Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.143
19 avril 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 143ème séance : Jordan. 19/04/94.
CRC/C/SR.143. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 143ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 13 avril 1994, à 10 heures

Président : M. HAMMARBERG


SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties (suite)

Rapport initial de la Jordanie


*Il n'a pas été établi de compte rendu analytique pour la 142ème séance.


Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.


La séance est ouverte à 10 h 25.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Jordanie (CRC/C/8/Add.4)

1. Le PRESIDENT souhaite la bienvenue à la délégation jordanienne, composée de M. Khasawneh, de la mission permanente à Genève et de M. El Rashdan, du Département des affaires juridiques et des traités internationaux du Ministère des affaires étrangères, et invite ses membres à présenter le rapport initial de la Jordanie au Comité.

2. MM. Khasawneh et El Rashdan (Jordanie) prennent place à la table du Comité.

3. M. KHASAWNEH (Jordanie) se réjouit d'entamer un dialogue constructif concernant la réalisation des droits de l'enfant avec le Comité. Le Royaume hachémite de Jordanie est en effet très attaché à déployer les efforts nécessaires pour mettre l'ensemble des droits de l'homme en oeuvre, et notamment les droits de l'enfant. Il convient de souligner à cet égard que la population de la Jordanie est très jeune et que les enfants en constituent la majorité.

4. M. EL RASHDAN (Jordanie) précise que le rapport a été préparé par le Ministère des affaires étrangères en coopération avec les autres ministères concernés, dont notamment le Ministère de la santé, le Ministère du développement social, le Ministère de la Justice, le Ministère de l'intérieur, ainsi qu'avec d'autres institutions gouvernementales. En outre, pour répondre aux questions posées par le Comité, les autorités jordaniennes ont été en contact avec certaines ONG qui travaillent dans le domaine de l'enfance. Le rapport, ainsi que le document de base faisant partie intégrante des rapports des Etats parties (HRI/CORE/I/Add.18/Rev.1), ont été rédigés conformément aux directives applicables en la matière. Les informations qui figurent dans le rapport ont été collectées grâce à la coopération de l'ensemble des services ministériels concernés. De même, les services en question ont constitué la source d'informations principale pour répondre sur les 34 points à traiter de la liste CRC/C.6/WP.4.

5. Le PRESIDENT propose à la délégation jordanienne de répondre d'abord aux questions de la section "Mesures d'application générales" de la liste, pour lesquelles le rapport n'est pas très précis. Ces questions sont les suivantes :

Mesures d'application générales
(Art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

6. M. EL RASHDAN (Jordanie) fait observer qu'en Jordanie de nombreuses organisations non gouvernementales sont intéressées par les droits de l'homme, de façon générale, et par les droits de l'enfant en particulier et souhaitent coopérer avec les ministères concernés. Un colloque a récemment eu lieu entre divers services gouvernementaux et la Fédération des femmes jordaniennes; au cours de ce colloque les discussions ont porté, notamment, sur les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Un accord de coopération entre le Ministère des affaires étrangères et les différentes ONG a été conclu pour l'élaboration des prochains rapports.

7. La question de la diffusion du rapport auprès du public concerne non seulement les pouvoirs publics mais également certaines ONG; les médias, publics et privés, sont aussi concernés. Le Ministère des affaires étrangères a, par exemple, envoyé un exemplaire du rapport à toutes les autorités concernées par les droits de l'enfant, telles que le Ministère de l'éducation, les autorités législatives, le Bureau de la reine Nour, ainsi qu'à toutes les organisations non gouvernementales qui souhaitaient disposer d'informations àce sujet. Par ailleurs, un quotidien jordanien ("La voix du peuple") consacre une page par semaine aux droits de l'homme. Ce quotidien a publié des extraits du rapport initial de la Jordanie au Comité, et toutes les personnes intéressées ont donc pu être informées sur la question.

8. Le Ministère de l'éducation, le Ministère du développement social et certaines organisations non gouvernementales s'occupent de programmes de formation destinés aux travailleurs sociaux des secteurs concernés par l'enfance. A cet égard, le gouvernement espère que les ONG prendront une part plus active dans les programmes mis en place. L'objectif du Gouvernement jordanien est d'informer de façon très large toutes les personnes intéressées par les droits de l'enfant.

9. Par ailleurs, un groupe de juristes fait actuellement une étude sur la législation jordanienne en matière de droits de l'enfant. La Jordanie transmettra le rapport concernant cette étude au Comité dès qu'il aura été établi.

