Distr.

GENERALE

E/C.12/1995/SR.43
4 décembre 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la premiere partie de la 43ème seance : Mauritius. 04/12/95.
E/C.12/1995/SR.43. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Treizième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIERE PARTIE (PUBLIQUE)*
DE LA 43ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 28 novembre 1995, à 15 heures


Président : M. GRISSA


SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial de Maurice (suite)

__________

* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote E/C.12/1995/SR.43/Add.1.


La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 4 a) de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de Maurice (E/1990/5/Add.21; E/C.12/1995/LQ.5/Rev.1 (liste des points à traiter) réponses écrites, document sans cote distribué par la délégation mauricienne, en anglais)

1. Le PRESIDENT rappelle qu'à la fin de la 41ème séance du Comité, des questions relatives à l'application de l'article 12 ont été posées. Il invite la délégation mauricienne à y répondre.

2. M. BOOLELL (Maurice) désire apporter quelques précisions concernant des questions soulevées à la 41ème séance. La loi relative à la zone franche pour l'industrie d'exportation dispose qu'un travailleur peut être invité à faire des heures supplémentaires, mais que dans ce cas il ne doit pas lui être imposé de reprendre son travail avant un délai d'au moins 12 heures. La loi ne fait pas de distinction selon le sexe des travailleurs.

3. A Maurice, le salaire minimum est indexé sur l'indice des prix à la consommation, mais aucun "seuil de pauvreté" n'a été fixé aux fins du calcul du salaire minimum.

4. M. Boolell répond ensuite à la question No 31, relative à l'article 12 du Pacte, qui a probablement été suggérée par le paragraphe 293 du rapport de Maurice (E/1990/5/Add.21). "L'effondrement de la structure de la famille", mentionné dans ce paragraphe, ressort, statistiquement, de la fréquence des divorces : en 1990, 550 affaires de divorce étaient pendantes devant les tribunaux mauriciens. La multiplication des délits mentionnée dans le même paragraphe (sévices infligés aux enfants, viols, délinquance liée à la toxicomanie et à la prostitution) n'est pas étayée par des statistiques, mais ressort d'observations empiriques (informations publiées dans la presse, plaintes déposées auprès des autorités compétentes).

5. Le nombre connu des suicides et des tentatives de suicide, qui s'établissait à 587 en 1988, était retombé à 338 en 1990, mais les autorités estiment qu'il a augmenté depuis. Toutefois, ainsi qu'il est indiqué à la dernière ligne du paragraphe 293, ces problèmes ne peuvent pas être attribués uniquement à un développement économique rapide, mais le fait est qu'ils en sont concomitants.

6. Le gouvernement s'inquiète beaucoup des progrès de la toxicomanie à Maurice, probablement dus au fait que Maurice est utilisée comme point de transit pour le commerce des drogues. Il est prévu de modifier la loi sur les drogues dangereuses de façon à en renforcer l'application, tout en lui apportant des améliorations. La peine de mort pour les trafiquants de drogue sera remplacée par une peine d'emprisonnement à vie. Des programmes de réhabilitation seront mis en oeuvre en faveur des toxicomanes. Le magistrat chargé de juger un délit lié à la toxicomanie pourra, avant de prononcer une sentence, prendre en compte les "rapports de probation" établis par des fonctionnaires spécialisés ou, s'il estime qu'il n'y a pas lieu d'infliger une peine d'emprisonnement au délinquant, l'envoyer dans un centre de réadaptation.

7. L'alcoolisme touche 2 % de la population adulte féminine et 19 % de la population adulte masculine. Une enquête portant sur les malades atteints d'affections liées à l'alcool est en cours. Un programme national doit être lancé pour sensibiliser le public aux problèmes de l'alcoolisme et de la toxicomanie.

8. La prostitution et l'avortement sont tous deux interdits à Maurice. M. Boolell ne dispose d'aucun chiffre précis à cet égard, mais il est bien certain que de nombreux avortements ont lieu clandestinement.

9. A l'heure actuelle, la protection des malades mentaux (question No 33) est toujours régie par la loi sur la démence de 1906. Une nouvelle législation doit permettre d'assurer des soins plus personnalisés aux malades hospitalisés en long séjour, en y associant davantage les familles, comme cela est indiqué au paragraphe 308 du rapport. Cette législation en est encore au stade de négociations.

10. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO voudrait savoir quelle est, dans les suicides, la proportion des femmes et des enfants. D'autre part, elle demande si le Gouvernement mauricien a pris des mesures pour limiter l'alcoolisme des jeunes. Chacun sait que les jeunes fréquentent des bars et des boîtes de nuit qui vendent de l'alcool.

11. Mme BONOAN-DANDAN revient à la question No 26, se rapportant à l'article 10 : elle est aussi liée au droit à la santé physique et mentale qui relève de l'article 12 du Pacte. Elle voudrait savoir quelles mesures le Gouvernement mauricien a prises pour remédier au phénomène des mères adolescentes, dont le pourcentage est élevé à Maurice, en particulier dans l'île de Rodrigues. Elle insiste pour que la délégation fournisse des réponses concrètes et précises concernant le nombre élevé des suicides, des avortements et des décès consécutifs à des avortements illégaux. Jusqu'à présent, la délégation n'a guère fait que reconnaître l'existence d'un problème.

12. M. BOOLELL (Maurice) dit que dès son retour à Maurice, il fera parvenir au Comité les informations demandées sous forme écrite avec toute la précision nécessaire.

13. Le PRESIDENT dit que le Comité peut passer à l'examen des réponses aux questions concernant l'article 13 du Pacte :

"Article 13 : Droit à l'éducation

37. Quels sont les facteurs qui expliquent la forte proportion d'échecs parmi les étudiants qui se présentent aux épreuves de certificat ?

En sa qualité de membre du Comité, le Président demande à la délégation mauricienne d'expliquer les différences existant entre l'île de Rodrigues et l'île principale de Maurice, pour ce qui est du droit à l'éducation protégé par l'article 13.

14. M. ADEKUOYE note que le taux de réussite au certificat d'études primaires, soit 58,6 %, n'est guère brillant (rapport, par. 340; réponses écrites, p. 26). Cela semble indiquer que le système d'enseignement primaire n'est pas satisfaisant. Par ailleurs, un plan directeur pour l'enseignement a été élaboré, articulé sur le principe de neuf années d'études (rapport, par. 342; réponses écrites, p. 27). Ce plan a-t-il déjà été mis en pratique ? Qu'entend-on exactement par "le principe de neuf années d'études" ? Le cycle de l'enseignement primaire menant actuellement au certificat d'études primaires étant de six ans, l'objet du plan est-il de prolonger la scolarité de trois ans après l'obtention de ce certificat ou d'instaurer une scolarité de neuf ans sanctionnée par un examen ?

15. D'autre part, il est dit dans les réponses écrites (p. 27) que les écoles primaires publiques supportent bien la comparaison avec les écoles primaires privées subventionnées. La qualité de l'enseignement n'est donc pas meilleure dans ces dernières, et tout semble indiquer que Maurice doit améliorer les qualifications de ses enseignants. Le plan directeur prend-il cette nécessité en considération ? Enfin, le plan directeur contient-il des mesures visant à motiver davantage les enseignants ? Quelles incitations comporte-t-il ?

16. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO demande si le principe de l'égalité des sexes est affirmé et mis en pratique dès l'école primaire. Comme il a été dit à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing, il est important que les garçons aient dès leur plus jeune âge l'idée que les filles ont les mêmes droits qu'eux, et il faut que les enfants des deux sexes apprennent à savoir tout faire, aussi bien la cuisine que le bricolage. La formation reçue à l'école primaire conditionne à coup sûr les mentalités des adultes. Il serait intéressant de savoir si Maurice est partie à la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, dont l'alinéa c) de l'article 10 porte sur l'élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement.

17. M. MARCHAN ROMERO s'étonne que les deux langues vernaculaires les plus parlées, à savoir le créole et le bhojpuri, n'aient pas leur place dans le système éducatif.

18. M. THAPALIA aimerait savoir s'il existe, d'une part, un enseignement des droits de l'homme destiné aux responsables de l'application des lois (membres de la police, agents pénitentiaires, etc.) et, d'autre part, des programmes spécifiques sur l'égalité des chances et les droits de l'homme pour les populations autochtones.

