Distr.

GENERALE

E/C.12/1998/SR.42
14 décembre 1998


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 42ème séance : Germany. 14/12/98.
E/C.12/1998/SR.42. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Dix-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 42ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 24 novembre 1998, à 15 heures

Président : M. ALSTON

SOMMAIRE


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT

AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Troisième rapport périodique de l'Allemagne

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.


La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT

AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 a) de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de l'Allemagne (E/1994/104/Add.14; HRI/CORE/1/Add.75; E/C.12/A/GER/1; E/C.12/Q/GER/1 (Liste des points à traiter); réponses écrites du Gouvernement allemand aux questions posées dans la liste des points à traiter (document sans cote distribué en séance)

1. À l'invitation du Président, la délégation allemande reprend place à la table du Comité.

Articles 9 et 10

2. Mme BONOAN-DANDAN estime qu'il serait bon d'avoir davantage de précisions sur l'étendue du problème de la violence contre les femmes dans la famille en Allemagne. Dans les réponses écrites à la liste de questions du Comité est mentionné un projet mené afin de venir en aide aux femmes maltraitées par leur compagnon ou leur mari et il serait intéressant de savoir quelle est la nature des stages de formation comportementale prévus au titre de ce projet à l'intention des personnes coupables de violences à l'encontre des femmes et de ceux envisagés en direction des officiers de police traitant de la violence dans la famille. Des cours sur les droits de l'homme seront-ils également inclus au programme de ces stages de formation ?

3. Elle souhaite par ailleurs avoir des précisions sur ce qu'on entend en Allemagne par "traite par le mariage" et savoir comment le Gouvernement intervient pour lutter contre ce problème, quelles procédures sont engagées contre les coupables et connaître l'étendue précise de l'assistance offerte par l'État aux victimes. Comment celles-ci sont-elles éventuellement réinsérées ?

4. Notant en outre que les autorités allemandes auraient eu à connaître de cas particulièrement graves d'abus sexuels sur enfant, elle demande à la délégation de préciser quelles catégories d'enfants sont les plus touchées par ce problème, si certains groupes d'âge sont plus vulnérables que d'autres et si des données précises sont disponibles quant au profil des auteurs de ces abus et aux facteurs auxquels ils sont imputables. Elle aimerait également que la délégation indique plus clairement l'ampleur du problème des abus sexuels en relation avec la production et la diffusion de documents pornographiques mettant en scène des enfants.

5. Évoquant la réforme du Code pénal permettant désormais de poursuivre en justice des Allemands ayant commis des abus sexuels sur des enfants étrangers sur le territoire d'un État tiers, elle souhaiterait que la délégation allemande explique quels mécanismes ont été mis en place aux fins de poursuite et quelles méthodes sont utilisées pour recueillir des preuves dans de telles affaires.

6. Constatant que dans sa déclaration de politique générale, le nouveau Chancelier n'a pas jugé bon de faire référence aux mesures de protection à prendre en faveur des femmes, en particulier en vue de les protéger de la violence physique et sexuelle, elle se dit déçue par l'apparente absence de programmes de protection pour les femmes et fait valoir que tout programme de développement tendant à assurer le respect des droits économiques des femmes serait incomplet, s'il n'y était pas tenu compte de la nécessité de les protéger contre les violences sexuelles et physiques.

7. M. SADI demande comment le Gouvernement allemand compte s'attaquer efficacement au problème de la traite des femmes et la réprimer s'il reconnaît la prostitution comme une activité légale et il souhaiterait savoir ce qu'entendent exactement les autorités par "exploitation sexuelle". Cette notion comprend-elle également la prostitution et la traite des femmes à des fins de prostitution ? Il aimerait également que la délégation précise si le viol conjugal constitue une infraction pénale en Allemagne et dans l'affirmative si une distinction est faite entre couples d'origine étrangère et couples de souche allemande. Il voudrait en outre savoir dans quelle proportion les tribunaux ont réussi à inculper des personnes impliquées dans la pornographie mettant en scène des enfants ou des abus sexuels sur enfant.

