Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.243
9 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 243ème séance : Germany. 09/11/95.
CRC/C/SR.243. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Dixième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 243ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le lundi 6 novembre 1995, à 10 heures
Présidente : Mme Belembaogo

SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties

Rapport initial de l'Allemagne

La séance est ouverte à 10 h 10.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour)
(suite)

Rapport initial de l'Allemagne (CRC/C/11/Add.5; CRC/C/10/WP.5)

1. Sur l'invitation de la Présidente, M. Jelonek, M. Wabnitz, M. Haberland, M. Gebauer, M. Hellbach et Mme Reinhart prennent place à la table du Comité.

2. La PRESIDENTE invite la délégation à présenter le rapport initial de l'Allemagne (CRC/C/11/Add.5). Elle remercie le Gouvernement allemand, par l'intermédiaire de sa délégation, d'avoir adressé à temps au Comité des réponses écrites aux questions figurant sur la liste. Ces réponses, qui n'ont pas été publiées sous forme de document, ont été distribuées en séance.

3. M. JELONEK (Allemagne) dit que, pour bien comprendre la situation juridique actuelle des enfants en Allemagne, il importe de se rappeler que la République fédérale d'Allemagne est composée de 16 Etats fédéraux, ou Länder, qui jouissent d'une autonomie considérable. C'est ainsi que la mise en application des lois incombe à ces derniers, tandis que les compétences de la Fédération en matière de services en faveur de l'enfance et de la jeunesse se limitent pour l'essentiel aux interventions aux niveaux national ou international.

4. Si l'unité de l'Allemagne a été réalisée rapidement au plan juridique, le rétablissement de conditions de vie uniformes sur l'ensemble du territoire - et notamment la création de structures permettant de dispenser des services pour les enfants et les jeunes - est une entreprise de très longue haleine, très coûteuse.

5. La situation matérielle de la plupart des enfants, des jeunes et de leurs familles est certes considérablement meilleure qu'il y a quelques décennies, mais il n'est pas rare que les enfants souffrent de la séparation, du divorce ou du chômage de leurs parents, de leurs conditions de logement ou d'une pauvreté relative. La politique de l'enfance a évolué progressivement pour occuper une place distincte dans les grandes orientations de l'Allemagne, notamment sous l'impulsion de l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant. Ainsi l'ancienne loi relative à la protection de la jeunesse a été modifiée et rebaptisée loi relative aux services destinés à l'enfant et au jeune, l'ancien Plan fédéral pour la jeunesse a été révisé, amélioré et rebaptisé Plan fédéral pour l'enfance et la jeunesse et les prochains rapports sur la jeunesse que le gouvernement fédéral présentera au Bundestag et au Bundersrat s'intituleront Rapports sur l'enfance et la jeunesse.

6. La politique de l'enfance et de la famille a évolué favorablement dans plusieurs domaines. Ainsi, à partir de 1996, une allocation budgétaire supplémentaire de 7 milliards de marks par an permettra d'améliorer sensiblement les prestations dont bénéficient les enfants et les familles. A partir de 1996 également, le droit de chaque enfant vivant en Allemagne d'être inscrit dans un jardin d'enfants sera protégé par la loi. Une réforme fondamentale de la loi sur les parents et les enfants assurera l'égalité devant la loi des enfants légitimes et des enfants nés hors mariage. L'acquisition de la nationalité allemande par les enfants étrangers a été facilitée ces dernières années. Le gouvernement fédéral présentera un tableau complet de la situation actuelle des enfants en Allemagne dans son dixième Rapport sur l'enfance et la jeunesse, qui est actuellement en préparation. Il est prévu une refonte complète de la législation pénale applicable aux jeunes délinquants. Sur la scène internationale, le gouvernement fédéral est un ardent défenseur de l'abolition du travail des enfants et le Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse a accueilli la semaine dernière un congrès intitulé "Les enfants en Allemagne - leurs conditions de vie, leurs besoins" dont les conclusions permettront d'orienter la politique allemande relative à l'enfance.

7. La PRESIDENTE remercie le représentant de l'Etat partie des renseignements supplémentaires qu'il a fournis. Elle note que ceux-ci sont essentiellement d'ordre législatif et attend un complément d'informations sur les mesures prises pour mettre en application les dispositions de la loi. Elle invite les membres du Comité à axer dans un premier temps leurs observations et leurs questions sur les mesures d'application générales (art. 4, 42 et 44, par. 6, de la Convention) auxquelles est consacrée la première partie de la liste des points à traiter (CRC/C/10/W.5).

"Mesures d'application générales
(Articles 4, 42 et 44 (par. 5) de la Convention)


8. Mme SANTOS PAIS dit que les mesures d'application générales revêtent une importance capitale car, au travers de leur examen, les membres du Comité peuvent évaluer dans quel esprit l'Etat partie conçoit l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant, c'est-à-dire s'il s'agit pour lui d'un simple document de référence ou d'un cadre juridique à proprement parler.

9. En ce qui concerne les déclarations faites par le Gouvernement allemand lors de la ratification de la Convention (voir CRC/C/2/Rev.4, p. 11 et 12) Mme Santos País se félicite de constater que l'Allemagne reconnaît que la participation des enfants âgés de 15 ans aux conflits armés ne se justifie pas. A cet égard, la participation de l'Allemagne à la rédaction d'un protocole à la Convention consacré à cette question sera un élément positif. Par ailleurs, Mme Santos País encourage l'Allemagne à envisager d'incorporer dans les programmes de formation des recrues non seulement une préparation militaire, mais aussi une éducation aux droits de l'homme et au droit humanitaire, et des principes de paix, de tolérance et de compréhension mutuelle.