10. Le PRESIDENT rappelle que l'étape de la préparation d'un rapport au Comité est en elle-même très importante et peut être à l'origine de nombreuses améliorations dans la situation des droits de l'enfant. Le processus idéal de préparation du rapport consisterait en une consultation entre les pouvoirs publics et les différents secteurs professionnels concernés par l'enfance. Le rapport serait alors le résultat de discussions et d'analyses en profondeur. D'autre part, il serait judicieux de prévoir un projet systématique de diffusion du rapport au sein de la population.

11. Par ailleurs, l'information concernant la Convention relative aux droits de l'enfant ne doit pas être laissée aux seuls médias. Les universités et les écoles doivent également prendre part à l'information des catégories professionnelles concernées. Enfin, s'agissant de l'examen de la législation nationale, il conviendrait d'analyser toutes les lois qui affectent les enfants d'une manière ou d'une autre et d'examiner si elles sont compatibles avec les dispositions de la Convention. Ce processus permettrait, le cas échéant, de revoir certaines lois.

12. Ensuite, le Président, se référant au point 3 de la liste des points àtraiter (CRC/C.6/WP.4), espère que le rapport contribuera à améliorer la situation des enfants en Jordanie. Toutefois, il serait idéal d'aller plus loin en procédant à une consultation véritable dans le pays entre autorités centrales et locales, travailleurs sociaux, médecins et organisations non gouvernementales, afin d'aboutir à des résultats concrets et de présenter des recommandations qui permettront de pallier les problèmes. Tout en saluant les efforts déployés par le gouvernement à cet égard, le Président met l'accent sur l'importance que revêt la diffusion de ce rapport, mais aussi l'information qui devrait être dispensée à l'université, à l'école, ainsi qu'aux services de police. Enfin, au cours de la rédaction de rapports au Comité, il conviendrait de tenir compte de tous les aspects politiques et législatifs qui concernent les enfants pour faire respecter la Convention.

13. Mme SANTOS PAIS salue l'engagement décisif pris en faveur de la Convention par la Jordanie, qui figure parmi les premiers Etats à l'avoir ratifiée. Cet engagement est confirmé par la présence d'une délégation de haut rang venue d'Amman. Par ailleurs, le rôle joué par Mme Asma Khader, défenseur connu des droits de l'homme et représentante d'ONG, est de bon augure. L'oratrice souligne que les réponses écrites apportées par la Jordanie permettent de mieux comprendre la réalité de l'application de la Convention dans ce pays. De fait, le chapitre "Mesures d'application générales" revêt une grande importance pour le Comité car la loi, pour être appliquée, doit être comprise et perçue du plus grand nombre.

14. Mme Santos País, évoquant les réserves formulées par la Jordanie sur les articles 14, 20 et 21 de la Convention, estime qu'elles sont d'une portée très générale. Or, lors de la récente Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993, on a prié les Etats parties de retirer leurs réserves, surtout lorsqu'elles sont floues ou, du moins, de les exprimer de manière plus précise et, tout en tenant compte des particularités nationales, de veiller aux droits fondamentaux de l'homme dans les domaines politique, culturel et économique, notamment aux droits de l'enfant. L'oratrice, se fondant sur les informations adressées par la Jordanie dans son rapport sur les articles 14, 20 et 21 de la Convention, a l'impression que l'énoncé de ces réserves ne contredit pas les articles qu'elles visent. Ainsi, à propos de l'article 20, il a été fait référence à la kafalah de la loi islamique; cependant cet article semble convenir à la réalité jordanienne, tout comme l'article 21 qui permet aux Etats de ne pas reconnaître l'adoption et d'instaurer un système de remplacement. Aussi l'oratrice souhaite-t-elle que la Jordanie, qui se soucie de tolérance religieuse et de coexistence harmonieuse, retire ses réserves.

15. Le PRESIDENT, à l'instar de Mme Santos País, évoquant la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, estime superflues les réserves de la Jordanie sur les articles 14 et 20. S'agissant de la réserve sur l'article 21, il suggère à la Jordanie de communiquer une déclaration qui indiquerait que l'adoption n'existe pas en Jordanie.

16. M. KOLOSOV attire l'attention sur le fait que deux autres Etats parties àla Convention se sont opposés formellement aux réserves de la Jordanie concernant les articles susmentionnés, en déclarant que ces réserves étaient contraires aux objectifs de la Convention.

