Distr.

GENERALE

E/C.12/1995/SR.11
11 mai 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 11ème seance : Philippines. 11/05/95.
E/C.12/1995/SR.11. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


Douzième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 11ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le lundi 8 mai 1995, à 10 heures


Président : M. ALSTON


SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Philippines


La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 a) de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial des Philippines concernant les droits visés aux articles 10 à 12 du Pacte (E/1986/3/Add.17; E/C.12/1994/WP.21)

1. Sur l'invitation du Président, Mme Bautista, M. Soliman, Mme Mallare, M. Balao, Mme Lacanlalay et Mme Remedios Panlilio (Philippines) prennent place à la table du Comité.

2. Le PRESIDENT rappelle que le Comité a reçu par le passé des renseignements concernant en particulier les questions de logement aux Philippines, ce qui l'a amené à demander un rapport sur l'application des articles correspondants du Pacte. Le Comité remercie le Gouvernement philippin d'avoir répondu rapidement à cette demande.

3. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que le rapport des Philippines (E/1986/3/Add.17) est le résultat des efforts conjoints faits par 20 organismes relevant du Gouvernement philippin, dont certains sont représentés à la séance en cours. L'établissement de ce rapport a été l'occasion d'un véritable dialogue à l'échelle nationale sur les droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte. Le Comité a certainement noté qu'il y a aux Philippines des bases législatives solides pour faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels et promouvoir le bien-être de tous les Philippins dans un cadre démocratique reposant sur la Constitution nationale. Les textes de loi et les articles de la Constitution cités dans le rapport dont est saisi le Comité témoignent de l'attachement des Philippines aux droits énoncés aux articles 10 à 12 du Pacte.

4. La situation économique s'est améliorée aux Philippines au cours des dernières années. Entre 1993 et 1994, le taux de croissance du PNB est passé de 2,6 % à 5,1 %, le taux de croissance du PIB de 2,1 % à 4,3 %, le coefficient du service de la dette de 41 % à 34 % et le rapport du service de la dette extérieure aux exportations de 35 % à 18 %. La part du budget national consacrée aux services sociaux est passée de 19 % en 1983 à 26 % en 1995, tandis que la part consacrée à la défense nationale est restée stable (7 % en 1994).

5. Sur le plan démographique, la population rurale est passée, entre 1970 et 1994, de 27,5 à 37 millions et la population urbaine de 13 à 30 millions. En 1994, la population rurale représentait donc environ 54 % du total et la population urbaine environ 46 %. L'accroissement moyen de la population au cours des 21 dernières années a été d'environ 6 % dans les zones urbaines contre 1 % dans les zones rurales. L'augmentation de la population dans les zones urbaines est due au manque d'emplois dans les zones rurales et aux difficultés rencontrées en matière de planification de la famille dans les taudis surpeuplés. Le gouvernement a adopté des programmes de décentralisation des industries à l'échelle régionale pour résoudre ce problème d'exode rural.

6. En 1988, la répartition des revenus était très inégale, avec 50 % des revenus pour les 20 % d'habitants les plus riches et 20 % des revenus pour les 5 % d'habitants les plus pauvres. Depuis, la situation a dû s'améliorer parce que la proportion de familles vivant en dessous du seuil de pauvreté a légèrement diminué (à peu près 40 % en 1994 contre 50 % en 1987). Le taux d'accroissement démographique aux Philippines (environ 2,3 %) est l'un des plus élevés des pays de l'Asie du Sud-Est. Il a récemment diminué légèrement grâce au programme de planification familiale mis en oeuvre par le gouvernement. Ce programme a cependant suscité une certaine opposition de la population, dont la majorité est de confession catholique romaine. En 1994, le PNUD a approuvé un montant de 30 millions de dollars pour la réalisation d'un projet de planification familiale sur cinq ans.

7. Le taux de chômage est passé de 10,7 % en 1992 à 8,8 % en 1995. Le taux de sous-emploi est à l'heure actuelle de 18,6 %, soit le plus faible enregistré depuis 1987. De nouveaux emplois sont créés dans l'industrie, tandis que le nombre d'emplois diminue dans l'agriculture.

8. Les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels les Philippines ont adhéré sont appliqués par le biais des divers textes législatifs mentionnés dans le rapport et ses annexes. Toute violation de la législation en vigueur peut donner lieu à une action en justice ou à l'obtention d'une assistance de la Commission philippine des droits de l'homme, organisme public indépendant. Lorsque la législation visant à donner effet à un instrument est insuffisante, l'instrument lui-même a le statut d'une loi et peut donc être invoqué devant les tribunaux. La Commission philippine des droits de l'homme mène une campagne d'information dans les diverses régions et publie des informations, tant en anglais que dans les divers dialectes. Elle a récemment reçu un prix de l'UNESCO pour son programme d'éducation relatif aux droits de l'homme.

9. La loi sur le rôle des femmes dans le développement et l'édification du pays (loi de la République No 7192) renforce l'engagement pris par le gouvernement en vue de tenir compte des questions relatives aux femmes dans l'ensemble des politiques et programmes de développement, en permettant notamment à la femme qui ne travaille pas de bénéficier de la sécurité sociale par le biais de son conjoint qui travaille, jusqu'à concurrence de la moitié du salaire et des allocations de celui-ci.