10. concernant la première des déclarations, rappelées à l'annexe II du rapport, Mme Santos País croit comprendre que les dispositions de la Convention ne sont pas d'application directe en Allemagne. Certes, chaque Etat partie a la faculté d'opter pour cette solution mais affirmer, comme il est fait dans cette déclaration, que "la législation nationale ... est conforme à la Convention" peut faire croire, à tort, qu'il n'y a pas lieu de procéder à des réformes législatives en Allemagne en matière de droits de l'enfant. En outre, cette même déclaration donne l'impression que seules des mesures visant à assurer le bien-être de l'enfant sont envisagées par le gouvernement, et donc que l'enfant est un objet et non pas un sujet de droit. Si telle n'est pas l'intention du Gouvernement allemand, il pourrait peut-être envisager de revenir sur cette déclaration.

11. La délégation a indiqué que de nouvelles mesures législatives étaient prévues en faveur des enfants nés hors mariage, ce dont on ne peut que se féliciter. On peut toutefois se demander parallèlement si cette distinction entre enfants légitimes et enfants nés hors mariage n'est pas contraire à l'article 2 de la Convention, qui interdit toute discrimination fondée sur la naissance de l'enfant ou la situation de ses parents. Il ressort en outre des paragraphes du rapport de l'Allemagne consacrés au nom et à l'acquisition de la nationalité (par. 22 à 27) que le traitement des enfants légitimes et des enfants nés hors mariage est inégal, ce qui ne laisse pas d'être préoccupant et l'annonce d'une modification de la législation est donc bienvenue. La déclaration qui concerne les enfants nés hors mariage n'aura peut-être plus lieu d'être.

12. Pour ce qui est de la distinction entre les ressortissants allemands et les étrangers, Mme Santos País rappelle l'article 2 de la Convention qui dispose que "les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction". Cela suppose qu'aucune distinction ne soit établie entre, d'une part, les enfants ressortissants allemands et, d'autre part, les enfants étrangers, réfugiés, demandeurs d'asile ou apatrides. En ce qui concerne la possibilité d'entrer en Allemagne ou d'y séjourner aux fins de réunification familiale, également évoquée dans les déclarations (CRC/C/2/Rev.4, p. 12), il est vrai que rien dans la Convention ne garantit à quelque enfant que ce soit le droit d'entrer sur le territoire d'un Etat partie, mais la Convention garantit à tout enfant le droit d'entretenir des relations personnelles et directes régulières avec ses parents, même lorsque ceux-ci vivent dans un autre pays. Il ne s'agit donc pas d'autoriser des visites occasionnelles, mais de créer les conditions permettant à l'enfant d'avoir des relations familiales normales.

13. Les considérations qui précèdent donnent à penser que ces déclarations s'apparentent à des réserves au sens de l'article 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, et on peut s'interroger sur leur compatibilité avec la Convention.

14. Enfin, l'Allemagne a fait une réserve concernant l'application du paragraphe 2 b) de l'article 40 de la Convention, de sorte qu'elle ne prévoit pas de garantir systématiquement le droit à une assistance judiciaire ou à une autre forme d'aide appropriée, ni de soumettre systématiquement toute décision judiciaire à une juridiction supérieure. Mme Santos País considère que l'article 40 de la Convention établit une norme minimale en matière de garanties judiciaires en faveur de l'enfant afin que celui-ci bénéficie d'un procès régulier. Elle a donc des doutes sur le bien-fondé d'une telle réserve d'autant que l'alinéa d) de l'article 37 de la Convention, qui vise le même but que l'article 40, n'a pas fait l'objet d'une réserve analogue.

15. En conclusion, Mme Santos País engage l'Allemagne à s'interroger sur la nécessité de maintenir ces déclarations, qui ressemblent fort à des réserves et à envisager de les retirer.

16. Mme BADRAN note, en ce qui concerne les mesures prises pour faire largement connaître les dispositions de la Convention, que l'Allemagne a mentionné dans son rapport comme dans la réponse écrite à la deuxième question de la liste des points (CRC/C/10/WP.5) que le Gouvernement allemand n'a publié que deux brochures, l'une à l'intention des adultes et l'autre à l'intention des enfants, et se demande s'il existe une documentation audiovisuelle à cet effet. Elle voudrait savoir aussi si des ministères ou des ONG ont été associés à l'élaboration du rapport.

17. Au sujet des mécanismes mis en place aux niveaux de la Fédération des Länder et des municipalités pour coordonner, suivre et évaluer l'application de la Convention (question No 5), le Gouvernement allemand a indiqué dans sa réponse écrite que le suivi de la mise en oeuvre de la Convention faisait participer toutes les autorités à tous les niveaux mentionnés, ce qui conduit à se demander comment est assurée la coordination de ces activités de suivi.

18. Pour ce qui est de la question No 6, le Gouvernement allemand a mentionné l'existence d'une commission du Bundestag chargée de l'enfance au niveau fédéral et, aux autres niveaux, d'un Commissariat aux droits de l'enfant. Il serait utile de connaître les relations entre ces organes et les responsabilités de chacun, ainsi que le niveau qu'ils occupent dans la structure administrative. Enfin, disposent-ils de pouvoirs et de ressources suffisants et sont-ils efficaces ?

