Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1106
9 août 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1106ème seance : Mexico, New Zealand. 09/08/95.
CERD/C/SR.1106. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Quarante-septième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1106ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le 3 août 1995, à 15 heures.


Président : M. GARVALOV


SOMMAIRE

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les Etats parties conformément à l'article 9 de la Convention

Neuvième et dixième rapports périodiques du Mexique (suite)

Dixième et onzième rapports périodiques de la Nouvelle-Zélande


La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Neuvième et dixième rapports périodiques du Mexique (CERD/C/260/Add.1) (suite)

1. Sur l'invitation du Président, la délégation mexicaine reprend place à la table du Comité.

2. M. GOMEZ-ROBLEDO (Mexique), répondant aux questions du Comité sur les problèmes de santé au Chiapas, informe le Comité que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), après 18 mois de présence au Chiapas où il prêtait assistance aux victimes du conflit, laisse à la Croix-Rouge mexicaine et aux autorités mexicaines compétentes le soin de poursuivre son action. Cela veut dire que les quatre zones du Chiapas affectées par le conflit n'ont plus besoin d'une aide humanitaire d'urgence. Cela montre aussi que bien qu'aucun accord de paix ne soit encore conclu, le Gouvernement mexicain a géré la situation de telle manière que le CICR peut à présent se retirer.

3. M. GONZALEZ FELIX (Mexique), constatant la préoccupation du Comité devant l'existence éventuelle de groupes paramilitaires et l'impunité dont pourraient bénéficier les auteurs de délits commis pendant les événements du Chiapas, précise que l'armée n'a participé aux affrontements qu'au tout début du mois de janvier 1994 et qu'elle n'a été impliquée dans aucune action violente par la suite. Par ailleurs, des enquêtes sont en cours sur les cas de violation des droits de l'homme, de torture, de disparition, et de détention arbitraire, qui ont pu se produire. Le gouvernement, très attaché à l'état de droit, est bien décidé à faire toute la lumière sur ces agissements et à ne laisser aucun crime impuni. Les rapporteurs spéciaux et groupes de travail compétents en la matière ont été tenus informés et le Centre pour les droits de l'homme recevra sur ces questions des rapports dont copie sera fournie au Comité.

4. Le Comité a aussi demandé des informations sur les personnes détenues en raison de leurs activités au cours du conflit au Chiapas. M. Gonzalez Felix laisse M. Gómez-Robledo répondre sur ce point.

5. M. GOMEZ-ROBLEDO (Mexique) dit que plus personne n'est détenu pour ses activités pendant les premiers jours du conflit. A la suite des événements qui se sont produits entre le 8 et le 12 février de l'année en cours, 28 personnes ont été placées en détention. 11 d'entre elles - dont la liste sera communiquée au Comité - ont été libérées, et l'action en justice engagée contre les autres se poursuit.

6. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) notant que le Comité a demandé ce qu'il en était d'une réforme du Code pénal du Chiapas, dit que, pour ce qui est des infractions aux dispositions concernant la sécurité intérieure, tant le gouvernement fédéral que le gouvernement de l'Etat ont jugé utile de modifier le Code pénal. Ils sont d'accord là-dessus avec les représentants de l'EZLN aux négociations, et bien que leurs efforts n'aient pas encore abouti, leur volonté de parvenir à un résultat satisfaisant est réelle. S'agissant du règlement des questions de propriété foncière au Chiapas, une réponse sera donnée aux questions posées à ce sujet par M. Muñoz-Ledo.

7. M. MUÑOZ-LEDO (Mexique) appelle l'attention du Comité sur les paragraphes 80 à 84 du rapport où sont présentés le Bureau du Procureur chargé des questions agraires et les tribunaux agraires, ainsi que les résultats obtenus par ces institutions. Il mentionne aussi le programme (PROCEDE) qui vise à authentifier les droits de propriété sur les terrains communaux (ejidos) afin de régulariser la possession des terres et d'assurer ainsi le développement des campagnes et de relever le niveau de vie des paysans. Grâce à ce programme, 22 % des "ejidos" ont été dûment enregistrés. Le problème des ejidos a été traité avec un soin particulier dans les Etats de Vera Cruz, Jalisco, Michuacan et Sinaloa, mais plus que partout ailleurs au Chiapas. Dans cet Etat, le gouvernement a recours à des mécanismes de conciliation pour le régler.

8. M. GONZALEZ FELIX (Mexique), répondant à la question posée sur l'existence d'un programme en faveur des populations autochtones vivant dans la capitale, précise que depuis 1989 l'Institut national pour les autochtones (INI) travaille dans le cadre d'un plan général destiné à appuyer les projets des groupes et organisations autochtones de Mexico afin d'ouvrir avec eux des espaces sociaux de participation et des voies de négociation. L'INI s'efforce de soutenir les initiatives des autochtones pour leur permettre d'accéder, entre autres, aux services d'éducation, de santé et de formation, et d'obtenir les ressources nécessaires à l'exécution d'activités productives liées à leur spécificité ethnique. Il s'efforce aussi de renforcer leurs diverses formes d'organisation sociale, dans le respect de leurs cultures, et d'intéresser les institutions officielles à la solution de leurs problèmes. Des renseignements écrits seront fournis au Comité à ce sujet. Des questions ont été posées au sujet du programme intitulé PROCAMPO, l'orateur laisse M. Gómez-Robledo y répondre.

9. M. GOMEZ-ROBLEDO (Mexique) dit qu'il est utile de poursuivre l'application du programme PROCAMPO malgré les critiques dont il a été l'objet. C'est un programme éminemment novateur et déjà très prometteur. Il est l'expression d'une nouvelle politique agraire qui tient compte de la mondialisation de l'économie internationale et des exigences d'une économie de marché. Il n'est pas à l'origine de pratiques protectionnistes et respecte l'environnement. Il a pour objectif de subventionner non plus le produit, mais le producteur, c'est-à-dire le paysan, directement. Il vise ainsi à court-circuiter la terrible chaîne des intermédiaires et à soustraire le bénéficiaire au pouvoir abusif des fonctionnaires ou potentats locaux chargés précédemment de distribuer les crédits. Il s'adresse non seulement aux producteurs de cultures de rapport mais aux paysans qui cultivent leur terre pour leur propre subsistance. Après une phase de lancement, il devrait prendre sa vitesse de croisière pendant l'année en cours et durer au moins 15 ans.

10. M. GONZALEZ FELIX (Mexique), répondant à la remarque sur la nécessité de publier la Convention dans les langues autochtones, annonce que c'est chose faite.

