Distr.

GENERALE

E/C.12/1999/SR.45
8 décembre 1999


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 45ème séance : Mexico. 08/12/99.
E/C.12/1999/SR.45. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Vingt et unième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 45ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le jeudi 25 novembre 1999, à 15 heures

Présidente : Mme BONOAN-DANDAN


SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS :

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

- Troisième rapport périodique du Mexique (suite)


La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Mexique (suite) [(E/1994/104/Add.18); document de base (HRI/CORE/1/Add.12/Rev.1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/MEX/1); réponses écrites du Gouvernement mexicain (HR/CESR/NONE/1999/14)]

1. À l'invitation de la Présidente, la délégation mexicaine reprend place à la table du Comité.

2. M. CEAUSU demande à la délégation d'expliquer la ou les causes principales du conflit au Chiapas et d'exposer les initiatives prises par le Gouvernement mexicain en vue d'améliorer la situation en matière de droits économiques, sociaux et culturels dans cette région. La population autochtone du Chiapas, qui constitue quelque 38 % de la population totale de cette région, bénéficie-t-elle des divers programmes mis en place par le Gouvernement en particulier dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'approvisionnement en eau potable ? La délégation peut-elle en outre indiquer si le Gouvernement fédéral a attribué des terres aux populations autochtones et, dans l'affirmative, la superficie de ces terres ? Quels sont les projets du Gouvernement s'agissant de régulariser les droits fonciers des autochtones ?

3. Quel est le point de vue du Gouvernement mexicain sur les programmes d'ajustement structurels qu'il a négociés avec le Fonds monétaire international ? Les diverses contraintes inhérentes à ces accords gênent-elles les actions du Gouvernement, dans le domaine social par exemple, ou considère-t-il que de tels programmes l'aident à progresser en la matière, en faisant diminuer le chômage en particulier ?

4. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO aimerait savoir si les ONG ont participé à l'élaboration de ce troisième rapport périodique et si celui-ci a été diffusé auprès du public mexicain.

5. La discrimination à l'égard des femmes est proscrite par les textes constitutionnels mexicains, mais une telle discrimination peut-elle néanmoins s'exercer dans les faits ? Le Mexique a ratifié la Convention contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, mais a-t-il mis en place pour en assurer l'application des mesures regroupées, par exemple, dans le code de la famille ou du travail et s'appliquant indifféremment dans tous les États ? Quelle est la position de la femme à l'intérieur de la famille ? A-t-elle le pouvoir de gérer les biens du couple ?

6. M. SADI demande à la délégation d'exposer au Comité l'origine des troubles ayant éclaté au Chiapas et d'indiquer si une solution à ce conflit semble envisageable au Gouvernement à court ou moyen terme. Comment les tueries ont-elles commencé ? Est-il vrai que les forces paramilitaires terrorisent la population et l'empêchent d'exercer ses droits économiques, sociaux et culturels ? En cas de troubles, la présence d'unités militaires peut se justifier, mais était-il indispensable de procéder à un tel déploiement de forces armées ?

7. Le Gouvernement a-t-il mis en place des mesures pour lutter contre les disparités économiques flagrantes qui existent entre les différents États du pays et, à l'intérieur de ceux-ci, entre la population autochtone et le reste de la population ? Dans l'affirmative, l'action entreprise a-t-elle été couronnée de succès ?

8. Notant par ailleurs que de nombreuses banques privées mexicaines ont fait faillite alors que des sommes considérables ont été prélevées sur le budget de l'État pour être affectées à leur renflouement, M. Sadi se demande comment le Gouvernement explique ces cascades de faillites. Comment a-t-il été décidé d'affecter les ressources de l'État à tel secteur plutôt qu'à tel autre ?

9. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) reconnaît que certains États mexicains accusent un retard économique considérable et que des disparités flagrantes existent entre le nord et le sud du pays en matière de développement.

10. M. URBINA FUENTES (Mexique) dit que depuis le début des années 80 le Gouvernement s'efforce de répertorier les communes et les États les plus marginalisés sur le plan socioéconomique et de remédier à la situation. Alors qu'à l'origine neuf États étaient considérés comme économiquement marginalisés, ils ne sont plus que six aujourd'hui. Depuis 1995, le Gouvernement procède à la détermination, localité par localité, des groupes de population ayant besoin d'une aide particulière. Le secteur privé ainsi que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont été associés aux projets.

11. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) souligne que la situation dans l'État du Chiapas est exceptionnelle et que le conflit y est extrêmement localisé. Le Chiapas compte onze municipalités dont quatre seulement sont en conflit.

12. Mme AGUILERA (Mexique) dit que le Gouvernement mexicain n'a jamais remis en question les Accords de San Andrés, signés le 16 février 1996, mais qu'il s'est en revanche clairement opposé à l'interprétation qui en a été faite par l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). Ces accords prévoyaient que le Gouvernement fédéral procède à une réforme constitutionnelle portant sur les droits et la culture des autochtones, l'organisme chargé d'élaborer un projet de texte dans ce sens étant la Commission nationale de concorde et de pacification (COCOPA).

13. Le Gouvernement n'a pas rejeté le texte proposé par la Commission mais a formulé plusieurs observations. La Commission de concorde et de pacification a proposé d'établir des formes de gouvernements municipaux non prévus dans la Constitution qui permettraient aux habitants de certaines localités de définir les procédures d'élection de leurs représentants ainsi que le mode d'exercice du pouvoir local. Cette proposition, outre qu'elle reconnaît à certains habitants des droits refusés à d'autres et violerait l'article 115 de la Constitution, est contraire aux Accords de San Andrés qui ont consacré le principe selon lequel une municipalité ne peut réclamer son rattachement à aucune autre entité fédérative que celle dont elle fait partie. Accepter la proposition de la Commission de concorde et de pacification aboutirait à accepter un séparatisme à la yougoslave.

14. Par ailleurs, le texte de la Commission ne reconnaît qu'une seule modalité d'exploitation des ressources naturelles, l'exploitation collective, au détriment de l'intérêt national et public et des différents niveaux de gouvernement de l'État mexicain.

15. La Commission a également proposé la création d'une instance par laquelle les autochtones contrôleraient les moyens de communication, concession et permis d'exploitation compris, sans avoir à en rendre compte à aucune autorité, contrairement à ce qui est demandé aux autres Mexicains. Les Accords de San Andrés ont explicitement rejeté une telle éventualité.

16. Le Gouvernement ne demande qu'une chose : que le texte proposé par la Commission soit conforme aux Accords et qu'il soit tenu compte des observations qu'il a formulées. Malheureusement, l'EZLN n'a pas daigné les examiner. Le Gouvernement a néanmoins soumis au Parlement une proposition de réforme constitutionnelle sur les droits et la culture des autochtones et a demandé au Sénat, en septembre 1999, d'élaborer un mécanisme par lequel les commissions parlementaires formuleraient des propositions concernant les populations autochtones, propositions qui seraient dans le droit fil des Accords de San Andrés et s'inspireraient d'autres législations relatives aux droits et à la culture des autochtones. Le Gouvernement a également demandé au Sénat de faire en sorte que les commissions parlementaires puissent entendre d'autres points de vue, émanant de l'EZLN ainsi que des organisations et individus intéressés. Si tous ces éléments étaient pris en compte, le Sénat pourrait examiner durant la législature actuelle, le projet de réforme constitutionnelle concernant les populations autochtones.

17. Avant de présenter cette nouvelle proposition, le Gouvernement s'est réuni avec des ONG au Chiapas afin de trouver une solution au conflit. Or, il se trouve que le sous-commandant Marcos, de l'EZLN, ne veut pas négocier avec le Gouvernement actuel et préfère attendre de savoir quel gouvernement sortira des prochaines élections.

18. Pour ce qui est de la présence de l'armée dans l'État du Chiapas, Mme Aguilera rappelle que le conflit a commencé par une insurrection armée de l'Armée zapatiste qui souhaitait instaurer, par la violence, un nouveau régime dans cet État. Or, les communautés dissidentes du Chiapas ne constituent que 2 ou 3 % de la population. La stratégie du Gouvernement n'est pas militaire mais économique et sociale, même si l'armée est considérée, au Mexique comme ailleurs, comme un élément important du rétablissement de la paix et de l'ordre. La présence de l'armée au Chiapas est essentiellement dissuasive et il ne faut pas oublier que les quelque 1 500 membres armés de l'EZLN mettent en péril la population locale. La présence de l'armée permet en outre de lutter contre le trafic d'armes et de drogues ainsi que contre les expropriations et de protéger la réserve de biosphère la plus importante du pays.

