Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1338
26 novembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1338ème séance : Iran (Islamic Republic of). 26/11/99.
CERD/C/SR.1338. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Cinquante-cinquième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1338ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 4 août 1999, à 15 heures

Président : M.ABOUL-NASR

puis : M. SHERIFIS



SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

- Treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la République islamique d'Iran


La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la République islamique d'Iran (CERD/C/338/Add.8; HRI/CORE/1/Add.106)

1. Sur l'invitation du Président, M. Khorram, M. Mehrpour, Mme Choubak, M. Shafee Shakib, M. Hossein Nahazi, M. Resvani, Mme Ghol-Ahmadi, M. Taghvi, M. Fannizadeh, M. Mamdouhi et Mme Hossaini Haghighat (République islamique d'Iran) prennent place à la table du Comité.

2. M. KHORRAM (République islamique d'Iran), présentant le rapport de son pays, dit que le Gouvernement iranien attache une grande importance à la lutte contre la discrimination raciale, comme l'a démontré sa participation à l'action internationale contre l'apartheid. Depuis que la République islamique d'Iran a ratifié la Convention, en 1968, elle a pris des mesures tant législatives que concrètes afin d'en assurer pleinement la mise en oeuvre et de promouvoir la justice sociale. Les travaux du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale revêtent donc à ses yeux la plus grande importance.

3. L'Iran est réputé pour la coexistence pacifique et l'harmonie séculaires régnant entre ses différentes composantes ethniques et linguistiques, liées par leur histoire, leur culture et leurs traditions et par leur aspiration à une destinée commune. En dépit de son caractère multiethnique, l'Iran est donc une société homogène qui ignore depuis toujours les distinctions ethniques ou tribales et n'a jamais utilisé la discrimination raciale à des fins politiques ou sociales. Les clivages ethniques ainsi que les divisions entre majorité, d'une part, et minorités, d'autre part, y sont inconnus. Seule compte l'identité nationale qui unit les Iraniens.

4. Le Gouvernement iranien a élaboré le rapport périodique à l'examen en tenant compte des principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports présentés par les Etats parties conformément au paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention. Il a associé à cette activité les ministères compétents ainsi que les organisations gouvernementales et non gouvernementales concernées. A l'aide notamment de multiples exemples, le rapport met en lumière l'esprit de non-discrimination sous-tendant la législation iranienne, qui prévoit l'égalité des droits entre tous, sans aucune distinction ni aucun privilège fondés sur la race, l'ethnie, la couleur ou la langue des citoyens. Toute violation des dispositions légales interdisant la discrimination raciale peut être signalée aux organes compétents tels que la Commission islamique des droits de l'homme et donner lieu à des poursuites. D'autres organes, tels que le Conseil des gardiens de la Constitution, sont chargés de vérifier la conformité des nouveaux textes de lois avec les dispositions de la Constitution et il incombe au Conseil chargé du suivi et de la surveillance de la mise en oeuvre de la Constitution de contrôler la mise en oeuvre de la loi fondamentale, sous l'autorité directe du Président de la République. Par ailleurs, les citoyens qui s'estiment victimes d'abus de la part d'un agent de l'Etat dans l'exercice des ses fonctions peuvent porter plainte devant les tribunaux, le Parlement, le tribunal administratif compétent et l'Organisation générale d'inspection publique. La loi de 1977 sur la répression de la propagande en faveur de la discrimination raciale (par. 47 du rapport) prévoit une peine de six mois de prison pour la diffusion d'idées prônant la discrimination raciale ou ethnique. Le Gouvernement iranien s'attache scrupuleusement à faire respecter le principe de non-discrimination, conformément aux engagements pris personnellement par le Président de la République pendant la campagne présidentielle de 1997.

5. M. Khorram indique que le rapport de son pays ne contient pas de statistiques sur la composition ethnique de la société iranienne car il n'en est pas établi. Cependant, les données démographiques régionales issues du recensement national donnent une idée approximative du profil ethnique du pays et de la concentration géographique de certains groupes ethniques. Les seules statistiques démographiques figurant dans le rapport concernent donc les nomades, populations qui font l'objet d'un dénombrement particulier ayant pour but de faciliter l'organisation des services publics qui leur sont destinés.

