Distr.

GENERALE

E/C.12/2000/SR.72
5 décembre 2000


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 72ème séance : Morocco. 05/12/2000.
E/C.12/2000/SR.72. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 72ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le jeudi 23 novembre 2000, à 10 heures

Présidente : Mme BONOAN DANDAN

SOMMAIRE


EXAMEN DES RAPPORTS :

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique du Maroc (suite)


La séance est ouverte à 10 h 5.


EXAMEN DES RAPPORTS :

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Maroc [(E/1990/6/Add.20); document de base (HRI/CORE/1/Add.23); profil de pays (E/C.12/CA/MOR/1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/MOR/1); réponse écrite du Gouvernement marocain (HR/CESCR/NONE/12)] (suite)

Articles 9 à 11 du Pacte (suite)

1. La PRÉSIDENTE invite la délégation marocaine à répondre aux questions laissées en suspens à la séance précédente.

2. M. DADSI (Maroc) souligne que toute société est constituée de diverses composantes culturelles qui forment un tout et reposent sur des fondements sacrés. Au Maroc, ces fondements sont la monarchie, la religion, l'unité et l'intégrité territoriale ainsi que la civilisation arabo-musulmane et amazigh. La langue amazigh est un élément du patrimoine culturel qu'il s'agit de préserver dans le cadre de l'unité nationale. La composante amazigh n'est en aucun cas une minorité au sens ethnologique du terme.

3. Il n'y a aucune restriction à l'utilisation de l'amazigh dans la vie publique. Cette langue est très répandue dans le milieu artistique, mais est aussi utilisée dans les autres secteurs de la vie sociale. Une personne qui ne parle pas arabe peut s'exprimer en amazigh devant un tribunal et bénéficier des services d'un interprète. En 1998, il y avait 11 journaux en langue amazigh.

4. Depuis 1994, la volonté politique existe d'introduire l'enseignement de l'amazigh dans le système scolaire. Cette volonté s'est concrétisée récemment par l'adoption de la Charte nationale d'éducation et de formation, laquelle permet par exemple aux autorités pédagogiques régionales d'autoriser l'utilisation de la langue amazigh ou de tout dialecte local dans les classes préélémentaires. Les autorités scolaires nationales mettent petit à petit à la disposition des régions l'appui nécessaire en personnel enseignant et support didactique. À la rentrée 2000/2001, certaines universités seront dotées de structures de recherche et de développement linguistique et culturel en langue amazigh. La radio et la télévision diffusent des émissions en amazigh et dans d'autres dialectes. Tout cela montre bien le désir des autorités de donner toute sa place à la langue amazigh dans le cadre de l'unité et de l'identité culturelle de la nation.

5. M. BELMAHI (Maroc), répondant aux questions sur le logement, dit que, selon les données actualisées du recensement général de la population et de l'habitat, 750 000 unités d'habitation sont nécessaires pour remplacer les logements précaires (bidonvilles, maisons vétustes, etc.). Les besoins en logement pour faire face à la croissance démographique et au renouvellement du parc immobilier sont évalués à 130 000 unités par an. De 1991 à 1998, la politique du logement comprenait deux grands volets : la lutte contre l'habitat insalubre (bidonvilles et quartiers dépourvus des infrastructures de base) et la mise en œuvre du programme national de construction de nouveaux logements, qui vise surtout à promouvoir le logement social. Parallèlement à cette politique de construction, les pouvoirs publics ont pris plusieurs mesures d'accompagnement (exonérations fiscales, prêts à un taux de 6 % au lieu des 8 à 14 % pratiqués en général par les banques, etc.). Aux crédits que l'État consacre au logement, il faut ajouter les crédits attribués par le fonds Hassan II de développement.

6. Les efforts déployés en matière de logement se heurtent à diverses contraintes, par exemple la diversité des procédures et des intervenants, le manque de ressources, le vieillissement du patrimoine foncier de l'État et des collectivités locales ou encore l'inadaptation de la fiscalité en matière foncière.

7. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) explique que le Maroc a fait un effort particulier pour se doter de statistiques, conscient du fait que c'est sur la base de données précises qu'un État peut évaluer au mieux la situation économique et sociale et l'améliorer. Il met à la disposition du Comité quatre ouvrages : l'un porte sur les statistiques scolaires pour l'année 1999-2000; le deuxième est intitulé "Santé en chiffres" (1999); le troisième est un recueil de textes législatifs et réglementaires sur le régime de la sécurité sociale; et le quatrième porte sur le régime de sécurité sociale du secteur privé.