19. La stratégie adoptée par le Gouvernement fédéral et le Gouvernement du Chiapas vise d'une part à trouver une solution au conflit avec l'EZLN, par le dialogue et la négociation, et d'autre part à combler le retard de l'État du Chiapas, notamment des communautés autochtones, dans les domaines de l'éducation, de la santé, de l'agriculture et de la protection de l'environnement. Il s'agit aussi de rétablir la primauté du droit, de favoriser la concertation politique au sein des communautés et entre les communautés - le problème étant dû aussi à des divergences religieuses, notamment entre les catholiques et les protestants - et d'apporter une aide aux personnes déplacées.

20. Le Gouvernement vient en aide aux personnes déplacées directement, ou par l'intermédiaire de la Croix-Rouge dans les zones où l'aide du Gouvernement n'est pas acceptée. Il convient à ce propos d'indiquer que l'EZLN a expulsé des zones qu'elle contrôle plusieurs représentants de la Croix-Rouge mexicaine et du CICR, laissant ainsi sans protection une dizaine de milliers de personnes. Le diocèse de San Cristobal a lui aussi à diverses occasions dissuadé les personnes déplacées de regagner leur foyer en prétendant que leur sécurité ne serait pas assurée. Malgré cela, près de 30 % des quelque 10 000 personnes qui étaient déplacées au début de 1998 ont pu regagner leur foyer grâce à l'action menée conjointement par le Gouvernement fédéral et le Gouvernement du Chiapas. Un nombre important de personnes déplacées ont fait part de leur intention de s'établir là où elles se trouvent actuellement. La politisation de la question des déplacés et les problèmes d'ordre religieux entravent le retour des réfugiés.

21. S'agissant des groupes paramilitaires, il convient d'indiquer que des groupes civils armés se sont formés pour s'opposer à l'EZLN tandis que d'autres groupes, sympathisants de l'EZLN, s'armaient à leur tour pour accroître leur influence. Face à cette situation, les pouvoirs publics ont pour politique d'appliquer à tous ces groupes la loi relative aux armes à feu et aux explosifs, ce qui s'est traduit par la saisie d'importantes quantités d'armes. Le rétablissement de l'état de droit au Chiapas ne pourra être effectif que si l'EZLN, qui est le principal groupe armé de la région et qui exerce une influence politique déterminante, collabore de manière résolue à cette entreprise.

22. Entre-temps, la présence de l'armée est indispensable pour faire régner la loi. En outre, la Procurature générale de la République a ouvert à San Cristobal de las Casas un bureau qui reçoit les plaintes concernant les agissements des groupes civils armés et les violations des droits de l'homme. Le Ministère de l'intérieur a pris contact avec des organisations de défense des droits de l'homme de la région et les a encouragées à dénoncer les agissements des groupes civils armés.

23. M. URBINA FUENTES (Mexique) dit que 14,6 milliards de pesos ont été affectés à la mise en oeuvre de programmes sociaux au Chiapas pour 1999, soit une augmentation de 38 % par rapport à 1995. Entre 1995 et 1999, quelque 850 kilomètres de routes fédérales ont été construites et dans un proche avenir Mexico ne sera plus qu'à huit heures et demie de route de la capitale du Chiapas.

24. En matière de santé, des progrès très importants ont été réalisés. Le nombre des dispensaires a augmenté de 16,9 %, celui des hôpitaux de 20,7 %, celui des médecins de 34,1 %, celui des infirmières de 28,9 % et celui des consultations médicales de 64,5 %. Il en est résulté une baisse de la mortalité en général et de la mortalité infantile en particulier ainsi qu'une baisse importante du nombre de cas de paludisme, d'onchocercose et de trachome. De plus, aucun cas de choléra, de rougeole ou de coqueluche n'a été enregistré. Quant aux personnes déplacées, leur état de santé, leur alimentation, leur approvisionnement en eau potable et leur hébergement ont été améliorés grâce à la collaboration entre les organes gouvernementaux et la Croix-Rouge.

25. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) précise que c'est au Chiapas que les dépenses sociales sont les plus élevées et qu'il tient à la disposition des membres du Comité une brochure intitulée "Chiapas vive" (le Chiapas vit) qui énumère tous les projets sociaux réalisés au Chiapas de 1995 à 1998.

