Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1344
15 octobre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1344ème seance : Central African Republic, Iraq. 15/10/99.
CERD/C/SR.1344. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Cinquante-cinquième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1344ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le lundi 9 août 1999, à 15 heures

Président : M.ABOUL-NASR

puis : M. DIACONU



SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

- Quatorzième rapport périodique de l'Iraq

- Septième rapport périodique de la République centrafricaine




La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Quatorzième rapport périodique de l'Iraq (CERD/C/320/Add.3)

1. Sur l'invitation du Président, M. Youssif, M. Al-Dabbag, M. Hussein et Mme Yassin (Iraq) prennent place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT dit que l'envoi par l'Iraq d'une importante délégation est une preuve de l'intérêt que ce pays attache à la Convention et aux travaux du Comité. Le Président, réitérant à nouveau, au nom du Comité, le voeu que l'embargo appliqué à l'Iraq soit levé, signale que le rapport de ce pays comporte trois annexes qui, bien qu'ayant été traduites, n'ont malheureusement pas été distribuées aux membres du Comité.

3. M. YOUSSIF (Iraq) dit que le rapport qu'il présente témoigne de l'attachement de son gouvernement aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. L'Iraq s'est toujours acquitté de son obligation de présenter des rapports périodiques sur l'application de toutes les conventions qu'il a ratifiées, en dépit des multiples difficultés auxquelles il doit faire face depuis une dizaine d'années.

4. L'Iraq, de par sa tradition millénaire et conformément aux valeurs de l'Islam, a toujours été soucieux d'éliminer l'oppression et d'instaurer la justice et l'égalité entre les êtres humains. Il a ainsi pu contribuer positivement à l'élaboration de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et depuis 1968 il a ratifié plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dont la Convention. De nombreuses mesures fondamentales ont été adoptées aussi en Iraq pour lutter contre le racisme, notamment en reconnaissant dans la Constitution le droit légitime des Kurdes et d'autres minorités à une forme d'autonomie dans le cadre de la l'unité territoriale de ce pays.

5. Il faut souligner que, rédigée et adoptée au moment de la liquidation du colonialisme, la Convention fait pendant à la Déclaration de 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, où il est dit que la sujétion des peuples à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l'homme. L'Iraq, qui souhaite ardemment qu'il soit mis fin au racisme et à toute manifestation de colonialisme et d'hégémonisme, souffre lui-même actuellement, du fait des agissements du Royaume-Uni et des Etats-Unis, de graves violations de sa souveraineté qui sont contraires aux principes du droit international, notamment celui de l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, et aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Les raids aériens quotidiens subis par l'Iraq, qui ont coûté la vie à des milliers d'innocents, sont contraires aux principes consacrés dans la Charte des Nations Unies et réaffirmés dans plusieurs résolutions de l'Assemblée générale et l'agression militaire visant à priver l'Iraq de sa souveraineté sur son territoire et son espace aérien et à diviser le pays en trois régions constitue en définitive une discrimination au sens de l'article 4 de la Convention. Toutes ces questions ont encore été évoquées récemment par le Ministre iraquien des affaires étrangères dans deux lettres adressées au Secrétaire général de l'ONU, en novembre 1998 et janvier 1999.

6. La population iraquienne est gravement touchée par l'embargo total imposé à l'Iraq en vertu de la résolution 661 (1990) du Conseil de sécurité. Un million d'enfants sont morts, la situation sanitaire est déplorable et il y a une pénurie d'équipement médical. Il a déjà été abondamment rendu compte des difficultés économiques et sociales subies par l'Iraq du fait de l'embargo et l'UNICEF, la FAO et l'OMS ont fait état dans leurs rapports de l'aggravation de la situation. Déplorant que ce processus d'annihilation économique et de génocide sans précédent soit mené au nom de l'ONU et par l'entremise d'un de ses principaux organes, l'Iraq ne peut que constater l'impuissance de l'ONU et de ses organes qui défendent les droits de l'homme à prendre des mesures efficaces pour mettre fin à l'embargo.

