Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1348
10 décembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1348ème séance : Latvia. 10/12/99.
CERD/C/SR.1348. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Cinquante-cinquième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1348ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mercredi 11 août 1999, à 15 heures

Président : M. ABOUL-NASR

puis : M. YUTZIS



SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

- Rapport initial, deuxième et troisième rapports périodiques de la Lettonie


La séance est ouverte à 15 heures 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial, deuxième et troisième rapports périodiques de la Lettonie (CERD/C/309/Add.1)

1. Sur l'invitation du Président, M. Baumanis, Mme Malinovska, Mme Jâkobsone, M. Jansons, Mme Japina, M. Mazeiks et Mme Aldermane (Lettonie) prennent place à la table du Comité.

2. M. BAUMANIS (Lettonie), présentant le rapport de l'État partie, explique d'abord que son pays n'a pu présenter ses rapports à temps en raison des nombreux bouleversements intervenus sur les plans législatif, économique et politique à la suite de son accession à l'indépendance, en 1991. Aujourd'hui, la Lettonie fait de son intégration au sein de l'Union européenne l'une de ses priorités; elle coopère en outre avec diverses organisations internationales, en particulier les organismes des Nations Unies, le Conseil de l'Europe et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

3. Pour ce qui est du cadre normatif pour la protection des droits de l'homme, la loi organique de 1991 et un certain nombre d'autres dispositions adoptées depuis interdisaient déjà la discrimination raciale, mais en octobre 1998 le chapitre 8 de la Constitution a été amendé afin de clarifier définitivement le rôle et le statut juridique des droits de l'homme dans le système juridique letton. Désormais, les instruments internationaux en matière de droits de l'homme ratifiés par le Parlement letton sont directement applicables en droit interne et ont la primauté sur celui-ci. Les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont garantis constitutionnellement, sans aucune restriction. Il est par ailleurs question d'amender la loi sur la Cour constitutionnelle de manière à permettre à des particuliers de saisir directement la Cour s'ils estiment qu'il y a incompatibilité entre des dispositions normatives et la Constitution ou les instruments internationaux en matière de droits de l'homme auxquels le pays est partie.

4. Par ailleurs, en 1998 des amendements importants ont été apportés - par voie de référendum - à la loi sur la nationalité, conformément aux recommandations formulées par le Haut Commissaire de l'OSCE chargé des questions de minorités nationales, M. Max van der Stoel. En effet, dès 1991 la question de l'auto-identification de la société lettone, après des années de domination soviétique, a été posée et il a pu y être apporté un début de solution avec l'application du principe de "jus sanguinis". Mais le problème était plus complexe pour les centaines de milliers de colons de l'ère soviétique qui s'étaient volontairement installés en Lettonie ou y avaient été contraints afin de diluer l'identité nationale lettone et d'y substituer l'"homo sovieticus". Les amendements en question permettront donc à 20 000 enfants nés en Lettonie après le 20 août 1991 de jouir de la nationalité lettone si leurs parents en font la demande. L'examen linguistique pour les candidats à la naturalisation a été également simplifié et les critères d'âge annulés. En 1998 aussi ont été adoptées une loi facilitant l'accès à l'information et une loi prévoyant l'indemnisation de personnes victimes d'actes illégaux ou de décisions infondées de la part des autorités, notamment judiciaires. En avril 1999, enfin, le Parlement letton a ratifié le Protocole 6 à la Convention européenne des droits de l'homme interdisant la peine de mort.

5. Le nouveau gouvernement formé le 16 juillet 1999 entend mettre en oeuvre le Programme national pour l'intégration de la société, adopté en septembre 1998 par le gouvernement précédent et au sujet duquel 25 000 personnes ont été consultées. Ce programme, qui mettait au départ l'accent sur l'intégration des minorités, prévoit désormais aussi des actions en faveur de la participation civique, de l'intégration sociale et de la démocratisation.

6. Passant à la question des groupes vulnérables, M. Baumanis fait valoir que les Lives sont le seul peuple autochtone de Lettonie (par. 8 du rapport). Avec l'aide de la Fondation Soros, le premier dictionnaire letton-live a été publié. Également conscient de la vulnérabilité des Roms, le Gouvernement a adopté des mesures de discrimination positive en leur faveur afin qu'ils jouissent du même statut social que les autres membres de la société lettone. Outre une école rom financée par l'État, il existe en Lettonie une association culturelle et un centre d'information roms. Un manuel intitulé "Histoire des minorités" a par ailleurs été publié afin de permettre aux enfants lettons de mieux comprendre la question des minorités. De plus, un programme de formation des enseignants aux problèmes des réfugiés, élaboré avec le bureau régional du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, est appliqué avec succès depuis plusieurs années.