26. M. ZOLLA LUQUE (Mexique) dit qu'au Mexique existent des terres privées, des terres domaniales et des terres communales. Au Chiapas, 56 % des terres sont communales. Le pourcentage atteint 85 % dans les régions de Los Altos, La Selva et La Sierra. Il convient de préciser à ce propos que contre toute attente, la modification de l'article 27 de la Constitution relatif à la propriété des terres n'a pas entraîné de baisse de ce pourcentage.

27. M. TIRADA ZAVALA (Mexique) dit que la Constitution garantit l'égalité entre les hommes et les femmes et le droit de toute personne à un travail digne et socialement utile. Quant à la loi fédérale du travail, elle interdit expressément toute discrimination en matière d'emploi, fondée sur le sexe, l'âge, la race, la religion, l'opinion politique ou la condition sociale.

28. En 1998, les femmes représentaient 33,54 % de la population économique active, contre 17,6 % en 1970. Un peu plus d'un million de travailleurs sur un total de 38 millions sont employés dans des entreprises de montage en zone franche (maquiladoras). Le Ministère du travail accorde une attention particulière à ce secteur. Depuis 1995, des inspections spéciales ont été menées dans 1 169 établissements de ce secteur situés dans 15 États. Des infractions à la législation du travail ont été relevées dans 62 établissements. Par exemple, des femmes enceintes effectuaient des heures supplémentaires ou faisaient un travail présentant un danger pour leur santé.

29. Les travailleurs estimant que leurs droits ont été violés peuvent saisir la Procurature fédérale de la défense du travailleur qui tente, dans un premier temps, de régler le problème à l'amiable. En cas d'échec, elle représente gratuitement le travailleur devant les tribunaux compétents. La Procurature est actuellement saisie de quelque 22 000 affaires. Dans plus de 85 % des cas, les travailleurs qu'elle a défendus ont obtenu gain de cause; 45 % des affaires dont est saisie la Procurature concernent des femmes. Le Ministère du travail mène des campagnes d'information et organise des séminaires sur les droits des femmes au travail à l'intention non seulement des femmes mais aussi des employeurs et des cadres. Le Mexique entreprendra prochainement, en collaboration avec l'OIT, la mise en oeuvre d'un programme intitulé "Des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes".

30. M. CASTRO ESTRADA (Mexique) indique, à propos des droits des travailleurs, que l'article 123 de la Constitution énumère les domaines et les secteurs qui relèvent de la compétence exclusive des autorités fédérales. C'est le cas notamment des questions relatives à l'hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu'à la formation. Les autorités locales sont évidemment tenues de collaborer avec les autorités fédérales dans les domaines susmentionnés.

31. Le cadre réglementaire concernant l'inspection du travail et les sanctions en cas d'infraction à la législation a été profondément remanié au cours des dernières années. En matière d'hygiène et de sécurité au travail, la coordination entre les instances fédérales et les instances locales a également été renforcée.

32. S'agissant de la modernisation de la législation du travail et de la flexibilisation du travail, en 1995 a été créé un groupe de discussion sur la nouvelle culture du travail, qui réunit des représentants des travailleurs, du Gouvernement et des employeurs et débat de toutes les questions susceptibles d'avoir une incidence sur la production des entreprises. Ce dialogue, très constructif, vise à créer entre les partenaires sociaux le consensus constituant le préalable indispensable à toute modification de la législation du travail par le Parlement. Enfin, un nouveau règlement concernant le fonctionnement de la Procurature de la défense du travailleur est actuellement élaboré; il vise à actualiser tous les mécanismes de conseil que la Procurature met gratuitement à la disposition des travailleurs.

33. Mme SALINAS (Mexique) dit que la Commission nationale de la femme coordonne toutes les mesures prises en faveur de l'égalité des sexes sur les plans gouvernemental, législatif et judiciaire. La défense des droits des femmes employées dans les zones franches industrielles est une de ses priorités; des réunions conjointes avec le Procureur fédéral à la défense du travailleur ont eu lieu à ce sujet. Par ailleurs, le Mexique étant un État fédéral, il existe, outre la législation fédérale, 32 législations d'État fédéré. Conformément à l'article 124 de la Constitution, les domaines qui ne sont pas expressément attribués à la Fédération relèvent des États. La révision de la législation des États est un processus long et complexe, qui a pourtant été entrepris en vue de mettre en concordance les lois des États fédérés avec les conventions internationales, et notamment le Pacte, la Convention des droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Ce travail de révision et d'harmonisation, qui bénéficie de la coopération de divers organismes, avance plus ou moins vite selon les États. La Commission nationale de la femme et les ONG ont activement contribué aux travaux sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes.

