CCPR

NATIONS

UNIES

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Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

 

 

 

 

Comment                       Distr.

                      GENERALE

 

                      CCPR/C/SR.1425

                      20 juillet 1995

 

                      Original : FRANCAIS

 

 

 

 

COMITE DES DROITS DE L'HOMME

 

Cinquante-quatrième session

 

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1425ème SEANCE

 

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le vendredi 14 juillet 1995, à 15 heures.

 

Président : M. BÁN

 

 

SOMMAIRE

 

 

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 40 du Pacte (suite)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

__________

 

          Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

 

          Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

 

          Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

 

 

GE.95-17559 (F)

 

La séance est ouverte à 15 h 10.

 

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

 

Rapport initial de la Lettonie (CCPR/C/81/Add.1/Rev.1) (suite)

 

1.       Sur l'invitation du Président, Mme Birzniece et Mme Dobraja (Lettonie) reprennent place à la table du Comité.

 

2.       Le PRESIDENT invite la délégation de la Lettonie à répondre aux diverses questions posées par les membres du Comité au cours de l'examen du rapport initial, afin d'apporter les renseignements complémentaires souhaités.

 

3.       Mme BIRZNIECE (Lettonie) indique tout d'abord qu'une grande partie des questions qui ont été posées trouveront leur réponse dans le document de base concernant la Lettonie, document de la série HRI/CORE qui sera publié ultérieurement, mais qu'en attendant la délégation lettone va s'efforcer de faire parvenir aux membres du Comité avant la fin de la session, sous forme imprimée et en langue anglaise, l'essentiel des renseignements qu'elle va présenter maintenant.

 

4.       La première catégorie de questions auxquelles va répondre la délégation concerne la hiérarchie des lois, la place du Pacte dans le système juridique letton et sa place au regard de la Constitution, de la loi constitutionnelle et de la législation nationale. Pour cela, il convient de procéder par ordre chronologique, en commençant par la période de transition comprise entre le 4 mai 1990, date de la Déclaration sur le rétablissement de l'indépendance de la République de Lettonie (CCPR/C/81/Add.1/Rev.1, par. 1) et le 7 juillet 1993, date à laquelle le Parlement actuel a commencé à siéger. C'est le Conseil suprême de la République de Lettonie, élu le 18 mars 1990 conformément aux lois électorales soviétiques, qui a adopté le 4 mai 1990 la déclaration par laquelle a été rétablie l'indépendance de la République de Lettonie, illégalement occupée en 1940. Mais le gouvernement mis en place en mai 1990 n'a pris le contrôle de l'Etat qu'en août 1991, à la suite des événements liés au coup d'Etat survenu à Moscou. C'est alors que la Lettonie a été de nouveau reconnue sur le plan international en tant qu'Etat indépendant. C'est également au cours de cette période de transition qu'a été élu, en juin 1993, le nouveau Parlement (Saeima), dont le premier acte législatif a été de rétablir la Constitution de 1922.

 

5.       Pendant cette période, les bases de la loi constitutionnelle lettonne ne figuraient pas dans un seul document, mais dans quatre documents différents, à savoir : i) la Déclaration du 4 mai 1990 sur le rétablissement de l'indépendance de la République de Lettonie, ii) les articles premier, 2, 3 et 6 de la Constitution de 1922, qui, aux termes de la Déclaration, avaient pleinement effet, iii) la Loi constitutionnelle du 21 août 1991 sur le statut d'Etat souverain de la République de Lettonie et iv) la Constitution de la RSS de Lettonie de 1978 en ce qui concerne les dispositions qui ne contredisent pas les trois documents précédents. Le rang de norme constitutionnelle des trois premiers documents n'a jamais été totalement défini, car ces textes ne disent rien sur la manière dont ils peuvent être modifiés ni sur ce qui les distingue de la législation ordinaire. Ils n'ont subi aucune modification pendant la période de transition. Mais il y avait accord, sur le plan politique, pour considérer que ces textes avaient priorité sur les autres lois et ne pouvaient être modifiés ou annulés que par un vote à la majorité des deux tiers du Conseil suprême, comme c'était le cas pour la Constitution de la RSS de Lettonie adoptée en 1978.

 

6.       Quant à la Loi constitutionnelle (dite "organique" dans le rapport) relative aux droits et obligations du citoyen et de la personne, adoptée le 10 décembre 1991 (CCPR/C/81/Add.1/Rev.1, par. 9), qui a fait l'objet de si nombreuses questions, elle a bien été soumise au vote du Conseil suprême en tant que projet de loi constitutionnelle mais, n'ayant pas obtenu la majorité des deux tiers, elle a été adoptée comme une simple loi ordinaire, tout en conservant son titre de Loi constitutionnelle. Il s'agit toutefois du principal acte législatif régissant les droits de l'homme en Lettonie et, bien qu'elle ait le rang de loi ordinaire, la pratique a été de lui accorder la primauté en cas de conflit avec d'autres lois.

 

7.       La situation actuelle, sur le plan constitutionnel, est la suivante : la Constitution a pris pleinement effet le 7 juillet 1993 et représente la seule norme constitutionnelle en vigueur, aucun autre texte n'ayant le rang constitutionnel, même si les trois premiers documents cités pour la période de transition n'ont pas été abrogés. La Déclaration du 4 mai 1990, qui a rétabli l'indépendance, demeure en tant que loi ordinaire dans la mesure où elle régit des questions qui ne sont pas traitées dans la Constitution de 1922; c'est le cas notamment du principe énoncé à l'article premier, qui consacre la suprématie des principes fondamentaux du droit international sur le droit national. Ensuite, la loi constitutionnelle du 21 août 1991 sur le statut d'Etat de la République de Lettonie et la Constitution de 1978 ont perdu tout effet juridique, car les questions dont elles traitent sont couvertes par la Constitution de 1922, qui est pleinement en vigueur.

 

8.       En ce quiconcerne les principes fondamentaux de l'organisation de l'Etat, Mme Birzniece précise ce qui suit : la Constitution de 1922 décrit les institutions de l'Etat ainsi que la procédure législative, mais elle ne comporte pas de chapitre spécial sur les normes relatives aux droits de l'homme. Elle définit la République de Lettonie comme une démocratie parlementaire, comportant aussi un certain nombre d'éléments de démocratie directe. Le Parlement est composé de 100 députés élus pour trois ans par la population, sur une base proportionnelle. Il est le principal organe législatif et l'organe suprême du pays. Les lois peuvent aussi être adoptées, révisées ou abrogées par référendum populaire.

 

9.       Seuls peuvent être représentés au Parlement les partis politiques qui ont été enregistrés, qui comptent au moins 200 membres et qui ont recueilli au moins 5 % des voix. Aucun parti ne peut être enregistré s'il a pour objectif de modifier par la force la structure démocratique de l'Etat. La Lettonie compte 34 partis politiques, dont 9 ont des représentants au Parlement. Le chef de l'Etat (le président), est élu par le Parlement pour un mandat de trois ans et a des fonctions essentiellement représentatives. Le pouvoir exécutif est exercé par le gouvernement, directement responsable devant le Parlement. La personne chargée par le Président de former le gouvernement devient premier ministre si le gouvernement qu'elle propose reçoit le vote de confiance du Parlement. Ce dernier peut à tout moment émettre un vote de défiance à l'encontre du premier ministre ou de l'un des ministres.

 

10.     Enfin, les projets d'amendement de la Constitution concernent surtout les normes relatives aux droits de l'homme, puisque actuellement celles-ci n'y figurent pas, comme l'ont remarqué plusieurs membres du Comité. Le chapitre qui leur sera consacré s'inspirera essentiellement de la loi de 1991 relative aux droits et obligations du citoyen et de la personne, mais le texte en sera remanié de façon à comprendre toutes les normes reconnues dans ce domaine, formulées dans les termes appropriés. Sont prévus également un chapitre sur les autorités locales, dans le cadre de la décentralisation des structures de l'Etat, ainsi que l'institution d'une cour constitutionnelle. Il existe, entre les partis politiques siégeant au Parlement, un certain accord sur les questions à faire figurer dans les amendements à la Constitution; les divergences portent sur la formulation. Il était prévu de soumettre les projets d'amendement de la Constitution au Parlement à l'automne 1995, mais les prochaines élections législatives devant avoir lieu les 30 septembre et 1er octobre prochains, le Parlement actuel achèvera sa session à la fin du mois d'août et la nouvelle législature ne commencera ses travaux qu'en novembre.

