Distr.

GENERALE

E/C.12/2001/SR.48
31 août 2001


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 48e séance : Germany. 31/08/2001.
E/C.12/2001/SR.48. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-sixième session (extraordinaire)

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 48e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le vendredi 24 août 2001, à 10 heures

Président: Mme BONOAN-DANDAN

SOMMAIRE


EXAMEN DES RAPPORTS:

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

- Quatrième rapport périodique de l'Allemagne


La séance est ouverte à 10 heures.


EXAMEN DES RAPPORTS:

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (Point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de l'Allemagne [(E/C.12/4/Add.3); document de base (HRI/CORE/1/Add.75); liste des points à traiter (E/C.12/Q/GER/2); réponses écrites à la liste des points à traiter (HR/CES/CR/NONE/2001/5)]

1. Sur l'invitation de la Présidente, la délégation allemande prend place à la table du Comité.

2. La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation allemande et l'invite à présenter le quatrième rapport périodique de son pays.

3. M. LEWALTER (Allemagne) dit que la délégation allemande, composée de spécialistes dans les domaines des droits énoncés dans le Pacte, se réjouit à la perspective d'entretenir un dialogue constructif avec le Comité en vue de parvenir à une meilleure compréhension, connaissance et réalisation des droits économiques, sociaux et culturels en Allemagne. Pour élaborer le quatrième rapport périodique, le Gouvernement a consulté les ONG allemandes. Le Forum Menschenrechte, une fédération d'ONG, a publié son propre rapport.

4. Dix ans après la réunification, l'Allemagne continue de rencontrer des difficultés pour harmoniser les niveaux de vie et assurer l'égalité des chances entre les «anciens» et les «nouveaux» États fédérés, notamment à cause de la charge financière que cela représente. Les manifestations de xénophobie et de violence raciste qui sont apparues en divers endroits du pays sont préoccupantes. Malgré ces problèmes, les Allemands sont fiers de l'attitude courageuse des Allemands de l'Est qui, en 1989, ont, par une révolution pacifique, conquis la liberté. Au sujet de l'emploi des anciens fonctionnaires de la République démocratique allemande, M. Lewalter tient à dire qu'au paragraphe 40 du compte rendu analytique relatif à l'examen du troisième rapport périodique de l'Allemagne (E/C.12/1998/SR.40), les mots «un très petit nombre de diplomates a été incorporé au sein du corps diplomatique de la République fédérale d'Allemagne, car nombreux sont ceux qui ont combattu la réunification et n'ont pas respecté les droits de l'homme» ne reflètent pas, à proprement parler, ceux qu'avait employés le chef de la délégation, M. Höynck, lesquels n'impliquent aucun jugement collectif sur les anciens diplomates de la République démocratique allemande et ne doivent nullement être interprétés dans ce sens.

5. En novembre 1998, le Gouvernement a révisé sa position sur le projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. D'une part, sur le plan des principes, il considère que l'existence d'une procédure d'examen de plaintes émanant de particuliers est un bon moyen de renforcer le statut juridique des intéressés, de même que la conscience qu'ils font de leurs droits et d'encourager les États parties à s'acquitter de leurs obligations. D'autre part, pour qu'un mécanisme de plaintes pour violation des droits économiques, sociaux et culturels soit efficace, il importe d'expliciter le contenu exact des règles et obligations découlant de ces droits, de même que le droit de porter plainte. À cet égard, l'Allemagne a pris plusieurs initiatives tant à l'échelle internationale que sur le plan intérieur pour assurer la mise en œuvre des droits énumérés dans le Pacte. Ainsi, en 2000, la délégation allemande à la cinquante-sixième session de la Commission des droits de l'homme avait proposé de charger un expert indépendant d'étudier les arguments en faveur et contre un protocole facultatif se rapportant au Pacte, proposition qui a été adoptée par la Commission à sa cinquante-septième session. En 2000 encore, l'Allemagne avait été à l'origine de l'institution d'un rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable. Elle a aussi été l'un des premiers pays à se porter coauteur d'une résolution sur ce droit à la cinquante-septième session de la Commission des droits de l'homme. Sur le plan intérieur, en septembre 1999, la Commission parlementaire des droits de l'homme, nouvellement créée, a organisé, sur la portée des droits économiques, sociaux et culturels, une réunion à laquelle ont participé des experts du monde universitaire ainsi que des représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et des ONG. En fin mars 2001, les autorités allemandes ont accueilli à Bonn une réunion d'experts internationaux sur le droit à l'alimentation organisée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.

