-RDA ou des professeurs de l'Ouest a donc été décidé. Il n'y a en cela rien de discriminatoire. Il est très important que les enseignants soient et aient été des défenseurs des droits fondamentaux de l'homme et des partisans de l'unité allemande.


La séance est levée à 18 heures.

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