Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.255
24 novembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 225ème séance : Holy See. 24/11/95.
CRC/C/SR.255. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Dixième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 255ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 14 novembre 1995, à 10 heures.
Président : Mme BELEMBAOGO

SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties (suite)

Rapport initial du Saint-Siège


__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

La séance est ouverte à 10 h 15.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour)
(suite)

Rapport initial du Saint-Siège (CRC/C/3/Add.27)

1. Sur l'invitation de la Présidente, Mgr Tabet, Mgr Carrascosa, le Révérend Père Roch et M. Buonomo prennent place à la table du Comité.

2. La PRESIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation et l'invite à présenter le rapport initial du Saint-Siège (CRC/C/3/Add.27). Etant donné la nature particulière de cet Etat, le Comité ne lui a pas transmis de liste de questions à traiter, comme il en a l'habitude à l'occasion de l'examen des rapports initiaux des Etats parties. La Présidente souligne les efforts particuliers que le Saint-Siège a déployés en participant aux travaux préparatoires à l'établissement de la Convention, et l'action qu'il mène pour contribuer à la promotion des droits de l'enfant. Le Comité attend de plus amples informations sur cette action et, plus particulièrement, un échange avec la délégation pour mieux comprendre la philosophie du Saint-Siège et lui faire, le cas échéant, des suggestions visant à l'aider à mieux faire appliquer la Convention, non seulement au Saint-Siège, mais aussi dans tous les Etats sous son influence.

3. Mgr TABET (Saint-Siège) souligne que les rédacteurs du rapport (CRC/C/3/Add.27), encouragés par l'appréciation et l'estime que la communauté internationale témoigne à l'égard du Saint-Siège dans l'exercice de sa mission spirituelle et morale dans le monde, ont tenu à y énoncer les principes qui inspirent les actions que le Saint-Siège mène inlassablement pour la promotion, la diffusion et l'application des droits consacrés dans la Convention relative aux droits de l'enfant. En entreprenant la rédaction de ce rapport, les organismes compétents du Saint-Siège ont tenu compte des directives du Comité pour la procédure d'établissement des rapports, mais, en raison de la nature propre du Saint-Siège au sein de la communauté internationale, ont dû faire appel au Centre pour les droits de l'homme et consulter certains experts, ce qui leur a permis de mieux saisir la relation entre les buts poursuivis par le Comité des droits de l'enfant et les principes spécifiques de l'action du Saint-Siège. Si le rapport n'est pas parfaitement conforme à la structure indiquée dans les directives, les orientations du Comité sont au moins respectées, compte tenu des particularités du Saint-Siège.

4. En tant qu'organe suprême du Gouvernement de l'Eglise catholique, le Saint-Siège est depuis toujours reconnu comme sujet souverain de droit international et jouit donc des prérogatives afférentes à ce statut. Ainsi, il a désormais des relations diplomatiques avec 158 pays, est présent dans les organisations intergouvernementales et a adhéré à divers traités internationaux. La souveraineté territoriale qu'exerce le Saint-Siège sur l'Etat de la Cité du Vatican est pour le Saint-Siège le fondement de son économie et a pour seule finalité celle de garantir le libre exercice de sa mission spécifique de portée universelle. C'est dans le contexte d'une telle mission que se situe l'intérêt profond que le Saint-Siège porte aux droits de l'enfant. En promouvant dans le monde entier, à travers les structures de l'Eglise, une "culture" de ces droits, le Saint-Siège est convaincu de remplir fidèlement sa mission et de s'acquitter simultanément et pleinement des obligations dérivant de son adhésion à la Convention.

5. Le premier chapitre du rapport souligne toute l'importance que le Saint-Siège et l'Eglise catholique dans le monde accordent à l'enfant et à sa dignité en tant qu'être humain créé à l'image de Dieu, d'où émanent ses droits ainsi que les devoirs de la société à son égard. Pour assurer une véritable protection de ses droits, le Saint-Siège considère que l'enfant ne peut être dissocié du contexte de la famille, cellule première de la société dont l'épanouissement favorise le bien-être de l'enfant et son développement intégral. Ce chapitre, consacré aux droits inaliénables de l'enfant, explicite en premier lieu ce que le Saint-Siège entend par droit à la vie. Il y est fait référence à la "Charte des droits de la famille", présentée par le Saint-Siège en 1983 à toutes les personnes, institutions et autorités qui s'intéressent à la mission de la famille dans le monde d'aujourd'hui; y sont énumérées les différentes dimensions de ce droit, à savoir la protection et le respect absolu de la vie de l'enfant dès sa conception (excluant par le fait même l'avortement, la manipulation de l'embryon humain et toutes violations de l'intégrité physique de l'enfant), et la protection sociale de l'enfant après sa naissance, ceci en vue de son développement intégral. Quant au droit à l'éducation, le rapport montre comment l'éducation de l'enfant ne peut être décidée à priori mais doit être construite en fonction des caractéristiques personnelles de l'enfant, de ses inclinations et de ses potentialités. Le droit inaliénable et prioritaire des parents d'éduquer leurs enfants est particulièrement mis en valeur par l'article 5 de la Charte susmentionnée, dans lequel l'interdépendance des droits des enfants, des parents et des responsables des écoles et la responsabilité des médias appelés à assurer leur soutien aux valeurs fondamentales de la famille sont soulignées. En ce qui concerne le droit à la liberté de religion, le Saint-Siège met en évidence la position doctrinale de l'Eglise qui est clairement exposée dans la "déclaration sur la liberté religieuse", adoptée solennellement en 1965 par le Concile Vatican II. Ici, le droit des parents acquiert une place centrale car c'est à eux que revient de décider de la formation religieuse à donner à leurs enfants. A la fin de ce premier chapitre, on rappelle la participation du Saint-Siège à l'élaboration de la Convention puis la déclaration et les trois réserves qu'il a formulées au moment de déposer l'instrument de ratification. Enfin, les interventions les plus spécifiques du Saint-Siège pour la défense et la promotion de la Convention sont énumérées.

