Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.708
27 août 2001

FRANCAIS
Original: ANGLAIS
Compte rendu analytique de la 708e séance : Guatemala. 27/08/2001.
CRC/C/SR.708. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 708e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le mardi 29 mai 2001, à 15 heures

Président: M. DOER

SOMMAIRE


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Guatemala (suite)


La séance est ouverte à 15 h 5.


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Guatemala (suite) [CRC/C/65/Add.10; HRI/CORE/1/Add.47 (document de base); CRC/C/Q/GUA/2 (liste des points à traiter); réponses écrites du Guatemala (document sans cote distribué en séance, en espagnol et anglais)]

1. Sur l'invitation du Président, les membres de la délégation guatémaltèque reprennent place à la table du Comité.

2. M. ARENALES FORNO (Guatemala) présente le Guatemala comme un pays multiethnique, pluriculturel et multilingue, dont la population est à moitié composée d'autochtones, qui ne parlent pas la langue officielle. Il souligne en outre que la situation actuelle de la société guatémaltèque est marquée par la fin du conflit armé interne qui a eu des effets dévastateurs sur la population, et en particulier sur les autochtones des zones rurales. L'Accord pour une paix ferme et durable, signé le 29 décembre 1996 entre le Gouvernement et l'Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG), ainsi que l'Accord général relatif aux droits de l'homme et l'Accord relatif à l'identité et aux droits des populations autochtones témoignent toutefois de la détermination de l'État à prendre des mesures plus fermes en vue de garantir les droits de ces populations, notamment leur droit à l'éducation. En effet, le taux d'analphabétisme est particulièrement élevé chez les autochtones, qui ne savent ni lire ni écrire, que ce soit en espagnol ou dans leur langue maternelle. Privés d'accès à un enseignement dans leur langue maternelle, leurs enfants font donc l'objet d'une discrimination, et c'est pourquoi des efforts importants ont été déployés pour leur garantir le droit à un enseignement bilingue. Le problème se pose alors de former des maîtres capables d'enseigner dans les différentes langues autochtones que compte le pays. Le Gouvernement a également fait la preuve de sa volonté d'améliorer la situation de ces populations en leur permettant notamment d'utiliser leur langue maternelle dans les procédures judiciaires.

3. S'agissant de la liberté religieuse, M. Arenales Forno fait remarquer que, si la majorité de la population est chrétienne, cela n'implique pas pour autant l'exclusion de tout autre culte: le pays jouit d'une entière liberté de religion. Il explique en outre que certaines communautés autochtones ont exprimé le vœu que leur identité et leurs pratiques religieuses soient reconnues, ce qui explique que certains documents officiels fassent état des «pratiques religieuses mayas».

4. Si l'interruption volontaire de grossesse est passible de poursuites pénales au Guatemala, aucune procédure n'a jamais été engagée pour avortement illégal, que ce soit à l'encontre d'un médecin qui aurait pratiqué l'acte ou d'une femme qui l'aurait subi. La pratique favorise donc la tolérance. On ne peut parler de volonté de légaliser à proprement parler l'avortement, mais la dernière édition du Code pénal autorise cet acte dans les cas où la vie de la mère est en danger, et sur présentation d'un certificat médical. Dans le domaine de la santé génésique, le Gouvernement a lancé, sur les conseils du Ministère de la santé, une politique de planification familiale, qui, en dépit de la désapprobation de certains groupes religieux, a été bien reçue par la population en général, et notamment par les ONG qui œuvrent à la défense des droits de la femme.

5. Mme MUNDUATE GARCIA (Guatemala) explique que le Secrétariat à l'action sociale près la Présidence de la République, chargé de coordonner les politiques publiques en faveur de l'enfance et de l'adolescence, se heurte, dans l'accomplissement de ses fonctions, à un certain nombre d'obstacles, notamment lorsqu'il s'agit des populations autochtones. Si ces dernières veulent avoir accès aux services et à l'emploi, elles sont obligées de quitter les zones rurales pour s'installer dans les grands pôles urbains. Là, la rencontre avec un style de vie totalement différent, et notamment la consommation de drogues et d'alcool ainsi que les pratiques qui en découlent, telles que la maltraitance des enfants, provoquent l'effondrement des familles. Dans les zones rurales, les problèmes sont d'un autre ordre: si les familles restent généralement unies, la pauvreté règne, et les enfants sont souvent contraints de prendre part aux travaux agricoles, ce qui les empêche d'aller à l'école. Toutefois, les autochtones considèrent ce que d'aucuns qualifient d'«exploitation des enfants» comme un moyen de préserver leurs traditions, leurs coutumes, et de transmettre leurs connaissances et leur savoir-faire aux nouvelles générations. Pour eux, il en va donc de la survie de leur communauté.