8. M. AHMED note que d'après les statistiques policières, il y aurait eu en 1996 56 000 cas d'abus sur enfant, chiffre certes en légère baisse par rapport à 1995 mais tout porte à croire que le chiffre réel est bien supérieur en raison du grand nombre de cas non dénoncés. Quelles sont les mesures préventives adoptées par l'Allemagne dans ce domaine et quel a été leur succès jusqu'à présent ? Par ailleurs, des demandeurs d'asile se sont plaints de la manière dont ils étaient traités durant la procédure d'examen de leurs demandes ainsi que de la modicité de l'allocation qui leur est versée pour se nourrir et subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. En outre des étrangères hébergées dans un centre d'accueil de requérants d'asile, à Fribourg, se seraient plaintes de harcèlement de la part du personnel du centre et il serait intéressant de savoir ce qu'en pense la délégation.

9. Mme JIMÉENEZ BUTRAGUEÑO souhaite savoir quels sont les programmes mis en place par le Ministère des affaires familiales, des personnes âgées, des femmes et des jeunes, dont l'éventail d'attributions lui semble excessif au demeurant. Vu l'ampleur du problème du harcèlement sexuel des femmes sur le lieu de travail, elle demande si des informations sont disponibles concernant ce problème dans les entreprises publiques allemandes.

10. M. TEXIER note que le chômage massif soumet à rude épreuve les systèmes d'assurance sociale de la plupart des pays européens et demande si le système d'assurance sociale pour lequel penche l'Allemagne tend plutôt vers une augmentation du ticket modérateur ou vers d'autres formules. Il souhaite également savoir si le Gouvernement privilégie un système de retraite par capitalisation ou par répartition ou encore s'il envisage un panachage de ces deux modes de financement. Il souhaite en outre obtenir des renseignements complémentaires concernant la protection des femmes enceintes en Allemagne, notamment savoir : si pendant le congé légal de maternité le salaire de l'employée continue d'être versé intégralement par l'employeur; s'il existe une interdiction absolue de licenciement durant la période de congé de maternité ou bien si des dérogations sont possibles dans certaines circonstances exceptionnelles. Par ailleurs, il souhaite obtenir des indications sur l'évolution du nombre des mariages en Allemagne et demande si l'Allemagne reconnaît les mêmes droits, notamment en matière de succession, aux enfants nés de parents mariés qu'aux enfants nés hors mariage.

11. M. WILLERS (Allemagne) explique que des stages de formation comportementale ont été conçus à l'intention des policiers qui traitent des questions de violence sexuelle, en raison de la nature "délicate" de ces affaires, l'objectif étant de disposer d'un personnel doté d'un minimum de formation en psychologie. S'agissant du viol conjugal, il convient d'avoir à l'esprit que pendant très longtemps ce qui se produisait à l'intérieur du mariage est resté un sujet tabou considéré comme ne relevant pas du domaine public. Le rapport présenté par l'Allemagne expose dans leurs grandes lignes les mesures prises pour faire face au problème.

12. L'Allemagne s'est dotée d'une nouvelle loi pénale qui permet désormais de poursuivre en justice les Allemands pour des abus sexuels commis à l'étranger sur des enfants étrangers alors qu'auparavant un Allemand pouvait commettre ce type de délits à l'étranger puis rentrer chez lui sans être inquiété. Ces modifications législatives très importantes ont d'ores et déjà permis de juger et de condamner des Allemands pour de tels motifs.

13. Le Gouvernement allemand ne néglige pas le problème de la violence contre les femmes même s'il n'a pas été mentionné dans une déclaration de politique générale, qui doit, par définition, rester générale. L'Allemagne est confrontée comme d'autres pays au problème du harcèlement sexuel au travail et s'efforce d'y remédier, en dépit de la difficulté à traiter ces affaires, qui se produisent en général sans témoins.

14. Le Ministère pour les affaires familiales, les personnes âgées, les femmes et les jeunes a été doté de compétences très vastes, ce qui s'explique par le fait que ces différents groupes de personnes ont besoin d'une attention particulière, mais rien ne prouve que l'étendue de ces attributions nuise, d'une quelconque manière, à l'action en faveur de ces groupes cibles.

15. L'Allemagne est vivement préoccupée par le financement de son système de sécurité sociale et a en conséquence pris diverses mesures, parmi lesquelles l'augmentation du ticket modérateur, et, plus récemment, l'abaissement du taux de remboursement des médicaments. Pour ce qui est du mode de financement des retraites, l'Allemagne reconnaît que la baisse du nombre des actifs et donc des contribuables, nuit à la solidité financière du système de retraite. Un débat s'est du reste engagé dans le pays sur cette question. Certains ont estimé qu'il fallait entièrement revoir le système actuel de financement des retraites mais le Gouvernement juge qu'il peut et doit être maintenu, tout en envisageant de l'asseoir sur plusieurs "piliers". Le principal d'entre eux est le système de cotisation vieillesse mais le Gouvernement envisage de mettre en place des dispositifs complémentaires avec l'aide des entreprises.