10. En ce qui concerne la protection de la famille, des mères et des enfants, on note en particulier que les relations entre mari et femme sont menacées par quatre facteurs : le travail des femmes, l'emploi à l'étranger d'un des conjoints, l'infidélité et la dissolution du lien conjugal. Le divorce est interdit en toutes circonstances, mais la séparation légale est autorisée. Par ailleurs, le Code de la famille contient des dispositions plus libérales en matière de dissolution du mariage que le Code civil. Des projets de loi ont été présentés sur le divorce, mais l'Eglise y est très opposée. Le Président Ramos a récemment interdit aux femmes philippines de se rendre dans certains pays pour y travailler comme domestiques. Il a aussi fait des déclarations en faveur du maintien du rôle traditionnel des femmes à l'égard de leurs enfants. Ainsi, le nombre de femmes philippines allant travailler comme domestiques dans des pays à haut risque a diminué de 50 %, mais elles sont plus nombreuses à partir vers des pays plus hospitaliers. Le nombre de femmes philippines allant travailler à l'étranger dans le secteur du spectacle est passé de 10 000 par an à 698 en 1995.

11. La question de la violence dans la famille a aussi été abordée. En vertu d'une loi récemment adoptée, tous les actes de harcèlement sexuel sont illégaux. En outre, selon un nouveau projet de loi, des peines pourraient être infligées aux maris qui battent ou violent leur femme.

12. Les Philippines ont adopté un plan national d'action pour la famille réaffirmant l'importance de celle-ci comme institution de base de la société philippine et comme cadre tout désigné pour les soins aux enfants. Depuis la ratification par les Philippines de la Convention relative aux droits de l'enfant, de nouvelles lois ont été adoptées en faveur des enfants. Ainsi, la loi de la République No 6972 sur la protection et le développement total des enfants dans les barangays (villages) prévoit l'élaboration de plans au niveau des villages pour les enfants de zéro à six ans et la création de garderies dans chacun des 42 000 villages que comptent les Philippines. A la fin de 1994, il y avait 27 538 garderies, soit deux fois plus qu'à la fin de 1992. Une formation sur les droits des enfants, le dépistage précoce des invalidités et les violences à l'encontre des enfants est désormais dispensée aux responsables des garderies.

13. En 1994, des activités rémunératrices et des possibilités d'emplois ont été offertes à plus d'un million de Philippins des zones rurales dans le cadre du Programme Kabuhayan 2000, visant à aider les familles à mieux s'occuper de leurs enfants. Les conseils de village pour la protection des enfants et une ligne ouverte spéciale (Bantay-bata hotline) restent des moyens importants pour signaler rapidement les cas de violences contre des enfants, ce qui permet, le cas échéant, d'intervenir promptement. D'importantes réformes de l'éducation ont été mises en oeuvre depuis juillet 1992 pour assurer l'accès de tout enfant philippin à un enseignement de qualité, à des loisirs et à des activités culturelles. Des mesures administratives ont été prises pour qu'au moins 92,5 % des enfants d'âge scolaire aillent à l'école et qu'au moins 76,5 % d'entre eux y restent suffisamment longtemps pour achever leurs six années d'enseignement primaire obligatoire. L'âge d'entrée au niveau 1 a été abaissé à six ans. Des activités préscolaires sont maintenant intégrées dans les six premières semaines du niveau 1.

14. L'enseignement des droits de l'enfant a été incorporé aux programmes de formation des enseignants aux niveaux primaire et secondaire. Des centres d'apprentissage non traditionnels tels que des musées pour enfants complètent l'enseignement scolaire officiel. D'autres mesures sont prises pour répondre aux besoins des enfants des rues, des enfants qui travaillent et d'autres enfants en situation particulière. Des programmes d'alphabétisation informels visent les jeunes non scolarisés et les adultes analphabètes, tout particulièrement les mères de famille. Pour faire face à l'augmentation du nombre de cas de violences dont sont victimes les enfants et remédier aux insuffisances des services destinés à promouvoir et à protéger leurs droits, un Centre pour les droits de l'enfant a été récemment créé, sous les auspices de la Commission philippine des droits de l'homme.

15. La notion de droit à un niveau de vie suffisant est relative. Elle dépend de l'expérience sociopolitique de la population. La recherche d'une amélioration du niveau de vie pour un nombre croissant de personnes dans une économie fortement dépendante des ressources naturelles contribue fortement à la détérioration de l'environnement. Avant de créer certaines industries, il faut donc évaluer leurs effets sur l'environnement et c'est pourquoi le gouvernement a créé le Conseil philippin pour le développement durable. En 1986, il a mis en place la Commission pour les citadins pauvres à laquelle a succédé la Commission présidentielle de lutte contre la pauvreté. Le plan de développement à moyen terme pour 1993-1998 a pour objectif général d'améliorer la qualité de vie de tous les Philippins en donnant des moyens d'agir à la population. Parmi les objectifs de croissance macro-économique pour 1998 figurent un revenu par habitant d'au moins 1 000 dollars par an (il est actuellement de 850 dollars), un taux de croissance du PNB d'au moins 10 % et une réduction à 30 % de la proportion de pauvres. Dans des circonstances particulièrement difficiles, des efforts sont faits pour assurer la sécurité alimentaire des familles en détresse ou déplacées, grâce à une collaboration entre les pouvoirs publics, les ONG et le secteur privé, sous la direction du Ministère de la protection sociale et du développement social.