6. L'éloignement de certains villages, qui se trouvent à une journée de marche de la capitale régionale, pose un problème d'accès aux services, notamment aux bureaux de l'état civil, ce qui explique que les naissances ne soient pas toujours enregistrées. Inversement, il est difficile de trouver des maîtres d'écoles disposés à faire une journée de marche pour venir enseigner et séjourner pendant une semaine au sein d'une communauté reculée. C'est à ce type de problèmes que se heurte le Gouvernement lorsqu'il tente d'élargir l'accès aux services en vue d'une couverture universelle.

7. Mme Munduate Garcia fait remarquer que certaines questions, comme le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant ou encore le traitement accordé aux jeunes qui enfreignent la loi, ne peuvent être évaluées par le biais d'indicateurs. Seules des mesures concrètes peuvent faire la preuve de la volonté du Gouvernement d'accorder de l'importance à ces questions. L'intervenante indique de ce fait que le magistrat chargé de coordonner l'activité des juridictions pour mineurs a publié, à l'intention des juges des mineurs, une circulaire dans laquelle il mettait l'accent sur la nécessité et l'urgence qu'il y avait à faire respecter les principes consacrés dans la Convention. Une clause stipule expressément que l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer dans toutes les décisions le concernant et notamment en cas de séparation d'avec ses parents et en cas d'adoption.

8. En matière d'adoption, il a été décidé de favoriser l'adoption par des familles guatémaltèques plutôt que l'adoption internationale.

9. S'agissant de la non-discrimination, les règlements internes des établissements d'éducation surveillée qui accueillent des enfants ayant maille à partir avec la justice interdisent toute discrimination fondée sur le sexe, la religion, l'origine ethnique, les opinions politiques, entre autres. Les jeunes qui n'ont pas les moyens de se défendre sont admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, preuve que les enfants pauvres ne font pas l'objet de discrimination.

10. Une étude menée en 1999 a révélé que 5 994 enfants vivaient dans la rue, dont 2 000 étaient pris en charge par des ONG, des institutions et des paroisses. Le Gouvernement met quant à lui en œuvre, par le biais du Secrétariat à l'action sociale, des programmes d'assistance aux enfants des rues, qui tentent, dans la mesure du possible, de rendre l'enfant à sa famille. Ceux qui souhaitent rester dans la rue bénéficient des conseils d'éducateurs spécialisés et reçoivent médicaments et vêtements.

11. En octobre 2000, le Guatemala a fait la preuve de sa volonté de renforcer le système de protection des droits de l'homme en prévoyant d'accorder une indemnité financière aux enfants victimes d'abus d'autorité ou à leurs parents. Avec l'appui du PNUD, un projet de formation aux droits de l'homme a été mis en œuvre au sein de l'École de la police nationale civile et des pourparlers sont en cours avec les autorités pour que les droits de l'enfant soient enseignés dans les centres de formation des policiers. La police nationale civile s'est quant à elle dotée d'un bureau chargé d'enquêter sur ses propres membres, et en cas d'abus d'autorité, le ministère public est saisi de l'affaire. Dans les établissements d'éducation surveillée destinés aux jeunes délinquants, on peut se féliciter du succès des programmes visant à faire respecter l'intégrité des jeunes: depuis le début de 2000, aucun cas de violence à l'égard d'un jeune pensionnaire n'a été observé de la part du personnel d'encadrement.

12. Pour lutter contre le phénomène des grossesses précoces, il est prévu, dans le cadre de la politique de santé génésique, de dispenser des cours d'éducation sexuelle aux élèves en fin d'école primaire et au début du secondaire. Quant aux types de soins prodigués aux jeunes parturientes, ils révèlent un problème culturel: la majorité des femmes autochtones vivant dans les campagnes accouchent à domicile et ne bénéficient d'aucune prise en charge médicale. De nouveau, le Gouvernement doit prendre en compte les différences culturelles du pays pour élaborer des politiques publiques ciblées et efficaces.

13. Pour ce qui est de l'exercice effectif par les enfants du droit qu'ils ont de s'exprimer, de participer à la vie de la société et de faire entendre leur opinion, il convient de rappeler que l'ensemble du Guatemala est en plein processus d'apprentissage de la tolérance et de la recherche de consensus. Le Gouvernement a compris combien il importait d'inculquer ces principes aux enfants dès l'école, et il faut noter à cet égard que la possibilité leur est donnée de participer à la vie de l'école dans le cadre des conseils scolaires.

