Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1340
26 novembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1340ème séance : Iran (Islamic Republic of), Mauritania. 26/11/99.
CERD/C/SR.1340. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Cinquante-cinquième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1340ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le jeudi 5 août 1999, à 15 heures

Président : M.ABOUL-NASR
puis : M. DIACONU


SOMMAIRE

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

TROISIÈME DÉCENNIE DE LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET LA DISCRIMINATION RACIALE; CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L'INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE (suite)

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

- Treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la République islamique d'Iran (suite)

- Rapport initial, deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la Mauritanie


La séance est ouverte à 15 h 5.

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l'ordre du jour) (suite)

1. Le PRÉSIDENT regrette vivement que le Secrétariat n'ait pas jugé utile de fournir aux membres du Comité les explications demandées concernant la note qui leur a été envoyée au sujet du financement de leurs frais de voyage.

2. M. WOLFRUM souligne que, les années précédentes, un représentant du Secrétaire général, en la personne de Mme Klein, assistait à une bonne partie des travaux du Comité. Pourquoi la personne qui a sûrement repris les fonctions de Mme Klein n'est-elle pas présente ? Le Comité est-il désormais coupé du Secrétariat ?

3. Le PRÉSIDENT estime que ce n'est là qu'un des aspects du problème. En effet, aucun fonctionnaire de haut rang du Haut-Commissariat aux droits de l'homme n'était présent à l'ouverture de la présente session du Comité, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme se trouvant au même moment à la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Il est également regrettable que le jour et l'heure de la rencontre prévue entre les membres du Comité et la Haut-Commissaire aient été quasiment imposés au Comité.

TROISIÈME DÉCENNIE DE LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET LA DISCRIMINATION RACIALE; CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L'INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE (point 9 de l'ordre du jour) (suite)

4. M. LECHUGA HEVIA tient à apporter une précision en relation avec les propos tenus à une précédente séance par M. Garvalov. D'après ce dernier, deux pays participant aux activités du Groupe de travail à composition non limitée formé par la Commission des droits de l'homme afin de préparer la Conférence mondiale auraient fait part de leurs doutes au sujet de l'utilité de la contribution du Comité à l'organisation de la Conférence mondiale. Ces deux pays seraient Cuba et la Turquie.

5. Or, renseignements pris auprès de la déléguée cubaine siégeant au Groupe de travail, il s'avère qu'il s'agit d'un malentendu et qu'aucune observation de la sorte n'a été faite. En outre, l'Ambassadeur de Cuba auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a confirmé que la position de Cuba en la matière restait inchangée et s'est dit entièrement satisfait du rôle que pourrait jouer le Comité dans la préparation de la Conférence mondiale.

6. Le PRÉSIDENT dit que ce point ayant été précisé, le Comité peut reprendre l'examen des rapports des Etats parties.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la République islamique d'Iran (CERD/C/338/Add.8; HRI/CORE/1/Add.106) (suite)

7. M. van BOVEN (Rapporteur pour la République islamique d'Iran) dit que le dialogue nourri engagé avec la délégation iranienne atteste de l'intérêt que portent les membres du Comité à ce pays. Malheureusement, les questions posées à la délégation ont été si nombreuses que celle-ci n'a pas le temps matériel d'y répondre entièrement. Le Comité attend donc des autorités iraniennes qu'elles transmettent ultérieurement au Comité, ainsi qu'elles s'y sont engagées, les informations et précisions que la délégation n'a pas été en mesure d'apporter oralement.

8. M. van Boven tient à faire aussi une observation de nature générale. De plus en plus, les Etats parties ont tendance à interpréter la Convention de manière restrictive. Du point de vue des membres du Comité, en effet, les questions d'ethnie et d'ascendance relèvent clairement de l'article premier de la Convention. Or, bien souvent les Etats parties, assimilant la discrimination raciale à des problèmes de race et de couleur de peau seulement, affirment ne pas connaître ce phénomène. Il convient donc de rappeler que la discrimination raciale englobe la discrimination en fonction de l'origine nationale, notamment.

9. En outre, force est de reconnaître que tous les experts n'ont pas la même notion du lien entre les questions de race et de religion. Certains estiment que ce sont deux questions distinctes, d'autres pensent que la distinction n'est pas aussi tranchée. Cette question de principe, qui est de la plus haute importance pour les travaux futurs du Comité, mérite d'être examinée attentivement aussi.

10. Le PRÉSIDENT dit que cette question, ainsi que celles des réserves à l'article 5 et des clauses facultatives, pourront être discutées durant les séances consacrées au débat général.

11. M. MEHRPOUR (République islamique d'Iran) se félicite des excellentes questions posées par les experts et regrette que des contraintes de temps n'aient pas permis à sa délégation d'apporter toutes les précisions demandées, en particulier sur la Commission islamique des droits de l'homme et le Conseil chargé du suivi et de la surveillance de la mise en oeuvre de la Constitution.