 

11.     Bon nombre des questions posées portaient sur la Cour constitutionnelle. Le projet d'amendement concernant l'institution de la cour constitutionnelle, qui a déjà été approuvé en deuxième lecture, diffère de ce qui est indiqué dans le rapport, où il est question d'une chambre constitutionnelle dans le cadre de la Cour suprême (par. 43). La Cour constitutionnelle aurait pour rôle de statuer sur la compatibilité des dispositions d'une loi, d'un règlement ou d'une décision parlementaire ou gouvernementale avec les normes juridiques de rang supérieur. Elle pourrait être saisie par le Président, un tiers des députés du Parlement ou les membres du cabinet. Elle pourrait également être saisie par un juge ou un tribunal lui demandant de se prononcer sur la compatibilité d'une norme législative avec les normes de rang supérieur. Dans le projet initial soumis par le gouvernement, il était prévu que les particuliers se plaignant d'une violation des droits de l'homme auraient le droit de s'adresser à la Cour constitutionnelle après avoir épuisé tous les recours auprès des juridictions inférieures. Mais, lors de l'examen du projet en deuxième lecture, ce droit a été supprimé. Les plaintes pour violation des droits de l'homme émanant de particuliers pourront être examinées par la Cour constitutionnelle, mais à condition que celle-ci soit saisie par la juridiction de rang inférieur ayant examiné la plainte.

 

12.     Pour ce qui est de la hiérarchie des lois en Lettonie, il faut préciser qu'il existe depuis le 13 juin 1995 un décret réglementaire du Cabinet des ministres, intitulé "Règlement relatif à la procédure régissant les actes administratifs", qui représente la première tentative pour établir une hiérarchie des règles de droit. Au premier rang vient la Constitution; en deuxième position, les lois, ainsi que les décrets réglementaires pris par le gouvernement en vertu de l'article 81 de la Constitution, qui ont force de loi tant que le Parlement n'est pas en session; troisièmement, les autres décrets réglementaires gouvernementaux; quatrièmement, les arrêtés et textes réglementaires émanant des autorités locales, qui ont force obligatoire seulement dans le ressort desdites autorités, s'ils ne sont pas en conflit avec des normes de rang supérieur; cinquièmement, dans le cadre des divers organes administratifs, tels que les ministères, les règlements à usage interne - comme par exemple les instructions - qui ne sont pas en conflit avec les normes de rang supérieur; ces derniers règlements s'appliquent uniquement aux fonctionnaires du département administratif en question.

 

13.     Les questions relatives aux conflits entre ces diverses normes font également l'objet du décret susmentionné du 13 juin 1995. S'il y a contradiction entre une norme légale de rang inférieur et une norme de rang supérieur, la norme de rang inférieur est sans effet aucun. En cas de contradiction entre des normes de rang égal, la norme la plus récente l'emporte sur la plus ancienne, ou la norme spécialisée sur la norme à caractère général. Le décret réglementaire de juin 1995 ne dit rien des normes internationales, en particulier du rang à accorder aux conventions qui ont été ratifiées par la Lettonie, parce que cette question générale ne pouvait être traitée dans un texte de cette nature. Mais tout organe de l'administration de l'Etat qui accomplit un acte administratif doit néanmoins se conformer aux principes du droit international général, aux traités internationaux et autres instruments internationaux ratifiés par la Lettonie.

 

14.     La délégation lettone donne quelques précisions sur l'article 81 de la Constitution de 1922, qui autorise le gouvernement à édicter des textes réglementaires ayant force de loi lorsque le Parlement n'est pas en session. Ces textes continuent d'avoir force de loi jusqu'à ce que le Parlement siège de nouveau et, si celui-ci les rejette immédiatement, ils sont sans effet. Si le Parlement les accepte, il peut leur apporter des amendements et les réviser en suivant la procédure normale de l'examen en première, deuxième et troisième lectures. La Constitution précise les domaines qui ne peuvent faire l'objet de textes adoptés selon cette procédure : par exemple, il n'est pas possible de modifier les lois qui ont été adoptées récemment par le Parlement, les lois électorales, les lois relatives au système judiciaire, à la procédure judiciaire, au budget de l'Etat, à l'amnistie, aux tarifs des chemins de fer et aux droits de douane. De toute manière le Parlement conserve le contrôle politique des textes réglementaires émanant du gouvernement étant donné qu'il peut les rejeter lorsqu'il recommence à siéger.

 

15.     Répondant aux questions portant sur la place du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans l'ordre juridique letton et son application en Lettonie, Mme Birzniece rappelle tout d'abord que la Constitution de 1922 ne spécifie pas le rang qu'occupent les normes internationales dans l'ordre juridique letton, ni leur rapport avec la législation interne. Il faut donc se référer à la Déclaration du 4 mai 1990, concernant le rétablissement de l'indépendance de la République de Lettonie, déclaration qui, dans son article premier, reconnaît la suprématie des principes fondamentaux du droit international sur le droit national (par. 1 du rapport, CCPR/C/81/Add.1/Rev.1). Cet article de la Déclaration a le rang d'une loi ordinaire, c'est-à-dire un rang inférieur à celui d'une norme constitutionnelle. Qu'en est-il alors des 51 instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme dont la liste est donnée au paragraphe 4 du rapport et dont fait partie le Pacte ? Lorsque la Lettonie a accédé à ces instruments, soit le 4 mai 1990, il s'agissait essentiellement pour elle d'affirmer par un acte politique sa volonté de se conformer aux normes concernant les droits de l'homme énoncées dans les conventions et instruments internationaux. A cette date, en effet, le Gouvernement letton n'avait pas encore été reconnu sur le plan international et ne pouvait pas ratifier officiellement ces instruments, ce qui fut fait par la suite, le 24 mai 1992, en vertu d'une lettre du Ministre des affaires étrangères de Lettonie adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies. C'est à cette dernière date que les conventions et instruments en question ont pris effet pour la Lettonie. Par conséquent, en proclamant dès mai 1990, c'est-à-dire à une époque où le pays était encore régi par la législation soviétique, l'accession de la Lettonie aux 51 instruments internationaux cités dans le rapport, le Conseil suprême cherchait à accélérer l'alignement de la législation lettone sur les normes internationales relatives aux droits de l'homme sans avoir à examiner en détail toutes les dispositions du droit interne. D'où l'article de la Déclaration sur le rétablissement de l'indépendance qui reconnaît la suprématie des principes fondamentaux du droit international sur le droit national.

 

16.     Ayant passé en revue l'ordre juridique de la Lettonie, la délégation lettone conclut que toute personne a le droit d'invoquer directement des normes ou des articles précis du Pacte devant les tribunaux, que ces normes internationales auraient priorité sur la législation nationale et que les tribunaux devraient s'y conformer. En revanche, la délégation ne peut pas faire état de la jurisprudence existant dans ce domaine vu que depuis la fin du système totalitaire, en Lettonie, les particuliers n'ont pas encore pris l'habitude de s'adresser aux tribunaux pour défendre leurs droits contre l'Etat. De plus, de nombreux droits énoncés dans le Pacte sont très largement couverts par la législation nationale, par exemple le droit du prévenu à un conseil pour sa défense devant les tribunaux, qui est prévu à l'article 14 du Pacte; en effet, ce droit est énoncé dans la loi constitutionnelle relative aux droits et obligations du citoyen et de la personne (art. 18), dans la loi sur le système judiciaire, la loi sur les avocats, et de manière détaillée dans le Code de procédure pénale notamment, où il est du reste spécifié que certaines catégories de prévenus, comme les mineurs ou les incapables, ont droit à un avocat d'office et que des crédits budgétaires sont réservés au paiement des honoraires des avocats commis à la défense de certains prévenus qui ne peuvent en assumer les frais.