19. M. HAMMARBERG, se référant à la question No 4 relative aux groupes professionnels qui travaillent avec et pour des enfants, observe que dans sa réponse, l'Allemagne a indiqué que la Convention avait été distribuée à tous ces groupes et que les juges et procureurs étaient informés des principes de la Convention. Toutefois, ce qui importe, c'est de faire en sorte que tous ces groupes professionnels soient bien informés des obligations contractées par la République fédérale d'Allemagne en vertu de la Convention. Il est donc nécessaire d'incorporer les dispositions de la Convention et la teneur des débats qu'elles ont suscités dans les programmes des établissements de formation des éducateurs, travailleurs sociaux, juges, administrateurs et personnel employés dans des institutions. Il faudrait également donner à ceux qui sont en activité la possibilité d'actualiser cette dimension de leur travail.

20. Relevant l'existence de deux types de médiateur, la Commission du Bundestag chargée de l'enfance et, au niveau des Länder et des municipalités, le commissaire à l'enfance, M. Hammarberg demande quelles sont les attributions de ces institutions, si elles peuvent être saisies de plaintes et y donner suite, par exemple en engageant des poursuites, et si elles ont pour rôle d'observer l'effet général des politiques sur les enfants et de présenter des rapports.

21. Enfin, en réponse à la question No 7, le Gouvernement allemand a énuméré les différents types de prestations dont bénéficient les enfants. Cependant, l'article 4 de la Convention traite, au-delà de ces prestations, de la priorité qui est accordée aux enfants dans les budgets fédéral, des Länder et des municipalités. Les discussions budgétaires à ces trois niveaux sont-elles structurées de manière à permettre une analyse approfondie de l'incidence des allocations budgétaires sur les enfants ?

22. Mme KARP dit que le Comité s'intéresse non seulement au cadre juridique dans lequel les droits de l'enfant sont appliqués et aux données concrètes sur la question mais aussi à l'esprit dans lequel la Convention est mise en oeuvre. L'impression que donne la lecture du rapport initial et des réponses écrites de l'Etat partie est que les autorités compétentes n'ont pas encore trouvé le juste équilibre entre les droits des parents et ceux des enfants. Il semble, notamment, que l'accent soit davantage mis sur la protection de l'enfant que sur la nécessité de promouvoir sa participation au sein de la famille et de la société. Mme Karp n'est pas sûre qu'en cas de conflit entre les droits de l'enfant et ceux des personnes responsables de son éducation, le problème soit réglé en fonction des principes de la Convention. La question est importante parce que c'est l'attitude fondamentale de la société vis-à-vis des droits de l'enfant qui détermine la nature des mesures qui seront prises en sa faveur.

23. En ce qui concerne l'intégration des deux parties de l'Allemagne et, notamment, de l'harmonisation de deux systèmes sociaux diamétralement opposés, Mme Karp se demande dans quelle mesure les droits de l'enfant sont pris en compte dans ce processus. Il ressort des renseignements fournis par les représentants de l'Etat partie que le rapport initial de l'Allemagne a été élaboré au moment où le pays procédait à une réforme de sa législation relative à l'enfance. Quels sont les obstacles qui ont été rencontrés dans ce contexte et où en est le processus de réforme ?

24. Mme Karp voudrait enfin savoir quelle est la contribution des tribunaux à la défense des droits de l'enfant, se demandant en particulier s'il existe dans leurs décisions des éléments indiquant que, faute de se référer directement à la Convention, ils s'en servent pour interpréter les lois nationales.

25. M. MOMBESHORA note que dans le rapport initial de l'Allemagne, il est plusieurs fois affirmé que bon nombre de dispositions figurant dans la Convention existaient déjà dans la législation allemande, ce qui donnait l'impression que l'Etat partie n'était pas disposé à adapter sa législation à la Convention. La déclaration liminaire du chef de la délégation allemande, qui passe en revue toutes les mesures prises en faveur de l'enfance conformément aux principes de la Convention, est heureusement venue dissiper les craintes suscitées par ces observations. La délégation a également évoqué le processus d'unification des lois des deux parties de l'Allemagne. Sachant qu'il est plus facile de changer un système au niveau fédéral qu'au niveau local, M. Mombeshora demande s'il y a eu des obstacles à l'échelon des Länder et dans quelle mesure il a été possible d'aligner les lois locales sur les dispositions de la Convention ?

26. Dans une des réponses écrites de l'Etat partie, il est affirmé que, la plupart des enfants étrangers parlant l'allemand, il n'a pas été jugé nécessaire de traduire le texte de la Convention dans les langues des communautés minoritaires. M. Mombeshora rappelle que la Convention concerne aussi la population adulte et qu'il y a lieu également de tenir compte du cas des enfants réfugiés arrivés récemment dans le pays, qui ne parlent pas encore l'allemand.

27. Mme EUFEMIO, soulignant l'importance du rôle des travailleurs sociaux, des membres de la police et des juges dans la protection de l'enfant, se demande si la formation qui leur est dispensée vise uniquement à leur inculquer les principes de la Convention ou si elle a aussi pour but de changer leur attitude.

28. Il est indiqué dans la réponse écrite à la question No 5 de la liste des points à traiter (CRC/C/10/WP.5) qu'en Allemagne les mécanismes de surveillance de l'application des lois, y compris des dispositions relatives aux enfants, peuvent être qualifiés d'efficaces. Mme Eufemio voudrait savoir à ce propos quels indicateurs les autorités compétentes ont utilisés pour évaluer l'application de la Convention. Il serait très utile d'avoir des détails sur ces indicateurs pour pouvoir continuer de suivre les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la Convention.