11. En ce qui concerne la protection des minorités, des mécanismes ont été mis en place et tant l'INI que la Commission nationale des droits de l'homme ont mené des enquêtes, sur les communautés chamulas, par exemple, où des conflits religieux internes ont abouti à des expulsions et qui doivent bénéficier de mesures spéciales.

12. S'agissant du taux de chômage au Chiapas, moins élevé que partout ailleurs dans la République, il s'explique par le fait que les habitants de cet Etat et les autochtones en particulier, vivent en autarcie et sont de ce fait recensés comme ayant un emploi. Il n'en reste pas moins qu'une grande précarité économique règne effectivement dans cet Etat.




13. M. MUÑOZ-LEDO (Mexique) rassure M. Song Shuhua quant à l'équilibre des écosystèmes du Chiapas. Certes, il y a dans cet Etat 14 zones de forêts tropicales protégées, plus que partout ailleurs dans la République, et les zones de conflit se sont situées dans plusieurs de ces zones, mais le retour progressif des personnes déplacées, qui s'opère dans des conditions favorables, n'a pas une incidence majeure sur le fonctionnement des écosystèmes de la région.

14. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) concluant, assure le Comité que le prochain rapport du Mexique contiendra davantage d'informations sur l'application de l'article 5 de la Convention, comme le demande le Comité. L'exercice des droits économiques, sociaux et culturels de certains groupes, notamment les travailleurs migrants, risque en effet d'être entravé par des pratiques de discrimination raciale, ce que le Mexique tient à éviter.

15. Le Comité recevra sans tarder des informations écrites supplémentaires grâce auxquelles il pourra poursuivre le dialogue avec le Mexique et examiner avec lui les moyens de prévenir la discrimination raciale dans ce pays.

16. M. ABOUL-NASR se félicite que tant le Mexique, dans son rapport et par l'intermédiaire de sa délégation, que le Comité reconnaissent l'existence d'un problème dans ce pays. Il constate cependant que la définition de ce problème n'est pas la même des deux côtés. Pour le Mexique, il s'agit de pauvreté, pour le Comité, de discrimination raciale. Le Mexique, pionnier en matière de justice sociale, devrait se rendre compte que même si ses révolutions ont été faites par les pauvres, elles ont laissé les autochtones et leurs terres de côté. Il est temps que le pays s'occupe non de "mettre des terres à la disposition" des autochtones, mais de rétablir la justice et admette qu'il ne s'agit pas de "conciliation" mais de rétablissement dans leurs droits d'individus qui en ont été privés. Les Indiens n'ont pas toujours été pauvres et marginaux; ils ont eu une civilisation florissante mais ont été vaincus et opprimés. Leur pauvreté est le résultat d'une injustice. Le problème n'est certes pas facile à résoudre, mais il faut bien voir que ce que les autochtones demandent, ce n'est pas d'être moins pauvres, mais de recouvrer leurs terres, de pratiquer leur culture et de parler leur langue. Leur problème est donc bien un problème racial. Ce type de problème existe partout dans le monde, il faut que le Mexique admette qu'il se pose aussi chez lui et que, par une nouvelle révolution, il fasse droit aux justes revendications des populations autochtones.

17. M. WOLFRUM (Rapporteur pour le pays) réitère sa satisfaction devant la grande franchise du Mexique tant dans son rapport, qui ne cache rien de la triste situation économique des autochtones, que dans la présentation faite par M. Gonzalez Felix. Il exprime l'espoir que le complément d'information annoncé arrivera avant la fin de la session du Comité.

18. Le premier des grands thèmes débattus a été celui du conflit au Chiapas, des activités des unités militaires et paramilitaires et de la réaction du nouveau gouvernement. Le Comité est très heureux d'apprendre que les personnes détenues pour leurs activités au cours de ce conflit ont toutes été libérées, mais une ombre plane sur le sérieux des enquêtes concernant les violences perpétrées à cette occasion. On peut se demander si certains crimes ne vont pas rester impunis et M. Chigovera a fort justement demandé qui allait bénéficier de l'amnistie. Le Comité aimerait savoir si les Indiens, qui sont loin d'être les seuls à avoir eu recours à la violence, seront amnistiés eux aussi.

19. Les débats ont aussi porté sur le système juridique du Mexique, la Constitution et les amendements à la Constitution. Ces textes sont remarquables, mais leur application n'a guère été développée dans le rapport. L'article 4 en particulier n'a pas encore d'effet concret, il y a là toute une action à entreprendre.

20. Les effets du nouvel article 27 de la Constitution sont aussi un sujet de préoccupation pour le Comité qui se demande si cet article va réellement favoriser les communautés autochtones. Il y a lieu de craindre que le résultat de la réforme foncière proposée soit d'accentuer la marginalisation de groupes déjà marginaux. Comme l'a fort bien redit M. Aboul-Nasr, les groupes autochtones, pour des raisons non seulement économiques mais culturelles, ont le droit de recevoir des terres sans avoir à les demander. A ce propos, M. Wolfrum n'est pas sûr que la réforme agraire se fasse avec toute la diligence requise et favorise véritablement les plus démunis. Au Chiapas, une fraction infime de la population possède plus de 25 % des terres; il y a là une grande injustice, et même, bien que la question ne soit pas du ressort du Comité, un manquement aux obligations faites au gouvernement par la Constitution elle-même.

21. Le Comité ne s'est guère étendu sur le problème de l'éducation, mais M. Wolfrum souligne encore une fois que, sans formation et sans instruction, une population ne peut sortir de la marginalisation. Un programme sérieux s'impose au Mexique dans ce domaine. Quant au cadre institutionnel, il semble que l'on puisse attendre des résultats importants des organismes de protection des droits de l'homme récemment établis. Le Comité espère trouver dans le prochain rapport un exposé des progrès accomplis grâce à leur action.

22. La question des procédures pénales a aussi retenu l'attention du Comité. Là encore, des améliorations sont en bonne voie. Il importe qu'elles soient effectives et durables. Le représentant du Mexique a réitéré que, selon la Constitution, l'égalité devant la loi est garantie à tous les citoyens, mais pour des populations marginalisées, cette disposition n'a aucun sens. Comme le préconise la Convention, le Mexique doit prendre des mesures spéciales en faveur de ces populations.

23. Enfin, le Comité a beaucoup insisté sur la nécessité de reconnaître les causes profondes de la marginalisation d'un nombre considérable - 7 à 10 millions - de personnes appartenant à des minorités ethniques. Cette marginalisation est très ancienne; elle est l'"effet" non du système juridique du Mexique, mais de la situation qui y règne, et si on lit attentivement l'article premier de la Convention, on voit que cet "effet" entre dans la définition de la discrimination raciale. Dans la mesure où le Mexique reconnaît la détresse économique des populations autochtones, il contrevient à la Convention s'il ne prend pas, conformément à l'alinéa c) du paragraphe 2, de l'article 2, les dispositions voulues pour améliorer la situation de ces populations.