19. M. TEXIER, rappelant qu'en vertu du Pacte l'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous, voudrait savoir si Maurice satisfait à cette obligation à l'égard de tous les enfants d'âge scolaire. Par ailleurs, relevant qu'en 1990 le taux d'alphabétisation était de 85,4 % chez les garçons et de 76,0 % chez les filles, il aimerait savoir si le gouvernement prend des mesures pour réduire cet écart. Il ne lui a pas échappé que trois fois plus de femmes que d'hommes auraient bénéficié des programmes d'alphabétisation en 1993. Enfin, M. Texier note que les écoles privées occupent une grande place dans l'enseignement et semblent avoir fait de gros efforts pour être compétitives dans le contexte du système d'enseignement sélectif qui existe à Maurice. Il serait intéressant de savoir si le gouvernement essaie de rééquilibrer la situation en la matière et si le rôle des établissements secondaires privés a évolué au cours des dernières années. En effet, il ne faut pas oublier que, si le Pacte prévoit la possibilité qu'existent des établissements d'enseignement privé, la responsabilité générale de l'éducation incombe à l'Etat.

20. M. WIMER ZAMBRANO voudrait avoir des précisions sur le recrutement des enseignants dans l'enseignement privé en particulier : peuvent-ils être recrutés en fonction de leur langue ou de leur religion ?

21. Le PRESIDENT, s'exprimant en tant que membre du Comité, est frappé par le fort taux d'échec à l'examen de fin d'études primaires et aimerait savoir si cela est lié aux difficultés d'expression qui découlent du bilinguisme anglais/français. Il sait par expérience, puisque son pays, la Tunisie, connaît aussi le bilinguisme, que la coexistence de deux langues peut être une source de difficultés. A Maurice, dans quelle langue se passent les examens ? Est-ce décidé d'avance, ou les étudiants sont-ils libres de choisir la langue de leur choix ? Les écoles privées peuvent-elles choisir d'assurer l'enseignement seulement en français ou seulement en anglais ?

22. M. BOOLELL (Maurice) souligne tout d'abord qu'il n'y a pas de population autochtone à Maurice. Avant de répondre précisément aux questions posées sur l'enseignement, il juge utile de faire un bref rappel du système éducatif mauricien. Celui-ci comprend trois niveaux : primaire, secondaire et universitaire. Il y a une seule université, l'Université de Maurice. Aux niveaux primaire et secondaire, outre les établissements créés et administrés par l'Etat, il existe des écoles privées, parmi lesquelles il faut distinguer les établissements subventionnés par l'Etat, selon un principe qui existe dans beaucoup de pays, et les établissements entièrement privés. Les établissements scolaires qui avaient été créés par les missionnaires sont maintenant, depuis 1976, subventionnés par l'Etat et les enseignants de ces établissements sont payés par des fonds publics. Le Gouvernement mauricien a donc fait un gros effort pour harmoniser et renforcer le système éducatif. Le gouvernement s'acquitte de son obligation d'assurer un enseignement primaire obligatoire et accessible gratuitement à tous; l'inscription dans les écoles primaires se fait sur une base locale, c'est-à-dire que chaque enfant a le droit d'être inscrit dans l'école publique la plus proche de son domicile, et il a été fait en sorte que tous les élèves puissent se rendre à pied à l'école. De 5 ans à 7 ans, l'enseignement peut se faire dans une langue ou dans une autre. A partir de l'âge de 7 ans, la langue d'enseignement est soit l'anglais, soit le français, et les examens se passent en anglais, sauf dans les écoles de type français qui préparent au baccalauréat et portent le nom de "lycée". Les différents types d'écoles et les différents systèmes coexistent sans problème.

