Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.245
13 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 245ème séance : Germany. 13/11/95.
CRC/C/SR.245. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Dixième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 245ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 7 novembre 1995, à 10 heures
Présidente : Mme Belembaogo

SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour)
(suite)

Rapport initial de l'Allemagne (suite) (CRC/C/11/Add.5; CRC/C/10/WP.5)

1. La PRESIDENTE invite la délégation allemande à répondre aux questions posées par les membres du Comité à la séance précédente.

2. M. WABNITZ (Allemagne), souligne tout d'abord que la Convention relative aux droits de l'enfant constitue un moyen très efficace de sensibiliser la population allemande à l'intérêt supérieur de l'enfant, même si ces dispositions ne sont pas toutes incorporées au droit interne.

3. Evoquant la dimension européenne de la protection des enfants contre l'influence néfaste des médias et des publications préjudiciables aux jeunes, le représentant de l'Etat partie appelle l'attention sur trois instruments. Il y a d'abord une recommandation du Conseil de l'Europe aux Etats membres en vertu de laquelle ces derniers sont tenus d'augmenter les taxes perçues sur certains matériels jugés préjudiciables à l'enfant. Il y a ensuite les directives sur le contrôle transfrontière des médias. Cet instrument, qui a déjà été ratifié par l'Etat fédéral, doit encore être approuvé par les gouvernements des Länder. Il y a enfin les directives de l'Union européenne relatives à la télévision qui imposent aux Etats membres des obligations précises et chargent les tribunaux de veiller à leur respect. Cet instrument vise, entre autres, à réglementer d'une manière plus stricte la diffusion d'émissions pornographiques, à limiter la durée des pages publicitaires et à en contrôler le contenu. Les réclames sur le tabac et l'alcool sont ainsi interdites.

4. Répondant à la question de savoir s'il convient d'obliger les membres de certaines professions, tels que les médecins et les enseignants, à informer les autorités compétentes en cas de sévices infligés à un enfant au sein de sa famille, M. Wabnitz signale que toute personne qui s'abstient de dénoncer des actes de violences graves est passible, en vertu du code pénal, de poursuites pour non-assistance à personne en danger. A cet égard, l'Ordre des médecins a établi des directives indiquant les cas où les membres de la profession doivent garder le secret et ceux où ils doivent aviser les autorités. La dénonciation automatique des sévices peut avoir parfois des conséquences fâcheuses; en effet si chaque cas était porté immédiatement à la connaissance des autorités et faisait l'objet d'une enquête policière, l'intervention des services sociaux, dont la discrétion permet souvent d'obtenir de meilleurs résultats, ne serait plus possible.

5. En ce qui concerne les procédures d'adoption, du point de vue juridique l'adoption peut se faire d'une manière anonyme, déclarée ou semi-déclarée. A cet égard, la Cour constitutionnelle fédérale a statué en 1994 qu'un enfant majeur avait le droit absolu de connaître l'identité de ses parents naturels.
La délégation allemande ne dispose pas de statistiques sur la question, mais tout porte à croire que les adoptions anonymes sont les plus fréquentes, encore qu'il y ait actuellement une tendance à rendre la procédure plus ouverte.

6. Dans le domaine de la lutte contre la pornographie, le législateur a apporté des améliorations aux lois en vigueur en sorte que depuis 1993 est réprimée non seulement la production de matériels pornographiques mais aussi son utilisation. La police et les services judiciaires sont dotés de tous les moyens nécessaires pour protéger les enfants contre ce type d'exploitation. Au niveau fédéral, la lutte contre la propagation de matériels pornographiques et certaines représentations de la violence préjudiciables aux jeunes est confiée à des bureaux spéciaux.

7. En réponse à un membre du Comité qui a demandé des précisions sur les programmes en faveur de l'enfance à l'échelle de l'Europe, M. Wabnitz appelle l'attention du Comité sur un grand projet européen concernant les politiques relatives à l'enfant qu'exécute le Conseil de l'Europe depuis quatre ans. Ce projet comporte plusieurs volets, notamment la participation de l'enfant au sein de la famille et de la société, les politiques relatives à la famille, la protection des intérêts de l'enfant et la prise en charge des enfants séparés de leur famille. Pour couronner ce projet, une grande réunion aura lieu à Leipzig en Allemagne. Les autorités allemandes envisagent d'organiser à cette occasion deux ateliers, consacrés l'un à la violence dont sont victimes les enfants et l'autre à l'influence néfaste des médias sur les jeunes. Ce projet sera l'occasion d'intenses échanges entre l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest, et des enfants de toutes les régions du continent seront invités à exprimer leur point de vue.

8. A propos de la position de l'Allemagne qui considère que la participation d'enfants âgés de 15 ans à des opérations militaires est incompatible avec le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, M. Wabnitz précise que même si certains jeunes peuvent dès l'âge de 17 ans s'engager dans l'armée en tant que soldat de carrière ou recrue, il est interdit de les faire participer à des opérations militaires.

9. Pour ce qui est des mines terrestres, l'Allemagne appuie sans réserve les propositions visant à interdire complètement leur fabrication et leur exportation. Elle considère inacceptable le recours à de telles armes, dont les principales victimes sont des civils innocents et, notamment, des enfants.

10. La PRESIDENTE remercie la délégation de ses réponses et, rappelant que l'Etat partie a déjà répondu par écrit aux questions relatives aux sections intitulées "Santé et protection de base" et "Education, loisirs et activités culturelles" de la Liste des points (CRC/C/10/WP.5), demande aux membres s'ils souhaitent obtenir des précisions sur des points particuliers. Ces questions sont libellées ainsi :

"Santé et protection de base
(Articles 6 (par. 2), 23, 24, 26 et 18 (par. 3),
27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Education, loisirs et activités culturelles
(Articles 28, 29 et 31 de la Convention)

11. Mme EUFEMIO, constatant que, souvent, les tentatives d'adoption sont un échec à cause de l'attitude hostile des autres enfants dans la famille adoptive, demande dans quelle mesure les futurs frères et soeurs sont consultés. Se référant au cas d'une femme qui est entrée en Allemagne en tant que touriste et qui y a accouché d'un enfant qu'elle a abandonné, Mme Eufemio demande ce que peuvent faire les autorités pour prévenir de tels actes ?