8. M. DADSI (Maroc), en réponse aux questions sur la pauvreté, dit que 5 300 000 personnes au Maroc vivent sous le seuil de pauvreté. Le Gouvernement a fait de la lutte contre ce fléau une de ses priorités. Les pauvres vivent surtout dans les zones rurales où les infrastructures économiques et sociales sont rares; il s'agit de ménages avec beaucoup d'enfants et d'une faible proportion d'adultes qui travaillent; ils n'ont que peu accès aux réseaux d'assainissement, à l'instruction et aux soins sanitaires.

9. Dans l'indicateur de développement humain du PNUD, le Maroc occupe le 125ème rang. Cela vient du fait que cet indicateur tient compte du taux d'alphabétisation des pays. Le Gouvernement marocain accorde une grande place à la lutte contre l'analphabétisme, qui est une des causes de la pauvreté. Aujourd'hui, le taux d'analphabétisme est de 47 %, contre 54 % en 1998; on espère qu'il tombera à 35 % en 2003 et à 24 % en 2010, au moment où la zone de libre-échange entre le Maroc et l'Union européenne verra le jour.

10. Parmi les actions visant à faire reculer la pauvreté, il faut tout d'abord citer le programme appliqué en partenariat avec le PNUD à Marrakech, Tanger et Casablanca afin de faciliter l'accès des pauvres aux services sociaux de base et leur donner de meilleures chances de participer à des activités génératrices de revenu, pour qu'ils puissent s'intégrer dans la vie active. Ce programme a donné d'excellents résultats, comme l'ont reconnu l'ensemble des organismes des Nations Unies. Le Gouvernement marocain espère que le PNUD renouvellera ce partenariat et l'étendra à d'autres régions du pays.

11. Il convient aussi de mentionner le programme des priorités sociales I appliqué dans les 14 provinces les plus défavorisées afin d'assurer l'intégration sociale des personnes défavorisées par l'emploi et un meilleur accès aux services sociaux de base. En outre, diverses institutions, telles que l'Agence du développement social, aident les populations démunies, sur le modèle des fonds sociaux de développement qui ont donné d'excellents résultats dans divers pays, notamment en Égypte, et dont le programme pilote commencera en janvier 2001; la Fondation Mohammed V, qui est une association de solidarité et d'aide aux plus démunis; ou encore l'Entraide nationale qui est une des institutions les plus anciennes.

12. M. BENJELLOUM-TOUIMI explique que, pour encourager le respect des droits de l'homme, le Ministère des droits de l'homme a réalisé, avec le concours de la Commission européenne, une publication sur les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dont le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Cette publication a été envoyée à tous les magistrats et diffusée dans tout le pays.

13. Mme AYOUBI IDRISSI (Maroc) donne tout d'abord un complément d'information sur la question de l'adoption, dont elle a parlé à la précédente séance. Outre la kafalah (placement dans une famille), il existe une autre procédure du droit musulman qui est l'institution d'héritier, par laquelle une famille peut recueillir un enfant et l'instituer en tant qu'héritier avec une part ne dépassant pas le tiers de la succession sauf autorisation des héritiers. Cette procédure est prévue par le code du statut personnel.

14. À propos de la protection dont bénéficient les salariées enceintes ou en couches, Mme Ayoubi Idrissi indique qu'en vertu d'un dahir du 2 juillet 1947 et d'une modification législative de 1992, elles ont droit à un congé de 12 semaines consécutives avant et après l'accouchement, et à une indemnité de salaire pouvant aller jusqu'à 100 %. En cas de maladie liée aux suites de l'accouchement, le congé peut être étendu jusqu'à 15 semaines. Le licenciement abusif de femmes enceintes ou en couches est réprimé par l'article 59 du dahir du 2 juillet 1947. Les salariées qui courent le risque d'être licenciées abusivement et n'ont pas les moyens financiers de payer les frais de justice bénéficient d'une aide judiciaire. Après la naissance, les femmes qui allaitent ont droit à une heure de liberté par jour, et les patrons des grandes entreprises sont tenus de mettre à leur disposition des locaux propres et adéquatement aménagés.

15. À la Conférence internationale du Travail de l'OIT (juin 2000), le Maroc, Gouvernement et travailleurs, a voté en faveur de la révision de la Convention No 103 de l'OIT et de la recommandation No 191 sur la protection de la maternité.