7. M. Baumanis ajoute que le Centre letton pour les droits de l'homme et les études ethniques est l'une des 4 000 organisations non gouvernementales existant en Lettonie. Créée en 1993 dans le but de promouvoir l'éducation en matière de droits de l'homme et d'assurer un suivi dans le domaine des droits de l'homme et des relations ethniques, cette ONG collabore avec la Fédération internationale d'Helsinki pour les droits de l'homme, réseau d'organisations de défense des droits de l'homme actives dans les pays de l'OSCE.

8. Le PRÉSIDENT se dit impressionné par la concision et la précision des informations transmises par la délégation.

9. M. DIACONU (Rapporteur pour la Lettonie) salue la présence d'une délégation importante, qu'il remercie pour les renseignements supplémentaires fournis sur la situation dans l'État partie et les mesures prises afin de donner effet à la Convention. Il note que l'État partie s'est doté, en l'espace d'un court délai, d'institutions et d'une législation démocratiques et que les conventions internationales ratifiées par le Parlement letton sont directement applicables et priment sur la législation nationale. Le rapport à l'examen, qui répond bien aux directives du Comité, contient des données statistiques très complètes sur la démographie du pays et rend compte des mesures adoptées en faveur des Roms et des Lives. Le pays est donc engagé sur la bonne voie, mais il reste beaucoup à faire et la mise en oeuvre de la Convention doit demeurer un objectif permanent.

10. Après 50 années de régime soviétique, la Lettonie s'efforce de rétablir sa qualité d'État souverain et son identité : des transformations majeures sont en cours dans les domaines économique, politique et législatif. À la suite de déplacements de population et de mouvements migratoires en provenance et à destination de la Lettonie, le pays s'est retrouvé, au moment du rétablissement de son indépendance, en 1991, avec une importante proportion de Russes, d'Ukrainiens et de Bélarussiens qui n'avaient pas jugé nécessaire de s'intégrer auparavant dans une société faisant partie d'un plus vaste ensemble, l'URSS. Or la politique du Gouvernement en matière de naturalisation - hormis pour les personnes qui résidaient en Lettonie avant juin 1940 et leurs descendants, reconnus de jure comme citoyens - continue à créer de nombreuses difficultés qui entravent l'application de la Convention. En effet toutes ces personnes, considérées comme des étrangers, doivent suivre une procédure de naturalisation individuelle. Il faut noter, à ce sujet, que d'autres pays issus de l'ex-URSS ont choisi une autre voie, en accordant la citoyenneté à toute personne résidant sur leur territoire. En Lettonie comme dans d'autres pays devenus indépendants après l'effondrement de l'URSS, un nouvel équilibre doit donc être recherché entre les intérêts généraux du nouvel État et les intérêts des divers groupes ethniques, majoritaires comme minoritaires.

11. À cet égard, l'attention du Comité est tout d'abord retenue par le paragraphe 9 du rapport, où il est dit que le Gouvernement est prêt à communiquer au Comité les renseignements les plus récents eu égard à l'évolution rapide de la législation concernant la citoyenneté et des différences entre les droits des citoyens et des non-citoyens. Il est clair que les personnes qui se sont trouvées sans citoyenneté à la suite de l'adoption, en octobre 1991, des règles relatives à la naturalisation sont, pour la plupart, des membres des minorités et le Gouvernement reconnaît lui-même que les problèmes se rapportant aux minorités et aux non-citoyens se recoupent dans une large mesure (par. 91). Il y a donc lieu de se demander si la solution choisie dans l'État partie n'a pas créé une situation discriminatoire pour les membres des minorités - qui ont leur résidence dans le pays et ne sont pas des émigrés récents - en les privant des droits dont jouissent d'autres citoyens. Selon le tableau fourni au paragraphe 55 du rapport, la population compte plus d'un quart de non-citoyens, pour la plupart des membres des minorités. Si la loi n'est pas discriminatoire dans son objectif, il semblerait donc qu'elle le soit dans ses effets. À ce sujet, M. Diaconu aimerait savoir si la Lettonie reconnaît l'existence d'entités ethniques, désignées dans le rapport comme "groupes ethniques" ou "minorités ethniques", et si le tableau précité reflète leur place dans la société lettone. De plus, même si les gouvernements successifs ont un peu allégé les procédures de naturalisation, les exigences linguistiques restent exorbitantes et vu le rythme des naturalisations (11 500 personnes en 4 ans) il faudrait 200 ans pour résoudre le problème des non-citoyens ! Le Comité des droits de l'homme de l'ONU a lui aussi estimé que les règles actuelles en matière de naturalisation contenaient encore des critères d'exclusion. Il conviendrait donc que le Comité recommande à l'État partie de faciliter l'obtention de la citoyenneté. Il convient de noter encore à ce sujet l'adoption, en 1995, de la loi sur le statut des citoyens de l'ex-URSS qui ne sont pas citoyens de la Lettonie ou d'un autre pays, permettant aux non-citoyens d'entrer dans le pays et d'en sortir avec un document internationalement reconnu, ainsi que les mesures de protection dont bénéficie la population autochtone la plus ancienne de Lettonie, les Lives, pour laquelle un territoire spécialement protégé, la "Côte des Lives", a été institué (par. 8 du rapport).