29. Il ressort de l'enquête effectuée en mars 1993 par l'Institut de recherche sociale orientée vers la pratique que 83 % des jeunes de l'ex-Allemagne de l'Est sont satisfaits de leur existence. Se référant aux observations faites par le chef de la délégation de l'Etat partie, qui a noté que, souvent, les enfants ne bénéficiaient pas d'une attention personnelle et ressentaient un certain manque de chaleur humaine, Mme Eufemio se demande si les 17 % restants ne sont pas composés de personnes qui ne sont pas satisfaites par la vie familiale.

30. Les statistiques fournies dans le rapport et les réponses écrites mettent l'accent sur les aspects matériels et notamment sur les indemnités pour enfant à charge et la scolarisation. En revanche, il n'y a aucune indication sur les aspects moins tangibles de la vie des enfants. Bien qu'étant plus difficiles à quantifier, ces aspects constituent un indicateur important du degré d'efficacité des lois et des mesures en faveur de l'enfant.

31. En ce qui concerne la composition des comités d'aide à l'enfance et à la jeunesse, Mme Eufemio demande si des enfants âgés de moins de 18 ans y sont représentés et, le cas échéant, quel devrait être le rapport enfant-adulte au sein de ces comités.

32. Mme SARDENBERG note avec satisfaction que l'Etat partie a répondu à toutes les questions posées même si certaines réponses ne sont pas tout à fait complètes. L'Allemagne est l'une des principales puissances économiques et, ayant déjà effectué sa transition démographique, elle a une population enfantine relativement peu nombreuse. De ce fait, le Comité attendait de ce pays des résultats exemplaires dans le domaine de l'application de la Convention.

33. Il ressort des renseignements fournis par l'Etat partie que les organisations non gouvernementales ont participé à l'élaboration du rapport initial de l'Allemagne. Quelle forme a revêtu cette participation et dans quelle mesure les opinions divergentes exprimées ont-elles été incorporées dans le rapport ? Les associations professionnelles, telles que les organisations de pédiatres et d'enseignants, ont-elles pris part au processus ? Il est important d'insister sur cet aspect parce qu'un rapport n'est pas seulement un inventaire des intentions du gouvernement; son élaboration doit donner l'occasion à toutes les parties concernées d'engager un débat dynamique sur les droits de l'enfant.

34. Ce qui retient aussi l'attention dans le rapport, ce sont les références répétées à d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il est tout à fait compréhensible que l'Etat partie juge utile de procéder à des comparaisons. Mais à vouloir trop insister sur ces instruments, les auteurs du rapport donnent l'impression que la Convention n'est pas considérée comme un instrument juridique à part entière.

35. A propos des mécanismes de suivi et de coordination mentionnés dans les réponses écrites, Mme Sardenberg voudrait savoir s'il s'agit de structures réservées aux organismes publics ou si, au contraire, elles sont ouvertes aux différentes composantes de la société civile.

36. M. KOLOSOV note que les autorités allemandes ne semblent pas avoir une position claire vis-à-vis de la Convention. Alors qu'il est indiqué au paragraphe 2 du rapport initial de l'Allemagne que "le Gouvernement fédéral avait abouti à la conclusion qu'il n'avait pas à modifier la loi nationale à seule fin de pouvoir ratifier ladite Convention", dans d'autres parties du rapport la nécessité de modifier la législation nationale à la lumière de la Convention est reconnue. M. Kolosov rappelle à ce propos les dispositions de l'article 4 de la Convention relative aux droits de l'enfant et note, de surcroît, que même si les lois nationales sont conformes à cet instrument, d'autres aspects doivent être pris en considération, notamment les procédures administratives, le suivi, la coordination, l'information, etc. Il espère qu'au terme du débat, les représentants de l'Etat partie seront pleinement convaincus de l'utilité de la Convention.

37. Un certain nombre d'affirmations contenues dans le rapport et dans les réponses écrites appellent quelques observations. L'effort de sensibilisation que les Etats doivent entreprendre et la formation aux droits de l'enfant doivent représenter un processus permanent car des enfants naissent tous les jours. En outre, même si l'application de la Convention et le financement des programmes en faveur des enfants sont du ressort des Länder, c'est l'Etat fédéral allemand qui a ratifié l'instrument et c'est donc à lui qu'il appartient de veiller à ce qu'elle soit appliquée au niveau local. Cela est d'autant plus important qu'il existe de grandes disparités entre les Länder de l'Est et ceux de l'Ouest; or la Convention veut que tous les enfants soient traités sur un pied d'égalité et, où qu'ils se trouvent, l'Etat a vis-à-vis d'eux les mêmes obligations.

38. Enfin, tout en étant conscient que la transition dans les Länder de l'Est est un processus de longue haleine, M. Kolosov souligne que les enfants ne peuvent pas attendre et que des mesures spéciales doivent être prises pour améliorer rapidement les conditions de vie de la population enfantine des nouvelles provinces de l'Etat fédéral.

39. M. JALONEK (Allemagne) dit que les services compétents du Ministère de la famille, des personnes âgées, des femmes et des jeunes ont pu tirer de multiples enseignements du processus d'élaboration du rapport initial de l'Allemagne. Il reste à n'en pas douter beaucoup à faire et les propositions et recommandations qui seront formulées au cours du débat aideront les autorités à améliorer le dispositif pour la protection de l'enfant. M. Jalonek reconnaît que les questions juridiques ont pris une place trop importante dans le rapport et qu'il aurait fallu insister davantage sur les conditions réelles dans lesquelles vivent les enfants.

