Distr.

GENERALE

 

CCPR/C/SR.1159

30 octobre 1992

 

FRANCAIS

Original : ANGLAIS

 

 

 

 

 

 

                              COMITE DES DROITS DE L'HOMME

 

                               Quarante-cinquième session

 

                      COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1159ème SEANCE

 

                         tenue au Palais des Nations, à Genève,

                         le lundi 20 juillet 1992, à 15 heures.

 

                                  Président : M. POCAR

 

 

                                        SOMMAIRE

 

 

     Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à

     l'article 40 du Pacte (suite)

 

          Deuxième rapport périodique du Pérou (suite)

 

 

 

 

                  

 

          Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

 

          Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de

     travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également

     portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une

     semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section

     d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

 

          Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques de la

     présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié

     peu après la clôture de la session.

 

 

     GE.92-16508/8666C (F)


 

     CCPR/C/SR.1159

     page 2

 

 

                            La séance est ouverte à 15 h 15.

 

     EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A

     L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

 

     Deuxième rapport périodique du Pérou (CCPR/C/51/Add.4, 5 et 6) (suite)

 

     1. Le PRESIDENT invite le Comité à poursuivre l'examen des deux additifs

     (CCPR/C/51/Add.5 et 6) au deuxième rapport périodique du Pérou

     (CCPR/C/51/Add.4).

 

     2. Mme HIGGINS sait gré à la délégation péruvienne d'être présente à la

     séance en cours et remercie le Gouvernement péruvien d'avoir présenté des

     rapports complémentaires et d'avoir bien voulu poursuivre le dialogue avec le

     Comité. Il est toutefois essentiel que le débat soit constructif et que ce ne

     soit pas, comme on peut le craindre, un dialogue de sourds. En présentant un

     film vidéo lors de la réunion précédente, la délégation péruvienne avait de

     toute évidence l'intention de sensibiliser les membres du Comité à la

     situation réelle; or aucun de ceux-ci n'ignore cette réalité depuis la

     session précédente. Les membres du Comité sont consternés par la terreur qui

     règne à l'intérieur du pays et par les atrocités commises, en particulier du

     fait du Sentier lumineux. La question qui se pose est de savoir comment

     s'attaquer à cette réalité dans le cadre de la loi, y compris en utilisant les

     dérogations que permet le Pacte, car nul ne nie que la situation est

     suffisamment grave pour justifier quelques dérogations. Cependant, la

     réaction ne doit pas aller jusqu'à exacerber le mépris du droit. Dans les

     deux nouveaux rapports (CCPR/C/51/Add.5 et 6) il n'y a absolument rien qui

     reflète le dialogue engagé lors de la session précédente du Comité ni les

     événements du 5 avril. En fait, le Comité a bien reçu un exemplaire

     du Manifeste à la Nation du 5 avril et un exemplaire du décret-loi No 25418,

     mais il n'est indiqué dans aucun de ces deux documents quels droits ont été

     suspendus. Il semblerait, d'après des remarques que la presse a attribuées au

     Président péruvien, que tous les articles de la Constitution n'aient pas été

     annulés mais, comme l'a fait observer M. Aguilar Urbina, le Comité ignore

     l'ampleur des dérogations aux articles du Pacte. Ce sont là des questions que

     les membres du Comité pouvaient raisonnablement espérer voir abordées dans les

     rapports complémentaires. La lettre que l'ambassadeur du Pérou a adressée au

     Secrétaire général le 12 juin 1992 offrait une autre occasion d'éclaircir la

     situation. Certes, les dérogations aux articles 9, 12, 17 et 21 du Pacte

     y sont mentionnées. Cependant, ces dérogations sont sans rapport avec les

     événements d'avril 1992 puisqu'elles concernent une période antérieure, qui

     s'étend du 26 août 1990 au 28 mars 1992. Il faut espérer que cette situation

     pourra être redressée sans tarder. Pour ce qui est de la Commission des

     droits de l'homme tant attendue, Mme Higgins voudrait être certaine d'avoir

     bien compris que, selon Mme Linarès, il avait été décidé que feraient partie

     de cette commission des représentants du parquet et du Ministère de la

     défense. S'il en est ainsi, Mme Higgins souhaiterait un complément

     d'informations sur les raisons justifiant une composition qui ne manquera pas

     d'influer sur la nature de la commission.


 

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     3. Mme Higgins saisit cette occasion pour rappeler à la délégation

     péruvienne qu'à sa session de printemps le Comité avait demandé au

     Gouvernement péruvien des renseignements sur les communications Nos 203 et 209

     de 1986, qui ne lui sont toujours pas parvenus.

 

     4. M. AGUILAR URBINA remercie la délégation péruvienne de s'être présentée

     devant le Comité et sait gré au Gouvernement péruvien d'avoir soumis

     deux rapports complémentaires. Malheureusement, le premier de ces rapports

     (CCPR/C/51/Add.5) ne répond pratiquement à aucune des questions que le Comité

     a posées à la session précédente; quant au second (CCPR/C/51/Add.6), lui aussi

     extrêmement laconique, il ne contribue en rien à dissiper les appréhensions du

     Comité concernant les événements du 5 avril 1992. Il est extrêmement

     regrettable que rien n'ait été entrepris pour répondre à une demande aussi

     simple que de faire rapport sur les articles du Pacte qui ont été suspendus ou

     auxquels il a été dérogé avec le décret No 25418. Le deuxième rapport

     complémentaire est un maigre document de huit pages, dont les deux premières

     se contentent de reproduire le décret-loi No 25557 ainsi qu'une liste où

     figurent les noms du président et de divers ministres. Les pages 3 à 5 sont

     tout entières occupées par une introduction qui tient plus du manifeste

     politique que d'autre chose. Comme M. Myüllerson l'a fait remarquer, l'effet

     obtenu risque d'être l'inverse de celui qui est recherché. Il semblerait que

     l'on cherche à camoufler la réalité derrière un écran de mots comme

     "démocratie", "nation", "chaos", "terrorisme", "droits de l'homme", etc. Ce

     n'est que deux pages et demie avant la fin que l'on s'efforce de répondre aux

     questions du Comité. Mais même là, une grande partie des informations sont

     inutiles, comme par exemple celles qui concernent l'abolition de l'esclavage,

     ou le rappel du principe selon lequel nul ne peut être emprisonné pour

     dettes. Paragraphe après paragraphe, on évoque les instruments internationaux

     en matière de droits de l'homme qui protègent divers droits mais il n'est

     nulle part dit au Comité comment l'exercice de ces droits peut avoir été

     entravé par les décrets récents. C'est là un point très grave. Si le Comité

     avait eu besoin d'une liste d'instruments, il aurait pu en obtenir une plus

     complète auprès du secrétariat.

 

     5. Abordant des points spécifiques, M. Aguilar Urbina constate que le

     paragraphe 11 du document laisse entendre que certains articles de la

     Constitution restent en vigueur, alors que la situation réelle semble prouver

     exactement le contraire. Comme M. Prado Vallejo l'a fait remarquer, la seule

     façon de qualifier ce qui s'est passé au Pérou le 5 avril est de parler de

     coup d'Etat. En fait, c'est pratiquement ce que reconnaît ce paragraphe.

