Distr.

GENERALE

CAT/C/SR.196
16 novembre 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la premiere partie (publique) de la 196ème seance : Monaco. 16/11/94.
CAT/C/SR.196. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CAT

COMITE CONTRE LA TORTURE

Treizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIERE PARTIE (PUBLIQUE)*
DE LA 196ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le jeudi 10 novembre 1994, à 15 heures.

Président : M. DIPENDA MOUELLE

SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties en application de l'article 19 de la Convention
(suite)

Rapport initial de Monaco (suite)



* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.192/Add.1, le compte rendu de la troisième partie (publique), sous la cote CAT/C/SR.192/Add.2, le compte rendu analytique de la quatrième partie (privée), sous la cote CAT/C/SR.192/Add.3 et le compte rendu de la cinquième partie (publique), sous la cote CAT/C/SR.192/Add.4.


La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Examen du rapport initial de Monaco (suite) (CAT/C/21/Add.1)

1. Sur l'invitation du Président, M. Serdet (Monaco) prend place à la table du Comité.

2. Le PRESIDENT invite le représentant de la Principauté de Monaco à répondre aux questions que lui ont posées les membres du Comité à la séance précédente.

3. M. SERDET (Monaco), répondant à une question sur l'application de la Convention contre la torture, déclare que la Principauté de Monaco respecte le principe de la primauté du droit international sur le droit interne et que les traités qu'elle a conclus font partie intégrante du droit interne. C'est en vertu de ce principe que la Principauté assure l'application de l'article 3 de la Convention. C'est en vertu de ce même principe qu'elle tient pour sienne la définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention, la torture n'étant pas spécifiquement définie dans la loi monégasque.

4. Sur le fait de savoir quelle serait la situation dans le cas où une loi pénale serait contraire à la Convention, M. Serdet explique que cette loi serait sans doute invalidée par le Tribunal suprême, qui vérifie la constitutionnalité des lois et des ordonnances et veille au respect des principes contenus dans la Constitution. Répondant à une autre question, M. Serdet précise que, par ailleurs, la loi pénale monégasque est très sévère vis-à-vis des auteurs d'actes cruels et d'actes de torture; ceux-ci sont passibles de la réclusion criminelle à perpétuité, qui est la sanction la plus grave de l'arsenal répressif. Les auteurs de blessures volontaires sont passibles de peines allant de trois ans à vingt ans d'emprisonnement. Si les méfaits sont commis par un agent de l'autorité, les peines sont automatiquement haussées d'un cran.

5. S'agissant de la réparation des victimes, deux situations sont à distinguer : si la contravention aux principes de la Convention résulte d'une loi ou d'une ordonnance, celle-ci est portée devant le Tribunal suprême qui a le pouvoir de l'annuler et d'assurer l'indemnisation de la partie lésée; si la contravention aux principes énoncés dans la Convention émane d'un agent de l'autorité, le litige est porté devant le tribunal de première instance, qui connaît des litiges nés d'un mauvais fonctionnement du service public et peut accorder à la victime une réparation sous forme de dommages-intérêts. En sa qualité d'employeur, l'Etat est civilement responsable et, à ce titre, tenu d'indemniser la partie lésée, la responsabilité pénale de l'agent de l'autorité restant entière.

6. M. Serdet dit qu'à sa connaissance Monaco ne contribue pas au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture. Il prend note du rôle de ce fonds. S'agissant de l'organisation judiciaire monégasque, il indique qu'elle est calquée sur le système français et comprend tous les ordres de juridictions (civil, pénal, prud'homal, etc.) et les différents degrés de jugement. La juridiction qui connaît des crimes est le tribunal criminel. La cour de révision a le même rôle que la cour de cassation française, c'est-à-dire qu'elle examine la conformité des décisions de justice aux règles de droit. La justice est déléguée, et non retenue; rendue au nom du prince, elle est exercée pleinement par les magistrats, lesquels sont nommés par le prince. Les magistrats sont au nombre de 18, dont cinq sont de nationalité monégasque, les autres étant de nationalité française, détachés sur la base de contrats renouvelables. Les juges du siège sont inamovibles. En Principauté, il n'y a pas de ministre de la justice. La procédure pénale monégasque est contradictoire; la personne à qui il est reproché un fait a le droit d'avoir un avocat de son choix. Les débats sont oraux et publics. Dans le domaine des poursuites, il y a une nette séparation entre le parquet général, organe accusateur, et les juridictions d'instruction, qui instruisent à charge et à décharge.