12. Le représentant assure le Comité que son pays suivra les conseils donnés par les experts, que son prochain rapport périodique sera présenté à temps et qu'il contiendra des informations plus complètes. Les autorités iraniennes sont par ailleurs convaincues de la nécessité de sensibiliser davantage l'opinion à la question importante de la discrimination raciale.

13. Le PRÉSIDENT remercie la délégation iranienne et se félicite de l'esprit de dialogue et d'ouverture qui a présidé au dialogue avec les représentants de la République islamique d'Iran. Il déclare que le Comité a ainsi achevé l'examen des treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la République islamique d'Iran.

14. La délégation iranienne se retire.

Rapport initial, deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la Mauritanie (CERD/C/330/Add.1)

15. Sur l'invitation du Président, M. Ould Merzoug, M. Sokhona, M. Ould Mohamed Lemine, M. Koita et M. Ould Babana (Mauritanie) prennent place à la table du Comité.

16. M. OULD MERZOUG (Mauritanie), présentant le rapport de son pays, explique d'abord que son pays n'a pu présenter ses rapports à temps en raison de la mise en place de nouvelles institutions, des transformations économiques et politiques qui s'en sont suivies et de certaines insuffisances administratives.

17. La Mauritanie a activement participé à l'élaboration des normes contenues dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale en prenant part à la rédaction de certains de ses articles et en proposant son adoption au moyen d'un vote par appel nominal. La Constitution mauritanienne du 20 juillet 1991, qui a consacré l'Etat de droit, a intégré les dispositions de la Convention, laquelle peut être directement invoquée par les citoyens devant les juridictions nationales. L'article premier de la Constitution assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction de race notamment, et interdit la propagande particulariste de caractère racial et ethnique. En outre, l'ordonnance 91-024 du 25 juillet 1991 interdit à un parti politique de s'identifier à une race, à une ethnie, à une religion, à une tribu, à un sexe ou à une confrérie, et l'ordonnance 91-023 du même jour interdit la publication de tout écrit ou oeuvre de quelque nature que ce soit encourageant la haine, les préjugés ethniques et régionalistes.

18. En plus des garanties constitutionnelles dont elle s'est dotée, la Mauritanie a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, qui, après ratification, prévalent sur les lois nationales. L'appareil judiciaire a aussi été renforcé et assaini afin de mieux assurer le respect de l'ensemble de ces textes.

19. Sur le plan économique, indissociable de celui des droits de l'homme, la lutte contre la pauvreté est une priorité du gouvernement qui a mis en place en 1998 un Commissariat chargé des droits de l'homme, de la lutte contre la pauvreté et de l'insertion. Dès sa mise en place, le Commissariat s'est occupé des problèmes prioritaires des populations les plus pauvres (habitat, transports, crédit, développement participatif, etc.). Parallèlement, le gouvernement a mis en oeuvre, au cours de la dernière décennie, d'importants projets centrés sur l'alphabétisation, l'éducation, la formation professionnelle, la santé, les affaires sociales, la promotion de la femme, la pêche artisanale et le développement rural, en particulier.

20. Avec un taux de scolarisation de 86 %, la Mauritanie est en tête des pays sahéliens dans le domaine de l'éducation. En avril dernier, le système éducatif a été réformé. En plus des quatre langues nationales officielles du pays, à savoir l'arabe, le pular, le soninbé et le wolof, il a été décidé de généraliser l'enseignement des langues d'ouverture que sont le français et l'anglais, de renforcer l'enseignement des sciences et techniques et d'introduire l'instruction civique. Un Secrétariat d'Etat à la lutte contre l'analphabétisme a été également créé et des efforts particuliers ont été consentis dans le domaine de la formation technique et professionnelle en faveur des plus démunis.

21. En outre, afin de favoriser la justice sociale et d'améliorer les conditions d'accès à la propriété foncière, une réforme domaniale a été mise en oeuvre en 1983. L'ordonnance 83-127 portant réorganisation foncière et domaniale a été adoptée en effet dans le contexte de la politique générale visant à améliorer le statut des groupes sociaux les plus défavorisés et à éliminer les séquelles psychologiques, sociales, culturelles et économiques résultant de la servitude involontaire et du métayage qui avaient subsisté malgré l'abolition de l'esclavage. La réforme foncière, qui consacrait le droit à la propriété privée, dans les conditions définies par la Charia, a été complétée par la mise en place, durant la dernière décennie, d'une politique de promotion du développement agricole pour assurer l'autosuffisance alimentaire du pays.

22. Dans le domaine sanitaire, la situation s'améliore considérablement grâce à une stratégie reposant sur un excellent système de recouvrement des coûts et des charges (dont l'OMS et l'UNICEF ont fait l'éloge), la décentralisation et la participation communautaire.