12. En relation avec l'article 2 de la Convention (par. 10 à 17 du rapport), il serait souhaitable que la délégation indique si la Lettonie a adopté une politique visant à l'élimination de la discrimination raciale sous toutes ses formes, comme l'obligation lui en incombe conformément au paragraphe 1 dudit article. Il n'est en effet pas toujours suffisant de déclarer que la discrimination raciale est implicitement interdite par la Constitution et la législation nationale. D'ailleurs, des informations font état de manifestations d'intolérance, dans certains milieux de la société lettone et dans certains journaux, à l'égard de certains groupes ethniques. On apprend que les Russes sont appelés "illégaux de l'Est" ou "occupants" et que certains groupes russes qualifient les Lettons de "petits frères arrogants des anciens territoires nationaux". Par ailleurs, on a entendu dire, au sujet du programme d'intégration lancé il y a quelques années, qu'il devrait fonctionner à sens unique, c'est-à-dire que les groupes minoritaires devraient s'intégrer dans la culture majoritaire et renoncer à leur culture propre. Dans ce contexte, il serait bon que les autorités lettones fassent une déclaration politique concernant les minorités nationales, l'égalité des droits et l'élimination de la discrimination, afin que les membres de ces minorités sachent qu'ils peuvent conserver leur identité ethnique, linguistique et culturelle tout en restant des citoyens loyaux.

13. Par ailleurs, n'y a-t-il pas une certaine contradiction entre le paragraphe 18 du rapport, qui dit qu'il n'existe aucune norme juridique énonçant une forme quelconque de ségrégation et pas non plus de pratiques de ce genre, et le paragraphe 142, où il est dit que le pays connaît toujours une certaine forme de ségrégation linguistique ? Existe-t-il d'autres formes de ségrégation ?

14. L'article 68 du Code pénal, qui punit les crimes contre l'humanité en tant qu'actes délibérés commis dans l'intention de détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux, l'article 69, intitulé "Atteinte à l'égalité ethnique ou raciale", ainsi que l'article 13 de la loi sur les organisations publiques et leurs associations (par. 21, 22 et 29 du rapport, respectivement) donnent semble-t-il pleinement effet aux dispositions de l'article 4. Mais il serait intéressant de savoir comment ces dispositions sont appliquées, et notamment quelle issue a été donnée aux actions en justice pour propagande raciste et incitation à la haine raciale mentionnées aux paragraphes 26, 27 et 28 du rapport. Par ailleurs, pourquoi les déclarations antisémites qui apparaîtraient fréquemment dans certains journaux et dans les programmes électoraux de certains partis n'auraient-elles encore donné lieu à aucune condamnation ?

15. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 5 de la Convention, force est de constater que le régime de naturalisation adopté a créé de graves inégalités entre citoyens et non-citoyens, ces derniers étant soumis à toutes sortes de restrictions et victimes de nombreuses inégalités, en matière d'accès à la propriété et de création d'entreprises privées notamment. En attendant que soit résolu le problème de la citoyenneté, l'État partie devrait s'attacher à réduire au minimum les différences de traitement entre citoyens et non-citoyens. Des problèmes sont apparus aussi en ce qui concerne le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d'y revenir. Certaines personnes, nées en Lettonie et y ayant leur famille, qui avaient quitté le pays durant un certain temps, se sont vu refuser le droit d'y revenir car leur droit d'y résider avait été annulé. M. Diaconu attire également l'attention sur l'exigence faite par la loi lettone d'inscrire dans les passeports des citoyens comme des résidents la nationalité du détenteur et son origine ethnique, ce qui n'est pas sans rappeler certaines pratiques soviétiques. Les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme voient dans cette prescription une atteinte à la vie privée et une incitation à la discrimination. Le Comité pourrait donc recommander au Gouvernement letton, comme l'a fait la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, de renoncer à cette exigence. Par ailleurs, dans certains cas l'obligation de la maîtrise de la langue est utilisée d'une manière arbitraire pour refuser certains droits, notamment l'octroi du statut de chômeur. Il faudra veiller à ce que le projet de nouvelle loi sur les langues, qui prévoit entre autres la transcription des patronymes selon les règles de la langue lettone, ne conduise pas à une modification des noms et ne porte pas atteinte au droit de chaque personne d'avoir un nom.