14. Au sujet des handicapés, les chiffres communiqués par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (un million d'enfants handicapés) sont pour le moins surprenants quand on sait que le Guatemala compte à peu près 5 millions d'enfants de moins de 18 ans. Cela étant, il convient de préciser que les enfants handicapés ne font l'objet d'aucune discrimination et que le seul problème qui se pose est celui de leur accès limité à certains services. Selon le type et le degré de handicap, les enfants sont accueillis dans les établissements scolaires traditionnels ou dans des centres spécialisés, publics et privés. Toutefois, la demande excède encore largement l'offre car la mise en place d'un système satisfaisant de prise en charge des handicapés nécessite beaucoup de ressources, y compris du personnel spécialisé et l'accès aux technologies médicales appropriées. Or le Guatemala commence à peine à mettre en place un tel système.

15. Les comités municipaux de protection de l'enfance sont habilités à recevoir les plaintes concernant les enfants maltraités. Ils assurent des services de conciliation et de médiation entre les enfants et leurs parents ou tuteurs. Le cas échéant, ils s'adressent aux services du Procureur des droits de l'homme pour que des poursuites soient engagées contre les auteurs des violences.

16. Le projet de loi qui a été établi en ce qui concerne l'adoption n'a pas encore été examiné, mais il est prévu que le Parlement l'adopte avant la fin de 2001.

17. Pour ce qui est des enfants déplacés par suite du conflit armé, il convient de noter qu'ils sont pour la plupart rentrés au Guatemala avec leurs familles. Le Gouvernement exécute, à l'intention des communautés concernées, un programme de distribution de terres, de formation à la gestion des exploitations agricoles et d'assistance technique, afin de faciliter leur réinsertion et d'améliorer les conditions de vie des enfants.

18. Pour faciliter la scolarisation des enfants qui ne fréquentent pas régulièrement l'école parce qu'ils suivent leurs parents travailleurs saisonniers, un mécanisme est mis au point pour assouplir le système d'enseignement. Par ailleurs, des mesures sont prises pour faire face aux problèmes posés par les gangs de jeunes.

19. En vertu de la Constitution, la scolarité est obligatoire. Les établissements d'enseignement primaire accueillent les enfants de 7 à 12 ans et ceux du secondaire forment les jeunes dans le cadre d'un cycle d'études générales de trois ans et d'un cycle diversifié de deux ou trois ans, selon le diplôme préparé. Des programmes spéciaux d'alphabétisation sont organisés à l'intention des plus de 15 ans (enfants et adultes).

20. Le PRÉSIDENT voudrait connaître le bilan du Plan d'action pour le développement social et la construction de la paix qui a été exécuté de 1996 à 2000 ainsi que les résultats obtenus dans le cadre des activités de réunification des familles.

21. Il engage vivement l'État partie à adopter dans les meilleurs délais le projet de loi sur l'adoption à l'étude. Rappelant que les adoptions internationales représentent 98 % du nombre total des adoptions, il demande si des mesures particulières ont été prises pour favoriser l'adoption par des nationaux. Il recommande également à l'État partie de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, car le Comité a été saisi d'un grand nombre d'informations préoccupantes donnant à penser qu'une opération commerciale très lucrative se dissimule sous cette pratique.

22. Par ailleurs, il demande si une politique d'ensemble a été élaborée pour répondre aux besoins des enfants des rues, qui sont exposés à toutes sortes de mauvais traitements, et il voudrait connaître, au-delà des mesures législatives, la situation concrète en matière de justice pour mineurs, notamment les dispositions prises pour faire en sorte que les enfants délinquants bénéficient dans tous les cas des services d'un défenseur et éviter que leur détention provisoire ne se prolonge indûment.

23. Mme AL-THANI dit que les chiffres de l'OMS correspondent au nombre total de handicapés (adultes et enfants), soit environ 15 % de la population totale comme indiqué dans les réponses écrites. Regrettant l'absence de chiffres précis dans ce domaine, elle recommande au Gouvernement d'entreprendre une étude approfondie de la situation dans son ensemble, accompagnée d'une analyse statistique, afin de pouvoir jeter les bases d'une véritable politique relative aux enfants handicapés. À ce sujet, elle aimerait savoir combien d'enfants sont scolarisés dans des établissements d'enseignement de type classique. Par ailleurs, elle encourage le Gouvernement à poursuivre sa politique de vaccination car, malgré les importants progrès réalisés, la couverture vaccinale est encore insuffisante.