6. M. WILLERS (Allemagne) passe en revue les principaux sujets qui sont des motifs de préoccupation. Le premier est la question de l'intégration des étrangers et des minorités dans la société allemande; il est traité aux paragraphes 11 à 23 du rapport. Le Gouvernement fédéral, mais aussi les Gouvernements des États fédérés et les collectivités locales prennent toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale, punir les auteurs d'agressions et de crimes racistes, et faire évoluer les mentalités à l'égard des étrangers et des minorités.

7. Un autre sujet de préoccupation est celui de l'évolution du marché de l'emploi et de la lutte contre le chômage, traité aux paragraphes 57 à 76 du rapport. Le Gouvernement considère comme inacceptable qu'aujourd'hui l'Allemagne compte 3,5 millions de chômeurs. Il encourage les réunions et actions conjointes des partenaires sociaux en vue de préserver et de créer des emplois. Une des difficultés rencontrées par les autorités dans la lutte contre le chômage est que ce problème est international et que l'économie allemande dépend étroitement de la politique européenne et de la situation économique mondiale.

8. La situation est également préoccupante en ce qui concerne la violence contre les femmes et les sévices sexuels exercés sur les enfants (par. 143 à 151 du rapport). La traite des femmes et l'exploitation sexuelle des enfants sont des phénomènes mondiaux mais qui touchent particulièrement l'Allemagne à cause de sa situation géographique. Comme on peut le voir dans le rapport, le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour lutter contre ces fléaux.

9. Enfin, M. Willers dit que le premier rapport du Gouvernement fédéral sur la pauvreté et la prospérité, qui a fait l'objet de la question 35 de la liste des points à traiter, est maintenant terminé et sera présenté ultérieurement.

10. La PRÉSIDENTE ouvre la discussion sur la section I de la liste consacrée aux renseignements de caractère général.

11. M. PILLAY se réfère, à propos de la place du Pacte dans le système juridique fédéral, aux observations finales que le Comité a adoptées à l'issue de l'examen du troisième rapport périodique de l'Allemagne (E/C.12/1/Add.29), en particulier au paragraphe 13, dans lequel le Comité se déclarait préoccupé par le statut du Pacte dans le système juridique interne de l'Allemagne et l'absence de décisions de justice sur l'application du Pacte, et au paragraphe 25, dans lequel le Comité recommandait à l'État partie de faire une place plus grande aux droits reconnus dans le Pacte, par des mesures ou des pratiques législatives ou judiciaires. La réponse écrite donnée à la question 3 de la liste des points à traiter est décevante, en ce sens qu'il y est dit qu'aucune décision de justice ne fait référence au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il est aussi étonnant de constater, d'après la réponse à la question 4 de la liste des points à traiter, que la seule mesure que semble prendre l'État partie pour mieux faire connaître les droits contenus dans le Pacte est la publication des rapports périodiques. M. Pillay souligne que si l'on veut que les juges se réfèrent au Pacte dans leurs décisions, il importe qu'ils soient davantage informés de son contenu et reçoivent donc une formation appropriée. Outre les rapports du Comité, il serait par exemple utile qu'ils aient connaissance des observations générales du Comité.

12. Il serait intéressant de savoir si le Gouvernement et les juges considèrent que les droits énoncés dans le Pacte, ou tout au moins leur contenu minimum incompressible, peuvent être invoqués devant les tribunaux, et quelle est la position précise du Gouvernement allemand sur le projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte. On peut penser que le Gouvernement peut aisément accepter le principe du protocole facultatif s'il admet qu'au moins dans leur contenu minimum incompressible, les droits énoncés dans le Pacte sont invocables en justice.