16. Passant à l'article 6, M. Diaconu se réfère à une préoccupation exprimée par le Comité des droits de l'homme de l'ONU, à savoir que le système juridique letton ne prévoit pas de voies de recours efficaces en cas de violation des droits de l'homme. Par exemple, la constitutionnalité des lois ne pourrait pas être contestée par des particuliers. Le résultat du débat en cours visant à amender la loi sur la Cour constitutionnelle est donc attendu avec intérêt. Que fait aussi le Bureau national des droits de l'homme, combien de plaintes a-t-il reçues, quelle place occupe-t-il au sein des structures de l'État ? La délégation pourrait-elle indiquer, par ailleurs, si toute personne est autorisée à s'exprimer dans sa langue maternelle devant les tribunaux ? Dans le domaine de l'éducation, si le Comité comprend parfaitement la nécessité que tous les habitants du pays étudient le letton, il aimerait se voir confirmer que l'enseignement dans les langues minoritaires, y compris au niveau universitaire, est bien garanti. Des formations dans ces langues sont-elles prévues pour les professeurs, les instituteurs, les médecins, les acteurs, les journalistes ? M. Diaconu se dit ensuite préoccupé par certaines déclarations, officielles ou semi-officielles, selon lesquelles à partir de 2004-2005 l'enseignement dans les langues minoritaires serait aboli et le financement public des écoles dans les langues minoritaires abandonné. Comment les dispositions du projet de loi sur les langues, qui fait mention de l'éducation dans les langues étrangères, et non pas minoritaires, est-il compatible avec la loi sur l'éducation, qui prévoit précisément l'existence d'un enseignement dans les langues minoritaires ? M. Diaconu souhaiterait également savoir s'il existe une formation aux droits de l'homme, y compris ceux des minorités, et s'il est exact que le Parlement letton a décidé, en 1998, une réduction des programmes diffusés dans les langues minoritaires.

17. Au chapitre des faits positifs, il faut tout de même noter l'adoption de la loi sur le droit à l'autonomie culturelle des nationalités et groupes ethniques de la Lettonie, ainsi que l'existence d'associations culturelles nationales et la conclusion d'accords de coopération culturelle avec la Fédération de Russie, l'Ukraine et d'autres pays. Par ailleurs, le Comité se félicite d'apprendre que le rapport à l'examen et les débats y relatifs seront publiés au Journal officiel.

18. En conclusion, M. Diaconu, évoquant la méfiance, dans les pays d'Europe de l'Est, des majorités à l'égard de minorités qu'elles jugent trop nombreuses et trop vindicatives, dit que ce sentiment ne peut être dissipé que par l'adoption de mesures déterminées visant à assurer une coexistence pacifique au sein d'un État démocratique et permettant aux minorités de participer pleinement à la vie du pays et de conserver leur identité ethnique, linguistique, culturelle et religieuse. Il aimerait, pour terminer, que la délégation indique si la Lettonie dispose d'un mécanisme de consultation avec les minorités, notamment pour les questions les concernant directement.

19. Le PRÉSIDENT, ayant rappelé la nécessité que tous les intervenants indiquent les sources dont sont extraits les déclarations ou articles qu'ils citent, remercie le rapporteur de son analyse.

20. M. SHERIFIS fait siennes les questions adressées à la délégation par le rapporteur pour le pays et attend avec intérêt ses réponses.

21. Concernant le paragraphe 8 du rapport, où est présenté l'article 4 de la loi sur le droit à l'autonomie culturelle des nationalités et groupes ethniques de Lettonie, il aimerait savoir en quoi consiste exactement le territoire "spécialement protégé" créé en 1991, appelé "Côte des Lives". S'il s'agit d'une région créée sur des bases purement ethniques où seuls les Lives peuvent résider, il semblerait que cette mesure contrevienne à l'article 3 de la Convention condamnant la ségrégation raciale. Il est dit au demeurant, au paragraphe 18, qu'il n'existe aucune norme juridique énonçant une forme quelconque de ségrégation ni non plus de pratiques de ce genre. La délégation pourrait-elle donc éclaircir cette question ? M. Sherifis aimerait savoir par ailleurs si les résidents qui ne sont pas citoyens ont le droit de voter et d'être candidats aux élections, sinon nationales du moins locales. Pour ce qui est des élections au Parlement (Saeima), l'article 5 de la loi sur l'élection au Saeima dispose que les personnes qui n'ont pas une maîtrise de la langue correspondant au niveau le plus élevé ne peuvent présenter leur candidature (par. 47 du rapport). Doit-on en conclure qu'il faut détenir un diplôme universitaire pour être candidat ? Quant à la restriction touchant les personnes qui sont ou qui ont été des agents des services de sécurité, etc. (ibid.), ne serait-il pas préférable d'accepter la candidature de ces personnes quitte à laisser les électeurs trancher ?