23. En matière de promotion de la femme, l'accent est mis sur l'éducation, le travail, la promotion sociale et la participation à l'exercice des responsabilités publiques. Les études auxquelles ont participé des organismes internationaux comme le PNUD, le FNUAP et l'UNESCO ont montré une progression du pourcentage de filles dans le système éducatif. Le développement de la scolarisation s'est accompagné d'un vaste mouvement d'intégration des femmes dans les structures publiques du pays. Un Secrétariat d'État chargé de la condition féminine a été créé, qui est dirigé par une femme.

24. En conclusion, M. Ould Merzoug indique que les dispositions de la Convention sont reflétées dans la plupart des textes législatifs, notamment la Constitution du 20 juillet 1991, le Code pénal, le Code de procédure pénale et le Code du travail, et il réaffirme la détermination des autorités mauritaniennes à assurer la pleine application de ces dispositions conformément aux enseignements de l'islam. Le pays est engagé dans une vaste politique de progrès social, économique et politique, qui met particulièrement l'accent sur l'enseignement des droits de l'homme ainsi que sur l'information et la communication par le biais des médias et des organisations de la société civile. L'adhésion récente de l'Etat partie aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est la dernière pierre apportée à la consolidation de l'Etat de droit et le Gouvernement mauritanien poursuivra le combat engagé contre l'ignorance, la pauvreté et l'exclusion, qui sont les véritables entraves à la disparition de toutes formes de préjugés et à la promotion des droits de l'homme.

25. M. de GOUTTES (Rapporteur pour le pays) salue la présence d'une délégation de haut niveau et se félicite de l'ouverture du dialogue avec l'Etat partie. Il rappelle que la Mauritanie a ratifié la Convention le 12 juin 1989 et qu'elle présente aujourd'hui en réalité son rapport initial regroupant les cinq premiers rapports, dont le premier aurait dû être présenté en 1990. Le Gouvernement mauritanien explique ce retard par le processus de normalisation entrepris depuis la promulgation de la Constitution du 20 juillet 1991 et par l'ensemble des mesures qui ont dû être prises pour le rétablissement des libertés fondamentales et l'instauration de la démocratie pluraliste (par. 3 et 4 du rapport). Il convient de prendre acte avec satisfaction de l'engagement des autorités mauritaniennes à tout mettre en oeuvre pour donner effet aux dispositions de la Convention et instaurer un dialogue fécond avec le Comité (par. 4 et 5). L'examen de la situation en Mauritanie revêt en effet un grand intérêt pour le Comité, le pays étant situé au confluent des espaces africain et arabe et ayant une société multiethnique et pluriculturelle.

26. Les auteurs du rapport ont essayé de respecter les directives du Comité en matière de présentation, en présentant d'abord le contexte géographique, social, économique, administratif et politique du pays, en exposant le cadre juridique de la protection des droits de l'homme, puis en analysant la mise en oeuvre des articles 2 à 7 de la Convention. Mais sans doute parce qu'il s'agit du rapport initial, le Gouvernement mauritanien a eu tendance à trop développer les informations générales, en ne centrant pas suffisamment son analyse sur la lutte contre la discrimination raciale et la mise en oeuvre des dispositions spécifiques de la Convention. Il conviendrait donc que dans son prochain rapport périodique il remédie à ces carences.

27. Sur le fond, en dépit des affirmations selon lesquelles le pays ne connaît pas de discrimination raciale (par. 196 du rapport), les autorités reconnaissent que les rapports sociaux inhérents aux traditions tribales classiques ont parfois généré "certaines manifestations anachroniques" (par. 197). Ce sont ces survivances discriminatoires, et surtout les mesures prises pour les éradiquer, qui devront être mieux décrites dans le prochain rapport.

28. Ayant indiqué qu'il n'abordera pas la question de certaines violations graves des droits de l'homme signalées par des ONG de défense des droits de l'homme qui ne relèvent pas du mandat du Comité, M. de Gouttes dit que les données générales fournies dans la première partie du rapport pourraient, pour beaucoup d'entre elles, figurer dans le document de base commun à tous les organes conventionnels des Nations Unies qui s'occupent des droits de l'homme. Cependant, il peut être noté plus particulièrement que la Convention a, en vertu de l'article 80 de la Constitution, une valeur supérieure à la loi interne et peut être invoquée directement devant les tribunaux par les particuliers, même si cette disposition n'a pas encore été mise en pratique (par. 85 et 86 du rapport) et qu'en 1998 un Commissariat chargé des droits de l'homme, de la lutte contre la pauvreté et de l'insertion a été créé (par. 3 du rapport). A cet égard, le Comité aimerait obtenir de la délégation quelques renseignements sur le rôle, la composition et les premières réalisations éventuelles du Commissariat ainsi que sur ses liens avec les autorités judiciaires et le Médiateur de la République mentionné aux paragraphes 77 à 80.