13. Enfin, constatant qu'en Allemagne il existe non pas une commission nationale des droits de l'homme mais un Institut national des droits de l'homme, M. Pillay voudrait savoir pourquoi c'est un institut et non une commission, si cet organisme est totalement indépendant du pouvoir exécutif, quelle est sa composition, si son mandat s'étend aux droits économiques, sociaux et culturels, et s'il a suffisamment de moyens financiers pour organiser des séminaires et des cours de formation à l'intention du personnel chargé de l'application des lois et du grand public. Le Gouvernement entend-il consulter cet Institut avant l'élaboration du cinquième rapport périodique?

14. M. HUNT, tout en se félicitant de l'existence de l'Institut national des droits de l'homme, voudrait savoir si celui-ci est compétent pour mener des enquêtes sur des thèmes particuliers comme la xénophobie ou les handicapés mentaux et si une procédure de plaintes est en place.

15. En outre, conformément à ce que prévoit le paragraphe 71 de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, le Gouvernement allemand s'est-il doté d'un plan national d'action pour les droits de l'homme? Un tel plan, s'il est bien conçu, est un instrument utile de sensibilisation aux questions des droits de l'homme. S'il n'en existe pas déjà un, la responsabilité de son élaboration pourrait être confiée à l'Institut national des droits de l'homme. Enfin, il serait intéressant de savoir de quelle manière l'État partie veille à ce que le Pacte soit dûment pris en considération par les responsables administratifs et politiques. Par exemple, comment est-on assuré que le Ministre et les fonctionnaires du Ministère de la santé sont sensibilisés aux articles du Pacte sur le droit à la santé et à l'Observation générale no 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint?

16. M. RATTRAY se demande si le Gouvernement allemand accepte le principe de l'indivisibilité des droits de l'homme. Alors que la Loi fondamentale semble relativement détaillée en ce qui concerne les droits civils et politiques, elle est loin d'être aussi précise sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement considère-t-il que les droits civils et politiques d'un côté et les droits économiques, sociaux et culturels de l'autre comportent des obligations de caractère différent? Cela mérite d'être précisé, d'autant qu'il est dit, au paragraphe 88 du document de base, qu'il convient de prendre en considération le contenu et l'état d'avancement de chaque instrument relatif aux droits de l'homme lorsque l'on interprète la Loi fondamentale.

17. Pour ce qui est du droit de grève dont le Gouvernement considère que l'ensemble des fonctionnaires peut en être privé, il y a lieu de souligner que si l'article 8 du Pacte prévoit certaines restrictions possibles à ce droit, celles-ci doivent être proportionnelles et appropriées. Il serait donc utile de savoir précisément comment le Gouvernement allemand conçoit les obligations créées par le Pacte, et quelles mesures il prend pour garantir que les décisions administratives et politiques soient conformes au Pacte. Par ailleurs, le Gouvernement est-il partisan de l'idée de procéder à des analyses d'évaluation de la mise en œuvre des droits de l'homme sur le modèle des études d'impact sur l'environnement?

18. M. SADI note avec satisfaction que le Gouvernement allemand a pris position ouvertement et activement sur le projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte. Par ailleurs, tout en étant conscient que les autorités allemandes sont confrontées à une situation économique difficile, il souligne que si la réalisation de certains droits peut se faire progressivement, les autorités doivent exprimer clairement leur volonté d'assurer la mise en œuvre de ces droits et donner des signes concrets de cette volonté.

19. Se félicitant que l'Allemagne soit un des principaux donateurs dans le domaine de l'aide internationale, M. Sadi voudrait savoir si, dans le cadre d'accords bilatéraux ou multilatéraux, les autorités allemandes mettent en avant la nécessité de protéger les droits économiques, sociaux et culturels. Si tel est le cas, la délégation pourrait-elle donner des exemples concrets?

20. M. MALINVERNI, souhaiterait avoir de plus amples renseignements sur la pratique juridictionnelle. En effet, il est dit dans la réponse à la question 3 de la liste des points à traiter que les décisions de justice ne mentionnent généralement les accords internationaux que, si ceux-ci permettent d'interpréter une disposition interne ou, si une partie à l'instance soutient expressément que le droit international a été violé. D'une part, il ressort que, dans les tribunaux allemands, le droit international joue encore un rôle secondaire et que la source principale des droits fondamentaux reste le droit interne, essentiellement la Constitution. Cette conception est critiquable et il conviendrait qu'à l'inverse le droit interne, y compris les dispositions de la Constitution, soit interprété conformément aux obligations internationales. En tout état de cause, il faudrait respecter le principe de l'application de la norme la plus favorable. D'autre part, pour qu'une violation du droit international puisse être invoquée cela suppose que le monde judiciaire ait une bonne connaissance du droit international. Il serait intéressant de savoir quelle place occupe l'enseignement des droits de l'homme dans le cursus des facultés de droit et si des programmes de formation continue sont dispensés aux juges et aux avocats afin de mieux les familiariser avec les conventions internationales relatives aux droits de l'homme.