22. Notant, en ce qui concerne le statut des résidents, que les Russes sont dans leur grande majorité des non-citoyens, M. Sherifis se demande si c'est parce qu'ils ne cherchent pas à obtenir la citoyenneté lettone, ou parce qu'ils savent que leur demande ne sera pas acceptée. En outre, il voudrait savoir si l'État partie envisage de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention et de reconnaître ainsi la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers. De même, il voudrait savoir si l'État partie compte ratifier l'amendement au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention adopté par les États parties. Enfin, il recommande à la Lettonie de rendre publiques les conclusions et recommandations du Comité relatives à l'examen du rapport.

23. Pour conclure, M. Sherifis, insistant sur la question de la participation des minorités ethniques à la vie politique du pays, demande à l'État partie de fournir des informations sur le nombre de citoyens d'origine ethnique autre que lettone faisant partie du nouveau gouvernement ou exerçant une charge dans la fonction publique, au Parlement ou dans le système judiciaire.

24. M. GARVALOV se félicite des efforts déployés par l'État partie pour se conformer aux dispositions de la Convention. En effet, même s'il n'existe pas en Lettonie de loi spéciale interdisant la discrimination raciale, le rapport fait état d'un certain nombre de textes importants mettant en oeuvre les dispositions des articles 1er, 4 et 5 de la Convention. M. Garvalov se félicite également de ce qu'il soit aujourd'hui possible d'invoquer directement la Convention devant les tribunaux. Il note toutefois que l'article 12 de la loi organique relative aux droits et obligations du citoyen et de la personne (par. 6 du rapport) ne contient pas les termes "couleur" et "origine nationale ou ethnique" qui font partie intégrante de la définition de la discrimination raciale telle qu'énoncée au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention. Il rappelle en outre à l'État partie que bien qu'il ait ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit avant tout respecter ses obligations au titre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du fait de la primauté des normes internationales sur les normes régionales.

25. Les informations fournies à propos de l'application de l'article 4 de la Convention sont très utiles. Pour ce qui est de l'application de l'article 5 de la Convention, il voudrait savoir premièrement pourquoi selon le tableau figurant au paragraphe 55 du rapport les non-citoyens sont beaucoup plus nombreux parmi les Russes, les Bélarussiens, les Ukrainiens, les Allemands et les "Autres" que les citoyens. Deuxièmement, quels groupes ethniques sont inclus dans la catégorie "Autres" ? M. Garvalov s'interroge en outre sur les écarts apparents entre les statistiques officielles de 1994 et celles de 1998 en ce qui concerne les différents groupes ethniques répertoriés. Par ailleurs, il lui semble que la Lettonie se comporte de manière discriminatoire à l'égard des non-citoyens, dont la plupart sont d'une origine ethnique autre que lettone, en leur interdisant d'occuper des postes au gouvernement, de constituer des partis politiques et d'accéder à la propriété foncière.

26. M. Garvalov aimerait également obtenir des éclaircissements sur la loi sur la citoyenneté qui, selon le Groupement pour les droits des minorités, empêcherait les personnes ayant servi dans les forces armées d'un autre État d'obtenir la citoyenneté lettone. Si cette disposition vise les personnes d'origine ethnique autre que lettone ayant servi sous le drapeau de l'Union soviétique, elle ne serait pas conforme à la Convention. Le Groupement pour les droits des minorités se dit préoccupé aussi par le fait que la politique d'intégration du Gouvernement peut passer pour une politique d'assimilation et de discrimination, dans la mesure où elle ne favorise pas la préservation de l'identité des minorités. Qu'en est-il réellement ? Enfin, s'agissant des "groupes ethniques", M. Garvalov aimerait savoir si c'est là leur désignation officielle ou si l'État partie utilise d'autres expressions. En tout cas, il n'a pas rencontré l'expression "minorités nationales" dans le rapport. Si la Lettonie, en tant que membre du Conseil de l'Europe, a ratifié la Convention européenne des droits de l'homme sur les droits des minorités, comment interprète-t-elle l'expression "minorités nationales" dans ce contexte ?

27. Mme SADIQ ALI se félicite des efforts accomplis par l'État partie dans le domaine de l'éducation à des fins d'intégration. Cependant, elle pense que les programmes pertinents devraient inclure l'enseignement et la promotion de la compréhension, de la tolérance et de l'amitié vis-à-vis de pays autres que ceux avec lesquels la Lettonie entretient déjà des liens étroits. Abordant par ailleurs la question du mariage dans le cadre de l'article 5 de la Convention (par. 57, 58 et 59 du rapport), elle se demande de quelle catégorie ethnique relèvent les enfants de mariages interethniques.