6. Le rapport de l'Iran contient également des renseignements sur les mesures préférentielles prises en faveur des habitants des régions défavorisées et des populations nomades dans les domaines de l'éducation et de la santé afin d'assurer la justice sociale et de supprimer les inégalités.

7. Tous les droits énoncés à l'article 5 de la Convention peuvent être exercés sans distinction par tous les citoyens. Chacun peut participer ou se présenter librement aux élections qui sont organisées régulièrement en Iran, par exemple aux niveaux municipal et communautaire. En ce qui concerne les droits relatifs au travail (par. 79), le nouveau Code du travail, fondé sur les conventions de l'Organisation internationale du travail qui consacrent le principe de la non-discrimination en matière d'emploi, stipule dans son article 6 que les Iraniens ont les mêmes droits indépendamment de leur appartenance tribale ou ethnique et que la couleur, la race, la langue ou toute autre situation ne peuvent donner lieu à aucun privilège.

8. Toujours en relation avec l'article 5 de la Convention, tous les Iraniens bénéficient sans aucune discrimination des services publics de santé, de soins médicaux, de sécurité sociale et d'aide sociale, grâce à quoi on a pu améliorer considérablement tous les indicateurs pertinents. Les Iraniens bénéficient gratuitement de l'éducation universelle et des programmes spéciaux sont prévus pour les personnes vivant dans les régions moins avancées.

9. La liberté d'opinion et d'expression est garantie par l'article 23 de la Constitution (par. 75 du rapport) et les différentes communautés ethniques et linguistiques publient des livres, journaux et autres ouvrages et participent à de nombreuses manifestations culturelles et artistiques grâce à des subventions publiques. Le gouvernement encourage donc activement le développement de toutes les cultures minoritaires, qu'il considère comme un élément du patrimoine national. Conformément à cette politique de développement culturel, le gouvernement finance intégralement de nombreux programmes radiodiffusés dans les langues régionales (par. 100 du rapport). Par ailleurs, le pays compte 2,1 millions d'immigrants et de réfugiés, auxquels il est fourni des aliments, un logement et différents services, toutes initiatives saluées, il convient de le noter, par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

10. Le représentant de la République islamique d'Iran souligne que l'ordre juridique de son pays et l'action menée par son gouvernement contribuent conjointement à assurer l'égalité et la protection des Iraniens sans aucune discrimination liée notamment à la race, à la couleur, à la langue ou à l'origine ethnique. Enfin, le Gouvernement iranien a lui-même entrepris une campagne nationale d'information pour faire connaître leurs droits à tous les Iraniens.

11. M. van BOVEN (Rapporteur pour la République islamique d'Iran) dit que l'importante délégation iranienne venue dialoguer avec les membres du Comité atteste de l'intérêt évident qu'accorde le pays aux activités du Comité et de son attachement à la lutte contre la discrimination raciale. Il rappelle que l'Etat partie a ratifié la Convention en 1968 sans émettre aucune réserve.

12. Les conclusions qu'avait formulées le Comité lors de l'examen du dernier rapport de l'Etat partie, en 1993, ont été largement prises en considération. En revanche, il est regrettable que le rapport à l'examen contienne moins d'informations concrètes que le précédent au sujet de la mise en œuvre de la Convention et très peu d'éléments concernant le statut juridique de celle-ci.

13. On ne peut que se féliciter des mesures positives prises par les autorités iraniennes en faveur des groupes de population défavorisés et, en particulier, des Kurdes iraniens, des Azéris d'Iran, des Baloutches, des Lurs, des groupes arabophones et des nomades (par. 9 du rapport). Pourtant, dans son dernier rapport à la Commission des droits de l'homme (voir E/CN.4/1999/32), le Représentant spécial de la Commission sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, M. Copithorne, mettait l'accent sur la situation défavorable des Baloutches sur le plan de l'éducation, de la santé et des possibilités d'emploi. La délégation iranienne peut-elle apporter des précisions à ce sujet ?