6. Le deuxième chapitre est consacré à l'action du Saint-Siège en faveur de la protection de l'enfant et de la mise en oeuvre de la Convention. Les structures dont disposent le Saint-Siège et l'Eglise en faveur de l'enfant et de ses droits, ainsi que les très vastes réseaux d'institutions particulièrement dédiées à cette cause sont décrites. A propos de la mise en oeuvre de la Convention, ce chapitre signale d'abord les interventions du pape et divers documents pontificaux. Il cite ensuite la contribution des organisations internationales catholiques dans ce domaine, notamment l'action du Bureau international catholique de l'enfance qui a aussi participé activement et dès le début à la rédaction de la Convention. En tant qu'organisation non gouvernementale, ce Bureau continue de déployer de louables efforts de sensibilisation auprès des instances internationales dans le but de promouvoir l'application de la Convention. Il convient de mentionner en outre, aux niveaux régional et national, l'apport précieux des conférences épiscopales qui disposent de départements et de commissions s'occupant spécialement de l'enfance et qui contribuent efficacement à la promotion et à la protection des droits de l'enfant. Quant aux mesures spéciales de protection de l'enfance, les rédacteurs du rapport ont voulu montrer comment le Saint-Siège, les évêques et les organisations catholiques du monde entier s'étaient mobilisés face à des situations particulièrement graves dans lesquelles se trouvent les enfants : enfants forcés de travailler, exploités sexuellement, vivant dans la rue, toxicomanes, victimes de conflits armés, enfants soldats, orphelins et handicapés.

7. Le troisième chapitre traite du Conseil pontifical pour la famille, dicastère du Saint-Siège qui s'occupe plus directement de l'application de la Convention. Cinq grandes réunions internationales organisées par ce dicastère sont exposées (par. 46 à 60).

8. En guise de conclusion, est cité un extrait du message adressé par le pape Jean-Paul II au Sommet mondial des enfants de 1992, réaffirmant l'engagement de toute l'Eglise catholique de créer un environnement propice au développement intégral de l'enfant, dans ses besoins psychosociaux, culturels, moraux, spirituels et religieux. Le rapport s'accompagne de 27 annexes, qui font connaître divers textes du pape et du Saint-Siège constituant la base de l'action de l'Eglise pour les enfants du monde, sans distinction aucune. Il faut y ajouter une lettre adressée par Jean-Paul II aux enfants le 13 décembre 1994 à l'occasion de l'Année internationale de la famille, dans laquelle le pape soulignait que dans l'histoire de l'enfant de Bethléem on reconnaît le sort des enfants du monde entier. Aujourd'hui les enfants sont encore trop nombreux, en divers endroits du monde, à souffrir de la faim et de la misère, à mourir de maladie et de malnutrition, à tomber victimes des guerres, à être abandonnés par leurs parents et condamnés à rester sans toit. Ils subissent de nombreuses formes de violence et d'oppression de la part des adultes. Comment peut-on rester indifférent face à la souffrance de tant d'enfants, surtout quand, d'une manière ou d'une autre, elle est provoquée par des adultes ?

9. La PRESIDENTE remercie la délégation de la présentation qu'elle a faite du rapport et des documents joints en annexe. Elle invite les membres du Comité à axer dans un premier temps leurs observations et leurs questions sur les mesures d'application générales, puis sur les principes généraux et enfin sur la définition de l'enfant.