23. En ce qui concerne le caractère sélectif du système, M. Boolell explique que le certificat d'études primaires joue un rôle de filtre; les élèves qui l'ont obtenu peuvent s'inscrire dans un établissement d'enseignement secondaire, ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats étant admis à s'inscrire dans les meilleurs établissements secondaires et dans les meilleures filières. Les élèves qui n'ont pas obtenu le nombre de points suffisant pour aller dans l'établissement de leur choix peuvent se présenter au certificat d'études primaires l'année suivante. Il y a bien sûr des critiques contre ce système de sélection. On allègue notamment que le nombre de bons collèges pouvant accueillir des élèves de niveau satisfaisant n'est pas suffisant et, étant donné l'âpreté de la compétition entre les enfants, tout élément de nature à porter atteinte à l'égalité des chances dans le contenu même du certificat d'études primaires est dénoncé. C'est ainsi que, dans une affaire portée devant la Cour suprême, les plaignants ont contesté l'inclusion d'une langue orientale au programme de cet examen; un dossier relatif à cette affaire a été mis à la disposition des membres du Comité.

24. Le plan directeur pour l'enseignement vise à améliorer le système, l'objectif recherché étant notamment d'accroître la capacité des établissements secondaires du premier cycle de façon à ce que la durée de la scolarité soit de neuf ans pour tous, et d'alléger les pressions sur le certificat d'études primaires. Cela devrait permettre aux enfants de quitter le système d'enseignement de base avec un meilleur niveau d'alphabétisation et des connaissances en mathématiques plus élevées. Ce plan continue de faire l'objet de nombreuses consultations avec les experts de l'UNESCO et n'est pas encore en vigueur. Les autorités mauriciennes sont donc conscientes que le système d'éducation, s'il a bien fonctionné jusqu'à présent, doit être adapté à l'évolution de la société et de l'économie et assurer une meilleure égalité des chances pour tous.

25. Maurice est partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le sujet des droits de l'homme est enseigné à l'université, et fait notamment l'objet d'une option pour les étudiants en droit international. Il ne fait pas en soi partie des programmes des établissements primaires et secondaires, mais les élèves de ces établissements sont formés aux valeurs humaines de la société, et ainsi préparés au respect des droits de l'homme.

26. M. CURE (Maurice) déclare, à propos des mesures prises dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, que la promotion des droits de l'homme prend la forme de rencontres et de conférences organisées par les autorités avec la collaboration d'ONG.

27. M. BOOLELL (Maurice) signale que l'Ile Rodrigues, qui fait partie de l'Etat de Maurice, a un sol beaucoup plus pauvre que l'Ile Maurice et est devenue de plus en plus dépendante des autres îles pour satisfaire ses besoins. Néanmoins, au cours des dernières années, un gros effort a été fait pour le développement des infrastructures et un ministère doté d'un budget propre a été chargé du développement de cette île. Les principales ressources de l'île Rodrigues sont l'élevage et la pêche, une des spécialités étant le poisson salé. Les besoins essentiels en matière de santé et d'éducation sont en tous cas assurés.

28. Le PRESIDENT avoue avoir encore du mal à comprendre dans quelle langue l'enseignement est dispensé.

29. M. BOOLELL (Maurice) précise que, d'une manière générale et sauf dans les écoles de type français, les examens se passent en anglais et la langue d'enseignement est l'anglais, mais que les enseignants peuvent quelquefois choisir d'enseigner en français.

30. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO se demande si les enseignants qui parlent l'anglais et le français connaissent aussi la littérature et la culture des pays francophones et anglo-saxons.

31. Pour M. MARCHAN ROMERO, il est toujours difficile de comprendre pourquoi le créole et le bhojpuri, qui sont parlés par 92 % de la population, ne sont pas utilisés dans le système éducatif.

32. M. ADEKUOYE s'étonne du taux d'abandon scolaire en cinquième année du cycle secondaire, qui était de 36,6 % en 1993.

33. Mme BONOAN-DANDAN se demande quelle est la base du créole parlé à Maurice. Est-ce le français, l'anglais, l'hindi ? Si c'est le français, elle aimerait savoir comment cette langue a été "abâtardie".