28. M. Yutzis prend la présidence.

29. Mme ZOU, se réjouissant de pouvoir instaurer un dialogue avec un nouvel État partie, se demande si la Lettonie a l'intention d'élaborer une législation régissant les relations entre les différentes minorités nationales, qui représentent 40 % de sa population. Par ailleurs, elle relève au paragraphe 39 du rapport que les pouvoirs publics et les services administratifs sont tenus d'accepter et d'examiner les documents rédigés en letton, en anglais, en allemand ou en russe s'ils sont accompagnés d'une traduction officielle dans la langue de l'État, ce qui revient à dire, lui semble-t-il, que tous les documents devraient être rédigés en letton. En outre, notant que s'agissant de l'éducation l'État garantit à chacun la possibilité de recevoir une instruction gratuite jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire (par. 137 du rapport), elle aimerait savoir jusqu'à quel niveau va la scolarité obligatoire. Pour ce qui est des programmes d'éducation destinés aux groupes ethniques dans leur langue, Mme Zou aimerait aussi en savoir davantage et, en particulier, connaître la proportion qu'ils représentent et savoir s'ils sont exclusivement dispensés aux minorités ou s'ils font partie de programmes plus généraux.

30. M. VALENCIA RODRIGUEZ espère pouvoir mener un dialogue constructif avec la délégation lettone en ce qui concerne l'application de la Convention. Il souhaite d'abord savoir quelle forme définitive prendra le mécanisme chargé de l'élaboration des rapports destinés aux différents comités des organes chargés de l'application des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme que le Gouvernement est en train de mettre en place. Faisant référence au tableau illustrant la répartition démographique en Lettonie (par. 55 du rapport), il se demande si les étrangers et les apatrides sont inclus dans la catégorie des non-citoyens. Notant aussi que la loi du 19 mars 1991 sur le droit à l'autonomie des nationalités garantit aux résidents l'égalité des droits prescrits par les normes internationales, il voudrait savoir si les dispositions de la Convention sont considérées comme des normes internationales.

31. S'agissant de l'application de l'article 2 de la Convention, il souhaiterait connaître les résultats de l'enquête sociologique portant sur la formation de la société civile en Lettonie (par. 11 du rapport), de même que ceux du projet de section spéciale de la Constitution, consacrée aux droits de l'homme (par. 12 du rapport). En outre, il se réjouit de la ratification par la Lettonie de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la création d'un Comité permanent des droits de l'homme qui a pour mandat d'élaborer des lois visant à protéger lesdits droits et espère obtenir des informations sur les lois en question.

32. Passant à la question de l'application de l'article 4 de la Convention, M. Valencia Rodriguez dit que l'article 69 du Code pénal est conforme à l'esprit de l'alinéa a) de l'article 4 de la Convention. Cela étant, il aimerait avoir des éclaircissements au sujet du paragraphe 23 du rapport. On pourrait en déduire en effet que si la restriction des droits est indirecte elle ne donne pas lieu à des sanctions, ce qui priverait de sens l'article 69 du Code pénal précité. Il faudrait aussi des informations sur l'action en justice mentionnée dans le cadre de la liberté d'association (par. 30 du rapport).

33. Pour ce qui est de l'application de l'article 5 de la Convention, la Constitution lettone garantit l'exercice des droits consacrés dans cet article. Les personnes ont notamment le droit d'utiliser la langue de leur choix ou de recourir à un interprète lors des procédures judiciaires, mais est-ce l'État qui prend à sa charge les frais d'interprétation, ou les parties au procès ? Les Lettons ont par ailleurs le droit d'être élus au Parlement (Saeima), à certaines conditions (par. 47 du rapport). De l'avis de M. Valencia Rodriguez, l'une de ces conditions, liée à des activités politiques (ibid., al. e)), n'est pas de la compétence du Comité. Il tient à souligner en revanche le caractère égalitaire de la législation sur le mariage, qui prévoit que le couple peut prendre le nom tant de l'homme que de la femme (par. 58 du rapport) et il se réjouit de l'augmentation du nombre des mariages interethniques.

34. L'État partie devrait, par contre, revoir sa législation en matière d'acquisition de terres et de ressources naturelles pour éliminer toute différence de traitement entre nationaux et non-nationaux. En ce qui concerne le droit à la liberté de réunion et d'association, il est positif que les groupes ethniques perçoivent une aide du Gouvernement pour constituer des sociétés culturelles et l'État partie doit être engagé à poursuivre dans cette voie. À propos du droit à la santé (par. 111 du rapport), il convient de rappeler que conformément à la Convention tous les étrangers et apatrides doivent bénéficier d'un traitement égal, sans restriction aucune.

35. Abordant l'application de l'article 6 de la Convention, M. Valencia Rodriguez souhaiterait savoir quelle est la place de la Convention dans l'ordre juridique letton. En outre, il aimerait être informé de l'issue des procédures judiciaires dont il est question aux paragraphes 26, 27 et 28 du rapport et savoir si le Bureau national des droits de l'homme a été saisi de plaintes pour discrimination raciale (par. 156 du rapport). Par ailleurs, en ce qui concerne les satisfactions ou réparations accordées aux victimes d'un dommage résultant d'une discrimination raciale, il note au paragraphe 157 du rapport que toute personne ayant subi un préjudice matériel du fait d'un délit peut porter plainte au civil dans une affaire pénale. Cela l'amène à rappeler que selon l'esprit de l'article 6 c'est au tribunal saisi d'une affaire de discrimination raciale qu'appartient la décision de réparation du préjudice.