17. M. KAHSAWNEH (Jordanie) souhaiterait répondre seulement aux questions écrites du Comité et ne répondre aux questions orales que dans le courant de l'après-midi.

18. Le PRESIDENT y consent.

19. Mme SANTOS PAIS entend que, pour les points d'ordre politique, la délégation préfère contacter les autorités jordaniennes avant de répondre.

20. M. KHASAWNEH (Jordanie) assure que la délégation répondra à ces questions dans le courant de l'après-midi, mais qu'elle est prête à répondre à d'autres questions orales dans l'immédiat.

21. Mme SANTOS PAIS souhaiterait savoir si la Convention prime la législation nationale en cas de litige. La Convention peut-elle être invoquée directement ou faut-il auparavant adapter progressivement la législation nationale ?

22. M. MOMBESHORA souhaiterait de plus amples informations sur le point 2 de la liste des points à traiter (CRC/C.6/WP.4). Les journaux dont il est question dans la réponse écrite sont-ils largement diffusés ? Le rapport au Comité est-il rendu public ?

23. Mme EUFEMIO, notant qu'un Comité national a été chargé de la coordination de l'élaboration du rapport de la Jordanie, souhaiterait savoir si la contribution de telle ou telle institution au sein de ce comité a été évaluée. Le Ministère des affaires étrangères a-t-il joué un rôle primordial dans ce comité, composé de représentants de divers ministères (santé, développement social, intérieur, justice) et de plusieurs organisations non gouvernementales et évalué les activités des autres institutions ? En quoi le rapport initial a-t-il été utile pour évaluer le rôle de ces ministères ? Existe-t-il une structure permanente de coopération en la matière ? Enfin, le Parlement s'est-il servi du rapport comme d'un document de référence ? Finalement, quel rôle a joué Amnesty International dans ce comité ?

24. M. KOLOSOV insiste sur le fait qu'il faut faire connaître le rapport initial de la Jordanie à tous les niveaux de l'administration. Par ailleurs, il estime que ce rapport, au stade de sa préparation, devrait être connu de diverses institutions qui oeuvrent pour les droits de l'enfant, afin qu'elles puissent contribuer à son élaboration. Enfin, l'orateur souhaite qu'après l'examen du rapport (CRC/C/8/Add.4) les conclusions et recommandations du Comité soient largement diffusées en Jordanie.

25. Le PRESIDENT souligne que la publication du rapport au Journal officiel et dans la presse ne suffit peut-être pas. Il encourage la délégation àpublier, après ses débats avec le Comité, le texte du rapport ainsi que les procès-verbaux et conclusions du Comité. Une plus large diffusion du rapport permettrait d'étendre le dialogue dans le pays.

26. M. EL RASHDAN (Jordanie) rappelle que le Comité national chargé de la coordination de la rédaction du rapport, établi récemment, a également pour but de rassembler et de coordonner des informations relatives à l'application des dispositions de la Convention. Au sein de ce comité, chaque ministère et institution agit dans son domaine. Ainsi, ce sont les Ministères de l'intérieur et de la justice qui ont contribué à la préparation des parties du rapport concernant les droits civils et politiques.

27. En ce qui concerne la diffusion du rapport, la délégation jordanienne estime qu'un texte de cette ampleur ne peut être distribué à tout un chacun. En revanche, toutes les personnes intéressées par les questions relatives aux enfants peuvent se procurer ce rapport en s'adressant au Ministère des affaires étrangères. La délégation a l'intention de transmettre et de publier les recommandations du Comité des droits de l'enfant à la presse et à la télévision. Par ailleurs, les procès-verbaux des séances où le rapport aura été examiné seront transmis aux autorités intéressées pour information, afin d'apporter des solutions aux problèmes présents.

28. M. KHASAWNEH (Jordanie) précise que si au sein du comité national en question le Ministère des affaires étrangères ne joue pas un rôle dominant, il est le principal coordonnateur des différents organes qui composent ce comité et y participent selon leurs compétences. L'orateur précise que, en général, ce comité est chargé de préparer tous les rapports qui doivent être transmis àdifférents comités et commissions, et pas seulement au Comité des droits de l'enfant.

29. Mme EUFEMIO, se référant à l'article 4 de la Convention, demande s'il existe un comité qui coordonne les politiques relatives à l'application de la Convention et en contrôle les résultats.