10. Mme SANTOS PAÍS relève que le Saint-Siège a formulé trois déclarations, dont la dernière est libellée comme suit : "En devenant partie à la Convention relative aux droits de l'enfant, le Saint-Siège tient à réaffirmer sa préoccupation constante pour le bien-être des enfants et de la famille. Etant donné son caractère et sa position particuliers, le Saint-Siège n'entend pas, ce faisant, renoncer de quelque manière que ce soit à sa mission spécifique qui est d'ordre religieux et moral". Certes le Comité est en présence d'un Etat d'une nature singulière mais il doit tenir compte de son engagement politique pour faire de la Convention une réalité dans le monde; il lui serait donc utile de comprendre mieux les mesures prises par le Saint-Siège pour faire largement connaître la Convention aux adultes comme aux enfants, ainsi que le prévoit l'article 42 de la Convention, compte tenu du grand rayonnement du Saint-Siège dans le monde entier. Il est particulièrement important de savoir dans quelle mesure la Convention, qui considère un enfant comme un être vulnérable ayant besoin d'une protection sociale mais aussi comme un sujet de droit, a été utilisée pour faire mieux comprendre les droits de l'enfant et pour changer les attitudes. Il serait aussi intéressant de connaître les mesures prises par le Saint-Siège pour garantir une formation efficace de toutes les personnes qui travaillent dans des institutions catholiques, de façon que la Convention serve d'instrument pour changer les attitudes et pour faire mieux connaître la Convention. Divers paragraphes du rapport soulignent l'importance du rôle que l'Eglise catholique peut jouer à cet égard; par exemple au paragraphe 23 b) du rapport, il est fait mention d'activités auxquelles participent des milliers de professionnels et de volontaires et dont il serait intéressant de connaître la formation. Mme Santos País se félicite du grand nombre d'institutions qui participent aux activités de l'Eglise en faveur de la santé des enfants (par. 29), mais souhaiterait des éclaircissements sur la formation à l'esprit de la Convention que reçoivent les personnes qui y travaillent. La même remarque vaut pour le personnel des nombreux centres de formation et écoles catholiques qui dispensent une éducation aux enfants, évoqués au paragraphe 31. Au paragraphe 61, il est fait référence à la tradition catholique de services en faveur de ceux qui sont démunis et à la vocation de l'Eglise qui consiste à attacher une attention particulière aux besoins des enfants. Eu égard à l'article 4 de la Convention, il serait utile de connaître la proportion du budget du Saint-Siège alloué à ces activités, en particulier dans le cadre de l'assistance internationale apportée à d'autres pays.

11. En outre Mme Santos País s'interroge sur l'esprit qui a inspiré certaines des réserves du Saint-Siège, en particulier la réserve b) (CRC/C/2/Rev.4, p. 31), selon laquelle "le Saint-Siège interprète les articles de la Convention d'une façon qui sauvegarde les droits fondamentaux et inaliénables des parents, pour ce qui est en particulier de l'éducation, de la religion, de la liberté d'association et du respect de la vie privée". Certes il est précisé dans le paragraphe 17 b) du rapport que les droits des enfants doivent être protégés au cas où il serait prouvé que des abus ont été commis au sein de leur famille, mais à la phrase suivante, on souligne que, dans des circonstances normales, les autorités civiles n'ont pas à intervenir en raison des "droit primordiaux et inaliénables des parents". Mme Santos País souhaiterait savoir comment le Saint-Siège concilie les droits et responsabilités des parents avec la jouissance des droits fondamentaux des enfants, dans la famille et à l'école. Elle se félicite de ce que le Saint-Siège condamne clairement toutes formes de violence contre des enfants, mais ces violences ont souvent lieu dans la famille et à l'école; il serait donc important de connaître le rôle que le Saint-Siège a joué, ou peut jouer, pour exprimer clairement qu'il est nécessaire d'arriver à un compromis avec les enfants et de ne pas leur imposer des mesures violentes ou des châtiments corporels. Le Saint-Siège est souvent perçu par la population comme une référence et peut donc efficacement jouer ce rôle.

12. M. KOLOSOV dit que l'article 2 de la Convention impose aux Etats parties des obligations à l'égard de "tout enfant relevant de leur juridiction" et se demande quelle portée il faut donner à la notion de "juridiction" dans le cas très particulier du Saint-Siège. En ce qui concerne les réserves formulées au sujet de la Convention, il est affirmé qu'elles sont conformes à l'article 51 de la Convention, lequel interdit toute "réserve incompatible avec l'objet et le but" de la Convention; le premier objet de la Convention est de protéger les droits des enfants qui relèvent de la juridiction des Etats parties et se pose ici encore la question de la juridiction du Saint-Siège. Le deuxième objet est de reconnaître en chaque enfant un sujet de droit et non pas seulement une personne que la société ou la famille se doit de protéger. Or, d'après le texte de la réserve b) formulée par le Saint-Siège, celui-ci "interprète les articles de la Convention d'une façon qui sauvegarde les droits fondamentaux et inaliénables des parents, pour ce qui est en particulier de l'éducation, de la religion, de la liberté d'association et du respect de la vie privée". On peut se poser la question de la compatibilité entre cette réserve et l'un des quatre principes fondamentaux de la Convention, à savoir l'obligation pour les Etats parties de garantir à l'enfant capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion. M. Kolosov voudrait connaître la position de la délégation du Saint-Siège sur cette question.

13. Mme BADRAN se demande si, compte tenu de la nature du rôle joué par le Saint-Siège, un problème de responsabilité ne se pose pas en ce qui concerne les enfants qui fréquentent des institutions dirigées par le Saint-Siège mais relevant de la juridiction d'un autre Etat partie à la Convention, surtout si l'Etat partie applique une politique en matière de promotion et de protection des droits de l'enfant différente de celle des institutions catholiques. On peut dès lors se demander si ces institutions relèvent du Saint-Siège ou de l'Etat partie dans lequel elles opèrent. Comment un éventuel conflit est-il résolu ?