14. Le rapport indique par ailleurs (par. 17) que l'Iran a accueilli au total 2,1 millions de réfugiés, ce qui témoigne d'un effort considérable des autorités. Or, selon certaines informations transmises au Comité, des problèmes auraient surgi, par exemple pour l'enregistrement de mariages entre des réfugiés et des Iraniennes et des enfants nés de ces unions. La délégation peut-elle infirmer ou confirmer ces informations ?

15. Relevant plus loin dans le rapport, en relation avec l'application de l'article 2 de la Convention (par. 21), que bien qu'elle n'ait jamais promulgué de législation de nature discriminatoire, la République islamique d'Iran revoit toujours ses lois, règles et règlements pour permettre au pouvoir exécutif de mieux appliquer les dispositions de la Constitution, notamment l'article interdisant toute forme de discrimination, M. van Boven aimerait savoir comment cet examen se déroule et si le Conseil chargé du suivi et de la surveillance de la mise en oeuvre de la Constitution, récemment créé par le Président, joue un rôle dans cet exercice.

16. Il est aussi rendu compte (par. 22 à 43) des mesures prises pour éliminer toute discrimination dans les régions habitées par des groupes ethniques ou nomades et améliorer la situation des populations défavorisées, notamment pour ce qui concerne l'accès à l'éducation, les soins de santé et le développement en général. M. van Boven souhaiterait cependant que dans leur prochain rapport les autorités iraniennes donnent des renseignements plus précis sur le nombre d'écoles et d'emplois créés dans ces régions, en particulier. Enfin, la délégation iranienne peut-elle confirmer qu'il n'existe pas en Iran de discrimination raciale (voir par. 44 du rapport) et préciser si les tribunaux iraniens ont été saisis d'affaires impliquant des violations de l'article 4 de la Convention ?


La séance est suspendue à 16 h 5; elle est reprise à 16 h 20.

17. M. van BOVEN (Rapporteur pour la République islamique d'Iran), passant à la question du droit à la sécurité de la personne, note que toutes les formes de torture sont interdites et punissables en Iran (par. 55). Or, le Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme, M. Copithorne, a indiqué dans le rapport précité que la torture était pratiquée en Iran depuis très longtemps et que cette pratique perdurait alors même que la Constitution iranienne l'interdisait expressément (voir E/CN.4/1999/32, par. 59). M. van Boven croit comprendre que pour la première fois les autorités ont reconnu l'existence du phénomène et que la presse en a parlé, mais il estime qu'un supplément d'information s'impose. Le Président et le Gouvernement iraniens ont par ailleurs condamné les multiples disparitions et décès suspects d'intellectuels et d'opposants politiques intervenus à la fin de 1998 et une commission d'enquête a apparemment été désignée afin de retrouver les coupables. La délégation est-elle en mesure d'indiquer si parmi les personnes disparues figuraient des membres des minorités ethniques ?

18. En ce qui concerne le droit à la liberté de conscience, il est dit dans le rapport (par. 72) que les minorités religieuses telles que les chrétiens, les juifs et les zoroastriens sont respectées. Mais qu'en est-il des Bahaïs ? Dans son rapport déjà cité (voir E/CN.4/1999/32, par. 40), M. Copithorne estimait que leur situation demeurait un sujet de préoccupation, compte tenu de nouvelles informations faisant état de discriminations, voire de persécutions, et qu'à certains égards, elle avait même empiré. Selon d'autres informations parvenues à M. van Boven, tous les recteurs d'université ou directeurs d'école doivent être musulmans même s'il s'agit d'une école ou d'une université d'une autre religion. Ces informations sont-elles exactes ?

19. Quant au droit de prendre part aux activités culturelles (par. 95 à 101 du rapport), la délégation peut-elle indiquer précisément de combien de quotidiens et de stations de radio et de télévision disposent les minorités iraniennes ? Peut-elle donner une ventilation détaillée et des statistiques sur les programmes radiodiffusés par les centres provinciaux, en précisant les langues et les heures de diffusion ? Au paragraphe 100 du rapport, on se contente en effet de mentionner globalement les heures de programmes radiodiffusés dans les différentes provinces, ce qui pourrait signifier que 99 % des programmes ont été diffusés en persan et le reste dans une des langues des minorités.