21. M. LEWALTER (Allemagne) n'est pas en mesure de donner des renseignements sur la jurisprudence actuelle concernant l'application du Pacte, vu que celui-ci n'a encore jamais été invoqué devant les tribunaux. Il rappelle toutefois qu'en règle générale, les décisions de justice ne font état des accords internationaux que si ceux-ci comblent une lacune en droit interne, s'ils contribuent à l'interprétation d'une disposition du droit interne ou si une partie à l'instance soutient expressément que le droit international a été violé. Pour sa part, le Gouvernement allemand considère les droits consacrés par le Pacte comme des normes qui lui servent de référence en vue de son action dans les domaines économiques, sociaux et culturels. C'est parce qu'il est convaincu de la justiciabilité des droits fondamentaux consacrés dans le Pacte que le Gouvernement allemand œuvre à l'adoption du Protocole facultatif se rapportant à cet instrument.

22. M. Lewalter dit que l'Allemagne est une démocratie relativement jeune qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a dû s'atteler à la mise en place progressive des institutions nécessaires au fonctionnement d'un État de droit. C'est ainsi qu'une commission nationale des droits de l'homme vient d'être créée, dont le mandat englobera bien entendu les droits économiques, sociaux et culturels. Cela dit, il existe déjà des mécanismes très efficaces qui offrent des voies de recours en cas de violation des droits de l'homme, notamment la Cour constitutionnelle, la Commission parlementaire des droits de l'homme et les commissaires aux droits de l'homme dont sont dotés différents ministères, notamment ceux des affaires étrangères et de la justice. Quant à la nouvelle Commission des droits de l'homme, sa première tâche consistera à examiner non pas des cas individuels, mais des situations générales et, à cet égard, elle pourra réaliser toutes les enquêtes qu'elle estime nécessaires, en toute indépendance.

23. M. Lewalter précise que ce sont les Ministères de la justice et de l'intérieur qui sont chargés de veiller à ce que les dispositions du Pacte soient prises en compte dans toutes les décisions administratives. Ainsi, tout projet de loi, avant d'être présenté au Parlement, fait l'objet d'un examen minutieux et complet dont l'objectif est de s'assurer que les principes de la loi sont appliqués et que les droits de l'homme sont respectés. Le Gouvernement allemand attache une grande importance au Pacte, dont il entend respecter aussi bien la lettre que l'esprit. Cependant, force est de reconnaître que les difficultés financières apparues au lendemain de la réunification de l'Allemagne n'ont pas permis au Gouvernement de répondre à toutes les attentes de la population.

24. En ce qui concerne le droit de grève, il convient de faire une distinction entre les fonctionnaires, qui sont soumis à une obligation de service et de loyauté de droit public, et les employés, qui ont une relation d'emploi de droit privé établie par la conclusion d'un contrat de travail entre eux et un organe de l'administration publique. Les employés jouissent sans restriction du droit d'association et peuvent éventuellement participer à une action revendicative légale. En revanche, les fonctionnaires sont chargés d'assurer le fonctionnement et la continuité du service public; faire grève serait incompatible avec cette obligation de loyauté et en contradiction avec la notion de service public. Pour le Gouvernement allemand, cette interdiction s'inscrit dans le cadre des «restrictions légales» auxquelles, en vertu du paragraphe 2 de l'article 8 du Pacte, peut être soumis le droit de grève. Revenant sur la question de l'indivisibilité des droits de l'homme, M. Lewalter dit que son Gouvernement n'a jamais douté que ceux-ci forment un tout, dont l'exercice doit être assuré à tous les niveaux de la vie économique et sociale. Il assure également le Comité que l'allégation selon laquelle le droit international est secondaire par rapport au droit interne est sans fondement, d'autant plus que la Constitution consacre la primauté des instruments internationaux. Enfin, il précise que les dispositions du Pacte figurent en bonne place dans les programmes d'enseignement du cycle universitaire.