14. Mme EUFEMIO demande si, compte tenu de l'influence qu'on lui attribue dans les pays où le catholicisme prédomine, le Saint-Siège joue un rôle de coordination en ce qui concerne les programmes et les activités de développement dont le rapport fait état et s'il encourage les pays concernés à mentionner ces programmes et ces activités dans les rapports présentés au Comité, à évaluer l'effectif de la population bénéficiaire et à analyser les difficultés rencontrées dans leur mise en oeuvre. A cet égard, le Saint-Siège a-t-il rassemblé des données dans les pays qui mettent ces programmes en oeuvre et a-t-il élaboré des indicateurs destinés à en évaluer l'efficacité ? Enfin, Mme Eufemio souhaite savoir si le Saint-Siège a effectué des études afin de déterminer si certaines activités et certains programmes sont susceptibles d'être supprimés, modifiés, ou étendus et si les projets pilotes actuellement mis en oeuvre, aux Philippines notamment, pourraient être appliqués dans d'autres pays.

15. Mme KARP constate que les principaux instruments de base mentionnés dans le rapport du Saint-Siège datent de 1965 et d'autres datent d'avant la ratification de la Convention. Ces instruments ne peuvent, par conséquent, refléter fidèlement les principes fondamentaux de la Convention. Par exemple, au paragraphe 12 du rapport l'accent est mis sur la liberté religieuse des parents mais rien n'est dit de la liberté de l'enfant au sein de la famille. De même, le paragraphe 9 fait état de la nécessité de permettre aux parents de participer au fonctionnement des écoles mais ne mentionne pas le droit de l'enfant à participer à tout ce qui a trait à l'enseignement. Mme Karp souhaite dès lors savoir s'il est prévu d'examiner ces instruments fondamentaux, afin d'évaluer la manière dont ils reflètent la nouvelle philosophie dont est porteuse la Convention relative aux droits de l'enfant.

16. M. MOMBESHORA, s'intéressant plus particulièrement à l'article 42 de la Convention, par lequel les Etats parties s'engagent à "faire largement connaître les principes et les dispositions" de la Convention, souhaite savoir si le Saint-Siège, qui bénéficie d'une large audience dans le monde, s'est efforcé de diffuser la Convention dans les diverses langues des pays où s'exerce son influence et s'il a pris des mesures pour intégrer la Convention aux programmes scolaires des nombreuses écoles qu'il contrôle. Enfin, il serait intéressant de savoir si les autorités du Saint-Siège ont éprouvé des difficultés pour obtenir la participation du plus grand nombre possible d'acteurs intéressés lors de la rédaction du rapport et si celui-ci a été communiqué au public.

17. Mlle MASON estime qu'il ne serait peut-être pas inutile que les membres du Comité disposent d'informations sur la géographie, la démographie, les structures politiques, et les pouvoirs législatif et judiciaire du Saint-Siège. Même si le Saint-Siège est un Etat particulier, des informations sur la population qui le compose, sur le nombre d'enfants qui y vivent et sur son système de gouvernement permettraient de mieux comprendre les raisons qui ont poussé le Saint-Siège à ratifier la Convention. Par ailleurs, Mlle Mason demande quels sont les facteurs et les difficultés qui pourraient, de l'avis de la délégation du Saint-Siège, avoir empêché la mise en oeuvre de la Convention.

18. La PRESIDENTE propose une brève suspension de séance, pour permettre à la délégation du Saint-Siège de regrouper les questions posées par les membres.

La séance est suspendue à 11 h 10; elle est reprise à 11 h 35.


19. M. BUONOMO (Saint-Siège) précise tout d'abord que le Saint-Siège est l'organe du gouvernement de l'Eglise catholique et est composé du pape et de divers dicastères, compétents dans divers aspects de la vie de l'Eglise catholique. Depuis 1929, le Saint-Siège dispose d'un petit territoire, appelé Cité du Vatican, où il exerce sa souveraineté. La Cité du Vatican a pour but de garantir au Saint-Siège le libre exercice de sa mission spécifique. Il n'y a pas de citoyens du Saint-Siège mais les gens qui travaillent pour le Saint-Siège sont citoyens de jus officii - c'est-à-dire suite à leur engagement vis-à-vis du Saint-Siège - de l'Etat de la Cité du Vatican. Il n'y a donc pas d'enfants sur le territoire du Vatican. Le Saint-Siège n'en a pas moins ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant parce qu'il exerce une juridiction morale et - même si les enfants sont soumis aux lois du pays dans lequel ils résident - il fait oeuvre d'éducation des consciences.

20. La réserve b) formulée par le Saint-Siège a été établie compte tenu de l'article 5 de la Convention qui donne des garanties aux parents, ainsi qu'aux membres de la famille élargie ou de la communauté.