12. M. MOMBESHORA dit que l'Allemagne étant une grande puissance industrielle, d'énormes quantités de gaz toxique sont émises dans le pays chaque année, notamment des agents tels que les hydrofluorocarbures qui sont à l'origine de l'appauvrissement de la couche d'ozone, lui-même cause de nombreuses maladies de la peau et de l'oeil. L'Etat partie admet d'ailleurs dans ses réponses que le nombre de cas d'allergies diagnostiqués, en particulier chez l'enfant, a augmenté. Il serait donc utile à ce propos d'avoir de plus amples renseignements sur les lois antipollution en vigueur en Allemagne et les dispositifs mis en place pour mesurer la pollution de l'air.

13. Il ressort des nombreuses informations relatives à la santé fournies par l'Etat partie que les demandeurs d'asile et leurs enfants ne reçoivent généralement aucun traitement médical - sauf dans les cas graves - et qu'aucun équipement spécial n'est mis à la disposition des personnes handicapées appartenant à ce groupe. Qu'en est-il exactement ? De même des précisions sur les programmes d'éducation, de formation et de réadaptation sociale en faveur des personnes handicapées seraient bienvenues.

14. Mme BADRAN, rappelant qu'il est indiqué dans le rapport que chaque enfant bénéficie des prestations de l'assurance maladie, se demande si cette remarque s'applique aussi aux enfants dont les parents ne sont pas couverts par la sécurité sociale. Elle voudrait en outre savoir quelle est l'attitude générale de la population à l'égard des enfants infectés par le VIH qui vont à l'école ? Les autorités font-elles un effort pour sensibiliser la société au problème et éviter ainsi que ces enfants soient victimes de discrimination ?

15. Sachant que les symptômes psychosomatiques constatés chez de nombreux enfants à l'école sont souvent la conséquence de difficultés familiales, Mme Badran demande s'il existe des services d'assistance et d'orientation pour aider ces enfants.

16. Compte tenu de la politique de l'Etat partie consistant à ne pas scolariser les enfants étrangers dans leur langue maternelle mais à mettre l'accent sur l'allemand pour accélérer leur intégration dans la société allemande, Mme Badran voudrait savoir si des dispositions ont été prises pour apporter aux enfants dont l'allemand n'est pas la langue maternelle le soutien scolaire dont ils ont besoin. Tout en mettant l'accent sur l'importance des loisirs et des activités culturelles et sur la nécessité d'y faire participer l'enfant dès le plus jeune âge, l'Etat partie considère que c'est là un domaine qui relève de la responsabilité exclusive de la famille. Il se pose donc la question de savoir comment faire en sorte que les enfants des familles pauvres dont les parents accordent souvent peu d'importance à ces activités y aient accès.

17. Mme SANTOS PAIS, tout en saluant la position extrêmement positive du Gouvernement allemand au sujet de la fabrication et du commerce des mines terrestres et le fait qu'il considère que la participation d'enfants de 15 ans aux opérations militaires est incompatible avec l'intérêt supérieur de l'enfant, exprime l'espoir que la formation dispensée aux jeunes qui s'engagent volontairement dans l'armée ne sera pas axée uniquement sur les questions militaires mais englobera aussi les principes humanitaires et les normes relatives aux droits de l'homme.

18. Mme Santos País voudrait savoir si le droit à la sécurité sociale est garanti même aux enfants dont les parents ne sont pas assurés sociaux et quelles sont les mesures prises par l'Etat pour assurer un niveau de vie décent à tous les enfants, notamment à ceux dont les parents sont au chômage. Elle appelle à ce propos l'attention sur les grandes disparités qui existent entre les Länder de l'Est et ceux de l'Ouest. Selon une enquête récente, un enfant sur cinq souffre de la pauvreté dans l'est du pays contre un enfant sur huit dans l'ouest. Quelles sont les dispositions qui ont été prises pour assurer une protection spéciale aux enfants qui sont dans cette situation ?

19. Mme KARP, abordant la question des sévices dont sont victimes les enfants au sein de leur famille, demande si les services compétents prennent toutes les mesures nécessaires pour éviter que le témoignage devant un tribunal ne soit pour eux une expérience traumatisante.

20. M. HAMMARBERG note que le respect du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant exige que les adultes évaluent les effets probables pour l'enfant de toute décision engageant son avenir. Les enfants, qui sont en pleine croissance, souffrent, par exemple, plus de la pollution que les adultes. Dans ce cas la protection de leur intérêt supérieur appelle une étude approfondie pour déterminer dans quelle mesure les substances polluantes nuisent à leur santé. Une telle étude pourrait révéler qu'en termes humains, les coûts de la pollution sont tels qu'aucun investissement dans la protection de l'environnement n'est trop onéreux.

21. Dans certains pays, la situation de l'enfant est de plus en plus envisagée dans une optique globale. Partout dans le monde industrialisé, il y a une tendance à aborder les problèmes sous l'angle de la pauvreté de l'enfant. Il s'agit d'un concept complexe qui va au-delà de la simple notion de pauvreté matérielle pour englober les aspects culturels et émotionnels. M. Hammarberg suggère à l'Etat partie de procéder à une analyse globale du phénomène que constitue la pauvreté de l'enfant afin d'éviter la démarche fragmentaire qui est actuellement de mise.

22. Mme SARDENBERG, notant qu'il est indiqué dans les réponses écrites de l'Etat partie qu'une étude épidémiologique menée sur la base de données recueillies en 1980 n'a pas permis d'établir une relation claire entre différents types de pollution et les cas de cancer diagnostiqués dans le pays, elle demande s'il existe des données plus récentes que celles de 1980 et dans quelle mesure les décisions relatives à la santé des enfants sont fondées sur les résultats de la recherche.

23. Etant donné qu'il ressort des réponses de la délégation allemande et des données disponibles sur la question de l'éducation que les enfants venant de milieux défavorisés accèdent rarement à l'université ou aux établissements d'enseignement scientifique et technique, Mme Sardenberg demande si des études ont été réalisées sur la question et s'il existe des programmes concrets visant à démocratiser l'enseignement.