24. Mme SARDENBERG recommande à l'État partie, comme l'avait déjà fait le Comité lors de l'examen du rapport initial, d'intégrer tous les efforts déployés et mesures adoptées en faveur de l'enfance dans une stratégie nationale et d'inviter l'ensemble des parties concernées - ministères, ONG et associations professionnelles, notamment -, à participer à l'application de la Convention, en vue non seulement d'assurer une large diffusion de cette dernière mais aussi d'en accroître le retentissement sur le plan politique. Elle recommande également d'associer les chefs autochtones au processus d'application de la Convention, afin de renforcer l'impact des activités visant leur communauté.

25. Par ailleurs, elle voudrait connaître le bilan de l'application de la loi sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence dans la famille adoptée en 1996, compte tenu notamment du fait que le nombre des cas de violence familiale demeure très élevé. Elle aimerait aussi avoir des précisions sur la situation concernant la violence à l'école. Par ailleurs, elle demande où en sont les activités menées par la Commission d'enquête et l'association Casa Alianza pour rechercher les enfants disparus pendant le conflit armé. Enfin, elle demande si la délégation guatémaltèque compte organiser à son retour une conférence de presse pour faire connaître la teneur de ses entretiens avec le Comité et les recommandations de celui-ci.

26. Mme TIGERSTEDT-TÄHTELÄ, rappelant que le recensement de 1994 ne couvrait pas les zones reculées, demande s'il est prévu d'organiser un nouveau recensement dans un proche avenir. Elle aimerait également savoir quel impact les mesures d'ajustement structurel ont eu sur les enfants, et connaître le bilan des divers plans d'action et programmes de développement humain et social visant plus particulièrement les jeunes.

27. Mme CHUTIKUL, au sujet des cas de maltraitance et d'abus évoqués aux paragraphes 146 à 153 du rapport, voudrait avoir de plus amples renseignements sur les programmes de réadaptation psychologique et de réinsertion sociale des enfants victimes et demande si des centres de services intégrés ont été mis en place. Elle aimerait également savoir si les activités d'assistance aux enfants s'inscrivent dans un cadre pluridisciplinaire et si un programme volontariste de lutte contre la maltraitance a été mis au point. Enfin, elle demande si des mesures particulières sont prises lorsque l'auteur des actes de violence est un parent de l'enfant.

28. M. CITARELLA s'inquiète de l'augmentation du nombre des plaintes enregistrées par le Bureau du Procureur général en ce qui concerne les cas de torture dont seraient victimes les enfants (de 735 en 1998 à 869 en 1999). Il aimerait connaître le résultat des poursuites engagées contre les auteurs de tels actes. Par ailleurs, il aimerait savoir si les objectifs fixés dans l'Accord de paix en ce qui concerne l'éducation ont été atteints en 2000.

29. Mme KARP, rappelant que l'avortement est interdit au Guatemala - pays catholique -, sauf dans les cas où la santé de la mère est en danger, demande s'il ne serait pas possible de faire valoir l'argument des risques inhérents aux grossesses précoces pour autoriser les adolescentes à avorter légalement. Elle aimerait également recevoir des informations sur les difficultés rencontrées et les résultats obtenus dans le cadre des activités d'éducation sexuelle, et sur les politiques et programmes concrets de lutte contre la malnutrition. Par ailleurs, elle demande si le Gouvernement envisage de promulguer une loi interdisant les châtiments corporels, y compris dans les familles, et si des campagnes d'éducation et de sensibilisation sont organisées dans ce domaine.

30. Par ailleurs, Mme Karp se félicite de l'évolution de la situation dans le domaine de l'administration de la justice pour mineurs puisque, selon l'UNICEF, toutes les parties intéressées auraient signé un accord portant sur les normes à appliquer dans ce domaine. Il serait intéressant de savoir ce que contient cet accord, s'il est prévu de mettre en place un mécanisme de surveillance indépendant et si, par exemple, la privation de liberté constituera bien, en vertu de cet accord, l'option envisagée en dernier ressort pour les mineurs délinquants.

31. Enfin, Mme Karp souhaite savoir si le Gouvernement guatémaltèque a défini un plan d'action en ce qui concerne l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et si des mesures ont été prévues pour la réadaptation des enfants victimes de ces pratiques.