24. M. Wolfrum conclut en exprimant l'espoir que le dialogue entre le Comité et le Mexique se poursuivra, et que le prochain rapport fera état d'une amélioration de la situation.

25. Le PRESIDENT dit que la première phase de l'examen des neuvième et dixième rapports périodiques du Mexique est ainsi achevée.

26. La délégation mexicaine se retire.

Dixième et onzième rapports périodiques de la Nouvelle-Zélande (CERD/C/239/Add.3)

27. Sur l'invitation du Président, la délégation néo-zélandaise prend place à la table du Comité.

28. M. ARMSTRONG (Nouvelle-Zélande), présentant le document contenant les dixième et onzième rapports périodiques de son pays, rappelle que la Nouvelle-Zélande a ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1972 et a informé régulièrement le Comité des mesures prises pour mettre en oeuvre les dispositions de la Convention en Nouvelle-Zélande. Au cours de la période sur laquelle porte le rapport (1er janvier 1990 - 31 décembre 1993), a été célébré, en 1990, le cent cinquantième anniversaire de la signature du Traité de Waitangi, document fondateur de la Nouvelle-Zélande, et créée la Commission pour la Nouvelle-Zélande 1990 chargée de faire mieux connaître et comprendre la diversité des cultures constituant la société néo-zélandaise, de promouvoir l'harmonie et la tolérance au sein de la société et de faire en sorte que le Traité de Waitangi occupe une place centrale en 1990 et dans les années qui suivront.

29. Conformément à ces objectifs, le gouvernement a entrepris un certain nombre d'initiatives visant notamment à reconnaître la place spéciale qu'occupent la culture et la langue maories dans la société néo-zélandaise et à faire mieux comprendre la diversité des autres cultures et l'importance du Traité de Waitangi. Il a pris des mesures pour satisfaire de manière pacifique et équitable les revendications historiques des Maoris et s'est efforcé d'aplanir les inégalités existantes sur le plan du développement social et économique entre les différents groupes sociaux, notamment maori et pakeha. Le gouvernement considère que ces initiatives sont capitales pour promouvoir une société exempte de toute forme de discrimination raciale.

30. M. Armstrong rappelle ensuite les principaux textes législatifs adoptés au cours de la période couverte par le rapport pour éliminer la discrimination raciale et protéger les droits des minorités, en particulier des Maoris, dans tous les domaines : droits civils et politiques, emploi, environnement, régime foncier. Il s'agit du New Zealand Bill of Rights Act de 1990 (Charte néo-zélandaise des droits de l'homme) de l'Employment Contracts Act de 1991 (loi sur les contrats d'emploi), du Resource Management Act de 1991 (loi sur la gestion des ressources), du Treaty of Waitangi (Fisheries Settlement) Act de 1992 (loi sur le règlement des plaintes relatives aux pêcheries), du Te Ture Whenua Maori (Maori Land) Act de 1993 (loi Te Ture Whenua Maori) sur les terres maories, du Human Rights Act de 1993 (loi sur les droits de l'homme de 1993) et de l'Electoral Act de 1993 (loi électorale sur la représentation des Maoris au Parlement. Cette loi institue un nouveau système de représentation proportionnelle mixte en vertu duquel le nombre des sièges réservés aux Maoris passera de quatre à cinq.

31. En outre, de nouveaux programmes ont été élaborés en vue d'améliorer la situation des minorités ethniques, en particulier des Maoris, dans les domaines de l'éducation, de la santé, de l'emploi et de la protection sociale et, à cette fin, de nouveaux organes publics ont été créés tels le Ministère du développement maori (Te Puni Kokiri), le Service des affaires ethniques au Département des affaires intérieures et le Ministère des affaires culturelles, ou renforcés comme le Ministère des affaires polynésiennes. Par ailleurs, la politique suivie par la Nouvelle-Zélande en matière d'immigration et de réfugiés a été modifiée pour permettre l'entrée dans le pays de migrants de pays "non traditionnels". Deux nouveaux tribunaux d'appel indépendants en matière d'immigration ont été créés : l'Office de recours en matière de résidence (Residence appeal authority) et l'Office d'examen des arrêtés d'expulsion (Removal review authority), et de nouvelles procédures d'octroi du statut de réfugié prévoyant notamment un droit automatique de faire appel de la décision prise devant l'organisme d'appel des décisions relatives au statut de réfugié (Refugee status appeals authority) ont été établies.

32. M. Armstrong donne ensuite un aperçu des principales mesures prises par le Gouvernement néo-zélandais afin d'éliminer la discrimination raciale depuis janvier 1994. Au titre de l'application du paragraphe 1 de l'article 2 de la Convention, le Gouvernement néo-zélandais a poursuivi ses efforts pour assurer le règlement des plaintes maories en vertu du Traité de Waitangi. A cette fin, il a nommé le Ministre de la justice, Ministre des négociations au titre du Traité de Waitangi. Conformément à son mandat, celui-ci a, en janvier 1995, mis en place le Bureau du règlement des plaintes au titre du Traité (Office of Treaty settlements), chargé expressément de ces questions. Le gouvernement a annoncé qu'un montant, non négociable, de 1 milliard de dollars ("Enveloppe de règlement") serait inscrit au budget pour le règlement de ces plaintes, sur une période de dix ans, y compris celles qui portent sur la gestion de ressources naturelles. Ces propositions de règlement traduisent la volonté de la Couronne de résoudre les revendications en suspens de manière juste et honorable. Le processus de consultation engagé avec les Maoris ne va pas sans problèmes, mais il a montré que le dialogue sur ce point devait se poursuivre. Le gouvernement espère toujours que ses propositions de règlement permettront de progresser dans ce domaine. Parallèlement, le gouvernement poursuit ses négociations avec des membres des Jwi (tribus) en vue du règlement de leurs revendications foncières particulières. Les plaignants ont désormais la possibilité de s'adresser au tribunal de Waitangi ou de négocier directement avec la Couronne dans le cadre d'un programme spécial de négociation (Negociation Work Program). Vingt de ces plaintes font actuellement l'objet de négociations directes ou de discussions préalables à des négociations. M. Amstrong signale à cet égard le règlement d'un litige historique avec la tribu Waikato-Tainui basée dans la région de Waikato qui a obtenu, outre des excuses officielles de la part du gouvernement, la restitution de terres et des indemnités financières. Le nombre de plaintes dont a été saisi le tribunal de Waitangi s'élevait à 460 en février 1995. Le tribunal a publié ses recommandations sur diverses d'entre elles, ainsi qu'un rapport sur l'affaire de longue date Ngai Tahu en 1995.