40. N'ayant entamé des activités qu'après la publication du rapport, la Coalition des ONG pour les droits de l'enfant n'a pas pris part à son élaboration. Cela dit, un an avant le début du processus, un grand nombre d'organisations non gouvernementales, d'organismes bénévoles et d'associations de jeunes ont été invités à faire part de leurs desiderata et de leurs observations. Dans le même temps, une lettre a été envoyée à différentes administrations régionales et collectivités locales. Malheureusement, il n'y a eu aucune réaction et un rappel adressé à toutes ces instances à la fin du mois d'août 1993 est resté sans réponse. Le projet de rapport a alors été établi puis soumis à l'examen des services et des organismes intéressés qui ont eu plusieurs semaines pour présenter leurs observations. Le délai a malheureusement expiré sans qu'il y ait eu de réaction de leur part. Le contenu du rapport a été en outre examiné avec le Comité central consultatif de la jeunesse, organisme qui regroupe de nombreuses associations de jeunes mais l'opération n'a donné aucun résultat. Il semble que si la plupart des instances sollicitées n'ont pas participé à l'élaboration du rapport, c'est parce qu'elles n'avaient pas encore arrêté leur position sur les questions qui y sont abordées.

41. Les autorités compétentes ont examiné la Convention article par article pour déterminer quelles dispositions devaient être incorporées aux lois nationales et ont conclu que la plupart des principes de cet instrument figuraient déjà dans la législation allemande qui, dans certains cas, allait même plus loin que le texte de la Convention. En revanche, certaines dispositions n'ont pas fait l'unanimité; c'est dans ce contexte que s'inscrivent les déclarations formulées par le Gouvernement allemand au moment de la ratification. A propos des déclarations assimilées par un membre du Comité à des réserves, le représentant de l'Etat partie tient à souligner qu'elles sont constamment gardées à l'étude par les autorités compétentes qui continuent de développer la législation dans le domaine de la famille et de l'enfance. Des réformes sont ainsi envisagées dans les domaines de la justice pour mineurs et des lois relatives aux étrangers et à la citoyenneté, où des modifications devraient être opérées d'ici la fin de la session parlementaire en cours.

42. A propos de la diffusion du texte de la Convention en Allemagne, M. Wabnitz signale que l'instrument est déjà paru dans les publications régulières du Parlement et au Journal officiel. Les membres du Comité ont reçu des exemplaires de brochures d'information destinées aux enfants et aux adultes. Il est aussi envisagé de produire un dépliant en collaboration avec l'UNICEF. En outre, des contacts ont été pris avec les gouvernements des Länder pour qu'ils assurent la diffusion au niveau local du texte de la Convention et d'autres documents d'information connexes.

43. M. WABNITZ (Allemagne) ajoute, au sujet de la diffusion de la Convention, qu'un congrès tenu en Allemagne le 31 octobre 1995 a réuni 70 représentants de la presse afin de réfléchir aux moyens de diffuser l'esprit et la lettre de la Convention. Si la Convention est de plus en plus connue dans le pays, les enfants se plaignent encore qu'on ne les écoute pas assez. Il y a donc lieu de faire encore plus pour pallier ces insuffisances.

44. A propos du suivi de l'application de la Convention et de la coordination des efforts déployés dans ce sens à l'échelle fédérale et des Länder, M. Wabnitz rappelle qu'il revient au premier chef aux Länder de faire appliquer la législation et de gérer les ressources publiques. L'Allemagne est une fédération de Länder puissants et n'a guère que cent ans d'âge. Il n'empêche que la coopération est étroite entre le pouvoir fédéral et les Länder. Si les mesures visant la jeunesse et l'enfance en particulier peuvent varier d'un Land à un autre, elles vont en général dans le même sens. Les directeurs des ministères des différents Länder se réunissent régulièrement, en particulier ceux chargés des questions relatives à la jeunesse et à la culture, afin d'harmoniser les mesures qu'ils sont chargés de mettre en oeuvre. En matière d'éducation, il importe que l'esprit de la Convention soit mieux pris en compte et les personnes ayant des responsabilités à cet égard (enseignants et éducateurs sociaux entre autres) reçoivent une formation appropriée. Dans le cadre de l'école, les enfants ont la possibilité de s'exprimer sur les mesures qui les concernent.

45. La formation des travailleurs sociaux tient particulièrement compte aujourd'hui des besoins et de l'opinion des enfants; de même, les forces de police chargées du maintien de l'ordre mais aussi de la protection des enfants se soucient davantage du bien-être et des droits de ces derniers.

46. Les crèches et jardins d'enfants sont en plus grand nombre, bien que de moins bonne qualité, dans les Länder de l'Est mais il reste beaucoup à faire dans la partie occidentale du pays. Toutefois, de nombreux jardins d'enfants et crèches y ont été créés ces dernières années, ce qui a permis d'accueillir 200 000 enfants de plus et, compte tenu des faibles taux de natalité actuels, il y a tout lieu de croire que d'ici à 1999 tous les enfants de plus de trois ans bénéficieront d'une scolarité préélémentaire.