21. Le budget du Saint-Siège est essentiellement administratif. Il est alimenté par les contributions des différentes communautés catholiques dans le monde et une partie est consacrée à l'action en faveur du développement. Un dicastère spécifique est chargé de tout ce qui a trait au développement, décide des aides à accorder aux pays qui en ont besoin et coordonne l'action des églises locales. Ce dicastère élabore les grandes orientations mais les églises locales jouissent d'une certaine autonomie pour développer tel ou tel aspect d'un programme de développement en fonction de la situation sur le terrain.

22. Le droit canon, qui est la législation du Saint-Siège, fait référence aux droits de l'enfant et surtout à la position des enfants dans la famille. La législation actuelle a été élaborée en 1993 et tient compte non seulement de la Convention mais également d'autres instruments internationaux, comme la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Une étude est en cours pour déterminer si le Saint-Siège est en mesure d'adhérer à la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Cela dit, toute la législation du Saint-Siège est inspirée par sa mission spirituelle et a le bien commun de la famille humaine comme objectif.

23. Le Révérend Père ROCH (Saint-Siège), abordant le thème de la formation des agents qui s'occupent de l'éducation et de la santé des enfants, dit que cette question s'inscrit dans le cadre de la juridiction très particulière, puisque morale, qu'exerce le Saint-Siège. Dans ce contexte, le Saint-Siège promeut, à travers les dicastères responsables, toutes les valeurs que la Convention véhicule dans le cadre de la formation de tous les agents qui s'occupent de l'éducation des enfants parallèlement aux Etats parties dont ces enfants relèvent. L'Eglise apporte une dimension morale et soutient l'action des Etats partout où elle n'est pas contraire à ses valeurs. Il existe donc une complémentarité entre l'action des Etats, chargés des écoles et des hôpitaux, par exemple, même si la Conférence épiscopale assure la direction de certains d'entre eux, et celle du Saint-Siège qui promeut les valeurs qui sont les siennes.

24. En ce qui concerne la question de l'interdépendance entre les droits des parents, ceux de l'enfant et ceux de l'Etat, le Saint-Siège reconnaît que les parents ont le devoir d'orienter et de conseiller leur enfant d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités, conformément à l'article 5 de la Convention. Cet article revêt une importance particulière car il met en exergue la relation entre les droits des parents, ceux de l'enfant et ceux de l'Etat.

25. Pour ce qui est des projets pilotes évoqués par Mme Eufemio, le Révérend Père Roch pense que les membres du Comité, les organisations gouvernementales avec lesquelles ils sont en contact, les délégations des Etats parties et les organisations non gouvernementales doivent s'efforcer de promouvoir des projets pilotes et d'encourager éventuellement leur mise en oeuvre dans d'autres pays.

26. Répondant à la question de savoir si le texte de la Convention est traduit dans d'autres langues, le Révérend Père Roch souligne que les membres du clergé et les organisations non gouvernementales ne sont pas les seuls à avoir pour tâche de traduire la Convention, les Etats ont eux aussi ce devoir. Il faut unir les efforts dans ce domaine et créer un climat de solidarité entre tous les agents chargés de promouvoir les droits de l'enfant. Le Révérend Père Roch pense lui aussi que les dispositions de la Convention devraient être enseignées à l'école.

27. Enfin, concernant l'élaboration du rapport du Saint-Siège, les organisations non gouvernementales catholiques ont été consultées et ont participé à la rédaction du rapport.

28. M. BUONOMO (Saint-Siège), donnant quelques précisions sur le fonctionnement du Saint-Siège, indique que le Saint-Siège est l'organe de gouvernement de l'Eglise catholique; il est composé du pape et des différents dicastères. Il entretient des liens d'unité et de foi avec les évêques. Dans chaque pays les églises ont une autonomie de gestion, mais dépendent du Saint-Siège pour ce qui est de la doctrine et des principes moraux. Elles sont composées de prêtres, de religieux et de laïques. Elles ont des établissements scolaires et sociaux et des hôpitaux qui ont été créés en application de la législation nationale de l'Etat sur le territoire duquel elles sont implantées, mais qui sont gérés par les évêques selon les principes moraux et spirituels du Saint-Siège. Des conférences épiscopales se tiennent régulièrement dans la plupart des pays. Des réunions de coordination sont organisées avec les différents dicastères du Saint-Siège en vue d'établir des lignes de conduite communes dans les différents domaines traités par les conférences épiscopales. Ainsi, une réunion doit être organisée prochainement à Rome à l'intention du Conseil pontifical pour le développement en vue d'examiner la question de l'alimentation dans le monde et de formuler des propositions concrètes qui seront présentées au prochain sommet de l'alimentation de la FAO. Il est également question dans le rapport du Saint-Siège des réunions organisées à l'intention du Conseil pontifical pour la famille, dicastère compétent en matière de droits de l'enfant, qui ont porté sur la santé, l'éducation, la scolarité et le développement social. Les principes qui gouvernent les activités de l'Eglise et du Saint-Siège sont l'évangélisation - la diffusion du message chrétien - et la promotion de l'homme. Le pape est le souverain de l'Etat du Vatican, lequel n'a pas de dicastère, mais est subordonné à l'activité administrative et politique du secrétariat d'Etat, l'un des dicastères du Saint-Siège. L'Etat du Vatican garantit au Saint-Siège toute liberté d'action, comme le soulignent les Accords du Latran de 1929. Ses fonctions sont régies par des dispositions administratives. Le Saint-Siège est un sujet de droit international : il peut entretenir des relations diplomatiques, faire partie d'organisations gouvernementales internationales et conclure des traités bilatéraux avec les Etats réglant la situation de l'Eglise sur le territoire soumis à leur juridiction (concordats). Le Saint-Siège a une structure hiérarchisée qui lui permet de promouvoir le bien-être de l'homme jusque dans les plus petits villages.

29. Le Révérend Père ROCH (Saint-Siège) indique que le Saint-Siège reconnaît à l'enfant le droit de participer au fonctionnement et à la vie de l'école d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités. Les principes de l'éducation doivent en effet être modulés en fonction de l'évolution psychologique et mentale de l'enfant.

30. Les conflits éventuels entre l'Eglise et l'Etat en matière d'éducation sont résolus sur place par les conférences épiscopales et les organes gouvernementaux compétents dans un esprit de respect mutuel, chacun devant collaborer pour promouvoir l'intérêt supérieur de l'enfant.

31. M. KOLOSOV estime tout d'abord que l'article 5 auquel la délégation du Saint-Siège fait référence est indissociable de l'article 12 de la Convention selon lequel les opinions de l'enfant doivent être dûment prises en compte. Il constate par ailleurs avec inquiétude que dans certains pays les enfants des familles catholiques semblent faire l'objet d'une discrimination dans des domaines tels que l'éducation, par rapport aux enfants d'autres confessions. Il rappelle que la discrimination fondée sur la religion est proscrite par le premier paragraphe de l'article 2 de la Convention.

32. Pour ce qui est des responsabilités internationales des Etats parties à la Convention, M. Kolosov constate que les responsabilités du Saint-Siège sont de nature purement morales alors que les autres Etats parties ont des devoirs plus concrets. Ainsi, le Saint-Siège peut reprocher à un Etat partie de ne pas prendre les mesures législatives et administratives requises pour donner effet aux dispositions de la Convention, mais cet Etat partie ne peut en faire autant vis-à-vis du Saint-Siège. De même, un Etat partie peut faire référence à la position du Saint-Siège ou aux réserves qu'il a formulées lors de son adhésion à la Convention pour justifier sa propre position ou le dépôt de réserves. Cette inégalité risque de rendre plus difficile la tâche du Comité. Tout en reconnaissant l'importance des activités menées par le Saint-Siège, M. Kolosov se demande s'il ne serait pas plus utile que l'Etat du Vatican ait un statut d'observateur.

33. Enfin, se référant au paragraphe 10 d) du rapport du Saint-Siège, selon lequel les droits des parents se trouvent violés quand est imposé par l'Etat un système obligatoire d'éducation d'où est exclue toute forme religieuse, M. Kolosov rappelle que le Saint-Siège a approuvé le principe contenu dans l'Acte final d'Helsinki selon lequel tout individu est libre de n'avoir aucune religion. Il se demande pourquoi il n'en irait pas de même pour la Convention.

34. Mme SANTOS PAÍS dit que le Comité n'est pas réuni pour formuler des critiques ou exprimer des préoccupations, mais pour encourager le réseau considérable d'institutions catholiques dans le monde à jouer un rôle encore plus important dans la protection et la promotion des droits de l'enfant. Il faut reconnaître l'influence des autorités religieuses dans le monde et l'importance que revêt la collaboration active avec les différentes religions pour la protection des valeurs et des principes énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Le Comité doit saisir la possibilité unique qui lui est offerte de mettre à profit le réseau de l'Eglise catholique pour transmettre partout dans le monde le message contenu dans la Convention et essayer d'encourager l'Eglise à jouer un rôle encore plus grand dans certains domaines.

35. Mme Santos País tient à appeler l'attention sur le rôle éminemment positif joué par l'Eglise catholique dans son pays, en tant que porte-parole des groupes les plus faibles de la population. Ses interventions auprès des pouvoirs publics contribuent largement à l'amélioration de la situation des enfants, encore que dans certains domaines son apport ne soit pas à la mesure de ses moyens. A cet égard, les principes de la Convention devraient être davantage pris en compte dans les concordats que le Saint-Siège conclut avec certains gouvernements. Compte tenu de l'influence morale que l'Eglise catholique exerce dans de nombreuses sociétés, elle pourrait aider encore plus à propager les valeurs véhiculées par la Convention, notamment en encourageant plus activement l'enseignement des principes de cet instrument dans les écoles catholiques. La diffusion de la Convention dans les langues des groupes minoritaires est un autre domaine où un apport accru du Saint-Siège serait apprécié. L'Eglise pourrait notamment aider les pays pauvres à établir les traductions du texte de la Convention dont ils ont besoin et surtout à produire dans différentes langues locales des documents de vulgarisation accessibles aux enfants. Il y a aussi le problème du manque de ressources. L'Eglise catholique ne devrait pas se contenter d'interpeller passivement les consciences. Il faut qu'elle intervienne concrètement pour que son action serve d'exemple à tous ceux qui oeuvrent au niveau national pour la promotion des droits de l'enfant.

36. Il y a lieu de noter l'accent mis dans le rapport initial du Saint-Siège sur le développement harmonieux de l'enfant aussi bien sur le plan physique, moral qu'intellectuel. Le paragraphe 33 de ce document souligne la nécessité de diffuser des méthodes d'éducation appropriées. Mme Santos País voudrait, à ce propos, savoir quelles sont les méthodes pédagogiques utilisées dans les établissements catholiques. Dans quelle mesure favorisent-elles le développement harmonieux de l'enfant ?

37. Se référant aux réserves formulées par le Saint-Siège au sujet de certains articles de la Convention, Mme Santos País demande s'il n'y a pas une tendance à accorder plus d'importance aux droits des parents qu'à ceux des enfants. Comment éviter par exemple que certains problèmes soient passés sous silence sous prétexte qu'il ne faut pas s'ingérer dans la vie privée de la famille ? Il est en effet impératif qu'en cas d'abus non seulement les pouvoirs publics mais aussi une autorité morale telle que l'Eglise puissent intervenir pour convaincre certains parents que la violence n'est pas la solution et qu'il faut aussi savoir parler à son enfant et l'écouter.

38. Mme Santos País appelle l'attention sur le paragraphe 8 du rapport du Saint-Siège où il est question de certains groupes qui ont besoin d'une protection spéciale. Tout en partageant les préoccupations de l'Eglise catholique à leur égard, elle se demande si les efforts du Saint-Siège visent uniquement à les protéger ou si au contraire il y a aussi une volonté de promouvoir leur droit de participer à la vie de la société et d'exprimer leurs points de vue sur les questions qui les concernent.

39. Mme KARP croit savoir que certains documents adoptés par l'Eglise catholique depuis le début des années 90 contiennent des références aux droits de l'enfant envisagés dans l'optique de la Convention. Elle voudrait savoir à cet égard quel est l'ordre hiérarchique de certains documents de l'Eglise tels que les exhortations apostoliques, les chartes, les déclarations et les messages. Compte tenu de l'influence morale de ces documents, le Saint-Siège a-t-il l'intention de revoir à la lumière des principes de la Convention ceux d'entre eux qui sont le plus fréquemment utilisés dans le cadre de l'enseignement ? En quoi les documents datant des années 90 sont-ils différents des anciens ?

40. Mme BADRAN, se référant au paragraphe 9 du rapport (Droit à l'éducation), dit qu'elle ne peut souscrire à l'idée que l'éducation doit être conforme à la culture et aux traditions nationales. En effet, dans certains cas les éducateurs doivent même lutter contre certaines pratiques traditionnelles qui sont préjudiciables à l'enfant. De même l'idée que l'éducation doit tenir compte de la différence des sexes est pour le moins surprenante. Sur quels critères l'Eglise se fonde-t-elle pour établir une distinction entre les filles et les garçons ? Dans toute la section du rapport consacrée à l'éducation, l'accent est mis sur le rôle primordial de la famille pour tout ce qui a trait à la formation de l'enfant. Or dans certains pays pauvres, les parents sont souvent analphabètes et ignorent tout des objectifs du système d'enseignement. S'il est tout à fait légitime qu'ils aient leur mot à dire sur l'instruction de leurs enfants, les choix en la matière ne peuvent en aucun cas être laissés à leur entière discrétion.

41. Mme EUFEMIO dit que, selon les renseignements dont elle dispose, il arrive de plus en plus souvent que l'Eglise dissolve des mariages, ce qui a amené certains à dire qu'il est plus facile de faire annuler un mariage par l'Eglise que par les tribunaux.

42. Sachant que certains établissements d'enseignement catholiques ont tendance à ne pas accepter les enfants dont les parents ont annulé leur mariage, il se pose la question de savoir comment le Saint-Siège, qui défend la liberté de choisir dans le domaine de l'enseignement, entend-il juguler l'augmentation du nombre de mariages annulés par les autorités ecclésiastiques. Compte tenu de l'importance accordée par le Saint-Siège à la préparation à la vie conjugale et aux conseils prématrimoniaux, est-il envisagé d'intensifier le recours à de telles méthodes ?

43. Mlle MASON croit comprendre que dans certains pays la politique des établissements d'enseignement catholiques consiste à exclure tout élève dont les parents sont en instance de divorce afin de préserver le principe de l'unité de la famille et demande quelle est la position du Saint-Siège sur cette question. Dans certains cas (incestes, sévices sexuels, etc.) l'enfant doit être éloigné de sa famille. Une telle mesure n'est-elle pas en contradiction avec le principe du droit inaliénable des parents sur l'enfant que défend l'Eglise et peut-on au nom de ce principe justifier le recours aux châtiments corporels au sein de la famille ? L'Eglise catholique a promulgué une Charte des droits de la famille. Vu que sur certains points ce document est en conflit avec les dispositions de la Convention, on peut se demander si le Saint-Siège envisage d'adopter une charte des droits de l'enfant.