16. Toute employée enceinte perçoit un salaire pendant l'intégralité du congé légal de maternité. Toutefois, dans les cas où des femmes enceintes ont des problèmes de santé avant que ne commence leur congé légal, les employeurs continuent de leur verser un salaire au titre du congé maladie et non du congé de maternité, car on ne peut considérer que dans tous les cas, les problèmes de santé d'une femme enceinte soient forcément liés à sa grossesse. S'agissant des dérogations exceptionnelles à l'interdiction de licenciement d'une femme enceinte, par exemple dans les cas de faillites d'entreprises, l'employeur ne peut effectivement être contraint à poursuivre son activité ou à verser un salaire aux employées enceintes.

17. À l'instar d'autres pays industrialisés, l'Allemagne connaît une baisse du nombre des mariages et s'est donc récemment dotée d'une législation tendant à mieux répartir les droits des enfants nés hors mariage en établissant la responsabilité commune des parents vis-à-vis de ces enfants, de manière à éviter une discrimination à leur encontre.

18. M. WEINBRENNER (Allemagne) dit que le Gouvernement fédéral a créé des foyers où les femmes maltraitées peuvent se réfugier, parfois avec leurs enfants, en attendant de trouver, si besoin est avec l'aide de l'État, un logement. Quant à la violence contre les enfants utilisée comme méthode d'éducation, le Gouvernement étudie de manière approfondie les moyens d'enquêter sur ces pratiques et d'y remédier, une interdiction étant envisagée. En ce qui concerne la pornographie mettant en scène des enfants, Europol a pour mandat de lutter contre ce phénomène et la police fédérale allemande s'emploie à repérer sur le réseau Internet les sites consacrés à ce type de pornographie. Dans le domaine de la lutte contre l'exploitation sexuelle et la traite des femmes, une coopération s'est instaurée entre les pays européens. C'est ainsi par exemple que des campagnes d'information sont menées dans les pays d'origine des femmes victimes de ces pratiques, en particulier dans les pays d'Asie du Sud-Est et d'Europe de l'Est. Le Gouvernement ne pense toutefois pas qu'il serait possible de d'éliminer totalement la prostitution en la rendant illégale. Pour ce qui est des événements survenus à Fribourg dans un foyer hébergeant des demandeurs d'asile, c'est aux autorités locales compétentes qu'il appartient de faire la lumière sur cette affaire car le Ministère fédéral ne peut pas intervenir à ce niveau. En tout état de cause, les femmes concernées peuvent porter plainte. S'agissant des demandeurs d'asile, il est prévu de limiter à trois ans la durée de leur séjour dans les foyers d'accueil et d'accélérer la procédure d'examen de leur demande d'asile. Les personnes dont la demande est rejetée peuvent bénéficier d'une aide temporaire de l'État pour des raisons humanitaires.

19. M. HÖYNCK (Allemagne) indique que la plupart des auteurs d'abus sexuels sur enfant sont des hommes et que, malheureusement, leurs victimes sont toujours plus jeunes. La délégation allemande ne dispose pas de chiffres précis concernant ces infractions mais s'emploie activement à lutter contre. Pour lutter contre les infractions sexuelles dont sont victimes les enfants, il convient aussi d'informer les auteurs potentiels de tels actes des risques qu'ils courent; la Lufthansa projette ainsi sur ses vols à destination de l'Asie un film informant que ces infractions tombent désormais sous le coup de la loi allemande même si elles sont commises à l'étranger. Le Gouvernement estime que criminaliser la prostitution ne ferait que stigmatiser davantage les prostitués et préfère donc prendre des mesures pour les aider à abandonner la prostitution.

20. M. WILLERS (Allemagne) explique que de plus en plus d'Allemands épousent des étrangères en vue de les prostituer contre leur gré, mais qu'il est malheureusement difficile de déterminer l'ampleur exacte de cette "traite par le mariage". S'agissant du viol conjugal, il convient de souligner que la loi du silence s'applique rigoureusement dans certaines communautés étrangères. Lorsque de tels actes sont connus, les auteurs font l'objet des poursuites prévues par la loi, qu'il s'agisse d'étrangers ou de citoyens allemands.