30. Mme SANTOS PAIS souligne le caractère interdépendant et indivisible de tous les droits de l'homme, et partant, la nécessité d'une interaction dans la collecte des renseignements relatifs aux droits de l'enfant. Notant avec satisfaction que le rapport initial de la Jordanie sera communiqué à diverses instances du pays, elle demande quelles autres mesures concrètes le Gouvernement jordanien envisage de prendre pour sensibiliser la population aux droits de l'enfant.

31. Le PRESIDENT dit que, si le rapport présenté par la Jordanie présente les diverses lois adoptées dans ce pays, il ne semble pas que les problèmes réels des enfants soient bien compris et qu'un désir de changement existe à leur égard. Il préconise la mise en place d'un mécanisme de coordination chargé de suivre l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant.

32. M. KOLOSOV note avec intérêt que le document de base HRI/CORE/1/Add.18/Rev.1 présente dans sa quatrième partie, intitulée "Information et sensibilisation de la population", tous les efforts déployés par le Gouvernement jordanien pour familiariser l'opinion publique avec la Convention relative aux droits de l'enfant; il serait utile que la délégation jordanienne s'inspire d'une approche analogue pour faire connaître et appliquer les droits des enfants.

33. La séance est suspendue à 11 h 45; elle est reprise à 12 heures.

34. En réponse à Mme Eufemio, M. EL RASHDAN (Jordanie) dit que le rapport initial de son pays est envoyé à la Chambre des députés pour qu'elle prenne connaissance de son contenu et tienne compte des diverses dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant lors de l'adoption de lois nationales. Il précise également que la Jordanie a l'intention d'envoyer ce rapport à tous les organismes du pays qui ont participé à son élaboration afin de leur permettre de réexaminer leur travail et d'améliorer le suivi de l'application de la Convention.

35. Abordant la question du contrôle de l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant au niveau gouvernemental, M. KHASAWNEH (Jordanie) fait remarquer que son gouvernement envisage de mettre en place un comité de coordination chargé du suivi des mesures prises au sommet mondial de l'enfance et de l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce projet est en cours, mais connaît un certain retard du fait que les attributions précises de ce comité n'ont pas encore été définies au niveau gouvernemental, et que le pays traverse actuellement de graves difficultés économiques et financières.

36. Le PRESIDENT propose à la délégation jordanienne de poursuivre l'examen de la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen du rapport initial de la Jordanie (CRC/C.6/WP.4) en s'attachant aux questions 5, 6 et 7 de la section "Mesures d'application générales", qui ne font pas l'objet de réponses écrites.

37. M. EL RASHDAN (Jordanie) dit que le Gouvernement jordanien recueille des informations statistiques sur la situation des enfants en Jordanie grâce à un certain nombre d'études menées dans le cadre du Département de statistique qui permettent d'élaborer des programmes sectoriels pour le bien-être des enfants. Le Gouvernement jordanien serait heureux de recevoir une assistance technique appropriée pour développer davantage ces indicateurs, et pour pouvoir évaluer l'état d'avancement de la Convention.

38. A propos de la question 6, M. El Rashdan précise que la Jordanie connaît des conditions économiques très difficiles et applique un programme de réformes économiques et financières qui implique une diminution des dépenses publiques. Le gouvernement a toutefois entrepris d'appliquer un certain nombre de mesures et demandé à tous les organismes du pays de faire des efforts pour intégrer les dispositions de la Convention dans le plan quinquennal pour 1993-1997. Le programme de travail en cours d'élaboration prévoit que chaque autorité concernée applique les dispositions de la Convention dans son propre domaine de compétence. La politique du Gouvernement jordanien vise à lutter contre la pauvreté et s'efforce d'utiliser toutes les ressources disponibles, notamment celles du Fonds de la reine Alid et du Fonds du roi Hussein. M. El Rashdan précise que le Fonds d'assistance nationale a alloué 13 millions de dinars jordaniens à titre d'allocations aux familles pour leur permettre d'améliorer le niveau de vie des enfants, qui constituent 54 % de la population jordanienne. Par ailleurs, M. El Rashdan lance un appel aux institutions et organisations internationales traitant des questions intéressant les enfants pour qu'elles aident à financer le programme jordanien.

39. Abordant la question 7, M. El Rashdan cite les chiffres indiqués dans le "Rapport mondial sur le développement humain (1993)" du PNUD sur les flux d'aide. Il précise qu'en 1990 le taux de l'aide publique au développement au secteur social, en pourcentage de l'APD totale, s'élevait à 16,9 %, sur lesquels 53,7 % étaient consacrés aux priorités de développement humain et notamment aux enfants. Il précise que d'autres aides proviennent des organisations et institutions suivantes : UNICEF, OMS, UNESCO, PAM, PNUE, CESAO (Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale), ainsi que de fondations qui assurent une aide bilatérale (Agence de développement des Etats-Unis, Agence allemande de coopération technique, Agence japonaise de coopération internationale). Il précise toutefois que le Gouvernement jordanien a toujours besoin d'aide matérielle pour mieux appliquer les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant ainsi que les divers programmes élaborés pour la défense des enfants.

40. Le PRESIDENT note avec satisfaction les progrès considérables accomplis par la Jordanie dans le domaine du développement humain et notamment de la santé. Le taux de mortalité infantile aurait considérablement baissé passant de 217 pour 1 000 naissances en 1960 à 55 pour 1 000. L'espérance de vie a gagné 20 ans, passant de 46,9 ans en 1960 à 66,9 ans en 1990. Ces progrès auraient été impensables sans aide extérieure. D'un autre côté le Président espère que, face aux problèmes aigus que connaît la Jordanie par suite de la crise du Golfe, le Gouvernement jordanien prendra toutes les mesures voulues pour que les enfants ne soient pas les premières victimes.

41. Mme EUFEMIO note que le Département jordanien de statistique recueille des données périodiques utiles pour l'élaboration d'un programme destiné aux enfants. Elle demande quelle a été la contribution de l'UNICEF pour l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant en Jordanie, et si les statistiques résultant des études réalisées par le Département de statistique permettent de constater une certaine amélioration dans les conditions de vie des enfants (santé, éducation, droits civils, etc.). Enfin, Mme Eufemio souhaite savoir si le plan quinquennal pour 1993-1997 comprend un volet spécifique consacré aux enfants.

42. M. EL RASHDAN (Jordanie) répond à Mme Eufemio que le bureau de l'UNICEF à Amman publie tous les ans un rapport sur la situation des enfants jordaniens, qui contient des renseignements très détaillés sur la santé et l'éducation. A une autre question posée par elle, il répond que le gouvernement s'efforce, dans le cadre du plan quinquennal (1993-1997), d'accorder une attention particulière aux aspects sociaux, afin d'améliorer la situation des enfants. Il convient de rappeler à ce propos que les enfants représentent près de 55 % de la population jordanienne.

43. Mlle MASON dit qu'après avoir entendu les réponses de la délégation jordanienne concernant les réserves de son pays, la répartition des crédits budgétaires, les effets de l'ajustement structurel et l'assistance internationale et technique, elle aimerait savoir quels sont en fait les facteurs et les difficultés pratiques qui empêchent ou entravent l'application de la Convention en Jordanie.

44. Le PRESIDENT invite ensuite, avec l'accord de la délégation jordanienne, Mme Asma Khader, représentante d'ONG jordaniennes s'occupant de l'enfance, àprendre la parole.

45. Mme ASMA KHADER (Représentante d'ONG jordaniennes) souligne tout d'abord que le Comité des droits de l'enfant n'est pas un tribunal, et que toutes les personnes qui participent à ses débats sont animées par le souci de défendre les intérêts des enfants. D'une manière générale, la situation des enfants jordaniens n'est pas idéale mais le gouvernement s'efforce de l'améliorer et les ONG sont conscientes des nombreux obstacles auxquels il se heurte. En revanche, les ONG regrettent de ne pas avoir été associées à l'élaboration du rapport initial, qui leur a été communiqué, non pas par le Gouvernement jordanien, mais par le Centre pour les droits de l'homme.

46. S'agissant des réserves formulées par certains membres du Comité, notamment par M. Hammarberg, les ONG estiment qu'il faut tenir compte des pratiques et des coutumes islamiques en matière de droits de l'enfant. Les ONG ont organisé un séminaire sur l'application des instruments internationaux en Jordanie. Le Ministre de la justice et les représentants d'autres ministères y ont participé. On est arrivé à la conclusion que les instruments internationaux, et notamment la Convention relative aux droits de l'enfant, n'avaient pas force obligatoire en Jordanie et qu'il y avait des conflits entre le droit international et le droit interne.

47. Les autorités jordaniennes ont promis aux ONG que la Convention serait publiée au Journal officiel et que les droits de l'enfant feraient l'objet d'un vaste débat. Il convient par ailleurs de souligner que la Convention a été diffusée largement auprès du public. Les ONG ont distribué la Convention dans les écoles et ont organisé une conférence nationale pour présenter la Convention aux enfants. Les médias ont longuement rendu compte de cette conférence, au cours de laquelle ont été examinées les divergences entre la Convention et la législation jordanienne. Des émissions radiophoniques et télévisées ont également été organisées pour débattre de la Convention. Il serait donc faux de dire que le Gouvernement jordanien n'a rien fait pour diffuser la Convention auprès du public.

48. En ce qui concerne l'application de la Convention, les ONG souhaiteraient que soit créée une autorité de contrôle, qui serait chargée de veiller au respect de cet instrument. La défense de l'intérêt supérieur de l'enfant doit rester une priorité pour le gouvernement, notamment dans les domaines de la santé, du logement et de l'éducation, quelles que soient les difficultés économiques du pays.

49. En ce qui concerne la liberté religieuse, il convient de signaler que l'enfant dont le père s'est converti au christianisme a des problèmes dans ses rapports avec les autorités administratives, car le père est considéré comme un apostat. Par ailleurs, il est regrettable que les programmes scolaires ne prévoient pas des cours d'instruction religieuse qui permettraient aux enfants musulmans de connaître la religion chrétienne et aux enfants chrétiens de connaître l'islam.

50. Enfin Mme Asma Khader souhaiterait que le Gouvernement jordanien renonce aux réserves qu'il a formulées à propos des articles 14, 20 et 21 de la Convention.

51. Mme SANTOS PAIS tient à souligner qu'en permettant à une représentante des ONG jordaniennes de s'exprimer devant le Comité, le Gouvernement jordanien fait preuve d'une ouverture d'esprit qui témoigne de son souci d'associer tous les secteurs de la société à l'amélioration de la situation des enfants.

52. Mlle MASON souhaiterait avoir des précisions sur l'exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion. Il est dit dans le rapport CRC/C/8/Add.4 que l'Etat jordanien s'efforce d'assurer l'égalité de toutes les personnes devant la loi. Quant au document de base HRI/CORE/1/Add.18/Rev.1, il précise que les tribunaux ordinaires du Royaume exercent leur juridiction sur tous les citoyens en matière civile ou pénale, à la seule exception des affaires qui relèvent de tribunaux religieux ou spéciaux (tribunaux de la Charia et tribunaux ecclésiastiques). Mlle Mason aimerait à ce propos savoir quelle juridiction connaît d'un litige opposant un musulman et un non-musulman dans des matières ne touchant pas au statut personnel (mariage, divorce, questions intéressant les mineurs, tutelle légale, etc.). Que se passe-t-il par ailleurs si un enfant musulman viole une règle chrétienne ou si un enfant chrétien viole une règle de l'islam ?

53. M. EL RASHDAN (Jordanie) tient à préciser que Mme Asma Khader représente des ONG jordaniennes, mais ne fait pas partie de la délégation de la Jordanie. Celle-ci répondra ultérieurement aux questions qu'elle a soulevées dans son intervention. Il convient toutefois de préciser d'emblée que le cas de l'enfant cité par Mme Asma Khader est un cas extrême et tout à fait exceptionnel.

54. En ce qui concerne les compétences respectives des différentes juridictions jordaniennes, il convient de rappeler que les tribunaux de la Charia et les tribunaux ecclésiastiques sont compétents pour les questions d'état civil (mariage, paternité légale, protection des mineurs, tutelle, etc.) et que les tribunaux ordinaires sont compétents pour toutes les autres questions. Lorsqu'ils statuent sur un litige opposant un musulman à un non-musulman, les tribunaux ordinaires ne prennent pas en considération la confession à laquelle appartiennent les parties en litige, puisqu'aux termes de la Constitution les citoyens sont égaux en droits et en obligations, quelle que soit leur religion.

55. Mme SANTOS PAIS souhaiterait que la délégation jordanienne précise quelle est la place de la Convention dans l'ordre juridique jordanien. Elle souhaiterait également savoir s'il existe en Jordanie d'autres communautés religieuses que la communauté musulmane et la communauté chrétienne, et dans l'affirmative quelles lois leur sont appliquées. Enfin, Mme Santos País se demande si la coexistence de différentes juridictions religieuses ne risque pas de remettre en cause le principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi.

56. Le PRESIDENT indique que l'examen du rapport initial de la Jordanie (CRC/C/8/Add.4) sera poursuivi à la séance suivante.

La séance est levée à 13 heures.

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