32. M. AL-SHEDDI, abordant la question des enfants des rues, s'étonne de l'argument invoqué par la délégation guatémaltèque, selon lequel, puisque de nombreux enfants préfèrent rester dans les rues plutôt que de retourner dans leur famille, il convient de respecter leur choix. C'est pourquoi il souhaiterait avoir des précisions à ce sujet. D'autre part, le rapport du Guatemala évoque, aux paragraphes 279 et suivants, toute une série de raisons qui peuvent expliquer l'abus de stupéfiants par les enfants et les adolescents. Parmi ces raisons figurent notamment le climat qui entoure les jeunes dans leur foyer ou leur école, l'absence de valeurs morales et sociales ou encore les mauvais traitements et les mauvais exemples de la part des parents et d'autres adultes. Il semble qu'il appartient aux autorités de prendre les dispositions nécessaires pour s'attaquer à ces problèmes, susceptibles de faire sombrer des enfants dans la toxicomanie.

33. Le PRÉSIDENT observe une contradiction entre le caractère illégal de l'avortement au Guatemala et le fait que le Gouvernement guatémaltèque indique, dans ses réponses écrites, que l'avortement est la deuxième cause de décès chez les femmes. Par ailleurs, selon ces mêmes réponses écrites, un programme de réadaptation des enfants victimes d'exploitation sexuelle sera mis en place dans le cadre du plan national d'action contre ce phénomène, qui est en cours d'élaboration. Il serait intéressant de connaître le contenu de ce programme et de savoir où en est la mise au point du plan d'action.

34. Mme OUEDRAOGO aimerait savoir dans quelle mesure les droits de l'enfant sont garantis dans les établissements de garde d'enfants qui appartiennent à l'État et où, selon les informations fournies par la délégation, l'assistance offerte aux enfants est de type traditionnel. D'autre part, la situation des familles défavorisées en matière de sécurité sociale est préoccupante et Mme Ouedraogo voudrait savoir dans quelle mesure ces familles sont prises en charge. De même, il n'est pas prévu de couverture sociale pour les enfants qui travaillent dans le secteur informel. Est-il possible d'envisager un système de cotisations pour ces enfants? Enfin, il semblerait que très peu d'enfants jouissent du droit au repos et aux loisirs, même si des initiatives ont été lancées à cet égard dans les écoles. Qu'en est-il toutefois des enfants qui ne sont pas scolarisés et comment les autorités envisagent-elles de garantir ce droit à ces enfants?

35. La séance est suspendue à 16 h 40; elle est reprise à 16 h 55.

36. M. ARENALES FORNO (Guatemala) dit que, en vertu de la Constitution et du Code pénal, l'avortement est illégal au Guatemala. Il n'est autorisé que si deux médecins certifient que la vie de la mère est en danger. On déplore bien entendu, au Guatemala comme ailleurs, des avortements illégaux, qui entraînent le décès de nombreuses femmes, notamment à la suite d'infections. Il convient toutefois de noter que, lorsque des femmes victimes de complications d'avortements illégaux viennent consulter les services d'urgence des hôpitaux, aucunes poursuites ne sont engagées contre elles. Diverses propositions de loi tendant à légaliser l'avortement ont été présentées mais il est peu probable, du moins à court terme, que de telles propositions aboutissent car il existe une réelle aversion pour l'avortement au sein de la société guatémaltèque.

37. L'adoption est une question relativement délicate au Guatemala. Autrefois, il n'était possible d'adopter un enfant qu'en passant par des établissements publics. Cette procédure relativement complexe a fait l'objet de nombreuses critiques et a donc été modifiée. Désormais, l'adoption est très facile. Il suffit à une mère qui souhaite faire adopter son enfant de se rendre chez un notaire; celui-ci s'adresse alors au tribunal pour faire une demande en ce sens. Les travailleurs sociaux contactés par le tribunal proposent une famille d'accueil et, si tous les intéressés sont d'accord, l'adoption est prononcée. Cette procédure très simple a malheureusement donné lieu à des pratiques inacceptables, puisque certaines femmes se sont fait faire des enfants pour les proposer à l'adoption contre rémunération, notamment à l'étranger. La question de l'adoption fait dès lors l'objet de débats animés entre les tenants d'une ligne dure, qui souhaitent interdire purement et simplement l'adoption, et les partisans de l'interdiction du système de l'adoption dite «notariale» (passant par un notaire), les partisans de l'interdiction de l'adoption internationale ou encore ceux qui estiment que le système actuel est bon et que, somme toute, si certains étrangers veulent payer pour adopter des enfants et que toutes les parties intéressées y consentent, les enfants concernés ont toutes les chances d'avoir une vie plus confortable que s'ils restaient au Guatemala.