7. Pour les besoins de l'enquête, le juge d'instruction peut placer une personne en détention préventive pendant une période de deux mois renouvelable; le renouvellement se fait par ordonnance et doit à chaque fois être justifié. La personne placée en détention préventive peut à tout moment demander à être mise en liberté; cette demande est examinée par trois magistrats de la cour d'appel dans les dix jours. Monaco possède une maison d'arrêt, refaite il y a une dizaine d'années, qui accueille en général de 20 à 25 personnes; celles-ci sont soit des personnes placées en détention préventive, soit des personnes purgeant de très courtes peines d'emprisonnement, soit des personnes condamnées définitivement de nationalité monégasque. Sur la base d'un accord avec la France, les personnes non monégasques sous le coup d'une condamnation définitive sont adressées à l'administration pénitentiaire française. Toutes les personnes détenues à Monaco sont autorisées à rencontrer leur avocat et leur famille et, le cas échéant, les membres des représentations consulaires et diplomatiques de leur pays. Les peines prévues par le système monégasque sont l'amende et l'emprisonnement, assorties éventuellement d'un sursis simple ou d'un sursis avec mise à l'épreuve.

8. L'effectif de la police, appelée la Sûreté publique, est important par rapport au nombre d'habitants : il y a en effet 450 policiers à Monaco pour une population d'environ 25 000 habitants. Cet effectif ainsi que les moyens matériels mis à la disposition de la police répondent à la volonté d'assurer la sécurité sur le territoire de la Principauté. Les membres de la police sont de nationalité monégasque ou française. Le directeur de la police, un commissaire de police au moins et le commandant des unités en uniforme sont français, détachés par l'Etat français. Une fois recrutés, les policiers sont des fonctionnaires monégasques. Les policiers reçoivent une formation poussée d'une durée de huit mois. Cette formation est assurée par les cadres de la Sûreté publique mais aussi par des magistrats. Des magistrats faisant également partie des jurys de recrutement de policiers, la magistrature exerce donc un contrôle réel sur les activités de la police.

9. Répondant à une question sur la garde à vue, M. Serdet précise que celle-ci ne peut être ordonnée que par un officier de police judiciaire. Une fois la décision prise, l'officier de police doit en aviser le magistrat du parquet qui est de permanence et déférer devant lui la personne arrêtée dans les 24 heures. Le magistrat du parquet peut soit décider de maintenir la personne en garde à vue et confier l'affaire à un juge d'instruction, soit remettre la personne en liberté en se réservant de poursuivre, soit encore, s'il existe un élément probant de la culpabilité de la personne arrêtée, user de la procédure de flagrant délit selon laquelle la personne doit être jugée dans un délai de trois jours francs. En cas de crime, l'affaire doit obligatoirement être confiée à un juge d'instruction. Pendant le délai de 24 heures de la garde à vue, la présence d'un avocat n'est pas prévue. Un examen médical est possible à tout moment à la demande de la personne arrêtée, du policier ou d'un membre du parquet.

10. M. El IBRASHI rappelle que Monaco a formulé une réserve sur le paragraphe 1 de l'article 30 de la Convention et demande quel est l'objet de cette réserve.

11. M. SERDET (Monaco) dit qu'il n'est pas en mesure de répondre à cette question.

12. Mme ILIOPOULOS-STRANGAS demande si la Constitution contient une disposition expresse sur la relation entre le droit interne et le droit international.

13. M. SERDET (Monaco) dit que la Constitution ne contient aucune disposition dans ce sens, mais que le principe de la primauté du droit international sur le droit interne est appliqué de facto.

14. M. SORENSEN voudrait savoir si le juge qui prend la décision de renouveler la détention préventive est le même que celui qui rend le jugement.

15. M. SERDET (Monaco) précise que le juge d'instruction ne participe jamais à la formation de jugements.

16. M. BEN AMMAR demande quelle est la durée des contrats d'engagement des magistrats de nationalité française.

17. M. SERDET (Monaco) dit que ces contrats sont de cinq ans et sont renouvelables. Une fois détachés, les magistrats de nationalité française sont inamovibles et ni Monaco ni la France ne peuvent exiger contre leur volonté qu'ils quittent la Principauté.

18. Mme ILIOPOULOS-STRANGAS voudrait connaître le nombre des juges et savoir combien de fois la décision de mise en détention préventive peut être renouvelée.

19. M. SERDET (Monaco) dit que les juridictions qui connaissent des délits comptent trois magistrats tandis que le tribunal criminel se compose de trois magistrats professionnels et de trois jurés tirés au sort parmi les citoyens monégasques. Théoriquement, il n'y a pas de limite au renouvellement de la détention préventive mais, dans la pratique, on cherche à abréger au maximum sa durée.

20. M. EL IBRASHI demande si un policier de nationalité française se rendant coupable d'un abus sera présenté à un juge monégasque.

21. M. SERDET (Monaco) répond que tel sera le cas et que tous les fonctionnaires de police de la Principauté de Monaco, même ceux qui sont de nationalité française, ont à répondre de leurs actes devant la justice monégasque.

22. Le PRESIDENT remercie M. Serdet de ses réponses et l'informe que le Comité rendra ses conclusions après en avoir délibéré en séance privée.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 15 h 45.
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