7. La délégation iraquienne souhaite un dialogue franc et ouvert avec le Comité et réaffirme la volonté de l'Etat partie de mettre en oeuvre les normes du droit international de manière objective et sans sélectivité. Certaine aussi de l'objectivité et de l'impartialité des experts et appelant de ses voeux un dialogue fécond, elle espère que les recommandations du Comité pourront aider l'Iraq à mettre pleinement en oeuvre les dispositions de la Convention et instaureront un climat propice au rétablissement de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Iraq. La délégation iraquienne souhaite rappeler que selon la Recommandation générale XXI (48) adoptée par le Comité, l'identité des peuples doit être respectée sans porter atteinte à l'intégrité territoriale ou à l'unité politique d'Etats souverains ou indépendants. L'Iraq invite donc le Comité à poser un diagnostic objectif concernant une situation qui constitue une violation flagrante de la Convention, Convention que tous les Etats parties, y compris ceux qui sont intervenus dans le Nord de l'Iraq, sont tenus de respecter. L'Iraq estime que le Comité doit désigner clairement les Etats qui violent sa souveraineté, son intégrité territoriale et son espace aérien.

8. M. DIACONU (Rapporteur pour l'Iraq) salue la présence d'une délégation importante. Les informations supplémentaires fournies par M. Youssif ont apporté des éléments utiles et il y a lieu de se féliciter de la régularité du dialogue entre l'Etat partie et le Comité.

9. Cela dit, M. Diaconu note que contrairement au voeu exprimé par le Comité lors de l'examen du précédent rapport en 1997, le nouveau rapport se borne parfois à une mise à jour du rapport de 1997, auquel il renvoie d'ailleurs fréquemment, même si des réponses sont apportées à certaines questions posées alors par les experts. Il rappelle que le Comité n'est pas une instance judiciaire et qu'il s'efforce seulement de recueillir des informations, en coopération avec les Etats parties, afin de promouvoir la mise en oeuvre de la Convention.

10. Comme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité des droits de l'homme et le Comité des droits de l'enfant, le Comité doit constater que la situation intérieure de l'Iraq après plusieurs années de guerre et de sanctions économiques constitue une difficulté majeure pour l'application des engagements contractés par ce pays au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. De son côté, la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a estimé que cette situation constituait une violation flagrante des droits du peuple iraquien et a appelé la communauté internationale et le Conseil de sécurité à lever l'embargo. S'il semble que la situation alimentaire ait, au demeurant, quelque peu évolué à la suite de l'accord "pétrole contre nourriture" de 1997, ce dispositif est loin de répondre aux besoins de la population iraquienne.

11. Une particularité de la situation est que l'administration centrale iraquienne n'exerce plus de contrôle sur la région nord du pays, d'où une difficulté supplémentaire pour l'application de la Convention et pour son examen par le Comité. Toutefois, l'Etat partie demeure tenu de s'acquitter de ses obligations au titre de la Convention.

12. En ce qui concerne les minorités en Iraq, si l'on sait par certaines sources que le nombre de Kurdes est compris entre 2,5 et 3 millions, on ne dispose pas de données sur les minorités turkmène et assyrienne. Il est indispensable que la délégation communique des renseignements sur la composition ethnique de la population, car la difficulté centrale que soulève l'examen du rapport est justement la situation des minorités iraquiennes du point de vue de la discrimination raciale.

13. En ce qui concerne les Kurdes, le Gouvernement iraquien a défini une politique et adopté une législation appropriées reconnaissant les droits des communautés ethniques et culturelles et accordant une large autonomie administrative à la région peuplée majoritairement de Kurdes. Cependant, l'application de la Convention est loin d'être assurée dans cette région en raison, notamment, des conflits opposant les deux principales fractions kurdes, des opérations militaires lancées à partir de pays voisins causant des déplacements massifs de population dans les gouvernorats du Nord et des violences exercées contre la minorité turkmène par une fraction kurde. M. Diaconu pense, à ce sujet, que le Comité devrait engager l'Iraq et les communautés et fractions concernées à rétablir la paix et la compréhension mutuelle dans la région et à respecter les droits de l'homme, sans faire entre les habitants aucune discrimination liée à l'ethnie ou à la langue. Selon le rapport de 1998 de l'organisation Human Rights Watch ainsi que d'autres sources, en effet, les autorités locales iraquiennes auraient déplacé de force des communautés turkmènes et kurdes des zones de Kirkouk et Khanaquin et exproprié sans indemnisation adéquate des membres de ces communautés, qui feraient en outre l'objet d'une discrimination s'agissant de l'accès au travail, tant dans l'industrie pétrolière que dans la fonction publique. Enfin, les membres des minorités ne seraient pas autorisés à vendre leur maison à des acheteurs non arabes. M. Diaconu aimerait que La délégation iraquienne apporte au Comité des éclaircissement sur ces points. Pourrait-elle, notamment, indiquer si le droit de toutes les personnes vivant dans les zones habitées par les minorités de circuler et de s'installer librement est respecté ? De même, les Turkmènes et les Kurdes des gouvernorats du Nord bénéficient-ils effectivement de dispositions de lois favorables au maintien de leur culture et de leur langue ?