16. Quant à la filiation, elle est régie par le code du statut personnel. Les preuves en sont la présomption de mariage, la reconnaissance volontaire par le père et la commune renommée. Pour écarter une filiation, une décision judiciaire est nécessaire. Le juge doit étayer sa décision par tous les moyens de preuve légalement reconnus. Un vaste débat s'est instauré au Maroc sur la manière d'interpréter le terme "légalement" dans ce cas, afin de savoir si, au-delà des preuves prévues par la charia, il incluait les moyens admis par le droit moderne. À la suite de travaux d'éminents juristes et à la lumière des progrès réalisés dans les tests sanguins, l'Observatoire national des droits de l'enfant a formulé une proposition qui sera examinée par les autorités compétentes tendant à admettre la possibilité de recourir aux tests génétiques comme moyens de preuve ou de réfutation de la filiation.

17. En ce qui concerne la violence à l'égard des femmes, le Code pénal marocain punit toutes les formes de violences. Un travail important cependant reste encore à faire pour transformer les mentalités sur la question de la violence, sensibiliser l'opinion publique à l'existence de la violence à l'égard des femmes et lever les tabous, par exemple pour que les femmes n'aient plus honte d'avouer qu'elles sont victimes de ce fléau. À l'initiative des organisations non gouvernementales, un centre d'assistance juridique et psychologique aux femmes victimes de violence a été créé. Alors que la société civile a été pionnière dans le domaine de la défense des droits des femmes, les autorités gouvernementales prennent maintenant le relais. Entre autres, le Ministère des droits de l'homme se propose de créer un réseau de centres d'assistance juridique et psychologique aux femmes en situation difficile. Le premier centre ouvrira à Rabat, puis 16 autres suivront. Il s'agit d'aider les femmes dans toutes les situations difficiles qu'elles peuvent rencontrer (percevoir une pension alimentaire par exemple) au-delà des problèmes particuliers de violence. Les départements ministériels concernés sont invités à conclure des conventions de partenariat. Cette idée s'est déjà concrétisée par la signature d'une convention de partenariat entre le Ministère des droits de l'homme et l'Association du Barreau du Royaume, qui assurera aux femmes qui en ont besoin l'aide d'un avocat.

18. M. WIMER ZAMBRANO demande quelles mesures prend le Gouvernement pour venir en aide aux personnes expulsées de logements illégalement occupés ou construits sur des terrains affectés à d'autres usages.

19. M. SADI voudrait savoir ce qui est fait en faveur des personnes expulsées d'immeubles voués à la démolition parce qu'ils menacent de s'écrouler. Par ailleurs, dans quelle mesure le secteur privé contribue-t-il à la résolution des problèmes de logement ? En ce qui concerne l'habitat dans les zones rurales, quelle action mènent les autorités, notamment en vue du raccordement des logements au réseau de distribution d'eau ? Comme la privatisation et la mondialisation ont souvent tendance à exacerber la pauvreté, quels efforts le Gouvernement a-t-il accomplis pour venir en aide aux pauvres ? Enfin, les crimes d'honneur sont-ils répandus au Maroc et, dans l'affirmative, quelles mesures les autorités prennent-elles à leur égard ?

20. M. RIEDEL relève que des données précises ne sont pas disponibles sur les sans-abri et les personnes expulsées. Il aimerait cependant savoir ce que le Gouvernement marocain a l'intention de faire dans ce domaine d'ici à la présentation du rapport périodique suivant. Il fait observer que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et d'autres organisations pourraient fournir au Maroc une assistance dans ce domaine. Il demande également quelles mesures concrètes ont été prises pour lutter contre la pauvreté extrême et, en particulier, aider les familles qui vivent dans des bidonvilles. Le Gouvernement met-il en œuvre des programmes de relogement de celles-ci ? Il serait utile, à cet égard, que la délégation marocaine se reporte à l'Observation générale No 7 (1997) du Comité sur le droit à un logement suffisant. Sans doute n'est-elle pas en mesure de répondre immédiatement à ces questions mais il serait souhaitable que l'État partie le fasse lors de l'établissement du rapport périodique suivant.

21. M. TEXIER s'étonne que, pour la délégation marocaine, la situation de la culture amazigh ne pose pas de problème, dans la mesure où les associations qui la défendent ont exprimé des revendications très fermes. Ainsi, une circulaire prévoit que seuls des prénoms arabes peuvent être donnés aux enfants. En outre, le Maroc n'a pas ratifié la Convention de l'OIT No 169 relative aux peuples indigènes et tribaux. Il semble donc y avoir une incompréhension mutuelle entre les autorités marocaines et les associations de défense de la culture amazigh.