29. Au titre des données sociales et économiques, plusieurs informations intéressent aussi particulièrement le Comité, notamment le programme de lutte contre la pauvreté (par. 19 à 23) destiné à améliorer l'accès aux services sociaux et l'approche participative des populations les plus pauvres, la lutte contre l'analphabétisme (par. 24 à 26) considérée à juste titre comme l'une des priorités nationales, la stratégie de sécurité alimentaire en faveur des populations vulnérables (par. 27 à 31) coordonnée par le Commissariat à la sécurité alimentaire, la réforme domaniale et agraire (par. 32 à 38) et les mesures prises en faveur de la femme (par. 40 à 50). Le Comité considère toutes ces informations satisfaisantes.

30. En revanche, l'information est insuffisante sur un certain nombre de points. En premier lieu, les renseignements sur la composition démographique du pays (par. 12 à 18 du rapport), auxquels le Comité accorde une grande importance, sont très succincts et il n'est pas dit sur quel recensement ils se fondent. En particulier, les phénomènes de tensions ethniques et culturelles et les discriminations qui subsistent dans le pays au détriment de certaines minorités ou groupes sociaux ne sont pas clairement mentionnés. Selon l'Association mauritanienne des droits de l'homme, il existerait une véritable exclusion de la population négro-africaine (pulaar, soninke et wolof) ainsi qu'une discrimination à l'égard de l'entité noire souvent rattachée linguistiquement à la communauté arabe (les Haratines et les Abid), vivant encore souvent sous un régime d'esclavage. Il ressort aussi du rapport du Département d'État américain relatif aux droits de l'homme pour 1998 que les tensions et discriminations proviendraient du fossé culturel et géographique séparant les populations maures - nomades et arabophones -, les populations peuhles du groupe halpulaar au nord et au centre et les cultivateurs sédentaires de groupes ethniques, les Halpulaars (Toucouleurs), les Soninkes et les Wolofs, au sud. Selon le même rapport, il existerait aussi des liens entre conflits ethniques et divisions politiques. Plusieurs partis politiques auraient des bases ethniques identifiables et certains milieux intégristes islamistes exploiteraient les problèmes ethniques. Il serait donc utile que la délégation mauritanienne apporte des éclaircissements sur ce contexte ethnoculturel particulièrement complexe, dont découlent toute une série de conséquences socio-économiques.

31. En deuxième lieu, les indicateurs socioéconomiques (par. 51 du rapport) se limitent à un ensemble de chiffres de nature générale, sans données permettant d'identifier les groupes ethniques ou sociaux les plus exposés à l'exclusion et à la discrimination raciale ou ethnique. Il faudrait avoir plus de précisions à cet égard dans le prochain rapport.

32. En troisième lieu, le rapport n'est pas suffisamment détaillé concernant la survivance de certaines formes traditionnelles d'esclavage. Certes, le gouvernement a proclamé l'abolition de l'esclavage en 1981 et le Comité sait bien qu'il n'est pas facile de changer les mentalités, les coutumes et les croyances. Cependant, la survivance de formes d'esclavage par les populations arabes berbères au préjudice des populations africaines noires a été dénoncée par un certain nombre d'organisations non gouvernementales ainsi que par le Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme. L'Association mauritanienne des droits de l'homme fait état, quant à elle, de la soumission à un régime d'esclavage des Haratines et des Abids, situation dont les autorités persisteraient à nier l'existence. La délégation pourrait-elle expliciter toutes ces informations et indiquer les mesures mises en oeuvre pour éradiquer les formes d'esclavage dénoncées ?

33. Quatrièmement, le rapport ne traite pas non plus suffisamment du problème du retour des Mauritaniens noirs réfugiés au Sénégal à la suite des graves troubles intercommunautaires de 1989. Certains aspects du différend entre la Mauritanie et le Sénégal ont pu être réglés, mais il resterait encore à trouver une solution pour le retour de ces milliers de personnes. La délégation pourrait-elle fournir des informations récentes à ce sujet et indiquer aussi comment la question du retour au Mali des nombreux réfugiés maliens installés depuis 1991 dans des camps à l'est du pays a été réglée. Si, selon le HCR, la quasi-totalité de ces personnes seraient maintenant rentrées dans leur pays, des agences de presse internationales - Reuters et l'AFP - ont fait état d'affrontements violents entre Mauritaniens et Maliens à la fin du mois de juin 1999 à la suite de problèmes d'approvisionnement en eau pour le bétail. Il serait intéressant que la délégation donne des renseignements complémentaires sur cette question.

34. Abordant la question de l'application des dispositions de la Convention, M. de Gouttes note que les textes de loi concernant les articles 2 et 4 de la Convention mentionnés dans le rapport ne concernent pas, pour certains, directement le Comité car ils ne traitent pas de discrimination raciale en particulier, mais sont de caractère très général. Quant à ceux qui intéressent le Comité (par. 89, 90, 96, 107, 108 et 109 du rapport), il n'est pas donné d'informations sur leur application concrète. Il semble par ailleurs que l'ensemble de ces textes ne couvre pas toutes les prescriptions de l'article 4 de la Convention et il n'est pas fait mention, notamment, de dispositions érigeant en infraction la propagande raciale ou l'incitation à la haine raciale. Le Comité tient à rappeler que dans tout pays une législation antiraciste est nécessaire en tout état de cause - même s'il n'existe pas de faits de racisme. Il est donc demandé à la Mauritanie de revoir sa législation pour la rendre conforme aux articles 2 et 4 de la Convention ou, si les dispositions pertinentes existent ou sont en passe d'être adoptées, d'en informer le Comité.

35. Pour ce qui est de l'application de l'article 5 de la Convention, là encore, les renseignements fournis (par. 110 à 152 du rapport) ont un caractère trop général, même s'il faut admettre qu'ils rendent compte avec franchise de la situation difficile dans laquelle se trouvent certaines couches défavorisées de la population. A cet égard, on doit saluer la mise en place d'un Plan directeur de la santé et des affaires sociales pour les années 1998-2002 qui vise à protéger en particulier les cibles prioritaires que sont les femmes et les enfants, les nomades et les populations des zones reculées, etc. (par. 122). Il convient également de saluer les efforts déployés pour résoudre les problèmes dans le domaine de l'habitat urbain, aggravés par la sédentarisation massive des populations nomades, et notamment les programmes de construction et d'habitat social entrepris.

36. S'agissant de l'accès aux emplois publics, selon certaines informations il y aurait une discrimination à l'égard de certains groupes de la population, comme les "Négro-africains", les Halpulaars du Sud, les Soninkés et les Wolofs. Le Comité souhaiterait obtenir des éclaircissements à ce sujet, de même que sur la question de la redistribution des terres, qui semble être à l'origine de tensions entre des communautés d'origine ethnique différente, principalement les Halpulaars et les Maures.

37. Les remarques relatives au caractère trop général des informations fournies valent également pour la partie du rapport concernant l'application de l'article 6 de la Convention. Ainsi, il est fait référence au Médiateur de la République (par. 163 et 164), mais aucune indication n'est donnée sur son rôle dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale. Par ailleurs, il serait intéressant d'avoir des statistiques sur le nombre de plaintes déposées, de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de décisions d'indemnisation rendues en matière d'infractions à caractère raciste. M. de Gouttes espère que le prochain rapport de l'Etat partie contiendra plus d'informations concrètes sur l'application effective de cet article.

38. Pour ce qui est de l'article 7, il serait utile que le Gouvernement mauritanien donne des informations sur les disparités qui existent entre groupes ethniques ou socioculturels au niveau du taux de scolarisation. Par ailleurs, concernant la question des langues, selon certaines sources le gouvernement mènerait ou aurait mené dans les écoles et sur les lieux de travail une politique d'arabisation contre laquelle de nombreux groupes ethniques ne parlant pas l'arabe se seraient élevés. Qu'en est-il réellement ? Le rapport fournit également des informations intéressantes sur les médias, en particulier la radio et la télévision. On notera par exemple la création en 1984 d'une radio rurale qui a adopté une approche participative en impliquant les populations (par. 192 du rapport). Cependant, la délégation pourrait-elle fournir des informations concernant la répartition du temps d'antenne en fonction des différentes langues (pulaar, soninké, wolof et hassaniya), car selon certaines sources il y aurait une certaine discrimination à ce niveau.

39. Rappelant la Recommandation générale XIII (42) du Comité relative à la formation des responsables de l'application des lois, M. de Gouttes voudrait savoir quelles sont les mesures prises par l'Etat partie dans ce domaine, ainsi que pour favoriser l'esprit de tolérance et d'entente entre les groupes raciaux ou ethniques. Dans le même ordre d'idées, il souhaiterait connaître les mesures que le gouvernement entend prendre pour porter le rapport initial, ainsi que les conclusions, observations et recommandations du Comité, à la connaissance du public. En effet, il convient de ne pas laisser à la seule charge des organisations non gouvernementales ce travail de pédagogie sociale et de publicité. Le gouvernement pourrait d'ailleurs profiter de ce dialogue avec le Comité pour renforcer la coopération avec les ONG qui oeuvrent dans le domaine de la protection des droits de l'homme.

40. Enfin, M. de Gouttes souhaiterait connaître la position du Gouvernement mauritanien au sujet de la déclaration facultative prévue à l'article 14 de la Convention, en vertu de laquelle l'Etat partie reconnaît la compétence du Comité pour examiner des communications ou des plaintes individuelles. Il aimerait encore savoir si le Gouvernement mauritanien a pris des dispositions pour accepter officiellement l'amendement au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention concernant le financement du Comité qui a été approuvé par l'Assemblée générale.

41. Le PRÉSIDENT se dit préoccupé par le fait que certains rapporteurs mettent trop l'accent sur les aspects négatifs des rapports des Etats parties. Il estime que cela ne reflète pas correctement le travail du Comité et pourrait être mal interprété.