33. Pour mettre fin aux inégalités dont souffrent les propriétaires maoris, le gouvernement a publié, en avril 1993, des propositions de réforme du régime des baux actuel. Un texte législatif proposé en janvier 1995 servira de cadre de négociation et il faut espérer que la majorité des litiges pourra être ainsi réglée et que les propriétaires maoris pourront obtenir réparation pour les pertes éventuellement subies. Des dispositions réglementaires prévoient même la restitution de certaines terres aux Maoris par ordre en conseil lorsque ces terres sont reconnues comme présentant un intérêt culturel, spirituel ou historique important. Ces demandes de réparation ne relèvent pas nécessairement du tribunal de Waitangi. Il a été fait droit à deux demandes de ce type à ce jour, par voie d'ordre en conseil.

34. M. Armstrong évoque ensuite des affaires ayant fait l'objet de recours devant la Cour d'appel et le Privy Council, et concernant l'une, l'octroi de fréquences radio pour la diffusion d'émissions à l'intention des Maoris, et l'autre, la publicité accordée aux Maoris pour l'introduction de leur système de représentation proportionnelle mixte. Dans le premier cas, le Privy Council a confirmé la décision des tribunaux néo-zélandais, considérant que le gouvernement avait fait le nécessaire pour protéger les intérêts des Maoris en leur fournissant notamment des fonds et en leur garantissant l'accès aux installations de diffusion et de production. Dans le deuxième, la Cour d'appel a estimé que la publicité accordée aux Maoris en l'espèce était raisonnable. Un certain nombre de décisions administratives prises par le gouvernement depuis l'établissement du rapport reflètent sa volonté de reconnaître les préoccupations des Maoris, notamment la mise en place d'unités spéciales maories ou de programmes spécifiques au sein d'organes publics comme le Ministère du logement.

35. M. Armstrong évoque ensuite l'action entreprise par le Gouvernement néo-zélandais pour appliquer l'article 2 2) de la Convention. Abordant tout d'abord la question de l'éducation, il informe le Comité que 1995 est Te Tau o Te Reo Maori, c'est-à-dire l'Année de la langue maorie, proclamée dans le cadre de la Décennie internationale des populations autochtones pour encourager les Maoris et d'autres groupes à contribuer activement à l'enseignement et à la promotion de la langue maorie. C'est la Commission linguistique maorie qui coordonne les activités entreprises à ce titre par les secteurs public et privé. Depuis 1993, le nombre d'initiatives dans le domaine de l'éducation maorie n'a cessé de croître. Le programme Te kohanga reo (foyers linguistiques) reste la forme d'enseignement préscolaire la plus populaire auprès des parents maoris et, en 1994, 49 % de tous les enfants maoris inscrits dans des établissements préscolaires fréquentaient ces centres. Dans l'enseignement primaire, le nombre de kura kaupapa maories (écoles où l'enseignement est dispensé entièrement en langue maorie) est passé de 6 en 1989 à 38 au début de l'année scolaire 1995, et actuellement plus de 2 700 élèves y sont inscrits, soit 1,1 % de l'ensemble des enfants maoris scolarisés, ce qui montre le succès de ce programme. Le Gouvernement néo-zélandais veille à ce que ces établissements disposent d'un nombre suffisant d'enseignants qualifiés et consacre actuellement plus de 2 millions de dollars à leur formation en cours d'emploi. En juin 1995, il a promis d'allouer 30 millions de dollars à de nouvelles initiatives pour développer l'enseignement maori, notamment la création de 15 autres kura kaupapa maories d'ici 1998. Malgré des améliorations indéniables, les inégalités historiques sur le plan de l'éducation entre Maoris et non-Maoris demeurent. Les efforts du gouvernement pour les supprimer sont attestés dans un document intitulé "Education for the twenty-first century" qui établit les objectifs précis à atteindre en la matière.

36. A propos de la question de l'emploi, M. Armstrong dit qu'en 1994, une équipe spéciale créée par le Premier Ministre a établi que les Maoris et les Polynésiens, en particulier les jeunes, restent les plus touchés par le chômage, bien que le taux de chômage des Maoris soit retombé de 27 % en 1992 à 19 % en 1995. Suite aux recommandations de l'Equipe spéciale pour résoudre ce problème, un mémorandum d'accord multipartite a été publié en juin 1995 sur la stratégie de l'emploi à élaborer pour répondre aux besoins des jeunes Maoris ou Polynésiens sans emploi et des programmes spécifiques ont été mis en place à cette fin.

37. Dans le domaine de la santé, le Ministère de la santé a pris diverses mesures visant à améliorer la situation des Maoris et autres minorités ethniques sur ce plan. Les services de santé régionaux ont été chargés de mettre en place des services de santé destinés aux Maoris qui tiennent compte de leur diversité culturelle, sociale et économique. Le principal sujet de préoccupation est le taux élevé de mortalité infantile chez les Maoris. Des services sont prévus pour venir en aide à la famille élargie (Whanau) et des efforts sont également entrepris pour abaisser les taux de surdité chez les enfants maoris.

38. Sur le plan de la protection sociale, une initiative importante a été la création, en 1995, du Service social iwi qui recevra des fonds du Département de la protection sociale pour s'occuper des enfants, des jeunes et des familles iwi. Le Département envisage également la fourniture de services sociaux selon des méthodes traditionnelles aux populations des îles du Pacifique.

39. Enfin, pour promouvoir l'établissement de relations raciales positives en Nouvelle-Zélande grâce à l'éducation dispensée dans ce domaine aux écoliers, un certain nombre d'autres projets ont été entrepris par le Bureau du Conciliateur pour les relations raciales, notamment la traduction de brochures d'information sur les droits de l'homme et les relations raciales (en neuf langues) et la publication d'un répertoire des communautés ethniques. Le Bureau vient également d'achever un important projet de recherches sur les relations raciales positives en Nouvelle-Zélande et a réalisé une étude sur les victimes de la criminalité en Nouvelle-Zélande pour aider à identifier les victimes de crimes à motivations raciales.

40. Passant aux questions relevant de l'article 3 de la Convention, M. Armstrong dit que la Nouvelle-Zélande s'est félicitée de l'évolution positive de la situation en Afrique du Sud après la tenue des élections démocratiques en 1994. Elle a établi, le 19 janvier 1994 pour la première fois, des relations diplomatiques avec ce pays et a nommé un consul honoraire à Cape Town en janvier 1995. Il précise également que, suite à l'adoption par le Conseil de sécurité de sa résolution 919, le 25 mai 1994, la Nouvelle-Zélande a mis fin à l'embargo obligatoire sur les armes et autres restrictions décidés à l'encontre de l'Afrique du Sud, et a levé l'interdiction d'importer des armes en provenance de ce pays. Les autres mesures décrétées par le Commonwealth à l'encontre de l'Afrique du Sud ont été levées après les élections démocratiques dans ce pays.