36. Enfin, en ce qui concerne l'application de l'article 7 de la Convention, l'État partie devrait diffuser le plus largement possible le texte de la Convention dans les langues des minorités ethniques, afin que tous les habitants de la Lettonie connaissent leurs droits en la matière.

37. M. WOLFRUM dit que l'article 6 de la loi organique relative aux droits et obligations du citoyen et de la personne, qui affirme l'égalité de toutes les personnes vivant en Lettonie devant la loi, sans distinction de race, d'appartenance ethnique, de sexe, de langue, etc., est trop générale pour refléter pleinement la définition de la discrimination raciale au sens de l'article premier de la Convention. Par ailleurs et comme le rapporteur pour le pays, M. Diaconu, l'a signalé, la Lettonie a décidé d'assouplir sa politique antérieure qui consistait à établir une distinction entre deux catégories de résidents : ceux qui acquièrent automatiquement la citoyenneté lettone et les autres. Quelles sont les raisons de ce changement ?

38. La délégation lettone a distribué aux membres du Comité une brochure publiée en 1999 par le Comité letton des droits de l'homme, intitulée "National Minorities in Latvia and Human Rights" (Les minorités nationales de Lettonie et les droits de l'homme), dans laquelle il est dit qu'il faudrait, au rythme actuel, quelque 200 ans pour naturaliser les 160 000 résidents qui remplissent actuellement les conditions requises pour obtenir la nationalité lettone. La délégation peut-elle faire des observations à ce sujet ? Se référant à la même source, M. Wolfrum aimerait savoir pourquoi des milliers de personnes résidant en Lettonie continuent de se voir refuser illégalement leur inscription sur le Registre des résidents, six ans après la clôture de cette procédure. Il note de même une contradiction entre les renseignements sur l'enseignement du russe fournis dans le rapport de l'État partie et les informations fournies dans la brochure précitée, où il est dit que cet enseignement ne serait pas assuré de façon entièrement satisfaisante dans les écoles publiques. La délégation peut-elle fournir des éclaircissements sur ce point ? Peut-elle en outre apporter édes précisions sur la réforme législative et constitutionnelle évoquée dans le rapport (par. 12) ?

39. En ce qui concerne les renseignements fournis par l'État partie au sujet de l'application de l'article 3 de la Convention (par. 18 et 19 du rapport), M. Wolfrum précise que les dispositions de l'article en question ne visent pas seulement l'apartheid, mais toute situation dans laquelle la concentration géographique d'un groupe de population pourrait entraîner une ségrégation de fait. Il conviendrait donc que la Lettonie traite cette question de façon plus approfondie.

40. M. Wolfrum prend note avec satisfaction de ce que l'article 69 du Code pénal de la Lettonie reflète pleinement l'article 4 de la Convention et des renseignements utiles fournis dans le rapport (par. 55) sur la répartition des citoyens et non-citoyens par groupes ethniques. Il prend note avec un intérêt particulier de la création du Bureau national des droits de l'homme et des attributions de cet organe et il pense que le rapport annuel du Bureau serait très utile au Comité pour suivre l'application de la Convention en Lettonie.

41. M. de GOUTTES se réjouit de l'ouverture du dialogue entre la délégation lettone et le Comité à l'occasion de l'examen du rapport initial de la Lettonie et salue le rapport particulièrement approfondi fourni par ce pays qui, en tant que membre du Conseil de l'Europe, s'efforce de consolider ses institutions démocratiques. Toutefois, les membres du Comité souhaiteraient obtenir des précisions sur les restrictions relatives à l'acquisition de la citoyenneté existant en Lettonie et sur tous les aspects de la protection des minorités, notamment les Lives et les Roms. On aimerait savoir aussi si le Bureau national des droits de l'homme mentionné au paragraphe 17 du rapport a, dans le cadre de son mandat, mené des enquêtes concernant des violations des droits de l'homme de membres de minorités ethniques ou d'étrangers et quelle a été l'issue des poursuites judiciaires éventuellement engagées. En outre, les "actes délibérés" d'incitation à la haine raciale punis par l'article 69 du Code pénal couvrent-ils les actes qui causent, même involontairement, une discrimination raciale au sens de la Convention et cet article permet-il de poursuivre non seulement les particuliers, mais aussi les organisations qui commettent des actes racistes ? Le nouveau Code pénal définit-il des infractions et des peines nouvelles en matière de discrimination raciale ?