22. M. RATTRAY se préoccupe du statut des enfants nés hors mariage, qui sont victimes de préjugés profondément enracinés au Maroc. Quelles mesures le Gouvernement prend-il pour atténuer les effets dommageables de cette situation pour ces enfants qui sont victimes d'une discrimination fondée sur la naissance, ce qui est contraire à l'article 2 du Pacte ?

23. M. PILLAY fait observer que le Comité n'a pas reçu les informations promises la veille au sujet des sans-abri et des personnes victimes d'expulsions forcées. En particulier, il est préoccupé par le sort des enfants qui vivent dans la rue et qui devraient être recueillis. L'aide qui leur est offerte provient-elle uniquement d'œuvres de bienfaisance ou le Gouvernement agit-il lui aussi dans ce domaine ? Par ailleurs, dans son Observation générale No 7 déjà citée, le Comité indique clairement que dans leurs rapports périodiques, les gouvernements doivent donner des informations sur les expulsions forcées. Par exemple, l'État partie devrait indiquer si, en pareil cas, les personnes privées de logement disposent d'un droit de recours et sont indemnisées.

24. M. GRISSA voudrait savoir si des progrès concrets sont réalisés dans le domaine du logement. En effet, si les efforts accomplis ne sont pas proportionnés aux besoins, la pénurie ne peut que s'aggraver. Il rappelle aussi que les Berbères ont joué un rôle historique très important et peuvent légitimement être fiers de leurs racines. Dans ces conditions, pourquoi sont-ils moins bien traités que les autres et ne peuvent-ils pas, par exemple, porter un nom traditionnel dans leur culture ?

25. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO s'inquiète de la situation des mères célibataires et de leurs enfants. Comment vivent-elles et qu'advient-il de leurs enfants ? Par ailleurs, elle se félicite de l'essor des activités de fabrication d'objets en cuir et, plus généralement, de l'artisanat traditionnel et voudrait savoir si le Gouvernement les appuie.

26. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) dit que l'application de la circulaire interdisant de donner aux enfants des noms autres qu'arabes a été suspendue et qu'il est envisagé d'abroger ce texte. Le Maroc est fier de sa diversité mais il est difficile de déterminer la place qu'il convient de lui accorder. Le Gouvernement respecte la culture berbère, car il sait qu'elle est indissociable de l'histoire du Maroc. Les difficultés actuelles remontent peut-être à l'époque du Protectorat, pendant laquelle les autorités ont essayé de créer un clivage entre Arabes et Berbères. Le Gouvernement marocain dialogue avec les associations représentatives des Berbères et répondra à leurs revendications en respectant un juste milieu.

27. M. BELMAHI (Maroc) indique que les expulsions, qui n'ont rien de systématique, résultent d'occupations illégales. Les pouvoirs publics s'efforcent de résoudre ce problème social en faisant respecter la loi et en protégeant tant les droits des propriétaires que la dignité des occupants. D'une manière générale, la pénurie de logement est due à la croissance démographique et à l'exode rural. Il faudrait construire de 130 000 à 180 000 logements nouveaux par an, mais c'est un objectif difficile à atteindre. Dans les campagnes, l'action menée a été timide et devra être renforcée. En ce qui concerne les effets de la privatisation sur la pauvreté, M. Belmahi signale que le Fonds Hassan II pour le développement, constitué par les recettes des privatisations, s'emploie à promouvoir des investissements et à encourager des actions sociales.

28. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) dit que le problème du logement est ancien. Les autorités marocaines n'en ont pris conscience que récemment. La délégation leur demandera de donner d'autres informations à ce sujet dans le rapport suivant.

29. Mme AYOUBI IDRISSI (Maroc) relève que, selon le droit musulman, un enfant né hors mariage ne peut hériter de son père. Conformément à la tradition arabo-musulmane, le mariage est le fondement de la famille. En ce qui concerne le droit d'un enfant à un nom et à une nationalité, un texte datant de 1915, prévoit que tout enfant doit être inscrit dans les registres de l'état civil et interdit de mentionner, le cas échéant, qu'il est né de père inconnu. En outre, l'enfant peut prendre le nom de sa mère si les deux parents de celle-ci sont d'accord.