41. En ce qui concerne l'article 5 de la Convention, eu égard en particulier aux questions relatives à l'immigration et aux réfugiés, M. Armstrong dit que la Nouvelle-Zélande a admis des immigrants en provenance de 120 pays pendant la période considérée, essentiellement de Grande-Bretagne mais aussi de pays d'Asie, entre autres, Taiwan, la Corée du Sud et d'autres pays de l'Asie du Nord. En 1994, 42 737 nouveaux migrants sont arrivés en Nouvelle-Zélande. Conformément à la politique néo-zélandaise d'immigration qui prévoit un contingent annuel de 800 réfugiés, 1 560 réfugiés ont été accueillis en Nouvelle-Zélande entre juillet 1993 et juin 1995. Bien que le nombre de réfugiés handicapés soit fixé à 100 personnes par an, 121 réfugiés entrant dans cette catégorie sont arrivés en Nouvelle-Zélande en 1994/95. Ce contingent n'entre pas en considération dans l'examen des demandes d'octroi du statut de réfugié présentées par des personnes se trouvant déjà en Nouvelle-Zélande. Ce statut a été accordé à 232 personnes en 1994.

42. A propos des Iles Tokélaou, M. Armstrong dit que des grands changements d'ordre législatif ont lieu actuellement dans ce dernier territoire non autonome de la Nouvelle-Zélande, qui envisage de mettre en place sa première administration nationale et d'acquérir ainsi une plus grande autonomie. La population a fait savoir en juillet 1994 qu'elle était favorable de préférence à l'instauration du statut d'Etat libre associé à la Nouvelle-Zélande.

43. En conclusion, M. Armstrong réaffirme que le Gouvernement néo-zélandais a fait et continuera de faire des efforts pour éliminer toutes les inégalités qui subsistent sur le plan juridique, administratif, économique et social entre les groupes ethniques de la Nouvelle-Zélande et faire en sorte qu'ils vivent en plus grande harmonie, dans un climat de tolérance et à l'abri de la discrimination raciale. La Nouvelle-Zélande est déterminée à cet effet à faire respecter les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à s'acquitter des obligations qui lui incombent en sa qualité d'Etat partie à cet instrument.

44. M. CHIGOVERA (Rapporteur pour le pays) remercie le représentant de la Nouvelle-Zélande pour son intervention qui est venue compléter utilement le rapport, a apporté de précieux renseignements sur la période écoulée depuis la rédaction de ce rapport et fourni des réponses à certaines des questions que lui-même souhaitait poser.

45. Contrairement à beaucoup de pays, la Nouvelle-Zélande se conforme scrupuleusement à l'obligation de faire rapport au Comité et s'efforce toujours de répondre avec précision aux questions qui lui ont été posées. Le présent rapport, fort complet, décrit les mesures juridiques, administratives et législatives prises pour donner effet à la Convention et rend compte honnêtement de ce que les autorités perçoivent comme les forces et les faiblesses de la situation en Nouvelle-Zélande. Enfin, la présentation du rapport est conforme aux directives du Comité. En particulier, les paragraphes 10 et 11 apportent des informations précises sur les caractéristiques ethniques et la composition de la population néo-zélandaise.

46. D'après les paragraphes 12 et 16 du rapport, la nouvelle loi sur les droits de l'homme, adoptée en 1993 pour remplacer la loi sur les relations raciales de 1971 et la loi sur la Commission des droits de l'homme de 1977, constitue un progrès par rapport aux textes antérieurs en ce qui concerne la protection des droits de l'homme. M. Chigovera souhaiterait donc savoir si des améliorations se sont déjà fait sentir à cet égard même si, il en est conscient, cette loi est d'application récente. D'autre part, il est indiqué au paragraphe 17 que sont contraires à la loi tous propos insultants sur le plan racial tenus dans un lieu public et que les médias peuvent rapporter de tels propos à condition de transmettre avec exactitude l'intention de ceux qui les ont prononcés. Qu'en est-il éventuellement des intentions des médias eux-mêmes, eu égard aux dispositions de l'article 131 de la nouvelle loi, décrites au paragraphe 18 ?

47. Le représentant de la Nouvelle-Zélande a fait allusion aux contrats d'emploi, également évoqués au paragraphe 15 du rapport; mais il serait utile de savoir auprès de quel type d'instance un travailleur peut intenter un recours en cas de discrimination sur le lieu de travail.

48. L'un des aspects les plus importants du rapport à l'examen concerne le règlement des revendications en vertu du Traité de Waitangi. La loi de 1992 sur le règlement des plaintes relatives aux pêcheries, ainsi que le règlement du différend intéressant la tribu Waikato-Tainui dont a parlé M. Armstrong, constituent à cet égard des succès. Il serait utile de savoir s'il y a aussi eu des règlements satisfaisants en matière de revendications foncières.

49. Le représentant de la Nouvelle-Zélande a fait allusion à une "Enveloppe globale de règlement" des revendications foncières d'un montant de 1 milliard de dollars; M. Chigovera se demande si, lorsque ce montant a été fixé, on s'est assuré qu'il serait suffisant pour dédommager de manière un tant soit peu adéquate le peuple maori, et de quelle manière on en est arrivé à ce chiffre. Cela est d'autant plus crucial que M. Armstrong a indiqué que ce montant n'était pas négociable. A-t-on aussi réfléchi à l'incidence qu'aurait cette "enveloppe globale" sur le progrès économique du peuple maori ?

50. En 1989, à Oxford, le Président du tribunal de Waitangi a fait une très importante déclaration sur la question des revendications maories, qui a peut-être été l'un des facteurs ayant amené les autorités néo-zélandaises à aborder la question sous l'angle de l'enveloppe globale. Soulignant que beaucoup de tribus étaient dépourvues de terres ou n'avaient pas de base économique suffisante pour être autonomes, il a indiqué avoir acquis la conviction qu'il ne pourrait y avoir de solution idéale à la question des revendications maories. Faisant valoir qu'il était devenu impossible de restituer de grandes superficies de terres et que l'économie du pays n'était pas assez puissante pour assumer une compensation financière totale, il a déclaré qu'il faudrait trouver un compromis et que même si cela devait inévitablement causer des déceptions, les deux parties devraient s'y résoudre. De fait, l'"Enveloppe globale" semble avoir suscité une certaine hostilité chez les Maoris. La New Zealand Political Review signalait à ce propos, en mai 1995, qu'une explosion de violence avait eu lieu à Waitangi en février 1995. Tout en reconnaissant les efforts consentis par le gouvernement pour trouver un règlement satisfaisant dans le cadre du Traité de Waitangi, M. Chigovera a l'impression que le principe de l'enveloppe globale n'est pas favorable aux Maoris. Il souhaiterait entendre les commentaires de la délégation néo-zélandaise à ce sujet, car les ultranationalistes maoris semblent gagner du terrain, ce qui n'est pas de bon augure pour les relations futures entre Maoris et non-Maoris. Il est d'ailleurs permis de se demander si le principe de l'enveloppe globale est compatible avec le Traité de Waitangi.