 

17.     La Lettonie s'est maintenant dotée de lois qui régissent la procédure de ratification des traités internationaux ainsi que les effets de ces instruments. Dans les lois portant ratification des traités internationaux figure toujours un article stipulant qu'en cas de conflit de lois, le traité international qui a été ratifié l'emporte, même s'il s'agit d'une loi aussi importante que la loi sur la citoyenneté, par exemple.

 

18.     Des questions ont été posées au sujet de l'héritage du système soviétique dans le domaine de la législation et de l'administration. Depuis le rétablissement de l'indépendance, la Lettonie a, comme la plupart des pays d'Europe orientale, adopté de nombreux textes législatifs, et le Parlement adopte plusieurs centaines de lois importantes chaque année. On a également remis en vigueur certaines lois lettones d'avant le 17 juin 1940 dans les cas où les normes énoncées étaient conformes aux exigences actuelles. On peut citer, par exemple, le code civil de 1937, la loi sur le notariat, la loi sur le cadastre, etc.

 

19.     Un autre facteur devrait aider la Lettonie à accélérer l'harmonisation de sa législation avec les normes internationales, à savoir son intention d'adhérer à l'Union européenne, à laquelle elle est actuellement liée par un accord d'association. Dans cette perspective, la Lettonie prépare actuellement, en s'inspirant des normes en vigueur dans l'Union européenne, un projet de code pénal et un projet de code de procédure pénale qui seront soumis au Parlement à l'automne de 1995.

 

20.     La Lettonie a hérité du système soviétique l'administration, l'organisation judiciaire ainsi que leur personnel. Or, étant un petit pays, elle a des ressources humaines plutôt limitées et ne peut se permettre de licencier tout ce personnel pour le renouveler entièrement. La politique du gouvernement s'est donc orientée dans trois directions afin de mettre en place une administration vraiment démocratique qui soit digne d'un Etat de droit. Il s'agit tout d'abord de remplacer autant que possible le personnel actuel par des jeunes; 50 % des juges ont été remplacés, notamment par des magistrats plus jeunes et un assez grand nombre de femmes. Le deuxième volet a consisté à réorganiser les différents départements de l'administration, et le troisième à mettre en place d'importants programmes de formation et de recyclage. Dans le domaine des réformes administratives, on peut citer la loi du 3 mai 1994 sur la fonction publique, loi de très vaste portée qui vise à garantir la mise en place d'une administration efficace et apolitique qui soit à l'écoute de la population. Cette loi énonce les conditions à remplir pour postuler un emploi dans l'administration et pouvoir y être admis, définit la procédure relative aux examens et concours, énonce les obligations des fonctionnaires ainsi que les restrictions concernant l'admission dans la fonction publique, restrictions qui visent à prévenir les conflits d'intérêts, et précise le montant des traitements ainsi que les avantages sociaux des fonctionnaires. A cela s'ajoute une loi sur les sanctions disciplinaires visant les fonctionnaires.

 

21.     Mme Birzniece ajoute encore qu'il existe une école nationale d'administration, où sont enseignés les principes fondamentaux relatifs aux droits de l'homme. D'une façon plus générale, le gouvernement vise à mettre en place une administration dont les décisions seront pleinement conformes aux normes internationales en vigueur. La réalisation de cet objectif ne va pas sans difficultés, et un important effort de formation du personnel reste à faire, compte tenu notamment de l'héritage de l'ancienne administration soviétique, dont les principes et les méthodes étaient très éloignés de ceux qui sont requis par un Etat démocratique fondé sur le droit. Il convient de noter que les autorités lettones ont adopté en juin 1995 une série de règles visant à bien préciser l'ensemble du processus de décision dans le cadre de l'administration et à en assurer la transparence. Mme Birzniece ajoute qu'à l'heure actuelle, ce sont les tribunaux ordinaires qui sont saisis des plaintes administratives. Toutefois, on envisage de mettre en place une procédure distincte pour traiter les affaires administratives. Enfin, tout citoyen peut faire appel devant les tribunaux d'une décision de l'administration.

 

22.     En réponse aux demandes d'informations supplémentaires concernant l'organisation du système judiciaire en Lettonie, Mme Birzniece rappelle ce qui figure dans le paragraphe 42 et aux alinéas a) et b) du paragraphe 43 du rapport (CCPR/C/81/Add.1/Rev.1), et ce qu'elle a dit lors de sa présentation orale dudit rapport (voir CCPR/C/SR.1421). Elle ajoute que la Cour suprême comprend un conseil - instance de cassation saisie de questions de droit - composé de quatre départements (civil, pénal, commercial et administratif), et trois chambres (civile, commerciale et pénale), qui sont saisies en appel des affaires ayant été examinées par des tribunaux régionaux. Le plénum, composé de membres du conseil et des chambres, s'efforce d'harmoniser l'interprétation des lois donnée par les différentes instances de la Cour suprême.

 

23.     En ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire, Mme Birzniece indique que le Procureur général est élu pour sept ans; de même que les autres procureurs, il agit en toute indépendance et n'est responsable que devant la loi. Il est chargé de diriger et de superviser la phase d'enquête et d'instruction au pénal, et d'engager les poursuites. En matière pénale toujours, il représente l'Etat et doit s'assurer de l'exécution des peines prononcées. D'une façon générale, son rôle est de protéger les droits et les intérêts de l'Etat et des citoyens conformément à la loi.

 

24.     Mme Birzniece indique qu'il existe une association des avocats du barreau, régie par la loi sur le barreau d'avril 1993, ainsi qu'une association nationale des avocats. Cette dernière est d'ailleurs membre de l'Association internationale du barreau. D'une façon générale, les normes internationales en matière d'indépendance des professions juridiques sont appliquées en Lettonie.

 

25.     En réponse à une question concernant l'article 15 du Pacte, Mme Birzniece indique que l'article 6 du Code de procédure pénale, qu'elle cite, est pleinement conforme aux dispositions du paragraphe 1 dudit article du Pacte. Elle ajoute que le principe de la présomption d'innocence est garanti par l'article 19 du même code .

 

26.     En réponse aux nombreuses questions concernant la peine de mort en Lettonie, Mme Birzniece rappelle les dispositions du Code pénal en vigueur, qui figurent au paragraphe 76 du rapport (CCPR/C/81/Add.1/Rev.1). Elle ajoute que depuis 1990 cette peine n'a été toutefois prononcée que dans le cas d'homicide volontaire avec circonstances aggravantes. En 1992, cette peine a été supprimée dans les cas d'atteinte à des biens. Dans le cadre du débat sur le nouveau code pénal, deux formules ont été proposées : l'abolition pure et simple de la peine de mort, ou son maintien uniquement dans les cas d'homicide avec circonstances particulièrement aggravantes. Mme Birzniece fournit ensuite quelques chiffres : en 1990, cinq personnes ont été condamnées à mort, dont quatre ont été exécutées; les quatre personnes qui ont été condamnées à mort en 1991 ont été exécutées, et en 1992, sur cinq condamnés à mort, deux ont été exécutés et les trois autres ont déposé une demande d'amnistie ou un recours en grâce. En 1993, il n'y a eu aucune condamnation à mort. En 1994, quatre personnes ont été condamnées à mort, l'une d'elles a été exécutée et dans un autre cas la Cour suprême a commué la peine en une peine d'emprisonnement. Enfin, en 1995 deux personnes ont été condamnées à mort, mais aucune n'a été exécutée à ce jour, et la Cour suprême a commué l'une des deux sentences en peine d'emprisonnement.

 

27.     En ce qui concerne les prisons, Mme Birzniece indique tout d'abord que la loi sur les sanctions a été révisée de fond en comble, et le système pénitentiaire entièrement réformé. Elle tient à souligner que, dans cette entreprise, il a été dûment tenu compte des avis judicieux fournis par les experts du Conseil de l'Europe et de plusieurs pays européens, notamment la France et l'Allemagne. L'ancienne structure pénitentiaire soviétique, caractérisée par des camps où les détenus étaient placés dans des cellules individuelles, a été démantelée. Il existe aujourd'hui en Lettonie trois régimes pénitentiaires : ouvert, semi-ouvert et fermé.