14. Beaucoup de sources font référence aussi à la situation des populations de la région des marais du Sud (Al-Rabina, Al-Bu Salih et Asakira) déplacées à la suite des opérations militaires qui, si des entités racialement ou ethniquement distinctes au sens de la Convention sont concernées, mérite l'attention du Comité. Ce raisonnement s'applique également dans le cas des musulmans chiites, si du fait de leur religion distincte ces derniers sont victimes d'une forme de discrimination. Il faudrait donc au Comité des renseignements supplémentaires sur ces populations et aussi sur la situation de la minorité koweïtienne, en tant que groupe ethnique ou national distinct. Le Comité gagnerait également à être informé des résultats des recherche menées dans le cadre de la Commission gouvernementale mixte sur les Koweïtiens et les autres étrangers portés disparus pendant la guerre du Golfe. Vu enfin l'afflux massif de dizaines de milliers de réfugiés des pays voisins de l'Iraq, M. Diaconu pense qu'il serait utile de savoir quel est le statut des réfugiés en Iraq et si les Iraquiens établis à l'étranger peuvent rentrer dans leur pays sans y subir des discrimination.

15. En ce qui concerne l'application de l'article 4 de la Convention, il semble que les violences intercommunautaires ne sont pas interdites en Iraq en tant que violences contre des groupes de personnes proscrites par la Convention et que la loi iraquienne ne poursuit pas les organisations qui incitent à la haine raciale, mais seulement les personnes qui créent ou soutiennent de telles organisations. Un complément d'information permettrait au Comité de savoir si les auteurs d'actes de cette nature ont été poursuivis devant les tribunaux. Il lui serait en outre utile de savoir si les autorités ou institutions publiques locales au Kurdistan iraquien incitent certains habitants à la discrimination raciale.

16. Le Comité devrait disposer également de renseignements économiques et sociaux précis pour être en mesure d'évaluer la mise en oeuvre des dispositions de l'article 5 de la Convention.

17. Pour conclure, M. Diaconu souhaite, eu égard aux difficultés particulières de l'Iraq, que la délégation et les membres du Comité dialoguent dans un esprit de compréhension, d'ouverture et d'équilibre.

18. M. VALENCIA RODRIGUEZ prend note des informations positives fournies concernant la mise en oeuvre de l'article 2 de la Convention, selon lesquelles les groupes ethniques et les minorités iraquiennes vivent en paix et en harmonie, tous les citoyens iraquiens jouissant de droits égaux sans subir aucune discrimination raciale (par. 7 à 10 du rapport). Compte tenu toutefois de la situation difficile au Kurdistan iraquien, il serait utile de savoir quelles mesures le Gouvernement iraquien prend en vue d'améliorer la représentation politique de la minorité kurde dans les organes centraux de gouvernement.

19. En ce qui concerne l'application de l'article 4, il se réjouit que la Convention fasse partie de l'ordre juridique de l'Iraq et soit d'application directe dans le pays. A ce propos, il aimerait savoir si les articles 200, 203 et 204 du Code pénal satisfont aux exigences de l'article 4 de la Convention, tout en notant que les tribunaux iraquiens n'ont pas apparemment reçu de plaintes concernant des actes de discrimination raciale.

20. M. Valencia Rodriguez note aussi avec intérêt dans le rapport que tous les citoyens peuvent exercer les droits prévus à l'article 5 de la Convention et ne subissent aucune forme de discrimination raciale, et que tous les citoyens peuvent saisir les tribunaux, conformément à l'article 6 de la Convention. Pour ce qui est de l'application de l'article 7, il ressort du rapport que les groupes minoritaires perpétuent très activement leurs traditions culturelles et linguistiques en Iraq. Il semble souhaitable, cependant, que la Convention soit diffusée plus largement, en particulier dans les langues minoritaires.