34. Mme PEREZ DUARTE (Mexique) dit que l'âge minimum du mariage est de 14 ans pour les filles et de 16 ans pour les garçons; cette disposition, que l'on retrouve dans beaucoup de codes de pays d'Amérique latine et qui visait à l'origine à avantager les filles, est un héritage du Code napoléonien. Les autorités mexicaines ont l'intention de relever l'âge minimum du mariage des garçons et des filles. Dans le domaine du paiement des pensions alimentaires, la loi en vigueur est satisfaisante et les autorités mènent surtout un travail d'information et de sensibilisation pour que la loi soit bien interprétée et appliquée. Pour ce qui concerne l'égalité des sexes, des cours de sensibilisation et de formation sont aussi dispensés aux magistrats et aux avocats pour qu'ils interprètent et appliquent correctement la loi. Selon le régime matrimonial légal, les deux conjoints sont égaux en ce qui concerne l'administration des biens, mais la tradition ayant tendance à peser plus que la loi, le Gouvernement poursuit ses efforts visant à faire évoluer les comportements et la pratique judiciaire.

35. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) indique que la dernière série de négociations entre l'État mexicain et le FMI remonte à 1990 et portait sur le rééchelonnement de la dette extérieure du pays. Lors de la crise financière de 1995, le Gouvernement mexicain a réussi à résoudre la question de l'endettement extérieur et ne subit pas actuellement de pression émanant du FMI. En 1995, après la dévaluation de 50 % du peso mexicain, le Gouvernement a dû intervenir car la majorité des crédits bancaires étaient devenus irrécouvrables faute de liquidité. Ce sauvetage des banques était indispensable pour éviter une faillite totale du système financier national, maintenir le pays à flot et limiter les effets de la crise financière sur les droits économiques, sociaux et culturels. L'État a pris aussi un certain nombre de mesures telles des aides à l'agriculture, une augmentation des réserves du pays et une diminution des prix à la consommation, visant à favoriser l'intégration dans les meilleures conditions possibles du Mexique au processus de mondialisation.

36. Le troisième rapport périodique a été communiqué aux ONG sitôt achevé et elles ont donc eu la possibilité d'exprimer leurs points de vue à son sujet. Il est à signaler enfin que la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme se trouve en ce moment même au Mexique et que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et le Gouvernement mexicain ont signé un mémorandum d'accord dans le domaine de l'assistance technique. Cette assistance avait été sollicitée par le Gouvernement mexicain.

37. M. URBINA FUENTES (Mexique) dit que, pour faire face aux catastrophes naturelles, notamment les tremblements de terre et les inondations, les autorités ont institué un programme spécial dont la mise en oeuvre a donné de bons résultats et a notamment permis d'éviter le déclenchement d'épidémies et des déplacements importants de population. Ce programme associe divers organismes, dont le plus actif est le Ministère de la santé. En outre, l'armée joue un grand rôle dans les opérations de secours. L'existence de ce dispositif d'intervention en cas de catastrophe naturelle et l'expérience acquise ont permis au Mexique d'aider les pays voisins lorsqu'ils ont subi les ravages du cyclone Mitch.

38. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) dit que la situation au Chiapas est suivie de près, que la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme actuellement au Mexique doit se rendre dans cette région et que la Commission nationale des droits de l'homme y a un bureau. En ce qui concerne la corruption, il existe aux divers niveaux de l'administration des organismes de contrôle des comptes. En particulier, tous les budgets sociaux sont vérifiés et les fonctionnaires corrompus sont poursuivis. Le Mexique est partie à la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans le cadre de transactions commerciales internationales et à la Convention interaméricaine contre la corruption.

39. M. TIRADA ZAVALA (Mexique) signale que l'inégalité des salaires entre les hommes et les femmes mise en évidence par l'OIT s'explique par le poids des traditions et que davantage d'hommes que de femmes exercent un emploi qualifié.