 

28.     Enfin, Mme Birzniece, répondant à une question sur l'institution de l'ombudsman, indique que les autorités avaient effectivement envisagé de mettre en place une telle institution, avant d'y renoncer compte tenu de la création du Conseil des droits de l'homme, qui remplira les mêmes fonctions.

 

29.     Mme Birzniece conclut en regrettant de ne pouvoir, faute de temps, répondre plus amplement à toutes les questions qui ont été posées par les membres du Comité; si le Comité en est d'accord, elle complétera par écrit ultérieurement les informations fournies oralement.

 

30.     Mme DOBRAJA (Lettonie), répondant aux questions concernant le statut des réfugiés en Lettonie, fait remarquer tout d'abord que, de par sa situation géographique, la Lettonie est traditionnellement un carrefour entre l'Est et l'Ouest. Cela étant dit, la Lettonie a dû faire face l'hiver dernier à une vague de réfugiés en provenance de pays comme l'Afghanistan, le Pakistan, l'Iraq ou l'Iran, souhaitant se rendre en Scandinavie. Certes, aucun d'entre eux n'a demandé l'asile politique, mais les autorités lettones sont conscientes de l'urgence qui s'attache à l'élaboration d'une législation dans ce domaine. En effet, il leur faut se donner les moyens de déterminer le statut des intéressés, en distinguant les personnes qui demandent asile pour des raisons économiques de celles qui étaient réellement en danger dans le pays d'où elles viennent. En février 1995, un groupe de travail gouvernemental a élaboré des recommandations à ce sujet, et le Conseil des ministres a fixé récemment des règles applicables au séjour temporaire des personnes en situation irrégulière sur le territoire letton, règles auxquelles il faut ajouter des directives du Ministère de l'intérieur concernant l'expulsion de ces réfugiés clandestins. A ce propos, il y a lieu de préciser qu'aucune expulsion n'a lieu vers un pays où la vie de la personne concernée serait en danger.

 

31.     En 1995, 541 personnes sont entrées illégalement sur le territoire letton; 407 d'entre elles ont été expulsées, les autres ont été placées dans un établissement de séjour temporaire, où elles bénéficient de soins de santé gratuits. D'une façon générale, bien qu'elle ne soit pas partie à cet instrument, la Lettonie s'efforce de respecter toutes les dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés. Elle applique également dans ce domaine les principes consacrés par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Mme Dobraja ajoute encore que l'entretien des réfugiés est un lourd fardeau pour l'Etat letton, qui dépense chaque mois à ce titre l'équivalent de 300 dollars par réfugié. Pour offrir un point de comparaison, Mme Dobraja précise que le montant moyen des retraites en Lettonie correspond à 56 dollars par mois.

 

32.     Mme Dobraja conclut en insistant sur la nécessité d'élaborer dans les plus brefs délais une législation nationale applicable aux réfugiés. Pour ce qui est de la Convention relative au statut des réfugiés, les autorités considèrent que deux obstacles s'opposent à l'adhésion de la Lettonie à cet instrument : premièrement, la Lettonie craint de ne pouvoir en appliquer pleinement les dispositions faute de ressources financières, et, deuxièmement, le texte de la Convention prévoit le cas des réfugiés pour raisons économiques.

 

33.     M. BUERGENTHAL note que le temps imparti pour l'examen du rapport initial de la Lettonie (CCPR/C/81/Add.1/Rev.1) est à l'évidence trop court pour permettre un dialogue pleinement satisfaisant avec la délégation lettone. Toutefois, il lui semble particulièrement important d'accorder à la délégation le temps nécessaire pour répondre aux questions qui lui ont été posées au sujet du processus de naturalisation en Lettonie.

 

34.     Mme EVATT partage entièrement l'avis de M. Buergenthal.

 

35.     M. MAVROMMATIS souhaite, lui aussi, que la délégation dispose du temps nécessaire pour répondre à ces questions. Il fait observer que, globalement, la délégation lettone n'a fourni jusqu'ici que des réponses très générales et incomplètes. Certaines d'entre elles auraient d'ailleurs davantage leur place dans un "document de base". Nul doute toutefois que le Comité soit en partie responsable de cet état de choses, car il n'a manifestement pas expliqué assez clairement à la délégation lettone la procédure d'examen des rapports des Etats parties. M. Mavrommatis rappelle qu'il y a quelques années, le Comité consacrait une séance entière aux réponses apportées par les Etats parties aux questions posées oralement par les membres du Comité. La pratique a été modifiée, le temps imparti a été réduit, sans que la délégation lettone en ait été toutefois avertie, ce qui n'est guère équitable. Pour trouver une solution et compte tenu par ailleurs de l'évolution rapide de la situation en Lettonie, M. Mavrommatis suggère que les autorités de ce pays fassent parvenir ultérieurement au Comité un complément de réponses par écrit. Les autorités lettones pourraient également, à la lumière des comptes rendus analytiques de la présente session, apporter des réponses écrites dans le deuxième rapport périodique qu'elles présenteront au Comité.

 

36.     Le PRESIDENT invite la délégation lettonne à continuer de répondre aux questions du Comité, en commençant par celles qui concernent la naturalisation.

 

37.     Mme BIRZNIECE (Lettonie) replace tout d'abord la question de la citoyenneté et de la naturalisation dans son contexte historique. Elle précise que la République de Lettonie n'est pas un Etat successeur de la République soviétique socialiste de Lettonie; c'est un Etat qui même après le 17 juin 1940 a continué d'exister de jure en tant que sujet de droit international, ce qu'ont d'ailleurs reconnu les Etats-Unis et plus de 50 autres Etats. La citoyenneté lettonne, telle qu'elle existait au 17 juin 1940, a également continué d'exister de jure, même si de facto les citoyens lettons ont été par la suite privés de cette citoyenneté et sont devenus citoyens soviétiques. Il n'y a jamais eu de citoyenneté de la République soviétique socialiste de Lettonie. Mme Birzniece fait le parallèle entre la situation de son pays et celle qu'a connue l'Autriche au milieu des années 50.

 

38.     Le Soviet suprême de Lettonie issu des élections de mars 1990 n'était qu'un parlement de transition, élu en application des lois soviétiques, à une époque où la Lettonie était encore de facto une République de l'URSS. Les lois soviétiques qui régissaient alors les élections permettaient à toutes les personnes adultes se trouvant en Lettonie le jour de l'élection du Soviet suprême d'y participer, y compris les officiers et les soldats soviétiques qui auraient pu arriver en Lettonie le jour précédant cette élection. Or, en vertu de la Constitution de 1922, le Parlement (Saeima) ne peut être élu que par les citoyens de la République de Lettonie et il est seul habilité par la loi à modifier les règles définissant la citoyenneté. Ainsi, le Soviet suprême de Lettonie n'était pas qualifié pour accorder la citoyenneté lettonne à d'autres personnes que celles qui étaient des citoyens lettons au 17 juin 1940 et à leurs descendants (aux termes de la loi de 1919 sur la citoyenneté, cette dernière est transmise par les parents et non en fonction du lieu de naissance).

 

39.     En tant qu'organe de transition, le Soviet suprême de Lettonie était appelé à disparaître après l'élection du nouveau Parlement (Saeima). Le dernier recensement de la population lettonne ayant eu lieu en 1989, et beaucoup de changements démographiques étant intervenus depuis cette date, le Soviet suprême a pris des mesures pour enregistrer toutes les personnes résidant en Lettonie. Afin de prendre part aux élections du Parlement (Saeima), les personnes qui souhaitaient être rétablies dans leur citoyenneté lettonne (conformément aux critères établis par le Soviet suprême en octobre 1991) ont pu le faire en s'enregistrant comme résidents. A cet égard, il convient de préciser qu'en matière de citoyenneté, l'origine nationale n'est pas un critère déterminant en Lettonie : en 1940, plus de 200 000 citoyens lettons n'étaient pas des Lettons de souche. En outre, leurs descendants ont qualité pour être rétablis automatiquement dans leur citoyenneté lettonne, s'ils le souhaitent.