21. S'agissant des réponses du Gouvernement iraquien aux observations formulées par les membres du Comité à sa cinquantième session, M. Valencia Rodriguez souligne, compte tenu de la situation générale grave de l'Iraq, la nécessité de rechercher des solutions qui ne soient pas uniquement fondées sur le droit international, mais qui prennent également en considération des aspects humanitaires. Sur un plan plus précis, au vu des explications fournies dans le rapport sur les restrictions relatives à l'achat de biens immobiliers dans le gouvernorat de Bagdad, M. Valencia Rodriguez se demande si les membres des minorités ethniques ne subissent pas, en tant qu'acheteurs, un préjudice lié à l'utilisation éventuelle de méthodes discriminatoires lors du recensement de 1957. Les autorités iraquiennes envisagent-elles d'effectuer un nouveau recensement qui permettrait d'inscrire tous les citoyens dans le gouvernorat sans aucune discrimination au sens de la Convention ? Par ailleurs, il conviendrait que le Gouvernement iraquien fournisse au Comité des informations complémentaires sur les résultats des mesures prises en faveur de la minorité kurde de la région des marais (par. 47 et 48 du rapport), notamment dans le cadre de la loi sur l'autonomie de la région du Kurdistan.

22. Pour conclure, M. Valencia Rodriguez note avec satisfaction, au paragraphe 74 du rapport, que les droits culturels, linguistiques et autres des autres minorités, notamment ceux des Turkmènes et des Syriaques, sont garantis par l'Etat. Il aimerait savoir quel est le niveau de représentation de ces communautés dans les organes centraux de gouvernement.

23. Mme McDOUGALL aimerait savoir si le Gouvernement iraquien a participé de quelque manière que ce soit aux expulsions et aux réinstallations forcées qui auraient eu lieu dans la région de Kirkouk. Elle aimerait savoir également pourquoi seules des familles non arabes ont été victimes de ces mesures et si ces familles disposent de voies de recours devant les tribunaux ou devant des instances spéciales.

24. Mme McDougall souhaiterait en outre avoir un complément d'information sur les dispositions de l'article 200 du Code pénal de l'Iraq, qui interdit le sectarisme religieux et l'incitation à la haine et à l'hostilité entre les différents éléments de la population iraquienne. Le Gouvernement iraquien pense-t-il que ces dispositions satisfont aux exigences de l'article 4 de la Convention ? Des particuliers ont-ils eu l'occasion d'engager des poursuites en invoquant cet article du Code pénal ? Il serait utile aussi au Comité de savoir quelles mesures le Gouvernement prend, notamment dans le domaine de l'éducation, en vue de combattre les propos et attitudes racistes.

25. Rappelant que selon le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Iraq, M. van der Stoel, un nombre disproportionné de personnes appartenant à des minorités auraient été condamnées par les tribunaux et exécutées, Mme McDougall aimerait des explications. La législation iraquienne garantit-elle aux victimes d'erreurs judiciaires le droit d'obtenir réparation ? Dans l'affirmative, quelle a été l'issue des actions intentées à cet effet ?

26. A propos des événements de 1988, au cours desquels des femmes auraient été violées, des enquêtes ont-elles été menées, à quelles conclusions ont-elles abouti et quelles réparations ont été octroyées aux victimes ? Enfin, les femmes kurdes dont le mari a été porté disparu bénéficient-elles de programmes d'aide spéciaux ? De façon générale, les femmes ont-elles les mêmes droits que les hommes en matière d'héritage ?

27. M. de GOUTTES est heureux que l'Iraq soumette au Comité son rapport périodique moins de deux ans après le précédent, en dépit des nombreuses difficultés auxquelles ce pays est confronté. Il se félicite de la qualité du rapport qui lui semble intéressant, objectif et équilibré. Ainsi y lit-il des renseignements positifs indiquant, par exemple, que le gouvernement assure pleinement la mise en oeuvre de la Convention, laquelle l'emporte sur le droit interne et peut être invoquée devant les tribunaux. D'après d'autres affirmations positives, l'Iraq adopte des lois interdisant la discrimination raciale et garantissant les droits des membres de la communauté kurde et des minorités turkmène et syriaque et protégeant les communautés religieuses. Quant aux lacunes dans la mise en oeuvre de la Convention, M. de Gouttes note que le Gouvernement iraquien les impute systématiquement à des causes indépendantes de sa volonté telles que l'embargo économique imposé depuis 1990, l'anarchie et l'instabilité au Kurdistan (par. 107 à 110 du rapport) et les agissements de régimes qui se serviraient des droits de l'homme pour dresser l'opinion publique contre les autorités iraquiennes à des fins politiques.