38. Mme MUNDUATE GARCÍA (Guatemala) dit que, jusqu'il y a quelques années, le Ministère de la santé organisait une seule journée annuelle de vaccination complète. Actuellement, ces journées annuelles sont au nombre de quatre. En outre, les dispensaires sont ouverts toute l'année et les mères peuvent s'y rendre pour faire vacciner leurs enfants. Dans ce domaine, des campagnes d'information sont en outre organisées, y compris dans les langues mayas. De plus, lorsque les renseignements disponibles font apparaître que le taux de vaccination est trop faible dans certaines régions, des campagnes de sensibilisation ciblées sont organisées.

39. Dans le domaine de la malnutrition, il est vrai que certaines régions connaissent des problèmes plus aigus que d'autres. La stratégie des autorités consiste à déployer davantage d'efforts en faveur de ces régions, et notamment à y soutenir les cantines scolaires, à y organiser des journées d'administration de vitamine A ou encore à y renforcer les campagnes de promotion de l'allaitement maternel. S'agissant de ce dernier point, on a constaté que la pratique de l'allaitement maternel aurait perdu beaucoup de terrain, surtout – et c'est paradoxal – en zone rurale, où le lait maternel est remplacé non pas par des substituts mais par des produits tels que le café ou les boissons gazeuses. C'est pourquoi ce problème est traité en priorité, y compris dans les dispensaires.

40. S'agissant de l'enregistrement des enfants handicapés, il convient de signaler, d'une part, que le système d'indicateurs sociaux a été renforcé en 1997 avec l'appui de l'UNICEF et, d'autre part, qu'une enquête sur les ménages, dans laquelle il a été possible d'inclure des thèmes tels que la violence familiale ou le travail des enfants, sera organisée chaque année de 2001 à 2005.

41. Par ailleurs, les autorités travaillent actuellement à la définition d'une stratégie de réduction de la pauvreté avec l'appui de la Banque interaméricaine de développement.

42. Dans le domaine de l'éducation sexuelle, les autorités guatémaltèques ont rencontré beaucoup moins de difficultés que prévu. En effet, la population a relativement bien accepté que soient organisés des cours d'éducation sexuelle à l'intention des adolescents, non seulement dans les écoles, mais aussi en dehors des établissements scolaires, compte tenu du fait que de nombreux adolescents ne terminent pas l'enseignement secondaire. Des campagnes d'information, portant notamment sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles et sur une éducation sexuelle saine, sont prévues, y compris dans les langues mayas.

43. En ce qui concerne l'enfance maltraitée, plusieurs personnes ont été traduites en justice en 2000 et 2001 et une école privée dans laquelle des violences à enfant avaient été commises a été fermée, ce qui constitue un précédent. Le Gouvernement, à travers le Conseil national de la lutte contre les mauvais traitements, a lancé une campagne de sensibilisation sur le thème de la maltraitance au moyen d'émissions de radio et de télévision et d'affiches, méthode qui ne permet toutefois pas de déterminer le nombre de personnes que cette campagne a pu toucher. Il est prévu de sensibiliser directement les pères des enfants fréquentant les écoles et garderies placées sous la responsabilité du Secrétariat à l'action sociale dans le cadre d'un séminaire sur les mauvais traitements et leurs liens avec, notamment, la toxicomanie et la délinquance juvénile.

44. Bien que les victimes de sévices aient la possibilité d'invoquer les dispositions légales pertinentes, d'appeler les permanences téléphoniques mises à leur disposition ou de s'adresser aux diverses institutions prêtes à les entendre, la peur les en empêche et elles renoncent à porter plainte. Par ailleurs, les institutions hospitalières, qui accueillent les enfants le plus gravement maltraités, ne savent pas comment prouver la réalité des violences subies. C'est la raison pour laquelle il est prévu de dispenser une formation à cette fin aux personnes dont les activités ont trait à la protection de l'enfance, à savoir les juges des mineurs, le Procureur aux droits de l'enfant, les services du Défenseur de l'enfance et du Procureur aux droits de l'homme, les médecins légistes, les pédiatres des hôpitaux et le personnel du Secrétariat à l'action sociale.