47. En ce qui concerne les relations entre parents et enfants, les textes législatifs qui les régissent remontent à un siècle environ. Ainsi, le Code civil a été promulgué en 1896. Depuis la ratification de la Convention, on a révisé de nombreux instruments relatifs aux enfants, et l'harmonisation juridique de l'Allemagne a été menée à bonne fin. Un projet de loi devrait être promulgué à la fin de l'année, qui prévoit les mêmes droits pour tous les enfants, quelle que soit la nature de leur filiation et quel que soit l'état civil de leurs parents. En sa qualité de directeur général du Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, M. Wabnitz a, dès sa prise de fonctions, encouragé les initiatives en faveur des enfants et un programme en faveur de l'enfance a été lancé. Dans les nouveaux Länder de l'Est, priorité a été donnée à la mise en place de nouvelles infrastructures en faveur des enfants et d'énormes progrès ont été accomplis au cours des quatre dernières années.

48. Depuis la ratification de la Convention, le Gouvernement allemand a introduit dans la législation nationale des réformes fidèles à l'esprit de la Convention, notamment en ce qui concerne le régime de la garde des enfants nés hors mariage ou dont les parents sont divorcés ou vivent séparément de façon permanente tout en étant mariés. Si la législation a été révisée pour tenir compte de la ratification de la Convention, des lacunes subsistent dans son application. Dans tous les domaines donc, il reste encore beaucoup à faire pour mettre les services fournis dans les Länder de l'Est au niveau de ceux qui sont assurés dans les Länder de l'Ouest mais, les systèmes précédents étant considérablement différents, il est évident que cette tâche ne se fera pas en un jour; mais l'Allemagne est assurément sur la bonne voie.

49. M. HABERLAND (Allemagne) apporte des éclaircissements sur la question de la réunification des familles et de l'octroi de la nationalité allemande aux enfants étrangers. Une nouvelle loi relative aux étrangers a été promulguée le 1er janvier 1991 et accorde, pour la première fois, des droits réels aux étrangers. Jadis les autorités avaient un certain pouvoir discrétionnaire, qui a disparu avec la nouvelle loi; celle-ci prévoit en effet des critères et conditions qu'il suffit de remplir pour exercer certains droits. C'est ainsi que les enfants étrangers de moins de 16 ans - et dans certains cas de moins de 18 ans - ressortissants d'un pays extérieur à l'Union européenne ont le droit de rejoindre leur famille installée en Allemagne, de façon à apprendre la langue allemande, suivre une scolarité, recevoir une formation professionnelle et s'intégrer avec plus de chances de succès en Allemagne. Les enfants de demandeurs d'asile bénéficient de mesures spécifiques. Les autorités cherchent ainsi à maintenir la cohésion des familles étrangères, turques dans la plupart des cas.

50. La loi de 1913 sur la naturalisation a été révisée. Désormais, les jeunes nés en Allemagne et les adultes qui y résident depuis plus de 15 ans peuvent acquérir la nationalité. Le montant des taxes qu'ils doivent acquitter pour engager la procédure de naturalisation a été ramené à 100 marks, alors qu'il représentait auparavant les trois quarts du salaire mensuel. La naturalisation a été rendue plus aisée et n'est plus octroyée de manière discrétionnaire. Par ailleurs, il a été envisagé de donner provisoirement aux enfants de 12 ans qui résident en Allemagne la nationalité allemande, qu'ils pourraient obtenir définitivement à l'âge de 19 ans, à condition de renoncer à leur nationalité antérieure; cette proposition n'a pas recueilli l'unanimité et il est probable que l'on s'orientera vers une autre solution.

51. La PRESIDENTE encourage le Gouvernement allemand à poursuivre la réforme de sa législation nationale afin de l'aligner complètement sur la Convention. Elle salue les efforts déployés par le Gouvernement allemand pour diffuser la Convention qui devrait à son avis être également enseignée à l'école. Au sujet du suivi de l'application de la Convention, elle prend bonne note des activités menées dans ce domaine par les autorités fédérales et appelle de ses voeux un renforcement de la coordination des activités des autorités fédérales, des Länder et des municipalités.

52. Mme SARDENBERG se félicite de l'esprit d'ouverture d'esprit que manifeste la délégation. Elle s'étonne de ce que les autorités gouvernementales n'aient reçu aucune réponse des organisations non gouvernementales malgré leur insistance. Elle suppose que ces organisations n'ont pas été assez sensibilisées à l'importance de la Convention ou qu'elles ne sont pas habituées à être écoutées. Des efforts supplémentaires de la part du gouvernement sont donc nécessaires. Il serait utile de savoir s'il est envisagé de mettre en place un mécanisme permanent à l'échelle nationale pour mettre en oeuvre un partenariat réel entre autorités et société civile.

53. Mme BADRAN remercie la délégation des informations qu'elle a apportées. Elle souhaiterait savoir si les femmes sont nombreuses au sein des ministères qui s'occupent des questions relatives à la famille, à la jeunesse et à l'enfance, tant leur point de vue de mères est utile pour la mise en oeuvre des mesures efficaces.

54. Mme SANTOS PAIS encourage le Gouvernement allemand, par l'intermédiaire de la délégation, à retirer la réserve et les déclarations émises à l'égard de la Convention. Par ailleurs, elle estime que les droits des enfants ne sont pas encore suffisamment perçus dans la société. Il serait bon de connaître les mesures prises pour permettre à un enfant de faire valoir ses droits lorsqu'ils ont été bafoués. De plus, elle rappelle que conformément à l'article 42 de la Convention les Etats parties s'engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants. La délégation a mentionné divers séminaires et conférences organisés pour sensibiliser la population aux droits des enfants. S'agit-il là d'une politique systématique ? De même, la Convention devrait faire l'objet d'un enseignement à l'école et être largement diffusée parmi les personnes qui s'occupent des enfants. Le système fédéral en vertu duquel des pouvoirs importants sont donnés aux Länder en matière d'application de la loi rend d'autant plus importants l'instauration de politiques à l'échelle nationale en faveur des enfants et le contrôle de leur application. Mme Santos País souhaiterait connaître les modalités d'évaluation des politiques nationales et demande s'il existe des disparités dans leur application.