Article 11

21. M. CEVILLE demande quelles dispositions le nouveau gouvernement entend prendre pour venir en aide aux quelque 850 000 sans-abri, dont 35 000 vivraient dans la rue et seraient chassés du centre des grandes villes.

22. M. AHMED croit savoir que près de 3 millions de personnes ont besoin de l'aide sociale et qu'en 1997 au moins 27 sans-abri seraient morts de froid. Il demande ce que compte faire le Gouvernement pour remédier à la situation.

23. M. SADI aimerait savoir s'il existe officiellement un seuil de pauvreté.

24. M. TEXIER demande si les chômeurs en fin de droits bénéficient d'une aide de l'État et quel est le sort réservé aux squatters - notamment si en cas d'expulsion les autorités s'efforcent de les reloger.

25. M. WILLERS (Allemagne) fait observer que dans sa réponse écrite à la question 32, le Gouvernement explique en détail pourquoi il est très difficile de fixer un seuil de pauvreté officiel. Le nouveau gouvernement a pourtant fait de la lutte contre la pauvreté une de ses priorités et présentera régulièrement un rapport sur cette question. Au demeurant, toute personne incapable de subvenir par elle-même à ses propres besoins ou à ceux de sa famille, en matière de logement, de chauffage ou encore d'habillement, peut bénéficier de l'assistance sociale. À ce propos, assez souvent les personnes âgées qui auraient besoin d'une assistance sociale ne la sollicite pas de peur que l'État ne se retourne contre leurs enfants adultes. Pareillement, de nombreux sans-abri hésitent à se rendre dans les foyers d'accueil de crainte d'y être agressés ou volés. Les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer les conditions de logement des groupes les plus vulnérables de la population et pour réduire le nombre des sans-abri sont décrites en détail dans les réponses aux questions 33 et 34.

26. M. HÖYNCK (Allemagne) dit que la politique de l'État à l'égard des squatters vise prioritairement à éviter toute provocation. Les autorités s'efforcent systématiquement de trouver un accord amiable et si cela s'avère impossible la police n'intervient que si le propriétaire insiste. Elle évite toutefois les affrontements et se contente par exemple de couper le gaz et l'eau afin d'inciter les squatters à quitter d'eux-mêmes le logement occupé.

27. M. TEXIER dit que d'après des chiffres communiqués par une ONG, 76,9 % des demandeurs d'asile, 52,4 % des Aussiedler (personnes allemandes de souche et originaires d'Europe de l'Est), 35,2 % des étrangers (en Allemagne de l'Ouest), 21 % des Allemands de l'ex-RDA et 11,8 % des Allemands de l'Ouest ont un logement insuffisant (c'est-à-dire moins d'une pièce ou de 6 m2 par personne).

28. M. HÖYNCK (Allemagne) considère que le seuil en deçà duquel un logement est considéré comme insuffisant lui paraît relativement élevé. Cela dit, le Gouvernement s'efforce de résoudre ce problème bien qu'il doive lutter sur plusieurs fronts. En ce qui concerne les demandeurs d'asile, il devrait être plus facile de leur trouver un logement car leur nombre est actuellement en diminution.

29. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO demande quelles mesures sont prises pour faciliter l'accès des personnes handicapées et des personnes âgées à leur logement ou aux bâtiments publics et pour remédier à l'isolement des personnes âgées.

30. M. WILLERS (Allemagne) dit que l'État prend toute une série de mesures pour adapter les logements aux besoins des handicapés, ce qui malheureusement n'est pas toujours possible, - notamment dans les bâtiments vétustes où il est très difficile, par exemple, d'installer des ascenseurs. Quant aux personnes handicapées mentalement, elles ont la possibilité de vivre dans leur propre logement sous la surveillance continue d'un personnel qualifié.

Article 12

31. M. WIMER demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour lutter contre l'alcoolisme et la toxicomanie.

32. M. CEAUSU souhaiterait savoir si les programmes de lutte contre le cancer, contre le SIDA et contre le tabagisme, lancés respectivement en 1979, en 1987 et en 1990, se sont révélés efficaces.

33. M. TEXIER aimerait obtenir des données chiffrées récentes sur le nombre de séropositifs et de sidéens en Allemagne ainsi que savoir si les campagnes de sensibilisation et d'information menées ont eu un effet sur l'évolution de ce nombre et si le Gouvernement allemand a pris des mesures pour éviter que ces malades ne soient victimes de discrimination.