24. S'il y a lieu de se féliciter de l'interdiction des châtiments corporels à l'école, certaines mesures disciplinaires, telles que l'expulsion des élèves de l'école, demeurent, qui sont préoccupantes. Comme ceux qui font l'objet d'une telle mesure sont souvent des enfants qui ont des problèmes familiaux, la solution est-elle de les renvoyer de l'école ? Enfin, Mme Sarbenderg s'étonne de lire au paragraphe 81 du rapport, que la situation des enfants d'âge scolaire peut être assimilée à celle des personnes qui occupent un emploi. Tout en comprenant les intentions des auteurs du rapport, elle regrette cette assimilation, qui donne l'impression que l'enfant n'est pas considéré comme un être à part entière.

25. M. WABNITZ (Allemagne) indique qu'en cas d'adoption, le consentement de l'enfant est nécessaire lorsqu'il est âgé de plus de 14 ans. Pour les enfants qui n'ont pas encore atteint cet âge, la loi exige le consentement de leur représentant légal. En outre, depuis que les lois relatives aux parents et aux enfants ont été modifiées, le consentement du père de l'enfant conçu en dehors du mariage et du conjoint du parent adoptif sont également nécessaires. Quant au consentement des enfants des parents adoptifs, il n'est pas exigé par la loi, mais comme, dans toute procédure d'adoption, l'intérêt supérieur des enfants est la considération primordiale, l'avis des futurs frères et soeurs est généralement pris en compte.

26. En ce qui concerne la pollution, M. Wabnitz estime, comme il est indiqué dans le rapport, que le lien entre la pollution de l'environnement et certaines des maladies constatées chez les enfants n'apparaît pas toujours clairement. En revanche, lorsque ce lien est vraisemblable, les politiques en matière de santé doivent en tenir compte. Ainsi, la recrudescence de certains types d'allergie pourrait être liée à la pollution du sol, de l'air ou de l'eau. Il s'agit là d'un problème mondial, qu'il s'agisse du trou dans la couche d'ozone, du dépérissement des forêts ou de la pollution industrielle. Aussi l'Allemagne a-t-elle pris des initiatives tendant à instaurer des normes plus strictes que dans les autres pays de l'Union européenne.

27. Depuis les années 80, les autorités fédérales et les autorités des Länder se soucient tout particulièrement de la prévention du SIDA et du traitement des séropositifs. Des services de consultation ont été mis en place, les tests de dépistage sont gratuits et les malades peuvent bénéficier d'un traitement, à l'intérieur ou en dehors des établissements de santé. Le Ministère de la santé et les autorités sanitaires ont tout mis en oeuvre pour informer la population sur le SIDA, qui menace aussi bien les hétérosexuels que les homosexuels. L'utilisation du préservatif est d'ailleurs en progression. De plus, la question du SIDA est abordée à l'école et divers programmes d'information s'adressent aux jeunes. Les autorités doivent donc persévérer dans cette voie. Des mesures et des programmes de prévention, des services de consultation et des programmes de rééducation et de réadaptation ont été mis au point à l'intention des handicapés mentaux ou physiques. Cette politique d'aide commence dès le jardin d'enfants et vise à réunir dans les mêmes écoles les enfants handicapés et les autres enfants. En Allemagne, le système national d'assurance maladie et d'assurance sociale, qui existe de longue date, est financé par les cotisations des assurés. Depuis 1994, un nouveau système d'assurance permet aux personnes du troisième âge de recevoir des soins à domicile. Les enfants sont couverts par l'assurance de leurs parents et le restent lorsqu'ils suivent des stages professionnels et tant qu'ils sont à la charge de leurs parents. Les étudiants et les conscrits sont assurés selon des régimes spécifiques. Les familles dans le besoin qui ne peuvent pas acquitter leurs cotisations sociales reçoivent une aide couvrant les soins curatifs et préventifs et les prestations de maternité. Par ailleurs, les chômeurs bénéficient d'une assurance chômage.

28. En ce qui concerne les troubles psychosomatiques constatés de plus en plus souvent chez les écoliers, M. Wabnitz reconnaît que le système scolaire, dont les programmes d'enseignement sont au demeurant très satisfaisants, est d'une exigence telle que les élèves et les parents sont nombreux à redouter l'échec scolaire. Il est vrai que, de plus en plus, de bons résultats scolaires et universitaires sont un gage de réussite professionnelle dans une société où la concurrence est de plus en plus forte. On notera d'ailleurs que le nombre d'enfants qui font des études supérieures est beaucoup plus élevé que naguère; dans les années 70, 10 % de jeunes suivaient un enseignement supérieur. Aujourd'hui, selon les Länder, de 20 à 40 % d'entre eux finissent leurs études secondaires et le niveau d'instruction des enfants de milieu ouvrier ne cesse de s'élever. Des psychologues scolaires viennent en aide aux enfants qui présentent des troubles psychosomatiques. En Allemagne, l'anglais et le français sont les langues étrangères les plus enseignées, dans une proportion qui varie selon les Länder. Les crèches et les jardins d'enfants existent en nombre suffisant dans les nouveaux Länder, même si leur qualité n'est pas toujours satisfaisante; en revanche les places manquent dans les anciens Länder, surtout dans ceux du Nord et du Nord-Ouest. Il faut donc poursuivre sans relâche l'action qui a été engagée depuis la réunification. D'ici trois ans, la chute de la démographie devrait résorber ce problème et tous les enfants pourront alors être accueillis dans des institutions préélémentaires. Contrairement à l'impression retirée par certains membres, les autorités considèrent les enfants comme des personnes ayant des intérêts et des besoins particuliers qu'il faut aider à devenir des citoyens à part entière. Elles mettent tout en oeuvre pour permettre aux enfants, y compris aux enfants handicapés ou issus de milieux défavorisés, d'accéder à la culture et aux loisirs. Diverses associations de jeunes, ainsi que le Ministère de la jeunesse, déploient dans ce domaine d'importantes activités.