     En prenant le décret-loi No 25418, l'exécutif s'est arrogé des pouvoirs que

     lui refusait la Constitution, ce qui revenait à rompre un ordre

     constitutionnel que le Président s'était personnellement engagé à maintenir

     lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'Organisation des

     Etats américains (OEA) qui s'est tenue à Nassau le 18 mai. Il est affligeant

     d'assister au renversement d'une démocratie qui faisait l'orgueil de

     l'Amérique latine et qui avait été la première à émerger après les régimes

     dictatoriaux des années 60 et 70. Il est dit au paragraphe 11 que le peuple

     péruvien a appuyé à un très fort pourcentage les mesures adoptées par le

     gouvernement, mais aucune justification n'en est donnée. La démocratie doit

     fonctionner selon des règles très claires et, lorsque celles-ci sont violées,


 

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     page 4

 

 

     elle n'existe plus. Les objectifs du Gouvernement péruvien, tels qu'ils

     ressortent du décret-loi, sont tout à fait dignes de louanges; encore

     doivent-ils être atteints par des méthodes démocratiques. Les actes

     terroristes perpétrés au Pérou sont détestables, et M. Aguilar Urbina les a

     dénoncés à maintes reprises lors de la session précédente; il faut réprimer le

     terrorisme, mais dans un cadre démocratique. Nul n'ignore les objectifs et

     les actes du Mouvement Tupac Amaru et du Sentier lumineux, qui équivalent à un

     génocide, mais, comme on l'a constaté maintes fois en Amérique latine, ce

     n'est pas la terreur d'Etat qui peut vaincre le terrorisme de la révolte, et

     si la corruption, ce fléau de l'Amérique latine, doit être combattue sur tous

     les fronts, ce n'est pas en assumant un pouvoir absolu, lui-même source de

     corruption. C'est là une vérité dont le peuple péruvien a pu se convaincre

     lors des années 70. Ce qui est difficile à accepter, c'est le tableau de

     corruption généralisée qui est donné dans l'introduction au deuxième rapport

     complémentaire (CCPR/C/51/Add.6), où il est dit que tous les secteurs de

     l'Etat sont atteints, sauf l'exécutif. Il est difficile aussi d'admettre que

     l'on puisse à bon droit déplorer, comme au paragraphe 3, que le Congrès

     national a limité les attributions du Président de la République. C'est en

     fait là un élément du processus démocratique - ce que l'on appelle en anglais

     un système de "checks and balances" - qui fonctionne de façon satisfaisante

     dans le cadre de la Constitution des Etats-Unis d'Amérique depuis plus de

     200 ans mais qui n'existe plus au Pérou. Il est également curieux de noter

     qu'au paragraphe 12 du document CCPR/C/51/Add.6, en même temps que l'on

     soutient que la presse jouit au Pérou d'une entière liberté, on affirme que

     cette liberté permet heureusement de connaître les opinions des dirigeants de

     l'opposition - cette opposition même que l'on qualifie par ailleurs de

     corrompue ! S'il est intéressant d'écouter les points de vue de l'opposition,

     pourquoi a-t-il fallu faire un coup d'Etat ? Pour M. Aguilar Urbina, il y a

     aussi une contradiction entre le souci affiché d'encourager une économie de

     marché dans une société stable et sûre - ce qui est, évidemment, un objectif à

     long terme - et les assurances que le Président péruvien a données à Nassau

     que les mesures prises par son gouvernement n'étaient que temporaires.

 

     6. Ce qui préoccupe le plus M. Aguilar Urbina, c'est que le Gouvernement

     péruvien, en admettant, comme il le fait au paragraphe 11, qu'il a usurpé le

     pouvoir, se met dans une situation où, aux termes de ce même article 82 de la

     Constitution invoqué dans ce paragraphe, il doit accepter que toutes les

     décisions prises depuis le 5 avril, y compris la présentation du rapport,

     émanent d'une autorité d'usurpation et sont donc nulles et non avenues. Les

     conséquences en sont effroyables : les forces armées perdent leur légitimité

     et ne sont plus qu'une milice privée, aussi illégitime que ces mêmes bandes de

     terroristes qu'elles ont pour mission de combattre. Le judiciaire est lui

     aussi dépouillé de ses fonctions légitimes, et M. Aguilar Urbina fait observer

     à cet égard que nombre de juges destitués par l'autorité usurpatrice ont

     déposé des recours en amparo, au motif que leur destitution n'est pas légale.

     Bref, le Pérou qui, lors de la session de printemps du Comité, était encore un

     Etat de droit, est devenu depuis le 5 avril un Etat sans droit.

 

     7. En ce qui concerne la mutinerie à la prison Castro Castro évoquée au

     paragraphe 9 du document, et dont il était aussi question dans le film vidéo

     projeté par la délégation péruvienne, il est difficile d'admettre que les

     détenus aient pu s'entraîner et défiler dans la prison comme le montre le

     film, ou qu'ils aient pu imprimer les tracts qu'on les voit distribuer. Ce qui


 

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                                                                    page 5

 

 

     est également troublant dans cette affaire, c'est le nombre de victimes, qui

     semblerait se situer entre 40 et 50. Quelle que soit la gravité des délits

     qu'ils peuvent avoir commis, les détenus ont aussi des droits. Les images

     d'organisations paysannes passant leur temps à fabriquer des armes alors

     qu'elles auraient pu l'utiliser à construire des écoles et des hôpitaux sont

     également attristantes.

 

     8. M. Aguilar Urbina serait reconnaissant à Mme Linares d'apporter des

     éclaircissements sur certains points qu'elle a mentionnés. Elle a évoqué la

     création d'une commission de paix et le décret législatif No 695, qui prévoit

     que les procureurs feront des visites d'inspection dans les établissements de

     sécurité. On peut se demander à quoi servent pareilles visites quand il n'est

     plus fait de distinction entre les procureurs et les forces armées.

     M. Aguilar Urbina souhaiterait aussi des éclaircissements sur ce que

     Mme Linares a dit concernant l'aide qu'ont apportée les Etats-Unis pour

     constituer un registre national des détenus; il avait en effet cru comprendre

     que le Gouvernement américain avait suspendu cette aide en raison du coup

     d'Etat. Selon lui, ce que le Comité souhaite avant tout ce sont des

     informations précises sur le fonctionnement du système péruvien. Le Comité

     désire être utile, mais il ne peut guère y parvenir si son aide ne semble pas

     souhaitée.