34. M. AHMED demande des renseignements sur l'état de santé des groupes les plus défavorisés - enfants, pauvres, sans-abri, personnes en situation irrégulière - qui semble désastreux selon l'ordre des médecins allemands -lequel signale notamment que la mortalité des parturientes étrangères serait deux fois supérieure à celle des parturientes allemandes. Par ailleurs, il aimerait savoir s'il est vrai qu'en raison des dispositions législatives en vigueur les demandeurs d'asile ne peuvent pas consulter le médecin de leur choix et ne reçoivent des soins qu'en cas de maladie grave ou de douleur intense.

35. M. SADI demande dans quels domaines l'action gouvernementale des Verts est susceptible d'avoir des répercussions sur l'environnement, allant en particulier dans le sens d'une amélioration de l'état de santé général de la population allemande.

36. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO aimerait obtenir des précisions sur les soins, notamment les soins palliatifs dispensés aux personnes âgées. Le Gouvernement allemand prend-il des mesures en faveur de l'accompagnement des mourants ?

37. M. WEINBRENNER (Allemagne) reconnaît que la mortalité des parturientes étrangères est deux fois plus élevée que celle des parturientes allemandes, mais pense que cet écart pourrait être imputable au fait que de nombreuses étrangères ne se soumettent pas à tous les tests de prévention requis pendant leur grossesse. Le différentiel de mortalité infantile entre Allemands et étrangers est par contre très faible. Seuls les demandeurs d'asile qui se sont vu refuser le droit de rester sur le territoire allemand et qui ne coopèrent pas avec le Gouvernement ne bénéficient pas des mêmes garanties en matière de santé que les autres groupes de la population. La politique du Gouvernement allemand en matière de drogues est exposée dans l'Accord de coalition et comporte un volet lutte contre la criminalité organisée et un volet reconnaissance de la toxicomanie en tant que maladie qui s'articule autour des éléments suivants : des campagnes d'information à mener à titre préventif auprès des jeunes générations pour les informer des risques de la toxicomanie; soutien aux toxicomanes pour les aider à s'extraire du milieu criminel dans lequel ils gravitent souvent; recours accru aux substances de substitution afin de faciliter la réinsertion des toxicomanes.

38. M. HÖYNCK (Allemagne) convient que la situation des demandeurs est difficile mais souligne que la situation est tout aussi difficile pour les gouvernements des pays submergés par des flots de demandeurs d'asile, dont on constate après application de la procédure internationalement admise en matière de détermination du statut de réfugié, que plus de 90 % n'ont pas de raisons valables de solliciter ce statut mais sont poussés par des motifs d'ordre économique. L'Allemagne acceptera toujours les véritables réfugiés mais pas les autres car la population du pays juge déjà à la limite du supportable le fardeau des véritables réfugiés et se montrer laxiste nuirait aux demandeurs d'asile ayant des motifs valables. Au sujet du SIDA, il indique que le Gouvernement allemand mène des campagnes de sensibilisation de l'opinion publique visant à mieux faire comprendre ce qu'est le SIDA et à réviser toute discrimination à l'encontre des personnes qui en sont atteintes. Le gouvernement sortant et le nouveau gouvernement partagent la même position en ce qui concerne la publicité en faveur du tabac, à savoir privilégier la liberté individuelle et donc ne pas interdire la publicité pour les marques de cigarettes. En ce qui concerne l'environnement, les Verts souhaitent faire fermer toutes les centrales nucléaires en Allemagne mais un compromis sur ce point a été trouvé dans l'Accord de coalition. Si l'Allemagne venait à arrêter ses centrales nucléaires, il lui faudrait au demeurant importer une partie de son électricité de France, où elle est produite à 80 % à partir de centrales nucléaires.

39. Le Parti écologiste réclame l'introduction d'un système d'écotaxes mais le gouvernement envisage à titre de compromis d'augmenter de 6 pfennigs le prix du litre d'essence.

40. L'accompagnement des mourants se pratique de plus en plus fréquemment tant en Allemagne que dans les autres pays. Appuyé par le Gouvernement fédéral et les gouvernements locaux, le mouvement "Hospizbewegung" a mis en place des cliniques spéciales qui s'occupent des personnes en fin de vie.