16. Le gouvernement a par ailleurs manifesté son intention de réduire la pénurie de logements affectant les pauvres en assurant l'accès à des financements et à des prêts qui aideront tout Philippin qui le souhaite à construire une maison pour sa famille. Il rencontre de nombreuses difficultés pour concilier les droits des propriétaires, le droit de la population à un logement adéquat et le droit des personnes touchées par les expulsions à un traitement décent, d'où l'obligation de promouvoir le développement économique en fournissant des services et une infrastructure de base. En s'efforçant de s'acquitter de cette obligation, le gouvernement ne peut parfois pas éviter d'empiéter sur les droits des particuliers. Toutefois, d'importants progrès ont été enregistrés dans le secteur du logement au cours de la première année qui a suivi l'accession au pouvoir du Président Ramos. Dans le cadre du Programme national pour le logement, une assistance a été fournie à 101 580 ménages, soit 85 % de l'objectif global fixé pour 1993. D'autre part, des progrès modestes ont été enregistrés en matière de garantie de la jouissance des terres et dans la fourniture de services d'appui aux bénéficiaires de la réforme agraire pendant la période allant de juillet 1987 à décembre 1992. Mme Bautista renvoit à cet égard à un certain nombre de données figurant dans le rapport des Philippines concernant cette réforme et en particulier la répartition de terres et l'indemnisation des propriétaires fonciers.

17. Dans le domaine de la santé, l'objectif en matière d'immunisation universelle des enfants a été atteint plus rapidement que prévu. Les campagnes de vaccination se poursuivront en 1995. Par ailleurs, de grands progrès ont été enregistrés dans la distribution à grande échelle de micronutriments de complément. On compte maintenant 338 hôpitaux spécialement conçus pour accueillir les mères et les nourrissons. La lutte contre les maladies évitables par la vaccination, les infections respiratoires aiguës et les maladies diarrhéiques, principales causes de mortalité parmi les enfants et les nourrissons, se poursuit. Une réunion s'est récemment tenue à Manille avec la participation de divers organismes gouvernementaux pour élaborer un plan dont l'exécution doit commencer en 1995 et qui vise à assurer un approvisionnement adéquat en eau salubre. Un programme sur cinq ans de détection et de prévention des incapacités chez les enfants de 0 à 6 ans et d'intervention rapide selon les besoins a été entrepris dans 15 régions où les incapacités sont fréquentes. Ce programme s'inscrit dans le plan gouvernemental d'atténuation de la pauvreté. L'objectif final est de rééduquer les enfants pour qu'ils puissent ensuite être intégrés dans les activités scolaires et communautaires. Les efforts faits en matière de soins de santé primaires ont été décrits en détail dans les rapports présentés par les Philippines à l'OMS dans le cadre de l'évaluation périodique de l'application de la stratégie intitulée "La santé pour tous d'ici l'an 2000".

18. Les Philippines se félicitent des progrès qu'elles ont enregistrés mais sont conscientes qu'il reste encore beaucoup à faire. Elles poursuivront leurs efforts pour améliorer la qualité de vie de tous les Philippins et subvenir à leurs besoins fondamentaux.

19. Le PRESIDENT remercie Mme Bautista pour la présentation du rapport des Philippines, au cours de laquelle elle a abordé de nombreuses questions posées dans la liste des points à traiter (E/C.12/1994/W.21).

20. Mme BAUTISTA (Philippines) indique que sa délégation fournira une réponse plus officielle aux questions écrites. Elle est prête à répondre aux questions que les membres du Comité souhaiteraient poser oralement, mais ne dispose pas encore de toutes les données statistiques nécessaires pour répondre à certaines des questions écrites.

21. Le PRESIDENT demande si des membres du Comité souhaitent obtenir des précisions d'ordre général à propos des questions posées dans la liste des points à traiter, en commençant par les questions 1 à 9. La délégation philippine pourra apporter des réponses immédiatement ou un peu plus tard s'il lui faut du temps pour les préparer.

22. M. AHMED demande, à propos des questions 6 et 7 de la liste, si le mandat de la Commission philippine des droits de l'homme couvre seulement les violations des droits civils et politiques et non pas les violations des droits économiques, sociaux et culturels. Selon le numéro du 27 janvier 1993 du Manila Bulletin, la Cour suprême des Philippines aurait déclaré que les droits économiques, sociaux et culturels étaient des droits qui ne pouvaient être invoqués. Dans le même ordre d'idées, la Cour suprême a rejeté une décision de l'OIT concernant le droit de grève. Dans quelle mesure un citoyen philippin peut-il donc s'adresser aux tribunaux et obtenir satisfaction lorsque ses droits fondamentaux sont violés ?

23. Mme BAUTISTA pense que la Cour suprême voulait probablement indiquer que les citoyens philippins ne pouvaient pas simplement s'adresser aux tribunaux en faisant état de violations de leurs droits économiques sans préciser quels étaient les droits en question. Lorsque des traités ont un caractère très général, il faut une législation spécifique pour leur donner effet, faute de quoi on ne peut invoquer en justice les droits qui y sont énoncés.