29. L'instruction des jeunes appelés vise à faire d'eux des citoyens conscients de leurs droits et de leurs devoirs dont la fonction est de protéger les institutions. Il ne s'agit pas de faire des militaires des hommes belliqueux ou de les dresser contre une autre classe sociale, comme c'était le cas dans la République démocratique allemande. L'accent est aussi mis sur l'action humanitaire et la coopération internationale. M. Wabnitz parle en connaissance de cause puisqu'il a été officier de l'armée allemande pendant de nombreuses années.

30. En ce qui concerne la couverture médicale des parents chômeurs, ceux qui ont perdu leur emploi continuent de bénéficier de leur assurance sociale. Ceux qui n'en ont jamais eu sont entièrement pris en charge. M. Wabnitz souligne à ce sujet que la lutte contre le chômage reste le premier souci de l'Allemagne et de l'Union européenne. Le chômage frappe moins les jeunes en Allemagne que dans les autres pays de l'Union européenne, même s'il est plus élevé dans les nouveaux Länder où la situation est plus difficile. Il importe donc que les jeunes puissent suivre un apprentissage pour entrer plus facilement dans la vie active. Les pouvoirs publics déploient des efforts considérables pour permettre à tous les jeunes de suivre des stages professionnels. Avant la réunification et jusqu'en 1994, les autorités réussissaient à mettre sur pied, avec l'aide des entreprises privées, des stages d'apprentissage pour tous les jeunes. Aujourd'hui, il arrive que certains jeunes doivent apprendre un métier qui n'a pas leur préférence et le chômage parmi les jeunes tend à s'accroître. En Allemagne, 3 millions de personnes n'ont pas d'emploi. Il faut donc redoubler d'efforts en matière de formation et de recyclage. Par ailleurs, beaucoup de femmes sans emploi ne s'inscrivent pas au chômage, découragées qu'elles sont de retrouver une place sur le marché du travail. En 1993, 1,29 million de foyers, dont 37 % avec des enfants, ont demandé une aide sociale. La question de la pauvreté préoccupe au plus haut point les autorités. Toutefois, M. Wabnitz estime que l'accroissement du nombre de personnes qui reçoivent une aide sociale ne reflète pas nécessairement un accroissement de la pauvreté, car au cours des années passées les conditions d'accès à l'aide sociale ont beaucoup changé et les étrangers y ont maintenant droit. Il serait donc simpliste d'affirmer que la pauvreté se généralise, même s'il est vrai que les ressources des personnes défavorisées tendent à décroître. Par ailleurs, on considère que le seuil de pauvreté est atteint lorsque le revenu d'une famille est inférieur à la moitié du revenu moyen des ménages du pays. Ces critères appellent plusieurs commentaires. Qu'en est-il d'un pays où l'immense majorité de la population est pauvre ou, a contrario, des pays dont le niveau de vie est très élevé ? Il s'agit donc d'une notion subjective et par conséquent contestable. En Allemagne de l'Ouest, entre 1982 et 1994, 11 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté. Cette proportion est en diminution. Dans les nouveaux Länder de l'Est, la proportion de personnes démunies a baissé de moitié. De fait, il existait dans la République démocratique allemande ce que l'on pourrait appeler une pauvreté collective de la population dont la structure de la consommation ne pouvait être comparée avec celle des Allemands de l'Ouest. Les aides sociales mises en place dans toute l'Allemagne ont amélioré la situation, encore que les revenus dans les Länder de l'Est restent inférieurs à ceux des Länder de l'Ouest. D'après une étude menée par Caritas en 1993, 2 à 3 % de la population restent pauvres à long terme. Toutefois, le risque d'être réduit à la pauvreté augmente, en particulier parmi les étrangers. Le Gouvernement fédéral a donc pris des mesures de grande envergure pour contrecarrer ce phénomène, mais seule une relance économique permettra de lutter efficacement contre le chômage. Il conviendrait par ailleurs de redistribuer le travail pour diminuer le chômage et de diminuer les salaires pour résorber le chômage.

31. Un membre s'est inquiété du sort des enfants renvoyés de l'école; il faut savoir qu'une autre école doit les accueillir, la scolarité étant obligatoire en Allemagne. Par ailleurs, le système scolaire allemand, qui comprend des établissements professionnels ainsi que des établissements d'enseignement général, est conçu de façon à permettre aux enfants qui ont suivi un cursus donné de réorienter leurs études, par exemple de passer leur baccalauréat et d'aller à l'université après avoir suivi un apprentissage. Il s'agit donc d'un système souple qui ne débouche jamais sur une impasse. Il tient tout particulièrement compte des enfants handicapés et défavorisés. Le Comité notera que les enfants d'origine modeste sont de plus en plus nombreux à suivre un enseignement universitaire et qu'ils peuvent bénéficier de bourses.

32. M. HABERLAND (Allemagne) précise que les demandeurs d'asile bénéficient d'une couverture médicale pour les soins de santé indispensables, ce qui comprend le suivi de la grossesse et l'accouchement, ainsi que certains soins dentaires. Le remboursement intégral de tous les soins n'existe pour personne en Allemagne, même pour les assurés sociaux qui cotisent régulièrement. Il est donc compréhensible que la gratuité ne s'applique qu'aux soins essentiels dans le cas des demandeurs d'asile. Toutefois la couverture peut être augmentée dans certains cas, en particulier lorsqu'il s'agit d'enfants.