30. M. PILLAY rappelle que le Comité a indiqué clairement qu'un État qui a ratifié le Pacte sans émettre de réserves doit mettre en œuvre toutes les dispositions, sans invoquer des circonstances particulières, telles que l'existence de coutumes, pour tenter de justifier la non-application de certaines d'entre elles. En conséquence, un État partie qui pratique une discrimination quelconque, quel qu'en soit le motif, ne respecte pas le Pacte. Le Maroc est donc tenu de modifier sa législation à cet égard.

31. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) répond que les autorités marocaines mettent tout en œuvre pour aligner la législation sur le Pacte. Néanmoins, à l'heure actuelle, il n'y a pas au Parlement la majorité nécessaire pour voter une loi modifiant le statut des enfants nés hors mariage. Les autorités marocaines mènent une action de sensibilisation à ce problème, avec le soutien de la famille royale et de nombreuses associations.

32. M. GRISSA fait remarquer que le Maroc a ratifié le Pacte en connaissance de cause et qu'aucune échappatoire ne peut être acceptée.

33. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) répond que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme encourage les États à ratifier les instruments relatifs aux droits de l'homme sans formuler de réserves. Par ailleurs, avant de ratifier le Pacte, le Maroc ne disposait pas des services de juristes nécessaires pour un examen approfondi de cet instrument. Cela dit, les autorités marocaines reconnaissent qu'elles doivent s'y conformer.

Articles 12 à 15 du Pacte

34. M. RIEDLE constate que les maladies diarrhéiques chez les enfants âgés de moins de cinq ans sont dues à un certain nombre de facteurs, dont l'accès restreint à une eau salubre, le manque d'hygiène, la malnutrition et le sevrage avant l'âge de trois mois. Il existe des disparités entre zones urbaines et zones rurales en matière d'accès aux soins de santé primaires : si, en 1995, la quasi-totalité des citadins y avaient accès, seuls 77 % des ruraux pouvaient en bénéficier. En outre, le taux de couverture vaccinale s'élevait en 1999 à 90 %. Les 10 % restants constituent donc un risque majeur pour la santé publique. Par ailleurs, il n'existe pas de programme de santé mentale pour les réfugiés. Le Maroc envisage-t-il de prendre des mesures pour améliorer cette situation sanitaire alarmante ? Ne pense-t-il pas notamment à mettre en place des programmes d'éducation à la santé, qui ont l'avantage d'être efficaces sans être trop onéreux ? A-t-il sollicité l'assistance et la coopération internationales ? M. Riedle attire en outre l'attention de la délégation marocaine sur l'importance de l'Observation générale No 14 sur le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint (2000) qui, en énumérant les obligations fondamentales qui incombent aux États dans le domaine de la santé, serait d'un grand secours à l'État partie pour l'élaboration des rapports périodiques. Enfin, le Maroc envisage-t-il de mettre en place une stratégie et un plan d'action sanitaires au niveau national, qui couvriraient l'éventail complet des soins de santé et garantiraient l'accès aux médicaments essentiels par l'établissement d'une liste de ces médicaments ?

35. M. MARCHAN ROMERO souligne que si la population se compose à 99,1 % de personnes de même origine, cela n'exclut pas l'existence de minorités ethniques dans le pays. De quels droits énumérés dans le Pacte ces minorités jouissent-elles ? Quelle est la position du Maroc sur la Convention 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux ? Enfin, à propos de la dénonciation par trois ONG de la confiscation par le Gouvernement de leurs publications portant sur des sujets sensibles, tels que le Sahara occidental et les violations des droits de l'homme, M. Marchan Romero demande si le Maroc prévoit de prendre des mesures en vue de mettre fin aux entraves à la liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices qu'aux termes de l'alinéa c) du paragraphe 1 de l'article 15 les États parties s'engagent à assurer.

36. M. CEVILLE note que d'après le rapport à l'étude, la politique des pouvoirs publics en matière d'enseignement supérieur, qui vise à rendre ce niveau d'enseignement accessible à tous en fonction des capacités de chacun, est en conformité avec les dispositions du Pacte. Toutefois, le rapport mentionne l'existence d'établissements à accès libre et d'établissements à numerus clausus. La délégation pourrait-elle fournir davantage d'informations à ce sujet. En effet, le principe du numerus clausus pourrait constituer une entrave à la liberté d'accès à l'enseignement supérieur.