24. En ce qui concerne le droit de grève, il faudrait en l'occurrence préciser à quelle convention de l'OIT il est fait référence. Il arrive en effet que l'OIT soit saisie d'une plainte pour violation par un Etat de telle ou telle de ses conventions alors même que l'Etat mis en cause ne l'a pas ratifiée.

25. M. AHMED précise que sa question portait sur une décision de l'OIT déplorant le fait que le droit de grève des fonctionnaires de l'enseignement public n'était pas reconnu par la Cour suprême des Philippines.

26. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que le droit de grève est garanti par la Constitution des Philippines sauf dans certains secteurs sensibles, où une grève serait préjudiciable à la communauté tout entière. Cela étant, la décision de l'OIT est quelque peu surprenante car en aucun cas les Philippines n'auraient ratifié une convention autorisant le droit de grève des fonctionnaires.

27. M. ALVAREZ VITA estime qu'il y a une contradiction entre les termes du paragraphe 79 du rapport des Philippines (E/1986/3/Add.17) selon lesquels "les dispositions des instruments relatifs aux droits de l'homme peuvent être invoquées devant les tribunaux philippins" et les explications données oralement par la délégation des Philippines, selon lesquelles le Parlement philippin doit adopter des lois d'application pour que les dispositions du Pacte puissent être invoquées devant les tribunaux. Par ailleurs, en vertu de l'article 2 du Pacte, les Philippines se sont engagées à assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte par tous les moyens appropriés, "y compris en particulier l'adoption de mesures législatives". Par conséquent, M. Alvarez Vita souhaite savoir avec précision quels sont les droits, consacrés par le Pacte, que le droit interne philippin garantit.

28. Mme BAUTISTA (Philippines) rappelle que la Constitution stipule que les traités ont force de loi pour autant qu'ils soient suffisamment clairs. Si ce n'est pas le cas, il est indispensable d'adopter des lois ou des règlements d'application. Lorsqu'un traité est suffisamment clair, ses dispositions peuvent être invoquées directement devant les tribunaux. Mme Bautista ne saurait répondre avec précision à la question de M. Alvarez Vita mais pense que la plupart des droits consacrés par le Pacte sont couverts par des lois ou des règlements d'application.

29. M. GRISSA croit comprendre qu'une grève susceptible de mettre l'ordre public ou la sécurité nationale en péril peut être interdite. De telles dispositions posent la question de la définition de l'ordre public. En effet, on peut s'étonner du fait que les autorités philippines considèrent qu'une grève d'enseignants est susceptible de porter atteinte à l'ordre public.

30. Mme BAUTISTA (Philippines) précise qu'avant d'interdire une grève, le Ministre du travail doit demander aux tribunaux qu'une procédure de médiation soit ordonnée. Par ailleurs, la grève d'enseignants dont il a été question a duré de nombreux mois et a donc affecté le droit des enfants philippins à un enseignement de qualité. En outre, le principe qui sous-tend la législation philippine à cet égard est que les fonctionnaires doivent se consacrer au bien-être de la communauté, ce qui n'est pas toujours compatible avec le droit de grève.

31. M. GRISSA se demande dans quelle mesure la protection des droits de la communauté autorise la violation des droits d'une minorité.

32. Mme BAUTISTA (Philippines) considère que lorsque la communauté est en danger, il est légitime de ne pas tenir compte des droits de certaines minorités. C'est ainsi, par exemple, que les autorités philippines ont été amenées à expulser certaines personnes qui vivaient illégalement dans des lieux réservés aux installations de retenue d'eau. L'eau potable risquait d'être polluée, ce qui aurait causé un préjudice important à l'ensemble de la communauté.

33. M. SIMMA estime que les réponses concernant la manière dont les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sont incorporés dans la législation interne ne sont pas satisfaisantes. Il semble, en effet, qu'il y ait une contradiction entre le paragraphe 79 du rapport, selon lequel "les Philippines ... souscrivent aux principes généralement acceptés du droit international en tant que dispositions du droit interne, ce qui signifie que les dispositions des instruments relatifs aux droits de l'homme peuvent être invoquées devant les tribunaux philippins ou les autorités administratives et appliquées directement par eux", et les explications apportées oralement par la délégation philippine. En effet, les constitutions de nombreux pays comportent des dispositions générales de ce type, qui ne s'appliquent généralement pas aux traités mais plutôt aux règles coutumières de droit international et aux autres sources du droit international général. En revanche, selon les explications de la délégation philippine, les traités sont assimilés à des lois nationales mais ne peuvent être invoqués directement que s'ils sont suffisamment clairs. Or, M. Simma a cru comprendre que les autorités philippines considéraient que le Pacte, dans son ensemble, n'était pas suffisamment clair pour pouvoir être invoqué directement devant les tribunaux. Il semble cependant que les dispositions de l'article 8 du Pacte, selon lesquelles les Etats parties s'engagent à assurer "le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque pays" ou celles de l'article 13, selon lesquelles les Etats parties reconnaissent que "l'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous", par exemple, sont des dispositions extrêmement concrètes. Si le Gouvernement philippin n'avait pas voulu appliquer ces dispositions, il avait la possibilité de formuler une déclaration ou une réserve au moment où il a ratifié le Pacte, ce qu'il n'a pas fait. La délégation philippine considère-t-elle dès lors que l'ensemble du Pacte n'est pas directement applicable, ce qui signifierait qu'il n'a une incidence sur l'ordre juridique interne que dans la mesure où l'une ou l'autre loi réglemente tel ou tel de ses aspects ? Par ailleurs, M. Simma souhaite connaître la position du Gouvernement philippin à l'égard des recommandations formulées par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme sur l'élaboration d'un protocole facultatif se rapportant au Pacte. En effet, la position logique du Gouvernement philippin, qui semble estimer que le Pacte dans son entièreté n'est pas directement applicable et ne peut être invoqué devant les tribunaux, serait en apparence de rejeter l'idée d'un tel protocole.

34. Mme BAUTISTA (Philippines) confirme que les principes généralement acceptés du droit international s'appliquent aux règles coutumières de droit international. Un traité ratifié par les Philippines ne s'applique en effet directement que si ses dispositions sont suffisamment claires. Lorsque c'est le cas, le traité en question remplace les lois existantes en la matière et peut être invoqué devant les tribunaux. A cet égard, il convient de reconnaître que certaines dispositions du Pacte sont très générales et nécessitent l'adoption de dispositions législatives supplémentaires. Peut-être les autorités philippines et le Comité interprètent-ils différemment le Pacte mais, dans ce cas, il appartient au Comité de le faire savoir à la délégation qui en informera les autorités compétentes. Enfin, les Philippines soutiendront l'adoption d'un protocole facultatif dans la mesure où il facilitera la compréhension des dispositions du Pacte.

35. M. ADEKUOYE dit que, comme l'ont constaté de nombreuses instances internationales, le service de la dette extérieure empêche les gouvernements de nombreux pays en développement de répondre aux besoins de leur population. Il demande à cet égard quelles mesures ont été prises aux Philippines pour diminuer le service de la dette extérieure au cours des dernières années. Par ailleurs, depuis la fin de la guerre froide, il s'est avéré qu'il était possible de diminuer les dépenses d'armement afin de libérer des ressources en faveur du développement. Le Comité est conscient des difficultés rencontrées par les autorités philippines qui doivent faire face à une rébellion dans certaines parties du pays, mais il n'en reste pas moins que le niveau des dépenses militaires semble très élevé. Quelle est la proportion du budget de l'Etat qui a été consacrée aux dépenses d'armement au cours des dernières années ?

36. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que les autorités de son pays se sont demandé s'il ne fallait pas refuser de payer la dette extérieure comme certains pays l'ont fait. Le gouvernement a cependant décidé qu'il serait plus judicieux de rembourser la dette extérieure, d'autant que le pays a besoin, pour fonctionner, de crédits à moyen et à court terme. Même si bon nombre de pays voisins des Philippines ont une dette extérieure plus importante, le budget philippin est lourdement grevé par le service de la dette. Cela étant, les dépenses publiques ayant diminué, le budget de l'Etat a été équilibré en 1994 et devrait être excédentaire en 1995. Par ailleurs, le budget de la défense est passé entre 1993 et 1995 de 7,8 % à 7,4 % du budget total de l'Etat.

37. M. ADEKUOYE croit comprendre que les Philippines n'ont pas bénéficié du plan adopté par l'administration Bush et soutenu par le FMI prévoyant la réduction de la dette extérieure de certains pays, dans certaines circonstances particulières et pour autant qu'un programme d'ajustement social soit mis en oeuvre.

38. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que les Philippines n'ont pas bénéficié d'une annulation totale de leur dette extérieure mais que certains pays en particulier ont accepté de l'alléger.

39. M. MARCHAN ROMERO est particulièrement surpris de constater que le Gouvernement Philippin considère que les dispositions du Pacte sont abstraites. En tout état de cause, mëme si telle est la position des autorités philippines, l'article 2 leur fait néanmoins obligation de prendre les dispositions législatives nécessaires à son application.

40. Mme BAUTISTA (Philippines) ne considère pas que l'entièreté du Pacte soit abstraite mais estime qu'il faut bien reconnaître que certaines dispositions sont trop vagues, ce qui explique pourquoi il s'est avéré nécessaire d'adopter des dispositions législatives complémentaires.

41. Le PRESIDENT dit que si le débat reste général le Comité ne sera pas en mesure de tirer des conclusions. Il est donc nécessaire, dans le cadre d'un dialogue constructif, que la délégation philippine fournisse des réponses plus précises aux questions des membres du Comité.

42. M. RATTRAY se demande dans quelle mesure les dispositions du Pacte ont été incorporées dans le droit interne et sont applicables dans le pays. En effet, à la lecture des paragraphes 79 et 80 du rapport des Philippines (E/1986/3/Add.17), il semble que les droits civils et politiques occupent une place privilégiée par rapport aux droits économiques, sociaux et culturels. En outre, le Pacte contient des dispositions auxquelles il est impossible de déroger. Ainsi, l'article 2 prévoit l'obligation, pour tous les Etats parties, y compris en conséquence pour les pays en développement, d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans cet instrument. Le Gouvernement philippin admet-il, en matière de droits de l'homme, une norme à laquelle il est impossible de déroger ? S'est-il fixé des objectifs dans le temps en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte ? Les tribunaux philippins ont-ils été saisis d'affaires dans lesquelles l'un quelconque des droits reconnus dans le Pacte a été directement invoqué ?

43. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que la Cour suprême est saisie d'une affaire mettant en cause le programme de vaccination du Ministère de la santé, et que cette affaire est pendante. En ce qui concerne la législation en vigueur, l'annexe A du rapport des Philippines contient une liste de 102 textes de loi énonçant les dispositions par lesquelles les Philippines s'acquittent de leurs obligations en vertu du Pacte. Par ailleurs, les Philippines étant un pays démocratique, les tribunaux sont naturellement saisis de nombreuses affaires liées aux droits de l'homme, et nombre d'entre elles sont encore pendantes devant les tribunaux.

44. Le PRESIDENT dit que le Comité attendait une réponse claire et précise sur le point de savoir si les tribunaux avaient été saisis d'une ou plusieurs affaires ayant trait aux droits de l'homme au cours desquelles le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels aurait été invoqué. Il est loisible à la délégation philippine d'y répondre ultérieurement ou de fournir une réponse par écrit.

45. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que, dans les affaires liées aux droits de l'homme, il arrive qu'à la fois un texte de loi particulier et le Pacte soient invoqués. Dans la réponse à fournir au Comité, faudra-t-il s'en tenir aux cas où seul le Pacte est invoqué ?

46. Le PRESIDENT aimerait savoir si, parmi la centaine de textes de loi qui ont été mentionnés par les Philippines, il en existe certains qui font spécifiquement référence au Pacte. Par ailleurs, il serait intéressant d'avoir des exemples précis d'affaires dans lesquelles les dispositions du Pacte ont été expressément invoquées.

47. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que, certes, il existe des textes de loi qui font référence aux dispositions du Pacte et que, parmi les affaires pendantes, il en est certaines dans lesquelles le Pacte a été invoqué, mais qu'il serait long et difficile d'en dresser une liste précise.

48. Le PRESIDENT dit que le Comité ne verrait aucune objection à ce que le Gouvernement philippin réponde ultérieurement aux questions qui lui sont posées. Du reste, il devrait être relativement facile aux juristes compétents d'indiquer quels sont les textes de loi dans lesquels le Pacte est mentionné expressément, si les dispositions du Pacte sont appliquées au niveau interne et si, à leur connaissance, ces dispositions ont été invoquées de manière significative ces dernières années.

49. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que le Gouvernement philippin communiquera au Comité les textes de loi les plus récents dans lesquels il est fait mention des dispositions du Pacte. Néanmoins, elle rappelle que de nombreux autres textes de loi, conformes au Pacte, étaient déjà en vigueur avant que les Philippines n'aient ratifié cet instrument.

50. Le PRESIDENT dit que, dans ses travaux, le Comité ne dissocie pas la loi de la pratique. Certes, la pratique constitue en dernière analyse l'aspect le plus important, mais les obligations énoncées dans le Pacte ne peuvent être respectées que dans le cadre de l'application de lois ou de dispositions juridiques dont il importe de rendre compte devant le Comité.

51. M. WIMER dit que la question posée par M. Alvarez Vita n'a pas reçu de réponse précise. Il est certes important de savoir que le gouvernement applique le Pacte, mais il faudrait connaître aussi les mécanismes grâce auxquels le Pacte peut s'appliquer.

52. M. AHMED estime, lui aussi, qu'il importe que la délégation philippine réponde clairement aux questions qui lui sont posées. Par ailleurs, des ONG philippines ont fait savoir au Comité qu'il existait dans le pays deux organismes de défense des droits de l'homme, la Commission des droits de l'homme et le Comité présidentiel des droits de l'homme, et que leur mandat se limitait à la défense des droits civils et politiques. L'une de ces ONG, The Flag, a indiqué que la Constitution des Philippines ne reconnaissait pas les droits économiques, sociaux et culturels.

53. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que les droits économiques sont énoncés clairement dans la Constitution.

54. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO souhaiterait que le Gouvernement philippin fournisse au Comité une liste des arrêts de la Cour suprême dans lesquels les droits économiques, sociaux et culturels sont reconnus.

55. M. ALVAREZ VITA demande au secrétariat quand la liste des points à traiter (E/C.12/1994/WP.21), datée du 11 janvier 1995, a été remise au Gouvernement philippin. En effet, si ce dernier ne l'a pas reçue à temps, cela pourrait expliquer la situation ambiguë dans laquelle se trouve à présent le Comité.

56. S'adressant à la délégation philippine, M. Alvarez Vita demande des précisions sur le statut juridique des traités. En effet, selon la délégation philippine, "un traité révoque une loi en vigueur". Quel serait en conséquence le statut d'une loi adoptée après la ratification du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ?

57. M. TIKHONOV (Secrétariat), répondant à la première question de M. Alvarez Vita, dit que la liste écrite des questions a été envoyée à tous les pays concernés au début du mois de janvier.

58. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que, en réponse aux questions écrites posées à la section I de la liste des points à traiter, le gouvernement a donné des indications aux annexes B et C de son rapport. En ce qui concerne plus précisément les textes de loi concernés, l'annexe A en donne une liste complète. Pour ce qui est des voies de recours disponibles pour faire valoir les droits de l'homme, il en est rendu compte dans le corps du rapport.

59. Mme Bautista ajoute que plus de 100 textes de loi, dont certains sont antérieurs à la ratification du Pacte, sont conformes aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Quant à la question de savoir si un nouveau texte de loi peut prévaloir sur un traité en vigueur, la réponse est affirmative, mais si une telle décision était prise, les Philippines s'exposeraient à des sanctions. Par ailleurs, il n'est pas demandé au Gouvernement philippin, dans la liste des questions qui lui est parvenue, d'indiquer les cas où le Pacte a été mentionné ou invoqué expressément. Enfin, Mme Bautista suggère que le Comité pose à la délégation philippine des questions se rapportant à des droits précis afin que les membres compétents de la délégation puissent intervenir.

60. Le PRESIDENT dit que la liste des questions envoyée aux délégations, qui ne sert que de point de départ au dialogue entre celles-ci et le Comité, n'est en aucun cas exhaustive. Il invite le Comité à passer à l'examen de la section du rapport portant sur l'article 10 du Pacte (questions 10 à 21 de la liste).

61. Mme BAUTISTA (Philippines) dit que le divorce reste interdit dans son pays, mais que les couples peuvent demander l'annulation de leur mariage ou une séparation légale. Le Congrès est saisi depuis plusieurs années de projets de loi tendant à autoriser le divorce, mais ces projets ont toujours été rejetés parce que la population est catholique en très grande majorité. Toutefois, il y a eu des cas d'annulation de mariage et désormais les violences à l'endroit du conjoint figurent parmi les motifs légaux d'annulation.

62. M. GRISSA croit comprendre qu'aux Philippines le divorce est reconnu, mais non autorisé, et il voit là une subtilité curieuse. Par ailleurs, quelle serait la situation des enfants d'un homme qui aurait vécu en couple avec plusieurs femmes successivement, mais dont il n'aurait pas pu divorcer ?

63. M. WIMER dit que la question du divorce est effectivement importante dans les pays de culture catholique, où le mariage religieux est privilégié par rapport au mariage civil. Dans les pays catholiques hispaniques, en particulier, la question soulève des difficultés sur le plan social et juridique. Aux Philippines, la notion d'annulation du mariage est-elle entendue au sens du droit civil ou bien au sens canonique, c'est-à-dire qu'elle est prononcée sur décision de l'Eglise de Rome ? Quand on sait bien que seuls les grands et les puissants de ce monde peuvent faire annuler leur mariage à Rome, l'annulation canonique du mariage est-elle exigée par les autorités philippines pour en prononcer l'annulation civile ? Comment le gouvernement traite-t-il, par ailleurs, les personnes non divorcées, mais séparées ? En Argentine par exemple, où le divorce a été d'abord accepté, puis refusé et accepté de nouveau, le Ministère des relations extérieures a été confronté à une situation délicate s'agissant de l'accréditation des compagnes de certains diplomates.

64. M. CEAUSU relève dans la section II du rapport des Philippines qu'il est prévu une protection spéciale des enfants contre l'exploitation sociale et économique : le Code du travail interdit le travail des enfants de moins de 15 ans, diverses lois interdisent l'emploi des enfants dans des travaux dangereux et des programmes sont spécifiquement prévus pour les enfants employés dans certaines branches d'activité. Toutefois, il est également dit que les moyens manquent pour protéger d'une manière plus efficace les enfants qui travaillent (par. 235) et que souvent ce sont des organisations non gouvernementales et des organisations communautaires qui alertent les services pertinents (par. 222). Doit-on en déduire que le Gouvernement philippin a une attitude quelque peu passive puisqu'il adopte des lois et élabore des programmes, mais sans aller au-delà ? Dans leurs objectifs futurs dans ce domaine (par. 237) les autorités prévoient une application rigoureuse des lois en vigueur, l'adoption de lois supplémentaires, l'élaboration d'une éthique du travail et la mise en place de programmes de psychothérapie et de réadaptation pour les parents de certains enfants, notamment, mais rien n'est dit au sujet du renforcement des mécanismes ou des organes de l'Etat chargé de surveiller l'application des dispositions pertinentes au niveau des entreprises.

65. M. WIMER dit qu'il a cherché en vain dans le rapport des chiffres sur les enfants employés illégalement. Il se demande aussi pourquoi les statistiques fournies au paragraphe 223 concernant la participation des enfants à la main-d'oeuvre portent sur les enfants âgés de 10 à 14 ans, alors que l'âge minimum du travail est fixé à 15 ans. Il est dit plus loin (par. 234) que ceux qui emploient des enfants doivent obtenir une autorisation auprès du Ministère du travail et de l'emploi, mais combien d'autorisations de cet ordre ont-elles été délivrées ? Il semble enfin un peu simpliste de dire (par. 236) que l'exploitation économique des enfants est liée à l'état de l'économie. Ne faudrait-il pas mentionner aussi l'attitude des familles et de la société et une certaine tolérance des autorités ?

66. M. ALVAREZ VITA souscrit aux observations de M. Wimer sur le problème du divorce dans les pays de culture hispanique. Quand la représentante des Philippines a parlé de l'influence décisive, à cet égard, d'une population en très grande majorité catholique, sans doute se référait-elle aux catholiques romains, non aux catholiques orientaux. Par ailleurs, le mariage peut-il être annulé sur le plan simplement civil, ou l'annulation doit-elle avoir été prononcée par les autorités de l'Eglise de Rome, et existe-t-il des registres d'état civil parallèles aux registres religieux ? S'agissant des musulmans, lorsqu'un divorce est prononcé conformément au Code islamique quel effet la décision a-t-elle sur le plan civil ? Enfin, la loi différencie-t-elle entre les enfants nés d'une union légitime et les enfants nés hors mariage ?

67. M. ADEKUOYE se demande, quant à lui, s'il n'y aurait pas un lien entre les tendances apparaissant actuellement aux Philippines concernant la famille et le mariage telles qu'elles sont décrites au paragraphe 128 du rapport et le fait que dans ce pays le divorce ne soit toujours pas admis ?

68. Mme JIMENEZ BUTRAGUEÑO aimerait savoir si le mariage civil est reconnu aux Philippines et si les personnes athées, par exemple, peuvent se marier civilement uniquement. La multiplication des couples vivant en union libre n'est-elle due aux conditions imposées concernant le mariage ?

69. Mme BAUTISTA (Philippines) précise qu'aux Philippines, l'Eglise et l'Etat sont séparés. Les prescriptions concernant le mariage régissent donc le mariage civil, et non le mariage religieux. Le droit coranique autorise effectivement le divorce entre conjoints musulmans, mais dans la loi philippine, seule la séparation au sens du droit canonique est explicitement prévue. A l'heure actuelle, on compte dans la population plus de 80 % de catholiques romains, 10 % de protestants et confessions assimilées et 5 % de musulmans. Les personnes athées peuvent certainement se marier puisque encore une fois, l'Etat et l'Eglise sont séparés.

70. Mme MALLARE (Philippines) dit que les tentatives successives faites pour modifier la législation relative au divorce ont échoué au Congrès en raison notamment de l'opposition de l'Eglise catholique. On s'accorde aussi à reconnaître que le divorce a un coût social élevé. Le nouveau Code de la famille consacre donc le mariage comme un engagement sacré et comme une institution sociale qu'il est nécessaire de protéger. Même si d'autres pays suivent à cet égard une évolution différente, le Code stipule que les conjoints doivent impérativement être de sexe masculin et féminin. L'âge minimum du consentement au mariage est fixé à 18 ans, sinon le consentement des parents ou des tuteurs est exigé. Alors que dans le passé les couples pouvaient être mariés par le maire, désormais seuls les juges ou les ministres du culte légalement autorisés peuvent célébrer le mariage.

71. Le nouveau Code de la famille reconnaît aux enfants nés hors mariage les mêmes droits qu'aux enfants nés de couples mariés. En ce qui concerne la séparation de corps, il a déjà été dit qu'elle pouvait être accordée si l'un des conjoints est un alcoolique invétéré, en cas d'infidélité, lorsqu'il y a abandon du domicile conjugal pendant une durée de plus d'un an et lorsque sont exercées des violences physiques ou des pressions morales, par exemple pour amener le conjoint à changer de religion ou d'affiliation politique. L'action du gouvernement ne se limite pas, à cet égard, aux activités des seuls services de protection sociale et il est entrepris notamment des enquêtes officielles, par exemple sur la situation des femmes. Il y a lieu de préciser enfin qu'en 1992, 393 cas de violence dans la famille ont été portés devant les tribunaux.

72. M. WIMER ne comprend pas très bien comment la distinction est faite aux Philippines entre mariage religieux et mariage civil dans le cas spécifique des musulmans, puisque, si les autorités religieuses musulmanes accordent le divorce, celui-ci est reconnu par l'Etat. Faut-il en déduire que l'Etat reconnaît les décisions des autorités d'une confession et non d'une autre ?

73. Mme BAUTISTA (Philippines) explique que dans son pays le Code islamique est assimilé à une loi et non à un code religieux. Les neuf provinces du Sud à majorité musulmane sont régies par ce code, considéré simplement comme un système juridique différent.

74. M. GRISSA aimerait avoir des précisions sur les différences existant, au sens juridique, entre le divorce et la séparation légale. Par ailleurs, en cas de mariage mixte entre un musulman et un non-musulman, quelle est la loi appliquée ?

75. M. TEXIER ne voit pas très bien comment la délégation philippine peut affirmer qu'aux Philippines l'Eglise et l'Etat sont séparés alors que, s'agissant des musulmans, la loi religieuse est prise en compte, notamment pour reconnaître le divorce. Il a également été dit que l'Eglise catholique s'était opposée à l'adoption de plusieurs projets de lois visant à légaliser le divorce. Si l'Eglise intervient dans des questions soumises aux parlementaires, il n'y a apparemment plus de séparation entre l'Eglise et l'Etat.


La séance est levée à 13 heures.

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