20. Il serait aussi intéressant de savoir si la Commission islamique des droits de l'homme, chargée de préciser et de promouvoir les droits de l'homme (par. 111), a reçu des plaintes de la part de groupes ou de minorités ethniques pour violations de leurs droits. Cette Commission s'occupe-t-elle de questions de discrimination raciale ? Les membres des minorités ethniques ou groupes ethniques démunis ont-ils le droit et la possibilité d'accéder à la haute fonction publique et aux échelons supérieurs des forces armées et de la police, par exemple ? La délégation peut-elle encore apporter des précisions quant au rôle du nouveau Conseil chargé du suivi et de la surveillance de la mise en oeuvre de la Constitution (par. 112) ? Par ailleurs, pourquoi aucune affaire de discrimination raciale n'a-t-elle été portée devant les tribunaux ? Serait-ce en raison d'une méconnaissance des procédures à suivre ?

21. Les autorités iraniennes comptent-elles également faire la déclaration prévue à l'article 14 et reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles ? L'Iran peut-il envisager de ratifier l'amendement au paragraphe 6 de l'article 8, sur la prise en charge des dépenses des membres du Comité, adopté à l'unanimité par les Etats parties ? Enfin, le rapport et les commentaires pertinents du Comité pourront-ils faire l'objet d'un débat public et franc dans le pays, notamment dans le cadre universitaire ?

22. M. de GOUTTES se félicite de la présence d'une délégation iranienne importante, représentant plusieurs ministères, qui témoigne de l'intérêt du Gouvernement iranien pour l'action du Comité et d'une volonté d'ouverture vis-à-vis du mécanisme international de contrôle des droits de l'homme.

23. Le rapport comporte de nombreux aspects positifs, déjà relevés par M. van Boven, notamment les informations relatives à la composition démographique et ethnique du pays, aux mesures prises pour éliminer la discrimination dans les régions habitées par des groupes ethniques ou tribaux démunis ou améliorer la situation des nomades et à la formation des fonctionnaires chargés de l'application des lois. Quelques précisions pourraient être apportées par la délégation, en particulier sur le rôle de la Commission islamique des droits de l'homme. Cette Commission est-elle intervenue pour des cas de discrimination raciale ou ethnique et peut-on dresser un premier bilan de son fonctionnement ?

24. Le Comité n'est jamais très convaincu par les affirmations selon lesquelles il n'existe, dans tel ou tel pays, aucun cas de discrimination raciale. C'est pourquoi le paragraphe 115 du rapport, où il est dit que, étant donné la composition et l'homogénéité raciale de sa population, la République islamique d'Iran est "un exemple vivant de coexistence, de fraternité et de solidarité" entre les différentes tribus, le laisse sceptique. Par ailleurs, il est fait référence à un certain nombre de dispositions législatives visant à réprimer l'incitation à la haine raciale et la propagande raciste, mais aucun exemple d'application de ces textes n'est fourni, et il est dit qu'aucune plainte pour acte de discrimination raciale n'a été déposée devant les tribunaux. M. de Gouttes se demande s'il faut voir là un manque d'information des victimes éventuelles, ou un désintérêt des autorités publiques vis-à-vis des mécanismes pertinents.