40. La PRÉSIDENTE, notant que beaucoup de temps a été consacré aux cinq premiers articles du Pacte, invite les membres du Comité à poser brièvement leurs éventuelles questions complémentaires sur les premiers articles du Pacte ainsi que toutes leurs questions sur les articles 6 à 15 du Pacte.

41. M. TEXIER n'est pas satisfait de la manière dont l'examen du rapport se déroule et pense que les réponses données par la délégation mexicaine sont beaucoup trop générales. Le Comité n'a pas besoin qu'on lui rappelle le contenu du rapport et des réponses écrites, ni qu'on lui cite les articles de la Constitution et d'innombrables lois et règlements. L'examen du rapport avancera plus vite si les questions posées et les réponses données par la délégation sont brèves et précises. Par exemple, la question suivante appelle une réponse simple : est-il exact que 56 entreprises de montage en zone franche obligent les employées à se soumettre à des tests de grossesse et les licencient si elles sont enceintes, et posent à ces femmes des questions sur leurs habitudes sexuelles ? Ces faits ont été dénoncés comme étant des pratiques contraires à la dignité humaine par une Commission d'experts de l'OIT.

42. M. SADI voudrait avoir des informations à jour sur la situation des nombreux Mexicains qui cherchent à franchir clandestinement la frontière des États-Unis d'Amérique, sur la manière dont ces personnes sont traitées à la frontière, et sur les conséquences sociales et familiales de cet exode.

43. M. GRISSA note que le Gouvernement fédéral s'est fixé comme objectif de garantir l'accès universel à l'éducation de base et des études primaires complètes à au moins 80 % des enfants d'âge scolaire et de réduire le taux d'analphabétisme des adultes à au moins 50 % du niveau de 1990 (par. 199 e) du rapport). Si cet objectif est atteint, il y aura encore 20 % des enfants qui ne suivront pas l'enseignement primaire et deviendront des adultes analphabètes. De même, alors que la législation du travail interdit le recrutement d'enfants de moins de 14 ans (par. 221 du rapport), selon les résultats de l'Enquête nationale sur l'emploi, 1 284 711 enfants et adolescents âgés de 12 à 17 ans travaillaient comme salariés en 1995 (par. 224). D'après des chiffres fournis par l'OIT, 18 % des enfants de 12 à 14 ans travaillent, et ne vont donc pas à l'école. Les informations recueillies par l'UNICEF confirment le rapport établi par l'OIT. Dans ses conclusions en date du 5 janvier 1994, le Comité avait déjà exprimé sa préoccupation à propos de la situation des enfants des rues. Qu'a fait le Gouvernement mexicain pour remédier à cette situation qui, loin de s'améliorer, s'aggrave en raison des difficultés économiques que connaît le pays ? Concrètement, qu'entend faire le Gouvernement pour faire face au problème du travail des enfants ?

44. M. ATANGANA voudrait avoir des éclaircissements sur le fait que les travailleurs occupant des postes de confiance ne peuvent adhérer à un syndicat, craignant que cette disposition n'ouvre la voie à des interdictions arbitraires du droit d'adhérer à un syndicat. Dans la plupart des législations, les restrictions à ce droit concernent certaines catégories précises de personnel tels les fonctionnaires ou les membres des forces armées.

45. M. AHMED voudrait avoir des informations sur trois situations qui révèlent des discriminations à l'égard d'une catégorie de personnes. Il est signalé que dans les montagnes du Chiapas et dans d'autres régions les communautés autochtones, avec l'assentiment, voire sur l'ordre de leurs notables, chassent les protestants établis là, et que dans bien des cas les assaillants ont mis le feu à la maison et aux cultures des individus auxquels ils s'en prenaient, les ont brutalisés et parfois tués. Dans une municipalité, les autorités locales auraient pris une part active aux évictions de protestants et les pouvoirs publics à l'échelon supérieur auraient laissé faire. Par ailleurs, la situation des Mexicains qui tentent de franchir clandestinement la frontière des États-Unis d'Amérique est dramatique et on peut se demander si l'État mexicain prend toutes les mesures nécessaires pour protéger ses citoyens. Enfin, il semble que dans la région du Chiapas la main-d'oeuvre guatémaltèque, souvent venue illégalement et employée dans les champs et plantations, connaisse de très mauvaises conditions de travail et de vie et que les femmes guatémaltèques soient victimes d'une exploitation sexuelle et économique.

46. M. MARCHAN ROMERO prend note avec satisfaction des efforts déployés pour abaisser le prix des produits de première nécessité, mais aimerait savoir quelles mesures prend le Gouvernement pour relever les salaires puisqu'à l'heure actuelle le coût du panier de biens essentiels équivaut à cinq fois le salaire minimum et que seulement 11,6 % de la population ont un pouvoir d'achat suffisant pour l'acquérir.

47. M. RIEDEL considère que la réserve émise par le Mexique à l'article 8 du Pacte est un anachronisme vu que le droit de grève est consacré par la Constitution et demande s'il est envisagé de la retirer.

48. Après l'examen du deuxième rapport périodique du Mexique, le Comité s'était déclaré, dans ses observations finales, préoccupé par l'extrême pauvreté et les expulsions forcées - nombreuses, tant dans les villes que dans les zones rurales -, mais force est de constater que dans les réponses écrites ne figure aucune information sur ces points. Il aimerait donc savoir comment la situation a évolué dans ces deux domaines depuis la présentation du rapport précédent.

49. S'agissant du droit à la santé, l'État partie a estimé à 150 000 le nombre de personnes infectées par le VIH, alors que selon des sources extérieures ce chiffre se situait à 270 000 en 1998. Quoi qu'il en soit, il aimerait connaître les mesures prises pour lutter contre la propagation du VIH.

50. Enfin, il se félicite de l'arsenal impressionnant de mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre la pollution urbaine, mais demande quels résultats concrets ces mesures ont permis d'obtenir depuis la rédaction du rapport.

51. M. TEXIER aimerait connaître le taux de chômage actuel et savoir si la tendance est à la hausse ou à la baisse. Il s'inquiète des conséquences que la récente politique de privatisation semble avoir sur l'emploi. Il croit savoir, par exemple, que la privatisation de la société de chemins de fer s'est traduite par une réduction de personnel de 75 % en huit ans et demande si des mesures sont prises pour contrecarrer les effets néfastes des privatisations. De même, des mesures sont-elles prises pour veiller à ce que les personnes qui travaillent dans le secteur informel bénéficient d'un minimum de sécurité sociale ?

52. Passant à l'article 7, M. Texier se félicite que la Constitution donne une définition du salaire minimum tout à fait conforme à celle du Pacte. Cependant, il est clair que des mesures doivent être prises pour combler l'écart entre le salaire minimum théorique de la Constitution et le salaire minimum réel. En effet, en 1998, alors que le panier de biens essentiels établi conformément à la Constitution valait 282,30 pesos, le salaire minimum était de seulement 30,20 pesos.

53. Sur la question de l'hygiène et de la sécurité au travail, il estime que la possibilité pour le Gouvernement de confier à des entreprises privées le contrôle de l'application des normes de réglementation du travail pose un vrai problème de fond. C'est à l'État que doit incomber la prévention. Les entreprises privées n'ayant pas forcément l'objectivité nécessaire, et n'ayant sans doute pas non plus les mêmes pouvoirs que l'Inspection du travail en matière de sanctions, il se demande si elles peuvent obtenir des résultats satisfaisants.

54. Relevant qu'en vertu de l'article 123 a) de la Constitution le travail des enfants est interdit jusqu'à l'âge de 14 ans, M. Texier demande si l'État partie envisage de porter cet âge à 16 ans, norme admise dans la plupart des pays, et de ratifier la Convention de l'OIT sur l'âge minimum.

55. Sur la question de la sécurité sociale, il note avec préoccupation que la nouvelle loi y relative tend à une certaine privatisation et à un abandon du système par répartition au profit d'un système par participation personnelle.

56. Enfin, passant à l'article 11, il reprend à son compte la constatation faite par l'UNICEF dans un rapport de 1996, selon laquelle la dénutrition et la malnutrition, qui affectent surtout les jeunes enfants, en particulier dans les zones rurales, feraient l'objet d'initiatives isolées mais pas d'une stratégie globale.

57. Le déficit important de construction et le nombre élevé de logements non conformes aux normes de sécurité et d'hygiène constituent un autre problème et il invite la délégation à indiquer les types de prêt accordés aux propriétaires ou locataires des classes moyennes et inférieures qui veulent améliorer leur habitat.

58. M. THAPALIA considère lui aussi la réserve concernant le droit de former des syndicats comme un anachronisme. De plus, il relève que, selon l'UNICEF, le pourcentage d'enfants des rues aurait presque doublé au cours des quatre dernières années. Il note avec satisfaction que de nombreux programmes sont mis en oeuvre en faveur des enfants des rues, mais aimerait savoir quelle part du budget est consacrée à la lutte contre ce phénomène et si une action de prévention est menée.

59. M. SADI s'associe aux inquiétudes formulées au sujet de la situation des enfants et s'interroge en particulier sur les incidences que peuvent avoir les mariages coutumiers. En effet, puisqu'il n'y a pas de jugement de divorce en cas de dissolution d'un mariage coutumier, il se demande comment les droits des enfants sont protégés.

60. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO demande comment l'État partie assure la coordination de la multitude de programmes exécutés au niveau local. Il lui semble que les programmes contre la pauvreté visent surtout les populations rurales et elle se demande donc comment est abordé le problème de la pauvreté dans les villes. Elle aimerait en outre que la délégation donne une vision générale des mesures de protection de la famille.

61. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) dit que le Ministère du travail n'a pas connaissance des 56 cas de discrimination dans des entreprises de montage en zone franche mentionnés par M. Texier et demande au Directeur général des affaires juridiques du Ministère du travail de répondre sur ce point.

62. M. TIRADA ZAVALA (Mexique) confirme que la liste mentionnée n'a pas été portée à la connaissance du Ministère, qui aimerait la consulter afin de déterminer si les Inspections du travail locales compétentes, mises en place par le Ministère du travail, ont été saisies de ces affaires, si une action a été engagée et si des sanctions ont été prononcées. Il signale par ailleurs, qu'outre la possibilité de déposer plainte auprès de l'Inspection du travail, il existe également la possibilité de saisir la justice, une assistance pouvant être obtenue de la Procurature de la défense du travailleur. S'il s'avère qu'il y a eu discrimination, et indépendamment des procédures individuelles de demandes de dommages et intérêts, les sanctions prévues par la loi sont appliquées.

63. M. ALVARO CASTRO ESTRADA (Mexique) réaffirme que le Gouvernement s'attache à informer les travailleurs, en particulier les femmes, sur leurs droits. Un programme national en faveur de la femme a été mis au point à cet effet. Des séminaires d'information sur les voies de recours offertes aux travailleurs ont été organisés, des lettres d'information, destinées tant aux employeurs qu'aux employés, ont été envoyées dans les entreprises de montage en zone franche et un certain nombre de campagnes radiophoniques et télévisées ont été lancées. Les feuilletons télévisés étant très populaires au Mexique, on a même créé un feuilleton informant les femmes sur leurs droits. Cependant, aucune sanction ne peut être imposée si une plainte n'a pas été préalablement déposée; or compte tenu de leur situation économique et sociale complexe, il est fréquent que les femmes renoncent à porter plainte de peur de perdre leur emploi.

64. M. GONZALEZ FELIX (Mexique), répondant à M. Ahmed, indique que de nombreuses religions sont représentées au Chiapas. Les affrontements récurrents qui s'y produisent sont le fait non des pouvoirs publics mais de groupes religieux intolérants, entre lesquels le Sous-Secrétariat aux questions religieuses tente d'assurer une médiation. S'agissant des Mexicains qui tentent de franchir clandestinement la frontière des États-Unis d'Amérique, les accidents sont plus nombreux depuis que les autorités américaines ont renforcé leurs contrôles aux frontières, contraignant les clandestins à emprunter des itinéraires plus dangereux. Le Gouvernement mexicain mène régulièrement des négociations avec les autorités américaines pour limiter les risques et a en outre créé, dès 1990, le Groupe Bêta. Constitué de 40 à 50 personnes, ce groupe spécial n'a pas pour mission de repousser les migrants clandestins mais de les protéger des activités criminelles et de réprimer ces activités dans la zone frontalière. Un programme a par ailleurs été mis en place pour protéger les migrants originaires d'autres pays essayant de pénétrer au Mexique. Aucun ressortissant guatémaltèque n'a déposé de plainte au Chiapas pour mauvais traitements. Le Mexique est en fait tolérant envers les travailleurs migrants du Guatemala, puisqu'il en accueille plus de 50 000 par an. Le Mexique est du reste Partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.


La séance est levée à 18 heures.



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