55. En ce qui concerne le budget consacré à la promotion et à la protection des droits de l'enfant, Mme Santos País souhaite savoir s'il existe des mécanismes conçus pour garantir l'équité entre les différents Länder ou à l'intérieur de chacun. Pour ce qui est de la coopération et de l'assistance internationales, Mme Santos País se félicite de l'importante contribution de l'Allemagne au Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) de l'OIT et souhaite savoir quelle place les programmes de coopération mis en oeuvre par l'Allemagne dans les pays en développement font à la protection de l'enfant, se demandant par exemple si un effort est fait pour les mettre à l'abri des conséquences des mesures d'ajustement structurel.

56. Par ailleurs, le Comité est extrêmement préoccupé par l'utilisation des mines antipersonnel dans le monde entier et par les conséquences que ces engins peuvent avoir sur la vie quotidienne des enfants. Or nul n'ignore que l'Allemagne exporte des armes. C'est pourquoi il importe de savoir si les autorités allemandes envisagent d'adopter une politique visant à réduire la coopération internationale dans le domaine militaire et d'interdire le commerce et l'exportation de mines antipersonnel.

57. M. MOMBESHORA souhaite savoir s'il existe, dans le système juridique allemand, une disposition obligeant les Länder et les autorités locales à prendre les mesures législatives nécessaires pour se conformer à un éventuel changement de la législation fédérale. Un tel mécanisme est en effet indispensable pour garantir l'application de la Convention à tous les niveaux. Il faut bien voir en effet que c'est à l'échelon local que les incidences de la mise en oeuvre de la Convention sont le plus sensibles.

58. M. HAMMARBERG dit que le Comité espère toujours que les gouvernements ne voient pas dans la Convention un ensemble de dispositions minimales et ne considèrent pas qu'il suffit, pour les respecter, de modifier la législation. La longue intervention de la délégation montre d'ailleurs que c'est dans cet esprit dynamique que le gouvernement perçoit la Convention, alors que le rapport et les réponses écrites ne donnent pas l'impression qu'il existe une stratégie ou une approche active. Tel est le cas, par exemple, de la diffusion de la Convention, de la formation ou de la notion d'intérêt supérieur de l'enfant, où il y a toujours matière à amélioration.

59. Etant donné l'importance cruciale des mécanismes de surveillance pour l'application de tout instrument, M. Hammarberg demande à nouveau des précisions sur les attributions et les pouvoirs réels de la commission du Bundestag chargée de l'enfance et - au niveau du Land et des municipalités - du commissaire à l'enfance.

60. On ne peut que se féliciter de certains éléments de la politique internationale de l'Allemagne en faveur de l'enfance, comme la contribution à l'IPEC, le rôle majeur du Comité allemand pour l'UNICEF et l'accueil des réfugiés sans comparaison en Europe. Toutefois en ce qui concerne l'aide internationale, l'Allemagne honore environ la moitié des engagements correspondants à l'objectif de 0,7 % du PNB. Si un pays comme l'Allemagne ne se sent pas en mesure de faire mieux, comment pourra-t-on atteindre un jour cet objectif ? Est-il prévu d'augmenter progressivement l'aide publique au développement ? Enfin, M. Hammarberg souhaite savoir si des études ont été réalisées pour évaluer l'incidence des programmes de coopération internationale mis en oeuvre par l'Allemagne sur le sort des enfants.

61. M. KOLOSOV relève que l'idée que les enfants jouissent des mêmes droits et libertés que les autres citoyens allemands apparaît souvent dans le rapport de l'Allemagne. Les autres instruments internationaux sont également souvent cités et il est souvent dit que les dispositions de ces instruments internationaux s'appliquent à tous, enfants compris, et qu'il n'est dès lors pas nécessaire d'évoquer tel ou tel droit de l'enfant de manière spécifique. Cependant, ce n'est pas un hasard si les auteurs de la Convention ont consacré des droits déjà évoqués dans d'autres instruments : ils ont estimé qu'il était indispensable de réaffirmer ces droits à l'intention spécifique des enfants. Les juristes ou les experts internationaux savent bien que les droits qui s'appliquent à tous les citoyens s'appliquent également aux enfants, mais il n'en va pas de même pour le grand public et, bien souvent, les parents, les enseignants ou les autres personnels concernés, de même que les enfants eux-mêmes, ignorent qu'un enfant est un sujet de droit même s'il n'a qu'une capacité juridique limitée. A cet égard, la législation allemande est très stricte et de nombreuses transactions ne peuvent être effectuées par des enfants qu'avec le consentement des personnes qui en sont responsables.

62. En ce qui concerne la diffusion de la Convention parmi les enfants et les jeunes, il ne faut pas seulement modifier les programmes de cours pour y incorporer un enseignement sur la Convention mais il faut également éditer des manuels traitant de manière spécifique de la Convention. Ceux-ci devraient se présenter sous des formes différentes en fonction de l'âge des enfants auxquels ils sont destinés.