41. M. CEAUSU déplore la politique du Gouvernement allemand en matière de tabac; il ne s'agit pas d'interdire la vente ou l'achat de tabac mais d'une publicité mensongère et ce afin de protéger ceux qui n'ont pas encore le discernement voulu en la matière. Il serait bon que le Gouvernement allemand adopte un point de vue qui ne soit pas commercial et défende le droit à la santé.

Articles 13 et 14

42. M. THAPALIA, se référant à des chiffres fournis par une ONG indiquant que l'Allemagne comptait quelque 3 millions de personnes ne sachant ni lire ni écrire correctement à l'époque du Sommet mondial sur le développement social, aimerait savoir quels objectifs s'est assigné le Gouvernement en matière de lutte contre l'analphabétisme et l'illettrisme, et quels résultats ont été obtenus au cours des cinq dernières années. Selon une autre source, entre 1980 et 1998, la part des dépenses consacrées à l'enseignement universitaire par le Gouvernement fédéral est retombée de 1,49 à 1,25 % du budget et il serait intéressant de savoir comment le Gouvernement allemand concilie ce recul avec les obligations lui incombant au titre du Pacte, d'autant plus que de 1982 à 1994, la proportion d'étudiants issus de familles à faible revenu allant à l'université est retombée de 23 % à 14 %.

43. Il demande par ailleurs si, conformément aux observations du Comité des droits de l'homme, le Gouvernement fédéral et les Länder ont introduit une formation aux droits de l'homme dans les programmes des établissements d'enseignement de tous les degrés, ainsi que dans les établissements assurant la formation des policiers, en vue notamment de faire reculer le racisme et la xénophobie, qui semblent persister dans certaines couches de la population.

44. M. SADI constate que des manifestations ont eu lieu il y a peu en Allemagne pour protester contre l'augmentation des frais d'inscription dans certaines universités. Alors que selon le Pacte, les États parties sont censés instaurer progressivement la gratuité de l'enseignement supérieur, l'Allemagne semble s'être engagée sur la voie inverse et il serait intéressant de savoir si le nouveau Gouvernement entend enrayer cette dérive.

45. M. TEXIER, s'associant aux questions de M. Thapalia, aimerait en outre que la délégation allemande précise si la réduction des subventions publiques aux services périscolaires ou aux programmes d'éducation des adultes signalée par certaines ONG, ne risque pas de nuire à l'effort de lutte contre l'illettrisme, problème que connaissent de nombreux pays. Il aimerait en outre savoir si le Gouvernement allemand entend prendre des mesures particulières pour enrayer le recul de la proportion d'étudiants issus de familles pauvres accédant à l'université.

46. M. JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaite savoir si des possibilités de reprendre des études ou d'en commencer de nouvelles sont offertes aux personnes âgées à leur départ à la retraite et si des dispositions sont prises pour tirer parti des connaissances accumulées par les personnes âgées, dans le cadre de mouvements culturels, de conférences, d'actions d'aide aux personnes souhaitant apprendre ou autres.

47. M. WILLERS (Allemagne) admet qu'un problème d'analphabétisme et d'illettrisme se pose en Allemagne, mais juge exagéré le chiffre estimatif de 3 millions de personnes avancé par la Section allemande pour l'UNESCO. Dans ce domaine on en est souvent réduit à des estimations parce que les analphabètes et les illettrés sont extrêmement soucieux de dissimuler leur déficience et qu'il est dès lors difficile aux autorités de leur venir en aide. Plusieurs initiatives sont pourtant en cours aux niveaux des communes, des Länder et de l'État fédéral pour remédier à la situation.

48. Selon les chiffres à sa disposition, la part des dépenses universitaires dans le budget total est passée de 3,9 % à 4,7 % entre 1981 et 1996, ces dépenses étant prises en charge à hauteur de 95 % par les Länder - qui sont compétentes pour la formation universitaire - et à hauteur de 5 % par l'État fédéral. Pour ce qui est de la tendance de certaines universités à vouloir introduire un système où l'étudiant devrait payer pour ses études, comme dans certains autres pays, cette idée leur a été inspirée par le souci bien compréhensible de faire face au recul des moyens financiers mis à leur disposition par les Länder. Toutefois, le Parti social-démocrate a récemment mis en route une initiative visant à interdire à toutes les universités allemandes de percevoir des droits d'inscription d'un montant supérieur aux frais administratifs effectivement encourus. Cette proposition ne fait pas l'unanimité à l'intérieur du Parti social-démocrate. L'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 13 du Pacte préconisant l'instauration progressive de la gratuité de l'enseignement supérieur n'est pas très connu en Allemagne et un rappel émanant du Comité concernant cette disposition pourrait contribuer à orienter dans la bonne direction le débat en cours en Allemagne à ce sujet.