28. Or ces affirmations positives sont presque entièrement contredites par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Iraq, qui dresse dans son dernier rapport (E/CN.4/1999/37) un tableau précis et alarmant des nombreuses violations des droits fondamentaux des membres des minorités ethniques et religieuses kurde et chiite et de la population de la région des marais du Sud, de la politique d'arabisation forcée et des discriminations à l'encontre des populations non arabes. Vu ce contraste, il conviendra sans doute que le Comité, fidèle à l'attitude objective et équilibrée qu'il a adoptée à l'occasion de l'examen du précédent rapport de l'Iraq, reconnaisse les faits et les obstacles auxquels le Gouvernement iraquien impute les lacunes concernant la mise en oeuvre de la Convention - notamment l'embargo économique, source de pénuries et le fait que certaines régions échappent au contrôle du gouvernement -, tout en réaffirmant que les faits en question n'exonèrent pas le Gouvernement iraquien de l'obligation d'assurer pleinement la mise en oeuvre de la Convention ni de celle d'informer plus complètement le Comité des mesures qu'il prend à cet effet.

29. Par ailleurs, M. de Gouttes souhaite vivement voir figurer dans le prochain rapport périodique de l'Iraq des informations sur les mesures prises en vue de publier les rapports périodiques que l'Etat partie soumet au Comité ainsi que les conclusions et recommandations de ce dernier concernant lesdits rapports, ainsi que des renseignements sur les dispositions internes visant à combattre la haine raciale et ethnique et à favoriser la tolérance et le respect interethniques et à fournir aux membres des forces de l'ordre et aux responsables de l'application des lois une formation adéquate. Enfin, il serait intéressant de connaître la position du Gouvernement iraquien sur la mise en place dans le pays, conformément aux résolutions de l'Assemblée générale et de la Commission, d'observateurs des droits de l'homme, afin de dissiper tous les doutes soulevés par les allégations dénonçant certains abus.

30. M. WOLFRUM se félicite que l'Iraq présente son quatorzième rapport périodique deux ans à peine après le précédent, et ce en dépit des difficultés engendrées par l'embargo. Il tient à faire d'abord une observation à propos du paragraphe 107 du rapport, où il est dit que la question des minorités et des droits de l'homme est exploitée, pour atteindre des objectifs politiques, par des Etats occidentaux et autres hostiles à l'Iraq qui s'ingèrent de manière inadmissible dans les affaires intérieures du pays. Or, les questions de droits de l'homme et de minorités ne sont pas du seul ressort des Etats, mais intéressent également le Comité et les autres organes chargés de la protection des droits de l'homme. Le principe de non-ingérence est malheureusement invoqué fréquemment à tort par des Etats qui interprètent de façon erronée le régime international établi pour la protection des droits de l'homme. De même, contrairement à ce qui est avancé au paragraphe 104, la question des détenus koweïtiens est tout à fait du ressort du Comité et celui-ci était donc parfaitement habilité à faire une recommandation en la matière.

31. Tout en se félicitant des informations transmises dans le rapport sur la situation des Kurdes et des autres minorités en Iraq, M. Wolfrum demande à la délégation de fournir de plus amples informations sur la réglementation régissant l'acquisition de biens immobiliers mentionnée au paragraphe 36. Le fait, notamment, que les biens immobiliers situés dans le gouvernorat de Bagdad ne puissent être acquis que par des citoyens inscrits dans ce gouvernorat lors du recensement de 1957 ne constitue-t-il pas une discrimination indirecte ? Quel a été l'effet de cette mesure sur la répartition des biens immobiliers, à Bagdad et dans ses environs, entre les minorités iraquiennes ? Il faudrait par ailleurs que la délégation infirme ou confirme l'affirmation faite par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Iraq, M. Max van der Stoel, dans son dernier rapport (voir le document E/CN.4/1999/37, par. 25), selon laquelle les emplois dans la fonction publique iraquienne, y compris dans la société pétrolière nationale, seraient en fait réservés aux citoyens d'origine arabe. Est-il vrai aussi que les Kurdes ne sont autorisés à vendre leur maison qu'à des Arabes (ibid., par. 26) ? Est-il vrai que le Conseil du commandement de la révolution a enjoint aux pouvoirs publics de fournir de nouveaux logements et du travail à plus de 300 000 résidents arabes réinstallés à Kirkouk ? Est-il vrai qu'une politique de réinstallation forcée est appliquée dans cette région ?

32. Si la législation iraquienne en faveur des minorités, notamment dans le domaine de l'éducation et de l'utilisation des langues, est présentée comme très positive, il subsiste de nombreuses questions quant à sa mise en oeuvre. La délégation peut-elle par exemple indiquer quelles mesures concrètes ont été prises en faveur des membres des minorités dans le domaine de l'emploi, en particulier dans les compagnies pétrolières ? Des membres des minorités occupent-ils des postes à différents niveaux des organes de l'Etat et au sommet de la hiérarchie policière, par exemple ?

33. Le PRÉSIDENT, s'exprimant à titre personnel, souhaite que la délégation apporte des précisions sur les conditions de vie des étrangers, et notamment des Egyptiens en Iraq et au sujet de certaines minorités religieuses, telle la minorité chiite.

34. Il tient à faire valoir par ailleurs, contrairement à l'opinion exprimée par M. Wolfrum, que d'un point de vue strictement juridique l'exploitation de la question des droits de l'homme constitue bel et bien une ingérence dans les affaires intérieures des Etats, mais une ingérence acceptable. En effet, en ratifiant un instrument international en matière de droits de l'homme, les Etats renoncent implicitement à une petite partie de leur souveraineté nationale.

35. M. van BOVEN se félicite de la célérité avec laquelle les autorités iraquiennes ont présenté ce nouveau rapport et du fait qu'elles aient tenu compte, ce faisant, des remarques qu'avait émises le Comité lors de l'examen du rapport précédent. Il juge toutefois quelque peu schématiques les paragraphes 7 à 28 du document, qui traitent de la mise en oeuvre des articles 2 à 7 de la Convention, et en particulier les informations données sur les mesures d'application de la législation en faveur des minorités.

36. M. van Boven juge en revanche très intéressantes les informations fournies concernant les minorités ethniques, le statut très avancé dont jouissent, semble-t-il, les Kurdes en Iraq et la création de la région autonome du Kurdistan. De ce point de vue, l'Iraq est probablement le pays qui a le plus fait en faveur de la reconnaissance de l'autonomie des Kurdes et on ne peut que se réjouir de la loi de 1974 sur l'autonomie du Kurdistan iraquien (par.54 et 55 du rapport) et de la mise sur pied du Conseil législatif de la région autonome et du Conseil exécutif de la région autonome (par. 62 et 63). Il aurait été intéressant toutefois de disposer d'informations sur l'application concrète des textes et décrets portant création de ces organes. Par ailleurs, les ressources budgétaires de la région autonome du Kurdistan (par. 59 du rapport) tiennent-elles également compte des ressources naturelles, et plus particulièrement des ressources minérales, de la région ? Enfin, on attend des précisions de la délégation au sujet des allégations de déportation de familles kurdes et turkmènes.

37. En ce qui concerne par ailleurs les habitants des marais en Iraq, pourquoi les autorités ont-elles jugé bon d'affirmer, au paragraphe 93 du rapport, que ceux-ci n'ont pas de particularités qui les distinguent du reste du peuple iraquien ? Il faut rappeler, à cet égard, que le Comité se penche sur la situation de minorités et de groupes ethniques dans de nombreux pays, minorités qui ne sont pas toujours faciles à distinguer de la majorité de la population, bien qu'elles aient en général une ascendance et une origine ethnique et nationale propres et que le paragraphe 1 de l'article premier de la Convention définit la discrimination raciale de façon très large.

38. Quant à l'affirmation des autorités iraquiennes selon laquelle le Comité aurait outrepassé son mandat en s'intéressant à la question de la libération de l'ensemble des Koweïtiens et des ressortissants d'autres Etats détenus (par. 104), M. van Boven précise qu'aux termes de l'article 5, alinéas a) et b), et de l'article 6 de la Convention, cette question relève bien de la compétence du Comité.

39. Pour ce qui est enfin de la mise en place d'observateurs internationaux des droits de l'homme en Iraq, à laquelle M. de Gouttes s'est référé déjà, M. van Boven rappelle que dans une vingtaine d'Etats membres de l'ONU un tel dispositif a été établi, non sur décision unilatérale du Conseil de sécurité, mais aux termes d'un accord conclu entre l'Organisation des Nations Unies et l'Etat membre intéressé.

40. M. YUTZIS souligne la volonté manifeste du Gouvernement iraquien de répondre régulièrement et sincèrement aux préoccupations du Comité, et ce en dépit des difficultés très importantes que connaît le pays sur les plans économique et social en raison de l'embargo qui lui est injustement imposé. En ce qui concerne le caractère prétendument politique de certaines questions soulevées par le Comité, en relation avec l'examen du rapport de l'Etat partie, par exemple au sujet de l'application éventuelle d'une politique de réinstallation forcée dans la région de Kirkouk ou des droits de la population kurde en Iraq en matière successorale, M. Yutzis précise à l'intention de la délégation que le Comité se doit d'examiner toutes les questions relevant de son mandat qui soulèvent des problèmes d'ordre humanitaire, même si elles comportent aussi des aspects politiques.

41. M. Yutzis souhaiterait obtenir des précisions aussi sur le cadre juridique de la protection des minorités et les mesures prises à cet égard par les autorités iraquiennes. Combien de plaintes ont été enregistrées par les tribunaux pour des actes de discrimination et combien de décisions ont été rendues en la matière par les juridictions

compétentes ? Le rapport ne contient pas en effet de données suffisamment précises permettant au Comité d'être certain que la Convention est réellement mise en oeuvre dans l'Etat partie. L'expert souhaite par ailleurs obtenir de plus amples informations sur les populations des marais en Iraq. Il précise qu'il existe de nombreux groupes de population qui ne se distinguent ni par la couleur, ni par la race, ni par la langue, mais qui souffrent néanmoins de discrimination, telles les castes en Inde ou certaines communautés au Japon. Enfin, il aimerait obtenir des données récentes sur la situation dans la région de Kirkouk.

42. M. SHAHI salue la régularité avec laquelle l'Etat partie a présenté ses rapports périodiques au Comité en dépit des difficultés auxquelles il est confronté. Le rapport à l'examen répond à un certain nombre de préoccupations du Comité tout en restant trop imprécis sur plusieurs points, notamment la proportion des différentes minorités ethniques par rapport à l'ensemble de la population.

43. A l'issue de l'examen des onzième, douzième et treizième rapports périodiques de l'Etat partie, le Comité avait noté avec préoccupation, dans ses conclusions (CERD/C/304/Add.28, par. 11), que les dispositions des articles 200, 203, 204 et 208 du Code pénal, en particulier, n'étaient pas conformes aux exigences de l'article 4 de la Convention. Or, il est réitéré dans le rapport à l'examen que ces dispositions font bien de la discrimination raciale un délit pénal (par. 51). Il semble donc que l'Etat partie n'a toujours pas donné pleinement effet à l'article 4 de la Convention.

44. M. Shahi rappelle aussi que le Comité avait exprimé, dans ses conclusions précédentes, des préoccupations au sujet de la situation des habitants des marais du Sud et demandé un complément d'information à ce sujet. Les autorités iraquiennes ont répondu à cette préoccupation en précisant que les habitants en question n'ont pas de particularités les distinguant du reste du peuple iraquien puisqu'ils appartiennent à des tribus arabes que l'on trouve dans toutes les régions du pays (par. 93). M. Shahi rappelle enfin que, dans ses précédentes conclusions, le Comité avait déjà estimé que le blocage des approvisionnements de base en denrées alimentaires et médicaments constituait en soi une grave violation des droits de l'homme. Il souhaiterait donc que les conséquences tragiques des sanctions économiques imposées à l'Iraq soient à nouveau mentionnées dans les conclusions que le Comité adoptera cette année.

45. M. DIACONU prend la présidence.

46. Le PRÉSIDENT dit que le Comité poursuivra l'examen du rapport de l'Iraq à la séance suivante.

47. La délégation iraquienne se retire.

Septième rapport périodique de la République centrafricaine (CERD/C/117/Add.5; HRI/CORE/1/Add.100)

48. Le PRÉSIDENT rappelle que, suite à une décision adoptée à sa cinquante-quatrième session, le Comité a prévu de faire à la présente session le bilan de l'application de la Convention dans les Etats parties qui ont déjà présenté des rapports, mais dont les rapports périodiques sont très en retard, notamment la République centrafricaine. Il invite M. Rechetov à présenter son analyse de la situation dans ce pays.

49. M. RECHETOV (Rapporteur pour la République centrafricaine) rappelle que le dernier rapport reçu de l'Etat partie date de 1985, qu'il était relativement court et qu'il faisait était d'une absence de discrimination raciale dans le pays. Les autorités indiquaient également que le texte des lois et autres instruments relatifs à l'application des dispositions de la Convention serait adressé au Comité dès que possible, eu égard à des problèmes d'imprimerie (par. 3 du rapport). Le Comité n'a cependant à ce jour reçu aucun document de l'Etat partie. Par ailleurs, il était indiqué au paragraphe 4 du même document que la suspension de la Constitution en février 1981 par le Comité militaire de redressement national n'affectait en rien la garantie des droits individuels et des libertés des citoyens.

50. En ce qui concerne les diverses ethnies constituant la population du pays, le cas des Pygmées était qualifié de "spécifique", cette ethnie ne se sentant pas "attirée par la civilisation" et se plaisant mieux dans son milieu forestier et dans son mode de vie traditionnel (par. 10 et 11). D'après certaines ONG de défense des droits de l'homme, cependant, ce groupe ethnique serait en butte à des tentatives d'exploitation, notamment commerciale, et à l'issue de l'examen du précédent rapport, le Comité avait déjà regretté l'insuffisance d'informations sur les différents groupes ethniques, notamment sur leur statut social et leur rôle dans la vie du pays. Des questions avaient d'ailleurs été posées par certains membres du Comité sur la représentation des groupes minoritaires dans les structures de l'Etat et la délégation centrafricaine avait indiqué que l'absence de renseignements à ce sujet s'expliquait par le fait que les autorités refusaient toute référence aux origines ethniques des membres du Gouvernement et que les recensements étaient établis sur une base géographique et non pas ethnique.

51. En 1993, en l'absence de rapport, le Comité a repris l'examen de la situation dans l'Etat partie en se limitant aux informations d'autres sources. À l'époque, le pays connaissait déjà des transformations considérables. Les renseignements les plus complets adressés au Comité depuis cette date figurent dans le document de base (HRI/CORE/1/Add.100) daté du 19 mars 1999.

52. M. Rechetov rappelle que le pays a longtemps été dirigé par l'Empereur Bokassa, mais que les élections de septembre 1993 ont porté au pouvoir le Président André Félix Patassé. La Constitution, adoptée en 1994 et entrée en vigueur en 1995, consacre des avancées démocratiques certaines. Elle instaure un mandat présidentiel de durée plus courte et un régime parlementaire monocaméral et prévoit la création d'une cour constitutionnelle, de tribunaux ordinaires et de tribunaux administratifs. Les institutions chargées de la défense des droits de l'homme ont été renforcées et une commission nationale des droits de l'homme a été créée en 1991. Le statut juridique accordé aux instruments internationaux ratifiés par le pays reste toutefois un peu confus, et il est difficile de dire dans quelle mesure ces instruments sont bien traduits dans les différentes langues nationales et largement diffusés. Le rôle de la Commission nationale des droits de l'homme reste également un peu flou. En conclusion, M. Rechetov dit que l'Etat partie connaît néanmoins une évolution positive, après une longue période de régime dictatorial, et qu'il serait bon que le Comité manifeste son intérêt à la République centrafricaine en l'incitant à présenter un rapport dans les meilleurs délais et à envoyer une délégation devant le Comité.

53. Le PRÉSIDENT demande à M. Rechetov d'établir, en coordination avec le secrétariat, des conclusions fondées sur son analyse, qui seront transmises aux autorités centrafricaines.


La séance est levée à 17 h 50.



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