33. L'intégration des jeunes étrangers dans la société allemande, et notamment au niveau de l'école et de la vie professionnelle, est considérée comme une priorité par les autorités allemandes. Force est de reconnaître que la situation des jeunes étrangers est assez différente de celle des jeunes allemands car ils sont confrontés à des conditions de vie et à une culture différentes de celles auxquelles ils étaient habitués et ils subissent nécessairement des pressions plus fortes dans les établissements scolaires et les instituts de formation professionnelle, par exemple. Dans ce contexte, dès 1986, un groupe de coordination mis en place auprès du Ministère du travail et composé de représentants des Länder, des syndicats, des employeurs et des organisations d'aide sociale, avait proposé de chercher à intégrer les étrangers dès le jardin d'enfants. De nouvelles propositions dans ce sens ont été faites en 1993 par le Gouvernement fédéral. Il existe des services spéciaux chargés de promouvoir l'intégration des jeunes étrangers dans la société et de les soutenir dans leurs études. La situation s'est améliorée au cours des dernières années puisque les étrangers sont de plus en plus nombreux à faire des études secondaires et à participer à des stages de formation professionnelle en entreprise. Une organisation financée par les employeurs et les syndicats s'occupe plus particulièrement du passage des jeunes étrangers de l'école à la vie active et se charge de leur trouver un emploi. Malgré toutes ces mesures, il faut bien reconnaître que les jeunes étrangers continuent d'être sous-représentés dans certains domaines et les autorités allemandes sont conscientes de la nécessité de poursuivre leurs efforts en vue d'une meilleure intégration de ces jeunes. Pour ce qui est de l'arrivée d'enfants non accompagnés qui demandent l'asile en Allemagne, le Parlement fédéral a demandé au Gouvernement fédéral de les dénombrer et d'indiquer les mesures prises à leur égard. Des études ont donc été entreprises et l'on espère avoir une réponse précise à ce sujet avant la fin de l'année 1995. Enfin, l'Allemagne, pas plus que les autres pays de l'Union européenne, n'a pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, considérant que de nombreuses dispositions de cette Convention sont déjà énoncées dans d'autres instruments internationaux et que de surcroît cette Convention ne traite pas comme il conviendrait des questions liées au travail illégal.

34. M. HELLBACH (Allemagne) dit que, depuis 1987, le Gouvernement fédéral est très sensible à la nécessité d'éviter pour les enfants victimes de sévices un nouveau traumatisme lors des enquêtes et des procès. Des fonctionnaires de police ont ainsi reçu une formation spéciale visant à les préparer à interroger de jeunes enfants et des psychologues peuvent intervenir à tout moment au cours des interrogatoires. Malheureusement, il n'est pas toujours possible de trouver, partout sur le territoire allemand, des fonctionnaires spécialement formés et il est nécessaire de poursuivre les efforts. Dans le cas inverse - c'est-à-dire quand un mineur de 16 ans est inculpé - le tribunal pour mineurs peut décider le huis clos et les audiences peuvent même avoir lieu en l'absence de l'accusé. Dans tous les cas l'enfant bénéficie de l'assistance d'un conseil ou d'un avocat qui est présent même si le procès se tient à huis clos. Les autorités allemandes ont pleinement conscience de la nécessité de protéger les enfants victimes d'abus sexuels de tout traumatisme ultérieur au cours de la procédure. C'est pourquoi des études sont actuellement en cours pour déterminer les mesures à prendre en ce sens. On a par exemple évoqué la possibilité de renoncer aux poursuites quand l'intérêt de la victime l'exige et on envisage également de tenir des audiences en l'absence de la victime dont le témoignage aura été enregistré sur bandes vidéo. L'utilisation de dispositifs de transmission directe, grâce auxquels l'enfant, installé dans une salle adjacente, pourrait communiquer avec le juge en temps réel sans être présent dans la salle d'audience est une autre possibilité.

35. La PRESIDENTE dit que le Comité est encouragé par les informations positives fournies par la délégation concernant notamment l'âge minimum d'enrôlement dans les forces armées, l'attitude des autorités face au problème des mines antipersonnel, les mesures en faveur de l'intégration des enfants handicapés à l'école, les mesures prises pour lutter contre le SIDA et informer les enfants des dangers de cette maladie, et l'action entreprise pour combattre la pauvreté. Le Comité reste néanmoins préoccupé par l'incidence de la pollution sur la santé des enfants et par l'absence d'enseignement de leur langue maternelle pour les enfants étrangers et les enfants appartenant à des minorités. Il recommande donc aux autorités allemandes de poursuivre leurs efforts et notamment de s'attacher davantage au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et à la notion d'enfant en tant que sujet de droit, devant bénéficier de mesures spéciales dans tous les domaines.

36. La Présidente invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires sur la section de la liste des points à traiter consacrée aux mesures de protection spéciale (CRC/C/10/WP.5), qui se lit comme suit :

"Mesures de protection spéciale
(Articles 22, 30, 32 à 40 de la Convention)

37. M. HAMMARBERG a noté que les prestations médicales étaient subordonnées au versement des cotisations, ce qui semblait justifier la couverture médicale moins étendue accordée aux familles de demandeurs d'asile. Cette situation pose de façon exemplaire la question de l'intérêt supérieur de l'enfant et de l'application de la Convention à tous les enfants se trouvant sur le territoire. La Convention n'a pas pour objectif d'affirmer que tout enfant a systématiquement le droit de se voir accorder l'asile politique mais elle suppose en revanche que tout enfant, même demandeur d'asile, qui se trouve sur le territoire d'un pays donné, doit être traité conformément aux dispositions de la Convention.

38. M. KOLOSOV souhaiterait des informations détaillées sur les conditions de travail réelles des mineurs délinquants privés de liberté. Leur travail est-il exploité par le secteur privé ? Par ailleurs, il serait intéressant d'avoir des informations précises sur les possibilités pour ces enfants, en pratique, d'avoir des contacts réguliers avec leur famille.

39. M. Kolosov demande en outre des informations sur le suicide des jeunes et souhaite savoir s'il existe des études sur les raisons qui poussent certains adolescents à cette extrémité. Enfin, il lui serait utile d'avoir des détails sur les politiques mises en oeuvre pour lutter contre la toxicomanie chez les jeunes et sur les résultats obtenus.