51. Il est indiqué au paragraphe 28 du rapport que la loi de 1993 portant amendement du Traité de Waitangi avait pour but de faire en sorte que le Tribunal ne puisse pas recommander la restitution de terres privées à des Maoris, ni leur acquisition par la Couronne pour faire droit à des réclamations. Cet amendement n'est-il pas quelque peu en contradiction avec les engagements pris par le gouvernement en vertu dudit traité ? D'autre part, à propos du tribunal de Waitangi, M. Chigovera aimerait savoir comment cette instance formule ses recommandations et si elles sont toutes appliquées. Il est précisé au paragraphe 29 du rapport qu'une quinzaine de plaintes étaient en cours de négociation ou d'arbitrage à la fin de 1993 : qu'en est-il advenu depuis lors et quelles suites leur ont été données ?

52. Il serait utile de savoir quelle est la composition du Ministère du développement maori dont la création est évoquée au paragraphe 30, et s'il est dirigé par des Maoris.

53. A propos de la loi sur le règlement des plaintes relatives aux pêcheries, il est indiqué au paragraphe 50 que certains membres maoris du Parlement ont émis des réserves au sujet de l'accord conclu dans ce cadre, et que celui-ci a même fait l'objet d'une action en justice. M. Chigovera aimerait savoir si ce différend a été résolu, quelles ont été les suites de cette action en justice et quel effet cela a eu sur le règlement des plaintes relatives aux pêcheries.

54. Il est indiqué au paragraphe 55 que la nouvelle loi sur les terres maories formule des règles strictes concernant l'aliénation de biens fonciers appartenant aux Maoris. S'agit-il ici de transferts de propriété entre Maoris ou de Maoris à non-Maoris, et pourquoi le tribunal foncier doit-il donner son consentement, de même que 75 % des propriétaires maoris, avant que l'intéressé puisse librement disposer de son bien ? Si cette restriction est spécifiquement appliquée aux terres maories, il serait bon de savoir pourquoi.

55. Les programmes du Service néo-zélandais pour l'emploi s'adressent aux personnes en difficulté plutôt qu'à des groupes ethniques particuliers. Or les minorités autochtones et notamment les Maoris sont particulièrement défavorisés sur le marché du travail; c'est pourquoi on peut se demander comment ces programmes pourront instaurer l'égalité des chances pour ces minorités en l'absence de mesures les avantageant particulièrement.

56. En matière d'éducation, le représentant de la Nouvelle-Zélande pourrait peut-être fournir au Comité certaines indications sur l'effet des réformes introduites dans le cadre du Programme des Ecoles de demain. Le gouvernement reconnaît qu'en dépit des efforts consentis, le niveau d'instruction des Maoris a certes progressé, mais pas aussi nettement que celui des autres groupes. M. Chigovera se demande si le programme d'enseignement primaire en langue maorie (Taha Maori) a eu les résultats escomptés tant en ce qui concerne la scolarisation qu'en ce qui concerne l'accès à l'emploi; une personne parlant maori a-t-elle les mêmes chances, sur le marché du travail, que quelqu'un qui parle anglais ?

57. Au paragraphe 101, il est affirmé que l'un des facteurs entravant l'accès des Maoris au logement est la structure d'âge relativement jeune de la population maorie, ce qui laisse perplexe : on ne voit guère en quoi ce facteur peut affecter l'accès au logement.

58. S'agissant de l'application de l'article 4 de la Convention, les articles 131 et 134 de la nouvelle loi sur les droits de l'homme semblent satisfaisants sauf sur un point : la Nouvelle-Zélande n'a pas concrètement donné effet à l'alinéa b) de cet article 4 pour ce qui est de l'interdiction d'organisations à caractère raciste. Aucune des dispositions de ces deux articles, qui reprennent celles de la loi sur les relations raciales sur lesquelles s'était déjà interrogé le Comité en 1983, n'interdit expressément les organisations racistes, alors que la Convention fait obligation aux Etats parties de promulguer une législation en ce sens. Il faut espérer que la Nouvelle-Zélande comblera cette lacune. D'autre part, il est indiqué au paragraphe 113 du rapport que la police n'a engagé aucune poursuite, au cours de la période considérée, en vertu de l'article 131 de la loi sur les droits de l'homme; s'il n'y a pas non plus eu de poursuites depuis l'établissement du rapport, doit-on en conclure que les infractions définies dans cet article ne sont jamais commises en Nouvelle-Zélande, ou bien des difficultés pratiques font-elles obstacle à l'application de cet article et quelles sont-elles ?

59. Dans le cadre de l'ancien système électoral majoritaire, les Maoris disposaient de quatre sièges réservés. En 1993, sur les 99 sièges que compte le Parlement, 6 étaient occupés par des parlementaires maoris, dont 2 représentaient des circonscriptions électorales générales. On se souviendra que les Maoris forment 13 % de la population néo-zélandaise. M. Armstrong a indiqué que dans le cadre du nouveau système électoral de représentation proportionnelle mixte, les Maoris disposeront de cinq sièges réservés : il est permis de se demander d'une part si cela constitue pour eux un gain significatif et d'autre part s'ils auront toujours la possibilité de se faire élire dans les circonscriptions générales en vertu de ce nouveau système; dans le cas contraire, la représentation des Maoris s'en trouverait diminuée et même dans l'affirmative, il semble que cette représentation serait loin d'atteindre 13 %. D'autre part, puisque les Maoris peuvent choisir de s'inscrire soit sur une liste générale, soit sur une liste maorie, il serait utile de savoir de quel nombre de sièges ils disposeraient dans l'hypothèse où ils décideraient tous de s'inscrire sur les listes maories et dans celle où ils choisiraient tous les listes générales.