45. Il existe deux types de programmes à l'intention des enfants maltraités. Le premier consiste à offrir un foyer temporaire aux victimes. Dans ce cadre, ces enfants fréquentent l'école publique et bénéficient d'une prise en charge psychologique, psychiatrique et médicale. En outre, des activités extrascolaires artistiques et sportives leur sont proposées. Des accords ont été conclus avec des entreprises dans lesquelles les plus âgés ont la possibilité de commencer un apprentissage puis, lorsqu'ils sont majeurs, de travailler. Le second programme, qui constitue une solution de rechange au placement en foyer temporaire, prévoit de placer les enfants maltraités dans des foyers de substitution, lesquels sont actuellement au nombre de 300. Les familles acceptant d'accueillir un enfant n'ayant souvent que peu de moyens, elles reçoivent une allocation mensuelle de l'État, qui veille par ailleurs à ce que l'enfant ne soit pas maltraité dans sa famille d'accueil, qu'il aille à l'école et qu'il soit suivi par un médecin.

46. Quant aux enfants disparus, un organe ayant pour mandat d'effectuer des recherches a été créé, la Commission de clarification historique. Cette dernière est composée des services du Procureur aux droits de l'homme, d'une association spécialisée dans la recherche des disparus, du Bureau des droits de l'homme de l'archevêché, de la Commission nationale des droits de l'homme et de la Ligue de la santé mentale. Elle tient une assemblée à laquelle participent des ONG actives dans ce domaine et est coordonnée par le service du Procureur aux droits de l'homme. Elle a élaboré un plan d'action pour 2001 prévoyant de rationaliser les recherches, d'établir la liste des institutions concernées et de saisir les données. L'archevêché a pour sa part effectué une enquête consacrée spécifiquement aux disparitions d'enfants et d'adolescents.

47. En ce qui concerne les enfants des rues, Mme Munduate García précise que la volonté du Gouvernement est clairement de ne rien ménager pour aider ces enfants à couper les liens avec ce milieu, mais qu'il veut éviter de pratiquer une politique contraire à celle de certaines ONG qui soutiennent que, si les enfants ne manifestent pas le désir de quitter la rue, il est préférable de leur venir en aide sur place et de s'efforcer de minimiser les risques auxquels ils sont exposés. Dans la mise en œuvre du plan d'action pour les enfants de la rue, le Secrétariat à l'action sociale vise à renforcer les programmes en faveur de l'enfance sur le plan institutionnel et technique et à jouer un rôle de médiateur entre les ONG actives dans ce domaine afin que le problème soit abordé globalement et que tous les partenaires tirent avantage du potentiel des uns et des autres. Des centres spécialisés d'État pour les enfants des rues ont été ouverts, car il est nécessaire de placer les enfants maltraités et les enfants des rues dans des établissements séparés étant donné que leurs traumatismes sont différents et requièrent un traitement adapté. De même, des efforts sont actuellement fournis afin que les fillettes qui ont été exploitées sexuellement et qui sont confiées sur ordre du juge au Secrétariat à l'action sociale ou à des ONG soient placées dans des centres spéciaux distincts de ceux qui accueillent les fillettes victimes de mauvais traitements.

48. En ce qui concerne l'exploitation sexuelle des enfants, un plan d'action national est en cours d'élaboration par le Bureau du Procureur général de la nation. Il contient un projet de modification de la loi fixant des peines très sévères pour réprimer l'exploitation sexuelle d'enfants. Il prévoit en outre la mise au point de mécanismes facilitant le dépôt des plaintes, l'application de programmes de prévention et d'éducation sur les dangers de la prostitution au bénéfice des enfants appartenant aux populations des zones frontières du pays, la création de projets relatifs à la généralisation des traitements psychoaffectifs et le lancement d'enquêtes sur les réseaux de traite d'enfants à des fins sexuelles. À propos de ce dernier point, le Gouvernement a déjà pris des mesures par le truchement du Ministère de l'intérieur afin d'arrêter les personnes qui tirent profit de l'exploitation sexuelle des enfants.

49. Pour ce qui est de l'adoption, la politique du Gouvernement est de donner la priorité à l'adoption par des ressortissants guatémaltèques. Le Secrétariat à l'action sociale s'est mis en rapport avec le Congrès afin que la procédure d'adoption soit revue de telle sorte qu'un contrôle soit exercé à tous les stades.