 

     9. M. LALLAH sait gré à la délégation péruvienne de s'être présentée devant

     le Comité et espère qu'elle sera en mesure de donner des informations qui,

     selon lui, auraient dû figurer dans les rapports complémentaires. Il semble

     bien qu'à la session de printemps le Pérou ait été prié de soumettre un

     rapport spécial, conformément à l'article 4 du Pacte. Apparemment, ce n'est

     pas du tout ce que le Comité a reçu. La situation au Pérou ne correspond pas à

     ce qui est aux yeux de M. Lallah une situation d'urgence, c'est-à-dire une

     situation soudaine et non pas une situation qui mûrit avec le temps et qui

     amène finalement l'Etat à changer de nature. A en croire le rapport, la

     démocratie aurait été une comédie, qui a pris fin avec le message présidentiel

     du 5 avril (par. 7 du document CCPR/C/51/Add.6). Cela ne semble pas

     correspondre à la description de la situation d'urgence telle qu'elle est

     envisagée à l'article 4 du Pacte, et décrit plutôt un processus amenant le

     chef de l'Etat à prendre une décision pour modifier le mode de gouvernement.

 

     10. L'introduction du document CCPR/C/51/Add.6 laisse à penser que

     d'importants organes du gouvernement, non contents de ne pas s'acquitter

     de leurs fonctions, sapaient l'institution même de la démocratie.

     Au paragraphe 34 du rapport périodique (CCPR/C/51/Add.4), il est dit

     cependant, en ce qui concerne l'article 4 du Pacte, que les causes des états

     d'urgence au Pérou ont été essentiellement les activités de mouvements

     subversifs dans certaines zones du pays, qui mettaient en danger

     l'infrastructure de nombreux services publics, ainsi que des grèves qui

     compromettaient la situation économique et sociale déjà délicate du pays; au

     paragraphe 35, il est signalé que, dans la majorité des cas d'arrêt de

     travail, des solutions avaient été trouvées en appliquant les procédures

     légales ordinaires. Il s'agit évidemment du passé, mais il en ressort, aux

     yeux de M. Lallah, que, de deux choses l'une : ou bien le rapport principal ne

     correspond pas à la réalité ou bien des changements radicaux ont eu lieu

     depuis sa présentation. Pourtant, dans les rapports complémentaires

     (CCPR/C/51/Add.5 et 6), rien n'indique que pareil changement ait eu lieu.


 

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     Comme l'a dit Mme Higgins, il n'apparaît pas qu'il y ait sur cette question un

     débat constructif mais plutôt un dialogue de sourds. Les rapports n'informent

     en rien le Comité de la situation réelle au Pérou, se contentant de présenter

     des textes juridiques. M. Lallah espère que, lorsqu'elle s'efforcera de

     répondre aux nombreuses questions du Comité, la délégation péruvienne

     n'oubliera pas qu'il faut apporter des éclaircissements sur cette situation

     confuse.

 

     11. Mme LINARES ARENAZA (Pérou) dit que, depuis le 5 avril 1992, le

     Gouvernement péruvien, soucieux de montrer combien il tenait à restaurer le

     plus vite possible un système caractérisé par une démocratie authentique

     reposant sur des institutions représentatives, s'est volontairement placé sous

     la juridiction de l'OEA pour mettre en place des mécanismes électoraux. La

     situation actuelle est considérée comme exceptionnelle et temporaire, et rien

     n'est négligé pour y mettre fin.

 

     12. L'état d'urgence proclamé conformément à l'article 231 de la Constitution

     n'a entraîné aucune dérogation aux articles 6, 7, 8 1) et 2), 11, 15, 16 ou 18

     du Pacte.

 

     13. Le Ministère de la justice a entrepris une réorganisation du judiciaire,

     avec l'aide de l'ONU, et des discussions doivent avoir lieu les 23 et

     24 juillet à Bogota. En attendant, même s'il a effectivement connu une brève

     suspension de ses activités après les mesures du 5 avril, le judiciaire

     fonctionne normalement à tous les niveaux; en dépit de la poursuite des actes

     de terrorisme, le parquet serait même plutôt plus actif qu'avant dans la

     défense des droits de l'homme.

 

     14. En ce qui concerne les événements de la prison Castro Castro, Mme Linares

     rappelle qu'une mutinerie avait éclaté à la suite de mesures humanitaires

     prises pour transférer, en présence de représentants du ministère public, des

     prisonnières dans un autre lieu de détention. Deux policiers non armés qui

     sont entrés dans la prison ont été sauvagement assassinés; les combats entre

     les prisonniers et les policiers ont ensuite fait 40 morts et autant de

     blessés. Les policiers n'avaient aucune intention de se livrer à la violence

     ou d'exterminer quiconque, leur seul objectif étant de restaurer l'ordre.

     Mme Linares nie catégoriquement une quelconque participation des forces

     armées. Non seulement le gouvernement cherche à restaurer et à maintenir

     l'ordre dans les lieux de détention mais il étudie d'autres mesures pour

     réduire les tensions. Le décret-loi No 25499 fixe les conditions de remise de

     peine dans les cas d'actes de terrorisme; le décret-loi No 25582 prévoit

     l'exonération de peines au bénéfice des personnes qui fournissent des

     renseignements utiles pendant les enquêtes. De façon plus large, il

     conviendrait aussi de mentionner certaines autres mesures de redressement que

     le gouvernement a prises, notamment en constituant un fonds de compensation et

     de développement, des projets d'éducation et de formation, un programme

     alimentaire national et un plan quinquennal d'action en faveur des enfants.

     Une attention particulière est accordée aux besoins des populations urbaines

     défavorisées.


 

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     15. Pour ce qui est des disparitions forcées, les fonctionnaires reconnus

     coupables de pareils actes seront punis conformément au décret-loi No 25592.

     Un réseau national de registres de détenus, qui seront déposés dans tous les

     commissariats du pays, est en voie d'élaboration; il facilitera la diffusion

     des renseignements auprès des parquets et des organismes chargés des droits de

     l'homme (notamment auprès du Conseil national des droits de l'homme qui

     devrait être reconstitué sous peu sur la base d'une représentativité élargie)

     et permettra d'enquêter rapidement en cas d'allégations de disparitions.

 

     16. Si la délégation péruvienne a jugé bon de montrer un film vidéo, ce n'est

     pas pour frapper les imaginations en présentant une réalité déjà familière aux

     membres du Comité, mais pour illustrer le degré atteint ces derniers mois par

     les activités terroristes. Mme Linares ajoute que certains des documents

     émanaient de sources pas particulièrement favorables au gouvernement.

     Certainement, des excès ont été commis dans la lutte contre le terrorisme,

     mais il convient de signaler que, dans ce cas, les coupables ne jouissent pas

     d'une impunité permanente.

 

     17. Pour conclure, Mme Linares souligne que l'atmosphère de violence

     politique extrême dans le pays n'a pas réussi à saper la détermination des

     responsables, soucieux d'assurer progressivement un retour à la normale sous

     la juridiction de l'OEA, de prendre davantage de responsabilités dans le

     domaine des droits de l'homme et d'assurer la poursuite d'un dialogue

     fructueux entre les partis politiques et d'autres organismes et institutions

     représentatifs des masses en vue de préparer des élections dignes de ce nom.

     Mme Linares prie instamment le Comité de voir la situation actuelle, telle

     qu'elle ressort des dernières informations reçues, dans un contexte plus large.

 

     18. M. AGUILAR URBINA dit que, parmi les nombreuses questions restées sans

     réponse, il en est une qui exige une réponse sans équivoque, à savoir : la

     Constitution péruvienne est-elle encore en vigueur ?

 

     19. Il semblerait qu'en évoquant par deux fois la "juridiction" de l'OEA, la

     représentante du Pérou n'a pas été très précise. Le Président péruvien s'est

     effectivement adressé à l'Organisation et a pris certains engagements d'ordre

     général, mais ce n'est pas la même chose. De plus, ce qui intéresse le Comité,

     dont la plupart des membres ne sont pas originaires de pays de l'OEA, c'est de

     savoir dans quelle mesure le Gouvernement péruvien s'acquitte de ses

     responsabilités aux termes du Pacte.

 

     20. Ce n'est pas la première fois que M. Aguilar Urbina constate, à sa grande

     consternation, que des informations faisant état d'un engrenage terroriste

     effrayant et indéniable ont pour effet d'estomper des données précises sur les

     problèmes réels et sur les moyens employés pour les régler. De toute évidence,

     le judiciaire est profondément touché, mais on ne sait pas exactement comment,

     ni ce qui est fait pour remédier à la situation; M. Aguilar Urbina rappelle sa

     remarque précédente concernant les juges qui avaient eux-mêmes déposé un

     recours en amparo. Dans les circonstances actuelles, l'indépendance du

     judiciaire et en l'occurrence, celle du parquet est-elle assurée ?


 

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     page 8

 

 

     21. En dépit de son attachement personnel au Pérou et à son peuple, dont il

     se sent solidaire dans la situation difficile actuelle, et bien que cela lui

     soit douloureux de le dire, M. Aguilar Urbina tient néanmoins à faire savoir

     que les questions du Comité sont restées sans réponse et que le dialogue tant

     attendu n'a pas eu lieu. Voilà qui augure mal du "dialogue national" annoncé

     au paragraphe 15 du dernier rapport (CCPR/C/51/Add.6).

 

     22. M. PRADO VALLEJO, après avoir félicité la représentante du Pérou d'avoir

     apporté une contribution digne quoique inévitablement restreinte au débat,

     fait observer que ce qui ne peut être qualifié que de coup d'Etat et de mise

     en place d'une dictature a aggravé les difficultés causées par l'irrésolution

     d'un gouvernement qui s'était montré incapable de prévenir les exactions des

     forces armées nationales et de faire respecter les droits de l'homme.

 

     23. Soucieux toutefois de comprendre la situation actuelle plus clairement,

     M. Prado Vallejo souhaiterait savoir, s'agissant de la période qui s'est

     écoulée depuis le 5 avril 1992, combien on compte de prisonniers politiques,

     s'ils peuvent encore invoquer l'habeas corpus, si les disparitions ont été

     plus nombreuses ou moins nombreuses, quelle autorité prévaut dans les zones

     dites "d'urgence", si ces zones sont plus nombreuses ou moins nombreuses, si

     le registre de détenus annoncé prend en compte les personnes détenues par les

     forces armées, lesquelles, c'est bien connu, tardent à fournir des

     renseignements, et combien d'enquêtes judiciaires ont été engagées à la suite

     d'allégations de violations des droits de l'homme ou de disparitions dans le

     cas d'affaires confiées à des tribunaux militaires.

 

     24. Enfin, tout en reconnaissant que l'OEA s'est efforcée de contribuer à

     l'instauration d'un dialogue national, M. Prado Vallejo craint que

     l'entreprise n'ait été condamnée à l'échec, puisque tout ce que l'OEA a obtenu

     c'est sans doute l'abandon du moindre mal que constitue un plébiscite pour une

     promesse d'élections. Quant au reste, il semble que, pratiquement, rien n'ait

     changé dans la situation du Pérou depuis la session précédente du Comité.

 

     25. M. MYULLERSON, après avoir dit qu'il compatissait avec la représentante

     du Pérou, dont le pays se trouve dans une situation certes difficile, ajoute

     qu'il aimerait pourtant des éclaircissements sur les dispositions

     constitutionnelles aux termes desquelles le Parlement a été dissous et le

     fonctionnement du judiciaire suspendu. Quelle est la base juridique de ce qui

     semble à M. Myullerson une dérogation aux dispositions des articles 9, 12

     et 17 du Pacte ? Enfin, comment, en l'absence de lois spécifiques,

     la délégation péruvienne peut-elle soutenir que l'article 8 du

     décret-loi No 25418 doit être interprété en un sens restrictif, quand cet

     article prévoit la suspension de tous les articles de la Constitution et des

     autres lois qui ne sont pas conformes au décret-loi ?

 

     26. Mme LINARES ARENAZA (Pérou) tient à ce qu'il soit bien clair que le

     dialogue national annoncé au paragraphe 15 du dernier rapport aura lieu entre

     le Président et tous les partis politiques ainsi que les organisations et

     organismes représentatifs du peuple péruvien, et pas seulement avec

     des groupes particulièrement favorables aux vues du Président.

     Mme Linares Arenaza ne voit pas pourquoi ce dialogue ne serait pas fructueux

     ni pourquoi l'élection du Congrès constituant démocratique ne devrait pas

     avoir lieu comme prévu.


 

                                                                    CCPR/C/SR.1159

                                                                    page 9

 

 

     27. En réponse à d'autres questions, elle dit qu'il n'y a actuellement pas de

     prisonniers politiques au Pérou et que la liberté d'expression est pleinement

     respectée et exercée; l'habeas corpus est maintenu dans son intégralité; aux

     termes de l'article 231 de la Constitution, les forces armées péruviennes font

     respecter l'ordre dans les zones d'urgence; quant aux tribunaux militaires,

     ils ne se prononcent que dans des affaires intéressant des membres des forces

     armées et de la police. En dépit des circonstances qui prévalent

     actuellement, on n'a pas constaté récemment une augmentation des disparitions

     déclarées et, à ce propos, Mme Linares Arenaza renvoit le Comité aux remarques

     qu'elle a faites précédemment concernant l'élaboration d'un registre national

     des détenus et les enquêtes à la suite d'allégations de disparition.

 

     28. La délégation péruvienne désire sincèrement poursuivre un dialogue

     fructueux avec le Comité et pense que toutes les voies possibles doivent

     rester ouvertes. De plus, le Comité lui-même est en mesure d'apporter une

     aide réelle en veillant à mieux faire respecter les droits de l'homme

     au Pérou; aussi Mme Linares Arenaza prie-t-elle instamment les membres du

     Comité d'utiliser cette possibilité par tous les moyens dont ils disposent.

 

     29. M. HERNDL dit que les renseignements complémentaires fournis par la

     délégation péruvienne ne répondent pas à la décision du Comité en date

     du 10 avril 1992 ni à sa demande spécifique d'informations sur les événements

     postérieurs à la suspension de l'ordre constitutionnel au Pérou. Le Comité

     reste encore en grande partie dans l'ignorance quant aux conséquences

     juridiques des événéments du 5 avril et quant à leur effet sur le

     fonctionnement des institutions démocratiques.

 

     30. Pour sa part, M. Herndl se préoccupe particulièrement des conséquences de

     ces événements du point de vue des dispositions de l'article 6 du Pacte et du

     droit à la vie. Bien que rien n'ait été négligé pour faire comprendre au

     Comité la réalité péruvienne et la situation difficile du gouvernement tant à

     la session en cours qu'à la session précédente, les membres du Comité estiment

     d'un commun accord que la lutte contre le terrorisme ne peut excuser le

     non-respect des dispositions du Pacte, en particulier celles auxquelles il

     n'est pas permis de déroger. Les bruits de disparitions, de tortures et

     d'exécutions extrajudiciaires commises par les forces de sécurité depuis

     le 5 avril sont donc particulièrement alarmants, et ce n'est certainement pas

     le passage laconique du paragraphe 23 du document CCPR/C/51/Add.6, selon

     lequel le droit à la vie est proclamé dans la Constitution et respecté "dès la

     conception", qui les démentira.

 

     31. La formation de la police et des forces armées en matière de droits de

     l'homme est aussi une question importante. Il est dit dans le deuxième rapport

     périodique que les forces de police font l'objet d'une formation en ce qui

     concerne les normes nationales et internationales du droit à la vie et à

     l'intégrité physique de toutes les personnes détenues (CCPR/C/51/Add.4,

     par. 38); il ressort d'autre part des renseignements complémentaires que le

     Pérou a fournis que, selon le décret législatif No 752, des programmes de

     formation seraient mis au point pour que "les membres des forces armées soient

     qualifiés pour préserver la sécurité nationale, assurer la défense des droits

     de l'homme et contribuer au développement national" (CCPR/C/51/Add.5,

     par. 11). Quand le décret législatif No 752 a-t-il été adopté ? Toujours selon


 

     CCPR/C/SR.1159

     page 10

 

 

     ce même rapport (par. 12), le Ministère de la défense mettrait en place des

     services de formation en matière de droits de l'homme dans toutes les régions

     militaires pour les officiers et sous-officiers. M. Herndl aimerait en savoir

     davantage sur ces programmes de formation. De plus, il semble que ce soient

     les nouveaux services de formation en matière de droits de l'homme que l'on

     ait chargés d'examiner les allégations de violation des droits de l'homme par

     les forces armées et d'engager des poursuites contre les auteurs présumés de

     ces violations. Cela veut sans doute dire que ces services constituent un

     nouveau moyen de recours en cas d'allégations de violations des droits de

     l'homme. M. Herndl voudrait donc savoir de quel droit les services de

     formation en matière de droits de l'homme sont habilités à procéder à des

     enquêtes et à des inculpations, et si les procès des inculpés se déroulent

     conformément au Code pénal et au Code de procédure pénale. Les militaires

     accusés de violations des droits de l'homme ne relèvent-ils plus du système de

     justice militaire ?

 

     32. La question suivante porte sur la responsabilité pénale des mineurs.

     Selon le rapport initial du Pérou (CCPR/C/6/Add.9) et un des addififs au

     deuxième rapport périodique (CCPR/C/51/Add.5, par. 19), les personnes âgées de

     moins de 18 ans ne sont pas pénalement responsables et ne sont pas passibles

     de peines. Cependant, le paragraphe 4 c) du même additif mentionne des

     tribunaux pour mineurs. Quelles sont les charges des tribunaux pour mineurs,

     et quels sont les inculpés qui y comparaissent ?

 

     33. La dernière question de M. Herndl a trait à l'article 27 du Pacte,

     c'est-à-dire aux droits des minorités. A la session précédente, il avait noté

     avec plaisir que le Gouvernement péruvien s'évertuait à garantir l'autonomie

     des communautés autochtones. Cependant, les nouveaux renseignements fournis au

     Comité lors de la session en cours font état "d'organisations paysannes", qui

     n'ont sûrement rien à voir avec les droits des minorités. Le gouvernement a

     déclaré que les objectifs de ces organisations étaient la défense des terres

     et la coopération avec les autorités en cas de situations illégales

     (CCPR/C/51/Add.5, par. 28). Aux yeux de M. Herndl, il s'agit là d'une

     évolution extrêmement dangereuse. Aussi aimerait-il en savoir davantage sur

     les activités des organisations en question et sur la façon dont le

     gouvernement les contrôle.

 

     34. M. AGUILAR URBINA dit qu'il n'a toujours pas reçu de réponse à ses

     questions sur le statut actuel de la Constitution péruvienne et sur l'autorité

     fondant l'action du gouvernement actuel. On a cité de nombreux droits garantis

     par la Constitution, notamment le droit à la vie (CCPR/C/51/Add.6, par. 23),

     mais ces garanties sont sans valeur si la Constitution n'est pas en vigueur.

     Certains droits prévus par la Constitution ont-ils été suspendus et, dans

     ce cas, lesquels ? Les renseignements que M. Aguilar Urbina a obtenus

     d'organisations non gouvernementales font état d'une campagne d'attaques, de

     sabotages et d'exécutions de la part des groupes d'opposition armée comme

     le Sentier lumineux et le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, mais aussi

     d'exécutions extrajudiciaires par les forces de sécurité. M. Aguilar Urbina a

     aussi entendu parler d'une directive de juin 1991 autorisant les forces armées

     à tuer les gens et à se débarrasser des corps sous le prétexte "qu'un bon

     insurgé est un insurgé mort". Il faut vraiment que le Comité soit mieux

     informé de la situation.


 

                                                                    CCPR/C/SR.1159

                                                                    page 11

 

 

     35. Les groupes de légitime défense comme les organisations paysannes sont

     répandus dans toute l'Amérique latine, mais il n'est pas fréquent que l'Etat

     agrée leurs activités (voir CCPR/C/51/Add.5, par. 28). Cela signifie-t-il que

     les organisations paysannes sont instituées par l'Etat et que c'est ce dernier

     qui doit répondre des abus et atrocités dont elles se seraient rendus

     coupables ? Probablement, leur but n'est pas de mettre fin aux "situations

     illégales" mais d'en punir les responsables. D'après le film vidéo que le

     Comité a vu à la réunion précédente, il semble que les organisations paysannes

     s'occupent en particulier de fabriquer des armes.

 

     36. Mlle CHANET constate que la représentante du Pérou n'a jamais répondu aux

     questions du Comité sur le statut actuel de la Constitution et la base

     juridique des décrets-lois qui font l'objet du débat en cours. Le Comité a

     donc été réduit aux déductions suivantes : le Congrès national a été dissous

     donc il semblerait que certains au moins des articles de la Constitution ont

     été suspendus; d'autre part, la délégation péruvienne s'est présentée devant

     le Comité, ce qui signifie probablement que le Pérou se considère toujours

     comme partie au Pacte. Mlle Chanet ne comprend pas que la délégation

     péruvienne n'explique pas exactement quelle est la situation.

 

     37. S'agissant de l'article 6 du Pacte (sur le droit à la vie), Mlle Chanet

     demande ce qu'il est advenu des huit personnes que les militaires ont arrêtées

     le 27 avril 1992 et qui ont depuis disparu sans laisser de trace. Cette

     affaire a-t-elle fait l'objet d'une enquête ? Les familles ont voulu présenter

     des recours en habeas corpus mais on leur a dit que c'était impossible, le

     judiciaire ayant été temporairement suspendu après les événements du 5 avril.

     Cependant, la représentante du Pérou a dit que l'habeas corpus est toujours

     resté en vigueur. Etait-il en vigueur le 27 avril ou non ? Selon le

     décret-loi No 22592, les "forces de l'ordre" ne peuvent plus impunément faire

     disparaître les gens et une peine de "privation de liberté" peut être imposée.

     Lesdites "forces de l'ordre" comprennent-elles aussi les militaires, et en

     quoi consiste exatement la "privation de liberté" ?

 

     38. Selon la représentante du Pérou, il n'y a pas de prisonniers politiques

     au Pérou. Cependant, lors des événements du 5 avril et immédiatement après,

     une cinquantaine de personnes, dont des journalistes et d'anciens ministres du

     gouvernement de M. Alan García Pérez, ont été arrêtées, même s'il est vrai

     qu'elles ont ensuite été relâchées. Sur quelle base juridique ont-elles été

     détenues ?

 

     39. Mme HIGGINS dit que le Comité doit être informé de toute suspension de

     l'habeas corpus, même temporaire. Aux termes du Pacte, il ne saurait être

     dérogé à l'habeas corpus, qui ne peut être suspendu en aucun cas.

 

     40. En relation avec l'article 25 du Pacte, Mme Higgins demande si tous les

     partis politiques pourront participer aux élections au Congrès constituant

     démocratique qui doit se réunir le 22 novembre 1992. Il semble à Mme Higgins

     que, le 5 avril, l'un des objectifs principaux du Président était de gêner les

     activités de partis d'opposition comme l'aile politique du Sentier lumineux et

     l'Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA), le parti de l'ancien

     président García.


 

     CCPR/C/SR.1159

     page 12

 

 

     41. M. PRADO VALLEJO souhaite savoir si M. García Perez, qui a demandé asile

     à Bogota (Colombie), sera autorisé a revenir pour participer aux élections.

     Il ressort en effet du dernier rapport péruvien (CCPR/C/51/Add.6, par. 28)

     qu'"est nul et punissable tout acte visant à empêcher ou à limiter la

     participation d'un citoyen à la vie politique de la nation". Sans doute les

     mesures prises par le Président le 5 avril pour suspendre les activités du

     Congrès national et du Parlement entrent-elles dans cette catégorie.

 

     42. M. AGUILAR URBINA note qu'il est dit dans ce même rapport (par. 11) que

     nul n'est persécuté pour ses opinions politiques au Pérou. Cependant, le

     gouvernement a reconnu que des membres de partis d'opposition avaient été

     assignés à résidence ou détenus sur leurs lieux de travail. Il y a donc à

     l'évidence contradiction entre ces déclarations. Il ressort aussi du rapport

     que tous ceux qui ont quitté le Pérou l'ont fait de leur propre gré. Pourtant,

     il était difficile d'imaginer, en voyant les images de M. García Perez

     arrivant à Bogota sous escorte militaire colombienne, qu'il exerçait librement

     son droit de quitter son pays. Selon une chaîne de télévision péruvienne, les

     forces de sécurité sont entrées chez M. García en tirant des rafales, qui ont

     laissé des traces de balles dans le mur. Elles avaient de toute évidence

     l'intention d'aller plus loin que de l'arrêter, et on se demande pourquoi

     elles ont décidé de l'arrêter au juste. Si ces hommes n'agissaient sur ordre

     du Président, quel était le fondement juridique de leurs actes ?

 

     43. Dans le fil de la question de Mme Higgins sur l'habeas corpus,

     M. Aguilar Urbina s'interroge une fois de plus sur les recours en amparo que

     les juges ont déposés après les événements du 5 avril mais que l'exécutif

     a rejetés. Il est précisé dans le dernier rapport (CCPR/C/51/Add.6, par. 28)

     que les citoyens ont le droit de prendre part à la vie politique. Cependant,

     en prenant le pouvoir le 5 avril et en invoquant pour se justifier la

     corruption dans les partis d'opposition et les manoeuvres visant à ruiner

     l'économie, le président Fujimori a en fait cherché à entraver les activités

     de l'opposition. M. Aguilar Urbina voudrait en savoir davantage sur la

     situation actuelle des partis d'opposition et sur le Congrès constituant

     démocratique annoncé. Ce congrès garantira-t-il le droit des citoyens à

     prendre part à la direction des affaires publiques conformément à l'article 25

     du Pacte ? M. García Perez aura-t-il le droit de participer aux élections au

     Congrès sur un pied d'égalité avec les autres candidats ?

 

     44. Mme LINARES ARENAZA (Pérou), répondant à la question de M. Herndl sur la

     formation de la police et des forces armées en matière de droits de l'homme,

     dit que la loi pertinente (décret-loi No 752) a été promulguée par l'exécutif

     en vertu des pouvoirs que lui a confiés le Congrès. La procédure judiciaire

     suivie par le Ministère de la défense et les services de formation en matière

     de droits de l'homme (voir document CCPR/C/51/Add.5, par. 12) est une

     procédure d'enquête interne où le parquet a son mot à dire.

 

     45. Les organisations paysannes sont des associations pacifiques placées sous

     la supervision des pouvoirs publics. L'armée ne leur fournit pas d'armes;

     ce sont elles qui fabriquent leurs propres armes, bien que cela prenne un

     temps que les paysans préféreraient consacrer aux travaux de la terre.

     Malheureusement, l'existence de ces organisations est indispensable à l'heure

     actuelle.


 

                                                                    CCPR/C/SR.1159

                                                                    page 13

 

 

     46. M. Herndl a également posé des questions sur les tribunaux pour mineurs.

     Les délinquants de moins de 18 ans ne sont pas incarcérés, mais envoyés dans

     des établissements spécialisés où ils sont encadrés plutôt que punis.

     Il n'y a donc pas de tribunaux pour mineurs.

 

     47. En réponse aux observations de M. Aguilar Urbina, Mme Linares Arenaza

     peut seulement dire qu'en vertu du décret-loi No 25418, le Gouvernement

     péruvien est tenu de s'acquitter de toutes ses obligations aux termes des

     traités internationaux, y compris du Pacte. La directive autorisant l'armée

     à tuer, à laquelle M. Aguilar Urbina a fait référence, n'a jamais eu un

     caractère officiel, mais est l'ouvrage d'un officier isolé, sanctionné depuis.

 

     48. Les membres du Comité ont demandé quel était le statut actuel de la

     Constitution. Selon le décret-loi No 25418, la Constitution reste en vigueur,

     bien que certaines de ses dispositions aient été suspendues à titre

     provisoire. Toutefois, cette suspension ne touche aucune des dispositions

     relatives à des articles du Pacte auxquels les rapports complémentaires se

     réfèrent.

 

     49. Mlle Chanet a fait état du décret-loi No 25592 relatif aux sanctions

     encourues par les fonctionnaires responsables de disparitions. La peine

     maximale pour ces délits est de 15 ans de prison. Sur l'initiative du

     gouvernement, un registre national a été constitué pour accélérer les

     poursuites engagées contre les responsables de disparitions.

 

     50. Mlle Chanet a aussi évoqué le recours en habeas corpus. L'habeas corpus

     a toujours été en vigueur, en dépit de la suspension du judiciaire. Aussi, la

     seule possibilité que conçoive Mme Linares Arenaza est que les personnes

     mentionnées par Mlle Chanet n'aient pu présenter un recours en habeas corpus

     dans les délais prescrits ou qu'elles se soient heurtées à un autre problème

     technique.

 

     51. Tous les partis politiques et toutes les institutions ou organisations

     représentatives du Pérou qui le souhaitent pourront participer au dialogue qui

     débouchera sur les élections au nouveau Congrès constituant démocratique.

     En ce qui concerne la question de savoir si l'ancien président péruvien,

     M. García, pourra revenir au Pérou quand il le voudra, conformément au droit

     qui est le sien en vertu du Pacte, la réponse est affirmative. M. García n'a

     pas été obligé à quitter le pays, mais s'est exilé de son plein gré.

     Contrairement à ce qui a été dit sur son arrivée sous bonne garde, dans un

     autre pays, c'est muni de toutes les garanties qu'il a quitté le Pérou

     accompagné de son avocat, lequel a pu, lui aussi, sortir du pays sans entrave

     et peut y retourner à tout moment. L'ancien Président pourra revenir dans le

     pays quand il le souhaitera et participer au dialogue sur la tenue des

     élections au même titre que tout autre citoyen appartenant à n'importe quel

     autre parti politique.

 

     52. En dehors du dialogue engagé en vue des élections au Congrès constituant

     démocratique, une commission de haut niveau étudie, à l'heure actuelle,

     diverses propositions d'amélioration de la Constitution. Quand le Congrès

     constituant démocratique aura été élu, il aura pleins pouvoirs pour enquêter

     sur les mesures prises par le gouvernement depuis le 5 avril 1992. Voilà qui

     illustre bien comment le gouvernement a l'intention de s'acquitter de ses

     engagements auprès de l'OEA.


 

     CCPR/C/SR.1159

     page 14

 

 

     53. En réponse à la question sur l'assignation à résidence,

     Mme Linares Arenaza dit qu'il faut y voir une mesure de sécurité dont

     l'objectif immédiat était d'empêcher le Sentier lumineux ou le Mouvement

     Tupac Amaru de profiter de la situation en suscitant des affrontements qui

     auraient pu dégénérer en agitation incontrôlable.

 

     54. Mme Linares Arenaza répète que le gouvernement entend revenir promptement

     à la constitutionnalité par le biais du Congrès constituant démocratique, qui

     sera doté de pouvoirs législatifs et qui sera aussi habilité à enquêter sur

     les activités du gouvernement national actuel depuis le 5 avril 1992.

 

     55. M. AGUILAR URBINA constate qu'il a été dit au Comité que la Constitution

     était toujours en vigueur, mais que, à titre exceptionnel, certaines

     dispositions en avaient été temporairement suspendues. Il aimerait savoir de

     quelles dispositions il s'agit. Le fait qu'une commission de haut niveau a

     été constituée pour étudier les amendements proposés à la Constitution est

     intéressant. Cette commission n'est pas mentionnée dans l'additif au rapport,

     et M. Aguilar Urbina serait curieux de savoir qui l'a nommée et quels sont ses

     pouvoirs. Il semblerait que la tâche de réformer la Constitution revienne au

     législatif. M. Aguilar Urbina demande si le décret-loi No 25592 a été

     promulgué avant le 5 avril, en vertu de pouvoirs délégués par le Congrès

     national. Il souhaite aussi savoir si les procédures applicables aux forces

     armées sont d'ordre administratif ou juridique, ou si c'est un hybride

     des deux.

 

     56. Les renseignements fournis sur les assignations à domicile et détentions

     qui ont été prononcées après le 5 avril semblent correspondre à ce qui est dit

     au paragraphe 10 de l'additif au deuxième rapport périodique

     (CCPR/C/51/Add.6). Ce paragraphe, qui concerne les mesures de sécurité

     transitoires prises en vertu de l'état d'urgence afin d'éviter des troubles

     graves et une situation dont pourraient profiter le Sentier lumineux et le

     Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, laisse entendre qu'il y avait un lien

     entre les groupes terroristes et des dirigeants politiques occupant des

     charges importantes dans les organes législatifs et judiciaires, ce qui serait

     très grave. La représentante du Pérou a dit aussi que l'habeas corpus n'avait

     jamais été suspendu, mais qu'il était possible qu'à certaines occasions des

     personnes n'aient pu l'invoquer. M. Aguilar Urbina n'ignore pas que l'ancien

     président García, par exemple, a essayé de recourir à ce droit. Aussi

     aimerait-il savoir quelle différence il y a entre la suspension de

     l'habeas corpus et l'impossibilité d'y recourir.

 

     57. M. MYULLERSON remarque que le Comité a entendu dire, en réponse à ses

     questions, que la liberté des personnes assignées à résidence ou détenues dans

     des locaux militaires ou des commissariats avait été restreinte en raison des

     risques d'actions du Mouvement Tupac Amaru ou du Sentier lumineux. Toutefois,

     le Comité a aussi appris que, parmi les détenus, il se trouvait des

     parlementaires, des juristes, des syndicalistes, des journalistes et un juge

     de la Cour suprême. M. Myullerson est surpris du lien qui est établi entre

     l'assignation à résidence et la détention de ces personnes et le risque

     d'actions terroristes.


 

                                                                    CCPR/C/SR.1159

                                                                    page 15

 

 

     58. Mlle CHANET s'associe à la question posée par M. Aguilar Urbina. Il est

     important que le Comité sache à quelle date le décret législatif relatif au

     registre des plaintes concernant des disparitions a été promulgué et quelles

     sanctions ont été prononcées contre les fonctionnaires responsables de ces

     disparitions. Le numéro du décret indique qu'il suivait la dissolution du

     Congrès national. Il est donc difficile de comprendre comment le Congrès

     aurait pu l'autoriser. La peine proposée de 15 ans de prison s'applique,

     dit-on, aux membres des forces de sécurité, mais on ne sait pas exactement si

     les militaires sont également passibles de cette sanction.

 

     59. M. PRADO VALLEJO dit que, selon un rapport dont il dispose, c'est

     l'ensemble du système judiciaire, les tribunaux et le parquet qui ont cessé de

     fonctionner avec les événements du 5 avril 1992. Le 23 janvier 1992, le Pérou

     et les Etats-Unis avaient signé un accord aux termes duquel les Etats-Unis

     s'engageaient à financer l'élaboration d'un registre des détenus, le

     gouvernement s'engageant à réclamer aux forces armées des renseignements sur

     les personnes détenues dans les casernes et autres lieux. Toutefois, les

     Etats-Unis ont retiré leur offre d'assistance après le coup d'état, l'accord

     n'est pas entré en vigueur et l'établissement du registre n'a plus été à

     l'ordre du jour. La situation est donc devenue très grave pour les familles

     des disparus. M. Prado Vallejo demande comment, depuis, le gouvernement a

     compensé le retrait de l'aide américaine et comment il a réagi au rapport du

     Groupe de travail de l'ONU sur les disparitions forcées ou involontaires, qui

     laisse entendre que l'impunité virtuelle dont jouissent les forces de sécurité

     en matière de droits de l'homme pourrait être grandement réduite si l'on

     disposait d'un judiciaire efficace et indépendant, capable d'enquêter

     rapidement en cas de plaintes et de protéger les droits de l'homme. Le Groupe

     de travail a rappelé que les tribunaux militaires ne devaient connaître que

     des délits commis par les forces de sécurité, à l'exclusion des violations

     graves des droits de l'homme comme les disparitions forcées.

 

     60. Mme LINARES ARENAZA (Pérou) dit qu'en vertu du décret-loi No 25592, un

     registre des plaintes en matière de disparitions a été mis sur pied. Il ne

     faut pas le confondre avec le registre des détenus, qui est tenu par le

     parquet. Ce dernier registre ne bénéficie pas à l'heure actuelle d'une

     assistance financière américaine mais il fonctionne encore sur des fonds

     inscrits au budget de l'exécutif. Dans ce cadre, une liaison radio est

     établie entre les parquets de tout le pays.

 

     61. Mme Linarès Arenaza répète que les tribunaux militaires ne jugent pas les

     civils. Il y a eu des excès dans un nombre limité de cas, mais le Président a

     assuré le pays, dans un discours récent qu'il a tenu à Ayacucho, que pareils

     incidents ne se reproduiraient plus.

 

     62. Il semble qu'il y ait quelque confusion au sein du Comité en ce qui

     concerne l'assignation à domicile de membres de partis politiques. Ces

     mesures ont été prises pour des raisons de sécurité, non pas parce que les

     intéressés pouvaient appartenir à des groupes terroristes mais parce que ces

     groupes risquaient de profiter de la situation pour susciter des troubles

     incontrôlables. La commission de haut niveau dont Mme Linarès Arenaza a fait

     état sera chargée de recevoir les propositions d'amendement à la Constitution

     émanant de partis politiques et de groupes indépendants. Son rôle principal


 

     CCPR/C/SR.1159

     page 16

 

 

     sera de recevoir et d'évaluer ces propositions avant de les transmettre au

     nouveau Congrès constituant. Les procédures suivies dans les bureaux du

     Ministère de la défense sont des étapes administratives, qui aboutissent à un

     jugement prononcé par un judiciaire.

 

     63. Mme SILVA Y SILVA (Pérou) dit que pour que les forces armées ne soient

     pas exemptes des poursuites évoquées par M. Prado Vallejo, le gouvernement a

     fait de la responsabilité en cas de disparitions forcées un délit, pour lequel

     des poursuites peuvent être engagées non seulement contre des fonctionnaires

     mais aussi contre des membres des services de sécurité. Au Pérou, les

     services de sécurité comprennent les forces armées et la police. Ce délit

     peut entraîner une peine maximale d'emprisonnement de 15 ans. Cette mesure

     a été prise après la dissolution du Congrès national aux termes du

     décret-loi No 25592 en date du 26 juin 1992.

 

     64. M. AGUILAR URBINA pense qu'il est clair que la combinaison du registre

     des disparitions établi par le décret-loi adopté très récemment et du registre

     des détenus qui devait être financé avec l'aide américaine ne fonctionne pas

     encore efficacement. Il se félicite que l'on ait admis que les tribunaux

     militaires avaient commis des excès et que des garanties aient été données

     pour que cela ne se reproduise plus. A ses yeux, les deux explications

     données pour justifier l'assignation à domicile de parlementaires ne sont

     guère convaincantes. Il aimerait davantage de renseignements sur la

     commission de haut niveau qui sera constituée pour étudier les propositions

     d'amendements à la Constitution. Les renseignements dont on dispose sur les

     activités du Ministère de la défense semblent indiquer qu'en fait des

     personnes y sont détenues.

 

     65. Mme HIGGINS dit qu'elle possède un exemplaire du décret-loi No 25592 et

     qu'elle croit savoir que c'est le même que celui de la délégation péruvienne.

     Le nouveau code pénal approuvé en avril 1991 a introduit le délit qui consiste

     à causer une disparition. Cette disposition a été renforcée par le décret-loi

     de l'exécutif et a été étendue à toute personne coupable de tels délits,

     y compris au personnel militaire; une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans

     d'emprisonnement a été prévue. Le décret-loi en question contient aussi des

     dispositions sur l'obligation de fournir des renseignements et sur

     l'enregistrement de plaintes intéressant le registre.

 

     66. Mme LINARES ARENAZA (Pérou) dit que la Commission de haut niveau a été

     nommée par le Président et qu'elle sera chargée de recevoir et évaluer les

     propositions d'amélioration de la Constitution émanant non seulement de partis

     politiques mais aussi de tous les organismes et institutions représentatifs du

     pays. Ces suggestions seront soumises au nouveau Congrès constituant

     démocratique, et c'est ce dernier, et non pas la Commission, qui statuera.

 

     67. Les dispositions relatives au registre des plaintes en matière de

     disparitions prévoient notamment une peine d'emprisonnement jsuqu'à 15 ans

     pour les fonctionnaires coupables d'actes facilitant la disparition de

     personnes. La raison d'être du registre des détenus est, d'autre part,

     d'accélérer l'enquête publique en cas de plaintes relatives à des

     disparitions. Un des articles du nouveau décret-loi offre une nouvelle

     garantie d'enquête publique à la suite de plaintes relatives à des

     disparitions : les fonctionnaires sont tenus de fournir des informations


 

                                                                    CCPR/C/SR.1159

                                                                    page 17

 

 

     au procureur régional, lequel les transmet au parquet, qui est à son tour prié

     d'établir un rapport mensuel sur toutes les disparitions dans les différents

     distritos fiscales du pays pour examen par le Conseil national des droits de

     l'homme près le Ministère de la justice.

 

     68. Le PRESIDENT rappelle aux membres du Comité que leurs observations de

     conclusion, qu'ils doivent faire à la séance suivante, doivent avoir trait non

     seulement aux rapports complémentaires du Pérou (CCPR/C/51/Add.5 et 6), mais

     aussi au deuxième rapport périodique principal (CCPR/C/51/Add.4) examiné à la

     session de printemps du Comité.

 

La séance est levée à l8 h 5.



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