40. Mme SANTOS PAIS se félicite de ce que le gouvernement ait été saisi d'une question parlementaire concernant les enfants demandeurs d'asile non accompagnés. Toutefois elle croit comprendre que lorsqu'un enfant vient d'un pays tiers sûr et demande l'asile politique, il ne peut pas l'obtenir en Allemagne car on part du principe qu'il aurait dû le demander dans le pays tiers en question, ce qui est assez préoccupant. Cette disposition peut se comprendre mais entraîne un risque de conflit de compétences, compromettant l'intérêt supérieur de l'enfant. En outre, l'article 2 de la Convention, en vertu duquel les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la Convention et à les garantir à tout enfant indépendamment notamment de toute considération de son origine nationale, ne peut en aucun cas être battu en brèche par une quelconque réserve ou déclaration. Or cet article implique que tout enfant arrivant en Allemagne doit avoir la possibilité de déposer une demande d'asile et être en droit d'attendre une décision équitable qui tienne compte de son intérêt supérieur et de son opinion. Il faut tenir compte à cet égard du paragraphe 2 de l'article 12 de la Convention, aux termes duquel il est nécessaire de donner "à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant". En effet, il est clair qu'une demande d'asile politique est une procédure qui risque d'affecter considérablement l'avenir de l'enfant. Enfin, d'après certaines sources, le cas d'enfants non accompagnés qui demandent l'asile politique en Allemagne n'est pas examiné, alors même que leurs parents vivent déjà en Allemagne. Une telle situation fait échec à l'objectif de la réunification familiale, dûment prévu à l'article 10 de la Convention, en vertu duquel toute demande faite par un enfant en vue d'entrer dans un Etat partie aux fins de réunification familiale doit être considérée dans un esprit positif, avec humanité et diligence.

41. Par ailleurs, on peut douter de la conformité des règlements appliqués aux réfugiés dans les aéroports avec l'alinéa d) de l'article 37 de la Convention, qui prévoit que les enfants privés de liberté doivent pouvoir avoir accès rapidement à l'assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale. A cet égard, il faut une fois encore regretter la réserve formulée par les autorités allemandes qui ont estimé qu'il n'était pas nécessaire d'accorder systématiquement à l'intéressé une assistance juridique ou toute autre assistance appropriée. Il est indiqué dans le rapport de l'Allemagne que l'assistance juridique est accordée s'il y va de l'intérêt de la justice; il est important de concilier l'intérêt de la justice et l'intérêt supérieur de l'enfant. Mme Santos País rappelle à ce propos que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, que l'Allemagne a ratifiée, garantit le droit à un procès équitable qui, d'après la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, comprend non seulement le droit d'avoir accès aux tribunaux mais également le droit à une assistance juridique, éventuellement gratuite.

42. Mme KARP estime que la réserve formulée par l'Allemagne au moment de la ratification de la Convention concernant le refus de faire naître systématiquement, en cas d'infraction mineure à la loi pénale, l'obligation de soumettre toute décision n'emportant pas de peine d'emprisonnement à une autorité ou une instance judiciaire supérieure compétente est contraire non seulement à la notion d'intérêt supérieur de l'enfant mais également au principe du procès équitable. Cette réserve établit de surcroît une discrimination à l'égard des enfants, puisqu'un adulte qui ferait l'objet d'une décision n'emportant pas de peine d'emprisonnement aurait la possibilité de soumettre cette décision à une autorité ou une instance judiciaire supérieure. Enfin, relevant qu'il est indiqué dans les réponses écrites que trois enfants auraient été condamnés à une peine d'emprisonnement à durée indéterminée, Mme Karp demande des détails sur cette affaire.

43. M. WABNITZ (Allemagne) fait observer que le problème du suicide des jeunes se pose partout en Europe. En Allemagne, il existe des structures dans les établissements scolaires, des services d'aide sociale et des services consultatifs visant à aider les jeunes en difficulté. Des mesures sont prises pour sensibiliser l'entourage des jeunes afin qu'il soit en mesure de détecter les signes avant-coureurs des vélléités suicidaires. D'après les estimations, huit tentatives de suicide sur neuf n'aboutissent pas.

44. Un plan national de lutte contre la toxicomanie a été lancé en 1990 et les diverses autorités compétentes opèrent de manière coordonnée, tant pour la répression que la prévention de la toxicomanie. Depuis le début des années 70, tous les organismes privés et publics qui se consacrent à la jeunesse s'intéressent au problème de la toxicomanie. Au niveau local, des centres de prévention ont été ouverts et, dans les établissements scolaires, des enseignants sont formés pour conseiller les enfants en proie à ce type de problème. De même, il existe des services consultatifs dans les écoles professionnelles et dans les universités. On compte également un grand nombre de cliniques de désintoxication. Au cours des dernières années, les décès dus à la consommation de drogues ont diminué. Cela dit, le problème ne pourra trouver de solution à long terme que dans le cadre d'une coopération internationale bien comprise. Enfin, il ne faut pas oublier que les drogues légales, alcool et tabac, sont davantage consommées que les drogues illégales et que l'alcoolisme coûte plus cher à la société que la consommation de drogues illégales. C'est pourquoi les autorités allemandes mettent aussi l'accent sur la prévention de l'alcoolisme et du tabagisme, avec des résultats puisque plusieurs études ont montré que les jeunes commençaient à consommer de l'alcool et à fumer de plus en plus tard.

45. Revenant sur la question des prestations médicales fournies aux réfugiés et demandeurs d'asile, M. Haberland dit qu'il est difficile d'imaginer que les organismes sociaux compétents puissent refuser de fournir des traitements et un appareillage à un enfant invalide. De nombreux réfugiés bosniaques grièvement blessés durant la guerre ont ainsi obtenu des fauteuils roulants fournis par des organismes privés ou des particuliers.

46. En ce qui concerne les règlements qui sont appliqués dans les aéroports, au cours des sept premiers mois de 1995, les 44 enfants non accompagnés âgés de moins de 16 ans qui avaient demandé à entrer en Allemagne y ont été autorisés. En 1994, sur les 4 402 demandes d'asile, 377 seulement ont été rejetées. Ainsi, les règlements appliqués à l'aéroport ne paraissent pas particulièrement sévères. Néanmoins, ces règlements font actuellement l'objet d'une révision par la Cour constitutionnelle fédérale afin de déterminer leur compatibilité avec la Constitution.

47. Pour ce qui est de la question de la réunification familiale, dès lors que leurs parents ont obtenu le droit d'asile, les enfants âgés de moins de 16 ans peuvent les rejoindre sans problème. Autrement dit, les demandeurs d'asile ne peuvent pas retrouver leur famille tant que le statut de celle-ci n'a pas été déterminé.

48. M. HELLBACH (Allemagne), traitant de la question de la justice pour mineurs, dit que celle-ci est considérée sous l'angle éducatif plutôt que sous l'angle répressif. La peine d'emprisonnement peut être imposée si la culpabilité est aggravée. Il n'existe pas en Allemagne de camps de travail ni de centres où le travail est l'aspect le plus important de l'incarcération. Dans certains cas, les jeunes détenus peuvent exercer un emploi à l'extérieur du lieu de détention. S'il est utilisable, le produit de leur travail entre dans les circuits économiques, mais la réinsertion sociale, par l'enseignement scolaire et la formation professionnelle, notamment, est l'objectif primordial du régime pénitentiaire.

49. Pour ce qui est de la réserve concernant les droits de la défense émise lors de la ratification, il serait erroné de croire que l'Allemagne impose la moindre restriction au bénéfice des services d'un avocat pour assurer la défense aussi bien des enfants que des adultes. L'obligation pour les tribunaux de commettre un avocat de la défense s'applique davantage aux affaires mettant en cause des jeunes que des adultes; un défenseur est automatiquement commis en cas de détention provisoire ou de garde à vue, si l'accusé encourt une peine de détention d'une durée minimum d'un an ou s'il n'est pas en mesure de se défendre lui-même en raison de la difficulté de l'affaire ou pour tout autre motif. Par ailleurs, la loi relative aux tribunaux pour mineurs ne s'applique qu'aux jeunes de 14 à 17 ans. Les mineurs de 14 ans ne pouvant être jugés puisqu'ils ne sont pas pénalement responsables, ils ne sont pas concernés par les services liés aux droits de la défense. Enfin, la réserve formulée par l'Allemagne ne vise que les infractions mineures. Selon les conclusions de travaux de recherche empiriques, la criminalité liée à la propriété met principalement en cause des jeunes, mais les choses vont en s'améliorant. Pour accélérer les procédures judiciaires, les autorités allemandes appliquent un système de "déjudiciarisation", en vertu duquel il est mis fin à la procédure pénale par l'imposition de peines de substitution. Cette solution, qui exclut la commission d'un avocat, permet d'accélérer l'ensemble de la procédure. C'est ainsi que 60 % des affaires dans lesquelles sont incriminés des jeunes sont soustraites à la procédure judiciaire. En cas d'infraction mineure, la loi relative aux tribunaux pour mineurs autorise le pourvoi en appel dans certains cas précis. Il reste que le souci principal des autorités allemandes est d'éviter de prolonger indûment les procès, de prendre les décisions de justice dans les meilleurs délais et de mettre l'accent sur les mesures éducatives.

50. Enfin, la peine de prison pour une durée indéterminée prononcée à l'encontre de trois jeunes ne signifie pas une incarcération pour une période indéfinie, il s'agit d'une privation de liberté, assortie d'un plafond dans le temps, dont la durée est laissée à l'appréciation des tribunaux. Depuis 1990, date à laquelle la loi correspondante a été modifiée, ce type de peine a disparu.

51. La PRESIDENTE demande si les enfants placés en détention conservent des contacts réguliers avec leur famille.

52. M. HELLBACH (Allemagne) répond par l'affirmative et ajoute que les enfants ont la possibilité, sans restriction aucune, d'échanger une correspondance ou de recevoir des visites.

53. M. WABNITZ (Allemagne) dit que le Gouvernement fédéral compte, au terme de deux réformes législatives, lancer une vaste campagne destinée à sensibiliser davantage la population à la question des droits de l'enfant dans l'esprit de la Convention.

54. La PRESIDENTE invite les membres du Comité à présenter brièvement leurs observations au sujet du rapport présenté par l'Allemagne.

55. Mme SANTOS PAIS tient à souligner l'esprit d'ouverture de la délégation allemande ainsi que son souci de prendre en considération toutes les questions et toutes les observations des membres du Comité. Elle se félicite par ailleurs de l'appui du Gouvernement allemand à une interdiction complète de la fabrication et du commerce des mines terrestres. Enfin, elle accueille avec satisfaction l'intention des autorités allemandes de procéder à un réexamen complet des réserves qu'elles ont formulées, en vue d'étudier la possibilité de les retirer.

56. Mme Santos País est d'avis qu'il faudrait que l'Allemagne mette au point une stratégie plus complète et plus systématique de sensibilisation du public aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui doit figurer dans les programmes d'enseignement scolaire ainsi que dans les programmes de formation des groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants. Il serait bon aussi que l'Allemagne se dote d'un mécanisme de coordination permanent de toutes les politiques qui ont été adoptées pour assurer la promotion et la protection des droits de l'enfant. Les activités d'un tel mécanisme pourraient s'enrichir d'un dialogue constant avec les ONG et, à cet égard, il faudrait encourager la société civile allemande à jouer un rôle plus actif dans la promotion des droits de l'enfant. Enfin, ce mécanisme pourrait aider à définir la manière d'utiliser au maximum les ressources disponibles aux niveaux fédéral, des Länder et des municipalités.

57. Mme Santos País encourage le Gouvernement allemand à s'efforcer de consacrer 0,7 % de son produit national brut à l'aide publique au développement et à envisager d'adopter de nouvelles mesures de conversion ou d'annulation de la dette en faveur des enfants. Elle l'engage aussi à incorporer les principes relatifs aux droits des enfants dans la Constitution fédérale et à traduire dans la législation le principe de la non-discrimination, notamment entre enfants ressortissants allemands et enfants étrangers, et entre enfants légitimes et enfants nés hors mariage. Il importe en outre de prendre en considération avant tout l'intérêt supérieur de l'enfant lors de l'examen des cas de réunification familiale ou de rapatriement et de procéder à un réexamen complet de la législation et des pratiques en vigueur en la matière. Mme Santos País se félicite de ce que les châtiments corporels soient interdits et espère qu'une telle interdiction sera consacrée dans un texte de loi. En ce qui concerne la justice des mineurs, Mme Santos País espère que le Gouvernement allemand envisagera de garantir, en toute circonstance, le droit à l'assistance judiciaire et à un procès équitable. Enfin, elle encourage le Gouvernement allemand à envisager d'engager un débat parlementaire sur la Convention relative aux droits de l'enfant et sur les principaux points soulevés lors du dialogue entre la délégation et le Comité.