25. Les informations présentées dans les paragraphes 51 à 102, relatifs à l'application de l'article 5, sont de nature trop générale. Par ailleurs, aucune information n'est fournie au sujet de trois minorités sensibles, dont la situation continue d'inquiéter le Comité. Le premier groupe est celui des Baloutches, dont les droits économiques et en matière d'éducation, de santé et d'emploi sont gravement bafoués. Le deuxième est celui des Bahaïs, dont le sort est toujours jugé très préoccupant par le Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme, M. Copithorne (voir E/CN.4/1999/32). De nouvelles informations font en effet état d'actes de discrimination multiples à leur égard et d'une aggravation générale de leur situation. Enfin, malgré les affirmations apaisantes contenues dans le rapport concernant le respect de la liberté de religion, il convient de rappeler que les droits de la communauté juive ont souvent été enfreints dans le passé et, à ce titre, l'arrestation, en juin 1999, de 13 juifs - dont un mineur - accusés d'espionnage et de soutien au régime sioniste suscite la plus vive inquiétude. De nombreuses démarches ont été engagées en vain par divers gouvernements et par des associations humanitaires en vue d'obtenir la libération de ces 13 personnes. Le Comité aimerait donc obtenir à leur sujet des informations récentes. Par ailleurs, selon l'ONG Association pour l'éducation d'un point de vue mondial, les juifs de Chirâz seraient assimilés aujourd'hui à des dissidents par les autorités iraniennes parce qu'ils refuseraient de fermer leurs magasins le vendredi et les laisseraient ouverts le samedi, et ce serait là l'une des raisons de certaines arrestations récentes. Quelle est la réaction de la délégation iranienne à cette affirmation ?

26. Enfin, M. de Gouttes aimerait savoir quelles mesures ont été adoptées pour faire connaître au public la Convention et les recommandations formulées précédemment par le Comité et quelle est la position du Gouvernement iranien au sujet de la déclaration facultative prévue à l'article 14 de la Convention, d'ores et déjà acceptée par 28 Etats.

27. M. VALENCIA RODRIGUEZ salue le fait que les auteurs du rapport à l'examen ont tenu compte des commentaires et observations formulés par le Comité lors de l'examen du précédent rapport. La Constitution iranienne, qui repose sur les préceptes de l'islam, interdit toute forme de discrimination pour des motifs de race, de couleur de peau ou d'origine ethnique ou nationale et toutes les structures juridiques du pays consacrent l'égalité de droits entre les citoyens.

28. L'Iran présente une large variété ethnique et la mise en oeuvre de la Convention y revêt de ce fait une importance particulière. La langue officielle est le persan, mais il n'existe aucune restriction à l'utilisation d'autres langues ou dialectes. Il convient également de noter que les réfugiés, notamment afghans ou iraquiens, qui sont nombreux en Iran, ont accès à tous les services sociaux et peuvent recourir sans aucune discrimination aux tribunaux du pays.

29. En ce qui concerne l'application de l'article 2 de la Convention, le Comité se félicite de constater que l'article 3 de la Constitution garantit à tous la sécurité juridique et que, en dépit de l'absence de dispositions spécifiques en matière de discrimination raciale, la législation du pays fait l'objet d'un processus de révision permanente qui favorise le respect des obligations découlant de la Convention. Parmi les nombreuses mesures prises en application du paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention, l'augmentation constante des crédits alloués aux régions défavorisées est méritoire, mais le Comité aimerait savoir quels ont été les effets immédiats de cette politique pour les groupes minoritaires. M. Valencia Rodriguez salue aussi l'adoption de programmes éducatifs à l'intention des groupes défavorisés (par. 24 et suiv.) et il encourage le Gouvernement iranien à poursuivre sur cette voie. La campagne d'alphabétisation qui a permis au pays d'atteindre un taux d'alphabétisation de 79,51 % (par. 32 du rapport) est digne d'éloge, de même que l'accent mis sur l'alphabétisation des femmes. On peut se féliciter par ailleurs des mesures prises pour améliorer la situation générale des nomades (par. 37 et suiv.), tâche ardue compte tenu des conditions particulières dans lesquelles vit cette population.

30. M. Valencia Rodriguez estime que les mesures prises pour donner effet à l'article 4 de la Convention dont il est rendu compte aux paragraphes 47 et suivants du rapport semblent conformes à l'esprit, sinon strictement à la lettre, des alinéas a) et b) dudit article et il espère que le gouvernement adaptera sa législation comme il convient.