63. Mme KARP croit comprendre qu'il existe certaines différences entre les Länder, non seulement en ce qui concerne le niveau de vie de la population mais également dans des domaines tels que la politique d'aide aux familles ou le droit à la liberté de religion, par exemple. C'est pourquoi, il serait utile de savoir s'il existe des mécanismes visant à l'harmonisation des législations des différents Länder, afin d'éliminer les discriminations dont pourraient souffrir les enfants de telle ou telle région. Mme Karp se demande en effet s'il n'y a pas, dans les mécanismes régissant les rapports entre l'Etat fédéral et les Länder, des obstacles qui ôtent toute autorité à l'Etat fédéral pour harmoniser les législations et donc garantir la mise en oeuvre de la Convention à tous les niveaux.

64. Il serait intéressant de savoir si les tribunaux ont déjà eu l'occasion de prendre la Convention en compte dans l'une ou l'autre de leurs décisions. Enfin, Mme Karp demande quels problèmes concrets ont pu faire obstacle aux réformes législatives visant à permettre la mise en oeuvre de la Convention.

65. Mme EUFEMIO fait remarquer que le type d'information, comme celle qui figure au paragraphe 143 du rapport, selon laquelle "95 % des jeunes en Allemagne de l'Ouest et 83 % de ceux qui vivent en Allemagne de l'Est sont satisfaits de leur existence", pourrait occulter la situation de la minorité qui, elle, n'est pas satisfaite. C'est pourquoi, Mme Eufemio souhaite savoir s'il existe un système de collecte de données destiné à s'assurer que les problèmes qu'éprouvent les enfants n'appartenant pas à la majorité sont également pris en considération.

66. Mlle MASON souhaite savoir si des études ont été entreprises pour connaître la proportion de la population allemande qui connaît l'existence et la teneur de la Convention et pour déterminer les sujets de préoccupation de la population à cet égard. Une telle étude permettrait aux autorités de définir plus aisément les politiques et les stratégies en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'enfant.

67. M. WABNITZ (Allemagne) répond qu'à ce jour aucune étude n'a été entreprise pour déterminer la proportion de la population qui a connaissance de la Convention. En revanche, de nombreuses études ont démontré que la majorité de la jeunesse allemande était satisfaite de son sort. Les autorités allemandes se préoccupent des jeunes en situation difficile et l'accent est mis, dans de nombreuses mesures, sur les enfants appartenant à des groupes défavorisés. En outre, un réseau social très actif permet aux jeunes d'obtenir toute l'aide et les conseils dont ils ont besoin dans divers domaines. Pour les autorités allemandes, le partenariat avec les ONG constitue une priorité. Le système d'aide à la jeunesse et à l'enfance est fondé sur le principe de la subsidiarité. En effet, les organisations privées sont les premières à agir et l'Etat n'intervient qu'en dernier ressort. Depuis 1994, les autorités allemandes ont des contacts réguliers avec la Coalition pour les droits de l'enfant composée d'organisations non gouvernementales.

68. C'est le Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse qui est chargé de la politique à mettre en oeuvre pour promouvoir l'égalité entre les sexes. A cet égard, l'alinéa 2 de l'article 3 de la Constitution a récemment été modifié et dans chaque organisme public la parité doit désormais être réalisée. Cela dit, ce principe n'est pas toujours facile à appliquer car il faut avoir des candidates en nombre suffisant pour pourvoir les postes en respectant le principe de la parité hommes/femmes. S'agissant des changements provoqués dans la législation allemande par la ratification de la Convention, il convient de rappeler la loi relative aux services destinés à l'enfant, le Plan fédéral pour l'enfance et la jeunesse, et la réforme concernant la filiation, par exemple. Toutefois, les autorités allemandes estiment que de nombreux points abordés par la Convention ne nécessitent pas un changement de loi puisque les dispositions relatives à l'enseignement, à la liberté religieuse ou à la liberté d'association, par exemple, sont déjà conformes aux dispositions de la Convention.

69. Dans le domaine de la coopération internationale, le Ministère du travail déploie des efforts pour obtenir une limitation du travail des enfants dans certains pays. On a envisagé, à cet égard, de prendre des mesures visant à cesser d'importer des produits qui auraient été fabriqués par des enfants. En outre le Code pénal a été révisé de façon à rendre les touristes allemands qui ont des relations sexuelles avec des enfants prostitués dans un pays étranger passibles d'une peine.

70. On peut effectivement regretter que l'aide publique au développement ne représente que la moitié de l'objectif de 0,7 % du PNB, mais les autorités allemandes ont la ferme intention d'arriver progressivement à cet objectif. A l'heure actuelle, la priorité des programmes d'aide au développement mis en oeuvre par l'Allemagne va à la stabilisation des jeunes démocraties d'Europe centrale et orientale. Dans le cadre de ces programmes, les droits de l'enfant sont dûment pris en considération.

71. En ce qui concerne les rapports entre l'Etat fédéral et les Länder, il convient de souligner que le Bundesrat, qui représente les 16 Länder au niveau fédéral, déploie des efforts considérables pour développer une coopération entre les différents échelons du pouvoir. En outre, toutes les lois proposées par les Länder doivent être examinées par le Bundesrat et certaines, dont les lois concernant les enfants et les jeunes, nécessitent même son approbation.

72. Enfin, M. Wabnitz est d'avis que, pour se conformer à la Convention, les Etats parties doivent incorporer les dispositions de la Convention dans leurs lois et que les tribunaux doivent statuer en fonction de ces lois et non de la Convention. La délégation allemande n'est pas en mesure de fournir des exemples de décisions judiciaires fondées, même indirectement, sur la Convention, mais elle estime qu'il ne s'agit que d'une question de temps et que la Convention ne manquera pas d'être de plus en plus invoquée devant les tribunaux.

La séance est levée à 13 heures.

©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland