Distr.

GENERALE

E/C.12/1995/SR.41
4 décembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 41ème seance : Mauritius. 04/12/95.
E/C.12/1995/SR.41. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
Treizième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 41ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le lundi 27 novembre 1995, à 15 heures


Président : M. GRISSA


SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial de Maurice (suite)


La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 4 a) de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de Maurice (E/1990/5/Add.21; E/C.12/1995/LQ.5/Rev.1 (liste des points à traiter); document sans cote, en anglais, distribué en séance, contenant les réponses écrites de Maurice aux questions figurant dans la liste des points à traiter)

1. Le PRESIDENT invite la délégation mauricienne à continuer de répondre aux questions du Comité relatives à l'application de l'article 6 du Pacte.

2. M. BOOLELL (Maurice) dit que l'amendement qui a été apporté à la loi sur la citoyenneté place l'époux et l'épouse de ressortissants mauriciens sur un pied d'égalité en matière de permis de résidence et de permis de travail. Désormais, toute personne, homme ou femme, mariée à un ressortissant mauricien reçoit de ce fait automatiquement un permis de résidence et un permis de travail permanents.

3. En ce qui concerne le chômage, il ressort des statistiques que la délégation mauricienne a communiquées au Comité que le nombre des chômeurs inscrits n'est pas le même que celui des chômeurs "véritables". Cela est dû au fait que certaines personnes restent inscrites au chômage alors qu'elles ont déjà créé leur propre entreprise privée.

4. Quant à la disposition de la loi sur la marine marchande, en vertu de laquelle des marins peuvent être reconduits par la force sur leur navire pour s'y acquitter des obligations prévues dans leur contrat de travail, M. Boolell reconnaît qu'elle est quelque peu arbitraire mais ajoute qu'elle n'a jamais été appliquée.

5. En ce qui concerne les accidents du travail, il est vrai que les dispositions de la loi sur le régime national des pensions versées aux victimes de tels accidents ne s'appliquent ni aux ressortissants étrangers ni aux personnes qui, au moment de l'accident, ne résident pas de manière continue à Maurice depuis au moins deux ans. Toutefois, ces personnes peuvent être dédommagées, soit au titre de la loi sur le dédommagement des travailleurs, soit par l'employeur, qui est en effet tenu de contracter une assurance contre les accidents du travail. Par ailleurs, en cas d'accident grave, tout employeur qui n'a pas respecté les dispositions de la loi sur l'hygiène et la sécurité du travail est poursuivi au pénal. Enfin, toute personne victime d'un accident du travail peut saisir la justice pour demander réparation du préjudice subi.

6. Il convient en outre d'indiquer qu'un projet de loi sur les syndicats et les relations professionnelles fait actuellement l'objet de négociations entre le gouvernement, les employeurs et les syndicats. Ce projet de loi vise notamment à simplifier la procédure d'enregistrement et d'accréditation des syndicats, à démocratiser l'organisation et la gestion des syndicats et à élargir la portée des négociations collectives. Qu'il s'agisse de ce projet de loi ou de la législation du travail en général, le Gouvernement mauricien tiendra dûment compte des observations formulées par le Comité à propos de la protection des travailleurs étrangers.

7. M. SIMMA dit qu'il conviendrait en effet que tous les travailleurs soient assurés contre les accidents du travail, que la responsabilité de l'employeur soit engagée ou non. On imagine en effet les difficultés que doit rencontrer un étranger victime d'un accident du travail pour faire valoir ses droits devant la justice.

8. Mme VYSOKAJOVA souhaiterait savoir si les employeurs sont tenus d'embaucher des personnes souffrant d'un handicap.

9. M. BOOLELL (Maurice) dit que pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux, les travailleurs étrangers peuvent, soit demander l'aide des syndicats, qui disposent d'avocats très compétents, soit recourir à l'aide judiciaire si leur revenu ne dépasse pas un certain plafond.

10. Quant aux personnes handicapées, elles devraient, conformément à la loi, représenter 3 % de la main-d'oeuvre des entreprises de plus de 25 salariés. Dans la pratique, de nombreux employeurs préfèrent, comme la loi les y autorise, cotiser au fonds spécial pour les personnes handicapées plutôt que d'embaucher ces personnes. C'est pourquoi la législation en la matière sera prochainement modifiée : les employeurs seront tenus d'apporter la preuve qu'ils sont dans l'impossibilité, pour des raisons techniques ou autres, de recruter des personnes handicapées.

11. Le PRESIDENT invite à présent la délégation mauricienne à répondre aux questions de la liste des points à traiter relative à l'article 7 du Pacte, qui se lisent comme suit :

"Article 7 : droit à des conditions de travail justes et favorables

12. M. BOOLELL (Maurice) dit qu'il n'existe ni inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes pour un travail de valeur égale, ni atteinte au principe "à travail égal, salaire égal". Dans le secteur agricole, les femmes sont dispensées de certains travaux des champs qui exigent des efforts pénibles et sont de ce fait exclusivement accomplis par des hommes. Toutefois, l'homme et la femme payés à la tâche sont rémunérés au même taux pour les travaux des champs qu'ils peuvent réaliser l'un et l'autre (voir par. 43 du rapport E/1990/5/Add.21).

13. Le PRESIDENT souhaiterait que soit précisé le sens du passage du paragraphe 43 du rapport où il est dit que le salaire de base minimum des femmes est différent de celui des hommes. Il souhaiterait également connaître le montant de ce salaire minimum.

14. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaiterait savoir s'il existe des tâches pour lesquelles les femmes sont valorisées en raison par exemple de leur habileté manuelle.

15. M. BOOLELL (Maurice) répond que le principe "à travail égal, salaire égal" est intangible et que toute atteinte à ce principe est sanctionnée par les tribunaux. Quant à la réglementation concernant le salaire minimum, elle s'applique de manière égale aux hommes et aux femmes. Dans le secteur agricole, pour certains travaux difficiles payés à la tâche, la rémunération des hommes est supérieure à celle des femmes, mais il existe bien sûr d'autres travaux pour lesquels la femme est plus habile que l'homme.

16. Le PRESIDENT souhaiterait savoir si, comme le laisse entendre le paragraphe 35 du rapport, le régime du salaire minimum s'applique uniquement aux entreprises qui comptent plus de dix salariés.

17. Mme AHODIKPE croit savoir que, dans les zones franches d'exportation, le nombre d'accidents du travail mortels et le nombre d'heures supplémentaires sont plus élevés que dans le reste du pays. Elle souhaiterait donc savoir si la réglementation nationale en matière d'hygiène et de sécurité du travail est appliquée dans ces zones franches avec la même rigueur que dans le reste du pays.

18. M. BOOLELL (Maurice) dit qu'il répondra le lendemain aux questions posées par le Président et par Mme Ahodikpe. Il précise toutefois que dans les zones franches les salariés ne peuvent travailler plus de onze heures d'affilée.

19. Le PRESIDENT invite à présent la délégation mauricienne à répondre aux questions posées par le Comité dans la liste des points à traiter concernant l'article 8 du Pacte, qui se lisent comme suit :

"Article 8 : droit d'association

20. M. BOOLELL (Maurice) dit que le Gouvernement mauricien a traité en détail le point 17 dans le document contenant ses réponses écrites. En ce qui concerne les travailleurs agricoles, il précise que la Commission nationale des rémunérations peut, à la demande du Ministère de l'agriculture, des syndicats ou des employeurs, fixer un salaire minimum après avoir entendu toutes les parties concernées. Il convient toutefois d'indiquer que lorsqu'elle augmente le salaire minimum, la Commission tient de plus en plus compte des gains de productivité. Par ailleurs elle détermine également les conditions de travail des travailleurs du secteur privé.

21. M. SIMMA rappelle que le Comité est préoccupé par les restrictions qu'apporte la loi de 1973 sur les relations professionnelles, d'une part, au droit de former des syndicats et, d'autre part, au droit de grève (voir par. 398 du rapport). Or, on peut craindre que le projet de loi sur les syndicats et les relations professionnelles ne rende encore plus difficile l'exercice du droit de grève. Ce projet de loi, qui a été rejeté par les syndicats, prévoit notamment l'organisation, avant le déclenchement d'une grève, d'un référendum auquel devront participer le personnel d'encadrement et tous les travailleurs d'un lieu de travail, y compris ceux qui ne sont pas concernés par le différend. Par ailleurs, le gouvernement prépare actuellement un projet de loi portant création d'un conseil national de la productivité, qui habiliterait le Premier Ministre à passer outre aux accords conclus par les partenaires sociaux dans le cadre de négociations collectives. On a ainsi l'impression que le Gouvernement mauricien s'éloigne de l'esprit de l'article 8 du Pacte et des diverses Conventions de l'OIT.

22. M. AHMED s'associe aux préoccupations exprimées par M. Simma. Il aimerait recevoir, dès que possible, l'assurance que la nouvelle loi qui sera adoptée répondra à ces préoccupations en ce qui concerne, notamment, le mouvement syndical et le droit de grève.

23. Mme BONOAN-DANDAN appelle l'attention sur la deuxième partie de la question 17 qui lui semble avoir été laissée sans réponse : elle ne voit pas très bien comment le nouveau projet de loi "garantira le respect des obligations du gouvernement en vertu du Pacte", et voudrait avoir quelques éclaircissements à ce sujet.

24. M. CEAUSU, se référant au point b) figurant à la page 14 des réponses écrites fournies par Maurice (document sans cote, distribué en anglais seulement), demande si un étranger détenteur d'un permis de travail serait considéré comme résident à Maurice, donc autorisé à s'affilier à un syndicat.

25. A propos de la réponse à la question 18 (page 15 du même texte), il demande de quelle nature sont les salaires fixés par la Commission nationale des rémunérations. S'agit-il de salaires minima ? Ces salaires peuvent-ils être modifiés (à la hausse, bien sûr) par la négociation, collective ou individuelle ? Enfin, quel est le niveau des salaires effectifs, comparé à celui des salaires minima fixés ?

26. Le PRESIDENT voudrait savoir, en outre, si pour fixer les salaires minima, la Commission prend en compte les progrès de productivité enregistrés par l'économie mauricienne, et non pas seulement l'évolution de l'indice du coût de la vie, c'est-à-dire l'inflation. D'autre part, il aimerait disposer de statistiques faisant apparaître le nombre approximatif des travailleurs qui, à Maurice, reçoivent le salaire minimum.

27. M. BOOLELL (Maurice) se félicite des questions extrêmement pertinentes posées par les membres du Comité, et s'associe aux remarques de MM. Simma et Ahmed. Lorsqu'il a été déposé au Parlement, le projet de loi en question a donné lieu à controverse, dès la première lecture; il a été retiré depuis. L'intention en était, toutefois, de faciliter pour les travailleurs le recours à des mécanismes de règlement des conflits, la formation de syndicats et la possibilité de négociations collectives, et de leur donner des droits importants en matière de grève.

28. Il faut bien voir que l'économie mauricienne est extrêmement dépendante de ses exportations sur un marché mondial où la concurrence est de plus en plus vive. Maurice exporte essentiellement des textiles, domaine dans lequel il est très important de respecter les délais et d'être compétitif. Des grèves comme celle de 1971 peuvent paralyser entièrement le pays. Aucune décision ne peut donc être prise à la légère en ce domaine, ce qui explique que l'adoption d'une loi sur les relations professionnelles prenne tant de temps.

29. Depuis 1991, année de la reprise économique, les relations dans le monde du travail ont été marquées par le dialogue et la consultation entre les syndicats, le patronat et les autorités, faisant régner un esprit de paix et d'harmonie entre les trois parties. Ainsi, alors qu'en 1985 il y a eu 15 "débrayages" ("work stoppages") entraînant la perte de 14 720 journées de travail, en 1991 les chiffres correspondants ont été de 6 et 122, respectivement.

30. Les salaires que fixe la Commission nationale des rémunérations sont des salaires minima. De fait, dans tous les secteurs de l'emploi, les salaires effectivement reçus sont bien supérieurs. Le travailleur étranger en possession d'un permis de travail est considéré comme résident et peut s'affilier à un syndicat. Il est vrai que le droit de grève n'est pas automatique, car les partenaires sociaux ont choisi de privilégier le dialogue, la conciliation et l'arbitrage. Si ces trois moyens de parvenir à un règlement ont échoué, le conflit est porté devant le tribunal permanent d'arbitrage. C'est seulement en dernier ressort que la grève est autorisée. Le nouveau projet de loi est encore au stade des consultations et M. Boolell ne peut encore dire ce qu'il contiendra. Toutes les questions qui viennent d'être évoquées au Comité seront certainement prises en considération.

31. M. AHMED compte sur la perspective d'avenir que vient d'exprimer la délégation mauricienne, car actuellement la grève est illégale et les dirigeants syndicaux risquent, en cas de grève, la prison et la perte de leur emploi, comme cela s'est produit en 1992.

32. A la page 15 des réponses écrites de la délégation mauricienne, il note que les personnels de la police, des services pénitentiaires et du corps des sapeurs-pompiers n'ont pas le droit de former des organisations chargées de veiller à leurs intérêts professionnels, ni d'adhérer à de telles organisations. Cela n'est pas conforme à la pratique de nombreux pays libéraux, où de telles organisations sont tout à fait légales. Par ailleurs le fait que, dans la zone franche pour l'industrie d'exportation, certains employeurs exigent que les femmes travaillent de nuit, contre leur gré, devrait retenir l'attention des autorités.

33. M. ADEKUOYE voudrait avoir quelques données chiffrées concernant, pour les cinq dernières années, le nombre des grèves et des lock-out. Les restrictions imposées aux organisations de salariés sont-elles imposées également aux organisations d'employeurs ?

34. M. BOOLELL (Maurice), répondant à la question du Président, dit que pour le moment le salaire minimum est fixé en fonction de l'évolution du coût de la vie et non de la productivité. La question a toutefois été longuement discutée. Par ailleurs, ces dernières années, les grèves et les débrayages n'ont guère été nombreux, comme déjà indiqué. Le projet de loi sur les syndicats et les relations professionnelles, après avoir fait l'objet de négociations à la Commission spéciale de réexamen des lois (Commission garrioch), a été soumis à l'OIT. Celle-ci a formulé des observations, qui ont été prises en compte. Le projet a ensuite été présenté au Parlement. Le fait est qu'il n'a pas satisfait les syndicats : une des difficultés tenait à la question de savoir à quel stade ceux-ci auraient dû participer à sa rédaction. Le dialogue se poursuit. Par ailleurs, il est bien évident que ce projet a d'importantes implications pour ce qui est de l'application du Pacte.

35. Le PRESIDENT appelle l'attention sur les questions concernant l'article 9 du Pacte.

"Article 9 : droit à la sécurité sociale

36. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO voudrait savoir quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier des prestations de vieillesse et des prestations d'invalidité mentionnées au paragraphe 68 du rapport, dont le financement n'est pas assuré par des cotisations. Faut-il avoir travaillé, ou simplement avoir atteint un certain âge ? Quelle différence y a-t-il, pour ce qui est des conditions à remplir, entre les prestations dont le financement est assuré par des cotisations et celles dont le financement n'est pas assuré par des cotisations ?

37. Par ailleurs, qui peut bénéficier des soins médicaux gratuits ? Y a-t-il une période d'attente ? Les travailleurs étrangers, leurs conjoints et leurs enfants peuvent-ils en bénéficier ? Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier des prestations pour accident du travail et des allocations de chômage ? Quel est le montant de ces dernières ? Pendant combien de temps sont-elles accordées ? Existe-t-il d'autres formes d'aide ?

38. Enfin, les informations fournies au paragraphe 73 du rapport en ce qui concerne les travailleurs indépendants et non salariés ne paraissent pas très claires.

39. M. AHMED déclare à la délégation mauricienne que le système de sécurité sociale de son pays lui paraît très complet. Par ailleurs, il note, dans le rapport, qu'"une pension minimale de veuve est payable aux veuves de moins de 60 ans" (E/1990/5/Add.21, par. 79), et qu'"une pension d'invalidité de base est versée aux personnes âgées de 15 à 60 ans" (par. 80). Que se passe-t-il lorsque le bénéficiaire atteint l'âge de 60 ans ?

40. Le PRESIDENT suppose qu'il passe sous le régime national des pensions.

41. M. ADEKUOYE note que les dispositions relatives aux pensions des employés du secteur privé sont très élaborées (par. 69 du rapport). Qu'en est-il dans le secteur public ? Les salariés ont-ils un régime différent ? Dans l'affirmative, en quoi les différences entre les deux régimes consistent-elles ?

42. Le PRESIDENT voudrait ajouter une question à celles que vient de poser M. Adekuoye : les entreprises appartenant à des autorités publiques (transports, etc.) relèvent-elles du secteur public ou du secteur privé ?

43. M. BOOLELL (Maurice) dit que les salariés du secteur public ont leur propre régime, prévu par la loi de 1976 sur le régime national des pensions. Leurs cotisations sont déduites à la source. En outre, comme cela est indiqué dans les réponses écrites (page 16, réponse No 19), une loi de 1983 sur l'aide sociale et une loi de 1984 sur la réglementation de l'aide sociale prévoient des prestations spéciales en faveur des personnes âgées de plus de 60 ans dont le revenu - pension ou autre - n'est pas suffisant pour leur permettre de vivre. Les plus nécessiteuses ont droit à une allocation de logement. De plus, après 60 ans, les bénéficiaires de pensions de veuve de base et de pensions d'invalidité de base relèvent du régime général, le régime national des pensions.

44. Les soins médicaux sont gratuits, et accordés à tous, suivant le principe de l'Etat-providence. Il existe des cliniques privées; lorsqu'elles assurent des services hautement spécialisés que le secteur public ne peut fournir, le patient qui s'adresse à elles peut, dans certains cas, obtenir une aide, si sa situation le justifie.

45. Le représentant de Maurice indique que son pays n'est pas favorable à la construction de maisons de retraite. Son Président a insisté récemment sur la responsabilité des familles à l'égard des personnes âgées. La maison de retraite ne doit être qu'un dernier recours. Il ajoute encore que les personnes âgées de plus de 90 ans reçoivent une allocation spéciale, et que les "internes d'institutions subventionnées par l'Etat", mentionnés au paragraphe 84 du rapport (cela englobe les détenus des prisons), reçoivent eux aussi une allocation.

46. M. AHMED félicite la délégation mauricienne pour ces traits remarquables de son système de protection sociale.

47. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO voudrait savoir si une veuve âgée de moins de 60 ans qui travaille peut recevoir, outre son salaire, la pension de veuve de base prévue au paragraphe 79 du rapport E/1990/5/Add.21. Existe-t-il une pension de veuf ? Quand la veuve atteint 60 ans et change de régime, le montant de sa pension reste-t-il le même ou diminue-t-il ?

48. Au paragraphe 70 du rapport, il est dit que les non-citoyens, titulaires d'un permis de travail valide, sont couverts par le régime national des pensions "à partir de la troisième année d'ancienneté". Que se passe-t-il en cas de maladie ou d'accident se produisant avant cette troisième année ?

49. Le PRESIDENT aimerait savoir si les travailleurs étrangers qui retournent dans leur pays peuvent percevoir leur pension de retraite.

50. M. ADEKUOYE demande précisément si le régime de pension des fonctionnaires est de type contributif ou non contributif. Par ailleurs, le niveau des pensions de retraite, qui semble satisfaisant, est-il protégé contre l'érosion monétaire ?

51. M. BOOLELL (Maurice) répond d'une part que le régime public des retraites est de type contributif, c'est-à-dire que le montant de la retraite est calculé sur la base des contributions versées, d'autre part que le montant des retraites est indexé et régulièrement révisé en fonction du taux d'inflation, qui est actuellement d'environ 6 %, et que rien ne s'oppose à ce que les pensions de retraite soient transférées à l'étranger puisqu'il n'y a pas de contrôle des changes à Maurice; une personne ayant travaillé dans le pays peut donc percevoir sa pension dans son pays d'origine.

52. Outre la pension de veuve et les allocations familiales, il existe comme l'allocation logement des prestations complémentaires attribuées selon les revenus. Les personnes les plus démunies peuvent recevoir une aide pour l'achat de farine ou de riz. Pendant les deux premières années, les étrangers ne peuvent être affiliés au Fonds national des pensions mais ils ont accès à des systèmes d'assurance privés gérés par leur employeur ou par les syndicats. Il ne faut bien sûr pas oublier que tous les soins de santé sont gratuits et que même des procédés médicaux sophistiqués sont mis à la disposition des malades; ainsi depuis quelque temps, les personnes qui ont les reins malades peuvent se faire dialyser à un coût minime.

53. Le PRESIDENT appelle l'attention sur les points concernant l'article 10 :

"Article 10 : protection de la famille, de la mère et de l'enfant

54. Constatant que la délégation mauricienne n'a rien à ajouter aux réponses écrites concernant l'article 10, il invite les membres du Comité à poser des questions supplémentaires s'ils le souhaitent.

55. Mme AHODIKPE voudrait savoir, étant donné que Maurice est un Etat pluriracial et pluriculturel, quel est le régime matrimonial de droit commun. Comment le Code civil règle-t-il d'éventuels conflits de loi entre les différents droits religieux ? Enfin, la femme a-t-elle les mêmes droits que l'homme en matière successorale ?

56. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO voudrait être sûre que dans les registres de l'état civil on n'emploie pas le terme d'enfants "illégitime" pour se référer à des enfants nés hors du mariage; en effet, une telle mention peut marquer un enfant pour la vie. Elle signale qu'en Espagne par exemple on a supprimé toute mention de ce type qui distinguerait les enfants.

57. M. CEAUSU s'étonne qu'à la question énoncée au paragraphe 29 de la liste des points à traiter il ait été répondu - dans les réponses écrites - que les mères qui travaillent ont droit à un congé de maternité de 12 semaines pour la naissance du premier enfant. N'ont-elles pas droit à un congé pour la naissance des autres enfants ?

58. M. AHMED, notant qu'en réponse à la question du paragraphe 23 de la liste des points à traiter il est dit qu'environ 5 000 cas d'enfants maltraités d'une manière ou d'une autre ont été rapportés, demande comment s'explique un chiffre aussi élevé.

59. Le PRESIDENT voudrait quant à lui savoir quelle est la nationalité des enfants nés d'un parent mauricien et d'un parent étranger.

60. M. BOOLELL (Maurice) dit à l'intention de Mme Ahodikpé que le Code civil prévoit deux régimes matrimoniaux, en communauté et en séparation de biens. Tous les mariages sont régis par le Code civil et, d'un point de vue légal, il n'y a pas de mariage islamique ou catholique. Le divorce peut être prononcé par un tribunal s'il est démontré qu'il y a eu faute de la part d'un conjoint ou que le couple ne vit plus sous le même toit depuis cinq ans. Dans le domaine successoral, il n'y a aucune différence entre les droits de l'époux et ceux de l'épouse; le caractère de la succession découle du régime matrimonial.

61. S'agissant des enfants, M. Boolell rassure Mme Jiménez Butragueño; en vertu d'une loi de 1990, il n'y a pas de différence entre enfant naturel et enfant légitime lorsque l'enfant naturel est reconnu par un de ses deux parents.

62. En ce qui concerne les congés de maternité, une erreur s'est glissée dans les réponses écrites : en fait, les femmes qui travaillent bénéficient d'un congé de maternité de 12 semaines lors de la naissance de leurs trois premiers enfants.

63. Enfin, pour ce qui est des enfants maltraités, M. Boolell précise que le chiffre de 5 000 correspond au nombre de cas d'enfants ayant subi des mauvais traitements rapportés au Conseil national de l'enfance entre 1991 et 1995. Ce chiffre englobe tous les cas de mauvais traitements, graves et moins graves. Depuis le mois d'avril 1995, c'est le service du développement de l'enfance du Ministère des droits de la femme, du développement de l'enfant et de la protection de la famille qui veille à la défense des droits des enfants. Des campagnes de sensibilisation pour la défense des droits des enfants ont été menées et, au sein de la police, une unité spéciale est chargée des enfants maltraités.

64. Répondant à la question sur la citoyenneté posée par le Président, M. Boolell indique que toute personne née sur le territoire mauricien, de parents mauriciens ou non, est automatiquement citoyen de Maurice. Une personne née hors du territoire mauricien et ayant un parent mauricien est également de nationalité mauricienne.

65. M. ADEKUOYE jugerait utile que le Comité dispose de statistiques sur les violences à l'encontre des femmes, sur le nombre d'actions en justice introduites sur la base de telles violences et sur le nombre de condamnations prononcées. Par ailleurs, notant que les jeunes gens de 15 à 18 ans ont le droit de travailler, il aimerait savoir dans quels secteurs d'activité ils sont plus particulièrement embauchés.

66. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO soulève la question des causes des violences à l'encontre des femmes et des enfants; en effet, cette violence ne semble pas devoir s'expliquer par la pauvreté comme dans certains pays. Peut-être provient-elle de certaines lacunes dans l'éducation, par exemple du fait que les enfants sont toujours associés aux femmes et que le rôle du père est insuffisamment affirmé. Il est important d'arriver à déterminer les causes des violences.

67. Mme BONOAN-DANDAN regrette que les réponses écrites données au titre du paragraphe 27 (concernant les mesures prises pour remédier au rôle subordonné des femmes dans la société) ne soient qu'une énumération de mesures vagues. Elle s'avoue sceptique sur les campagnes de sensibilisation destinées seulement aux femmes, soulignant que les campagnes et actions dirigées vers les hommes sont aussi plus que nécessaires puisque ce sont eux les auteurs de violences à l'égard des femmes et des enfants. Les réponses données à la question faisant l'objet du paragraphe 28 sont également une énumération de mesures générales, comme le lancement d'une campagne de sensibilisation, ou trop ponctuelles, comme l'accueil "temporaire" des femmes et des enfants. Un suivi de longue durée des femmes et des enfants maltraités est-il prévu ? Il semble que le Gouvernement mauricien doive faire plus d'efforts pour lutter contre la violence à l'égard des femmes.

68. Mme AHODIKPE aimerait savoir quel est le régime d'adoption en vigueur à Maurice; s'agit-il de l'adoption pleine ou de l'adoption simple ? Par ailleurs, l'enfant bénéficie-t-il de la nationalité de ses adoptants ?

69. M. BOOLELL (Maurice) indique que les deux systèmes d'adoption mentionnés existent. Il souligne que les autorités mauriciennes sont très vigilantes et prudentes en ce qui concerne notamment l'adoption d'enfants par des familles étrangères. Le Conseil national de l'adoption, qui joue un rôle de filtre, étudie attentivement les dossiers présentés par les couples qui souhaitent adopter un enfant afin de s'assurer qu'ils satisfont pleinement aux exigences requises. Par la suite, toutes les personnes, mauriciennes ou non mauriciennes, qui ont reçu un avis favorable du Conseil national de l'adoption doivent présenter une demande à un juge de la Cour suprême qui s'assure qu'il n'y a pas d'obstacle à l'adoption et rend la décision définitive.

70. Répondant à Mme Bonoan-Dandan sur la question des mesures prises pour protéger les femmes contre les violences, M. Boolell assure les membres du Comité que les mesures énumérées ne sont pas que des mots. La promotion des droits des femmes est un processus lent et les campagnes de sensibilisation destinées aux femmes visent essentiellement à ce qu'elles connaissent leurs droits et acquièrent confiance en elles-mêmes. Le développement économique et l'augmentation du nombre des femmes qui travaillent, et donc deviennent indépendantes économiquement, modifient beaucoup la place des femmes dans la société, ainsi d'ailleurs que le rôle des hommes. Il est encourageant de voir que de plus en plus de femmes sont prêtes à exercer des responsabilités dans tous les secteurs d'activité. A tous égards, le Ministère des droits de la femme, du développement de l'enfant et de la protection de la famille joue un rôle important.

71. Le PRESIDENT demande quelle est la religion d'un enfant né de parents de confessions différentes.

72. M. BOOLELL (Maurice) signale tout d'abord que, par tradition, les gens ont plutôt tendance à se marier au sein de leur propre communauté. Il y a néanmoins un nombre croissant de mariages mixtes et la religion des enfants nés de tels mariages est du seul ressort des parents. M. Boolell tient à dire que la diversité religieuse et culturelle de Maurice est une véritable richesse; chaque communauté religieuse célèbre ses fêtes sans qu'il y ait de problèmes. L'interaction entre les différentes influences culturelles est certainement un élément qui doit être préservé à Maurice.

73. Le PRESIDENT exprime le souhait que cette situation perdure.

"Article 11 : Droit à un niveau de vie suffisant

74. Le PRESIDENT demande à la délégation de Maurice si elle souhaite apporter un complément d'information.

75. M. BOOLELL (Maurice) fait observer que, selon lui, le rapport initial de Maurice donne des informations complètes sur l'application des dispositions de l'article 11 dans le pays.

76. M. SIMMA, se référant aux raisons ayant motivé la suppression de l'Office central du logement, se demande pourquoi le gouvernement n'a pas indexé les loyers sur l'augmentation des salaires. Il fait également observer qu'il n'est pas étonnant que cet office ait nécessité des subventions de plus en plus importantes pour continuer à fonctionner s'il vendait les logements qu'il avait construits pour un prix équivalent à une semaine de salaire. Pourquoi ne pas avoir fixé un prix de vente plus élevé ? M. Simma se demande aussi si le droit au logement existe toujours à Maurice. Il relève en effet que la nouvelle Société nationale de développement du logement est une entité privée dont la politique obéit, semble-t-il, aux lois du marché, et se demande ce qu'il en est de l'accès aux logements sociaux dans ce contexte. Il est notamment préoccupé par le sort des personnes dont les logements ont été détruits lors du dernier cyclone car il semblerait qu'un certain nombre d'entre eux, mécontents des mesures prises pour les reloger, aient dû avoir recours aux services de l'ombudsman.

77. M. ADEKUOYE, évoquant la question de la nutrition, aimerait savoir pourquoi l'anémie est plus fréquente chez les filles que chez les garçons, notamment dans le groupe d'âge de 13 à 18 ans, et demande s'il ne serait pas possible de prévoir certaines mesures pour supprimer cette différence entre les sexes.

78. M. CEAUSU constate qu'il y a quelques années le gouvernement a décidé de vendre les maisons construites par l'Office central du logement jusqu'en 1980 pour un prix oscillant entre 500 et 800 roupies, atteignant au maximum 1 000 roupies, et qu'aujourd'hui, pour faciliter l'achat de logements construits par la Société nationale de développement du logement, le gouvernement demande un apport initial de 5 000 roupies pour un salaire de moins de 4 000 roupies. M. Ceausu aimerait savoir quel est le prix actuel de ces logements. Il voudrait aussi savoir quelle est la durée du bail des parcelles à bâtir qui ont été allouées par l'Etat pendant la période allant de 1984 à 1993.

79. Le PRESIDENT aimerait savoir s'il existe un seuil de pauvreté à Maurice.

80. M. BOOLELL (Maurice) tient tout d'abord à signaler que toutes les personnes dont le logement a été détruit lors du dernier cyclone ont été relogées.

81. Passant à la question concernant l'Office central du logement, M. Boolell indique que les maisons construites par cet office, qui dataient des années 50 et 60, étaient louées à des familles à faible revenu qui ne voyaient aucun intérêt à investir dans l'entretien de ces logements. Ces derniers se délabraient de plus en plus. Il était stipulé dans le contrat des constructeurs que ceux-ci devaient rénover ces logements au bout de 20 ans. Une fois les travaux de rénovation effectués, le gouvernement a pensé que si les locataires devenaient propriétaires de leur logement, ils seraient plus motivés pour assurer leur entretien. Aussi a-t-il vendu ces logements à un prix nominal. Cela étant, le coût de la construction a beaucoup augmenté, notamment en raison du prix des matériaux qu'il faut importer, et les logements sont chers. Le gouvernement subventionne la construction de logements sociaux et facilite l'achat de logements construits par la Société nationale de développement du logement en permettant aux personnes à faible revenu de verser un montant initial minimal et de bénéficier d'un régime de remboursement plus souple. Pour un certain nombre de personnes, cependant, le logement continue à absorber une grande partie du revenu. Le gouvernement a par ailleurs pris toute une série de mesures, notamment fiscales, pour encourager les entrepreneurs à construire des logements. La nouvelle politique suivie par le gouvernement ne prive pas la population de son droit au logement. Il n'en demeure pas moins que le problème du logement reste un problème grave, qui revêt un caractère prioritaire pour le gouvernement.

82. Pour ce qui est de la question de la différence observée dans l'incidence de l'anémie entre les filles et les garçons âgés de 13 à 18 ans, M. Boolell fait observer qu'après la puberté les filles risquent plus que les garçons de souffrir d'anémie. Cela étant, si le Comité le désire, M. Boolell se déclare prêt à fournir ultérieurement des informations plus détaillées à ce sujet.

83. Il confirme qu'il existe à Maurice un seuil de pauvreté qui sert de référence pour fixer les salaires.

84. Le PRESIDENT fait observer que le seuil de pauvreté ne doit pas entrer dans la fixation des salaires; il doit être inférieur au salaire minimal. Il propose de passer à l'examen de l'application des dispositions de l'article 12 du Pacte, et notamment des réponses écrites aux questions Nos 31 à 35.

"Article 12 : droit à la santé physique et mentale

85. Mme BONOAN-DANDAN estime que les réponses écrites de Maurice à la question No 31 concernant les problèmes de la toxicomanie, de la prostitution, du suicide et de l'avortement sont superficielles et insuffisantes au regard de l'importance que revêtent ces questions. Elle aimerait avoir un complément d'information. De même, elle aimerait avoir des informations plus détaillées sur la protection des malades mentaux et les soins de santé mentale en général (question No 33). Elle se demande pourquoi ces deux questions n'ont pas été traitées de façon aussi détaillée que celle portant sur le SIDA.

86. Mme AHODIKPE aimerait savoir quel est le taux de suicide et pourquoi le nombre de suicides est élevé à Maurice.

87. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO se demande quelles sont les mesures prises pour lutter contre l'alcoolisme, notamment chez les mineurs. Elle voudrait aussi avoir davantage d'informations sur la prostitution infantile et l'usage de la drogue chez les mineurs.

88. Le PRESIDENT aimerait connaître le taux de suicide selon les différents groupes ethniques et les causes de suicide.

89. M. BOOLELL (Maurice) se propose de compléter les réponses écrites aux questions Nos 31 et 33 à la prochaine séance du Comité consacrée à l'examen du rapport initial de son pays. Pour ce qui est des services sanitaires, il précise qu'il existe des hôpitaux régionaux, des centres de santé au niveau des districts et des dispensaires dans les différentes localités. L'île de Rodrigues manque encore de services de soins spécialisés, mais les malades qui ont besoin de tels soins sont transportés gratuitement par avion à Maurice. Il existe des institutions pour personnes âgées qui sont subventionnées par l'Etat, mais la politique du gouvernement dans ce domaine consiste à encourager les familles à s'occuper elles-mêmes des personnes âgées.

90. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO aimerait savoir si les familles s'occupant de personnes âgées reçoivent une aide.

91. Le PRESIDENT propose au Comité de poursuivre le débat sur ces questions au cours de la prochaine séance consacrée à l'examen du rapport initial de Maurice.

92. M. BOOLELL (Maurice) dit que dans l'immédiat il souhaite distribuer aux membres du Comité un document concernant des décisions rendues par la Cour suprême de Maurice dans des affaires de discrimination entre les sexes. Ces décisions témoignent de la volonté de la Cour de tenir compte des dispositions des instruments internationaux auxquels Maurice est partie lorsqu'elle doit interpréter les dispositions de la Constitution. Elles montrent aussi que la Constitution est la loi suprême du pays et que la Cour peut déclarer nulle toute loi contraire à ses dispositions.


La séance est levée à 18 heures.

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