31. En relation avec l'article 5 de la Convention, il serait utile d'obtenir confirmation du fait que tous les groupes ethniques minoritaires exercent, dans des conditions égales, les droits consacrés dans cette disposition. Notant au paragraphe 59 du rapport que l'élection de conseils pour les villages, villes, cités et provinces facilite la participation directe du peuple àl'administration de ses propres affaires, M. Valencia Rodriguez aimerait savoir comment est garantie la participation des différents groupes ethniques au sein de ces organismes. Relevant plus loin (par. 73) que les zoroastriens, les juifs et les chrétiens sont les seules minorités religieuses reconnues, il se demande si cela signifie que les autres groupes religieux sont exclus d'une reconnaissance officielle. Se référant par ailleurs au paragraphe 89, M. Valencia Rodriguez demande si la loi sur les terrains à bâtir est d'ores et déjà entrée en vigueur et, dans l'affirmative, quel est le pourcentage de membres de communautés ethniques ayant obtenu l'octroi d'une parcelle. Il se félicite encore qu'il n'existe semble-t-il aucune discrimination dans les programmes radiodiffusés et télédiffusés (par. 100 et suiv.) et engage les autorités iraniennes à continuer à fournir des informations à ce sujet.

32. En relation avec les informations sur l'application de l'article 6, M. Valencia Rodriguez aimerait savoir si, pour obtenir réparation dans le cadre d'une procédure civile, les victimes d'actes de discrimination raciale doivent d'abord intenter une action pénale et quelles sont exactement les attributions des organes administratifs habilités à recevoir ce genre de plaintes, notamment la Commission islamique des droits de l'homme. Concernant la mise en oeuvre de l'article 7, M. Valencia Rodriguez demande si, étant donné que les conventions internationales relatives aux droits de l'homme, une fois ratifiées, deviennent loi nationale (par. 118), les dispositions de la Convention peuvent être directement invoquées devant les tribunaux et quelle incidence concrète ont eue les ateliers et stages de formation organisés à l'intention des forces de police et des juges. Enfin, il appelle à une diffusion la plus large possible de la Convention, dans toutes les langues des communautés ethniques.


La séance est suspendue à 17 h 5; elle est reprise à 17 h 15.

33. M. WOLFRUM salue à son tour la présence d'une délégation de haut niveau, ainsi que la qualité du rapport à l'examen et de l'exposé oral effectué par le chef de la délégation.

34. Les informations fournies aux paragraphes 8 à 16 du rapport concernant la composition démographique du pays sont très complètes. À ce sujet, M. Wolfrum demande si les Iraniens arabophones, mentionnés au paragraphe 14, se distinguent du reste de la population d'un simple point de vue linguistique et ce qu'il faut entendre par l'expression "homogénéité raciale" de la population, utilisée au paragraphe 115. Il rappelle, à ce sujet, que l'acception du terme de race au sens de la Convention est très large. Par ailleurs, la délégation pourrait-elle fournir quelques informations sur la communauté juive en Iran, totalement passée sous silence dans le rapport ? M. Wolfrum, qui croit comprendre que le terme de "nomades", tel qu'il est utilisé dans le rapport, fait davantage référence à l'appartenance à un groupe ethnique qu'à un mode d'existence, demande quelles sont les attributions du Conseil suprême pour les nomades iraniens, établi en 1986, et si les nomades eux-mêmes sont partie prenante à sa composition.

35. En ce qui concerne la Constitution iranienne, il demande si l'article 156 de cet instrument, chargeant le pouvoir judiciaire d'assurer la protection des droits individuels et sociaux, l'administration de la justice, la restauration des droits publics et la promotion de la justice et des libertés légitimes (par. 20 du rapport), est la seule disposition arrêtant les modalités d'application de principes théoriques ou s'il en existe d'autres. L'article 19 de la Constitution concernant l'égalité des droits peut-il par ailleurs être invoqué directement devant les tribunaux par des individus ou par des groupes ?

36. Le rapport faisant état de nombreuses mesures prises pour éliminer la discrimination dans les régions habitées par des groupes ethniques ou tribaux démunis (par. 22 et suiv.), M. Wolfrum aimerait savoir de quelles régions géographiques il s'agit exactement et si ces mesures entrent dans le cadre d'une "discrimination positive". Les mesures prises dans le domaine de l'éducation, notamment, semblent remarquables. Comme il est dit dans le rapport que l'enseignement est dispensé dans la langue maternelle, M. Wolfrum voudrait s'assurer toutefois que tous les élèves ou étudiants reçoivent aussi un enseignement en persan, car le fait de ne pas connaître la langue officielle pourrait constituer un handicap.

37. S'agissant de l'application de l'article 4 de la Convention, le paragraphe 47 du rapport fait référence à la loi sur la répression de la propagande en faveur de la discrimination raciale, dont l'article premier est cité. M. Wolfrum voudrait savoir si la citation est exhaustive car si tel est le cas, cette loi semblerait de portée plus restrictive que le texte de la Convention du fait de l'insertion des mots "par tout moyen de diffusion".

38. En relation avec l'application de l'article 5, M. Wolfrum tient à saluer le fait que plusieurs minorités soient représentées à l'Assemblée consultative islamique (par. 73 du rapport). Cet aspect positif honore l'Etat partie, au même titre que sa reconnaissance de la diversité linguistique, concrétisée par l'utilisation des langues locales ou ethniques dans la presse et les autres moyens d'information locaux ainsi que dans les programmes scolaires (par. 96 à 100).

39. M. Wolfrum aimerait que la délégation précise le sens de l'expression "public rights" figurant aux paragraphes 76 et 77 de la version anglaise du rapport et qu'elle indique par ailleurs quels sont les principes fondamentaux de l'islam dont il est question aux mêmes paragraphes. Pour conclure, il se félicite de l'attitude adoptée par la délégation dans sa présentation orale du rapport et de la volonté de coopération de l'Etat partie, qui a tenu compte presque intégralement des préoccupations et recommandations formulées par le Comité lors de l'examen du rapport précédent.

40. M. GARVALOV partage le sentiment de M. Wolfrum sur ce dernier point et note que le rapport à l'examen est bien meilleur que le précédent et contient de nombreuses informations nouvelles et précieuses, notamment sur la population iranienne. A ce sujet, il tient néanmoins à signaler que la terminologie utilisée dans le rapport pour faire références aux minorités n'est pas rigoureuse, puisque selon les paragraphes il est question de minorités linguistiques, de minorités ethniques ou de groupes ethniques ou linguistiques. La même remarque vaut pour les langues, qui sont qualifiées de locales ou ethniques, et ailleurs de dialectes ethniques et locaux (par. 9 et 96 du rapport). Il serait peut-être judicieux d'adopter la terminologie utilisée dans la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.

41. Il ressort clairement de l'article 19 de la Constitution (par. 19 du rapport) qu'il existe bel et bien différents groupes ethniques en Iran. De même, l'article 30 de la Constitution fait référence à l'expression "origine ethnique". Le Groupement pour les droits des minorités, qui a fourni des chiffres et des pourcentages détaillés concernant les nombreuses minorités vivant en Iran, distingue quant à lui deux groupes: les minorités religieuses et les communautés ethniques ou socio-ethniques. Par ailleurs, l'article 13 de la Constitution dispose que les zoroastriens, les juifs et les chrétiens iraniens sont les seules minorités religieuses reconnues (par. 73 du rapport). Si l'on ajoute à toutes ces catégories les nomades dont il est question aux paragraphes 37 à 43 du rapport, le tableau des minorités existant en Iran est très confus. La délégation pourrait-elle donc donner des éclaircissements et, en particulier, préciser si l'Etat partie reconnaît officiellement l'existence de minorités sur son territoire. Si tel est le cas, dans quelle catégorie les classe-t-il et existe-t-il une loi garantissant le droit à l'égalité mentionné à l'article 19 de la Constitution iranienne ?

42. M. Sherifis prend la présidence.

43. Mme SADIQ ALI se félicite de la présence de femmes dans la délégation iranienne. Elle aimerait savoir dans quelle mesure l'administration iranienne parvient à surmonter l'obstacle de la mobilité des nomades et à dispenser un enseignement aux enfants de ces communautés et dans quelle(s) langue(s) cet enseignement est fait, compte tenu qu'il est dit au paragraphe 15 du rapport que la population des nomades se compose de diverses minorités ethniques. En outre, elle souhaiterait obtenir des informations détaillées sur la façon dont l'Office iranien pour les affaires des nomades (par. 38 du rapport) organise l'éducation de ces populations, jusqu'à quel niveau la scolarité est possible et enfin quel pourcentage des populations concernées est touché.

44. Abordant la question de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, Mme Sadiq Ali fait observer que la lapidation a souvent été pratiquée en cas d'adultère et que ce sont principalement les femmes qui en ont été victimes. Elle souligne, en s'appuyant sur deux exemples, le caractère particulièrement cruel de cette pratique. Compte tenu de la nature libérale du régime du Président Khatami, elle se demande si cette pratique est toujours en vigueur.

45. Enfin, Mme Sadiq Ali voudrait savoir si le retrait de la plainte qui avait été déposée contre le journal modéré Salaam annule la décision judiciaire interdisant la parution du journal en question.

46. Mme ZOU se joint aux précédents orateurs pour dire que le rapport à l'examen est détaillé. A propos des régions défavorisées (par. 22 et suiv.) qui, lui semble-t-il, abritent principalement des minorités, elle souhaiterait connaître la superficie de ces régions par rapport à celle du pays et le nombre d'habitants qui y vivent. Le Gouvernement iranien ayant pris de nombreuses mesures pour développer ces régions, elle aimerait savoir si la situation s'y est améliorée et dans quelle mesure elles restent défavorisées, en particulier aux niveaux économique et culturel.

47. A propos du paragraphe 20 du rapport, où il est dit que conformément à l'article 30 de la Constitution l'Etat doit assurer à tous les Iraniens une éducation et une formation gratuites jusqu'à la fin du cycle secondaire et développer l'enseignement supérieur gratuit, Mme Zou aimerait savoir si le gouvernement parvient à appliquer cette disposition dans la pratique. Combien d'enfants, y compris ceux qui appartiennent à des minorités ethniques, bénéficient effectivement d'une éducation gratuite jusqu'à la fin du cycle secondaire et les filles ont-elles les mêmes possibilités en matière d'instruction publique ?

48. Se référant enfin à la loi sur la répression de la discrimination raciale (par. 107 du rapport), Mme Zou dit qu'il serait bon que l'Iran, dans son prochain rapport, donne des informations plus exhaustives sur cette loi, ainsi que des exemples concrets de son application, afin que le Comité puisse l'examiner et déterminer si elle est conforme à l'article 4 de la Convention.

49. M. DIACONU salue la volonté de dialogue exprimée par la délégation ainsi que la qualité du rapport. Cependant, il aurait été plus facile pour le Comité d'évaluer la situation dans l'Etat partie si davantage de données statistiques avaient été fournies sur le plan démographique et, en particulier, sur le nombre d'écoles primaires et secondaires qui dispensent un enseignement dans la langue des minorités.

50. En outre, M. Diaconu pense lui aussi que la loi sur la répression de la propagande en faveur de la discrimination raciale (par. 47 à 50 du rapport) ne satisfait pas totalement aux prescriptions de l'article 4 de la Convention. Notamment, elle ne condamne pas les actes de violence dirigés contre toute personne d'une autre race et elle n'interdit pas les organisations qui s'inspirent d'idées fondées sur la supériorité raciale. L'Iran doit donc revoir sa législation en la matière.

51. S'agissant du droit de participer à la vie politique de la société consacré dans l'article 5 de la Convention (par. 56 et 57 du rapport), il serait intéressant de savoir combien de représentants des cinq groupes ethniques mentionnés aux paragraphes 10 à 14 du rapport ont un siège à l'Assemblée consultative islamique et combien ont une fonction dans l'exécutif. De même, il serait intéressant de compléter le tableau présenté au paragraphe 98 en indiquant le nombre de périodiques publiés en persan et le nombre de ceux qui le sont dans la langue des minorités.

52. Enfin, la délégation iranienne pourrait-elle indiquer si les deux conflits qui touchent le pays ont eu une incidence sur la mise en oeuvre de la Convention et, à cet égard, donner des précisions sur la situation des Kurdes ?


La séance est levée à 18 heures.




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