34. M. CURE (Maurice) rappelle que lorsque les Français sont arrivés à Maurice, au début du XVIIIème siècle, il n'y avait pas d'autochtones sur l'île. Les Français ont amené avec eux des esclaves originaires de plusieurs régions d'Afrique. Lorsque l'île est passée sous contrôle britannique en 1810, la population mauricienne était constituée d'une majorité de Noirs ainsi que de colons, de Métis et de quelques immigrants indiens provenant de Goa ou de Pondichéry. En 1835 l'esclavage est aboli à Maurice. Il est alors fait appel à de la main-d'oeuvre asiatique pour travailler dans les plantations de canne à sucre. C'est ainsi qu'entre 1850 et 1890 la configuration de la population mauricienne a radicalement changé, passant d'une majorité de Noirs et d'Européens à une majorité d'Asiatiques. Au créole, qui était parlé par les esclaves et qui est resté une langue parlée à Maurice, est venu s'ajouter le bhojpuri, dialecte indien. Les Mauriciens d'origine indienne continuent à parler le bhojpuri pour conserver un lien culturel avec leur pays d'origine. Le créole, le bhojpuri, l'anglais et le français coexistent, mais l'anglais et le français ont un statut différent puisque ce sont les langues utilisées à l'école. Quant au créole et au bhojpuri, ce sont des langues parlées par tous, qui sont associées à un mode de vie, mais qui ne sont pas intégrées dans le système d'éducation. Le créole est une langue qui est difficile à lire.

35. M. BOOLELL (Maurice) précise qu'il n'est pas question de reléguer le créole au second plan. Bien au contraire, des efforts sont déployés pour développer cette langue comme en témoigne le Colloque international du créole organisé à Maurice à l'intention des îles où l'on parle le créole.

36. Mme BONOAN-DANDAN aimerait savoir s'il existe des poèmes, des livres et des chansons en créole.

37. Mme AHODIKPE demande que soit précisée la langue dans laquelle est mené le programme d'alphabétisation des adultes.

38. Le PRESIDENT se demande si ce n'est pas le français et l'anglais qui ont empêché le créole de se développer et de devenir une langue écrite.

39. M. CURE (Maurice) précise que le créole s'écrit, mais qu'il est difficile à lire; c'est plutôt une langue parlée. Il ne pense pas que l'anglais et le français soient un obstacle au développement du créole. Quant au programme d'alphabétisation, il se déroule en créole : les personnes apprennent à lire l'anglais ou le français en suivant des cours qui sont donnés en créole. Il existe des recueils de poèmes, des livres, des pièces de théâtre et des chansons en créole.

40. M. ADEKUOYE fait observer qu'à Sierra Leone, les habitants parlent un mélange d'anglais et de yoruba. Le yoruba est une langue écrite et parlée par les Yorubas, ethnie de l'Afrique de l'Ouest. Par contre, le mélange yoruba-anglais est une langue parlée qu'il est très difficile d'écrire et de lire. Il se demande si les Mauriciens n'ont pas le même problème avec le créole, qui est un mélange d'anglais, de français et d'hindi.

41. M. WIMER ZAMBRANO fait remarquer que si l'on considérait, dans le passé, les dialectes comme des dégénérescences de langues nobles, la linguistique moderne ne fait aujourd'hui aucune différence entre les langues et les dialectes. Le créole parlé à Maurice devrait avoir le même statut que le français ou l'anglais et il faudrait qu'il ait son expression écrite. M. Wimer Zambrano croit comprendre que la base du créole parlé à Maurice est africaine tout comme le créole de la Nouvelle-Orléans ou de Haïti. Il est important, selon M. Wimer Zambrano, de codifier ces langues, souvent très riches, si l'on veut préserver les traditions.

42. M. CURE (Maurice) indique que le créole parlé à Maurice est très proche de celui de Haïti basé sur le français. Il précise toutefois que le créole de Maurice comprend des mots hindis et que le bhojpuri comporte des mots créoles, ce qui démontre un échange dynamique entre ces langues. Le créole de Maurice ressemble également à celui de la Réunion, des Seychelles et de Rodrigues. En revanche, il est assez différent de celui parlé en Martinique, qui est pourtant, lui aussi, basé sur le français.

43. M. TEXIER aimerait que la délégation mauricienne réponde aux deux questions qu'il a posées, à savoir si tous les enfants de 5 à 12 ans bénéficient de l'enseignement primaire obligatoire et si des programmes spéciaux ont été mis en place pour lutter contre l'analphabétisme qui semble toucher davantage les femmes que les hommes.

44. M. CURE (Maurice) indique qu'en vertu de la loi sur l'éducation promulguée en 1991, l'enseignement est obligatoire pour les enfants de 5 à 12 ans. Pour ce qui est de la promotion de l'alphabétisation, il existe un programme d'alphabétisation des adultes ainsi que des cours à distance pour les personnes illettrées.

45. Le PRESIDENT propose aux membres du Comité de passer à l'examen de l'application des dispositions de l'article 15 du Pacte et de la réponse écrite donnée à la question No 40.

46. M. AHMED signale que dans l'analyse par pays établie par le secrétariat (document E/C.12/CA/4), il est indiqué que la liberté d'expression et la liberté de la presse sont protégées par la Constitution, mais les journaux sont soumis à certaines restrictions fixées par une législation stricte en matière de diffamation; en particulier, conformément à la loi portant modification de la loi sur les journaux et les périodiques de 1984, il est interdit à la presse de critiquer le gouvernement. Il aimerait entendre la délégation mauricienne à ce sujet.

47. M. BOOLELL (Maurice) signale que la loi en question a été abrogée et invite le secrétariat à apporter les corrections nécessaires dans le document cité. Cela étant, si un journal publie un article qui risque de troubler l'ordre public, il peut faire l'objet de poursuites. M. Boolell tient à souligner que cela est extrêmement rare et que la liberté de la presse est respectée à Maurice.

48. M. CURE (Maurice), répondant à la question de M. Adekuoye sur le taux d'abandon scolaire, indique qu'à Maurice il y a un certain nombre d'écoles subventionnées par le gouvernement qui sont réputées pour la qualité de leur enseignement. Seuls les meilleurs élèves, c'est-à-dire ceux qui ont eu de très bons résultats au certificat d'études primaires, peuvent entrer dans ces écoles. Les autres peuvent aller dans des écoles privées. Ces dernières ont parfois moins de moyens et leurs professeurs ont reçu une formation moins bonne. C'est ce qui explique le taux élevé d'abandon scolaire. M. Cure reconnaît qu'il y a des efforts à faire dans ce domaine, mais souligne que l'affectation des ressources est une question de choix et que le mieux est de faire tout ce qu'on peut avec les ressources dont on dispose.

49. M. BOOLELL (Maurice) remercie le Comité pour sa patience et espère que la délégation mauricienne a donné des réponses satisfaisantes aux questions qui lui ont été posées. Il indique que la délégation communiquera le plus rapidement possible au Comité des informations plus précises sur le suicide et l'avortement. M. Boolell assure le Comité que Maurice fait de son mieux pour s'acquitter de ses obligations en vertu du Pacte. Il reconnaît que des progrès restent encore à faire dans un certain nombre de domaines, mais fait observer que, de pays moins développé, Maurice est passé au stade de pays en développement tout en respectant les libertés fondamentales et les droits de l'homme. Il indique que la délégation a pris note de toutes les recommandations du Comité et souligne que la question des droits de l'homme est une question très importante pour l'Etat mauricien qui s'efforce d'oeuvrer pour le bien-être de ses citoyens.

50. M. DEDANS (Maurice) remercie lui aussi le Comité d'avoir étudié le rapport initial de Maurice et d'avoir signalé ses lacunes. La délégation s'est efforcée d'apporter en toute franchise autant d'éléments d'information que possible. Elle regrette de ne pas avoir toujours trouvé les mots justes pour expliquer la situation dans le pays, ce qui a parfois donné lieu à une certaine confusion. Il convient cependant de souligner que Maurice est une île où l'anglais est la langue officielle, où le français est la langue parlée par 99 % des habitants et où le créole, parlé par tous les Mauriciens, s'écrit de deux façons différentes, l'une basée sur le français et l'autre sur l'anglais. Mais la principale chose à retenir selon M. Dedans, c'est que Maurice s'est développée en respectant les droits sociaux de ses habitants. M. Dedans assure le Comité que ses propositions et ses observations seront transmises aux autorités mauriciennes.

51. Le PRESIDENT remercie au nom du Comité la délégation mauricienne pour sa collaboration et le dialogue constructif qu'elle a établi avec le Comité et il félicite Maurice, pays d'ethnies, de religions et de langues différentes, d'avoir réussi à se développer de façon harmonieuse. Le Comité espère que Maurice continuera à progresser dans cette voie.

52. La délégation mauricienne se retire.


La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 15.

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