25. Mme WITTLING-VOGEL (Allemagne) dit que l'importance accrue donnée aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme a rendu nécessaire l'introduction de changements dans les programmes de formation des membres du corps judiciaire. C'est ainsi que les juges ne doivent plus se contenter de connaître le droit, ils doivent également acquérir des compétences linguistiques qui leur permettront de comprendre et, surtout, d'appliquer les dispositions des instruments internationaux, dont le Pacte. Quant aux juges et procureurs déjà en fonction, 70 séminaires d'information et de formation sont organisés tous les ans à leur intention. Durant la seule année 2000, 11 de ces séminaires ont porté sur les droits économiques, sociaux et culturels. Par ailleurs, Mme Wittling-Vogel annonce que le Gouvernement élabore actuellement des projets de loi portant création d'un bureau indépendant habilité à recevoir des plaintes pour violation des droits économiques, sociaux et culturels. Elle précise également que la nouvelle Commission nationale des droits de l'homme est une institution en partie financée par l'État et dont les 12 membres viennent de milieux divers. Le fait que M. Riedel, membre du Comité, y siège, permet de penser que les droits économiques, sociaux et culturels figureront en bonne place dans le programme de travail de cette institution.

26. M. LINDNER (Allemagne) ajoute que la Commission nationale des droits de l'homme a prévu de tenir en septembre 2001 une importante réunion au cours de laquelle sera défini son programme de travail. Les suggestions et recommandations du Comité seront transmises à la Commission, qui pourra ainsi en tenir compte. En ce qui concerne la prise en compte des droits de l'homme dans les programmes de coopération internationale, M. Lindner tient à souligner qu'aucun projet ou programme d'aide ne peut être approuvé par le Gouvernement allemand tant que le pays bénéficiaire ne remplit pas des conditions bien précises, en tête desquelles figure le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques.

27. La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions sur les points de la liste relative aux dispositions générales du Pacte (art. 1er à 5).

28. M. MARTYNOV tient à faire part de sa préoccupation au sujet des droits du peuple sorabe, dont la présence dans les Länder de Saxe et de Brandebourg date de plusieurs siècles. En effet, selon certaines informations, le Gouvernement aurait réduit de moitié les subventions accordées à la Fondation du peuple sorabe, menaçant ainsi de fermeture les écoles de cette minorité. D'autre part, le Parlement du Brandebourg aurait adopté une loi spéciale permettant à la compagnie d'électricité RWI de faire raser des villages sorabes en vue d'aménager des mines à ciel ouvert pour l'exploitation de lignite. Que pense la délégation de cette situation, qui s'apparente à une violation des droits de la minorité sorabe en vertu du paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte? M. Martynov souhaiterait également savoir pourquoi l'Allemagne n'a pas ratifié la Convention n° 169 de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants et si elle a l'intention de le faire. Enfin, il demande quelles sont les mesures qui ont été prises en faveur des diplomates de l'ancienne République démocratique allemande, dont seulement un très petit nombre ont été intégrés au corps diplomatique de la nouvelle Allemagne au lendemain de la réunification.

29. M. WIMER ZAMBRANO constate que les autorités fédérales commencent à reconnaître la nécessité d'autoriser l'entrée d'immigrants pour des motifs économiques. Il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement fédéral compte prendre pour favoriser le même type de prise de conscience chez les représentants des Länder et dans la société allemande en général. Il demande aussi si la politique du Gouvernement fédéral en matière d'acquisition de la nationalité allemande a évolué du point de vue du droit du sang et du droit du sol.

30. M. AHMED voudrait connaître l'ampleur des progrès enregistrés depuis la présentation du troisième rapport périodique dans des domaines précis. Dans quelle mesure les disparités entre la partie orientale et la partie occidentale de l'Allemagne, notamment en matière d'éducation et de santé, ont-elles été réduites? Quelles dispositions ont été prises pour lutter contre la xénophobie et la violence qui en découle? Qu'en est-il de la violence à l'égard des femmes et des inégalités de rémunération? Quelle est la situation des Sintis et des Roms, qui se sont vu refuser le droit d'être représentés dans les organes de supervision des médias? Des programmes sont-ils diffusés dans leur langue?