58. Mme KARP fait siennes les remarques de Mme Santos País qui a souligné les aspects positifs mis en lumière par l'examen du rapport de l'Allemagne. Pour sa part, elle recommande au Gouvernement allemand d'organiser une campagne résolue contre la xénophobie. Elle s'inquiète cependant du grand nombre d'années qu'il a fallu pour réaliser les réformes législatives intéressant les droits de l'enfant et est d'avis qu'il y a lieu d'élaborer une stratégie globale, assortie d'échéances précises, d'évaluation de l'application de ces dispositions législatives.

59. M. HAMMARBERG dit que l'une des initiatives les plus encourageantes signalées par la délégation allemande est la création d'une commission chargée de présenter au Bundestag un rapport global sur la situation des droits de l'enfant en Allemagne. En effet, la participation du Parlement à la promotion des droits de l'enfant est très importante. L'un des principaux messages que le Comité s'efforce de faire parvenir aux Etats parties est la nécessité de prendre des mesures plus complètes et de portée plus vaste dans certains domaines afin de donner effet à la Convention. A ce propos, M. Hammarberg insiste sur la formation des groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants, la sensibilisation du public par des campagnes d'information et la mobilisation des autorités au niveau des Länder et des municipalités. Enfin, un examen approfondi s'impose dans trois domaines : les procédures d'octroi du droit d'asile et la législation applicable aux réfugiés, le principe de l'"intérêt supérieur de l'enfant", consacré à l'article 3 de la Convention, et la pauvreté des enfants, comprise non seulement au sens matériel, mais aussi au sens social et culturel.

60. Mme SARDENBERG remercie la délégation allemande de tous les renseignements qu'elle a fournis et des nouvelles encourageantes qu'elle a annoncées. Elle espère que les déclarations faites reflètent non seulement la conviction personnelle de la délégation allemande, mais aussi celle du Gouvernement allemand dans son ensemble et que la Convention sera au coeur des orientations et des mesures adoptées dans le domaine des droits de l'enfant. Dans cet esprit, elle insiste sur la nécessité de faire participer la société civile, notamment les ONG, à l'application des recommandations du Comité et à la diffusion du contenu de ses débats consacrés au rapport présenté par l'Allemagne.

61. Mme EUFEMIO se joint aux autres membres du Comité pour remercier la délégation allemande de sa réaction positive à toutes les questions qui ont été soulevées par les membres du Comité. Elle engage le Gouvernement allemand à ratifier sans tarder la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, rappelant qu'il a participé de près aux travaux préparatoires de l'élaboration de ce document.

62. Mme Eufemio s'inquiète de la violence, notamment sexuelle, dont sont victimes les enfants au sein de leur famille et préconise l'adoption de mesures de détection précoce et de prévention. Elle suggère aussi de dispenser aux couples, avant le mariage, une formation sur leurs devoirs de parents. Enfin, comme Mme Karp, Mme Eufemio suggère que le Gouvernement allemand se dote d'un plan d'action reprenant toutes les dispositions qu'il s'est engagé à adopter en assortissant leur exécution d'échéances précises. Seraient également spécifiés les groupes de population cibles, leur importance et les mesures concrètes correspondantes.

63. Mme BADRAN remercie la délégation allemande d'avoir engagé avec le Comité un dialogue fructueux et utile. Elle en retire cependant le sentiment que les articles de la Convention qui ont trait à l'expression des opinions de l'enfant et à sa participation aux décisions le concernant n'ont pas été comprises dans leur contexte, l'impression qui se dégage étant celle d'une mise en opposition de ces droits avec la responsabilité et les droits de la famille.

64. M. KOLOSOV remercie les représentants de l'Allemagne de leur patience et de la volonté qui transparaît dans leurs propos d'assurer le bien-être des enfants placés sous la juridiction de l'Allemagne. Il lui semble néanmoins qu'en Allemagne les enfants sont traités sur un pied d'égalité avec les adultes alors qu'il s'agit d'un groupe de population vulnérable qui mérite souvent un statut privilégié et, par conséquent, un traitement juridique spécial. M. Kolosov espère que le rapport périodique de l'Allemagne, accompagné des recommandations du Comité et des comptes rendus analytiques des séances consacrées à son examen, sera largement distribué dans tous les Länder ainsi qu'auprès des ONG, des organisations s'occupant des enfants et des différents groupes professionnels concernés.

65. La PRESIDENTE invite la délégation allemande à faire une déclaration finale à l'issue de l'examen de son rapport par le Comité.

66. M. WABNITZ (Allemagne) dit que le Parlement allemand débattra assurément des conclusions du Comité à l'occasion de l'examen du prochain rapport sur l'enfance et la jeunesse qui lui sera présenté. La question de l'incorporation de la teneur de la Convention dans les programmes d'enseignement sera elle aussi examinée lors de la Conférence des Ministres de l'éducation. Le Gouvernement allemand ne manquera pas de tenir compte des recommandations du Comité et de réfléchir à l'organisation de campagnes globales de sensibilisation dans l'esprit de la Convention; il s'efforcera d'encourager le dialogue avec les ONG sur la question des droits de l'enfant. Il examinera aussi la possibilité d'incorporer dans la Constitution des dispositions relatives aux droits de l'enfant et poursuivra son action pour lutter contre les violences sexuelles au sein de la famille en tenant compte de l'idée de former les jeunes couples à leurs devoirs de parents.

67. La PRESIDENTE remercie la délégation allemande de sa coopération, de sa patience et de son intention de prendre en considération les suggestions et recommandations du Comité et ajoute que celles-ci seront officiellement transmises au Gouvernement allemand très prochainement.

68. La délégation allemande se retire.

La séance est levée à 13 heures.

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