60. La nouvelle politique d'immigration a suscité dans certains secteurs de la société néo-zélandaise de nouvelles inquiétudes qui, de l'avis du Conciliateur pour les relations raciales, risquent de mettre en péril l'harmonie entre les groupes raciaux. Certains groupes maoris se sont plaints de ce que le gouvernement n'avait pas pris en compte leur point de vue sur l'immigration, faisant valoir que cette politique risquait de porter atteinte au statut particulier des Maoris. Face à ces craintes, le gouvernement s'est orienté vers une campagne d'information et d'éducation concernant les objectifs de l'immigration et les bienfaits qui en découlent. Mais M. Chigovera se demande s'il n'y aurait pas lieu de prendre ces inquiétudes au sérieux car l'introduction d'une nouvelle dimension ethnique dans la société néo-zélandaise risque de créer de graves tensions et une certaine hostilité à l'égard des nouveaux arrivants. Dans une étude publiée voici quelques années, la Commission juridique de Nouvelle-Zélande, décrivant les obligations de la Couronne aux termes du Traité de Waitangi, soulignait que celle-ci devait "protéger la population maorie contre l'influence d'une autre culture". La question est de savoir si la nouvelle politique du gouvernement est compatible avec cette obligation.

61. S'agissant de l'application de l'article 6 de la Convention, M. Chigovera aimerait savoir, eu égard à ce qui est dit au paragraphe 146 du rapport, quelles sont les questions qui ne relèvent pas du Conciliateur pour les relations raciales. S'agit-il des questions qui tombent sous le coup de l'article 131 de la loi sur les droits de l'homme ou de questions d'une autre nature ? Existe-t-il des voies de recours pour les questions qui ne tombent pas non plus sous le coup de l'article 131 ?

62. M. Chigovera félicite la Nouvelle-Zélande pour la façon dont elle administre le territoire des Tokélaou. Il apprécie particulièrement l'assistance qu'elle continue de lui fournir pour l'aider à se préparer à l'accession à l'indépendance. Il se demande toutefois si ce minuscule territoire de 12 km2 dont la population n'atteint que 1 600 habitants, dispose de ressources suffisantes pour s'auto-administrer. Le Gouvernement néo-zélandais continuera-t-il de lui apporter aide et assistance lorsqu'il sera autonome ?

63. M. WOLFRUM constate avec étonnement que les Européens sont comptés deux fois dans les tableaux indiquant les caractéristiques ethniques et la composition de la population néo-zélandaise, à savoir une fois dans les groupes ethniques et une autre dans le groupe des Européens. Il aimerait avoir des explications sur ce point. Il serait intéressant de savoir dans quel groupe serait comptabilisé par exemple un immigrant d'origine africaine provenant des Etats-Unis d'Amérique.

64. En ce qui concerne l'application de l'article 2 de la Convention, M. Wolfrum aimerait savoir à qui incombe la charge de la preuve lorsqu'un particulier porte plainte en vertu de la loi de 1991 sur les contrats d'emploi, dont il est question au paragraphe 15 du rapport, au motif d'une discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. Par ailleurs, il ne saisit pas très bien le sens de la deuxième phrase du paragraphe 51 où il est dit que la Commission des pêcheries maories a reçu pour tâche de mettre au point une procédure permettant d'identifier les bénéficiaires de l'Accord [entre la Couronne et les Maoris], et de leur attribuer les quotas prévus. Les bénéficiaires ne sont-ils pas par définition les Maoris ? Quelle était la teneur des plaintes dont le Comité des droits de l'homme a été saisi au sujet de l'attribution des quotas ?

65. Dans le domaine de l'éducation, M. Wolfrum note que le Gouvernement néo-zélandais a institué de nouvelles options en matière d'éducation, qui permettent aux Maoris d'apprendre leur langue maternelle en plus de l'anglais. Il serait utile de savoir si la majorité de la population apprend elle aussi le maori, car si c'était le cas, la compréhension entre les communautés ne serait que meilleure.

66. D'autre part, M. Wolfrum lit dans le rapport qu'un système de traitement des cas a été introduit récemment dans toutes les prisons néo-zélandaises pour répondre aux besoins particuliers des membres des minorités nationales. Faut-il en conclure que la vie en détention a des effets particulièrement néfastes sur la santé mentale et physique des Maoris ? Par contre, rien dans le rapport ne semble confirmer le taux de criminalité extrêmement élevé parmi les Maoris qui avait été signalé lors de l'examen du rapport précédent. Cela signifie-t-il que la situation s'est améliorée à cet égard ?

67. A propos de l'application de l'article 5, M. Wolfrum estime qu'il serait utile d'avoir des éclaircissements sur la réforme électorale dont il est question au paragraphe 124 du rapport. Faut-il comprendre que le nouveau système est mixte en ce sens que les élections se feront selon deux modes de scrutin ? Des explications plus détaillées permettraient de savoir dans quelle mesure des privilèges peuvent être désormais accordés à certains groupes.

68. Cela dit, M. Wolfrum est heureux de constater que des changements positifs sont intervenus en Nouvelle-Zélande, notamment en ce qui concerne la situation des Maoris, qui s'est améliorée dans les domaines économique et social et dans celui de l'éducation. A cet égard, la Nouvelle-Zélande occupe une place enviable sur le plan international en matière de traitement des populations autochtones.

69. M. de GOUTTES tient à rendre hommage à la délégation néo-zélandaise au moins sur un point. En effet, contrairement à d'autres pays, la Nouvelle-Zélande a tenu compte des demandes de renseignements complémentaires formulées par le Comité lors de l'examen de ses précédents rapports et la délégation néo-zélandaise s'est efforcée de répondre aux questions posées par le Comité en 1991. Le onzième rapport fournit des données actualisées sur la situation des différentes minorités (Maoris et autres groupes ethniques) sur la démographie, les caractéristiques ethniques de la population, la réforme électorale et les réformes administratives et législatives récentes. M. de Gouttes aimerait savoir si le Gouvernement néo-zélandais envisage de reconsidérer sa nouvelle politique économique libérale qui a eu des conséquences extrêmement néfastes pour les groupes sociaux les plus vulnérables, en particulier sur les Maoris et les Polynésiens. Quelles sont les mesures correctives qu'il a prises ou qu'il compte prendre pour en atténuer les effets les plus pervers sur les catégories les plus défavorisées ?

70. Constatant qu'un grand nombre d'organisations ou d'institutions ont été chargées de protéger les droits de l'homme et de lutter contre la discrimination, M. de Gouttes se demande si cette pléthore d'institutions ne risque pas de créer une certaine confusion dans l'esprit des citoyens ainsi que des doubles emplois, et des chevauchements d'activité entre ces différentes organisations.

71. Selon les renseignements donnés, les traités internationaux ne prennent pas effet automatiquement en Nouvelle-Zélande et une loi interne doit être adoptée à cet effet. Il s'agit là d'un système "dualiste", les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ne pouvant être invoquées que si elles ont été incorporées dans le droit national. M. de Gouttes note toutefois, que selon le document de base (HRI/CORE/1/Add.33) ", dans certains cas, une juridiction a conclu que, dans l'interprétation de la loi, le Parlement entendait qu'il soit tenu compte des obligations internationales". Faut-il voir là une façon d'atténuer le principe du dualisme ?

72. M. de Gouttes demande enfin si la Nouvelle-Zélande envisage de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention comme l'ont déjà fait 22 Etats.

73. M. VALENCIA RODRIGUEZ se félicite de la coopération qui s'est instaurée entre le Comité et la Nouvelle-Zélande, coopération très utile tant pour le Comité qui a bénéficié de l'expérience de la Nouvelle-Zélande en matière de lutte contre la discrimination raciale que pour le Gouvernement néo-zélandais qui a suivi les recommandations du Comité. D'une façon générale, il constate que les relations entre les Maoris et les non-Maoris se sont sensiblement améliorées grâce à la bonne volonté de ces deux communautés.

74. En ce qui concerne l'application de l'article 2 en relation avec l'article 5 de la Convention, M. Valencia Rodriguez prend note en particulier de l'action de la Commission néo-zélandaise des droits de l'homme et de la loi de 1990 relative à la Charte néo-zélandaise des droits de l'homme, notamment de son article 20. Il relève également l'importance de la loi sur les droits de l'homme de 1993 qui étend les compétences du Conciliateur pour les relations raciales à de nombreux domaines. A propos de cette loi, M. Valencia Rodriguez demande ce que signifie l'expression "discrimination indirecte" qui y figure en son article 65 ainsi que des précisions sur le champ d'application de son article 61, dont la portée lui paraît quelque peu réduite par rapport aux dispositions de l'article premier de la Convention.

75. Le Traité de Waitangi est très important car il établit les fondements des relations entre Maoris et non-Maoris ainsi que les principaux droits des Maoris, dont il facilitera peut-être l'incorporation dans la législation néo-zélandaise. C'est pourquoi, M. Valencia Rodriguez aimerait avoir de plus amples explications sur les raisons pour lesquelles le Parlement a adopté une loi modifiant le Traité de Waitangi, de telle manière que le Tribunal de Waitangi ne puisse pas faire des recommandations concernant la restitution de terres à des Maoris. Il prend note avec satisfaction de l'élargissement des fonctions du Ministère des affaires polynésiennes et de la création du Service des affaires ethniques. Il aimerait avoir des éclaircissements sur les activités de ce service concernant la présentation de recommandations au Gouvernement néo-zélandais.

76. M. Valencia Rodriguez recommande à la Nouvelle-Zélande de poursuivre ses efforts visant à améliorer la situation des Maoris dans tous les domaines, notamment l'emploi, la scolarisation, la promotion de la langue et de la culture maories, la santé, le logement, et, surtout, l'éducation. A cet égard, il demande si les universités maories dont il est question dans le rapport ont été effectivement créées.

77. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 4, M. Valencia Rodriguez craint que les mesures prises à cet effet ne soient pas suffisantes pour satisfaire aux obligations qui incombent à la Nouvelle-Zélande en vertu de la Convention. Il importe donc que la Nouvelle-Zélande examine de plus près cette question.

78. En matière d'immigration, question qui relève de l'article 5, M. Valencia Rodriguez recommande à la Nouvelle-Zélande de s'abstenir d'appliquer éventuellement des critères d'admission basés sur la race ou l'origine nationale ou ethnique, car cela serait contraire à la Convention. Enfin, pour se faire une idée plus générale de l'application de l'article 6 de la Convention, il aimerait connaître le motif exact des plaintes qui ont été déposées en vertu de la loi sur les relations raciales et savoir quelle suite leur a été donnée.

79. En conclusion, M. Valencia Rodriguez souligne l'importance des procédures de conciliation et recommande au Gouvernement néo-zélandais de les développer, de les perfectionner et d'y recourir en priorité, de préférence aux procédures judiciaires.

80. M. van BOVEN remercie la délégation néo-zélandaise d'être venue de si loin et en si grand nombre répondre aux questions du Comité. Il rappelle que la Nouvelle-Zélande n'est pas un cas unique en tant que pays dont la population autochtone a été supplantée par des colons venus d'ailleurs. Dans d'autres parties du monde, l'Australie, le Canada, l'Amérique latine, des accords semblables au Traité de Waitangi ont été conclus entre la population autochtone et les nouveaux venus. Cela étant dit, M. van Boven a plusieurs questions à poser à la délégation australienne. Il demande tout d'abord quel est le statut du Traité de Waitangi : est-ce un traité interne ? Est-il reconnu dans le droit international ? Il aimerait savoir aussi quelle est la base de l'accord final que la Nouvelle-Zélande veut conclure avec les autochtones et s'il s'agit d'un instrument global qui prend en considération la notion de réparation.

81. M. van Boven demande ensuite quelle est la composition du Tribunal de Waitangi, et si seuls les principaux intéressés peuvent former des recours devant cette instance ou si d'autres parties concernées en ont aussi le droit.

82. M. van Boven aimerait en outre savoir si la Nouvelle-Zélande a l'intention de faire la déclaration prévue à l'article 14, mesure qui permettrait notamment aux Maoris d'adresser des communications au Comité.

83. Rappelant que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a fait remarquer à la Nouvelle-Zélande que les autochtones étaient les groupes les plus touchés par les problèmes qui se posent dans le domaine de l'emploi, de l'éducation, du logement ou de la santé, M. van Boven recommande instamment à la Nouvelle-Zélande d'appliquer pleinement l'article 2 de la Convention qui prévoit que les Etats parties ont l'obligation de prendre des mesures spéciales et concrètes pour assurer comme il convient le développement ou la protection de certains groupes raciaux.

84. M. van Boven aimerait savoir dans quelle optique le Conciliateur pour les relations raciales met l'accent sur la conciliation et la médiation. S'occupe-t-il aussi de l'indemnisation des victimes de discrimination raciale ? Celles-ci, ainsi que d'autres personnes intéressées peuvent-elles s'adresser à lui ? Quelle position le Conciliateur adopte-t-il à l'égard des personnes qui engagent en même temps des procédures judiciaires devant d'autres organes ?

85. Pour terminer, M. van Boven demande d'une part si la Nouvelle-Zélande a l'intention de devenir partie à la Convention No 169 de l'OIT concernant les peuples autochtones et tribaux dans les pays indépendants et d'autre part si le rapport à l'étude sera publié et mis à la disposition des personnes intéressées en Nouvelle-Zélande.


La séance est levée à 18 heures.

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