31. M. CEAUSU regrette l'amalgame qui est fait entre les travailleurs étrangers et les étrangers dans les paragraphes 15 et 16 du quatrième rapport périodique. À son avis, il s'agit de deux catégories de personnes qu'il aurait mieux valu ne pas mélanger car certains étrangers sont devenus allemands. À ce sujet, M. Ceausu souhaite connaître le nombre d'étrangers qui, depuis 30 ou 40 ans, ont obtenu la nationalité allemande. Il voudrait savoir pourquoi les groupes linguistiques ou culturels d'origine étrangère ne sont pas considérés comme des minorités nationales, ce qui leur permettrait de bénéficier de la protection accordée par les instruments internationaux, notamment par le Pacte.

32. M. Ceausu, demande à la délégation pourquoi le membre de phrase «et sur le respect de leur identité culturelle», qui figurait dans l'avant-dernière phrase du paragraphe 11 du troisième rapport périodique, a été supprimé dans le quatrième rapport périodique, ce qui apparaît contradictoire avec la première phrase du paragraphe 16 b du quatrième rapport périodique disant que l'intégration signifie l'incorporation dans la société allemande et son système de valeurs, parallèlement à la reconnaissance de l'autonomie culturelle et de l'identité des étrangers. La renonciation à sa propre identité est-elle une condition implicite de l'intégration dans la société allemande?

33. Mme BARAHONA-RIERA souhaite savoir pourquoi le pourcentage de femmes dans les organes consultatifs à caractère politique n'est que de 12,7 % et connaître les raisons pour lesquelles le Gouvernement fédéral prévoit de modifier la loi sur les effectifs des organismes fédéraux. Elle demande si cette modification est intervenue. Dans l'affirmative, quelles mesures ont été prises et quels en sont les effets escomptés?

34. Mme Barahona-Riera voudrait avoir des données concrètes sur le programme «Les femmes et l'emploi» et sur les mesures prises pour inciter les entreprises à embaucher des femmes. Comment sont évaluées les tâches des travailleurs? Existe-t-il un système d'inspection? Constatant que le taux de syndicalisation des femmes est beaucoup moins élevé que celui des hommes, Mme Baharona-Riera souhaite en connaître les raisons. Concernant la réparation des préjudices subis en cas de discrimination sexuelle, elle demande si de nombreuses affaires de ce type ont été examinées par les tribunaux et si elles avaient uniquement trait à l'emploi.

35. De l'avis de M. MARCHÁN ROMERO, des progrès importants ont été accomplis dans l'intégration des travailleurs migrants étrangers, notamment en ce qui concerne l'apprentissage de la langue allemande et l'acquisition de la nationalité allemande. Toutefois, le rapport est silencieux sur la situation des migrants en situation irrégulière, qui seraient évalués à 500 000 environ. Ceux-ci seraient soumis à des mesures de contrôle qui les empêcheraient de jouir des droits énoncés dans le Pacte, notamment en matière de santé et d'éducation, alors que la Constitution garantit tous ces droits aux habitants de l'Allemagne. Ils seraient pris en charge par des organisations non gouvernementales privées alors que leur protection relève de la responsabilité de l'État partie. Qu'en est-il dans la pratique? De quel type de protection bénéficient ces migrants?

36. M. THAPALIA, faisant observer que certaines catégories de travailleurs sont victimes de discrimination en matière de rémunération, demande si un mécanisme a été mis en place pour y remédier. Dans l'affirmative, quels ont été les résultats? En outre, compte tenu de la forte augmentation des délits à caractère racial, M. Thapalia souhaite savoir quelles mesures sont prises pour lutter contre les préjugés de cette nature ancrés chez les personnes peu instruites et chez les chômeurs.

37. M. HUNT demande quelle est la part du produit national brut (PNB) que l'État partie consacre à l'aide publique au développement (APD) et souhaite savoir si ce pourcentage est en baisse ou en augmentation.

38. M. TEXIER constate que l'Allemagne a ratifié tous les instruments internationaux relatifs aux réfugiés et qu'elle accueille un grand nombre de réfugiés. Il regrette toutefois que dans son interprétation de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, l'État partie n'admette les demandes d'asile que lorsque l'agent de persécution est un agent de l'État, ce qui exclut les victimes de guerres civiles ou de groupes paramilitaires et ne correspond pas à l'interprétation du Haut-Commissariat pour les réfugiés. En outre, M. Texier appelle l'attention de la délégation sur le statut («Duldung») relativement précaire des demandeurs d'asile, qui ne leur garantit pas la jouissance de tous les droits énoncés dans le Pacte, notamment le droit au travail et le droit à la sécurité sociale. Enfin, il estime que la loi devrait mieux protéger les mineurs de 16 à 18 ans qui se présentent seuls pour demander le statut de réfugié.

39. M. LEWALTER (Allemagne), rappelant les conditions de la réunification de l'Allemagne, dit que la mise en œuvre des recommandations du Comité tendant à ce que soit comblé l'écart entre les Länder de l'Est et ceux de l'Ouest prendra du temps. Il reconnaît que seul un petit nombre d'anciens fonctionnaires de l'ex-République démocratique allemande (RDA) ont été intégrés dans le corps diplomatique de la République fédérale d'Allemagne (RFA). Cela s'explique par le fait que le corps diplomatique, au même titre que les forces armées, a fait l'objet de dispositions spéciales dans le Traité d'union négocié avec le Gouvernement démocratiquement élu de l'ancienne RDA. Dans les autres ministères, le pourcentage de fonctionnaires de l'ex-RDA est beaucoup plus élevé. Compte tenu de l'âge limite, soit 32 ans, et de la nécessité de suivre une formation juridique, seuls les fonctionnaires les plus jeunes ont pu postuler à un emploi dans le corps diplomatique de la RFA.

40. Mme AUGSTEIN (Allemagne) dit que la situation des femmes s'est considérablement améliorée en Allemagne grâce à la mise en œuvre de plans d'action fédéraux concernant les femmes et l'emploi et la violence dont elles sont victimes. Le Parlement est saisi d'un projet de loi visant à établir le cadre juridique de la protection des femmes en matière d'emploi et à garantir la représentation de celles-ci dans les organes fédéraux. Mme Augstein ne saurait expliquer pourquoi les femmes sont peu représentées dans les organes fédéraux. Force est de constater que certains postes sont plus facilement confiés à des hommes. Des mécanismes ont été mis en place pour étudier les raisons pour lesquelles certaines institutions fédérales préfèrent nommer des hommes à des postes clefs. En ce qui concerne la parité dans le secteur privé, le Parlement est également saisi d'un projet de loi comprenant plusieurs objectifs qui devront être réalisés par le secteur privé d'ici à 2003 afin d'augmenter la proportion de femmes dans les entreprises. Le Gouvernement fédéral va présenter un rapport sur les inégalités de salaire entre hommes et femmes. Il y établira des comparaisons entre les grands secteurs d'activité et tentera d'expliquer pourquoi des inégalités existent. D'après une étude de l'Institut fédéral de la statistique, les femmes sont de plus en plus qualifiées et il est probable que les inégalités s'atténueront progressivement. S'agissant de la violence dont elles sont victimes, les mesures prévues dans le plan d'action sont progressivement mises en œuvre. Des groupes de travail, composés de représentants des organes fédéraux et régionaux ainsi que de membres d'organisations non gouvernementales, ont été créés afin d'étudier les problèmes de la violence et de la traite des femmes. Les lois fédérales et celles des Länder concernant les auteurs d'actes de violence contre les femmes ont été harmonisées pour mieux lutter contre ce fléau.

41. M. HABERLAND (Allemagne) reconnaît que les fonctionnaires allemands n'ont pas le droit d'adhérer à des syndicats ni de faire grève. Cela étant, ils bénéficient des accords conclus par les autres catégories d'employés dans le cadre des négociations collectives. Pour ce qui est de la minorité sorabe, ce sont les Länder de Saxe et de Branderbourg qui doivent lui offrir une aide mais leurs moyens financiers sont limités. M. Haberland réfute les allégations selon lesquelles le Gouvernement fédéral aurait réduit de moitié ses subventions à la Fondation pour le peuple sorabe. En ce qui concerne le seul village sorabe qui a été détruit, le Gouvernement brandebourgeois a dû faire un choix entre la préservation du village et la création d'emplois que promettait le développement de l'exploitation minière. En tout état de cause, les tribunaux fédéraux saisis de l'affaire ont jugé que la destruction du village ne constituait en aucun cas une violation des droits de la minorité sorabe.

42. Les lois en matière de naturalisation ont été mises à jour en 1991 et 1998 puis entièrement remaniées en 2000, année où un changement radical est intervenu: les enfants d'étrangers nés en Allemagne acquièrent automatiquement la nationalité allemande. En outre, les conditions pour se faire naturaliser ont été assouplies, ce qui a entraîné une augmentation de 30 % du nombre de naturalisations. Les rapports entre les Allemands et les étrangers ont beaucoup évolué au cours des années écoulées. Il s'est produit un véritable changement de mentalité, la population prenant conscience que les immigrés avaient beaucoup à apporter au pays. En 2000, le Ministère fédéral de l'intérieur a créé un comité chargé d'étudier le phénomène de l'immigration et a présenté au Parlement un projet de loi visant à améliorer les conditions d'accueil des travailleurs et la situation des immigrés. Pour répondre aux besoins de main-d'œuvre qualifiée dans le secteur des télécommunications, l'Allemagne a accueilli 8 000 travailleurs étrangers ces dernières années. M. Haberland confirme que la langue des Sintis et des Roms fait partie des langues protégées en Allemagne. S'agissant des travailleurs étrangers et de leur famille, il va sans dire que l'Allemagne ne leur demande pas de renoncer à leur identité culturelle pour s'intégrer dans la société. Le Gouvernement fédéral souhaiterait offrir à tous les étrangers des programmes d'éducation spéciale et de promotion de leur culture, comme il le fait avec les minorités danoise et sorabe, mais il n'en a malheureusement pas les moyens.

43. Le problème des migrants en situation irrégulière préoccupe beaucoup l'Allemagne dans la mesure où ceux-ci échappent totalement au contrôle du Gouvernement fédéral. Il est par exemple difficile de savoir si leurs droits fondamentaux sont bafoués car ces personnes n'osent pas s'adresser aux organes qui pourraient les défendre. De nombreuses associations caritatives s'attachent à améliorer les conditions de vie des clandestins, par exemple en leur offrant des soins de santé. Leurs enfants sont autorisés à s'inscrire à l'école, même s'ils ne peuvent pas fournir les papiers nécessaires. Les questions relatives au racisme seront traitées longuement dans le cinquième rapport périodique de l'Allemagne. Pour ce qui est des demandeurs d'asile et des réfugiés, leur statut («Duldung») a été complètement modifié par la nouvelle loi. En ce qui concerne le cas particulier des personnes victimes de persécutions mais qui n'ont pas le statut de réfugié politique, elles peuvent obtenir un permis de séjour limité.

44. M. WILLERS (Allemagne) dit que l'Allemagne n'a pas ratifié la Convention n° 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux car il n'existe aucun groupe de ce type sur son territoire. Elle envisage toutefois de le faire mais a d'abord demandé l'avis des experts de l'OIT quant aux obligations qui lui incomberaient en vertu de cette Convention.

45. M. LEWALTER (Allemagne) dit que le paragraphe 16 b du quatrième rapport périodique (E/C.12/4/Add.3) est libellé de manière bien compliquée et pourrait donner lieu à une interprétation erronée de la notion d'intégration telle que l'Allemagne la conçoit. M. Lewalter assure les membres du Comité que l'intégration des travailleurs étrangers en Allemagne se fait dans le plein respect de leur identité culturelle. Pour ce qui est de l'aide publique au développement (APD) fournie par l'Allemagne, le fait qu'elle n'ait pas augmenté depuis un certain temps s'explique par les lourdes dépenses entraînées par le processus de réunification. Le Gouvernement fédéral souhaite accroître son aide financière aux pays en développement tout en s'intéressant à d'autres formes d'assistance comme l'allégement de la dette et l'amélioration des termes de l'échange.


La séance est levée à 13 heures.

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