 

40.     En 1992, le Soviet suprême de Lettonie a adopté une loi sur l'entrée et le séjour des étrangers et des apatrides, loi qui imposait, à compter du 1er juillet 1992, un visa ou un permis de séjour ou de résidence à toute personne désirant se rendre en Lettonie. Cette condition ne s'appliquait pas aux personnes résidant en Lettonie au bénéfice d'une "propiska" (permis de résidence) avant le 1er juillet 1992, et dont le statut relève d'une autre loi.

 

41.     En juin 1993 a été élu le nouveau Parlement (Saeima), qui a remis pleinement en vigueur la Constitution de 1922. Une nouvelle loi sur la citoyenneté a été adoptée le 22 juillet 1994.

 

42.     En réponse à une question sur les objectifs visés par cette loi, Mme Birzniece répond que la volonté des autorités était que tout citoyen letton possède une connaissance élémentaire de la langue et de la Constitution lettones, ainsi que du contenu de la législation relative aux droits de l'homme, et connaisse les faits marquants de l'histoire de son pays.

 

43.     En ce qui concerne l'expression "source régulière de revenus" (voir CCPR/C/81/Add.1/Rev.1, par. 32), Mme Birzniece indique qu'il faut entendre par ces termes des moyens de subsistance officiellement déclarés (retraite, aide sociale, salaire, subsides versés par un membre de la famille, allocations de chômage ou autres revenus légitimes).

 

44.     En réponse à une question concernant les critères linguistiques de la procédure de naturalisation, Mme Birzniece indique que l'adoption de ces critères a été rendue nécessaire par le fait que le letton est la seule langue officielle depuis 1989. Elle rappelle par ailleurs que la RSS de Lettonie comptait un très grand nombre de militaires et de fonctionnaires soviétiques, venus d'autres républiques. Riga, la capitale, était le siège des forces armées soviétiques pour le district de la Baltique. Les autorités lettonnes ont imposé un examen linguistique car elles ont constaté que le fait de vivre longtemps en Lettonie n'impliquait pas nécessairement la connaissance, ne fût-elle qu'élémentaire, de l'alphabet et du vocabulaire usuel lettons. En vertu des modifications apportées à la loi sur la citoyenneté le 22 mars 1995, deux catégories de personnes sont dispensées de cet examen : celles qui résidaient officiellement en Lettonie au 17 juin 1940, ainsi que leurs descendants, et celles qui étaient des citoyens lituaniens ou estoniens à la même date, ainsi que leurs descendants, pour autant que ces personnes aient atteint l'âge de la retraite (actuellement fixé à 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes). De même, sont dispensées de l'examen linguistique les personnes qui ont accompli leur scolarité ou fait leurs études supérieures dans un établissement où le letton était la langue véhiculaire. Enfin, les modifications apportées à la loi en mars 1995 ont permis d'éliminer le critère de la "maîtrise excellente de la langue lettonne", impossible à définir de façon statutaire.

 

45.     En réponse à une question concernant l'échelonnement du processus de naturalisation, Mme Birzniece indique qu'un calendrier a dû être mis au point compte tenu du fait que la citoyenneté est accordée cas par cas, et que chaque dossier fait l'objet d'un examen. Au 6 octobre 1994, 71 % des résidents officiellement enregistrés étaient citoyens de la Lettonie, les 29 autres pour cent étant des étrangers (citoyens d'un autre Etat comme la Fédération de Russie ou ex-citoyens soviétiques résidant en Lettonie). Faute de ressources budgétaires suffisantes, il sera impossible de naturaliser rapidement tous ceux dont on suppose qu'ils en feront la demande. Ainsi, les autorités ont étudié des solutions avec l'assistance du Haut Commissaire pour les minorités nationales de la CSCE, M. Max van der Stoel, et ont conclu à la nécessité de mettre au point un calendrier. L'objectif d'une telle mesure était de permettre en priorité aux personnes que l'on supposait déjà intégrées dans la société lettonne de demander leur naturalisation (il s'agit des conjoints de citoyens lettons, des diplômés d'établissements scolaires ou universitaires dans lesquels l'enseignement est dispensé en letton, de ceux dont l'un des parents est letton ou live, etc.). Il s'agissait de favoriser ensuite les personnes nées en Lettonie (qui représentent environ un tiers des personnes ayant actuellement le statut d'étrangers dans ce pays), en commençant par les plus jeunes (la catégorie des 16-20 ans) et en élargissant chaque année à une nouvelle tranche d'âge l'accès à la naturalisation. Ainsi, les personnes nées à l'étranger, mais arrivées en Lettonie quand elles étaient mineures, pourront se porter candidates à la naturalisation dès le 1er janvier 2001, et à compter du début de l'année 2003 toutes les demandes de naturalisation devraient pouvoir être traitées.

 

46.     Un membre du Comité a demandé s'il avait été tenu compte des dispositions du Pacte dans l'élaboration et la révision de la loi sur la citoyenneté. Mme Birzniece répond en indiquant que plusieurs experts du Conseil de l'Europe, de la CSCE et d'autres organisations ont participé à la révision de cette loi. Elle saisit cette occasion pour remercier chaleureusement Mme Higgins, qui s'est rendue deux fois en Lettonie et dont les avis ont été précieux. La plupart des recommandations et remarques des éminents experts susmentionnés ont été incorporées dans le texte final de la loi. Les dispositions du Pacte relatives à la question de la citoyenneté ont donc été dûment prises en compte.

 

47.     En réponse à une question sur le nombre des étrangers ne pouvant prétendre à la naturalisation, Mme Birzniece indique qu'elle ne peut fournir de chiffres, car on ne peut savoir exactement combien de gens seront candidats à la naturalisation. Quoi qu'il en soit, les autorités supposent que les restrictions visées à l'article 11 de la loi sur la citoyenneté ne s'appliqueront qu'à un petit nombre de personnes. Il s'agira principalement des officiers soviétiques à la retraite qui se sont installés en Lettonie après le 17 juin 1940 (toutefois, leurs familles ne seront pas concernées par lesdites restrictions), des anciens agents et employés du KGB, ainsi que des personnes qui auront été condamnées à des peines d'emprisonnement supérieures à un an pour des actes de caractère pénal commis en toute connaissance de cause. Mme Birzniece précise encore que, faute de pouvoir définir ce que recouvre la notion de loyauté à l'égard de la République de Lettonie, les autorités se sont efforcées de définir ce qu'est l'absence de loyauté.

 

48.     Répondant à une question sur les méthodes anticonstitutionnelles et la diffusion d'idées fascistes, communistes ou autres de caractère totalitaire après le 4 mai 1990, Mme Birzniece indique que cette qualification relève d'une décision judiciaire.

 

49.     En réponse à la question de savoir pour quelles raisons un candidat à la  naturalisation doit renoncer à sa citoyenneté antérieure, Mme Birzniece déclare que l'octroi de la citoyenneté lettonne par naturalisation exclut la double citoyenneté. Le Parlement en a ainsi décidé, pour éviter qu'un grand nombre de personnes n'ait la double citoyenneté russe et lettonne. Mme Birzniece précise qu'à l'heure actuelle, environ 40 000 citoyens russes sont enregistrés auprès de l'ambassade de Russie à Riga.

 

50.     En réponse à une autre question, Mme Birzniece indique qu'un candidat dont la demande de naturalisation a été rejetée peut faire appel de la décision devant les tribunaux. La décision ne modifie pas le statut de résident de l'intéressé en Lettonie, et n'entraîne pas son expulsion du territoire. Par ailleurs, conformément à l'article 4 de la loi sur la citoyenneté, tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes obligations. Ainsi, celui qui est devenu citoyen letton par naturalisation peut être élu aux plus hautes fonctions de l'Etat.

 

51.     En ce qui concerne le droit des enfants à la citoyenneté lettonne, Mme Birzniece rappelle les dispositions de l'article 2 de la loi sur la citoyenneté, qui figurent dans les alinéas iii) à v) du paragraphe 29 du rapport (CCPR/C/81/Add.1/Rev.1). Elle mentionne également le cas, prévu à l'article 3 de la loi, des enfants dont l'un des parents est citoyen letton, et celui, prévu à l'article 15, des enfants mineurs d'un citoyen naturalisé. Elle précise encore que l'article 2 de la loi sur la citoyenneté énonce les conditions de l'acquisition automatique de la citoyenneté lettonne. Enfin, Mme Birzniece rappelle les dispositions de l'article 4 de la loi, énoncées dans l'alinéa i) du paragraphe 30 du rapport (CCPR/C/81/Add.1/Rev.1), et elle ajoute qu'en vertu des modifications de la loi qui ont été adoptées en mars 1995, la citoyenneté lettonne est automatiquement rétablie pour les femmes qui l'avaient perdue par mariage avant 1940, ainsi que pour leurs descendants.

 

52.     En ce qui concerne les garanties judiciaires, il faut préciser que la loi constitutionnelle consacre le droit à la présomption d'innocence et affirme le principe selon lequel la culpabilité ne peut être établie que par un tribunal, en vertu des lois en vigueur. Le procès doit être équitable et public et être mené par un tribunal compétent, indépendant et impartial. Le droit de bénéficier des services d'un avocat ainsi que celui de ne pas témoigner contre sa famille ou contre soi-même sont également garantis. Quiconque est arrêté et condamné illégalement a droit à une réparation pour le préjudice matériel ou moral subi. Les garanties consacrées dans la loi constitutionnelle sont développées et précisées dans la loi sur le pouvoir judiciaire, le Code de procédure pénale et le Code sur les abus de l'administration. L'égalité devant les tribunaux et devant la loi est également assurée et les tribunaux connaissent de tous les litiges dont ils sont saisis sans tenir compte de l'origine sociale ou nationale de l'inculpé, du sexe, de l'éducation, de la langue, de la croyance religieuse, du lieu de résidence ou de l'emploi occupé. Pour ce qui est des victimes de l'ancien régime, une loi spécifique a été adoptée pour assurer leur réhabilitation et leur accorder réparation. Il s'agit en priorité, mais non exclusivement, des personnes qui ont été déportées par les autorités soviétiques, surtout entre 1941 et 1945. Chaque cas est examiné par la justice, qui a commencé ce long travail en 1985.

 

53.     En ce qui concerne l'administration de la justice des mineurs, il y a lieu de préciser que la responsabilité pénale est fixée à 16 ans au moment des faits imputés. Elle peut être abaissée à 14 ans dans le cas de crimes particulièrement graves. La peine capitale n'est jamais prononcée à l'encontre de mineurs de 18 ans. Le Code de procédure pénale énonce des garanties et des procédures spéciales à respecter quand l'inculpé est mineur. Ainsi, les services d'un avocat et la présence des parents ou du tuteur légal sont obligatoires et les mesures de sûreté qui peuvent être appliquées à un mineur font l'objet de restrictions très sévères. En 1990, le pourcentage des délits commis par des mineurs était de 19,4; cependant il est tombé à 12,6 en 1994.

 

54.     Les non-citoyens bénéficient des droits protégés par le Pacte. Les droits réservés aux citoyens sont les droits classiques : droit de vote, élection à une charge officielle ou publique, droit de créer des partis politiques. En revanche, les non-citoyens peuvent être membres de partis politiques. Il existe encore des restrictions à l'accession à la propriété de la terre, mais elles ne s'appliquent pas à la propriété de bâtiments ou d'appartements ou d'autres biens. La terre peut être louée en vertu d'un bail emphytéotique et la situation va peut-être faire l'objet d'une libéralisation étant donné que de plus en plus d'étrangers investissent en Lettonie. Seuls les citoyens peuvent appartenir à la fonction publique, mais il existe une exception importante : ceux qui occupaient déjà un emploi devenu un poste de la fonction publique le conservent ou continuent à travailler sous contrat jusqu'à leur naturalisation. Seront également réservés aux seuls citoyens les postes relevant de la police, du pouvoir judiciaire, du ministère public, des organes de sécurité de l'Etat, du corps diplomatique et consulaire et de l'administration douanière. Les ressortissants de l'ancienne URSS qui se trouvaient en Lettonie au 1er juillet 1992 ont désormais le statut de résidents permanents et doivent simplement échanger leurs papiers d'identité soviétiques contre une pièce d'identité spéciale et faire la preuve qu'ils ne sont pas citoyens d'un autre Etat, la Fédération de Russie par exemple. Le législateur letton a entrepris une vaste étude de toute la législation en vigueur de façon à éliminer le plus possible les inégalités entre les citoyens et les non-citoyens, et le Conseil des droits de l'homme devrait jouer un rôle important dans cette tâche.

 

55.     En ce qui concerne les partis politiques, il y a lieu de signaler que le parti communiste est toujours illégal en Lettonie. Il faut bien voir qu'en janvier 1991 ce parti a été l'instigateur d'un coup d'Etat manqué qui a fait de nombreux morts. En août 1991 s'est ouvert le procès du premier secrétaire du parti communiste de l'ancienne République socialiste soviétique de Lettonie inculpé de crime contre l'Etat de Lettonie; il devrait s'achever bientôt. Parmi les 34 partis enregistrés en Lettonie, plusieurs peuvent être qualifiés d'héritiers du parti communiste interdit. La presse est libre en Lettonie et tous les journaux sont privés. Il existe un service public de radio et de télévision mais diverses radios et télévisions privées s'y ajoutent; elles ont surtout une audience locale. La loi réglemente l'accès à la radio et à la télévision pendant les campagnes électorales, de façon à garantir des conditions d'égalité dans le temps d'antenne.

 

56.     La délégation lettone regrette de ne pas avoir suffisamment de temps pour donner des réponses plus détaillées, et elle ne manquera pas de faire tenir au Comité tous les renseignements qui font encore défaut et qui ne sont pour le moment disponibles qu'en letton.

 

57.     Le PRESIDENT remercie la délégation lettone de s'être efforcée de donner des réponses aussi poussées que possible, et il invite les membres du Comité à faire leurs observations, puisque l'examen du rapport initial de la Lettonie touche à sa fin.

 

58.     M. KLEIN déclare que l'effort de la délégation lettone pour aider le Comité dans l'examen du rapport initial en apportant le plus de réponses possible à des questions particulièrement nombreuses force l'admiration, et qu'il est parfaitement compréhensible que certaines questions soient demeurées sans réponse.

 

59.     L'examen du rapport donne à penser qu'il reste encore en Lettonie à mettre en place une infrastructure juridique et légale suffisante pour assurer une véritable protection des droits de l'homme, ce dont la délégation semble avoir pleinement conscience. Il importe en premier lieu de déterminer avec exactitude la place du Pacte dans le droit interne et la hiérarchie des lois. Le statut précis de la loi dite constitutionnelle n'est toujours pas clair.

 

60.     Il est évidemment très difficile de passer d'un régime totalitaire à un régime démocratique quasiment du jour au lendemain, raison pour laquelle il importe au plus haut point de créer une culture des droits de l'homme, ce qui passe par l'éducation. Tout doit commencer à l'école et même à l'école primaire. M. Klein appelle l'attention sur le fait qu'il existe au Centre pour les droits de l'homme des manuels et du matériel didactique destinés à l'enseignement des droits fondamentaux, moyens auxiliaires dont le Gouvernement letton voudra peut-être tirer parti. La création du Conseil des droits de l'homme et du bureau du Ministère d'Etat chargé des droits de l'homme est assurément une bonne chose, mais elle ne suffit peut-être pas, et il serait probablement souhaitable que le Conseil des droits de l'homme soit habilité à recevoir des plaintes émanant de particuliers.

 

61.     M. Klein remercie la délégation lettone une fois encore et ne doute pas qu'elle transmettra les préoccupations du Comité à son gouvernement.

 

62.     M. MAVROMMATIS remercie très vivement la délégation lettone de ses réponses, qui représentent un travail considérable. Le rapport et les réponses orales confirment M. Mavrommatis dans son impression que la ratification du Pacte n'a pas été précédée d'une analyse comparative de la législation interne, ce qui est au demeurant compréhensible. Il était fort louable de ratifier sans délai des instruments importants, mais il faut remédier au plus tôt aux difficultés qu'a entraînées l'absence d'analyse préalable, d'autant plus que la Lettonie a ratifié également le Protocole facultatif et risque de se trouver, en raison de certaines lois héritées du régime soviétique et incompatibles avec le Pacte, confrontée à des communications faisant état de violations du Pacte. Le Gouvernement letton doit en priorité décider de la hiérarchie des lois. Il va sans dire que si le Pacte avait une autorité supérieure au point de devenir exécutoire, toute difficulté serait écartée. Il est légitime que la Lettonie s'intéresse de près aux instruments européens, mais ceux-ci ne doivent pas occulter le Pacte, émanation directe de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les autorités lettones devront réfléchir également à la question de savoir comment il sera donné suite aux constatations que le Comité formulera dans le cas des communications qui pourront lui être adressées en vertu du Protocole facultatif.

 

63.     M. Mavrommatis espère que l'Etat letton optera pour l'abolition de la peine capitale ou, s'il se prononçait pour son maintien, la réservera pour les cas véritablement très graves. M. Mavrommatis attend avec intérêt le prochain rapport périodique de la Lettonie ainsi qu'un document de base (de la série HRI/CORE), dans lesquels il ne doute pas qu'il trouvera beaucoup de réponses à ses interrogations.

 

64.     Mme CHANET remercie la délégation lettone du travail tout à fait exceptionnel qu'elle a dû réaliser pour répondre à toutes les questions du Comité. Il est certainement très difficile de passer d'un système juridique et politique du type de celui de l'URSS, en vigueur pendant plus de 50 ans, à un système démocratique, et personne ne pourrait méconnaître les pesanteurs qui ont dû résulter du régime antérieur, y compris dans les mentalités. S'il est évident que la volonté de surmonter les difficultés existe, il incombe cependant au Comité d'apprécier si le mode d'approche adopté est propre à mettre en oeuvre comme il se doit le Pacte. Mme Chanet note que le simple point de savoir si un droit garanti dans le Pacte peut être invoqué en justice par un particulier a dû être débattu par la délégation, qui a conclu que tel est bien le cas. Toutefois, si la délégation a dû réfléchir, on voit mal comment un simple citoyen pourrait, lui, avoir conscience de cette faculté qui lui est accordée en théorie. Il est donc certain qu'étant donné l'absence de dispositions constitutionnelles, il n'est pas assuré aux citoyens une sécurité juridique suffisante, et qu'il n'existe pas encore de pratique judiciaire dans ce domaine, preuve que l'infrastructure juridique laisse à désirer.

 

65.     Mme Chanet a pris bonne note des amendements apportés à la loi sur la citoyenneté, mais elle continue de s'interroger sur un système qui permet à l'Etat de choisir ses citoyens; elle craint fort que le Comité ne soit saisi un jour ou l'autre de communications faisant état de discrimination.

 

66.     En ce qui concerne la peine capitale, Mme Chanet a cru comprendre qu'un projet de loi visant à l'abolition était déposé, et que depuis deux ans toutes les exécutions étaient suspendues. En général, quand un projet de loi abolitionniste est déposé, aucune exécution n'est pratiquée tant que la loi n'est pas adoptée, de manière à faire bénéficier le condamné de la loi plus favorable, conformément à l'article 15 du Pacte. Mme Chanet invite instamment le Gouvernement letton à suivre cette pratique.

 

67.     Pour ce qui est des autres questions, la délégation lettone a de toute évidence été prise par le temps; Mme Chanet ne doute cependant pas que le deuxième rapport périodique renfermera toutes les réponses attendues et que le Comité verra que la législation a bien progressé dans le sens qui a été indiqué, ce qui permettra un échange encore plus fructueux que celui qui a eu lieu pour l'examen du rapport initial.

 

68.     M. KRETZMER remercie la délégation lettone d'avoir répondu de façon détaillée et complète aux questions posées par les membres du Comité. Il constate avec satisfaction que des progrès considérables ont été réalisés en Lettonie depuis que le pays a recouvré son indépendance, et que des efforts sensibles sont accomplis pour faire respecter de nouveau les principes de la démocratie et des droits de l'homme. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que, tant le Gouvernement letton dans son rapport que la délégation dans sa présentation orale et ses réponses ultérieures, se soient attachés essentiellement aux réformes apportées aux textes de lois et à la structure du pouvoir en général, sans véritablement donner de renseignements concrets sur l'application des dispositions du Pacte dans la pratique. Ainsi, au sujet des conditions de détention en Lettonie, la délégation a indiqué quelles mesures avaient été prises pour réformer le système pénitentiaire, mais elle n'a pas donné de précisions sur la façon dont les détenus de diverses catégories étaient traités, et notamment elle n'a pas dit si les jeunes prévenus étaient traités conformément aux dispositions du paragraphe 2 b) de l'article 10 du Pacte. La Lettonie n'est pas le seul pays à être passé d'un régime autoritaire à un régime plus libéral et le Comité souhaite précisément être informé des difficultés concrètes auxquelles les Etats parties se trouvant dans cette situation ont à faire face. A cet égard, il convient de souligner que la façon dont une société traite les détenus est souvent très représentative de son attitude à l'égard du respect des droits de l'homme en général.

 

69.     De même, il est indiqué clairement dans le rapport que la torture et les traitements inhumains ou dégradants sont interdits par la loi, mais la délégation n'a pas donné la preuve qu'il existait dans la législation des dispositions permettant aux particuliers se déclarant victimes de traitements contraires au droit de déposer plainte auprès d'instances indépendantes, en toute liberté et sans crainte de représailles. M. Kretzmer espère que des réponses détaillées pourront être fournies sur ces questions dans le prochain rapport périodique de la Lettonie.

 

70.     Il espère aussi que des précisions seront apportées sur la question de l'acquisition de la citoyenneté, compte tenu du nombre considérable des personnes qui, apparemment, résident en permanence sur le territoire national et auxquelles le droit à la citoyenneté est encore refusé en vertu de la Constitution en vigueur. Enfin, il espère que des réponses seront également apportées aux questions qui ont été posées sur l'incitation à la haine raciale, qui semble être, malheureusement, d'actualité dans un pays comme la Lettonie, où les relations entre ethnies, apparemment, ne sont pas pleinement harmonieuses.

 

71.     Mme EVATT remercie, elle aussi, la délégation lettonne de sa contribution au dialogue avec le Comité et des informations qu'elle a fournies sur les mesures qui ont été prises pour réformer de façon générale la législation nationale. Elle espère que les réformes se poursuivront, notamment pour faire en sorte que les dispositions du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte en particulier soient pleinement incorporées dans la législation interne. A propos de la question de la citoyenneté, Mme Evatt insiste sur les efforts qui devraient être faits dans le sens de l'intégration de toutes les collectivités constituant la communauté nationale ainsi que de la pleine application du paragraphe 1 de l'article 2 et de l'article 26 du Pacte. Elle souligne également à cet égard l'importance du respect des dispositions de l'article 27, concernant les minorités ethniques, religieuses et linguistiques, et des dispositions des articles 12 et 13 en ce qui concerne les non-citoyens. Au sujet de la peine capitale, elle souhaite vivement que les personnes condamnées à cette peine bénéficient d'un sursis tant que la législation n'aura pas été modifiée dans le sens de l'abolition. Enfin, à propos de la question des réfugiés, elle espère que les principes énoncés dans la Convention de Genève de 1951 et dans le Protocole additionnel seront respectés, et que la Lettonie deviendra partie à cette Convention aussi rapidement que possible.

 

72.     M. BRUNI CELLI remercie la délégation lettone d'avoir répondu au mieux à toutes les questions des membres du Comité. Il se réjouit d'apprendre que des dispositions concernant la garantie des droits de l'homme seront incorporées dans la nouvelle constitution nationale. Au sujet des violations des droits de l'homme qui ont pu être commises sous l'ancien régime communiste, il souligne que les responsables devront être jugés à titre individuel pour leurs actes, mais que, par ailleurs, rien ne justifierait la suspension ou l'exclusion du Parti communiste, ce qui serait contraire aux dispositions de l'article 25 du Pacte. Ceci dit, il convient de rappeler que, l'ex-URSS ayant ratifié le Pacte, les citoyens lettons, même lorsqu'ils étaient sous la dépendance de l'Union soviétique, avaient la possibilité d'invoquer les dispositions du Pacte devant les tribunaux nationaux : M. Bruni Celli souhaiterait que le gouvernement de l'Etat partie précise si cette possibilité est toujours en vigueur.

 

73.     M. BUERGENTHAL remercie la délégation lettone de la présentation qu'elle a faite du rapport initial et des réponses qu'elle a apportées aux questions des membres du Comité, leur permettant ainsi de se faire une meilleure idée des difficultés rencontrées et des progrès accomplis dans l'application du Pacte au cours de la brève période considérée. Nombre de questions restent néanmoins sans réponse, et il faut espérer que les précisions voulues seront apportées dans le prochain rapport périodique. A propos de la question de la citoyenneté et de la naturalisation, M. Buergenthal est satisfait, d'une façon générale, des explications données, et se félicite en particulier de l'importance de plus en plus grande que les autorités lettonnes attachent à leurs obligations internationales en la matière. En revanche, il constate avec préoccupation qu'apparemment les particuliers ne pourront pas s'adresser directement à la Cour constitutionnelle s'ils s'estiment victimes de violations des droits qui leurs sont reconnus dans les instruments internationaux auxquels la Lettonie est partie, et il juge regrettable que la décision de saisir la Cour constitutionnelle doive nécessairement être prise par un tribunal de première instance.

 

74.     Il s'interroge également sur les dispositions de l'article 87 de la Constitution et sur le fait qu'apparemment, lorsque le Parlement ne siège pas, certains droits de l'homme peuvent être modifiés. Il se demande à cet égard si des précédents dangereux ne risquent pas d'être ainsi créés. Enfin, à propos de la question des réfugiés, il semble que la délégation ait laissé entendre que la Lettonie, du fait qu'elle n'a pas ratifié la Convention relative au statut des réfugiés, n'a pas d'obligations en la matière. En réalité, le gouvernement a des obligations au titre même du Pacte à l'égard du traitement de ces personnes.

 

75.     Tout cela étant dit, il y a lieu de féliciter la Lettonie de son attitude positive face aux difficultés qu'entraîne nécessairement l'édification d'un nouvel Etat démocratique respectueux de la règle de droit.

 

76.     M. EL SHAFEI est reconnaissant à la délégation lettonne d'avoir répondu en détail à toutes les questions qui lui ont été posées. La situation en ce qui concerne l'application du Pacte dans l'Etat partie est désormais plus claire. A ce sujet, la délégation ayant confirmé que les dispositions du Pacte prévalaient sur celles de la législation interne et pouvaient être invoquées directement devant les tribunaux, il serait bon que les autorités lettonnes entreprennent une révision complète de la législation en vigueur pour faire en sorte que ses dispositions soient pleinement compatibles avec celles du Pacte et que, par ailleurs, ces dernières soient plus largement connues, en particulier des responsables de l'application des lois et des avocats. M. El Shafei partage d'une façon générale les préoccupations exprimées par les membres du Comité et il insiste spécialement sur la nécessité, pour la Lettonie, d'adhérer aux instruments internationaux concernant les réfugiés et les demandeurs d'asile.

 

77.     M. ANDO remercie, lui aussi, la délégation lettone de la sincérité avec laquelle elle a répondu aux questions des membres du Comité. Il a constaté que le rapport initial de la Lettonie, comme la plupart des rapports initiaux des Etats parties, consistait essentiellement en une énumération des dispositions de la législation; il tient à rappeler à cet égard que le Comité, sans vouloir faire de véritable inquisition, demande plutôt à être informé de la situation concrète en ce qui concerne l'application, dans la pratique, de chacun des droits énoncés dans le Pacte, l'objectif du dialogue étant de faire ressortir les problèmes éventuels et de rechercher ensemble des solutions. M. Ando espère en conséquence que le prochain rapport périodique de la Lettonie contiendra des indications précises sur l'exercice par les citoyens, dans leur vie quotidienne, des droits qui leurs sont reconnus en vertu du Pacte. A propos des problèmes concernant la situation des réfugiés, il engage vivement le Gouvernement letton à faire appel à l'aide internationale et surtout à celle du Haut Commissariat pour les réfugiés. Enfin, il souligne l'importance du droit à la liberté d'expression, dont l'exercice est une condition préalable indispensable à l'éducation, qui elle-même est indispensable au plein exercice des droits de l'homme.

 

78.     M. BHAGWATI remercie la délégation de la présentation du rapport initial de la Lettonie et des nombreuses réponses qu'elle a fournies. L'attitude de sa délégation témoigne de l'attachement de la Lettonie au respect des droits énoncés dans le Pacte. M. Bhagwati n'ignore pas que le retour à la démocratie, après le régime communiste imposé par l'ancienne Union soviétique pendant près de 50 ans, présente de grandes difficultés et exige, de la part des autorités et du peuple lettons, une somme considérable de courage et de fermeté.

 

79.     M. Bhagwati constate avec préoccupation que le Gouvernement letton n'a pas encore adopté de position définitive quant à la place du Pacte dans l'ordre juridique interne. Il croit comprendre que la nouvelle loi constitutionnelle qui sera adoptée renfermera une charte des droits de l'homme, mais rien n'indique que celle-ci aura une portée aussi étendue que le Pacte. Il souligne en outre qu'il ne suffit pas d'incorporer simplement les dispositions du Pacte dans le droit interne, mais qu'il importe aussi d'inclure dans la loi constitutionnelle les garanties d'un appareil judiciaire fort et indépendant. Il faut également que toute personne qui s'estime victime d'une violation de ses droits fondamentaux puisse saisir directement la Cour constitutionnelle et, à ce sujet, le Gouvernement letton pourra indiquer dans son prochain rapport périodique si la Cour constitutionnelle est habilitée à prononcer l'abrogation d'une loi existante. En effet, les violations des droits de l'homme ne sont pas toujours le résultat d'un acte commis par le pouvoir en place; elles peuvent être dues aussi à la façon dont la législation est conçue.

 

80.     Mme BIRZNIECE (Lettonie) remercie vivement tous les membres du Comité d'avoir donné à la délégation de son pays l'occasion d'entreprendre un dialogue fructueux et enrichissant dans un domaine relativement nouveau où la Lettonie, traversant une période de transition sur la voie du rétablissement de la démocratie, manque encore de connaissances techniques et de formation. Le gouvernement et la majorité des membres du Parlement sont certes fermement convaincus du rôle essentiel des droits consacrés dans le Pacte, mais dans l'ensemble les dirigeants eux-mêmes ont encore beaucoup à apprendre et il reste encore beaucoup à faire sur le terrain, notamment en matière de coordination. A cet égard, les observations et les opinions formulées par les membres du Comité ont été extrêmement précieuses et seront dûment transmises aux autorités lettones. La délégation lettone s'engage en outre à faire parvenir au Comité, avant la clôture de sa session, les réponses aux questions qui sont restées en suspens.

 

81.     Le PRESIDENT déclare que le Comité a achevé l'examen du rapport initial de la Lettonie. Il se félicite du dialogue engagé avec la délégation, qui, il l'espère, contribuera à une amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays. Conformément à sa pratique, le Comité adoptera avant la fin de sa session ses observations finales concernant le rapport initial de la Lettonie et les fera parvenir au Gouvernement letton en temps voulu par les voies diplomatiques. Le Président rappelle que le deuxième rapport périodique de la Lettonie est attendu pour le 14 juillet 1998.

 

92.     Mme Birzniece et Mme Dobraja (Lettonie) se retirent.

 

La séance est levée à 18 heures.

 

 

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