50. Dans le domaine de la justice pour mineurs, des progrès considérables ont été accomplis. En effet, les organes judiciaires chargés des mineurs ont convenu qu'il ne serait plus prononcé de peine privative de liberté ou de détention provisoire frappant un mineur et que ces mesures seraient remplacées notamment par une admonestation, un internement temporaire ou la mise en liberté assistée. Dans le cadre de cette dernière, l'adolescent bénéficie de l'assistance d'un psychologue et d'un travailleur social et, lorsque les accords avec le secteur privé se seront concrétisés, pourra obtenir une bourse d'étude et un emploi. Cependant, s'il récidive, il est placé en établissement d'éducation surveillée. Des actes comme l'enlèvement et la séquestration, le viol et l'homicide donnent lieu à un internement dans ce type d'établissement de trois années au maximum pour les adolescents de 12 à 16 ans et de 5 années pour ceux de 16 à 18 ans. Un progrès a été accompli en ce sens que le tribunal pour mineurs ne porte désormais plus de jugement sur le comportement – qu'il qualifiait auparavant de déviant – de l'enfant, mais sur les faits. Les jeunes en conflit avec la loi reçoivent l'assistance des services du Défenseur des mineurs et du Secrétariat à l'action sociale, avec le concours du Bureau des affaires juridiques. Les fonctionnaires de la justice sont tenus de protéger l'intimité de l'adolescent et les procès se tiennent à huis clos. L'enfant peut recevoir la visite de sa famille à moins que le juge n'en décide autrement. En outre, les établissements de rééducation sont efficacement surveillés et, depuis 2000, un règlement relatif à leur fonctionnement dispose expressément que l'atteinte à l'intégrité des enfants est passible de poursuites. Ce texte contient par ailleurs une définition des droits et obligations des enfants ainsi que des délits et des sanctions correspondantes. En cas de violences entre les jeunes eux-mêmes, une plainte peut être déposée devant le ministère public et le Secrétariat à l'action sociale se constitue partie civile. Les enfants ne sont jamais placés dans des établissements pénitentiaires pour adultes. Il existe trois centres pour les garçons et un centre pour les filles. Comme ces derniers sont parfois très éloignés du lieu d'origine des jeunes, il a été demandé de construire des établissements supplémentaires dans les régions excentrées, mais cela n'a pas été fait car le Gouvernement juge plus constructif d'explorer les possibilités de peines alternatives. Divers programmes sont appliqués dans ces institutions, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé mentale et des loisirs. Il convient de relever que ces établissements pâtissent de l'agressivité extrêmement forte de certains adolescents, en particulier de ceux qui appartiennent à des bandes de quartier. Le Secrétariat à l'action sociale juge important à ce propos d'analyser le phénomène préoccupant des bandes organisées, qui ont un fonctionnement comparable à celui des sectes et sont présentes également dans des pays voisins du Guatemala.

51. Le PRÉSIDENT se félicite du dialogue constructif qui s'est instauré avec la délégation guatémaltèque et note avec satisfaction que les faits nouveaux évoqués montrent que l'État partie est sur la bonne voie. Dans ses recommandations, le Comité mentionnera l'évolution positive de la situation et indiquera également les facteurs et difficultés qui entravent l'application de la Convention, que la délégation a décrits avec objectivité.

52. Le Président rappelle que la délégation a insisté sur le climat de violence qui subsiste dans le pays, notamment la violence des bandes organisées de jeunes et la violence au sein de la famille et à l'école. Bien que des progrès aient été accomplis, il reste encore beaucoup à faire pour venir à bout de ce problème. En ce qui concerne le Code de l'enfance et de l'adolescence, le Comité espère qu'un texte définitif sera adopté dans les meilleurs délais et que des ressources financières seront affectées à sa mise en œuvre. La délégation a évoqué la question de la réforme fiscale et des moyens de trouver les fonds nécessaires pour que le Gouvernement puisse remplir ses obligations en vertu de la Convention. Enfin, même si un grand nombre de problèmes subsistent dans l'État partie, le Comité constate que de manière générale, l'évolution de la situation est encourageante.

53. Mme MUNDUATE GARCÍA (Guatemala) réitère les assurances du Président du Guatemala concernant la volonté d'adopter le Code de l'enfance et de l'adolescence et dit que la préoccupation majeure du Gouvernement est la situation de l'enfance à risque. Étant donné que ses moyens financiers limitent la marge de manœuvre de celui-ci, elle lance un appel aux institutions spécialisées dans le domaine afin qu'elles lui fournissent un appui financier et technique. Enfin, elle assure le Comité que le Gouvernement donnera suite à ses recommandations et que les résultats des mesures prises apparaîtront dans le troisième rapport périodique du Guatemala.


La séance est levée à 18 h 5.

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