42. M. de GOUTTES (Rapporteur pour la Mauritanie) tient à faire observer qu'il n'a pas uniquement mentionné des points négatifs puisqu'il a recensé d'abord les éléments positifs au début de chaque partie de son intervention et a veillé à faire référence à ses sources d'information, d'ailleurs variées. Il rappelle que le rôle du Comité consiste tout de même à mettre le doigt sur les points à améliorer.

43. M. VALENCIA RODRIGUEZ se félicite de ce que le Gouvernement mauritanien, en présentant son rapport initial, ait ainsi engagé le dialogue avec le Comité. Les informations générales fournies d'abord sont très utiles et pourront servir à établir un document de base à l'intention de tous les comités des organes conventionnels.

44. S'agissant de la population, il serait intéressant que l'Etat partie donne des informations sur le pourcentage de nomades et d'étrangers vivant en Mauritanie. Le fait que les différentes composantes de la société ont, depuis des siècles, vécu en harmonie est positif (par. 13 du rapport). Sur le plan économique, compte tenu de la situation difficile du pays, il convient d'encourager le gouvernement dans sa lutte contre la pauvreté. A ce titre, le programme de lutte contre la pauvreté pour les années 1998-2000 qui a été mis en place commence à donner des résultats, même si le recul de la pauvreté n'est pas uniforme dans toutes les régions. Le gouvernement doit aussi continuer à surveiller certains indicateurs socio-économiques comme le taux d'alphabétisation, le taux de mortalité infantile, le PIB par habitant, etc.

45. Abordant la question des garanties constitutionnelles (par. 81 et suivants du rapport), M. Valencia Rodriguez note que les droits fondamentaux de la personne sont protégés par l'article 10 de la Constitution et il aimerait savoir si les garanties en question s'appliquent également aux étrangers. Il se réjouit, en outre, de ce que les traités internationaux auxquels l'Etat partie a adhéré aient la primauté sur le droit interne et se demande si la Convention peut donc être directement invoquée devant les tribunaux. Observant qu'aucune plainte n'a été déposée pour discrimination raciale, il suggère qu'il serait peut-être utile d'informer les citoyens de leurs droits découlant de la Convention en organisant une campagne d'information appropriée.

46. En ce qui concerne l'application de l'article 4 de la Convention, les dispositions législatives mentionnées dans le rapport ne satisfont que partiellement aux prescriptions de l'article en question. La Mauritanie doit donc revoir sa législation à cet égard. Par ailleurs, même si la discrimination raciale ne constitue pas pour le pays un phénomène très préoccupant, il faut rappeler qu'en adoptant des dispositions en la matière les Etats parties agissent à titre préventif.

47. Dans le domaine de l'application de l'article 5 de la Convention, M. Valencia Rodriguez note d'abord que les garanties à la liberté d'expression mentionnées aux paragraphes 116 et 117 du rapport ne semblent s'appliquer qu'aux fonctionnaires. Qu'en est-il des autres Mauritaniens ? En outre, sur le plan de la santé les efforts déployés par le gouvernement sont louables, mais il serait intéressant de connaître les résultats obtenus dans ce domaine. S'agissant encore des familles monoparentales dirigées par des femmes (par. 133), quelle est la situation des femmes appartenant à des minorités ethniques ? Enfin, en matière d'habitat, il faudrait que le gouvernement accorde une attention particulière au problème des quartiers urbains périphériques qui sont un lieu propice à la ségrégation raciale.

48. Quant aux informations fournies au chapitre de l'application de l'article 6 de la Convention, M. Valencia Rodriguez dit qu'elles sont nombreuses, mais ne concernent pas directement la Convention. Pour ce qui est de l'application de l'article 7 de la Convention, il faut saluer les efforts faits dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, notamment en faveur des filles. Cependant, il faudrait que le gouvernement se préoccupe davantage des disparités qui existent entre les minorités ethniques et les autres groupes de la population même si, à cet égard, le fait que certains cours se déroulent dans la langue des populations locales est un élément positif. Il faut enfin saluer les actions entreprises dans le domaine de la culture et des médias.

49. M. Diaconu prend la présidence.

50. Mme ZOU se réjouit que le rapport initial de la Mauritanie, même s'il a été soumis au Comité avec beaucoup de retard, ait été présenté par une délégation de très haut niveau, dont la présence traduit l'importance que le Gouvernement mauritanien attache à la mise en oeuvre de la Convention. Ce rapport contient des renseignements fort utiles, mais de nature un peu trop générale et qui donnent une idée insuffisante de l'application concrète de la Convention. En outre, le document à l'examen n'est pas entièrement conforme aux principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 9 de la Convention. En particulier, il ne fournit pas les chiffres sur la composition ethnique de la population dont le Comité a besoin pour évaluer la mise en oeuvre de la Convention en Mauritanie. Aussi Mme Zou souhaite-t-elle que le Gouvernement mauritanien veille à indiquer, dans son prochain rapport périodique, les pourcentages respectifs des communautés arabe et noire qui constituent l'essentiel de la population du pays. Mme Zou lit par ailleurs avec étonnement (par. 13) que les différentes composantes de la population mauritanienne ont vécu, des siècles durant, "dans l'harmonie, l'union, la solidarité". Comment cela serait-il possible compte tenu du passé colonial de la Mauritanie et de l'esclavage qui y a sévi, situations qui n'existent plus mais qui ont forcément laissé des séquelles profondes dans la société mauritanienne ? Pour résoudre les problèmes qui existent, il faut évaluer correctement la réalité !

51. A propos de la réforme domaniale et agraire évoquée dans l'exposé oral du chef de la délégation mauritanienne, Mme Zou aimerait savoir si la propriété des terres agricoles donne lieu à des conflits raciaux. Le fait par exemple que de riches propriétaires terriens noirs dans les régions limitrophes du Sénégal ont été dépossédés de leurs terres, au début de la réforme agraire, a-t-il aggravé les relations entre Noirs et Arabes ? Dans l'affirmative, quelles mesures le gouvernement a-t-il prises afin de résoudre ce problème ?

52. Le PRÉSIDENT, s'exprimant en son nom personnel, estime que le Comité devrait accueillir avec satisfaction le rapport initial de la Mauritanie, qui contient des renseignements substantiels sur les réalités géographiques, politiques, juridiques et sociales de ce pays. S'il est vrai que certains de ces renseignements seraient mieux à leur place dans un document de base, ils apportent néanmoins au Comité des précisions intéressantes sur la situation d'un pays en développement dont les préoccupations essentielles sont la lutte contre la pauvreté, l'alphabétisation, la sécurité alimentaire, la réforme agraire et la promotion de la femme, et ils lui fournissent un cadre utile pour l'examen des questions que soulève la mise en oeuvre de la Convention dans l'Etat partie.

53. Le Président relève avec satisfaction que l'article premier de la Constitution interdit toute discrimination raciale et assure à tous les citoyens l'égalité devant la loi, sans distinction d'origine ou de race (par. 89). Il aimerait savoir si, ainsi formulées, ces notions - l'origine et la race -couvrent respectivement l'origine nationale et ethnique ainsi que la race au sens large prévu dans la Convention. Il se réjouit en outre d'apprendre que la Convention l'emporte sur le droit interne, mais encore faut-il veiller à assurer largement la diffusion de cet instrument dans le pays.

54. S'agissant des renseignements fournis sur l'application de l'article 2 de la Convention au paragraphe 95 du rapport, le Président aimerait que la délégation précise si la nationalité, au sens de l'article premier du Code du travail, désigne l'appartenance ethnique ou la citoyenneté des individus. En ce qui concerne l'application de l'article 4 de la Convention, il note avec satisfaction que l'article premier de la Constitution punit la propagande raciale ou ethnique (par. 106). Toutefois, il semble que l'article 6 de l'ordonnance 91-024 interdisant aux partis politiques de s'identifier à une race, ethnie, région ou tribu (par. 107) ne satisfait pas aux exigences de l'article 4, dont le but n'est pas d'interdire une identification raciale, ethnique, régionale ou tribale, mais de proscrire tout parti qui fait de la propagande raciale ou incite à la haine raciale, que le parti en cause soit monoethnique ou multiethnique. Il serait bon de savoir si des dispositions reflétant fidèlement les buts de l'article 4 peuvent être trouvées dans d'autres textes de lois.

55. Par ailleurs, le Président juge encourageants les renseignements fournis dans le rapport (par. 177 à 180) sur l'emploi des langues communautaires dans les écoles, à la radio et pour les activités culturelles. Il aimerait cependant savoir s'il est exact, comme l'a annoncé la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, que l'Institut des langues nationales a été aboli par la loi d'avril 1999 sur l'éducation.

56. M. LECHUGA HEVIA estime que le rapport initial de la Mauritanie présente beaucoup d'aspects positifs, en dépit de certaines lacunes auxquelles la délégation remédiera, espère-t-il, en fournissant au Comité des renseignements complémentaires. Le rapport traduit les efforts considérables que fait le Gouvernement mauritanien dans des domaines essentiels tels que l'éducation, qui absorbe une part exceptionnellement importante du budget national, ainsi que la lutte contre la pauvreté.

57. M. Lechuga Hevia estime que la Mauritanie devrait renforcer les dispositions de sa législation interdisant la propagande raciale (par. 107) afin de mieux assurer la mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention. A cet égard, les peines prévues dans l'ordonnance 91-023 interdisant l'emploi de la presse pour encourager l'esprit d'exclusion, de discrimination et d'intolérance (par.108), lui paraissent judicieuses. Dans l'ensemble, le rapport initial de la Mauritanie constitue donc selon lui une bonne entrée en matière.