37. M. Ceville souligne, en outre, que le Maroc n'a pas répondu à la question No 34 de la liste des points à traiter. D'une part, il est fait état dans le rapport d'un accroissement du nombre de diplômés, et d'autre part les réponses écrites mentionnent la mise en place de formations spécialisées visant à répondre aux besoins du marché de l'emploi. Or, ni l'une ni l'autre de ces sources ne donnent d'indications ou de statistiques sur les débouchés qui s'offrent à ces jeunes diplômés. Selon certaines ONG, le taux de chômage serait de l'ordre de 13 %. La délégation peut-elle donner de plus amples renseignements et décrire la politique menée par le Gouvernement pour assurer l'insertion des jeunes diplômés dans le monde du travail ?

38. M. WIMER ZAMBRANO demande des précisions sur les critères d'octroi des subventions aux établissements d'enseignement supérieur. Les établissements laïcs peuvent-ils en bénéficier ou sont-elles réservées exclusivement aux établissements confessionnels ? Existe-t-il des programmes spécifiques destinés aux populations nomades ?

39. M. TEXIER constate qu'avec un médecin pour 3 000 habitants et un lit d'hôpital pour 1 000 habitants, le Maroc souffre d'une pénurie de médecins et de structures hospitalières. Ces chiffres sont encore plus inquiétants en ce qui concerne les zones rurales. Le système de santé du Maroc repose-t-il sur la gratuité des soins ? D'après diverses sources, l'État partie envisagerait, en effet, d'adopter des programmes de santé qui prévoient de faire participer la population aux frais médicaux et d'hospitalisation. Cela aurait pour conséquence de placer les soins de santé hors de portée des pauvres et de mettre en péril la réalisation du droit à la santé pour tous. M. Texier se demande, en outre, si l'exode des médecins n'est pas dû à la faiblesse des salaires. Enfin, il souhaite savoir si le Maroc a mis en place des programmes spécifiques en vue d'élargir l'accès des femmes à l'éducation, et en particulier des femmes rurales, qui souffrent de ce fait d'un double handicap.

40. M. THAPALIA aimerait savoir si le Gouvernement a pris des mesures concrètes en vue de réduire le fossé qui existe entre les zones rurales et les zones urbaines en matière de soins de santé. Quel est le pourcentage du budget national alloué aux soins de santé primaires dans les zones rurales ? Le Maroc a-t-il, en outre, mis en place des programmes visant à généraliser l'accès à une eau salubre ? Enfin, a-t-il adopté des programmes d'éducation à la santé et à l'hygiène ?

41. M. SADI demande si les maladies cardio-vasculaires sont très répandues au Maroc et si ce pays a mis en place des programmes de sensibilisation aux principaux facteurs de risques, tels que le tabac et le cholestérol. Il souhaite également savoir si le Maroc envisage d'adopter une politique environnementale qui encouragerait l'utilisation de l'essence sans plomb. Enfin, s'agissant de la santé, il demande si les données fournies par l'Organisation marocaine des droits humains sont exactes ? Est-il vrai que seuls 20 % des Marocains sont couverts par le régime de la sécurité sociale et que le Maroc ne consacre que 5 % de son budget total à la santé ? Si tel est bien le cas, la situation est très grave, car seule une infime partie de la population a les moyens de se faire suivre dans le secteur privé.

42. M. RATTRAY demande dans quelle mesure le Maroc assure la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dans tous les domaines relatifs à la culture, y compris les connaissances traditionnelles et autochtones et le folklore. Il attire l'attention sur le fait que ces domaines réunissent à l'heure actuelle rarement les conditions requises pour bénéficier d'une protection au titre de la propriété intellectuelle.

43. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) répond que cette question est tout à fait d'actualité au Maroc puisque ce pays accueille actuellement une délégation de l'OMPI chargée de lui apporter une assistance technique en la matière. Le Maroc est, en effet, conscient de la valeur commerciale de ses connaissances traditionnelles et de son folklore, qui risquent d'être indûment utilisés par des personnes étrangères à sa culture. Le Maroc a donc sollicité l'aide de l'OMPI pour éviter qu'il n'en soit ainsi.

44. M. Benjelloun-Touimi explique que les minorités ethniques ne rencontrent aucune difficulté particulière. Le Maroc réfléchit toutefois aux moyens de leur permettre d'affirmer leurs différences culturelles et de progresser socialement. Une réforme du Code de la presse de 1958 est actuellement en cours. Elle devrait s'achever au début de 2001.