44. M. BUONOMO (Saint-Siège), répondant à une question de M. Kolosov à propos des articles 5 et 12 de la Convention, dit que le Saint-Siège ne voit aucune objection à ce que l'enfant ait son mot à dire dans le choix de son école ou à ce qu'il puisse exprimer librement son point de vue. Le respect de l'opinion de chacun est un des principes fondamentaux de l'Eglise catholique. Sa position sur la question de la liberté de religion est à cet égard éloquente : pour le Saint-Siège un parent peut donner sa religion mais n'a pas le droit de l'imposer.

45. S'agissant de la discrimination dont seraient victimes certains enfants catholiques par rapport à d'autres, le représentant du Saint-Siège rappelle que les problèmes de ce type sont généralement réglés directement avec les Etats au moyen de concordats ou d'autres types d'arrangement. Cela dit, ces dernières années, l'examen avec les autorités nationales de la situation des communautés catholiques a été confié aux conférences épiscopales, ce qui a permis de résoudre de nombreux problèmes. Malheureusement, de nombreux Etats peu respectueux de la liberté d'opinion, d'expression et de religion continuent d'adopter des politiques, des lois ou des mesures administratives contraires au principe de la non-discrimination.

46. En ce qui concerne la responsabilité internationale résultant de la signature d'un traité, M. Buonomo fait observer que même si la juridiction du Saint-Siège est morale elle s'applique à des personnes. A ce titre, l'action d'un évêque ou d'un établissement scolaire engage la responsabilité de l'Eglise.

47. A propos des réserves formulées par le Saint-Siège, il y a lieu de signaler que l'article 47 de la Convention stipule que cet instrument est ouvert à tous les Etats. Or selon la définition retenue par l'Organisation des Nations Unies le Saint-Siège en est un. A ce titre, il est habilité à émettre des réserves. Mais, pour que ces réserves soient valides, elles doivent être approuvées par les autres Etats parties à la Convention. Jusqu'à présent, aucun de ces Etats n'a formulé d'objection.

48. La référence dans la Charte de la famille au droit des parents d'éduquer leurs enfants est à mettre en rapport avec certaines situations, où l'Etat impose un système d'enseignement. Le Saint-Siège considère qu'une telle mesure est incompatible avec la Déclaration universelle des droits de l'homme qui accorde aux parents le droit d'éduquer leurs enfants comme ils le souhaitent et avec les dispositions du Principe VII de la Conférence d'Helsinki qui garantissent la liberté de conscience, de croyance et de religion. La liberté de l'enseignement, qui inclut la possibilité de choisir une école et de créer un établissement scolaire, est l'un des éléments constitutifs de liberté de religion.

49. Pour répondre à une question posée par Mme Santos País, M. Buonomo appelle l'attention sur l'accord conclu l'an passé par le Saint-Siège et Israël qui garantit le droit de chaque citoyen d'opter pour le type d'enseignement qui correspond le mieux à sa propre religion. L'affirmation de ce principe témoigne de la volonté des deux parties de tenir compte des dispositions de la Convention.

50. Le Révérend Père ROCH, répondant à des questions posées par Mme Badran, dit que même si certaines traditions ne correspondent pas tout à fait aux valeurs que préconise l'Eglise, le Saint-Siège est d'avis que grâce au dialogue il est toujours possible d'assurer une certaine complémentarité et de concilier des éléments qui semblaient de prime abord conflictuels. C'est une question de respect pour ceux qui vivent dans d'autres cultures. A condition de s'accepter mutuellement, il est toujours possible de trouver un terrain d'entente. Le processus d'élaboration de la Convention en est d'ailleurs le meilleur exemple. Comme l'ont fait observer certains, cet instrument constitue un compromis constructif entre différentes positions qui étaient au départ divergentes.

51. L'enfant a un sexe : c'est là une évidence. Une mère ne parle pas de la même manière à sa fille et à son garçon. Cependant au sens large, il n'y a pas une éducation qui s'adresse spécifiquement aux garçons ou aux filles. Par rapport au passé, où il y avait une nette séparation entre les sexes, une certaine évolution s'est produite, et il faut reconnaître que le Saint-Siège a fait preuve de beaucoup de compréhension et d'humanité.

52. A propos des craintes exprimées au sujet du rôle de la famille dans l'éducation de l'enfant, le Révérend Père Roch dit qu'il est légitime que ceux qui ont donné naissance à l'enfant aient le droit de choisir l'établissement dans lequel il sera éduqué, étant entendu qu'il faut maintenir en toutes circonstances le dialogue entre tous ceux qui s'occupent de l'éducation de l'enfant. L'affirmation selon laquelle, du fait du manque d'instruction des parents dans les pays pauvres, les enfants, à qui une certaine éducation est imposée, sont pénalisés, est pour le moins surprenante. Ayant vécu en Afrique pendant 17 ans, le Révérend Père Roch a pu constater que l'éducation assurée par certaines familles très modestes était du point de vue des valeurs de bon sens et d'humanité aussi bonne que celle qui est dispensée dans certains pays plus aisés.

53. La PRESIDENTE propose à la délégation du Saint-Siège, compte tenu de l'heure tardive, de répondre aux autres questions posées par les membres du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 13 heures.

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