42. M. de Gouttes aimerait enfin savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de diffuser en Lettonie son rapport périodique ainsi que les conclusions et observations du Comité concernant ledit rapport. Le Gouvernement a-t-il l'intention de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention ? M. de Gouttes souligne, à ce propos, que le mécanisme d'examen de plaintes prévu dans cet article est complémentaire de celui de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont la portée est moindre.

43. M. van BOVEN souscrit pleinement à l'analyse exhaustive et utile de l'état de l'application de la Convention en Lettonie présentée par M. Diaconu. Il salue aussi l'esprit d'ouverture dont la délégation lettone a fait preuve en distribuant au Comité la brochure publiée par le Comité letton des droits de l'homme qui ne ménage pas ses critiques à l'égard de l'action du Gouvernement letton contre la discrimination raciale.

44. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 2 de la Convention, M. van Boven note que la politique de privatisation de services publics importants menée actuellement en Lettonie comporte des aspects préoccupants sur le plan de la lutte contre la discrimination raciale. Aussi souligne-t-il à l'intention de la délégation que le fait de transférer certaines responsabilités au secteur privé n'exonère pas un État partie de l'obligation d'interdire et de combattre la discrimination raciale, notamment dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'emploi, des services publics et du logement, conformément aux dispositions de l'article 2 de la Convention proscrivant la discrimination raciale par les groupes ou associations. La Lettonie dispose-t-elle d'une législation permettant de s'assurer que le secteur privé respecte les dispositions pertinentes de la Convention ?

45. S'agissant de la mise en oeuvre de l'article 4, M. van Boven engage la Lettonie à appliquer strictement les dispositions très complètes de l'article 69 du Code pénal afin d'interdire les actes de racisme et d'intolérance préoccupants signalés par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) et le Comité letton des droits de l'homme, notamment la diffusion systématique par les médias publics et privés de stéréotypes négatifs concernant les Roms et de propos insultants et injurieux à l'endroit des communautés juive et russe. En outre, une grande manifestation publique de sympathie avec le fascisme allemand se tiendrait régulièrement à Riga, le 16 mars, dans le cadre de la Journée de la Légion lettone de la SS de l'armée hitlérienne. M. van Boven estime que vu la gravité et la fréquence de ces faits, la plus grande rigueur dans l'application de l'article 69 du Code pénal letton s'impose.

46. Pour ce qui est de l'application de l'article 5, M. van Boven s'interroge au sujet de la loi organique relative aux droits du citoyen et de la personne, dont le titre semble refléter les distinctions prévues dans cette loi, avec des droits réservés aux citoyens et d'autres droits reconnus aux non-citoyens. Bien que certaines restrictions relatives aux droits des non-citoyens en matière politique soient concevables, de nombreuses autres qui touchent l'exercice de droits sociaux ou économiques ont un caractère discriminatoire inacceptable et devraient être abolies.

47. L'État partie mentionne, plus loin dans le rapport (par. 91), qu'il existe des différences entre les droits reconnus en Lettonie aux citoyens et aux non-citoyens et en dépit du fait que les différences en question ne sont pas fondées sur des considérations de race ou d'ethnie, il est conscient de ce que les problèmes se rapportant aux minorités ethniques et aux non-citoyens se recoupent dans une large mesure. M. van Boven demande donc à la délégation d'indiquer au Comité quelles mesures le Gouvernement letton prend afin de donner suite aux observations du Bureau national des droits de l'homme, qui a souligné le caractère injustifiable des distinctions existant, dans différents domaines, entre les droits des citoyens et ceux des non-citoyens. À son avis, le Comité devrait tenir compte de cet élément particulièrement important de la question lorsqu'il examine l'application par les États parties du paragraphe 2 de l'article premier de la Convention. Par ailleurs, M. van Boven fait observer que les renseignements positifs fournis dans le rapport (par. 134) sur l'aide de l'État à l'enseignement des langues minoritaires dans les écoles publiques sont contredits par le Comité letton des droits de l'homme, qui souligne dans la brochure déjà citée la volonté de responsables politiques influents et du Ministère de l'éducation et des sciences de réduire les ressources budgétaires et autres accordées par l'État pour l'enseignement en langues russe, polonaise ou juive. M. van Boven souhaite que la délégation apporte au Comité des éclaircissements sur ce point.

48. Pour ce qui est de l'application de l'article 6 de la Convention, il aimerait savoir si les victimes d'actes de discrimination raciale disposent de voies de recours efficaces devant les tribunaux et autres organismes nationaux compétents et si elles peuvent obtenir des dédommagements.

49. M. van Boven croit savoir, enfin, que l'ECRI a recommandé à la Lettonie de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention. La délégation lettone peut-elle indiquer au Comité si telle est l'intention du Gouvernement ?

50. Le PRÉSIDENT remercie la délégation lettone et l'invite à répondre aux questions et observations des membres du Comité à la séance suivante.

51. La délégation lettone se retire.


La séance est levée à 18 h 5.



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