58. M. SHERIFIS relève lui aussi des points positifs dans le rapport, tels que la création en 1998 du Commissariat chargé des droits de l'homme, de la lutte contre la pauvreté et de l'insertion (par. 3) et l'information indiquant que les instruments internationaux ratifiés par la Mauritanie l'emportent dès leur publication sur les lois internes et peuvent être invoqués devant les juridictions nationales et les autorités administratives (par. 85). Il note avec satisfaction, en ce qui concerne l'application de l'article 7, que le gouvernement prend des mesures afin de promouvoir les droits de l'homme (par. 166), même s'il y aurait davantage à faire pour diffuser largement les buts et objectifs de la Convention, notamment en prenant les mesures prescrites dans la Recommandation générale XVII (42) du Comité. Il appelle à son tour l'attention de la Mauritanie sur la nécessité d'inclure dans son prochain rapport des chiffres concernant la composition ethnique de la population. Enfin, M. Sherifis tient à saluer la qualité et la précision de l'analyse de la situation en Mauritanie présentée par le Rapporteur pour le pays, M. de Gouttes.

59. M. BANTON regrette que le rapport initial de la Mauritanie soit si avare de renseignements sur l'esclavage en Mauritanie qui, quoique légalement aboli, persiste dans la sphère domestique, peut-être parce que les rédacteurs du rapport se sont attachés à fournir des renseignements ayant mieux leur place dans un document de base ou intéressant davantage d'autres organes conventionnels. Il regrette également, à cet égard, que le texte des principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports que les Etats parties doivent soumettre au Comité ne soit pas publié en arabe. Peut-être conviendrait-il que les Etats parties concernés s'intéressent à cette question.

60. M. van BOVEN souscrit pleinement à l'analyse approfondie et raisonnée présentée par M. de Gouttes dans son rapport sur la Mauritanie. Comme Mme Zou, il déplore l'absence de renseignements précis sur la composition démographique de la population mauritanienne, tout en reconnaissant la complexité de cette question. Par ailleurs, M. van Boven a été informé par l'Association mauritanienne des droits de l'homme que les Noirs sont peu représentés dans les organes de direction politiques, l'appareil judiciaire et le système éducatif. Si tel est effectivement le cas, quelles mesures le Gouvernement mauritanien prend-il afin de remédier à ce déséquilibre et à cette forme d'inégalité fondés sur la couleur ou l'appartenance raciale ? Différentes sources indépendantes affirment aussi qu'un esclavage de fait persiste en Mauritanie en dépit du fait que cette pratique ait été abolie formellement en 1981. Comment le gouvernement combat-il cette pratique incompatible avec l'article premier de la Convention et avec l'exercice de la plupart des droits énoncés à l'article 5 de cet instrument ? M. van Boven reste enfin perplexe à la lecture de la conclusion du rapport. Comment faut-il entendre l'affirmation selon laquelle "les rapports sociaux inhérents aux relations tribales classiques ont généré parfois certaines manifestations anachroniques" (par. 197) ? Que signifie l'Etat partie quand il dit que cette situation, qui "procède essentiellement de considérations économiques ou d'un héritage historique plutôt que d'un projet social raisonné", "s'est érodée notamment sous l'effet de l'engagement des pouvoirs publics" (par. 198 et 199) ? Il semble difficilement concevable que l'action du gouvernement ait pu produire des effets aussi fâcheux ! La délégation peut-elle fournir des éclaircissements à ce sujet?

61. Pour conclure, M. van Boven souhaiterait que la délégation donne au Comité des renseignements sur le Commissariat chargé des droits de l'homme, de la lutte contre la pauvreté et de l'insertion créé en 1998 (par. 201).

62. M. YUTZIS s'associe à son tour aux remarques positives faites par M. VALENCIA RODRIGUEZ, M. LECHUGA HEVIA et M. SHERIFIS au sujet du rapport de la Mauritanie. Il salue également le rapport exhaustif et équilibré de M. de Gouttes concernant la Mauritanie. M. Yutzis ajoute qu'il serait utile au Comité de savoir quels sont les bénéficiaires des programmes de lutte contre la pauvreté et d'alphabétisation mis en oeuvre par le gouvernement. A quels groupes sociaux ou, le cas échéant, à quelles régions lesdits programmes sont-ils principalement destinés ? En outre, quels groupes sociaux contrôlent les principaux médias, avec le pouvoir que cela implique ?

63. Citant une information parue le 2 mars 1999 dans le quotidien suisse La Tribune de Genève, M. Yutzis aimerait que le Gouvernement mauritanien précise dans son prochain rapport s'il est exact qu'un seul commissariat de police sur les 22 du pays est dirigé par un Noir. Cette précision permettrait au Comité de mieux évaluer la représentation de la population noire dans les postes de responsabilité. Enfin, il aimerait savoir comment l'indépendance du pouvoir judiciaire face au pouvoir exécutif (par. 64) est assurée, sachant que le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la République (par. 65). Comment la Mauritanie concilie-t-elle ces deux choses en principe contradictoires?

64. Le PRÉSIDENT dit que les membres du Comité pourront continuer de poser des questions à la délégation mauritanienne à la prochaine séance.

65. La délégation mauritanienne se retire.


La séance est levée à 18 h 10.



©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland