Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.213
31 mai 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 213ème séance : Nicaragua. 31/05/95.
CRC/C/SR.213. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Neuvième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 213ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 23 mai 1995, à 15 heures.
Présidente : Mme BELEMBAOGO

SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties

Rapport initial du Nicaragua (suite)








__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.


GE.95-16794 (F)
La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 5 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Nicaragua (suite) (CRC/C/R.3/Add.25; CRC/C.8/WP.2, M/CRC/95/1)

1. La PRESIDENTE invite la délégation du Nicaragua à continuer de répondre aux questions qui ont été posées à la séance précédente et qui portaient sur les libertés et les droits civils (par. 12 à 14 de la liste des points à traiter - CRC/C.8/WP.2).

2. M. ROSALES (Nicaragua) tient tout d'abord à répondre à la question posée la veille au sujet de la possibilité d'invoquer la Convention devant les tribunaux nationaux. La Convention faisant partie du droit interne depuis sa ratification, les justiciables ont le droit d'en invoquer les dispositions devant les tribunaux, mais faute d'une culture juridique suffisante, ils ne le font pas. Le gouvernement étudie actuellement la possibilité d'introduire dans la Constitution le principe de la primauté des traités par rapport au droit interne énoncé dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.

3. Mme ARGÜELLO (Nicaragua), répondant à la question No 12 de la liste (CRC/C.8/WP.2), dit que l'enregistrement des naissances et des décès incombe aux autorités municipales, mais que faute de moyens techniques et financiers, cette formalité administrative n'est quasiment jamais assurée dans les communes rurales. En effet, l'habitude de faire enregistrer ses enfants n'est pas encore ancrée dans les mentalités, la plupart des parents n'ont pas les moyens de se rendre dans la localité où se trouvent les registres d'état civil et de plus ils sont passibles d'une amende en cas d'enregistrement avec plus d'une année de retard, ce qui les dissuade de faire la démarche. Les choses devraient s'améliorer avec le renforcement institutionnel prévu des autorités locales et de leur capacité de gérer les statistiques de l'état civil. Par ailleurs, un recensement national a été entrepris, qui permettra de connaître avec précision la composition démographique de la population. Les enfants nicaraguayens nés à l'étranger et rentrés au Nicaragua à la fin de la guerre, entre 1989 et 1991, ont pu être enregistrés par leurs parents dès leur retour, avec l'aide de divers organismes tels que le HCR et la Commission internationale d'appui et de vérification de l'Organisation des Etats américains.

4. Un acte de naissance est effectivement exigé pour inscrire un enfant à l'école mais cette condition ne s'applique en aucune manière à l'enseignement élémentaire et primaire; seul l'enseignement secondaire est visé, les élèves ne pouvant obtenir le diplôme de fin d'études secondaires sans leur acte à cela est que, faute d'un système d'état civil rigoureux, il y a souvent une grande confusion dans les noms portés par les enfants, selon qu'ils ont ou n'ont pas été reconnus par leur père. Pour remédier à cette situation, une procédure notariale gratuite a été mise en place, qui permet de délivrer un acte de naissance à tout citoyen qui en est dépourvu. Pour l'accès aux autres services sociaux de base - santé et logement - l'acte de naissance n'est pas requis mais il est nécessaire pour des services moins essentiels comme le crédit et l'obtention d'un passeport.
5. L'UNICEF dirige actuellement l'exécution d'un projet pilote concernant les enfants de la rue dépourvus d'acte de naissance, qui pourrait déboucher sur des solutions susceptibles d'améliorer l'enregistrement de tous les nationaux.

6. Abordant la question des violences domestiques, Mme Argüello dit que tout enfant victime de mauvais traitements peut déposer une plainte auprès de l'Institut nicaraguayen de la protection sociale (INSSBI) qui procède alors à une enquête. Si les faits dénoncés sont avérés, l'INSSBI saisit le juge, lequel retire l'enfant aux personnes qui en avaient la garde et le confie à un autre membre de sa famille ou, à défaut, à une autre famille.

7. En ce qui concerne l'âge de la responsabilité pénale et de l'attitude de la police à l'égard des enfants, Mme Argüello dit qu'en vertu du Code pénal, les mineurs de 15 ans sont exonérés de la responsabilité pénale. Les mineurs délinquants ne peuvent donc être emprisonnés; la police les conduit au poste et les admoneste simplement, sans aucune brutalité avant de les remettre en liberté. Le Nicaragua ne dispose pas de centre spécial pour accueillir ces mineurs, qui retournent donc à la rue et deviennent récidivistes. Les délinquants âgés de 15 à 18 ans sont jugés et doivent purger la peine à laquelle ils ont été condamnés. Les autorités s'efforcent cependant de ne pas les incarcérer avec des prisonniers adultes de droit commun.

8. Abordant la question de l'exploitation des enfants à des fins pornographiques, Mme Argüello dit que la loi relative à la protection des mineurs interdit d'inciter un mineur à se livrer à des activités pornographiques ou à toute activité préjudiciable à son intégrité physique. Un adulte convaincu d'avoir commis un tel acte est passible d'une peine de prison de un à trois ans. S'il est propriétaire d'un établissement commercial, celui-ci est fermé définitivement. Les moyens d'information rendent compte des cas de violences sexuelles et les mauvais traitements dont sont victimes les enfants afin de sensibiliser la population à ce problème. Toutefois, le gouvernement veille à ce que certains journaux à scandale ne diffusent pas des informations qui pourraient porter atteinte aux droits de ces enfants.

9. Il existe des associations d'enfants, comme l'Association Luis Alfonso Velasquez, qui relève d'une ONG; les enfants présentent leurs doléances au gouvernement, qui les écoute et leur apporte une aide, en fonction de ses moyens.

10. La PRESIDENTE remercie la délégation nicaraguayenne des précisions données sur les mesures envisagées pour remédier aux insuffisances des registres d'état civil et l'invite à répondre aux questions de la liste des points à traiter relatives au milieu familial et à la protection de remplacement, qui se lisent comme suit :
"Milieu familial et protection de remplacement
(Art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9, 10, 27 (par. 4), 20, 21,
11, 19, 39 et 25 de la Convention)

15. Est-il prévu d'élaborer de vastes programmes d'éducation familiale afin de mieux informer la population, en particulier les jeunes, des responsabilités parentales ?
16. Des campagnes destinées à prévenir la violence dans la famille et à protéger les enfants contre les sévices sexuels et les mauvais traitements ont-elles été lancées dans les médias, à l'échelle nationale ?

17. Veuillez indiquer les mesures actuellement prises ou envisagées afin que les viols soient moins nombreux (par. 76 du rapport)."

11. M. MOMBESHORA souhaiterait savoir, à propos de la loi de 1992 sur les pensions alimentaires, si en cas du manquement du père ou de la mère à leurs obligations, l'Etat subvient aux besoins de l'enfant. Il se demande aussi s'il existe des services auxquels peuvent s'adresser les familles qui ont de graves problèmes ou les enfants qui subissent des sévices.

12. M. HAMMARBERG souhaiterait savoir par quels moyens le gouvernement s'assure que les enfants abandonnés recueillis par des centres privés (voir par. 177 du rapport) sont bien traités. Il serait également utile d'avoir des précisions sur les mesures prises pour protéger un enfant contre toute forme de violence pendant qu'il est sous la garde de ses parents (voir art. 19 de la Convention), et de savoir si des recherches sont faites dans ce domaine et s'il existe un réseau de travailleurs sociaux chargés de prévenir de telles violences. La délégation connaît peut-être le nombre d'affaires de violences à l'encontre d'enfants dont ont été saisis les tribunaux ces dernières années ainsi que les mesures prises pour assurer la réadaptation des victimes. M. Hammarberg voudrait également savoir s'il existe une commission présidentielle chargée d'étudier la violence contre les enfants et si un lien a été établi entre cette violence et celle dont sont victimes les femmes, bref s'il existe une stratégie globale de lutte contre ces deux types de violence.

13. Mme KARP demande si, comme c'est souvent le cas, la police hésite à intervenir dans la vie privée des familles où l'on soupçonne que des violences, notamment sexuelles, sont commises et si une stratégie a été mise au point pour combiner les poursuites judiciaires et les activités visant à assurer une prise en charge des victimes et des auteurs de violences. Etant donné que les enfants qui ont subi des sévices sexuels sont davantage exposés à la délinquance, Mme Karp se demande si des mesures sont prises pour mener de front la lutte contre les violences sexuelles et la délinquance. Elle souhaiterait enfin connaître les raisons pour lesquelles il est envisagé de modifier la loi sur la protection de mineurs, la loi régissant les relations entre mère, père et enfant et la loi sur la sécurité sociale (voir par. 115 du rapport).

14. Mme SANTOS PAÍS dit que la lutte contre les violences domestiques ne relève pas seulement du domaine juridique. Il faut en effet créer des conditions qui permettent aux enfants de dénoncer les violences dont ils sont victimes, en toute sécurité, sans craindre d'éventuelles représailles de la part de leurs parents.

15. Compte tenu de diverses caractéristiques de la société nicaraguayenne exposées oralement et par écrit - registres d'état civil très insuffisants, nombre élevé d'avortements clandestins et d'abandons, ainsi que de parents très jeunes et manque de sens des responsabilités parentales - on peut se demander si l'adoption est un mode de placement fréquent, comment il est tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant en cas d'adoption, au Nicaragua ou à l'étranger, et si l'enfant peut donner son avis sur son sort. La question du suivi donne aussi matière à préoccupation car rien ne permet d'avoir la certitude, en l'absence d'un mécanisme de contrôle, qu'un enfant adopté par un couple d'étrangers est bien traité. Le Gouvernement nicaraguayen pourrait envisager de ratifier la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, instrument très utile pour garantir un tel contrôle.

16. M. KOLOSOV souhaiterait savoir dans quel délai le Gouvernement nicaraguayen espère pouvoir donner pleinement effet à l'alinéa b) de l'article 37 de la Convention, aux termes duquel la détention d'un enfant "doit n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible".

17. M. ROSALES (Nicaragua) souhaite tout d'abord répondre à une question concernant les populations autochtones, qui a été posée à la séance précédente. En tant que pays multiethnique, multilinguistique et pluriculturel, le Nicaragua a participé activement aux activités préparatoires à la Décennie internationale des populations autochtones et a créé un Comité national pour cette Décennie. Composé de hauts responsables de l'Etat et de représentants des populations autochtones, ce Comité a pour tâche de mettre en oeuvre le programme d'action pour la Décennie et de formuler des propositions concernant notamment la délimitation des terres appartenant aux autochtones, la santé, l'emploi, l'économie et la sauvegarde des traditions. Le gouvernement est résolu à mettre définitivement un terme à l'oppression séculaire qu'ont subie les communautés autochtones. Celles-ci participent activement à la consolidation de la paix et de la démocratie et certains autochtones occupent d'importantes fonctions, à l'échelle nationale ou au niveau local. M. Rosales espère ainsi avoir apaisé les inquiétudes exprimées par certains membres du Comité à propos de la participation des autochtones à la vie du pays.

18. Mme ARGÜELLO (Nicaragua) ajoute, à ce sujet, que d'après des estimations récentes, sur 113 000 mineurs qui vivent en situation de grande pauvreté, 50 000 appartiennent aux communautés autochtones de la côte Atlantique.

19. En ce qui concerne les mesures prises pour protéger les enfants contre les sévices sexuels et les mauvais traitements, Mme Argüello donne lecture des paragraphes 70, 73, 75 et 76 du rapport initial (CRC/C/3/Add.25). Elle ajoute qu'il y a des raisons de supposer que le nombre de cas de violences sexuelles au sein du foyer est probablement beaucoup plus élevé que le nombre de plaintes enregistrées. En effet, il est fréquent que les jeunes filles concernées se sentent coupables et craignent d'être punies par leur mère ou encore que les mères, elles-mêmes au courant de ce qui se passe, incitent leur fille à se taire pour éviter que le coupable soit condamné et qu'il ne soit donc plus en mesure de subvenir aux besoins de la famille.

20. A la suite de l'enquête mentionnée au paragraphe 77 du rapport, la Commission nationale de promotion et de défense des droits des enfants a lancé une campagne de prévention et de sensibilisation de l'opinion publique sur la question des violences sexuelles commises contre les mineurs, par voie de presse et d'affichage.
21. Les autorités nicaraguayennes estiment par ailleurs que le père est libre de reconnaître ou de ne pas reconnaître un enfant. Il n'existe, par conséquent, aucune loi qui l'y oblige. Si le père ne le reconnaît pas, l'enfant portera le nom de sa mère, qui doit en assumer la charge.

22. Au Nicaragua, les orphelins sont pris en charge par des institutions privées, souvent religieuses, ou publiques. La Commission nationale de promotion et de défense des droits des enfants est en contact permanent avec ces institutions et leur apporte une aide financière ainsi qu'un soutien pédagogique. Toutes ces institutions dispensent en effet un enseignement primaire. Il existe également un centre privé d'enseignement technique, destiné à des jeunes âgés de 10 à 16 ans, qui reçoit des subventions de l'Etat, ainsi qu'un centre national pour enfants abandonnés, situé à Managua. Après une enquête menée par les services sociaux et par la police, les enfants abandonnés sont déclarés adoptables. On recherche tout d'abord des parents adoptifs nicaraguayens, lesquels doivent remplir certaines conditions, notamment en ce qui concerne leur situation de famille et les moyens matériels dont ils disposent. Si l'adoption nationale n'est pas possible, l'enfant peut alors être adopté par des ressortissants étrangers. Le Nicaragua a conclu à cet égard des accords bilatéraux avec un certain nombre d'Etats, notamment, les Etats-Unis, la Suède, la Norvège, l'Espagne et l'Argentine.

23. La PRESIDENTE insiste sur le phénomène des violences familiales qui préoccupe beaucoup le Comité. Il est sans aucun doute nécessaire de mettre au point une stratégie intersectorielle pour lutter contre ce phénomène et de prendre des mesures préventives afin, notamment, de se pencher sur les facteurs économiques qui peuvent favoriser ce type de problème. La Présidente invite les membres du Comité à passer aux questions relatives à la santé et au bien-être en s'inspirant de la liste des points à traiter (CRC/C.8/WP.2), qui se lisent comme suit :
"Santé et bien-être
(Art. 6 (par. 2), 23, 24, 26, 18 (par. 3),
27 (par. 1 à 3) de la Convention)

24. Mme KARP s'inquiète des répercussions d'éventuelles violences sexuelles sur la santé mentale des enfants. Il est en effet important que les enfants victimes de tels agissements sachent que la société réagit de manière adéquate lorsqu'ils se plaignent, pour qu'ils ne soient pas doublement victimes. Mme Karp demande si les tribunaux sont saisis de nombreuses affaires d'inceste ou de violences sexuelles sur un enfant et si des méthodes d'enquête particulières sont utilisées dans ce domaine. Il serait également intéressant de savoir dans quelle mesure les enfants concernés peuvent témoigner en l'absence de leurs parents et s'il est tenu compte de leur témoignage.

25. M. MOMBESHORA rappelant que, selon la délégation nicaraguayenne, le père présumé d'un enfant n'est pas obligé de le reconnaître, demande si, dans le cas où le père n'assume pas ses responsabilités sur le plan alimentaire et où la mère n'est pas en mesure de le faire, l'Etat se charge de subvenir aux besoins de l'enfant. Par ailleurs, quelle sanction le père, qui aurait reconnu ses enfants et qui manquerait à ses obligations alimentaires encourt-il ?

26. En ce qui concerne la santé et le bien-être, des informations détaillées seraient bienvenues sur la stratégie de base destinée à réorienter et à réorganiser le secteur de la santé, dont il est question au paragraphe 192 du rapport.

27. Le Nicaragua semble être dans une situation difficile sur le plan nutritionnel. M. Mombeshora souhaite savoir si des programmes ont été définis pour répondre aux besoins immédiats des groupes les plus défavorisés de la société et si, dans le cadre d'une politique à plus long terme, il est prévu d'élaborer des programmes visant à aider la population agricole à accroître sa production. Dans ce même domaine, il serait intéressant de connaître le rôle joué par les organisations internationales et les institutions spécialisées.

28. Il est indiqué au paragraphe 211 du rapport que l'Etat devra élaborer des programmes en faveur des personnes souffrant de handicaps. M. Mombeshora souhaiterait des précisions sur les types de programmes élaborés dans ce domaine et les aides concrètes destinées aux secteurs de l'enseignement, des soins de santé et de la formation en faveur des enfants souffrant de handicaps. Il souhaite aussi connaître le nombre de personnes infectées par le VIH et le nombre de malades du SIDA, particulièrement parmi les enfants. Quelles mesures les autorités nicaraguayennes ont-elles prises en la matière, notamment dans les domaines de l'information, de la prévention et de la surveillance des opérations de prélèvement et de transfusion de sang ?
29. Mlle MASON demande quel est l'état d'avancement du programme destiné à assurer des soins intégraux aux enfants souffrant de handicaps, évoqué au paragraphe 214 du rapport, et quels résultats le projet pilote décrit au paragraphe 215 a donnés. Elle voudrait aussi savoir si des programmes ont été élaborés en faveur des enfants souffrant de handicaps mentaux.

30. Aux termes du paragraphe 70 du rapport du Nicaragua, "lorsqu'un enfant est victime d'une infraction sexuelle ou que son intégrité est en danger, il peut être soustrait à la cellule familiale dans laquelle les faits présumés se sont produits". Mlle Mason souhaite savoir si des travailleurs sociaux sont chargés d'aider l'enfant victime de tels agissements ou de conseiller la famille, dans quel établissement l'enfant retiré à ses parents est placé et ce qu'il advient de la personne coupable. Le rapport du Nicaragua et les explications de la délégation nicaraguayenne font état de l'existence de centres de placement et de centres nationaux pour l'enfance. Mlle Mason demande des informations plus détaillées quant à la différence entre ces deux types d'établissement et quant aux catégories d'enfants qui y sont placés, toutes précisions nécessaires compte tenu des indications données aux paragraphes 187 et 176 du rapport selon lesquelles "du point de vue de la protection sociale et de la formation, le pays manque presque totalement d'organismes ou de centres adéquats" et "il n'existe malheureusement au Nicaragua aucun centre adapté" pour s'occuper des adolescents séparés de leur famille pour des raisons liées à des comportements délictueux.

31. Enfin, il semble que, à l'heure actuelle, l'Etat n'exerce aucune influence directe, technique ou matérielle, dans les centres de placement privés. Peut-être les autorités nicaraguayennes devraient-elles reconsidérer ce problème de façon que l'Etat assume la surveillance de ces établissements et veille ainsi à ce que l'intérêt supérieur de l'enfant placé soit respecté.

32. Mme BADRAN fait observer que les violences sexuelles au sein de la famille ne sont pas nécessairement liées à la pauvreté. Affirmer le contraire revient à dire qu'il n'est possible de trouver une solution à ce type de problème qu'en luttant contre la pauvreté, ce qui est très difficile dans certains pays. Il faut par conséquent axer les politiques en la matière sur la prévention. Si les enfants ne comprennent pas ce qui leur arrive et ne savent pas comment se défendre, il est impossible de résoudre le problème. Cette question se rattache donc à la liberté d'expression et à l'accès des enfants à l'information, ainsi qu'à leur liberté d'association et de réunion pacifique.

33. Mme KARP demande à partir de quel âge un enfant peut obtenir une assistance médicale sans le consentement des parents. Que se passe-t-il, par exemple, lorsqu'un enfant fait faire le test de dépistage du SIDA et souhaite que les résultats ne soient pas communiqués à ses parents ?

34. M. ROSALES (Nicaragua) dit que les pouvoirs publics ont lancé plusieurs campagnes permanentes de prévention du SIDA, auxquelles des médecins participent. Elles visent plus particulièrement les jeunes et les enfants. La délégation ne dispose pas de statistiques sur les enfants séropositifs ou atteints du SIDA mais, selon le Ministère de la santé, 1 000 personnes seraient contaminées. Ce chiffre est sûrement inférieur à la réalité. Le gouvernement s'efforce d'obtenir l'aide des institutions financières internationales et de l'OMS car le Nicaragua manque de ressources pour lutter efficacement contre le SIDA.

35. Mme ARGÜELLO (Nicaragua) souligne qu'aucune loi n'établit qu'un enfant doit être accompagné d'un adulte lorsqu'il est soumis à un examen médical. L'Etat et diverses organisations non gouvernementales viennent en aide aux handicapés. Ils jouissent ainsi des mêmes droits que les autres enfants, notamment en matière de garde et de pension alimentaire, lorsque leurs parents divorcent. Les Ministères de l'éducation et de la santé, ainsi que l'Association de parents d'enfants handicapés mènent à bien un projet pilote dans le district de Managua qui touche 70 000 habitants, dont 44 % d'enfants de moins de 15 ans. Selon l'OMS, 7 % de la population nicaraguayenne souffrirait de divers handicaps. En outre, l'Etat a fourni gratuitement des cannes à quelque 1 500 aveugles. Il existe également au Nicaragua une manufacture d'allumettes qui emploie pour l'essentiel des aveugles. De même, les invalides de guerre bénéficient d'une aide particulière pour obtenir un emploi.

36. En vertu de la loi sur les pensions alimentaires (Ley de Alimentos) l'Etat dispose de moyens pour obliger les parents divorcés à s'acquitter de leurs obligations alimentaires. Si ce parent est fonctionnaire, l'ordre est donné à l'administration qui l'emploie de retenir 30 % de son salaire et le parent qui a la garde de l'enfant va percevoir cette somme au trésor public. Si le parent débiteur est employé par une entreprise privée, l'autre parent porte plainte devant le juge, qui oblige alors l'entreprise à retenir 30 % du salaire de son employé. Malheureusement, il est parfois impossible de trouver ces parents indélicats, ce qui explique que des enfants sont jetés à la rue.

37. Au Nicaragua, il n'existe pas d'établissement pour les délinquants de moins de 15 ans et la police ne peut que les renvoyer dans leurs foyers ou, pire, à la rue. Les délinquants de plus de 15 ans qui purgent des peines d'emprisonnement sont séparés des délinquants de droit commun. Il est prévu de créer des établissements spéciaux pour ces enfants. En outre des campagnes de lutte contre la violence exercée à l'encontre d'enfants sont menées à la télévision, à la radio, dans les écoles et les communautés, par voie de presse et d'affiches. Il est à noter qu'on ne peut séparer un enfant de sa famille que si son père a abusé de lui. Malheureusement, il arrive que la mère ne porte pas plainte pour ne pas nuire à son conjoint ou à son compagnon.

38. M. HAMMARBERG souhaiterait savoir si l'enfant a besoin de l'autorisation de ses parents pour consulter un médecin, ce qui est important car il arrive que l'enfant victime de violences veuille consulter un médecin. Souvent, c'est la seule personne à qui l'enfant puisse parler librement.

39. Mme ARGÜELLO (Nicaragua) convient que certains enfants extrovertis préfèrent parler seul à seul avec un médecin, mais d'autres ont besoin d'être accompagnés.

40. La PRESIDENTE demande si au Nicaragua, un enfant peut être reçu par un médecin sans que ses parents n'y consentent. Existe-t-il une disposition juridique qui oblige le médecin à le recevoir ?

41. Mme ARGÜELLO répond qu'il n'existe pas de disposition de ce type. Dans les petites villes de province, chacun se connaît et un enfant peut plus facilement consulter un médecin seul à seul. A Managua, la situation est différente et les enfants sont généralement accompagnés d'un adulte.

42. Mlle MASON souhaiterait un complément d'information sur les centres de placement dont il est fait mention dans le rapport, en particulier sur l'autorité qui décide du placement et sur les catégories de mineurs qui y sont accueillies.

43. Mme BADRAN, revenant sur la question des consultations médicales, note que dans certains pays les enfants voient un ami dans le médecin alors que dans d'autres ils le craignent. Peut-être conviendrait-il de donner au personnel médical une formation pour enseigner comment mettre les enfants en confiance.

44. Mme KARP estime que le droit de l'enfant de choisir un médecin peut aller à l'encontre de son propre intérêt. Il incombe aux parents de protéger leur enfant des médecins irresponsables.

45. Mme SANTOS PAÍS souhaiterait savoir si les médecins conseillent les enfants en matière de sexualité. Existe-t-il des barrières culturelles à cet égard ? Par ailleurs, Mme Santos País est aussi étonnée qu'attristée que des mères puissent retirer - comme il a été dit qu'il arrivait parfois - la plainte déposée par un enfant contre le beau-père qui aurait abusé de lui afin de ne pas nuire à ce dernier.

46. M. MOMBESHORA se demande, étant lui-même médecin, comment un médecin pourrait apporter des soins à une mineure enceinte sans en avertir la famille.

47. M. MEJÍA SOLÍS (Nicaragua) considère que la jeunesse est confrontée à des difficultés dues à un manque de ressources et à des lacunes juridiques qui entravent le plein respect des droits de l'enfant. Certes, il y a eu des progrès mais ils restent insuffisants et le gouvernement devrait entreprendre une réforme générale de la Constitution, du système éducatif, de la législation du travail et du système de santé; mais il y faut du temps, des ressources humaines et financières et une meilleure information de la population.

48. Les violences sexuelles et l'inceste dans la famille sont souvent des pratiques nées de la peur ou de la coercition. La ratification et l'application de la Convention ont amorcé un changement. Des mesures ont été prises, des séminaires et des tables rondes organisés, des campagnes d'information lancées pour influer sur les mentalités. Peu à peu, un cadre juridique différent s'instaure. Ainsi, les sévices sexuels ressortissent désormais au droit public et non au droit privé. Le ministère public peut donc engager des poursuites contre les personnes coupables de violences. Les forces de l'ordre sont informées de cette réforme juridique et veillent à son application. Aujourd'hui, l'enfant victime de violences sexuelles peut porter plainte. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine mais il est difficile de combler des lacunes aussi importantes en quelques années.

49. La plupart des centres pour enfants handicapés sont privés. L'Etat détermine les conditions de fonctionnement de ces centres, qui sont tenus de former leur personnel, dans le pays ou à l'étranger, mais ils ont une grande autonomie et l'Etat n'a pas de droit de regard véritable sur leurs activités.

50. La PRESIDENTE invite la délégation du Nicaragua et les membres du Comité à passer aux questions relatives à l'éducation, aux loisirs et aux activités culturelles, ainsi qu'aux mesures spéciales de protection de l'enfance, de la liste des points à traiter (CRC/C.8/WP.2) qui se lisent comme suit :
"Education, loisirs et activités culturelles
(Art. 28, 29 et 31 de la Convention)

Mesures spéciales de protection de l'enfance
(Art. 22, 30 et 32 à 40 de la Convention)

- pour interdire la peine capitale et l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération;

- pour faire en sorte que l'arrestation, la détention ou l'emprisonnement constituent une mesure de dernier ressort, d'une durée aussi brève que possible.

- le nombre d'enfants privés de leur liberté et les raisons de cette privation;

- les règles qui régissent le traitement des jeunes délinquants dans les établissements où ils sont actuellement incarcérés;

- les contrôles dont font l'objet les conditions de détention dans ces établissements;

- les procédures de plaintes éventuellement prévues en cas de mauvais traitements;

- les équipements éducatifs et les services de santé qui existent dans ces établissements;

- les mesures qui sont prises pour assurer la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale des enfants ayant eu affaire à la justice pour mineurs, de manière à préserver leur santé et leur dignité personnelle.

51. M. HAMMARBERG souhaiterait des informations supplémentaires sur les mesures prises en faveur des 150 000 enfants d'âge scolaire qui restent en dehors du secteur éducatif. Il serait utile également d'avoir des précisions sur la discipline scolaire, en particulier dans le cas des enfants à problèmes. Le Gouvernement nicaraguayen envisage-t-il de prendre des mesures pour utiliser la Convention relative aux droits de l'enfant comme véhicule d'enseignement destiné à renforcer les principes énoncés dans la Convention et l'esprit démocratique à l'école ?

52. Mme SANTOS PAÍS demande si le Gouvernement nicaraguayen prévoit des programmes autres que ceux de la distribution de lait et de biscuits à l'école pour encourager la fréquentation scolaire. Elle se dit également très préoccupée par le contenu de la réponse écrite donnée par le Gouvernement nicaraguayen à la question No 29 relative à l'administration de la justice pour mineurs et constate que les dispositions de l'article 37 de la Convention ne semblent pas respectées.

53. M. HAMMARBERG demande si la prostitution des mineurs est interdite sous toutes ses formes au Nicaragua.

54. Mme BADRAN voudrait savoir si le passage automatique d'une classe à l'autre (voir par. 46 du rapport) permet réellement d'éviter l'abandon scolaire et d'améliorer la qualité de l'enseignement.

55. M. MEJÍA SOLÍS (Nicaragua), répondant à la question No 29, dit que l'administration de la justice pour délinquants de moins de 15 ans est régie par la loi sur la protection des mineurs de 1979, son règlement d'application et les amendements qui lui ont été apportés. Toutefois, les dispositions de cette loi ne sont pas appliquées dans la pratique du fait qu'en vertu du décret No 111 de 1979, le Conseil du gouvernement de reconstruction nationale a transféré toutes les fonctions juridictionnelles des instances prévues dans la loi en question aux autorités administratives. Actuellement, c'est la Direction des mineurs et de la famille de l'Institut nicaraguayen de sécurité et de protection sociales (INSSBI) qui est chargée de faire appliquer la loi sur la protection des mineurs mais elle n'a aucun pouvoir de contrainte. Il n'existe pas encore de loi consacrée spécifiquement aux mineurs délinquants de plus de 15 ans et de moins de 21 ans, c'est-à-dire ceux qui sont réputés pénalement responsables. Dans la pratique, seul s'applique l'article 29 du Code pénal en vertu duquel l'âge est une circonstance atténuante, ce qui permet au juge de prononcer une peine minimale si la culpabilité est établie. Les mineurs appréhendés ne restent jamais plus de quelques heures au commissariat de police qui s'efforce de retrouver les parents, les éventuels tuteurs ou renvoie les enfants de la rue dans leur milieu.

56. Passant à la question de l'éducation, Mme Argüello (Nicaragua) dit qu'en 1994, le Ministère de l'éducation, soucieux d'améliorer l'efficacité des services d'enseignement a rationalisé l'affectation des ressources aux divers secteurs. Il a étudié les possibilités de mise en place de mécanismes de recouvrement des coûts et de renforcement de l'autonomie administrative et financière des écoles, perfectionné les systèmes de gestion administrative, revu les mesures d'incitation à l'intention des instituteurs, veillé particulièrement à l'alphabétisation des femmes de 15 à 25 ans et développé l'enseignement préscolaire, institutionnalisé ou non. Le Ministère a aussi élaboré un programme de formation pédagogique par la méthode active de formateur dont 2 400 enseignants des première et deuxième années du primaire ont bénéficié. Ces mesures ont contribué à faire diminuer le taux d'abandon scolaire et de redoublement dans les premières classes de l'enseignement primaire. En outre, on a rénové 237 écoles primaires et 9 établissements d'enseignement secondaire auxquels 198 000 pupitres ont été fournis, ce qui a permis d'améliorer les conditions de vie matérielles des élèves, surtout dans les zones rurales. Afin de stimuler les professeurs et d'améliorer la qualité de l'enseignement, le Ministère a proposé des amendements à la loi sur les enseignants et élaboré un programme de réforme des programmes d'enseignement. Le nombre d'enfants inscrits a augmenté en troisième année de l'enseignement préscolaire, non institutionnalisé, surtout dans les zones rurales et les zones urbaines marginales; il est passé à 28 521 enfants, ce qui signifie que les objectifs fixés ont été atteints à 113 %.

57. Afin de réduire les taux de dénutrition et d'abandon scolaire et d'améliorer la capacité d'études des élèves de l'enseignement primaire, le Ministère de l'éducation a poursuivi en 1994 l'exécution des programmes de distribution de lait et de biscuits à l'école, dont 430 000 et 120 000 enfants respectivement ont bénéficié. Le budget scolaire a été transféré à trois communes décentralisées et est administré par un conseil municipal composé de représentants des autorités civiles et religieuses, de parents et d'entreprises privées.

58. M. ROSALES précise, à propos du passage automatique d'une année à l'autre, que cette mesure vise à contester l'examen en tant que principe pédagogique et non pas à supprimer toute évaluation des élèves. La Convention relative aux droits de l'enfant n'est pas encore enseignée dans les écoles où, pour le moment, des cours d'instruction civique sont dispensés avec un enseignement sommaire des droits de l'homme conçu pour renforcer la culture de la paix au Nicaragua.

59. Mme ARGÜELLO, répondant à la question de la prostitution des enfants, dit que cette pratique est interdite mais qu'il arrive que des mineurs soient exploités à des fins de prostitution par des adultes. La prostitution en elle-même est une infraction pénale punie, dans le cas d'adultes d'un emprisonnement de six ans. Les mineures de 15 ans ne sont pas poursuivies si elles se livrent à la prostitution. Toutefois, il n'existe pas de centres de réadaptation à leur intention.

60. M. HAMMARBERG souhaite savoir si un adulte qui exploite une enfant ou l'incite à la prostitution, même en la payant, est passible d'une peine.

61. M. MEJÍA SOLÍS (Nicaragua) dit que le Code pénal a fait récemment l'objet d'une réforme qui prévoit ce type de délit. Toute personne qui incite un mineur à la prostitution tombe sous le coup de cette loi et est poursuivie. La victime et le ministère public peuvent intenter une action en justice pour faire condamner la personne qui a incité le mineur à commettre un tel acte, que ce soit contre sa volonté ou contre paiement.

62. La PRESIDENTE, résumant brièvement le débat sur ces deux points, insiste sur l'importance de l'enseignement de type classique pour améliorer la situation des enfants, tout en responsabilisant les adultes, et sur la nécessité de compléter la législation pénale relative aux enfants par des mesures sociales qui garantissent une protection réelle des enfants, surtout de ceux en situation difficile. Elle invite les membres du Comité à faire part de leurs remarques, avant de clore l'examen du rapport du Nicaragua.

63. M. KOLOSOV remercie la délégation nicaraguayenne du dialogue constructif qu'elle a engagé avec le Comité. Ce dialogue a toutefois révélé de grandes zones d'ombre dans la protection des droits et de l'intérêt supérieur de l'enfant, raison pour laquelle il importe que le Gouvernement nicaraguayen accorde à chaque article de la Convention une attention plus approfondie et lui assure une application plus complète. M. Kolosov espère que le Nicaragua mettra à profit la Décennie des Nations Unies pour l'enseignement des droits de l'homme pour mettre au point un processus constant de surveillance. Il se dit en outre préoccupé par la situation des enfants de 18 à 21 ans qui ne bénéficient d'aucune protection légale réelle. Il importe également d'accorder une attention plus importante à l'éducation des parents.

64. Mme BADRAN remercie la délégation nicaraguayenne d'avoir répondu avec franchise aux questions posées, sans jamais cacher les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la Convention. La création de nombreuses commissions dont la Commission nationale de promotion et de défense des droits des enfants est certes une bonne chose, mais des efforts devraient être entrepris pour augmenter les ressources allouées au secteur social et éducatif et pour protéger les enfants contre les incidences préjudiciables des politiques structurelles, en ciblant mieux les aides octroyées. La législation dans ces différents domaines devrait également être améliorée. Un certain nombre de sujets de préoccupation demeurent : discrimination à l'égard des filles et des femmes et des groupes les plus pauvres, travail des enfants, lacunes dans l'enregistrement des enfants à la naissance, nécessité de rassembler des statistiques, violences, notamment sexuelles, à l'encontre des enfants dans la famille et à l'extérieur, problèmes liés à l'alimentation des mères et aux grossesses précoces.

65. M. HAMMARBERG salue l'approche constructive dont a fait preuve la délégation nicaraguayenne. Les réponses orales ont permis d'apporter d'importantes informations qui faisaient défaut dans le rapport et d'instaurer ainsi un dialogue fructueux. Il serait tout d'abord nécessaire de renforcer le personnel de santé et d'enseignement, de mieux répartir les attributions entre les différentes institutions chargées des enfants et du suivi des activités entreprises, de s'interroger sur toutes les implications de l'article 3 de la Convention (intérêt supérieur de l'enfant) pour qu'il puisse servir de moteur et inspirer des changements nécessaires. Il serait également bon d'améliorer le système de collecte des statistiques sur les avortements clandestins, le taux de mortalité maternelle, la situation des mères célibataires, la violence domestique, les enfants de la rue, la prostitution des enfants. A cette fin, M. Hammarberg préconise une approche plus cohérente de tous les problèmes de la famille et des problèmes sociaux. Les autorités nicaraguayennes pourraient peut-être publier un document qui tienne compte du rapport, des observations du Comité et des comptes rendus analytiques et serve de base aux débats sur les mesures à prendre. Des cours sur la teneur de la Convention pourraient également être organisés pour encourager le respect de certains principes essentiels.

66. Mme SANTOS PAÍS se félicite de l'attitude franche dont la délégation nicaraguayenne a fait preuve. Elle regrette que l'enfant ne soit pas totalement reconnu comme un sujet de droit dans ce pays. Les mesures prises reflètent une certaine volonté politique du Gouvernement nicaraguayen de protéger l'enfant mais ne sont pas de nature à modifier les conditions dans lesquelles il vit. Mme Santos País engage tout d'abord le Gouvernement nicaraguayen à poursuivre les réformes législatives entreprises compte tenu des principes généraux énoncés dans la Convention et préconise l'adoption de mesures de coordination des activités de tous les organismes qui s'occupent des enfants. Il serait également souhaitable que la Commission nationale de promotion et de défense des droits des enfants établisse un rapport annuel sur la situation des enfants, s'en serve pour lancer un large débat public. Des campagnes de sensibilisation pourraient également être menées pour tenter plus activement d'éliminer la discrimination à l'égard des filles et des femmes et d'entraîner un changement d'attitude. Par ailleurs, il faut accorder une plus grande place aux soins de santé préventifs et à la planification de la famille. D'autres domaines doivent faire l'objet d'une attention particulière de la part du Gouvernement nicaraguayen : l'éducation, l'enregistrement des naissances, la formation des parents en tant que parents responsables, la mise en place d'un système de justice pour mineurs et la formation de spécialistes conforme à la lettre et à l'esprit de la Convention et d'autres instruments des Nations Unies, notamment des Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Ryad). Il serait également bon que le Gouvernement nicaraguayen sollicite de l'OIT une assistance afin de réformer la législation et de mener des campagnes pour lutter contre le travail des enfants dans le secteur non structuré. En conclusion, Mme Santos País, reconnaissant les difficultés que ne peut manquer de connaître un pays qui sort d'une guerre civile, forme des voeux pour que le Nicaragua reconstruise une société nouvelle et démocratique, respectueuse des droits de l'enfant.

67. Mlle MASON dit que le Comité est pleinement conscient des facteurs socio-économiques et historiques qui entravent la réalisation des droits de l'enfant au Nicaragua. Elle veut croire toutefois que la Commission nationale de promotion et de défense des droits des enfants qui vient d'être créée obtiendra des résultats concrets, dont le Comité sera informé lors de l'examen du prochain rapport, lequel devrait contenir des informations complémentaires sur les minorités ethniques. Elle préconise le lancement de projets à court terme permettant de régulariser la situation des enfants qui travaillent. Des programmes d'aide plus actifs que la simple fourniture de cannes aux aveugles et de prothèses aux handicapés devraient être mis en place en faveur des handicapés physiques et des handicapés mentaux. La question des actes de violence perpétrés contre les enfants mérite une attention plus approfondie. Toutes ces mesures permettront aux enfants du Nicaragua d'avoir un avenir meilleur.

68. M. MEJÍA SOLÍS remercie les membres du Comité d'avoir permis à la délégation nicaraguayenne d'avoir un échange très utile. Il reconnaît qu'il reste encore beaucoup à faire au Nicaragua pour améliorer la situation des enfants. La délégation a évoqué les progrès réalisés dans le pays sans rien dissimuler des difficultés. Le Nicaragua a besoin de l'aide internationale et des encouragements et suggestions du Comité des droits de l'enfant. Pour assurer un meilleur suivi des politiques menées au Nicaragua, M. Mejía Solís propose qu'une délégation se rende dans le pays et contribue à l'action menée à Managua. La Convention devrait servir de catalysateur pour changer les mentalités dans son pays, car il est vrai qu'une vraie conscience de l'enfant en tant que sujet de droit n'existe pas encore au Nicaragua, où la tendance est à voir dans l'enfant un être fragile à protéger.

69. La PRESIDENTE remercie la délégation nicaraguayenne de la franchise et de l'esprit d'ouverture dont elle a fait preuve et ne doute pas qu'elle transmettra les recommandations du Comité aux autorités nicaraguayennes compétentes pour que le dialogue instauré avec le Comité puisse être exploité au mieux des intérêts de la population.

70. La délégation nicaraguayenne se retire.
La séance est levée à 18 h 20.

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