45. M. DADSI (Maroc) dit que pour développer l'emploi, qui constitue l'une de ses priorités, le Gouvernement marocain a entrepris de créer un environnement favorable aux entreprises. Il a procédé à des réformes juridiques, notamment en adoptant un nouveau code du commerce et en modifiant la législation relative aux sociétés, et à des réformes financières, en particulier en modernisant le marché boursier afin d'attirer de nouveaux investissements. Pour résoudre le problème foncier, il a facilité la création de zones d'activités et d'infrastructures d'accueil favorisant les emplois de proximité. Il a, par ailleurs, passé des accords avec les grandes entreprises afin qu'elles offrent aux jeunes diplômés des stages de formation rémunérés. Quant aux PME, leur charte prévoit des mesures visant à créer des emplois.

46. Plusieurs lois ont également été adoptées. Elles visent à inciter les jeunes diplômés à créer leur propre entreprise, notamment par l'octroi de prêts à des taux intéressants. En outre, un réseau de pépinières d'entreprises dotées de toutes les infrastructures nécessaires a été mis en place à l'intention des jeunes entrepreneurs. Pour aider les jeunes diplômés à la recherche d'un emploi, ont également été ouverts, dans les différentes régions du pays, des centres d'information, d'orientation et de promotion de l'emploi. Enfin, le Gouvernement a créé un observatoire national de l'emploi et des qualifications, dont la tâche principale consiste à mieux adopter la formation des jeunes diplômés aux besoins du secteur privé.

47. Mme AYOUBI IDRISSI (Maroc) souligne que des efforts considérables ont été déployés pour améliorer l'état de santé de la population. Ainsi, le taux de mortalité infantile est passé de 57,3 %o pour la période 1987-1992 à 36,6 %o pour la période 1992-1997. Il reste toutefois préoccupant. Les efforts doivent être poursuivis pour le faire baisser. Le taux de couverture vaccinale frôle les 90 %, l'objectif étant d'atteindre les 100 % dans les meilleurs délais. Des campagnes et des journées nationales de vaccination sont organisées depuis plusieurs années avec la collaboration de l'UNICEF. Le Maroc a mis sur pied un programme de lutte contre les maladies diarrhéiques. Il s'agit notamment d'enseigner au personnel de santé et aux parents la technique de la réhydratation orale et l'utilisation des sels de réhydratation et de convaincre les mères d'allaiter leurs enfants le plus longtemps possible.

48. S'agissant du droit à la santé, force est de reconnaître que certaines catégories de la population, notamment à la campagne et dans les zones périurbaines, n'ont pas encore accès aux soins de santé primaires. Le Gouvernement s'efforce de remédier progressivement à cette situation, notamment en assurant la gratuité des soins aux personnes auxquelles a été délivré un certificat d'indigence. Toutes les propositions visant à aider le Maroc à assurer une couverture médicale à toute la population seront les bienvenues.

49. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) explique que, si certains spécialistes préfèrent pratiquer la médecine dans les grands centres urbains, c'est principalement parce que les hôpitaux qui s'y trouvent sont dotés de tous les équipements dont ils ont besoin pour exercer leur activité. Cela dit, des mesures ont été prises pour amener les médecins à exercer dans toutes les régions, grâce à la mise en place d'une sorte de service civil.

50. M. DRISS BEMMAHI (Maroc) constate que les médecins ont tendance à vouloir exercer là où ils ont fait leurs études. Il y a peu de temps encore, il n'existait au Maroc que deux facultés de médecine, l'une à Rabat et l'autre à Casablanca. C'est pourquoi deux nouvelles facultés de médecine ont été créées, à Fez et à Marrakech. Deux autres sont en projet.

51. S'agissant de l'analphabétisme, le Gouvernement s'est fixé pour objectif d'en ramener le taux à 20 % en 2010 et d'éradiquer ce fléau d'ici à 2015. Les efforts d'alphabétisation porteront en priorité sur les ouvriers de production qui, pour conserver leur emploi, ont besoin d'acquérir de nouvelles compétences, sur les femmes qui n'ont pas de travail stable, notamment celles qui habitent en milieu rural ou dans les zones périurbaines, et enfin sur les jeunes de moins de 20 ans qui n'ont jamais été scolarisés ou qui ont abandonné précocement l'école. En juillet 2000, le Ministère de l'emploi, de la formation professionnelle, du développement social et de la solidarité a créé un organisme chargé de coordonner toutes les activités d'alphabétisation, notamment celles qui sont menées par des associations non gouvernementales. Il est par ailleurs prévu de créer une agence d'ingénierie de l'alphabétisation où seront représentées les associations privées et le Gouvernement présidée par une personnalité du monde scientifique, elle aura pour tâche d'examiner les questions liées à la formation pédagogique des formateurs et à l'élaboration du matériel didactique d'alphabétisation. Enfin, s'agissant des universités, M. Driss Belmahi précise qu'elles sont financées entièrement par l'État et qu'il n'existe pas d'université confessionnelle.

52. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO dit qu'à ses yeux, la situation actuelle des marocaines est, à bien des égards, comparable à celle des Espagnoles à l'époque où l'autorité parentale était exercée par le seul père de famille. Depuis, ces dernières se sont émancipées et Mme Jimenez Butragueño ne doute pas que les femmes marocaines sauront faire de même.

53. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) fait observer que le Gouvernement marocain compte actuellement une femme ministre, que le Maroc est représenté auprès de l'Union européenne par une femme, et qu'à la mission du Maroc à Genève, 4 diplomates sur 10 sont des femmes. Les choses sont donc en train d'évoluer, mais le Gouvernement ne peut pas décréter la parité. Ce sont, en effet, les partis politiques qui proposent des candidats ou des candidates aux différents postes ministériels.

54. M. PILLAY souhaiterait savoir si des cours d'éducation sanitaire et nutritionnelle sont dispensés dans les écoles marocaines, si la formation des jeunes diplômés répond aux besoins du secteur public, ce que fait le Gouvernement pour inciter les médecins à exercer à la campagne, qui manque cruellement de personnel médical et, enfin, pourquoi le Gouvernement n'exerce pas un contrôle plus strict sur les entreprises qui produisent des denrées alimentaires impropres à la consommation.

55. M. WIMER demande quels sont les grands objectifs de l'enseignement supérieur et si des projets d'enseignement ont été conçus à l'intention des nomades.

56. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) dit qu'en matière d'hygiène et de santé, le Gouvernement utilise largement la radio et la télévision pour informer la population. Il reconnaît que les activités d'information dans ces domaines pourraient être renforcées à l'école. S'agissant des médecins, M. Benjelloun-Touimi explique que le Gouvernement ne peut pas les obliger à s'établir là où ils ne veulent pas aller. Le problème de l'éducation des enfants nomades ne se pose pas au Maroc puisque les populations nomades du Sahara sont pratiquement sédentarisées grâce aux efforts considérables déployés par le Gouvernement pour construire des logements.

57. M. BELMAHI (Maroc) note que l'enseignement supérieur a pour tâche de dispenser une formation initiale, et une formation continue, de préparer les étudiants à la vie active, de diffuser des connaissances, de faire des recherches scientifiques et techniques et d'encourager l'innovation et l'utilisation des nouvelles techniques de l'information et de la communication. Pour l'heure, les universités sont entièrement financées par l'État. La nouvelle Charte de l'enseignement les encourage toutefois à rechercher des partenaires qui puissent participer à leur financement et à l'élaboration des programmes d'enseignement.

58. M. DADSI (Maroc) dit qu'en raison des privatisations, des restructurations et de la mondialisation, il appartient désormais au secteur privé de prendre la relève de l'État en ce qui concerne la création d'emplois. C'est toutefois à l'État qu'il incombe de créer un environnement propice au développement des entreprises et d'encourager les investissements. Cela étant, il convient d'indiquer que la loi de finance 2000-2001 prévoit la création de 17 400 nouveaux emplois dans la fonction publique. Le Maroc doit respecter les grands équilibres macroéconomiques, et notamment limiter son déficit budgétaire à 3 %. Dans ce domaine, il est considéré comme un bon élève. Il devra toutefois ramener de 11 % à 6 ou 7 % la part de la masse salariale de la fonction publique dans le produit intérieur brut.

59. La PRÉSIDENTE remercie la délégation marocaine pour le dialogue constructif qu'elle a engagé avec le Comité dont le seul souci est d'aider le Gouvernement marocain à s'acquitter des obligations qui découlent pour lui du Pacte.

60. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) dit que son Gouvernement mettra tout en œuvre pour appliquer le Pacte et répondra par écrit dans les meilleurs délais à toutes les questions que le Comité a posées. Enfin, il assure le Comité que les médias rendront compte des observations finales et des recommandations que celui-ci formulera et que le Gouvernement marocain les prendra dûment en considération.


La séance est levée à 13 heures.



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