49. En Allemagne, un nombre croissant de personnes âgées décident après leur départ à la retraite de reprendre des études ou d'en commencer; en général les relations avec les étudiants plus jeunes se passent très bien, sauf dans certaines grandes universités où les places disponibles sont déjà trop peu nombreuses - les étudiants âgés tendant alors à être regardés de travers par les jeunes. D'une manière générale, on essaie de tirer profit de l'expérience des personnes âgées après leur départ à la retraite dans le cadre de diverses structures. Le mouvement est de grande ampleur mais difficile à mesurer statistiquement.

50. M. HÖYNCK (Allemagne) fait ressortir que dans sa déclaration de politique générale le nouveau Chancelier a affirmé que l'enseignement et la recherche devaient être débureaucratisés et être rendus plus compétitifs grâce à des allocations budgétaires et à une autonomie accrue, tout en s'engageant à réexaminer le statut officiel du personnel universitaire afin de promouvoir le progrès et l'innovation également dans ce secteur. Au sujet de l'égalité des chances, le Chancelier - qui dans sa jeunesse a dû lui-même travailler pour payer ses études d'avocat - a indiqué que son Gouvernement n'avait rien contre la formation d'élites mais qu'il fallait s'entendre sur le sens du terme. Son expérience lui avait enseigné que l'on n'intégrait pas une élite grâce à l'origine de ses parents mais grâce à ses propres aptitudes et que l'égalité des chances d'accès à l'éducation contribuait à la formation de telles élites. Dans cette optique, le Gouvernement allemand entend mettre en route dès 1999 un programme de réforme de la formation professionnelle.

51. M. TEXIER dit que dans ses conclusions le Comité se verra contraint de constater qu'il y a régression en Allemagne en ce qui concerne la gratuité de l'enseignement supérieur et que les universités, tout en étant autonomes, doivent se mettre en accord avec les dispositions du Pacte.

Article 15

52. M. MARCHAN, se référant au paragraphe 389 du troisième rapport périodique de l'Allemagne, où il est indiqué que la politique culturelle est fortement décentralisée en Allemagne et ne dépend que dans une faible mesure du Gouvernement fédéral, demande si le Gouvernement fédéral dispose d'un mécanisme lui permettant de déterminer dans quelle mesure les différentes actions sectorielles menées dans le domaine culturel aux niveaux des Länder et des municipalités sont conformes aux dispositions du Pacte, en l'occurrence en particulier à celles de l'article 15.

53. M. HÖYNCK (Allemagne) convient que dans le domaine des affaires culturelles le Gouvernement fédéral a toujours éprouvé des difficultés à veiller à ce que les obligations incombant à l'Allemagne au titre d'accords internationaux soient honorées par les Länder. Le nouveau Gouvernement a décidé d'établir un Ministère d'État chargé des affaires culturelles, ce qui constitue une première, et il ne fait pas de doute que cette instance sera entre autres fonctions chargée de veiller à ce que les Länder s'acquittent des obligations internationales contractées par la République fédérale d'Allemagne.

54. Pour conclure, il souhaite au nom de la délégation allemande remercier le Comité pour la manière dont il s'est employé à vérifier la mise en oeuvre des dispositions de fond du Pacte en République fédérale d'Allemagne, et ce malgré la légère difficulté que constituait le récent changement de gouvernement - avec l'arrivée d'une nouvelle équipe soucieuse, comme le Chancelier l'a réaffirmé, non pas de tout faire différemment mais de faire mieux nombre de différentes choses. La délégation allemande accueillera dans ce même esprit les recommandations du Comité.

55. Le PRÉSIDENT fait observer que la conjonction des événements s'est révélée favorable, pour la délégation aussi bien que pour le Comité, puisqu'il est rare d'avoir l'occasion de dialoguer avec un pays dont le gouvernement vient tout juste de changer et qui reconnaît immédiatement l'existence d'un certain nombre de carences dans la pratique antérieure tout en prenant des engagements dans un certain nombre de directions allant clairement dans le sens du Pacte. Le travail du Comité s'en est trouvé facilité.


La séance est levée à 17 h 50.

©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland